agir n° 2 - 2/2011

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agir››››››››››› LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 2 | 2 / MAI 2011

Haïti : Un an après le séisme, enfin un toit sur la tête


ÉDITORIAL

SOMMAIRE

19 juin 2011 Dimanche des réfugiés

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Les événements de ce printemps en Afrique du Nord ont relancé en Suisse le débat sur la migration et la peur d’un afflux massif de réfugiés. Nous partageons l’espoir de démocratisation des populations qui ont manifesté au péril de leur vie, nous compatissons à la souffrance du peuple libyen qui subit la guerre et les violences d’un régime dictatorial et aveugle. Mais, si l’on en croit les médias, pour beaucoup, la principale préoccupation est l’arrivée possible d’un nombre important de migrantes et migrants en provenance de ces pays. La barque serait déjà pleine, et risquerait même de couler ! Comme chaque année en juin a lieu la Journée mondiale des réfugiés. Sa célébration permet de rappeler un certain nombre de faits. Par exemple, que les personnes qui relèvent du domaine de l’asile en Suisse représentent moins de 1% de la population. Ou que lorsque les personnes doivent fuir leur lieu d’habitation, elles fuient d’abord à l’intérieur des frontières de leur pays, et ensuite seulement dans les pays voisins. Très peu arrivent en Europe, et quand c’est le cas, c’est souvent au prix d’un trajet dangereux et difficile, pour se trouver confrontées à une série d’obstacles légaux et administratifs qui aboutit, le plus souvent, au rejet de la demande d’asile. Le dimanche des réfugiés constitue également l’occasion de mieux appréhender les raisons qui poussent les gens sur la route de l’exil. Etienne Piguet, l’invité de cette deuxième édition d’agir, aborde la question des « vrais et des faux réfugiés » et met ces notions en perspective. La responsable du Service d’aide juridique des exilés de l’EPER relate, par des exemples concrets, les problèmes de vraisemblance auxquels sont confrontés les requérants d’asile dans leur procédure d’admission et explique à quel point il est important de pouvoir jouir d’une procédure équitable respectant les droits fondamentaux d’être entendu et défendu. Finalement, le dimanche des réfugiés nous donne une opportunité de manifester notre solidarité envers les personnes qui ont besoin de protection. Là-bas, sur place, en offrant des perspectives d’avenir durable comme en Colombie (pp. 8-9) ou en apportant une aide humanitaire à la reconstruction comme c’est le cas en Haïti (pp. 6-7). Mais aussi ici, en Suisse, en aidant les personnes amenées à rester, pour que leur intégration dans leur nouveau pays de résidence soit favorisée par un accueil ouvert et des conditions qui leur permettent de donner le meilleur d’elles-mêmes à notre société (pp. 10-11). C’est ce à quoi s’attelle l’EPER chaque jour grâce à votre soutien.

Quel crédit donner à un récit ?

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L’invité

Chantal Varrin Responsable du département projets Suisse

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Editorial Dimanche des réfugiés

Etienne Piguet

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Collaboration avec les Eglises

Nouveau concept

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Aide humanitaire

Reconstruction en Haïti

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Développement des communautés rurales

Plus qu’une chèvre, un avenir

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Intégration sociale en Suisse

Regards croisés

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A ne pas manquer

En couverture  Renause Suffy, bénéficiaire du projet de reconstruction en Haïti. Photo : Andreas Schwaiger

IMPRESSUM AGIR N°2, MAI 2011 Paraît 4 fois par an Editeur : EPER Rédacteur en chef : Olivier Graz Rédaction : Joëlle Herren Laufer Conception graphique : Herzog Design, Zurich Impression : Jordi, Belp Tirage : 20 000 exemplaires Abonnement : CHF 10, déduits une fois par an de vos dons Adresse : Bd de Grancy 17 bis, case postale 536, 1001 Lausanne Téléphone : 021 613 40 70 Fax : 021 617 26 26 Internet : www.eper.ch E-mail : info@eper.ch CP pour les dons : 10-1390-5

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Photo : Didier Varrin

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DIMANCHE DES RÉFUGIÉS

Photo : EPER

Quel crédit donner à un récit ?

