Teaser L'Éperon Mars 2014

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L’EPERON SOMMAIRE N° 342 mars 2014 Photo de couverture. Marc Boblet et Noble Dream Concept Sol. Ph. Selene Scarsi

38 SPORT

Rencontre avec Philippe Guerdat, pile un an après son arrivée à la tête des Bleus. Le sélectionneur évoque ses joies, ses difficultés et ses nouveaux défis, avec en tête les Jeux équestres mondiaux.

3 EDITO 7 COURRIER 8 ACTUALITÉS 18 REPORTAGE ÉLEVAGE 24 REPORTAGE 32 SPORT

24 SPORT

Marc Boblet a reçu L'EPERON dans ses écuries des Basses Lisières (28) pour détailler la progression de Noble Dream, sa jument de tête, mais aussi son évolution à lui, tant sur le plan technique que psychologique. Depuis sa participation surprise aux JO de Hongkong, en 2008, le cavalier a professionnalisé son organisation pour revenir aujourd’hui au plus haut niveau avec beaucoup de détermination et d’ambition.

HARAS DE LA POMME MARC BOBLET

TROIS COUPES DU MONDE À BORDEAUX

38 ENTRETIEN 43 SAUT D'OBSTACLES 46 SPECTACLE 50 REINING 53 ETUDE ÉLEVAGE PHILIPPE GUERDAT

AYMERIC DE PONNAT CHEVAL PASSION LE DÉFI MONDIAL

L'EXCEPTIONNELLE YASMINE

32 SPORT

Ph. PSV

Ph. Scoopdyga

18 ÉLEVAGE

Installé depuis peu dans le Calvados, misant beaucoup sur une génétique d’excellence et sur les transferts d’embryons, géré professionnellement comme une véritable entreprise par Geert et Gertruin Baertsoen venus de Belgique, le Haras de la Pomme connaît une ascension rapide et préfigure peut-être l’élevage de demain.

Ph. Studio Delaroque

Ph. C. Bricot

Aymeric de Ponnat revient sur sa saison 2013, sur la vente d’Armitages Boy, dont il reste le cavalier, et sur ses objectifs. Voyage au coeur du millésime 2014 de Bordeaux, particulièrement palpitant avec les finales Coupes du monde de voltige et d’attelage, et l’étape de saut grâce à laquelle Bosty s’est qualifié pour la finale de Lyon.

61 DOSSIER

De nombreux amoureux du cheval souhaitent vivre de leur passion. Mais le cheval est-il porteur d'emplois ? L'EPERON fait un point sur les métiers de la filière et leurs débouchés.

58 TECHNIQUE 61 DOSSIER 69 PETITES ANNONCES 83 GAZETTE

LE DÉBOURRAGE FAÇON BLONDEAU L'AVENIR DE L'EMPLOI DANS LA FILIÈRE

D'AUTRES INFORMATIONS, INTERNATIONALES NATIONALES, RÉGIONALES ET LE PROGRAMME

Les opinions émises dans la revue n’engagent que leurs auteurs. Les indications éventuelles de marques, les adresses, les prix figurant dans les pages rédactionnelles, sont soumis à titre d’information. La reproduction des textes et illustrations imprimés dans ce numéro est interdite pour tous pays. La rédaction n'est pas tenue de retourner manuscrits, illustrations et photos.

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Noble Dream, un

REPORTAGE MARC BOBLET

Amsterdam, 25 janvier. Edward Gal, 2e de la Libre de cette étape Coupe du monde derrière Charlotte Dujardin, est entré dans l’arène pour la remise des prix sous l’ovation de milliers de supporters acquis. Cinq places plus tard, nouvelle ovation. Marc Boblet, qui nous raconte cela le vendredi suivant, en a encore les sunlights dans les yeux. Ne se trompent-ils pas, se demande-t-il. Ont-ils annoncé le bon cavalier ? Oui, le couple qu’il forme avec Noble Dream a plu, beaucoup plu ! Peu après, Roeckl, parrain des meilleurs cavaliers de la planète l’appellera. Histoire de l’évolution de ce cavalier et de sa jument Noble Dream dont « l’esprit quitte parfois le corps » !

Le tour d’honneur d’Amsterdam où Noble Dream a offert des sensations nouvelles à son cavalier et beaucoup plu au public. Ci-contre, à Londres 2013. Photos D. Caremans

R

emplacer Karen Tebar aux Jeux de 2008, un an seulement après son premier Grand Prix avec Whitni Star, projette brutalement Marc Boblet, encore peu connu en France, au firmament international. Nous y reviendrons. Cinq ans après, le revoilà au premier plan avec une jument phénomène, Noble Dream. Phénomène parce que certainement douée, mais surtout parce qu’elle a souvent fait manger son chapeau à son cavalier - qui d'ailleurs n'en met plus - depuis qu’elle est arrivée chez lui, à Rouvres (28), en

