L’EPERON SOMMAIRE N°338 octobre 2013 Photo de couverture Athina Onassis et Alvaro de Miranda. Ph. D. Caremans
CHAMPIONNATS D’EUROPE SEPT MÉDAILLES EUROPÉENNES
Ph. C. Bigeon
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Le sacre européen de Bosty fin août à Herning (Danemark) aurait-il donné des ailes aux autres Tricolores ? La semaine suivante, ils décrochaient le bronze par équipes aux championnats d’Europe de complet à Malmö. Mi-septembre, les Juniors et Jeunes Cavaliers de complet faisaient encore plus forts que leurs aînés, à Jardy, en s’emparant de deux médailles d’or et de deux médailles d’argent. Et les endurants rapportaient aussi l’or par équipes et l’argent individuel de Most (République Tchèque). Retour sur cette moisson de médailles.
34 REPORTAGE
Alvaro de Miranda et Athina Onassis nous ont accordé un entretien exclusif dans leurs écuries, à Valkenswaard, aux Pays-Bas. Tout sauf jet-set malgré sa fortune, le couple organise sa vie autour des chevaux et du sport de haut niveau avec une opiniâtreté commune. Avec qui ont-ils démarré ? Comment travaillent-ils au quotidien ? Quels sont leurs objectifs ? Toutes les réponses dans notre reportage.
Ph. C. Bigeon
56 ELEVAGE
Le Sologn’Pony et la Grande Semaine de l’élevage de Fontainebleau clôturaient la saison 2013 de cycle classique des jeunes poneys et jeunes chevaux de saut d’obstacles. 20 pages d’analyse et de comptes rendus. Ph. D. Caremans
3 EDITO 29 SPORT 7 TRIBUNE, COURRIER 34 REPORTAGE 8 CHAMPIONNATS
CSIO5* DE CALGARY TEST EVENT D'ATTELAGE
D'EUROPE
MALMÖ JARDY ENDURANCE À MOST
ATHINA ONASSIS ET ALVARO DE MIRANDA
47 ACTUALITÉS 56 ELEVAGE
SOLOGN'PONY GRANDE SEMAINE
86 TECHNIQUE 89 SANTE
TOURNER EN PARCOURS
LE CHEVAL DE SAUT D'OBSTACLES
93 DOSSIER
98 PETITES ANNONCES 115 GAZETTE D'AUTRES INFORMATIONS, NATIONALES, RÉGIONALES ET LE PROGRAMME
LES LITIÈRES
32 PAGES POUR CEUX QUI EN VEULENT TOUJOURS PLUS
Les opinions émises dans la revue n’engagent que leurs auteurs. Les indications éventuelles de marques, les adresses, les prix figurant dans les pages rédactionnelles, sont soumis à titre d’information. La reproduction des textes et illustrations imprimés dans ce numéro est interdite pour tous pays. La rédaction n'est pas tenue de retourner manuscrits, illustrations et photos.
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CONCOURS COMPLET CHAMPIONNATS D’EUROPE
Malmö
Le complet malmené Malmö (Suè), un site digne des contes d’Andersen, un pays accueillant et chaleureux, un décor de rêve sur fond de mer, tout était là pour jouer un beau spectacle aux championnats d’Europe de concours complet (29 août au 1er septembre). « Ici on se déplace tous à vélo et cela crée une atmosphère très agréable », approuvait Michel Asseray, directeur technique national en charge du complet. Il ne manqua que le suspense.
