EDITORIAL
Extraordinaire Par Xavier Libbrecht
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isons le tout net, l’annonce, le 11 avril, du retrait de Meydan, en qualité de sponsor des Jeux équestres mondiaux Alltech FEI 2014 en Normandie, un mois seulement après l’annonce de son soutien, a surpris. Petit rappel : Meydan est le nom de l’hippodrome de Dubaï, mais aussi la bannière de tout ce qui a trait aux activités hippiques de cheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum. Meydan s’est fait connaître dans la sphère équestre internationale, peu de temps après l’élection de la princesse Haya à la tête de la FEI, en soutenant le circuit des Coupes des nations (2009-2010) après le départ de Samsung. Pour Meydan, cet engagement en faveur des sports équestres était, sur le plan marketing, une façon d’élargir la cible et par voie de conséquence, sur le plan politique, d’augmenter son emprise sur la FEI. Puis Meydan se concentra sur l’endurance en soutenant par exemple les JEM de Lexington en 2010. Ce furent ensuite des opérations ciblées en faveur de l’endurance, au coup par coup. L’annonce, fin 2013, d’un retour plus appuyé au travers du contrat avec les Jeux normands de cet été, mais aussi plus élargi car, officiellement, ne portant pas que sur l’endurance, avait suscité des réactions mitigées. Réticences clairement exprimées par certains comme, par exemple, Bénédicte Emond-Bon, entraîneur de l’équipe de France très critique. Une réaction faisant suite aux différentes affaires qui ont entaché la réputation de Godolphin, l’écurie de course de cheikh Al Maktoum, mais procédant aussi de sa connaissance du milieu de l’endurance et de ses pratiques déviantes. Pour la Française, on était à la limite de la provocation ! A l’inverse, d’autres considéraient que cette nouvelle implication, en dépit de l’opprobre latente était une façon de se mettre à l’épreuve, de se mettre en demeure de s’acheter une nouvelle conduite, voire de se refaire une virginité ! Quelque chose comme « OK on a déconné, mais on aime vraiment l’endurance. Pour preuve on soutient encore ! Et cette fois, croyez-le, on va se tenir à carreau ! » Bref un discours de « repenti ». A notre avis, c’eût été pas mal joué ! Alors pourquoi, soudainement, le 10 avril, la FEI, comme sous pression, annonçait-elle aux organisateurs normands et, dans le même temps, à la presse par voie de communiqué, le retrait de Meydan, lequel était remplacé par une multinationale indienne répertoriée à Bangalore sous contrat avec Dubaï et faisant même l’objet d’une « joint venture » avec Meydan, répondant au nom de Sobha. Une société qui opère en Inde, mais également dans tous les émirats et jusqu’en Tanzanie : projets immobiliers et développements en tous genres. En fait, un grossier tour de passe-passe permettant à la FEI de garantir les engagements pris vis à vis du GIP JEM Normandie 2014 et d’éviter, selon elle, tout conflit d’intérêt. Quelque chose comme : « Plus de Meydan… Alors les cavaliers des Emirats Arabes Unis ne seront plus suspects de profiter de quelques éventuelles faveurs ! » Bref, opération main propre : « On lave plus blanc que blanc ! »
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aut-il rire ou pleurer ? Surtout si l’on superposait à cela la création d’une « task force » où l’on pointait encore deux hommes de cheikh Al Maktoum, à commencer par Mohamed Essa Adhab, directeur général du club équestre de Dubaï et où l’on apprenait, au détour de l’un des nombreux communiqués de presse de la FEI, que Meydan s’engageait à financer les travaux de ce commando de pompiers qui devait se réunir le 27 avril ! Et le conflit d’intérêt alors ? Plus patent que jamais. Moyennant quoi, quarante-huit heures plus tard, nouveau rebondissement. Les deux « entrants » étaient remerciés. Mais quel bazar ! Tout ça, simplement parce que la FEI ne sait plus où elle habite ! Et pas seulement au sens figuré ! Faut-il rappeler que la construction de l’immeuble qui porte le nom de feu le père de la princesse, HM King Hussein I, situé au 8 Chemin de la Joliette à Lausanne, a été financé par