mai 2009. Mais la même lui a permis d’aller aux champion- Un jour de mai 2009, Marc part à Munich avec Whitni Star. nats d’Europe à Herning l’été dernier, d’y faire son meilleur Le trajet est long et il faut faire une halte. « Je demande à score de la saison en Grand Prix (70,01) avant de la sortir Caty Dallara, que je ne connaissais pas à l’époque, si je peux de la carrière de détente du Grand Prix Spécial, un GPS qui, m’arrêter chez eux à une dizaine de minutes de Strasbourg. fatalement, allait être une déception. « Une frustration très Avec son époux, Jean-Louis, et Laura, leur fille, ils insistent pour me montrer Noble Dream dont ils sont propriétaires longue et difficile à gérer », convient l’éconduit. Mais c’est une habitude pour lui. Ne dit-il pas avoir mis et qu’ils sont allés rechercher chez Jessica Michel. Je n’ai huit mois pour réussir à partir au galop du trot ! Lui, jamais été très intéressé par les cracks de Verden (Noble Dream a été médaille de bronze des celui qui avait réalisé la meilleure performance française aux JO « On ne peut pas imaginer 5 ans en 2007 avec Jessica Michel, mettant ainsi la France à l’honneur 2008 (21e du GPS) avec son Whitni. par quoi je suis passé De quoi donner de l’espoir à tous pour la première et, jusqu’à ce avec elle » les cavaliers en difficulté ! jour, unique fois. Le couple sera 9e Mais Whitni et Noble Dream, ce n’est pas la même chose. des 6 ans en 2008, ndla), car on leur demande d’avoir de Whitni Star « était une éponge, avec un bon mental et une très grands rayons. Or en Grand Prix, les chevaux doivent capacité d’apprentissage extrême. Il a appris les change- pouvoir s’allonger mais aussi se raccourcir. … Ils m’ont ments de pied en trois jours. Pour Noble Dream, il m’a fallu demandé des conseils pour aider leur fille Laura et son trois ans. Avec elle, tu peux faire les choses dans le bon sens entraîneur. Puis je suis allé à Munich. Au retour, j'ai refait et pourtant, elle ne va pas accepter. C’est non… parce que étape chez eux, nous avons encore beaucoup discuté et je non, comme les gamins ! ». suis reparti avec la jument dans leur van accroché à mon « Noble Dream, déclare avec respect et affection son cava- camion ». Pour un mois d’essai. Sans conviction. lier, c’est une histoire à elle toute seule ». A ce moment, Marc était un peu seul techniquement. Quand

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rêve qui se mérite ! REPORTAGE MARC BOBLET

Alors Marc décide de se tourner vers les Hollandais, et pas n’importe lesquels, Edward Gal, LE modèle pour lui, et Hans Peter Minderhoud. « Gal est un génie. Il fonctionne au ressenti, la technique n’est plus qu’un apport. Je comprends sa méthodologie, ce qu’il ressent ». Et Isabell Werth qui a fait tant et tant de chevaux de Grand Prix, n’est-elle pas un modèle ?

C’est une vraie professionnelle, comme Patrick Kittel ou d’autres, mais je comprends moins bien. En revanche, elle est aussi un réel exemple humain, comme Gal. Tous les deux restent très simples, très accessibles. Et Charlotte Dujardin avec ses records actuels ?

Tout est parfaitement en place. il y a 100 % de contrôle, pas une faute. C’est impressionnant, mais il n’y a pas d’émotion.

Ci-dessus (à Herning) et cicontre à droite, Noble Dream a donné du fil à retordre à Marc Boblet, mais après cinq ans de patience et de remise en cause, les résultats semblent se stabiliser à la hausse. Elle a beaucoup de points forts et Marc estime que leur couple est à 40% de son potentiel. Photos C. Bricot et C. Bigeon Pas mal de chiens occupent aussi la maison, dont le jeune Léonberg Diabolo, juste devant Marc, avec à sa gauche son épouse Marianne et la groom Camille Guerry, et à sa droite, Isabelle Chraibi, pilier de l’organisation et Sara Crush, la cavalière. Ph. C. Bigeon

« je revenais des stages avec Monica Theodorescu, où l’on me disait que c’était bien, je ne savais plus trop où j’en étais. C’était l’époque de Whitni, et pour qu’il trotte comme il faut trotter en compétition pour être dans les points, il fallait quand même s’en occuper ! Or avec Monica, il ne faut pas trop toucher devant ». Alors Marc décide de revenir à ses fondamentaux à lui, ceux qu’il connaît bien, avec lesquels il se sent bien, « le travail vers le bas, qui met le cheval dans le confort ». Il a cherché beaucoup. Et Noble Dream s’est largement chargée de favoriser cette recherche ! Un mois après son arrivée aux Basses Lisières, les Dallara sont venus : « Je n’ai pas fait de la présentation, mais des séances de travail, et ils l'ont vue en rébellion », mais la jument est restée.

Fin octobre, Marc descend faire le CDI de Biarritz avec Olivier et emmène Noble Dream pour lui montrer autre chose, sans concourir. Il ne peut même pas poser un sabot dans la carrière. La demoiselle est debout. La sévère remise en question du cavalier continue. « On ne peut pas imaginer par quoi je suis passé avec elle ». C’est le moment où la Fédération offre la possibilité aux cavaliers de les aider pour des entraînements privés. Marc fait alors un essai non concluant avec l’Allemand Rudolf Zeilinger, l’entraîneur à succès des Danois, mais « il me demandait de mettre la jument très haut et de mettre les jambes. Moyennant quoi le cheval est censé venir franchir son mors ». Cela ne convenait pas du tout à la très susceptible Noble Dream dotée, qui plus est, d’un dos difficile.