L
e terrain plat, tout en longueur, dans un parc, obligea le chef de piste, l’Allemand Rüdiger Schwarz, à imaginer un parcours de cross très tournant, plaçant parfois des obstacles dans des endroits « improbables », comme dans des sentiers très étroits au milieu des arbres (obstacles n°23 et 24, The goose island). La seule solution pour que le temps maxi soit difficile à réaliser fut d’installer beaucoup de directionnels. Et les cavaliers en le marchant trouvèrent effectivement que les 10’30’’ des 5 985 m allaient être difficiles à réaliser. Mais en réalité, le sol, rendu plus souple par la pluie, et le manque de vallonnement du terrain ont permis aux chevaux de galoper fort malgré les sinuosités. Résultat, 20 couples rentrent dans le temps sur les 61 partants
(presque le tiers), certains comme le vainqueur Michael Jung en prenant une, voire deux options. « Je suis un peu déçu que les options lentes du cross n’aient pas été assez pénalisantes, confirma le DTN du complet. Je suis pour mettre des bonnes notes à ceux qui déroulent un très bon dressage, cela fait partie de l’évolution du complet, mais il faut aussi que les bons chevaux de cross fassent la différence. Là, le dressage a pris trop d’importance et je pense que dans un championnat, les champions doivent aller tout droit. C’est un peu ma déception et on doit y faire attention à l’avenir. Quant au concours hippique, je l’ai trouvé assez facile dans la technicité, avec des lignes très classiques. » Les deux seuls événements de ce weekend suédois sont donc la passe de quatre
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CONCOURS COMPLET CHAMPIONNATS D’EUROPE
VITE DIT LES
DEUX OBSTACLES QUI ONT CAUSÉ LE
sont le n°7, une haie directionnelle en descente, fatale entre autres à la Britannique Izzy Taylor, et le deuxième élément du n°22, une pointe en descente. Là, Lionel Guyon/NÉMETIS DE LALOU et Pippa Funnell/MIRAGE D’ELLE écoperont d’une dérobade. Lors de la reconnaissance, les deux derniers obstacles, n°29 et 30ab étaient pour les cavaliers les plus problématiques, avec des distances « irréalisables ». Cela ne causa qu’un refus, la plupart considérant qu’ils avaient le temps de prendre l’option. TOP SELECT, la jument de dix-sept ans, montée par Sandra Gustafsson, a dû être euthanasiée le lendemain du cross à cause d’une grave blessure au suspenseur. LE RECORD DE MICHAEL JUNG. Depuis 2011, l’Allemand est le premier et le seul à cumuler les titres et les victoires d’affilée : double champion d’Europe par équipes et individuel consécutivement (2011 et 2013), en or aux Jeux mondiaux 2010 (équipe et individuel) et aux JO de Londres, 2012 (équipe et individuel). LES STUD-BOOKS REPRÉSENTÉS. Comme on pouvait s'y attendre, le Irish Sport Horse était le plus représenté des stud-books à Malmö : près du tiers des 61 partants (17). Auquel il faut ajouter 5 Pur-sang. Parmi les autres races les plus représentées (5 Anglos, 5 swb et SF, 4 han, 3 kwpn, 2 holst, 1 west, 2 aes), 15 sont issus de père ou père de mère Pur-sang. Le vainqueur, HALUNKE, est le seul représentant de la race Bawue (Baden-Württemberg), la même que celle de SAM, cheval de tête de Michael Jung. PLUS DE REFUS
Ci-dessus, l'équipe de France en bronze. Au-delà du résultat, il faut souligner l'esprit de groupe auquel il faut associer Arnaud Boiteau, 15e à titre individuel, qui renoue avec le haut niveau grâce à Quoriano. Ph. E. Knoll A gauche, Michael Jung avait pris trop d'avance en dressage avec Halunke pour pouvoir être rattrapé avec un cross et un hippique peu sélectifs. Ph. J. Toffi En bas à gauche, Karim Laghouag toujours très fiable au cross avec Punch de l'Esques. Parti en ouvreur, il assure la médaille de bronze. Ph. Scoopdyga
victoires d’affilée pour Michael Jung (voir brèves) et l’effondrement des Britanniques. Les Français, eux, profitent de cette chute pour prendre la 3e place : médaillés de bronze par équipes et le premier Français, Nicolas Touzaint, est 11e avec LESBOS. Alors est-ce une progression quand on sait qu’en 2011, la France était en argent avec seulement trois équipiers qui finissaient même sur un score vierge à l’hippique, après un cross beaucoup plus sélectif ?
KARIM LAGHOUAG EN OUVREUR La France doit compter au final sur le score de l’ouvreur de l’équipe, Karim Florent Laghouag et PUNCH DE L’ESQUES (aa, HERMÈS D’AUTHIEUX) pour prendre la 3e place à l’arrivée, après les 12 points à l’hippique d’Astier Nicolas/PIAF DE B’NEVILLE (CAP DE B’NEVILLE). « Les Français sont dans les clous par rapport à ce qu’on avait imaginé, expliqua Michel Asseray. Notre dressage évolue parce que les cavaliers commencent à avoir envie de travailler cette discipline après les stages en régions qu’on a faits tout au long de l’année. Il faut que chacun s’investisse avec encore plus de rigueur et un peu moins de com-
promis. Par exemple, quelques chevaux manquent un peu de rassembler, et c’est ce qu’il faudra travailler durant l’hiver. Il faut continuer parce que quand les cavaliers vont arriver sur un plateau mondial avec les Américains, les Australiens ou les NéoZélandais, il y aura de la concurrence ! »
UNE HISTOIRE DE CHEVAUX « Le bond que fait la Suède (2e) est une histoire de chevaux. A l’avenir, l’entraîneur doit sélectionner des chevaux avec plus de locomotion, poursuit le DTN. Il faut vraiment qu’on aide les cavaliers à mieux faire leur choix. Par exemple, SÉCULAIRE, qui est monté au cordeau par Donatien, même plus rassemblé, ne trottera jamais à 8. Il nous manque un ou deux chevaux à grosse locomotion, mais il en arrive quelques-uns et je reste confiant. Aujourd’hui, il est nécessaire de s’exporter quand on est déjà performant en France. Et pour gagner il faut être prêt. Notre cheptel n’est pas énorme et la difficulté est d’aller à l’étranger sans trop tirer sur le physique des chevaux. Pour ça, il faut aider les cavaliers et leurs propriétaires à établir des programmes, car certains sont mal organisés – un cheval de complet court quatre-cinq
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SAUT D’OBSTACLES CSIO5* DE CALGARY
Calgary, la roue de la « Le pouvoir du partenariat », c’est le slogan répété et assumé des promoteurs du grandiose CSIO de Calgary. L’histoire dure depuis 1976. Sport business, sport extrême tant ils sollicitent les chevaux, les Masters de Spruce Meadows (4-8 septembre) réunissent l’élite. Immersion dans un univers au modèle économique sans équivalent en Europe.