En matière de procédure d’asile, les premières auditions sont cruciales. Le Service d’aide juridique aux exilés (SAJE) repris récemment par l’EPER aide les requérants à apporter des preuves à leurs récits, à expliquer des contradictions et à faire des recours. CHLOÉ BREGNARD ECOFFEY, RESPONSABLE DU SAJE

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ne femme mariée de force à 14 ans, mère de deux enfants avant l’âge adulte, battue, puis prise dans un réseau de prostitution forcée a raconté son histoire lors d’une audition pour demander l’asile. Son récit a été jugé invraisemblable par l’Office fédéral des migrations (ODM), notamment parce qu’elle n’a pas pu donner la date de son mariage, alors qu’un recoupement de son âge et de celui de ses filles faisait d’elle une mère à 14 ans. Le SAJE a aidé cette femme à faire recours contre cette décision négative. Le recours est toujours pendant auprès du Tribunal administratif fédéral, mais l’aspect médical – cette personne est en grave dépression et est séropositive – a mieux été pris en compte par l’ODM. Dans tous les cas, cette femme peut rester en Suisse tant que sa santé ne peut pas être prise correctement en charge dans son pays d’origine. Un récit précis et détaillé qui se corrobore entre deux auditions peut aussi être jugé invraisemblable car considéré comme contraire à « l’expérience générale de la vie ». Il en a été ainsi de l’histoire d’un militant politique du principal parti d’opposition de son pays. Après une première période de militance, cet homme avait fui sa patrie plusieurs années et était revenu avant les élections de 2010, dans lesquelles il s’était vivement engagé. Il avait ensuite été averti par un militaire qu’il devait fuir à nouveau, ses jours étant comptés. Ces deux éléments ont été jugés contraires à l’expérience

générale de la vie. Pour l’ODM, on ne revient pas dans un lieu où l’on a risqué sa vie et un militaire proche du parti en place n’aide pas une personne du parti opposé. L’action du SAJE a dans ce cas été déterminante. Quelques mois après la décision négative de l’ODM, les témoignages de l’épouse et de l’avocat de l’homme, ainsi qu’un mandat d’arrêt à son encontre ont permis au SAJE d’ouvrir une nouvelle procédure. Cette personne a depuis obtenu un statut de réfugié. La peur, la honte, le stress, la méfiance vis-à-vis des autorités, les différences de cultures et donc de manières de raconter, mais aussi les mauvais conseils d’un compagnon de route ou la volonté de cacher les réels motifs de fuite sont autant d’obstacles au travail des autorités consistant à distinguer les récits vraisemblables de ceux qui ne le sont pas. Le SAJE mène ses propres recherches, aide les requérants à obtenir des preuves ou à expliquer les contradictions. Il s’assure que tous les motifs de fuite du recourant ont été pris en compte et conteste les décisions dont l’argumentation ne peut pas être suivie. De manière générale, le SAJE permet d’offrir une procédure équitable respectant les droits fondamentaux d’être entendu et défendu. En 2010, le SAJE a réalisé 3337 consultations à Lausanne et à Vallorbe. Il a effectué 309 recours, obtenu 133 décisions positives des autorités judiciaires suisses et gagné une requête à la Cour européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg.


L’INVITÉ

Carte blanche à Etienne Piguet

Photo : Université de Neuchâtel

Vrais et faux réfugiés…

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eux visions s’affrontent en politique d’asile. Pour les uns, une minorité de vrais réfugiés doit être distinguée d’une majorité de migrants économiques qui abusent de la procédure d’asile ; afin d’opérer un tri, il s’agit d’examiner sévèrement les motifs d’asile et d’avoir recours à des mesures dissuasives rendant la Suisse peu attractive. Pour les autres, les demandeurs d’asile sont, avant tout, des personnes à protéger et tout doit être mis en œuvre pour éviter de les renvoyer vers des pays où elles pourraient être en danger. Les tenants de la première thèse s’installent assez confortablement dans une position « dure mais juste » et les seconds dans une sauvegarde des « valeurs humanitaires fondamentales », elle aussi confortable. Tout le monde, en fin de compte, affirme chercher à protéger efficacement les personnes en détresse. Les partisans de la fermeture comme ceux de l’ouverture se fondent cependant sur des conceptions biaisées des réalités actuelles des mouvements migratoires. Une première erreur consiste à penser qu’il existerait d’une part de vrais réfugiés, méritant d’être accueillis en Suisse, et de l’autre des migrants économiques sans besoin de protection. Certes, seule une minorité des requérants sont personnellement persécutés et correspondent à la Convention de 1951 sur les réfugiés, mais l’examen de la situation politique et économique des pays d’origine montre que, dans une large proportion d’autres cas, ce sont bel et bien des situations de violence ou de violation des droits humains qui expliquent la fuite. Des analyses statistiques permettent aussi de montrer qu’à l’échelle mondiale, le chômage et la pauvreté sont sans incidence sur le nombre de demandeurs d’asile quittant un pays, alors que leur effectif augmente si la situation politique se dégrade et diminue si elle s’améliore. Une deuxième erreur est cependant de croire qu’une politique de portes ouvertes constitue une réponse adéquate aux besoins de protection dont nous venons de mesurer l’ampleur. Elle buterait vite, en effet, sur un problème d’effectifs et d’équité. Un problème d’effectifs, car le nombre de personnes en quête de protection à l’échelle du globe est sans commune mesure avec les possibilités d’accueil. Un problème d’équité, car les personnes