Les bases de l'équitation hollandaise Autant dire que la première fois que Marc s’est retrouvé chez ses idoles à Harskamp, fief des Gal-Minderhoud (sans oublier Werner), il est « arrivé là-bas comme un enfant, et du coup j’ai tout accepté. Hans Peter m’avait dit que j’étais sur le bon chemin, mais qu’il y avait façon et façon de faire. Il m’a fait faire des cercles, des diagonales au pas. Il m’a appris la vraie technique. En fait, je faisais comme je sentais, mais je n’avais pas les bases. Je ne faisais pas comme il fallait faire. Grâce à ces bases qu’il m’a entièrement données, nous avons construit Noble Dream. A l’époque (hiver 2011), j’étais quand même déjà passé d’une table à une chaise ! J’avais réussi à arrondir l’encolure, à la mettre dans la flexion, à avoir un peu plus d’engagement ». Les bases que Marc a acquises au contact des champions hollandais chez lesquels il est retourné plusieurs fois avant les championnats d'Europe (mais depuis tout le monde a des problèmes de disponibilités) sont celles de l’équitation hollandaise, « une équitation moderne, car ils n’ont pas d’histoire, contrairement à l’Allemagne ou la France. Ils ont créé un labo, en allant chercher à droite à gauche, notam-

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« Mon rôle, c’est de protéger mes cavaliers »

Philippe Guerdat : « Je fonctionne à l'affectif. J'aime mes cavaliers. » Ph. Scoopdyga

En une année à la tête des Bleus, Philippe Guerdat affiche déjà quelques belles réussites dont il est loin de se contenter. Le technicien suisse compte encore faire grandir son équipe d’ici les Jeux équestres mondiaux (23 août-7 septembre). Un rendez-vous d’autant plus crucial qu’ils se déroulent à domicile, tout comme la finale Coupe du monde (17-21 avril) à Lyon. Entretien à l’aube d’une saison 2014 sous très haute pression.

Les cavaliers de saut d’obstacles voulaient un chef d’équipe davantage présent sur les terrains. Depuis l’arrivée de Philippe Guerdat, mi-février 2013, ils sont servis. Le Suisse a déjà fait le tour du monde des 5* en 365 jours et s’apprête à remettre ça avec la même détermination ! Aussi exigeant qu’investi, ce fou de boulot vit pour ses cavaliers, fidèle à ses engagements de départ. Et même si son franc-parler et ses choix ne sont pas toujours si faciles à digérer pour les intéressés, il fait avancer le schmilblick, avec déjà des résultats à la clé. Lui-même ne cache pas ses difficultés à transmettre un véritable esprit d’équipe à des cavaliers par essence davantage individualistes, mais il met tout en œuvre pour construire la meilleure équipe possible pour chaque échéance. Au prix de nuits blanches quand il doit trancher, puis de sacrées émotions au bord de la piste. Philippe Guerdat ne fait jamais rien à moitié et les défis l’ont toujours branché. A l’instar de son titre de champion suisse de sténo (!) décroché pendant ses études par simple envie de devancer toutes les filles de son établissement, ou encore de ses quelques saisons comme entraîneur de hockey sur glace (un des autres sports qu’il suit de très près) de l’équipe de Bassecourt, son village

jurassien, avec une montée de la 3e à la 2e ligue à son actif. C’est aussi un dévoreur de journaux et de magazines en tous genres, des quotidiens généralistes et sportifs aux hebdomadaires et mensuels spécialisés : « Je m’intéresse à tout. Et je lis très vite, car j’ai appris à lire en diagonale quand j’étais jeune ». Au point d’acheter en kiosques les titres pour lesquels il est abonné si jamais il est en déplacement le jour de leur sortie ! Les nombreuses heures passées chaque semaine dans les trains et les avions entre les concours, son domicile (basé près de Bruxelles), et parfois les réunions fédérales lui permettent d’assouvir cette soif d’infos entre deux visionnages de parcours sur son ordinateur et coups de fils à ses cavaliers et à son staff. Même si le saut d’obstacles tricolore lui prend aujourd’hui la quasi intégralité de son temps, pas question de ne s’intéresser qu’à ça. Ceux qui connaissent bien cet affectif hyperactif savent d’ailleurs aussi qu’il a beaucoup d’humour. Un trait de caractère qu’il a visiblement transmis à son fils, Steve, adepte des bons mots en conférence de presse. Et cette année, entre la finale Coupe du monde et les jeux équestres mondiaux, le sélectionneur français a de nou-

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ENTRETIEN PHILIPPE GUERDAT veaux défis devant lui. 2014 s'annonce encore plus forte en émotions que 2013 ! Quel bilan dressez-vous après un an à la tête des Bleus ?

J’ai pris du plaisir à ma tâche, même si elle est plus importante que ce que je pensais au départ. Quand j’exerçais en Belgique, j’avais beaucoup de concours en Belgique donc je voyageais moins. Là, je suis vraiment toujours sur la route. J’ai cinq cavaliers dans le Top 30, aussi je fais des concours que je ne faisais pas avant. Ce n’est pas quelque chose qui me déplaît, mais c’est une surcharge de travail. J’avais promis de les accompagner et je les accompagne partout, et je veux être au courant de tout aussi… Je n’ai pas changé mon optique de départ ! Quelles sont jusque-là vos principales satisfactions ?