I
ci, les cavaliers saluent le sponsor dans sa loge VIP au centre du terrain. Ils sont invités à passer entre deux imposantes signalétiques Rolex avant d’entamer leur parcours. C’est dire la valorisation du sponsor dans le système Spruce Meadows. Les concurrents honorent ainsi l’engagement de ce partenaire historique du grand sport international. Les dotations inédites du Rolex Grand Slam of Show Jumping rehaussent depuis cette année l’attractivité des trois concours les plus prestigieux de la planète sur les plus beaux terrains du monde : Aix la Cha-
fortune
venue à Calgary, là où le sport de haut vol, le business, le gigantisme ne font qu’un.
« SI TU N’AS PAS VU CALGARY… »
En haut, à la surprise générale c’est Pieter Devos qui remporte la deuxième étape du Rolex Grand Slam avec Candy, devant Steve Guerdat/Nasa et Pénélope Leprévost/Nayana (ci-dessus). Déjà gagnante d’une 160 avec Dame Blanche van Arenberg et 3e de la Coupe des nations, la Normande était en grande forme. Photos D. Caremans.
pelle, Calgary et Genève, prévu du 12 au 15 décembre. Qui veut gagner ces millions ? Tous, sans exception ! 1 million d’euros pour le Grand Prix d’Aix, 1 million de dollars canadiens (750 000 €) pour Spruce Meadows et 600 000 francs suisses(480 000 €) pour Genève qui triple son enve-
loppe. C’est historique ! Le Grand Slam et ses bonus promis sont le fruit d’une synergie de longue date entre une marque de notoriété mondiale et des professionnels reconnus de l’événementiel sportif, qui mènent leur concours comme un projet industriel de grande envergure. Bien-
Un Frenchie isolé dans la foule d’anonymes qui grouille autour des nombreux terrains du complexe de Calgary nous entreprend. « On m’avait dit “Va à Aix-la-Chapelle, tu verras, c’est grandiose”. J’ai vu, j’ai été bluffé par la rigueur germanique. On m’avait dit “Si tu n’as pas vu Calgary, tu n’as rien vu”. Je suis estomaqué ! » Au Texas canadien, rien n’est semblable à un concours européen. On n’y vient pas par hasard. Il faut rouler 25 km de larges highways à la sortie de Calgary et dépasser les vastes zones commerciales sans âme pour arriver à Spruce Meadows, un peu au milieu de nulle part, dans la lande avec les Rocheuses en arrière-plan. Ici, l’espace n’est pas un problème, mais bien la solution. Ron Southern, patron de la multinationale Atco, qui a passé la main de Spruce Meadows à sa fille, Linda Southern Heathcott, a construit un complexe polyvalent gigantesque en y développant diverses activités : congrès, expositions (quitte à reconfigurer les
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Saut d’obstacles CSIO5* de Calgary
Le CSIO5* de Calgary est réputé pour la beauté et la qualité de sa piste en herbe autant que pour les animations et le commerce savamment orchestrés autour. Photos E. Fournier
de Spruce Meadows, irradie la grande piste internationale. C’est bien fait, discours clair et concis, conforme à la dynamique d’un show à l’américaine bien cadré. Pas de parole inutile, que des mots choisis qui claquent au pied du nouveau bâtiment « Canada house » mis en service en début de semaine pour recevoir les VIP. Ian soigne son public, ses sponsors, des multinationales du gaz et du pétrole, Atco, Cana, Direct Energy… qui ont toutes leur siège dans les tours de Calgary. Que du lourd ! Le micro leur est ouvert à la remise des prix. L’entreprise