Dubaï et donc son mari, père de ses deux enfants, qui en a fait don à l’auguste institution ? Mélange des genres qui, assurément, pourrait apparaître de nature à déboussoler quiconque… La princesse Haya sait-elle, elle-même, encore où elle veut aller ? Lorsque vous lirez ces lignes, la FEI sera en assemblée les 28 et les 29 avril. Une Assemblée générale extraordinaire qui, comme son nom l’indique, a été convoquée expressément pour permettre aux représentants des cent trente-deux pays affiliés de prendre une décision lourde de conséquence. Non, ce n’est pas le soldat Ryan qu’il faudrait sauver, mais la présidente qu’il conviendrait de délier de son engagement ! La princesse Haya de Jordanie qui, lors de sa première campagne et dès son élection (Kuala Lumpur, 1er mai 2006), confirmait qu’elle souhaitait limiter la durée d’exercice du président. Deux mandats suffisent, estimait-elle alors. Il faut pouvoir ramener de l’air frais à terme. Elue sur un programme de réformes, cette simple mesure dite de « gouvernance », au moins, marquait un vrai virage. Prenait un visage. Las, moins de huit ans après, et en dépit des dénégations officielles formulées en septembre 2013 lors de la première finale Furusiyya à Barcelone, la présidente laissait se former, quelques semaines plus tard, au cours de l’Assemblée générale de Lausanne en novembre, un mouvement de soutien lui permettant d’envisager un troisième mandat. L’air de ne pas y toucher, comme si cela lui échappait, elle prenait acte de ce souhait… Et elle laissait se planifier une Assemblée générale modificative des statuts. Extraordinaire !
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son crédit, c’est vrai, le retour en cour des sports équestres aux Jeux olympiques. Après la descente aux enfers (affaires de dopage) des Jeux de Pékin-Hongkong pour l’équitation, le succès de ceux de Londres est en partie lié à son action et à son implication au sein du Comité olympique où elle siège et représente les Emirats Arabes Unis depuis 2007. Tout son travail d’ouverture et de développement de l’équitation dans d’autres contrées du monde est également à mettre à son actif. Avec toutefois les limites qui sautent aux yeux aujourd’hui.
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a réussite est cependant moins flagrante dans d’autres domaines. Le dossier des candidatures aux JEM 2018 patine. Rio s’annonce plus complexe pour l’équitation que Londres. La gestion des calendriers sportifs, le sponsoring et le droit à l’image où le mot d’ordre c’est : « FEI first » ne font pas que des heureux ! Les derniers développements de la crise de l’endurance gérée à la petite semaine par le secrétaire général Ingmar de Vos, dont on imagine probablement mal à quel point il est sous la pression de volontés et d’ambitions contradictoires et la mise sur la touche –bien tardive hélas – de tout ce qui fleurait trop le conflit d’intérêt, semblerait prouver qu’Haya après avoir bredouillé, subi, s’affranchit, reprend la main et ne renonce à rien. Eminemment politique, elle tentera de faire oublier ce qui sera considéré comme une péripétie, et assurera même que dans toute cette navrante affaire, elle aura été un rempart contre le risque qui menaçait. Modeste, elle affirmera qu’elle n’a fait que son devoir : mener un combat pour le sport, ses valeurs et son intégrité. Ses supporters sont déjà acquis ! La maison est tellement plus confortable depuis qu’elle s’en occupe ! Dans ce contexte, la récente annonce à la présidence de la FEI, de la candidature du Suisse Pierre Genecand, ancien président du CSI de Genève, cavalier et homme d’affaires, est une bonne nouvelle. Enfin pour ceux qui croient aux mérites de l’alternance et du débat, car au moins son entrée en piste devrait permettre de l’entamer.
« Non, ce n'est pas le soldat Ryan qu'il faudrait sauver, mais la présidente qu'il
conviendrait de délier de son engagement ! »
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FINALES DES COUPES DU MONDE DE SAUT D'OBSTACLES ET DE DRESSAGE A LYON
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SOMMAIRE N° 344 mai 2014
42 REPORTAGE
Jump Five fait beaucoup parler sur les terrains de concours. Décryptage des objectifs et du fonctionnement de cette association de talents inédite grâce à l’interview d’Armand et Emmanuèle PerronPette, à la visite du tout nouveau Haras de la Forge, et à la rencontre avec les quatre cavaliers engagés dans cette aventure.
