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EDITORIAL
En vert et tout contre Par Xavier Libbrecht
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’aime le vert. Son côté primaire. Depuis toujours. Ça tombe bien, il va aux chevaux comme le bleu aux yeux. Comme la jonquille et l’hirondelle au printemps, comme le muguet en mai. Cette année je ne sais pourquoi il a été plus vert que jamais. Joyeux fil conducteur, synonyme d’espoir, qui nous a emmenés, poussés par le vent, le sport et l’envie, de nos campagnes et de nos prés, jusqu’au stade François André.
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au-delà des 2,20 m. Varier les genres avec succès, avec le même cheval, des saisons durant, en partant du même tronc commun, était déjà une performance, d’essence quasi culturelle. Il soulignait, à ce titre, que le saut d’obstacles d’aujourd’hui procédait d’un autre ordre qu’il respectait, mais dans lequel il ne se retrouvait pas forcément. Spécialisation, optimisation… Taylorisme ? La proposition sportive sanctionnerait davantage l’exercice mille fois répété, maîtrisé, que celui appréhendé, avec sa part d’imprévu, d’aventure. Il observait qu’au fond, c’était moins la capacité du couple, fort de son inné et de ses acquis, à affronter l’inconnu, qu’à jouer, week-end après week-end, la même partie sur le sable, à l’affiner et à la polir, qui prévalait. Le syndrome Harlem Globetrotters, pitreries en moins en quelque sorte ? Evolution qui va de pair avec la notion de « produit » envahissante, assommante, mais corollaire de l’augmentation des sommes en jeu, des dotations et de l’image des partenaires investisseurs qui, comme la bourse, n’aiment rien moins que la prise de risque ! Le tout orchestré ou favorisé par les organes dirigeants. Avez-vous noté cette dernière perle réglementaire pondue à Lausanne ? Interdiction est désormais faite au cavalier de se décoiffer pour saluer le public après sa victoire ! A Lyon, Daniel Deusser en était vert de rage.
adminton d’abord et ce vert anglais qui le gagne sur toute autre dominante, surtout lorsque, après la tourmente, d’un coup, le soleil brille de tous ses feux. Alors le vert sombre s’enflamme et l’immense domaine des Beaufort, écrin choisi pour l’une des plus belles épreuves du calendrier mondial, irradie: le Mitsubishi Badminton Horse Trials. Quatre étoiles sur le papier, l’épreuve était, au fil des dernières années et, au sens strict du substantif, devenue de plus en plus douce pour ne pas dire confortable pour les cavaliers. Au point qu’un coup de semonce devait être tiré. Hugh Thomas, patron de l’entreprise et tout à la fois chef de piste, eut l’intelligence de comprendre et de réaliser que le mythe procède de l’histoire et que, l’entretenir, implique que la réalité soit à la hauteur. Le patron signa son propre congé de « course designer » et feuille blanche fut remise au transalpin, Giuseppe Della Chiesa. Well Done ! Oui, plus British que le célèbre colonel Franck au patronyme homonyme Weldon, l’Italien de service ! Qui aurait oublié, en effet, que c’est feu Franck Weldon, qui après avoir remporté l’épreuve en 1955 (Kilbarry), prit la direction de Badminton et en assura, vingt-deux ans durant (1966-1988), développement et réputation ? Certainement pas Pascal Leroy, cinquante-six ans, qui affiche six participations à la compétition, la première remontant à 1991 avec un certain Logical Song et une mémorable chute dans le gué. Six tentatives et une ineffable et insatiable tentation, pulsion, pour ce « classique » qui remonte justement aux années de légende : Lucinda Prior-Palmer, Richard Meade (père de Harry), Ian Stark, etc. L’expérience, la ténacité du Français ont été récompensés. Par le parcours d’une vie ; un parcours d’école. D’école d’équitation, comme on rêve d’en voir plus. Sur des difficultés totalement renouvelées qui acculèrent plus de 50 % des partants, seule la totale confiance entre le cavalier et sa monture, la maîtrise des bases et des fondamentaux, permettaient au couple d’aborder l’inédit, d’affronter le singulier sans appréhension, dans le calme et la sérénité. Au-delà du résultat, la manière ne serait-elle pas la seule et vraie quête ? L’art étant celui de résoudre le problème posé – 6 500 m de course et 30 obstacles – sans effort apparent ? Alors oui, à cinquante-six ans, Pascal Leroy avec Minos de Petra a signé, ce 10 mai 2014, d’un trait sans rature, une sorte de chef d’œuvre. Rentré d’Albion par le CSI 3* du Touquet qui, pour certains cavaliers, préfigurait le CSIO de France à La Baule et la Coupe des nations Longines, nous évoquions cette séquence anglaise et l’évolution du genre avec le Nordiste Hugues Persyn.