sponsorSde l’épreuve concernée vante ses produits sans omettre de souligner le partenariat « gagnant-gagnant » cultivé de longue date avec Spruce Meadows. Toutes ont mis au pot pour les dotations et s’en félicitent. Puisque la sauce prend, demain elles mettront davantage sans doute sous forme d’un forfait global annuel et un ticket d’entrée sans commune mesure avec ce que l’on imaginerait en France. Ce n’est pas du « one shot », mais une relation durable qui s’établit entre organisateur et sponsor, auquel Spruce Meadows assure un super retour et
Pieter Devos rafle la deuxième étape du Rolex Grand Slam
Micro ouvert Dans un joyeux mélange de style et de goût bien américain, l’Equi Fair regorge de stands d’équipementiers qui alternent avec des stands de cosmétiques. D’autres vendent des combinaisons anti-bactériologiques, des bains bouillonnants, des bijoux, ou promeuvent le bœuf américain. Un grizzli fait face à la statue en stuc de Diane Chasseresse… Quel capharnaüm ! Faut-il absolument chercher une cohérence? Ce n’est pas certain, tout ça participe à la dynamique globale et au décor de la fête. C’est l’essentiel. La communication est remarquablement orchestrée. Le sourire constant façon ultra-bright de Ian Allison, vice-président
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manèges couverts), services pour des conférences internationales, événements d’entreprises, mariages, fêtes de Noël et évidemment un calendrier bien garni pour des jumping nationaux et internationaux dont le Masters de septembre est le point d’orgue. Ça grouille de monde autour des balades à poneys, des calèches de cowboys, des structures gonflables, des chars américains tout droit sortis de l’opération « Tempête du Désert ». Foire commerciale et publicitaire, ici les marchands d’enseignes et de panneaux publicitaires se frottent les mains.
Sauter le Grand Prix CN de Calgary, devenu cette année support du Rolex Grand Slam, c’est sauter des montagnes. Et cinq jours d’efforts intensifs pour les chevaux. Que des épreuves à barrage qui émoussent forcément les organismes à un moment ou un autre de la semaine. Trop dur ce Grand Prix en deux manches ? Ses difficultés, suffisamment sélectives pour trier le bon grain de l’ivraie ne nécessitèrent pas de barrage. Meilleure Française, Pénélope Leprévost a bien géré son affaire avec Dame Blanche Van Arenberg (Clinton) et Nayana (Royal Feu) du Haras de Clarbec en ne bouclant quasiment que des sans-faute en première manche. Dame Blanche, encore tendre, fut certes très sollicitée pour le barrage qui place nos Tricolores à la 3e place de la Coupe des Nations, mais la grise s’est véritablement révélée à Calgary, également gagnante d'une 160. Nayana, 3e du GP, arrivait fraîche sur la deuxième étape du Rolex Grand Slam. Déjà 2e en 2011 avec Niels Bruynseels, la Selle Français Nasa (Cumano) frôle l’exploit avec Steve Guerdat (2e) à un point du vainqueur. Un vainqueur surprise Pieter Devos (vingt-sept ans) et Candy (Nabab de Rêve avec une sœur de Big Ben, multi médaillé en CSIO avec Ian Millar) faisaient figure d’outsider. Tête froide et dans sa bulle, le jeune Belge du Limbourg entraîné par Dirk Demeersman est le seul double sans-faute. Juste dans le temps. « Je monte Candy depuis qu’elle a six ans. C’est une partenaire indéfectible ». Le couple évolue d’habitude légèrement un cran en dessous. « J’ai eu de la chance de ne pas affronter Steve pour un barrage. C’est mon premier Calgary. Les meilleurs du monde sont là, ça m’a mis un peu de pression mais je l’ai gérée en me concentrant sur l’effort ». Pieter n’a pas choisi entre ses fonctions commerciales dans l’entreprise familiale de négoce de pommes et ses activités équestres. « J’ai deux passions qui me comblent ». E. F.