3 EDITO 7 COURRIER 9 FINALES DES COUPES DU MONDE À LYON
17 ACTUALITÉS 23 POLITIQUE 36 ELEVAGE
CHARLES DE CERTAINES RÉMI ET PHILIPPE FERON
Ph. Dela roque
Photo de couverture. Ph. Florence Clos
36 ELEVAGE
Rémi et Philippe Féron sont sur un petit nuage : c’est à leur modeste élevage que le Suisse Steve Guerdat doit NASA, en pleine ascension, et que l’Allemagne doit le bon étalon CIEL D’ESPOIR (rebaptisé QUATTRO B) : reportage à lire p. 36. Retour sur terre, p. 67, avec l’étude élevage et son comparatif des coûts de l’élevage en Europe.
71 ENQUÊTE
Les bénévoles sont indispensables. Les dirigeants de structures et les organisateurs d’événements le savent bien. Elus au sein d’une association, buvetiers d’un jour ou ramasseurs de barres, tous contribuent au fonctionnement de la filière. L’EPERON fait le point sur les conditions du bénévolat.
42 REPORTAGE
JUMP FIVE D'EMMANUELE ET ARMAND PERRON-PETTE
55 SPORT
CICO3* DE FONTAINEBLEAU, CSI2* DE CAGNES-SUR-MER, CPEDI DE DEAUVILLE
64 PORTRAIT 67 ETUDE
JEAN-PHILIPPE FRANCES LES COÛTS DE L'ÉLEVAGE EN EUROPE
77 DOSSIER
Neufs ou d’occasion, vans et camions doivent être vérifiés régulièrement. La surveillance du plancher, des freins, des pneus et de l’électricité peuvent éviter des surprises désagréables. Quelques conseils d’entretien et de rénovation pour limiter les coûts sans négliger la sécurité.
71 ENQUÊTE 74 TECHNIQUE 77 DOSSIER 85 PETITES ANNONCES 99 GAZETTE
LE RÔLE CAPITAL DES BÉNÉVOLES UN AMATEUR EN CYCLE LIBRE RESTAURER ET RÉPARER UN VAN
D'AUTRES INFORMATIONS, INTERNATIONALES NATIONALES, RÉGIONALES ET LE PROGRAMME
Les opinions émises dans la revue n’engagent que leurs auteurs. Les indications éventuelles de marques, les adresses, les prix figurant dans les pages rédactionnelles, sont soumis à titre d’information. La reproduction des textes et illustrations imprimés dans ce numéro est interdite pour tous pays. La rédaction n'est pas tenue de retourner manuscrits, illustrations et photos.
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Sacre de Deusser, La finale Coupe du monde Longines de saut de Lyon (17 au 21 avril) a fait passer le public français par toutes les émotions. D’abord par la joie avec la prometteuse pole-position de Patrice Delaveau avant l’ultime étape, puis par la tristesse avec son forfait pour blessure et par la déception devant les pâles prestations de Kevin Staut (21e) et Simon Delestre (23e), et, finalement, par l’enthousiasme face au captivant dénouement qui a couronné Daniel Deusser et Cornet d’Amour devant des tribunes enfin bondées. Ce n’était pas le cas la veille pour la finale de dressage remportée par la Britannique Charlotte Dujardin.
Ph. Scoopdyga
FINALES COUPEs Du MONDE LYON
Ph. C. Bricot
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a dernière fois que la France avait accueilli la finale de la Coupe du monde de saut, c’était en 1987, à Bercy. L’Américaine Katharine Burdsall avait été sacrée avec The Natural devant Philippe Rozier et Jiva. Vingt-sept ans après, on s’attendait à beaucoup d’engouement pour celle organisée à Lyon par l’équipe de Sylvie Robert (GL Events), mais les tribunes (9 000 places) ont malheureusement affiché complet uniquement pour l’ultime épreuve en deux manches du lundi après-midi. Lassitude du public face à la multiplication d’événements 5* proposés en France ? Week-end prolongé de Pâques favorisant les départs et les fêtes de famille ? Prix trop élevé des places ?