qui parviennent à gagner l’Europe sont rarement celles pour qui le besoin de protection est le plus aigu : il est beaucoup plus difficile pour les femmes, les personnes âgées et les plus démunis de fuir sur de longues distances. Or, dans les milieux défendant les réfugiés, l’attention limitée portée à l’assistance au-delà des frontières contraste souvent avec l’énergie déployée pour défendre les cas individuels de demandeurs d’asile parvenus jusqu’en Suisse. Le déséquilibre impressionnant (de 1 à 25) entre la contribution financière de la Suisse aux opérations internationales du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et le budget national lié à l’asile est une autre illustration d’une certaine myopie politique. Nos arguments invalident donc l’idée selon laquelle on peut, avec bonne conscience, renvoyer une majorité de « faux » réfugiés pour accueillir la minorité des « vrais ». Il en ressort cependant aussi qu’un accueil réservé aux personnes remplissant les conditions strictes de la Convention de 1951 et restrictif vis-à-vis de celles qui fuient la détresse et l’insécurité est nécessaire pour éviter de susciter des espoirs chez des centaines de milliers de migrants potentiels. Une telle politique de sélection n’est cependant moralement justifiable qu’à deux conditions : d’une part, si elle s’accompagne d’efforts plus soutenus pour offrir des alternatives de protection à proximité des zones de tension et soutenir les efforts du HCR, d’autre part, si les autorités garantissent à tous les demandeurs d’asile une procédure respectant leurs droits fondamentaux. La mission des défenseurs de l’asile est donc double : veiller à garantir l’humanité des politiques en Suisse sans perdre de vue les enjeux mondiaux.

Etienne Piguet est professeur à l’Institut de géographie de l’université de Neuchâtel. Spécialiste des flux et des politiques migratoires, de l’intégration et de l’asile, il écrit régulièrement dans Le Temps et est l’auteur de « L’immigration en Suisse », Collection Le savoir suisse, paru en 2009.

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COLLABORATION AVEC LES ÉGLISES

Nouveau concept de partenariat

Photo : EPER / archive

Photo : EPER / Ruedi Lüscher

L’EPER collabore avec les Eglises d’Europe de l’Est depuis sa fondation en 1946. Ce travail a fait l’objet d’une évaluation approfondie, dans laquelle les partenaires ecclésiaux se sont largement impliqués. Il en résulte un nouveau concept, qui guidera l’action de l’EPER pour les années à venir.

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Tout a commencé par des collectes de pommes de terre. Dans une Europe d’après-guerre dévastée, l’EPER – à l’époque l’Entraide Protestante aux Eglises Ruinées – a acheminé plusieurs centaines de tonnes de nourriture, de vêtements et de livres aux protestants d’Allemagne, de Hongrie et d’Autriche, agissant ainsi au nom des paroisses réformées de Suisse. Durant la guerre froide, son action s’est élargie à un rôle social et diaconal : l’EPER soutenait l’activité théologique dans ces pays en fournissant des livres, des bourses d’études, des lieux de culte. Chute du Mur : et après ? Avec la chute du Mur en 1989, la situation des Eglises en Europe de l’Est a été bouleversée ; les Eglises pouvaient désormais apporter une contribution sociale concrète à la société. En 2009, l’EPER a donc initié une réflexion rétrospective et prospective sur le travail d’entraide des Eglises. Une procédure de consultation très appréciée a permis aux acteurs intéressés de s’exprimer ; la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), la moitié des Eglises cantonales, des Eglises et des œuvres d’entraide étrangères y ont participé. Cette large consultation a permis la formulation, début 2011, du nouveau concept pour