de la visibilité dans les médias. Contraste saisissant avec l’économie fragile de nos concours français ou les institutionnels sont souvent les financeurs majoritaires. Apôtre convaincu et convaincant de Spruce Meadows, Ian Allison continue de souligner l’exemplarité de Spruce Meadows. « Notre force, ce sont nos partenaires », ceux qui mettent 15 000 $ canadiens dans des épreuves amateurs à 120. Il chauffe les tribunes en offrant des cadeaux d’une valeur de 5 000 $ lors de courtes pauses « promotion » au milieu des épreuves. Le grand public est clairement la cible. De gros efforts publicitaires ont été engagés pour qu’il vienne en masse. Comme le ferait Barak Obama dans un meeting populaire, Ian Allison pointe du doigt un spectateur dans la foule faisant mine de le reconnaître. Pas d’improvisation, tout est marketé et réfléchi. On enchaîne, il y a du rythme. Le public est tout acquis. Sa ferveur est spontanée quand les Canadiens Eric Lamaze ou Ian Millar entrent sur la pelouse, un véritable green de golf au gazon serré et mœlleux resté sautant toute la semaine malgré les stigmates des intempéries que des dizaines de petites mains s’emploient à gommer. Dès lors, comment ne pas partager cet enthousiasme ? Il suffirait de surfer sur les valeurs qui vont droit au cœur de la nation ? Le drapeau canadien fait se dresser fièrement et chanter les milliers de patriotes, énormément de seniors conquis venus par vagues entières. Ils ne susurrent pas l’hymne national, ils le magnifient en enlevant le Stetson vissé sur chaque tête de trappeur. Les familles ont garé leur énorme pick-up dévoreur de 25 litres aux 100 et ont posé leur serviette sur le gazon pour la journée. Il peut pleuvoir, elles n’en bougeront pas tant que le tour d’honneur ne sera pas clos. Elles sont aux anges et manifestent. Le feu d’artifice du samedi soir les ravit.
Service ! Ici, c’est la culture d’un rictus du sourire permanent. Même dans les dizaines de points de restauration autour des terrains, on a le sourire malgré les effluves de graillon. On boit, on mange constamment… on favorise l’obésité. Des bénévoles briefés et dévoués du Lion’s Club nous sont très dévoués, des petits métiers, des tout petits métiers qui contrastent avec l’opulence qu’arbore l’événement. On a besoin de ramasseurs de feuilles sur le terrain, d’un bénévole pour épiler la pelouse entre deux épreuves, de serveurs de sodas qui parcourent les gradins, de personnel pour sabler systématiquement les réceptions des obstacles après chaque parcours, de nettoyeurs de barre après chaque concurrent. Beaucoup de Latinos à la tâche pour balayer de rares mégots. Encore plus d’Asiatiques. Sourire convenu et forcé ? Le cœur de Spruce Meadows bat intensément pendant cinq jours grâce à ses quatre vingt-dix permanents et à la contribution de centaines d’anonymes. Spruce Meadows cause nationale ? On n’en est pas loin. Eric Fournier
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FONTAINEBLEAU GRANDE SEMAINE DE L’ELEVAGE
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Diamant de Semilly règne en maître ans
La génération des 5 ans a permis cette année à l’étalon DIAMANT DE SEMILLY d’affirmer sa souveraineté. Il avait 45 sujets qualifiés, 39 partants (12 % des partants), dont 16 se sont qualifiés pour le Critérium (15 % des partants) ; 5 obtiennent le label Elite sur 11 (45 %), dont le champion des mâles et son dauphin, ainsi que la 3e des juments. Difficile de faire mieux.
O
n entend parfois : « C’est parce que DIAMANT DE SEMILLY saillit beaucoup de juments et des bonnes qu’il a de bons résultats ». 285 produits sont nés pour cette génération des 5 ans effectivement, et ce sera encore un peu plus pour les deux années suivantes (329 et 303). Toutefois au classement des meilleurs pères, où ce n’est pas le nombre mais le pourcentage de qualifiés sur le nombre de naissances qui entre en jeu, DIAMANT est tout de même 3e dans cette génération, et les 16 qualifiés au Critérium et 5 Elite sur 11 dont 3 sur les podiums matérialisent la qualité indéniable de sa production. Bien sûr, on aimerait que le geste des antérieurs et le respect des barres soient parfois meilleurs, que leur modèle soit parfois plus élégant, mais la force, la tonicité, le galop et la volonté qu’il transmet régulièrement sont incontestables : « Je n’ai pas le souvenir que DIAMANT ait fait un refus dans sa carrière », aime à rappeler son propriétaire Germain Levallois. Quant aux bonnes
LES DOTATIONS DES 5 ANS Selle Français et Anglo-arabes Epreuve Femelles Mâles et Hongres 1re qualificative 118,64 140,16 2e qualificative 133,27 151,11 Critérium (sans-faute) Petite finale (sans-faute) Champ. Elite Non communiqué Champ. Excellent au 19/09/13 Champ. Très Bon Autres stud-books : non communiqué au 19/09/13