Manque de communication des organisateurs, peut-être trop en confiance à cause du succès de leur annuel Equita’Lyon ? Les raisons sont sans doute multiples, mais ce manque de public a un peu gâché la fête. « Nous sommes forcément déçus, mais nous avons eu du grand sport et de belles finales, c’est l’essentiel, souligne Sylvie Robert, directrice de l’événement. Organiser ces finales était une fierté, mais aussi une énorme responsabilité. Je suis contente car les chevaux ont bien sauté et les cavaliers étaient contents. » Ces derniers qu’ils soient de dressage ou d’obstacle ont effectivement unanimement salué la qualité des infrastructures et de l’organisation, qui leur a permis de donner le meilleur en piste.
Domination allemande La concurrence était telle et les écarts de points si serrés entre les meilleurs que la tête a changé entre chaque épreuves. Vainqueur de la chasse avec Quidam du Vivier (un cheval récupéré il y a quatre mois), le Suisse Pius Schwizer (8e) a fait une faute dans le barrage à rallonge (lire encadré p. 10) de la deuxième étape, puis a perdu toute chance de victoire à cause de son 4 + 4 en finale avec Toulago. Leaders ex-æquo avant la finale, Patrice Delaveau et Steve Guerdat ont également vite déchanté. Le premier à cause d’un forfait pour blessure de Lacrimoso (lire p. 12) et le second à cause d’un bon mais insuffisant
claque pour les Bleus
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FINALES COUPEs Du MONDE LYON Le vainqueur, Daniel Deusser/Cornet d’Amour, Ludger Beerbaum/Chiara 222 (ci-dessous, ph. D. Caremans), Scott Brash/Ursula XII (ci-contre, ph. C. Bricot) et Marcus Ehning/Cornado NRW sont les quatre seuls couples à avoir bouclé un double sans-faute sur l’épreuve finale. Tous avec une aisance et une application remarquables.
VITE DIT Dix Américains. La nation la plus
représentée était les Etats-Unis, avec 10 couples au départ de cette finale, dont 5 ont terminé dans les seize premiers. Discrets lors de la chasse, les Américains ont débarqué lors de la deuxième épreuve grâce à l’époustouflante victoire de Kent Farrington/Voyeur et à la 3e place de la tenante du titre, Beezie Madden/Simon. Ils remontaient respectivement aux 10e et 4e places du provisoire, mais le premier a déclaré forfait, estimant son cheval (de retour de blessure) pas prêt, et la seconde a finalement reculé à la 7e place à cause de son 4+4 en finale. A cheval sur deux montures. Sur les 40 participants à la finale, 9 ont opté pour changer de cheval et, au final, 3 d’entre eux figuraient parmi les dix premiers : Ludger Beerbaum/Chaman et Chiara (3e), Pius Schwizer/Quidam du Vivier et Toulago (8e) et McLain Ward/HH Carlos Z et Rotchild (9e). Michel Robert, chevalier. Lors d’Equita’Lyon, en novembre, le Rhônalpin avait fait d’émouvants adieux au public. Cette fois-ci, il a reçu la Légion d’honneur des mains de Gérard Larcher, ancien ministre du gouvernement Chirac et président du Sénat, qui était vétérinaire lors des JO de Munich. « C’est une médaille de plus. Ce n’était pas un objectif de ma vie, mais ça me touche, car c’est une reconnaissance officielle,
Deusser « heureux » Après une année 2013 déjà auréolée de succès – champion d’Allemagne, médaillé d’argent par équipes et 5e en individuel lors des championnats d’Europe à Herning, vainqueur du Top 10 à Stockholm, de la Coupe des nations de Calgary et de plusieurs Grands Prix – Daniel Deusser a encore prouvé lors de cette finale qu’il pouvait tenir la pression. Avec seulement 2 points d’avance sur Ludger Beerbaum, il n’avait en effet pas le droit à l’erreur. « J’étais quand même tendu, d’où la grosse touchette sur le n°1, mais après je me suis repris et concentré sur ce que je devais
Ph. J.-L. P.
a indiqué Michel Robert. J’ai versé ma petite larme. Je suis passé de cavalier à chevalier ! » Le GP3* pour Chaman. Après avoir pris la 3e place de la chasse avec Chaman, Ludger Beerbaum a poursuivi la finale Coupe du monde avec Chiara 222. Il n’a toutefois pas laissé son étalon fils de Baloubet du Rouet au box puisqu’il a remporté le GP3* du dimanche soir au terme d’un barrage à huit devant Michael Whitaker/Amai et deux Français : Eugénie Angot/Davendy S et Kevin Staut/Oh d’Eole. Obstacles lyonnais. Architecte de métier, le président du CRERA, Yves Tourvieille avait dessiné trois obstacles de la finale Coupe du monde : ceux représentant l’Opéra de Lyon et le traditionnel Bouchon Lyonnais, deux institutions locales, ainsi que celui aux couleurs de GL Events, organisateur de l’événement.