l’engagement de l’EPER dans le domaine ecclésial. Il se concentrera sur trois points prioritaires : la diaconie, l’organisation paroissiale (y compris le financement de constructions), le dialogue et la formation théologiques. Ces activités se développeront comme auparavant en Europe de l’Est. Enfin, le nouveau nom de « collaboration avec les Eglises », retenu pour désigner ce travail, suggère l’analogie de cet engagement avec les autres activités de l’EPER dans le domaine de la coopération et du développement, non seulement au niveau des valeurs qui les sous-tendent mais aussi de ces méthodes de travail partenariales et de la visée à long terme qui les guide. Une occasion de renforcer les échanges entre Eglises au-delà des frontières L’EPER entend continuer à soutenir les Eglises d’Europe de l’Est dans leur réflexion sur leur rôle social et diaconal, ainsi que dans la mise en œuvre de ce rôle. La collaboration avec les Eglises n’apporte donc pas uniquement une aide matérielle sous forme de dons mais permet de stimuler l’échange entre paroisses d’Europe de l’Est et de Suisse. Un projet concret est aussi un excellent moyen de dialogue entre Eglises au-delà des frontières, par exemple lors d’un voyage. L’EPER se réjouit de développer cette offre pour les paroisses suisses.


AIDE HUMANITAIRE

Haïti Un an après le séisme, enfin un toit sur la tête L’EPER a démarré son projet de reconstruction à Petit Goâve, à 60 km à l’ouest de Port-au-Prince. Dans la première phase du projet, cent familles, dont les habitations ont été balayées par le tremblement de terre, bénéficieront d’un logement. Trois cent autres maisons seront par ailleurs réparées. Reportage auprès de la famille Suffy qui se réjouit d’intégrer sa nouvelle maison. Renause, surnommée Cocotte, élève seule ses quatre enfants : Stander, Vanderson, Bergelineda et Caleb, et s’occupe également de son père. La bâtisse est construite à l’endroit même où Cocotte est née il y a 38 ans. PHOTOS : ANDREAS SCHWAIGER

Depuis le séisme, Cocotte, ses quatre enfants et son père vivent sous une bâche en plastique.

Bergelineda, la cadette de sept ans, cuisine un repas chaud pour ses frères et sœurs qui rentreront de l’école à 13 h 00.

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René Schärer, l’architecte mandaté par l’EPER, enseigne des techniques de construction aux ouvriers du bâtiment. Un ouvrier comble le sol avec du ciment pour créer une assise solide à la maison. De style local, l’habitation comprend deux chambres et une véranda.

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Le nouveau foyer de la famille Suffy sera bâti en bois selon une technique antisismique avec un toit couvert de tôle ondulée.

Cocotte coiffe sa fille et attache des nœuds colorés dans ses nattes pour égayer le quotidien.


DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS RURALES

Les chèvres comme moteur de développement En Colombie où sévit un conflit armé depuis plus de 40 ans, les intérêts économiques et politiques sont étroitement liés au droit à l’exploitation de la terre. La population civile subit de plein fouet ce conflit : des millions de personnes ont quitté leur lieu d’origine et l’on dénombre 4,5 millions de déplacés internes en fuite. MARIE-THÉRÈSE ROGGO, CHARGÉE DE PROGRAMME

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ans la région de Tibú, située dans le département Norte de Santander, au nord-est de la Colombie, la violence et la discrimination sont quotidiennes. Cette zone doit son importance stratégique et économique à ses ressources naturelles : on estime qu’elle recèle 1,7 milliards de barils de pétrole et 300 millions de tonnes de charbon destinés à l’exportation. En outre, 30 000 hectares de terre servent à la culture de palmiers à huile, pour la production d’agrocarburants. Ces richesses attisent la convoitise des guérillas, des groupes paramilitaires et des forces armées gouvernementales, qui luttent pour en obtenir le contrôle. Rien qu’entre 2000 et 2005, plus de 100 000 petits paysans ont été déplacés en raison de la violence et près de 12 000 personnes ont été assassinées.