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juments dont il disposerait, ce n’est pas le cas de toutes et le but de la sélection n’est-il pas justement de croiser les meilleurs entre eux pour avoir un bon produit et contribuer à l’amélioration de la race ? Aucun cheval n’est parfait, mais le secret de la réussite reste dans le choix du croisement, car il ne suffit pas de mettre sa jument à DIAMANT pour avoir un crack. Lorsqu’on voit le champion des 5 ans, URANO DE CARTIGNY, élevé par Bertrand Pignolet, on comprend ce que veut dire choix de croisement. Ceux qui ont assisté à la remise des prix ont pu constater le sang débordant du champion 2013, sa tête expressive et son look de quasi AQPS, sa souplesse et son respect lors de ses parcours. Sa mère est pourtant une fille du solide DOUBLE ESPOIR, mais avec énormément de sang derrière. Sa quatrième mère était une Pur-sang gagnante en saut d’obstacles et sa deuxième mère, PAVLOVA DES MALAIS, mère de FLIPPER D’ELLE, avait elle aussi beaucoup d’énergie. Bertrand Pignolet aime beaucoup URANO et les éleveurs aussi puisqu’il a sailli une soixantaine de juments cette année. Son dauphin, UN DIAMANT DES FORÊTS, autre fils de DIAMANT DE SEMILLY, né lui à l’élevage Paris à Couvains (50), affiche un modèle très sérieux et a réalisé cette année 20 parcours En haut, Bertrand Pignolet amène à la victoire un produit de son propre élevage, Urano de Cartigny (Diamant de Semilly). Ci-contre, chez les juments, Undoctra d’Helby (C Indoctro, holst), montée par Régis Bouguennec, remet le couvert après avoir déjà remporté le championnat des 4 ans l’an dernier. Photos Les Garennes
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FONTAINEBLEAU GRANDE SEMAINE DE L’ELEVAGE sans fautes sur 22 dans un style des plus convaincant. Que dire enfin de la 3e du championnat des juments, Unte des Forêts, issue du même élevage que le précédent, mais montée par la fille de la maison Audrey, si ce n’est qu’elle est le type même de la bonne jument normande capable de faire une sérieuse poulinière et sautant remarquablement, avec quatre notes à 17 au dressage et un fort potentiel.
Dressage encore insuffisant Nous évoquerons dans le tableau des Elite les deux autres produits de Diamant de Semilly. Précisons enfin que si l’étalon des Levallois a cinq Elite, les six autres sont issus de six pères différents, et qu’un de ses fils,
Newton de Kreisker, apparaît dans le palmarès des meilleurs pères de cette génération. Dans cette compétition qui regroupait 386 partants (13 de plus que l’an dernier), les hongres, puis les mâles, ont ouvert la piste du Grand Parquet le jeudi matin sur un parcours dessiné par Jean-Paul Lepetit. Le pourcentage de sans-faute plutôt faible (42 %) nous amena à lui poser la question sur ses cotes et difficultés. Pour lui, le parcours était classique et « la majorité des fautes est liée à un manque de soumission et de dressage des chevaux », ce qui nous semble loin d’être faux... D’ailleurs les juments, souvent plus sages et qui passèrent le lendemain, réalisèrent de meilleurs résultats avec 47 % sans pénalités.
La seconde qualificative sur le Petit Parquet enregistra un certain nombre de dépassements de temps concernant les cavaliers les moins expérimentés : « Le temps n’est pas court, mais il faut galoper au rythme imposé. Les Normands n’encourent pas de dépassement de temps, car ils sont habitués à cela. Ailleurs, il n’y a souvent pas de temps limite véritable », précisera Jean-Paul Lepetit. En effet, les cavaliers confirmés ont effectué le parcours entre 84 et 88’’ pour un temps limite de 92’’. La tendance de la veille se confirma avec les femelles plus performantes que leurs congénères du sexe opposé (46 % contre 40 %). Au final, 126 sujets furent retenus pour le Critérium (les doubles sans-faute et quelques sans faute-4 points avec de bons points de bonification obtenus grâce à leur taux de régularité et de réussite au CIR). Ces 126 qualifiés se répartissaient en 52 juments et 57 mâles et hongres Selle Français et Anglo-arabes, et 8 juments et 9 mâles et hongres d’autres stud-books. Le Critérium proposa sur un Grand Parquet d’excellente qualité un parcours intéressant sans juge de paix, plus technique et un peu plus gros que
les précédents. 45 sujets y réalisent le sansfaute (37,7 %), dont 37 Selle Français et Anglo-arabes (20 femelles et 17 mâles et hongres) et 8 d’autres stud-books. Tous ces chevaux sont ex aequo puisqu’il n’y a pas de chronomètre. Le championnat qui concerne les seuls chevaux de stud-books français a rendu son verdict après que chaque concurrents a reçu lors de ses deux parcours initiaux des notes de dressage et de potentiel, et que les qualifiés au Critérium sont passés devant un jury modèle. Cette note de modèle, associée à la moyenne des notes attribuées sur les parcours, conduit à la NEP (Notes d’épreuves de présentation) qui influe, avec les points de bonification, sur le classement du championnat. Au final, 5 juments obtiennent le label Elite, 14 sont Excellent et 16 Très Bon, soit 35 classées. Du côté des mâles et hongres, 6 (dont 1 hongre) obtiennent le label Elite, 11 sont Excellent et 18 Très Bon, soit également 35 classés. Le nombre total de sujets classés est inférieur à l’an dernier (70 contre 96), sans que l’on puisse dire que leur qualité soit moins bonne. Signalons enfin que 10 des 11 Elite sont nés dans l’Ouest de la France.