4+4 en finale avec un Nino des Buissonnets bouillant. Leurs déboires, tout comme le forfait de l’Américain Kent Farrington, époustouflant vainqueur de la deuxième étape avec Voyeur, ont fait le bonheur des couples alignant les sans-faute. A commencer par Daniel Deusser et son beau Cornet d’Amour : 6e après la chasse, 3e après la deuxième épreuve, sans-faute lors de la première manche, le couple abordait l’ultime parcours en tête et il la conservera sous l’ovation des spectateurs. Repêché une semaine avant l’événement suite aux nombreux forfaits, Ludger Beerbaum/ Chiara 222 (2e) enchaînaient également les sans-faute avec une précision de métronome. Auteur d’une faute sur le dernier de la chasse, le n°1 mondial, Scott Brash (3e) a également enchaîné les sans-faute ensuite avec Ursula qui lui ont permis de grimper de la 11e à la 3e place. Au pied du podium (4e), Marcus Ehning devait, lui, regretter de ne pas avoir un peu plus joué le chrono dans la chasse (10e) et dans la deuxième étape (9e), compte tenu de l’admirable aisance de Cornado NRW, qui n’a pas touché une barre sur les cinq parcours. Avec 3 cavaliers dans les 4 premiers, les Allemands ont dominé leur sujet et confirment plus que jamais leur statut de favoris à quatre mois des Jeux mondiaux FEI Alltech Normandie.
Deuxième étape : altercation entre le chef de piste et la FEI De vifs débats ont éclaté au terme de la deuxième étape de la finale Coupe du monde Longines de saut, lors de laquelle 21 des 38 couples s’étaient qualifiés pour le barrage. La faute à un temps accordé trop long d’après la plupart des cavaliers et des coachs : « Quand on laisse aux meilleurs mondiaux le temps d’aborder au mieux les difficultés, ils sortent forcément des sans-faute », commentait Philippe Guerdat, le chef d’équipe des Bleus. Directement mis en cause lors de la conférence de presse, le chef de piste, Frank Rothenberger, a exprimé sa colère : « Après les trois premiers cavaliers, j’ai voulu raccourcir le temps de 76 à 72-73 secondes, mais les juges FEI ont refusé ». Ce à quoi, John Roche, vice-président de la FEI et responsable du jumping, a rétorqué : « Nous avons, comme d’habitude, calculé le temps en fonction du tracé idéal et nous avons estimé qu’il n’était pas nécessaire de le réduire. » Sauf que la piste étant très grande (90 x 45 m), la vitesse effective des couples s’approchait en réalité davantage de 375 m/ mn que des 350 m/mn habituellement estimés en indoor…
Steve Guerdat, en tête du classement provisoire avec Patrice Delaveau, montait alors au créneau : « Le chef de piste connaît son métier mieux que n’importe quel juge FEI. Il devrait être le seul décideur. Nous préférons avoir un temps plus court que des obstacles plus hauts et des oxers plus larges, qui sont plus éprouvants pour nos chevaux ». Questionné sur les éventuelles conséquences de cette décision des juges sur le résultat final, John Roch clôturait ensuite ces échanges houleux d’un cinglant « je ne pense pas que seul le temps accordé soit responsable de ce trop grand nombre de sans-faute »… Sur ce parcours, le chronomètre n’a effectivement pas été le seul à faire jaser puisque pendant la reconnaissance, deux obstacles ont été baissés, et la distance entre l’oxer n°8 et le double n°9 a été réduite d’un mètre. D’abord imputé à la pression de certains cavaliers, ce dernier changement aurait en fait été dû à une erreur lors du montage du parcours, la barre de repère du placement du double ayant été enlevée pour le passage des véhicules. E. M.