ôte d’Opale, Côte d’Amour, les belles enchaînées ont en commun de proposer des terrains de dimensions généreuse, un air pur et marin mais surtout, ce gazon mutin… Vert à souhait, à nous saouler, nuance absinthe plutôt que menthe à l’eau, donc ! Splendide, appétissante l’herbacée du Pas de Calais… Au point parfois de vouloir en manger (les chevaux), mais fragile et sensible aux aléas du ciel. Le gazon, le luxe, se payent cher. Un petit tour pour voir, prendre pied après des mois d’hiver passés à sauter sur le sable ou assimilé et, sous le coup de la tempête, la décision pour quelques grosses écuries de « remballer » et de mettre le cap au sud laissant ainsi le champ libre à moins sourcilleux. Ce qui fit l’affaire de quelques ambitieux en verve. Coup de chapeau à Abdelkebir Ouaddar qui a fait résonner l’hymne marocain en quittant les bords de la Canche et a remis ça, d’emblée, en arrivant à La Baule. Michel Hécart tirait aussi bénéfice, à sa manière, de son séjour écourté au Touquet. En préparant sur l’immense plage Nokia de Brekka au Derby de la Région des Pays de la Loire. Belles galopades dans le vent et l’embrun, passages dans les « bâches » d’eau émeraude avec, au bout du compte, dans cette épreuve portée à bout de bras par les organisateurs, sa troisième victoire. Dix-neuf partants certes, et donc en progression par rapport à l’an passé, mais combien en mesure de boucler le parcours pourtant encore « allégé » ? Les deux tiers à peine ! Toujours le même débat! Et cette autre question… Quels sont les sports dont les standards, normes, nomenclatures, règles et règlements évoluent ainsi aussi vite au gré des exigences dictées par la mode et les marchés ?
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assionné, écuyer-professeur, fils de Maître Jean-Marie Persyn lequel suscita des dizaines de vocations et dispensa un enseignement exemplaire toute une vie durant, aîné d’une fratrie d’homme de cheval, Hugues préféra s’en remettre, s’en référer, à la marche du monde… Réalisme ? Fatalisme ? Toutefois, l’ancien champion rappelait qu’avec un même cheval de Grand Prix (qui ne se souvient de Pschitt B ?), il s’essayait aussi dans les années 70, sur les bidets et les buttes d’une belle chasse et ne résistait pas davantage à l’envie de s’envoyer en l’air sur un mur de Puissance et ce, bien
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a Coupe des nations, la deuxième du circuit Furusiyya 2014, n’a certes pas échappé non plus à la réforme l’an passé, mais est restée fidèle à son objet : désigner la meilleure équipe du moment. A ce titre, la victoire sans conteste de la formation de France a été de nature à rassurer ses supporters. La maison a du talent et de la ressource, son entraîneur Philippe Guerdat de la créativité et de l’autorité. A trois mois des Jeux équestres mondiaux Alltech 2014 en Normandie, dont on fêtait joyeusement l’imminence (J-100) le 14 mai à Caen, tous les feux sont au vert.
« Interdiction est
désormais faite au cavalier de se décoiffer pour saluer le public après sa victoire ! »
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L’EPERON
Ph. J.-B. Monléon
SOMMAIRE N° 345 juin 2014 Photos de couverture. Scott Brash et Hello Sanctos - Ph. J. Toffi Andrew Nicholson et Nereo - Ph. Scoopdyga
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Le Haras de La Bouloye du Dr Poitau fut l’un des pionniers de la reproduction équine. Il a accueilli, et accueille encore, de nombreux étalons célèbres. Souvenirs… p. 24. Avec le temps, les cheveux deviennent gris, les chevaux aussi ! Notre étude exclusive, p. 68, montre comment la robe des étalons a évolué, l’alezan faisant progressivement place au bai et au gris.
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Ph. F. Monmarson
En juin, les numéros 1 ! L’EPERON ne fait pas les choses à moitié et vous emmène à la rencontre de deux leaders des rankings FEI : direction le sud de l’Angleterre, avec Andrew Nicholson (ph. G. Grégoire), « l’homme le plus rapide de la planète » qui règne sur celle du concours complet depuis de nombreuses années. Médaillé d’or aux JO de Londres et aux championnats d’Europe, vainqueur du GCT 2013, Scott Brash, lui, est solidement installé en tête du classement mondial Longines en saut d’obstacles.
72 ENQUÊTE
Ils vous ont fait vibrer, vous les avez aimés, ils ont servi les équipes de France, mais que sont-ils devenus ? Nous avons eu envie de retrouver quelques-uns de ces cracks chevaux qui ont disparu des écrans à l’âge de la retraite. Pas de nouvelles ? Bonnes nouvelles !