Les 5 juments Elite 1
Undoctra d’Helby, sf, alezane, BSO +22 (0,51), ISO 124
C Indoctro, holst et Muse d’Helby par Quidam de Revel C. Régis Bouguennec, N. et P. EARL Trihan Lamotte (35)
Grande et belle alezane avec du rebond, un galop ample, une forte bascule, un geste de devant perfectible, mais respectueuse et attentive, elle a aligné 21 sans-faute sur 23 parcours. Championne des 4 ans, championne du CIR à Saint-Lô et championne ici. Son papier est très sérieux, son père, très apprécié aux Pays-Bas, est un des bons étalons étrangers apportant de la force. Sa deuxième mère, à l’origine de Circé d’Helby, ISO 159, est de la famille de Gerfaut d’Helby, ISO 168, Ivor d’Helby, ISO 145, et Joker d’Helby, ICC 175.
Doublé pour le cavalier Régis Bouguennec et pour la Bretagne chez les juments, avec la 2e, Uppy de Rance (Huppydam des Horts), née chez son propriétaire Roland Le Fustec. Ph. Scoopdyga Page de droite,comme son nom l’indique, le 2e des mâles et hongres, Un Diamant des Forêts, est également un fils de Diamant de Semilly. Il était monté par son naisseur Fabrice Paris. Ph. Eric Knoll
PALMARES DES PERES DE 5 ANS* (classés selon pourcentage qualifiés races françaises/naissances races françaises) 1 Norton d’Eole(Cento, holst) 5/28 2 Toulon (Heartbreaker, kwpn) 6/35 3 Diamant de Semilly (Le Tot de Semilly) 45/285 4 Quick Star (Galoubet A) 6/39 5 Calvaro, holst (Caletto) 18/126 6 Berlin, holst (Cassini I) 6/43 7 Newton de Kreisker (Diamant de Semilly) 4/31 8 Quidam de Revel (Jalisco B) 5/55 9 Kashmir Van’T Schutter, sBs (Nabab de Rêve) 11/87 10 Muriesco du Cotentin (Dollar du Murier) 4/32 11 C Indoctro, holst (Capitol I) 5/42 12 L’Arc de Triomphe, old (Landor S) 21/181 12ex Made in Semilly (Allegreto) 8/69 12ex Quaprice Bois Margot, holst (Quidam de Revel, sf) 15/129 15 Cabdula du Tillard (Abdullah, trak) 3/27 16 Mr Blue, kwpn (Couperus) 8/77 17 Mylord Carthago-HN(Carthago, holst) 15/153 18 L’Amour du Bois-HN (Rosire) 4/43
17,8 % 17,1 % 15,8 % 15,4 % 14,3 % 13,9 % 12,9 % 12,7 % 12, 6 %- 12,5 % 11,9 % 11,6 % 11,6 % 11,6 % 11,1 10,4 % 9,7 % 9,3 %
2** 2 15 0 4 3 1 1 6 0 4 1 5 3 0 2 4 1
*Etalons ayant plus de 20 produits nés en 2008 **Partants sur le Critérium (finale) Quelques étalons ayant moins de 20 naissances en 2008 et ne figurant pas dans ce classement méritent mention. Par exemple, Huppydam des Horts, 5 produits sur 14 naissances, soit 35,7 % ; Sandro Boy, 3 sur 10, soit 30 % ; Cascavelle, 5 sur 17, soit 29,4 % ; Jus des Fontaines, 2 sur 7, soit 28,6 % ; Panama Tame, 4 sur 18, soit 22,2 % ; Armitage, 3 sur 11, soit 18,2 %. Paul Dubos
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Uppy de Rance, sf, bai foncé, BSO +22 (0,45), ISO 121
Huppydam des Horts et Vesta, bwp par Darco, bwp C. Régis Bouguennec, N. et P. Roland Le Fustec (22)
Baie presque noire, affichant un gros potentiel, avec un geste de devant toutefois un peu lent, elle était 11e et Excellent l’an dernier. Née de Vesta, une bwp très bonne gagnante (ISO 139) issue d’un des meilleurs reproducteurs mondiaux, le célèbre Darco, et utilisée en transfert d’embryon, elle avait cette année ses trois filles par Huppydam au championnat de France des 3 ans au NHS. Affichant du cadre, une grande action et un fort coup de saut, elles ont été classées toutes les trois dans les dix premières (3e, 5e et 10e). 3
Unte des Forêts, sf, baie, BSO +19 (0,52), ISO 106
Diamant de Semilly et Junte des Forêts par Super de Bourrière C. Audrey Paris, N. et P. Fabrice Paris (50)
Solide, bien bâtie, affichant un bon tempérament et très bonne sauteuse (devant et derrière), très aux ordres de sa cavalière, elle est issue du croisement judicieux de Diamant avec une fille de Super de Bourrière, elle-même indicée à 138 et descendante de la bonne souche Paris. Unte est la propre sœur de Nectar (ISO 163), champion à 6 ans, et de Nazur des Forêts, ISO123 à cinq ans et demi-sœur d’Olympique, ISO 143. 4