Soutien dans la lutte pour la terre L’engagement de l’EPER dans la région de Tibú remonte à 2006, année qui a vu le retour dans leur village de nombreuses familles déplacées de Cucuta et d’autres villes. Aujourd’hui, 95 familles bénéficient d’un soutien de l’œuvre d’entraide. Objectif : les aider à sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de la famine grâce à l’agriculture écologique et à petite échelle – une véritable alternative aux monocultures. Pour ce faire, les familles profitent d’un encadrement par une équipe composée de deux agronomes. En outre, elles sont suivies par un collectif d’avocats qui leur offrent des conseils juridiques pour régler les problèmes liés à la propriété de la terre. En effet, la plupart des familles de petits paysans n’a aucun titre de propriété agricole.

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Photo : Keystone, Mauricio Duenas

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Photos : EPER / Luca Zanetti

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Assurer l’alimentation et le revenu C’est à la suite d’une enquête sur l’alimentation des enfants âgés de 1 à 14 ans, montrant que 70% d’entre eux souffrent de malnutrition ou de sous-alimentation, que l’idée d’une formation en agriculture écologique a surgi. En effet, avec l’augmentation de grandes monocultures, la production de denrées alimentaires pour la consommation quotidienne recule. L’idée consiste donc à offrir une formation en agriculture durable aux familles, afin qu’elles puissent maintenir des cultures vivrières et élever des poules, des canards et des chèvres. Des banques de semences sont également créées pour les principales denrées : manioc, bananes plantain, maïs, haricots, sorgho et riz. Depuis un an, les familles organisent régulièrement un « Mercado Campesino » où elles vendent des produits biologiques – une nouveauté très prisée.

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Une aide de départ sous forme de chèvre Les familles souhaitant élever de petits animaux bénéficient, comme aide de départ, d’un fonds de rotation, à condition de produire suffisamment de fourrage pour nourrir les bêtes. C’est le cas notamment de la famille de Magali León Rodriguez. Cette dernière vit dans une petite finca de la commune de Tibú depuis qu’elle a quitté son village en raison de la violence qui y régnait. Cette mère de six enfants a bénéficié du fonds de rotation et élève désormais des chèvres, plus précisément des camuros, une race typique de la région, issue du croisement entre une chèvre et un mouton. Fonds de rotation Magali explique le fonctionnement du fonds de rotation : « Nous avons reçu quatre chèvres et un bouc. Nous devions nous en occuper et, s’ils avaient des petits, transmettre à nouveau quatre chèvres et un bouc à une autre famille participant au projet. Le programme a débuté avec sept familles, qui devaient toutes sur le long terme pouvoir élever des chèvres. Chez nous, c’est mon fils David qui s’occupe des animaux. Deux conditions devaient

être remplies au départ : produire du fourrage pour nourrir les bêtes, et leur construire un abri. » Grâce aux chèvres, la famille mange davantage de viande et dispose d’une source de revenu. Le crottin des camuros constitue un engrais précieux pour le potager et la culture fourragère. Grâce à l’argent que rapportent les camuros, Magali peut acheter d’autres camuros, de la nourriture, des médicaments et du matériel scolaire, et payer l’eau et l’électricité.

L’EPER est active en Colombie depuis les années 1980. Elle dispose d’une large expérience dans les domaines du déplacement violent des populations, de la mise sur pied et du renforcement d’organisations de base, du travail en faveur des droits humains et de la promotion de la paix. Le programme se concentre sur les régions de l’Uraba-Chocó à l’ouest et au nord-ouest du pays, ainsi que sur le Norte de Santander au nord-est.


INTÉGRATION SOCIALE EN SUISSE

Photos : Luca Da Campo

Regards croisés : D’une « Tupperware party » à La Ligne de cœur

Pendant 12 heures, l’animateur de la Ligne de cœur Etienne Fernagut et la Béninoise Chimène Maraviglia ont partagé leurs quotidiens respectifs. Une mise en perspective de deux réalités pour animer la semaine de l’intégration de l’EPER. JOËLLE HERREN LAUFER