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REPORTAGE REMI ET PHILIPPE FERON
Ciel d’Espoir et Nasa L’élevage du cheval de sport est ancré dans les gènes des Normands, particulièrement dans ceux du Nord Cotentin. L’histoire de Rémi Féron et de son fils Philippe, naisseurs d’une des vedettes du saut d’obstacles international, NASA, deuxième cheval de Steve Guerdat derrière NINO, et précédemment de CIEL D’ESPOIR, alias QUATTRO B, un des rares étalons français à avoir fait carrière en Allemagne, en est l’illustration.
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émi Féron, soixante-treize ans, est né dans une famille d’agriculteurs à Flottemanville Hague à quelques lieues à l’ouest de Cherbourg, dans la Manche. Ses trois frères et sa sœur ont embrassé la profession de leurs parents, mais Rémi, lui, a choisi le métier de boucher, profession qu’il a exercée à Equeurdreville, jusqu’à sa retraite en juin 2000, son fils aîné Serge assurant sa succession. Comme beaucoup de bouchers ruraux, il exploitait en parallèle une vingtaine d’hectares où il nourrissait des bovins destinés à son commerce, auxquels il ajouta rapidement quelques poulinières. « Mes parents agriculteurs avaient des chevaux de travail, mais ne s’intéressaient pas aux sports équestres. Cependant, ici, grâce
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CherbourgOcteville Valognes Ste-MèreEglise
Flottemanville Hague
Carentan
MANCHE 50
Coutances
SaintMalo
CAEN
SAINT-LO
Villedieules-Poêles Le-Mt-StMichel
Bayeux
Vire
Avranches
Dinan Dol-deBretagne
Flers Domfront
aux sociétés hippiques rurales, le cheval de sport est devenu à la mode dans la période d’après-guerre, et pratiquement tous les cultivateurs ont eu une poulinière, encouragés par la réussite de quelques spécialistes qui s’illustraient dans les concours de modèle et allures ». Parmi ceux-ci les Mesnil, Letablier et un certain Jean Leverdier qui était la référence dans la Manche. Ses juments gagnaient les premiers prix dans les concours de poulinières, en particulier une certaine VIOLETTE (IBRAHIM) qui fut pendant nombre d’années grande championne de la race, collectionnant les victoires tant à Saint-Lô qu’au concours de Caen, ou au Salon de l’agriculture de Paris. VIOLETTE était une imposante et belle jument baie qui faisait beaucoup d’envieux et dont les poulains se vendaient très facilement, en particulier vers l’étranger (Belgique) lors des concours de Caen. Son propriétaire, homme
imposant par sa taille et sa compétence, fier de ses élèves, les présentait toujours en parfaite condition, nattées et tirées à quatre épingles. Unanimement respecté, il exerçait une certaine influence sur les représentants des Haras pour attirer à la station de Flottemanville les étalons tête d’achat, et c’est ainsi qu’il fit venir en 1976 un certain GRAND BONHEUR (IBRAHIM x COLD SLIPPER, ps), dont le modèle quasi parfait avait fait l’admiration des observateurs du concours achat et qui fut de ce fait très utilisé au début. Malheureusement, sa production fut très médiocre au plan sportif, alors que son congénère, GRAND VENEUR, mal classé à ce concours achat, fut à l’origine de beaucoup de bons gagnants et de futures bonnes reproductrices. Bref, Jean Leverdier était de son temps et aimait les belles juments. Par la suite, devenu membre des jurys dans les concours, il évolua quelque peu, mais cette ten-
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REPORTAGE REMI ET PHILIPPE FERON
Les deux 3 ans Bélise (Quebracho Semilly) et Balaïka de France (Mozart des Hayettes) profitent de l’herbe grasse normande, où Rémi Féron, ancien boucher, élevait également autrefois quelques bovins. A gauche, Rémi rend visite à Babischka (Prince d’Elle x Amour du Bois), poulinière retraitée, mère de Nasa – ci-dessous avec Steve Guerdat à Aix-la-Chapelle. Photos Studio Delaroque et Scoopdyga
dance à privilégier le modèle resta marquée jusqu’à sa mort en 2004.