Nous avons réussi en peu de temps à récréer un état d’esprit… C’était quand même une équipe qui avait souffert, qui restait sur des Jeux olympiques qui avaient marqué tout le monde, pas uniquement ceux qui y avaient participé, mais on est repartis du bon pied. Nous sommes aujourd’hui une équipe assez homogène, même s’il y a encore plein de choses à améliorer. Les plus grands motifs de satisfaction ont été la 3e place de Kevin lors de la finale Coupe du monde à Göteborg, le titre européen de Bosty à Herning et la victoire dans la finale des Coupes des nations Furusiyya à Barcelone, car c’était le premier objectif qui avait été fixé. Et votre principale déception ?

C’est d’avoir raté ce titre de champion d’Europe par équipes pour 3 points. C’est quelque chose qui me reste en travers de la gorge ! J’ai du mal à encaisser que ce soit à cause de la rivière qu’on n’ait pas été champions d’Europe

D’une manière différente. Surtout à l’approche des Jeux mondiaux. Je ne veux pas dévoiler comment je vais le faire, mais mon rôle à moi est de protéger au maximum mes cavaliers afin qu’on ne soit pas à la rue avant que ça commence. Les protéger des médias, mais aussi de leur entourage. A la fin, je veux qu’il n’y ait plus que le véto (Jérôme Thévenot), ma chef de mission (Sophie Dubourg) et moi avec mon équipe, c’est tout. Il n’y aura personne d’autre. Il n’y aura pas les enfants ou les grands-parents. Ils iront nous soutenir dans les tribunes. Si on court les Mondiaux chez nous,

« ON DOIT ÊTRE DÉÇU D’AVOIR PERDU, MAIS JE NE PEUX PAS ADMETTRE QU’ON NE PUISSE PAS SE RÉJOUIR DE LA VICTOIRE D’UN AUTRE FRANÇAIS. » on doit arriver à créer cet état d’esprit qui fait que tout le monde fera certains sacrifices pour obtenir le meilleur résultat. Après, si on rate, eh bien on débriefera, on dira qu’on n’a pas fait juste, qu’on n’est pas arrivés à s’adapter à un autre système. Mais ce qu’on change, c’est toujours dans le but d’améliorer le résultat et ce qui se passera au sein de mon équipe. Pour la finale Coupe du monde à Lyon, il y aura aussi plus de pression que d’habitude, mais c’est différent : les Jeux mondiaux, c’est comme les JO. Patrice Delaveau, Kevin Staut et Roger-Yves Bost sont déjà qualifiés pour la finale Coupe du monde. Simon Delestre (18e avec 28 points) n'est pas loin... Quel est l'objectif ?

faut pour bien préparer et préserver son cheval. Je peux en parler, essayer de les aiguiller, mais à un moment donné ils font aussi ce qu’ils veulent. Ils ont des propriétaires, des contraintes, et les chevaux ne sont pas la propriété de l’équipe de France. Je dois m’adapter à ça et le respecter. Si l'on regarde les Anglais, on se dit « Est-ce que SANCTOS et CELLA n’en font pas trop depuis Herning ? » Scott Brash et Ben Maher sont d’ailleurs n°1 et n°2 mondiaux. Si l'on se base là-dessus, on va courir et un de nos cavaliers va entrer dans les trois premiers mondiaux, mais pour moi ça n’a pas d’importance par rapport à l’équipe de France. Le classement mondial est anecdotique. Je veux des chevaux en pleine forme et des cavaliers qui auront su les ménager pour les championnats du monde. En qui concerne les Coupes des nations Furusiyya, pourquoi avez-vous opté pour Lummen (9-13 avril), La Baule (15-18 mai), Rome (22-25 mai) et Rotterdam (1822 juin) ?

Je veux qu’on entre assez vite dans le vif du sujet pour avoir ensuite le temps d’affiner ce qu’il y aura à affiner et de changer ce qu’il y aura à changer. L’idée est de dessiner une short-list assez tôt afin de préparer au mieux les couples pour les Jeux mondiaux. Potentiellement, nous avons aujourd’hui déjà dix cavaliers (par ordre alphabétique : Anciaume, Bost, Delaveau, Delestre, Ponnat, Epaillard, Hécart, Hurel, Leprévost, Staut, ndla), soit une douzaine de couples susceptibles d’êtres sélectionnés. Mais on peut démarrer la saison d’une manière et devoir changer nos plans au mois de mai. On verra après Lummen, La Baule, Rome. Il faut être très attentif à tout ce qui va se passer. D’autres couples en préparation peuvent-ils émerger ? Le réservoir est-il suffisant selon vous ?

Je me dis toujours « On n’en a pas assez, il n’y a pas assez de réserve ». Mais si je compare avec nos concurrents, on est plutôt bien placés, car c’est plus difficile chez eux que chez nous, donc je ne vais pas me plaindre. Je sais par exemple que les Allemands, les Suisses et les Néerlandais ont des problèmes, et on aura tous des problèmes à un moment donné ! Pour nous, c’est plus important car c’est à la maison, mais il ne faut pas se brûler les ailes maintenant en se disant « On n’a que ceux-là ». On va voir comment ça se passe. Les chevaux nous réservent tellement de surprises qu’on ne maîtrise pas, agréables comme désagréables, que nous sommes obligés d’attendre un peu que ça se déclenche. Quel sera le programme des couples en devenir ?