81 DOSSIER
Le zéro faute dans le domaine de la sécurité est-il possible dans un sport comme l’équitation ? Les progrès considérables effectués ces dernières années sont notamment dus aux nombreuses améliorations et innovations apportées aux infrastructures et au matériel proposés aux cavaliers.
3 EDITO 7 COURRIER 8 ACTUALITÉS 24 ELEVAGE 36 PORTRAIT 38 REPORTAGE 46 SPORT
LE HARAS DE LA BOULOYE ANNE-SOPHIE GODART SCOTT BRASH
COUPE DES NATIONS DE LA BAULE, CCI4* DE BADMINTON,
MASTERS PRO DE POMPADOUR, CDI3*, CDIO-J-JC ET CVI DE SAUMUR
50 REPORTAGE 65 ECONOMIE 68 ETUDE 72 ENQUÊTE 76 TECHNIQUE
ANDREW NICHOLSON ERIC LECLER
EVOLUTION DES ROBES DES ÉTALONS LES CHAMPIONS À LA RETRAITE EN ROUTE VERS LES FINALES : LE COMPLET
78 SANTÉ 81 DOSSIER 99 GAZETTE
LES THÉRAPIES RÉGÉNÉRATIVES LA SÉCURITÉ DES CAVALIERS
D’AUTRES INFORMATIONS, INTERNATIONALES, NATIONALES, RÉGIONALES ET LE PROGRAMME
48 pages de Supplément dressage • Valegro • Les poneys Bonniger • Philippe Limousin Des étalons pour tous les goûts et bien d’autres sujets à découvrir
Les opinions émises dans la revue n’engagent que leurs auteurs. Les indications éventuelles de marques, les adresses, les prix figurant dans les pages rédactionnelles, sont soumis à titre d’information. La reproduction des textes et illustrations imprimés dans ce numéro est interdite pour tous pays. La rédaction n'est pas tenue de retourner manuscrits, illustrations et photos.
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Une histoire Il y a vingt-six ans, en 1988, Jean-Noël et Elisabeth Poitau ouvraient le premier centre d’insémination artificielle en semences congelées au nord de Paris. Aujourd’hui, expérience, disponibilité et professionnalisme ont permis à ce vétérinaire passionné et à son épouse d’obtenir la confiance des principaux opérateurs de la reproduction équine. Ils abritent dans leurs boxes le monumental Kannan et le non moins grand Dexter Leam Pondi.
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Wirwignes
Dunkerque
Calais
Boulogne g gne sur mer
St-Omer
Tourcoing Roubaix
Desvres
Samer
Le Touquet
Pas de calais 62
Montreuil
Béthune
Hesdin
Lens
LILLE Valenciennes Douai
ARRAS Doullens
Maubeuge Cambrai
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988. Le siècle dernier. L’A16, la providentielle autoroute dont la partie côtière fait le lien entre Normandie, Belgique et Hollande, n’existe pas. La Nationale 1, dont le tracé rejoint celui de la Route du Poisson, itinéraire glorieux des chevaux Boulonnais livrant la marée à Paris, est l’axe principal qui mène à Samer. Il faut ensuite serpenter dans le bocage pour atteindre « Wirwignes, rue à Baudets », l’adresse cadastrale de la jolie ferme qui abrite les installations de ce qui n’est pas encore le Haras de la Bouloye. Nous sommes à quelques kilomètres de Boulognesur-Mer, dans le Pas-de-Calais, entre Samer et Desvres. Un beau pays, giboyeux. Les routes y sont étroites et bordées de haies vives, montent et descendent, l’herbe est dense et l’eau sourd à la moindre occasion.
Au temps des pionniers… En 1987, Pierre Julienne, pionnier de l’insémination artificielle et fondateur d’Equitechnic dans son fameux Haras des Cruchettes, cherche des partenaires pour ouvrir des centres de mise en place dans différentes régions. Jean-
Elisabeth et Jean-Noël Poitau se sont adaptés avec succès à l’évolution des techniques et des métiers de la reproduction équine en France. Ph. J.-B de Monléon
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dans l’Histoire
REPORTAGE HARAS DE LA BOULOYE
Particulièrement soignée, l’infrastructure du haras s’inscrit en toute harmonie dans le paysage vallonné avec, en toile de fond, la forêt domaniale de Desvres, alors que Dexter Leam Pondi se défoule au paddock.