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ercredi 23 mars à 13 h 15, situation cocasse pour Etienne Fernagut : l’animateur de La Première se trouve parachuté dans une « Tupperware party » au domicile de Chimène Maraviglia, sa partenaire d’un jour pour l’un des six « Regards croisés » organisés par l’EPER dans toute la Suisse entre une personnalité et un participant à l’un de ses programmes d’intégration. Chimène, 28 ans, est archiviste diplômée du Bénin. En Suisse depuis plus de trois ans, elle n’a toujours pas trouvé d’emploi dans sa branche, raison pour laquelle elle s’est engagée dans le projet Mentorat Emploi Migration (MEM) afin de trouver un mentor qui pourrait la coacher dans ses recherches d’emploi. Parallèlement, pour élargir son réseau social et gagner un peu d’argent, elle

organise régulièrement des ventes de boîtes en plastique à domicile. Une activité « qui l’amuse et lui permet de vaincre sa timidité ». Etienne est perplexe face à tout cet attirail de cuisine coloré. Mais il relève très vite les atouts de Chimène : « Elle doit être très douée dans la vente. Avec son côté avenant, son sourire qui ne la lâche pas, et son aptitude à convier les participantes à faire des gestes basique de la cuisine tout en leur faisant croire qu’elles font quelque chose de compliqué ! » Après la dégustation du poisson à la mozzarella, du jus de fruits vitaminé et du cake kiwi-banane dont Etienne dira qu’« il a une tronche de cake, celui-là ! », le duo se déplace à la Radio suisse romande.

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« J’aimerais qu’on me donne ma chance » Après une tajine de bœuf aux artichauts dégustée dans l’ambiance chaleureuse d’un restaurant marocain, le duo retourne à la radio. Il est 21 h 30 et il s’agit de gérer les derniers détails de l’émission avec Danielle, fidèle et efficace assistante de La Ligne de cœur. Chimène, qui était très réticente à parler en direct, se trouve face à un micro dans le grand studio de la Première. Avec prestance, elle répond, pendant près d’une demi-heure aux questions d’Etienne Fernagut. Elle explique les difficultés qu’elle a eues à faire reconnaître son diplôme universitaire béninois d’archiviste en Suisse, détaille

son parcours et ses expériences professionnelles. « Je suis une bonne professionnelle et j’aimerais qu’on me donne ma chance ». Elle relate aussi le point fort de sa journée, à savoir son passage aux archives de la radio : « on parlait la même langue professionnelle ». L’émission est aussi l’occasion de présenter le projet MEM, et Chimène de dire : « Le terme de mentor fait souvent peur, mais il ne s’agit pas de tirer quelqu’un comme un boulet ». Etienne a, quant a lui, apprécié le regard croisé avec Chimène : « son aisance générale y a beaucoup participé ». Il est tard, Chimène donne encore une interview filmée pour l’émission « Faut pas Croire » de la TSR. Ce n’est qu’à 1 h 15 qu’Etienne et Chimène franchissent les portes de la radio, fatigués, mais heureux de cette belle rencontre, de ces regards croisés.

Photo : EPER / Olivier Cosandey

« Les archives, c’est mon élément » Il est 16 h 00. Etienne emmène Chimène au service de la documentation de la radio. Dominique Prongué, archiviste, prend Chimène sous son aile pour lui montrer les alignements de rayonnages à coulisse qui regorgent de bandes magnétiques, de vinyles, de CD commerciaux et d’archives des émissions radio. « Ca fait du bien de sentir les archives. Je n’ai plus envie de repartir, s’exclame Chimène. J’adorerais pouvoir fouiner ». Dans une autre pièce, Francine Margot, technicienne du son, explique à Chimène sa passion de la restauration des 78 tours qu’elle transfère sur des supports numériques. Chimène est dans son élément. Elle pose des questions, s’émerveille. « La radio engage-t-elle facilement ? » Chimène a séduit ses interlocuteurs et les archivistes lui demandent son CV « au cas où ». Ils l’ont par ailleurs conviée à venir passer une journée entière de stage avec eux. 17 h 30, le programme continue. Etienne emmène Chimène dans une cabine de montage pour travailler sur les fonds musicaux de son émission. A l’ancienne, comme il le précise, muni d’un crayon, d’une gomme et d’un taille-crayon – ses outils de base – il écoute les chansons pour déterminer à quel minutage la voix démarre afin de pouvoir arrêter ses interventions à ce moment précis. Etienne, qui a prodigué beaucoup de formations à Radio France, met Chimène aux commandes et lui donne le micro pour essayer.