On va s'accrocher car j'aimerais avoir quatre cavaliers en finale. Je pense qu'on est capable de le faire. A Göteborg (ultime étape, du 27 février au 2 mars, ndla), Simon Delestre tentera de décrocher sa qualification. Kevin Staut et Bosty participeront aussi à cette étape, ainsi qu'Olivier Robert. Il me restait une place et les chevaux d'Olivier ont très bien sauté à Bordeaux. Ça lui permettra de prendre de l'expérience.

Nous allons utiliser toutes les Coupes des nations de Division 2 et les étapes de Division 1 pour lesquelles nous obtiendrons des invitations pour les préparer. Je vais encore engager de nouveaux couples pour les affermir. Le but, c’est qu’en fin de saison l’équipe de France ne tourne pas seulement autour des six noms qu’on cite tout le temps, mais qu’on puisse en ajouter au moins autant. Ce serait l’idéal et je crois qu’on est sur la bonne voie. Derrière les attitrés, il y a d’autres cavaliers bourrés de talent qui méritent leur chance et ils l’auront avec moi s’ils continuent leur progression et si leurs résultats suivent. J’espère vraiment qu’on aura deux ou trois belles surprises d’ici le milieu de l’année. On va attendre que les concours se passent, voir comment les chevaux évoluent.

Le même couple pourra-t-il participer à la finale Coupe du monde et aux Jeux mondiaux ?

Avez-vous d’ores et déjà programmé des regroupements ?

Mon idée première est que les chevaux qui sautent à Lyon ne seront pas les mêmes qu’à Caen. On en déjà parlé avec les cavaliers. Après, je ne dis pas que c’est impossible, car il peut y avoir au final un manque de chevaux. Tout dépendra aussi si le cavalier est vraiment prêt à faire tout ce qu’il

On va en parler avec les cavaliers, mais ce sera vraiment à la carte. J’ai affaire à des cracks cavaliers. Je veux les aider, pas les contraindre. C’est d’après leurs demandes et leurs besoins que nous allons agir. Je suis ouvert à tout ce qu’ils demandent. Notre sport est compliqué : on ne peut pas

Philippe Guerdat travaille en étroite collaboration avec Sophie Dubourg, la DTN, mais aussi Thierry Pomel, Olivier Bost, qui s'occupent des jeunes et des cavaliers jusqu'au niveau 3-4*, et Jérôme Thévenot, le vétérinaire fédéral. Photos Scoopdyga

alors que les chevaux et les cavaliers étaient en forme. Aymeric (de Ponnat, ndla) a très bien fini (11e), mais il aurait pu être un peu plus fort dans une des deux manches par équipes. Ce sont des petits détails qui font la différence à ce niveau-là. Mais il fallait que le couple fasse ses premiers championnats, tout comme ORIENT EXPRESS. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Pour Bosty, ça s’est bien terminé, mais on a changé les plans en cours de route. MYRTILLE n’était pas le premier choix, mais je voulais avoir un cheval rapide pour la chasse. Donc c’est devenu une alternative qui a grandi de mois en mois. Les deux gros événements de l’année se disputeront en France, ce qui implique plus de pression et plus de risque de dispersion des cavaliers… Comment allezvous gérer ça ?

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SAUT D’OBSTACLES AYMERIC DE PONNAT

Aymeric et Armitages, Révélation 2012 avec Armitages Boy, Aymeric de Ponnat livrait l’hiver dernier sa frustration d’être un « bouche-trou » sans visibilité en équipe de France, ainsi que son inquiétude face au « flou fédéral » qui régnait. Au terme d’une année 2013 sous le signe de la confirmation, le Normand revient sur les changements au sein de l’équipe de France, sa saison, la vente de son étalon, et les perspectives 2014… année de la consécration ?

un Q

couple à suivre

uelle est aujourd’hui votre place en équipe de France ?

L’arrivée de Philippe Guerdat a considérablement modifié les paramètres, il donne sa chance à tous. Avec ARMITAGES, nous avons prouvé que nous étions compétitifs objectif après objectif, nous avons de fait eu sa confiance pour les championnats d’Europe (4e place par équipes et 11e en individuel), et la finale du circuit Coupe des nations à Barcelone (où ils contribueront largement à la victoire d’équipe en signant le seul sans-faute tricolore en deuxième manche… compensation de leurs deux fautes dans la première ! ndla). Quels sont vos rapports avec Philippe Guerdat ?