Priorité au modèle Si nous avons parlé un peu longuement de Jean Leverdier, ce n’est pas seulement parce qu’il fut un éleveur incontournable de la région, mais aussi parce qu’il fut le précepteur de Rémi après le mariage de ce dernier avec sa fille Françoise en 1962. « J’aidais mon beau-père, c’est lui qui m’a donné le virus. J’étais même avec lui quand il a acheté Violette au concours de 2 ans à Sartilly. Elle était très belle, avec du tonus, mais finalement sa production n’a pas été à la hauteur au plan sportif et celle de ses filles non plus. Et puis Grand Bonheur, qu’on a utilisé au début, n’a pas amélioré la situation. C’était une autre époque,
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« Une aventure
Jump Five est aujourd’hui la seule structure au monde qui peut se targuer de compter deux cavaliers dans le Top 10 : Kevin Staut (6e) et Patrice Delaveau (9e). Derrière cette réussite sportive, se cachent Emmanuèle et Armand Perron-Pette, propriétaires de leurs chevaux de tête, du tout nouveau Haras de la Forge, à Vauville dans le Calvados, et initiateurs de cette association d’écuries inédite en France. Rencontre avec ce couple d’entrepreneurs archi passionné qui a fait de son rêve une réalité. 42 L'EPERON n°344 mai 2014
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REPORTAGE JUMP FIVE
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Ci-dessus, les trois barns du Haras de la Forge, adossés au vaste manège, donnent sur les paddocks. A droite, Armand et Emmanuèle Perron-Pette encadrent, de gauche à droite, Franck Schillewaert (salarié HDC), Olivier Guillon (cavalier-partenaire), et Patrice Delaveau et Kevin Staut, dont les écuries sont associées dans Jump Five. Photos Florence Clot. Ces deux derniers évoluent au plus haut niveau avec de solides piquets de chevaux, dont font partie Rêveur de Hurtebise (p. 42 à g.) et Lacrimoso (à dr.). Photos C. Bricot et Scoopdyga
ntrer dans le bureau parisien d’Emmanuèle et Armand Perron-Pette suffit pour réaliser la place des chevaux dans leur vie. Les quatre murs de cet appartement du quartier Montparnasse, dans lequel ils nous ont longuement reçus mi-mars, sont tapissés de photos de leurs chevaux. « Ce ne sont pas forcément les plus belles, mais chacune d’elle raconte une histoire », souligne Emmanuèle en illustrant illico son propos : « Celle du podium du Grand Prix de Hongkong 2013 (composé de Patrice Delaveau, Michael Whitaker et Kevin Staut, ndla) nous fait par exemple beaucoup rire, car on avait alors demandé en plaisantant à Michael s’il voulait intégrer Jump Five ! » De l’achat de leur premier cheval ramené de vacances au Club Med (!) en 2005 à l’ouverture du Haras de la Forge en octobre dernier, le développement exponentiel de leur activité équestre fourmille d’anecdotes comme celles-ci, de rencontres, de coups de cœur (voir chronologie p. 44)… Le couple les égrène dans un récit émaillé d’éclats de rire et de chipotages complices sur la manière dont chacun d’eux a vécu telle ou telle situation... Leurs enfants, Dorian (dix-neuf ans) et Crystal (dix-huit ans depuis le 19 avril, pendant les finales Coupe du monde de Lyon, le même jour que Marcus Ehning !), les ont mis et remis en selle,
mais depuis, Armand et Emmanuèle vivent leur passion avec un enthousiasme et une énergie inépuisables. Tous deux n’en restent pas moins de redoutables femme et homme d’affaires qui dirigent leurs différentes structures sans laisser la moindre place au hasard. D’où leur réussite ! Emmanuèle, quarante-huit ans, est vice-présidente de NGE, un grand groupe de travaux publics (1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires et 6 350 collaborateurs en 2012). Très impliquée dans ce secteur, elle est également présidente du Conseil de surveillance du port du Havre et vice-présidente de la Fédération des travaux publics. Armand, quarante-neuf ans, dirige une agence de communication spécialisée dans l’événementiel, Ideacom (une dizaine de salariés), qu’il a créée en 1993. Ces deux pointures dans leurs domaines respectifs maîtrisent d’ailleurs parfaitement leur communication... Intarissables quand il s’agit de parler de leurs chevaux et de leurs cavaliers, auxquels ils consacrent le peu de temps libre laissé par leurs accaparants boulots, Emmanuèle et Armand refusent catégoriquement de communiquer le moindre chiffre sur les sommes investies dans les chevaux, les infrastructures ou les travaux. « Ah ça jamais ! Vous n’aurez le prix de rien ! Même les cavaliers ne savent pas le prix des chevaux qu’ils
nous en rêvions »
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