Utoopia de Troteval, sf, alezane, BSO + 12 (0,52), ISO118
Zandor Z, RHDL et Etoile de Bellevue III par Muguet du Manoir C. Paul Meslin, N. et P. Julien Aubrée (14)
Cette jolie jument compacte et musculeuse avec un fort moteur et très styliste avait déjà réalisé une bonne année à quatre ans, labellisée Excellent. Son père est un performeur et bon producteur étranger, père entre autres de la bonne Zéta de Hus, ISO 167/2012. Sa mère, labellisée dressage, indicée à 121, a quatre produits modestement indicés et sa souche ne comprend pas de grands gagnants. 5
Une Pholie du Marais, sf, alezane, BSO + 24 (0,51), ISO 123
Diamant de Semilly et Gaby du Marais par Quouglof Rouge C. Gaël Jouan, N. et P. Marie-Claire Tollemer (50)
D’un bon gabarit, tonique, affichant un fort coup de saut avec frappe, style et respect, Une Pholie était déjà très performante (16 sans-faute sur 16) l’an dernier, classée Excellent. Elle a déjà deux frères et sœur indicés 139 et 148. Commentaires P. DUBOS C. : cavalier. N. : naisseur (dépt). P. : propriétaire
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DOSSIER LITIERES Cet évident confort de la litière de paille incite nombre de propriétaires à renoncer aux litières de substition pour leur cheval. Ph. H. Delaroque
Hygiène, confort ou économie : un choix difficile Paille, copeaux de bois, lin, chanvre ou miscanthus, le choix de la litière dans un établissement est toujours primordial, car il concerne les aspects esthétique, sanitaire, nutritionnel, économique et pratique. Quels sont les produits disponibles sur le marché, leurs avantages et leurs inconvénients, quel budget faut-il prévoir ? Enquête et témoignages.
L
a population d’équidés hébergée en écuries en France est estimée à près d’un million, dont 80 % seraient sur litière de paille. Il fut une époque où la question de la litière ne se posait pas. Les agriculteurs fournissaient volontiers de la paille contre le fumier livré ensuite aux champignonnières ou épandu dans les champs. Mais les choses ont évolué. Ange Saliot, négociant en pailles et fourrages dans la Manche, livre depuis plus de vingt ans entre 10 000 et 20 000 tonnes de paille par an. Selon lui, ce système n’est pratiquement plus en usage : « Nous facturons l’enlèvement du fumier sauf à nos clients
fidèles. Autrefois, le fumier était une ressource précieuse pour les champignonnières qui travaillaient à la main. Depuis, la production est mécanisée et utilise 50% de paille en gros ballots. De plus, des quotas nous sont imposés sur le fumier comme sur d’autres produits agricoles » (300t par semaine, ndla). A l’heure du choix d’un fournisseur, un certain nombre de facteurs sont à examiner. Sauf exception, la paille est désormais pressée en gros ballots ronds ou rectangulaires de 300 à 400 kg. « Question de personnel, souligne le spécialiste. Mais il faut savoir que les balles rondes ne sont
rentables qu’en livraison locale, car seules les bottes rectangulaires permettent des chargements optimisés. » La qualité de la paille est déterminée par la météo, le moment de la récolte, le matériel utilisé et les conditions de stockage. Une paille récoltée mouillée pourrira facilement, mais Ange Saliot le précise, « la paille battue en plein soleil est brisée, alors que moissonnée et pressée le soir, elle garde un peu de fraîcheur et se plie au lieu de casser. Sa longueur dépend de la céréale plantée (blé court ou long, ce dernier pourtant apprécié en litière étant rare, ndla) et du matériel. Certaines moissonneuses axiales
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