Il ne mâche pas ses mots, j’aime son franc-parler ! C’est ce que j’attends d’un entraîneur. Il a su fédérer un groupe. Mon

histoire peut être celle de n’importe quel couple, demain, qui arriverait prêt. C’est un message d’encouragement aux cavaliers et propriétaires. Avec un seul cheval, il est aujourd’hui impossible de remonter dans la ranking-list sans la confiance d’un sélectionneur national. Il connaît extrêmement bien les chevaux et a toujours le mot juste. Il adapte bien son discours d’un cavalier à l’autre. C’est un vrai meneur d’hommes ! Désormais, avec la confiance vient aussi l’exigence en proportion…

Effectivement ! Philippe m’a beaucoup protégé en début d’année dernière, et son dernier mot avant d’entrée en piste aux championnats d’Europe a été : « Vous avez fait une super année, libère-toi ! ». En revanche en fin d’année, à Paris, j’ai pris une soufflante… Je ne sais pas monter à 100 % tous les parcours, j’aime monter

juste pour travailler, et il lui arrive de me le reprocher. A Paris donc, le deuxième jour, ARMITAGES était frais et inquiet, il faute sur le n°1 et ensuite je finis le parcours en travaillant. En sortie de piste, je me suis fait secouer comme un gamin ! Il me disait que je n’avais pas le droit de monter comme ça, aussi relâché, que les gens m’observent, même si l’objectif était le Grand Prix du dimanche. A Genève, j’ai monté différemment tous mes parcours, ARMITAGES était somptueux… malheureusement il me manquait encore un petit quelque chose sur le dernier du Grand Prix ! Franchement, je ne sais pas vraiment quoi, même après avoir regardé cent fois la vidéo. Je pense qu’avec Philippe, nous avons la même vision du sport et de la gestion des chevaux. ARMITAGES suscite bien des convoîtises,

l’avez-vous vendu comme le dit la rumeur ?

J’en ai fait racheter une partie plus exactement. J’avais convenu le rachat des parts du copropriétaire principal (environ 70 %) avant les championnats d’Europe, car il avait reçu directement des propositions de marchands de chevaux. Je m’étais donc engagé à trouver l’argent avant le 31 décembre… Et c’est effectivement fait. Ce qui est bien, c’est qu’il s’agit d’investisseurs français. J’en reste copropriétaire avec Christophe Mabille à hauteur de 40 %. Qui sont donc les nouveaux copropriétaires d’ARMITAGES BOY ?

Grégory Mars avec le Haras des M, et Guillaume Canet en ont racheté une partie dans le but de le conserver jusqu’aux Jeux équestres mondiaux. Cela participe à la volonté de Guillaume Canet de s’inves-

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La méthode Blondeau

Gagner quatre mois et trée, tremblement, ndla) et de caractère (pointer, ndla). Il faut s’assurer de traiter les deux. »

Le montoir

Lors d’un premier volet (n° 339 pp.74 et 75), Nicolas Blondeau nous dévoilait les points clés de sa méthode de débourrage. Dans ce second volet, suite à la première séance de travail, Laurent Mézailles, BEES1, BFEE3 et formateur auprès de l’Ecole Blondeau, détaille les diverses étapes qui préparent le jeune cheval à sa future carrière. Lors de la première séance, le jeune cheval se familiarise avec la voix, le toucher, découvre les principes d’incurvation, de soumission, d’impulsion et de contact, et apprend à se mobiliser vers l’avant sur l’action de la baguette. Il fait également ses premiers pas en main hors du box. « L’étape suivante, selon Laurent Mézailles, consiste à embarquer le cheval dans un van, ce qui représente tout ce qu’il n’aime pas : les changements de lumière, poser le pied sur un support instable, ne pas pouvoir s’échapper, le fait d’être seul. Cet exercice permet, comme disaient les anciens, d’aller chercher des résistances, de tester le cheval dans une situation difficile pour anticiper sur d’éventuels conflits. Il doit savoir qu’il peut être confronté à ses limites, que l’homme est là pour le rassurer, qu’il ne craint rien s’il s’en remet à lui. Si les difficultés apparaissent plus tard et qu’il n’a jamais été confronté à ce genre de situation, les problèmes seront plus compliqués à résoudre. L’embarquement est aussi une application pratique de la traction impulsive et de l’action de la baguette. S’il vient vers l’homme, le cheval trouve du confort, de la sécurité, de même que sous la selle il trouvera un confort en allant vers la main. La cession intervient dès le moindre report de poids. Si le cheval embarque et débarque pas à pas, dans un reculer parfait et diagonalisé, c’est qu’il fait les choses de bonne grâce. C’est également le signe que la décontraction mentale et physique est totale. »

Le trot en main « Après l’apprentissage de l’embarquement, l’homme déclenche le trot en main, par imitation, puis avec la baguette et la traction. On ne demande que quelques foulées en ligne droite. Plus tard, lorsque le cheval

aura été sellé, le trot en main sera demandé, en décrivant des huit de chiffre, et en faisant voler les étriers pour l’accoutumer au contact des jambes. »

La selle Après avoir découvert le van et trotté en main, le cheval est ramené au box pour un petit moment de repos, propice à l’assimilation de ces nouvelles connaissances. La phase suivante constitue pour lui un des moments clés de la journée. « On pose le tapis deux fois de suite, puis la selle. Le cheval sort ensuite du box, retourne dans le van où il est désormais rassuré et sous l’autorité du dresseur. Celui-ci en profite pour faire du bruit avec la selle en tapant dessus et mimer les fautes d’assiette en bougeant la selle de droite et de gauche. La voix accompagne et rassure. Le cheval embarque et débarque jusqu’à afficher une décontraction physique totale, car il n’est pas question de monter sur un cheval tendu. On répète l’exercice plusieurs fois pour asseoir l’autorité dans la confiance. Toutes les réactions du cheval sont un mélange de peur (queue ren-