Spectacle d’improvisation avec Avracavabrac Plus de 100 personnes étaient présentes jeudi 24 mars au Café-théâtre Le Bourg à Lausanne. Dans le cadre de sa semaine d’intégration, l’EPER avait donné carte blanche à la troupe Avracavabrac pour présenter son projet Mentorat Emploi Migration. Avec humour, les six comédiens lausannois ont improvisé une vingtaine de scénettes, traitant principalement et de manière décalée de l’intégration. Rires et convivialité étaient au rendez-vous.


A ne pas manquer

Photo : Annette Boutellier

Photo : EPER / Luca Zanetti

Evénements paroisses

Une chèvre contre la faim ! Plus qu’une chèvre, un avenir

Dimanche des réfugiés du 19 juin 2011 : ouvrir des portes

Légalisation d’un système de répression

L’action de l’EPER « Une chèvre contre la faim » a pour objectif la collecte de dons pour lutter contre la faim et la pauvreté dans les pays du sud et de l’est. Pour CHF 30, la population suisse peut offrir symboliquement une chèvre. L’argent récolté va à un fonds permettant à l’EPER de soutenir des petits projets. Grâce aux aides de départ, les bénéficiaires peuvent démarrer une activité économique, améliorer leur revenu et, ainsi, mener une vie digne et autonome. Il est également possible de télécharger des sonneries chèvre pour natel, d’envoyer des cartes électroniques et de faire des dons directement depuis le site.

Repartir de zéro dans un pays étranger dont on ne connaît pas la culture n’est pas facile. C’est la raison pour laquelle l’EPER s’engage en faveur de l’intégration sociale des migrantes et des migrants. Etre intégré signifie pouvoir se débrouiller au quotidien de manière autonome, interagir avec d’autres personnes et dans un cadre professionnel, et participer à la vie sociale, culturelle et politique. Dans ce contexte, l’EPER mise sur le potentiel des migrantes et des migrants. En effet, chacun d’entre eux dispose d’expériences, de talents et de compétences représentant un intérêt pour notre société. Il suffit de les aider à exploiter ces atouts. L’intégration consiste à aller vers l’autre. Profitez du dimanche des réfugiés pour donner une chance aux réfugiés et les aider à s’intégrer professionnellement !

Ce livre dévoile une réalité suisse méconnue et parmi les plus restrictive d’Europe : la suppression de l’aide sociale pour les requérants d’asile et les déboutés qui débouche sur l’aide d’urgence. Cette institutionnalisation de la « chasse aux abus » régit, depuis 2004, la vie de milliers de personnes en Suisse. Avec l’aide d’urgence, la Suisse réussit le tour de force de panser les plaies qu’elle a elle-même infligées. L’auteur, juriste auprès du Service d’Aide Juridique aux Exilés (SAJE) de l’EPER, dénonce cette discrimination qui prive les personnes déboutées de toute forme d’autonomie.

La machine du cycle de la chèvre en tournée En 2011, l’EPER repart en tournée, cette fois avec une machine présentant le cycle de la chèvre. Des haltes sont prévues en Suisse romande au mois de juin. www.1chevrecontrelafaim.ch

Petits moyens, grands effets

Karine Povlakic, Suppression de l’aide sociale. Un instrument de contrainte, Co-édition Éditions d’en bas & SAJE, Commande : 021 351 25 51, info@sage-vaud.ch

15 juin 2011 13e Foulées de la Solidarité à Peseux (NE) Course en faveur des projets de promotion de la paix dans le Caucase organisée par les Eglises catholique et réformée de La Côte. Dès 18 h 00. Infos : Claude Doerfliger, 032 731 42 27, cdoerfliger@bluewin.ch 23–26 juin 2011 1000 ans de Champvent (VD) Fête de paroisse avec stand Terre Nouvelle Vente de bandanas fabriqués au Cameroun pour soutenir les enfants de la rue du Rwanda. Infos : www.1000ans.ch 19 août 2011 Course de la solidarité à Prêles (BE) Organisé par les paroisses du district de La Neuveville pour soutenir les enfants des rues au Honduras (projet EPER). Halle polyvalente Les Joncs, dès 17 h 45 pour les enfants, dès 19 h 00 pour les adultes. Infos : coursedelasolidarite@gmail.com, Stéphane Rouèche, 032 315 27 37


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