« Le cheval étant incurvé, le dresseur monte deux fois de suite avec le pied à l’étrier et le cheval découvre le poids du cavalier. Il a appris déjà tout le reste. En restant dans le box, le cavalier demande des transitions pas-arrêt, change de main, s’assure que le cheval reste décontracté, puis sort du box à cheval, et marche au pas quelques minutes. Les résistances peuvent apparaître à tous les stades, mais en aucun cas on ne passe à l’étape suivante tant que la phase en cours n’est pas assimilée. Il est beaucoup plus sécurisant de monter dans un box que dans une carrière au bout d’une longe. Plus la séance est brève, plus elle se déroule en continu, plus le dresseur conserve sa concentration. Elle est éprouvante si les résistances sont importantes, mais beaucoup moins qu’une séance de longe sur un cercle de quinze mètres. » Nicolas Blondeau ajoute : « Si jamais le cheval part au galop, on va avec lui avant de le ralentir grâce à la voix. Le cavalier ne doit pas s’opposer à un départ puisqu’il ne sera de toute façon pas obéi et son action provoquera une douleur dorsale chez le cheval. Il ne faut demander que ce que l’on est sûr de pouvoir obtenir. » Quel est le programme des séances suivantes ? Cette toute première phase du dressage est considérée comme stabilisée au bout de trois jours environ. Après la première séance, on refait souvent un montoir en dehors du box. La leçon ne dure qu’une

quinzaine de minutes, le cheval marche au pas et fait trois ou quatre foulées de trot. Dans les trois jours qui suivent, le dresseur introduit une allure supplémentaire à chaque séance. Le travail se fait essentiellement en extérieur, en terrain varié. Au départ, le cheval a très peu de notion des aides de conduite, le cavalier utilise des lieux qui guident le cheval comme une allée bordée d’arbres ou le long d’un mur car le cheval est placé dans des situations qui facilitent sa compréhension. Il répond aux circonstances comme il le ferait en milieu naturel. On parle d’apprentissage opérant. Par exemple, pour gravir un dénivelé, il lui est plus facile de prendre le galop, c’est pourquoi les premières séquences de trot et de galop ont lieu sur des chemins encadrés et en pente. Nous évitons les contraintes physiques, mais cherchons à le familiariser avec divers éléments, dont l’eau, susceptibles de le gêner pour renforcer le dressage, l’autorité et la confiance. Pourquoi ne pas commencer par longer les chevaux ? Nous essayons de ne jamais placer le cheval dans des contraintes physiques et mécaniques, ce qui est le cas à la longe. Le travail en ligne droite en extérieur est beaucoup plus proche de son fonctionnement naturel. Quelle doit être la position du cavalier lors des premières séances? Plus le cavalier allège son assiette, plus les contraintes mécaniques et physiques sont faibles. L’objectif est de préserver les allures naturelles. Le siège de l’engagement se situe dans la région dorso-lombaire, juste derrière la selle. La flexibilité de cette zone permet une locomotion juste. L’apprentissage de la selle et du poids du cavalier en action se fera tout d’abord dans l’univers familier, le box. Photos Les Garennes

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TECHNIQUE LE DEBOURRAGE

t préserver la locomotion Puis cheval et cavalier resteront dans un environnement connu pour les premiers pas montés à l'extérieur du box. Photos Les Garennes

Une assiette allégée, avec la ceinture avancée, sur une longueur d’étrier mixte (plus courte qu’en dressage et plus longue qu’à l’obstacle, ndla) permet d’adopter une attitude en équilibre proche du cheval sans basculer vers l’avant. Quelle est la suite de l’apprentissage? En moyenne, les chevaux restent une dizaine de jours à l’école. Après l’acquisition des fondamentaux, il s’agit d’approfondir les apprentissages. Nous introduisons progressivement l’action des jambes, nous sommes plus exigeants sur la direction et abordons d’autres aspects qui correspondent à un cadre de travail moins naturel, à savoir le travail à la longe puis en carrière, lorsque le cavalier dispose des moyens de conduite nécessaires. Pour le cheval, il s’agit d’un espace en longueur limité en son extrémité par une barrière dont il n’a aucune raison de s’approcher avant de tourner. S’il accepte de s’inscrire dans les coins et de suivre la piste, c’est que le cavalier dispose d’un niveau de conduite relativement précis. Comment sensibiliser le cheval aux aides? Le cheval ne doit rien découvrir de nouveau sous la selle : codes vocaux, baguette impulsive, traction. Toute la préparation se fait en main, y compris le passage de l’eau, ou le saut en main. Nous avons mis en place le principe de la traction, les codes vocaux (allez, pas, trot, ho, etc., ndla), et l’action de la baguette impulsive. Petit à petit, nous superposons l’ensemble des actions en faisant glisser le codage vers les actions de jambes et de mains. Par quoi le séjour se termine-t-il ? En fin de cursus, nous faisons découvrir aux chevaux leur future discipline, les courses de galop, les courses de trot ou l’équitation sportive de dressage, d’obstacle, de concours complet ou d’attelage. Les galopeurs font connaissance avec les boîtes

de départ et rejoignent directement leur centre de préentraînement ; les trotteurs, qui seront attelés très rapidement, ainsi que les chevaux d’attelage sont initiés aux longues rênes et découvrent la sensation d’être serrés entre les brancards. Tous les chevaux de sport sont initiés au saut en main sans élan sur un petit fossé ou un tout petit obstacle, ce qui leur inculque la franchise, leur apprend à s’articuler et permet de déceler le potentiel du cheval qui saute beaucoup mieux que dans un rond d’Avrincourt où il a tendance à s’affoler, et où la distance n’est pas forcément bonne. S’il a appris le geste juste, et non la fuite devant l’obstacle, il reproduira la même chose sous la selle. Quand votre rôle prend-il fin ? Lorsque le cheval est utilisable aux trois allures, qu’il a découvert les apprentissages liés à sa spécialité. C’est alors l’entraînement spécifique qui débute. Il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit de jeunes chevaux qui conservent leur caractère. Même si le débourrage s’est déroulé dans d’excellentes conditions, la qualité du travail qui suit est fondamental. N’importe quel cavalier n’est pas en mesure de monter n’importe quel cheval. L’adéquation entre le cavalier, son niveau technique, ses objectifs et sa monture est cruciale. Les résultats de notre méthode avec les chevaux de course sont particulièrement probants, car après le débourrage, ils intègrent systématiquement les meilleures écuries professionnelles. Votre conseil aux amateurs S’adresser à un professionnel, ne pas débourrer son cheval en lisant le livre de Nicolas Blondeau. Notre formation débourrage, qui s’adresse à des cavaliers professionnels, s’étend sur douze semaines au cours desquelles ils voient des dizaines de poulains au débourrage tous les jours. Je conseillerais aux amateurs de s’assurer

que le professionnel qui se recommande de la méthode Blondeau a effectivement suivi une formation complète à l’école. Quelles sont les conséquences d’un débourrage mal conduit ? De nombreux chevaux ont été ratés au débourrage. Ils ne sont pas forcément inmontables, mais risquent de rester toute leur vie dans leur coquille et de ne jamais révéler leur potentiel, ce qui est très dommage. L’objectif est d’avoir un cheval facile aux trois allures, mais surtout qu’il soit utilisable pleinement. Les chevaux sont parfois débourrés avec des concessions : le moindre non résolu au moment du débourrage réapparaîtra plus tard. Parfois, les chevaux qui sont présentés dans des épreuves de labellisation sont tellement travaillés sur certains points qu’ils ne connaissent rien d’autre. Les apprentissages sont donc restreints et verrouillés. Les chevaux sont timorés ou un peu tendus. Le vrai problème est que l’on ne peut juger d’un débourrage simplement sur

chevaux stagnent dans leur évolution et ne parviennent pas à passer des caps physiques ou d’apprentissage. La stratégie pour remettre un cheval en confiance est-elle similaire à celle du débourrage ? Elle est identique. On reprend toutes les étapes pour détecter le problème et parfois on s’aperçoit que le fait de reprendre le processus étape par étape permet au cheval de trouver de la cohérence. C’est parfois très simple, parfois bien plus compliqué lorsque les problèmes physiques s’ajoutent aux problèmes de comportement. Le fait d’exécuter un exercice ne signifie pas forcément que son dressage est juste. La façon d’être est au moins aussi importante que la technique. L’état d’esprit va bien au-delà de la méthodologie. Le processus de valorisation à court terme n’incite pas à investir sur le travail. Quels sont selon vous les bénéfices essentiels de cette méthode ? Ils sont multiples. Selon mon expérience

Au début, le programme sera simple, en ligne droite. La voix sera le principal facteur de régulation de l'allure, mais le contact avec la main existe, et la position du cavalier est légère.

ce que le cheval réussit à faire. Pour prendre l’exemple de l’embarquement, il est toujours possible de le faire monter dans un van en utilisant de la nourriture, des longes, en le poussant derrière, mais pour autant le cheval n’aura pas appris à embarquer lorsque le cavalier lui demande. On juge la qualité d’un dressage non seulement aux exercices que le cheval est capable de faire, mais surtout à la possibilité que donne son éducation de construire des apprentissages nouveaux. Ce n’est pas le cas de la méthode du conditionnement, type d’apprentissage souvent utilisé dans les cirques qui s’acquiert rapidement et s'avère très stable dans le temps, mais qui est également très figé. Selon les procédés d’apprentissage utilisés au début, on ouvre ou on ferme le cerveau du cheval. Ce processus se déroule au moment du débourrage. C’est aussi pour cette raison que certains

personnelle, elle permet de gagner environ quatre mois de travail. D’autre part, le fait de ne pas utiliser les contraintes physiques qui déséquilibrent la locomotion, permet au cheval d’être tout de suite dans ses allures naturelles et dans son inné locomoteur, comme disait le Dr Pierre Pradier. L’un des éléments déterminants est que le cheval tend ses rênes dès le départ, ce qui facilite l’apprentissage technique. Ensuite, le cursus n’est pas exigeant physiquement. Mais ce qui à mon sens fait la grande richesse de cette méthode est qu’elle est destinée au cheval de sport et trouve ses bases dans l’équitation classique, ce qui permet de faire un lien immédiat et durable avec l’utilisation du cheval. Il n’existe donc pas de rupture entre le débourrage et le dressage du cheval. Propos recueillis par Béatrice FLETCHER

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