Noël Poitau, déjà éleveur lui-même, étalonnier – il possède un jeune étalon, QUAM DE LA LANDE – et son épouse, se lancent dans l’aventure. Car c’en était une. Difficile d’imaginer aujourd’hui, à l’heure du clonage et de la génomique, les réticences, les controverses, les craintes même, engendrées par cette diabolique nouveauté. Mais dans une grande région Nord où l’élevage du cheval de sport est viscéral, l’initiative de l’insémination artificielle, opportunité de bénéficier d’une génétique jusquelà accessible qu’au prix de longs déplacements, trouve d’emblée quelques adeptes. « La première année où j’ai ouvert le centre, en 1988, j’ai inséminé en tout et pour tout dix juments. L’installation était sommaire avec une barre d’insémination montée dans un coin du garage. Mes premiers clients ont été des éleveurs comme Patrick Wattebled (éleveur de l’actuelle ODIE DE FRÉVENT de Peter Charles, ndla), ou encore Christian Masson, un voisin (élevage d’Opal, d’où JOYAU, BIRDY,… ndla), le Docteur Savinel (élevage de Hère), et Paul Guerlain (élevage des Salines). » Liste à laquelle s’ajoutent vite, Bernard Lesage, actuel président de l’association régionale, AECCP, Jacques Destombes, Jean-François Nempont, Charles Coisne ou Gérard Havet,… autant d’éleveurs passionnés par le sport
Ci-dessous, Kannan, très en forme lors de la présentation aux éleveurs en avril dernier ici avec Samuel Le Goff, a pris ses habitudes dans le Pas de Calais. Photos J.-B. M.
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Du talent et « LE CONFORT DE MES CHEVAUX EST PRIORITAIRE »
L’appliquée Ursula XII (ci-dessus) et le bondissant Hello Sanctos (page de droite) sont aujourd’hui les principaux partenaires des succès de Scott Brash. Photos Scoopdyga
Depuis deux ans, à peu près tout réussit à Scott Brash, solidement installé en tête du classement mondial Longines des cavaliers de saut d’obstacles depuis décembre dernier. Médaillé d’or par équipes aux Jeux olympiques à Londres puis aux championnats d’’Europe à Herning, vainqueur du Global Champions Tour 2013, 3e de la dernière finale Coupe du monde, l’Ecossais de vingt-huit ans enchaîne les performances avec audace. A trois mois des Jeux équestres mondiaux FEI Alltech Normandie, interview d’un des piliers de l’équipe britannique. 38 L'EPERON n°345 juin 2014
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REPORTAGE SCOTT BRASH
la chance !
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vec ses oreilles légèrement décollées, ses cheveux bruns aux reflets roux, ses yeux clairs et sa silhouette gracile, Scott Brash aurait très bien pu jouer dans les films de Ken Loach, mais c’est à cheval qu’il est devenu une star. Basé à Peebles, à une cinquantaine de kilomètres au sud d’Edimbourg, dans les installations améliorées au fil des ans avec son père Stanley, entrepreneur dans le bâtiment, cet Ecossais est pourtant parti de rien. Ni issu du sérail, ni né dans une famille fortunée, il a démarré en dégotant de bons jeunes chevaux, dont INTERTOY Z et BON AMI, partenaires de ses premières victoires et sélections internationales, en se lançant dans l’élevage, en s’inspirant des meilleurs cavaliers mondiaux et en travaillant, beaucoup. Son sens du cheval, de la vitesse et son audace ont fait le reste. Puis, en décembre 2011, la chance a frappé à sa porte. Lord Harris (ancien mécène de David Broome) et Lord Kirkham, deux richissimes hommes d’affaires britanniques, deviennent ses propriétaires et lui permettent depuis d’exprimer pleinement son talent. Qu’est-ce qui a changé depuis que vous êtes le n°1 mondial ?
A la fois un peu plus de confiance et un peu plus de pression, mais je ne pense pas que beaucoup de choses aient réellement changé. Plus de gens me connaissent et c’est agréable d’être reconnu en tant que cavalier, mais je continue à faire mon travail exactement de la même manière. Que représente ce brassard pour vous ?
C’était un de mes rêves. Après les Jeux olympiques, c’était devenu mon principal objectif et je suis heureux d’y être parvenu. C’est également une belle récompense pour tous ceux qui travaillent avec moi en coulisses et sans qui je ne pourrais pas en être là. Conserver ce statut de n°1 est important pour vous ?
Ce serait génial d’y arriver, mais le confort de mes chevaux est prioritaire. Si j’estime qu’ils ont besoin d’un peu de repos, je le leur donnerai, même si ça signifie de redescendre dans le classement. Mes chevaux sont ma priorité !
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Pendant deux ans il est resté n°1 mondial, mais il est au sommet de la discipline depuis plus de vingt ans. Visite chez Andrew Nicholson, le Néo-Zélandais considéré par tout le monde du cheval comme l’homme le plus rapide de la planète.
« On est là pour
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ébut de printemps, rendez-vous est pris au sudouest de l’Angleterre, à trois kilomètres du magnifique village de Marlborough avec le Néo-Zélandais Andrew Nicholson, alors n°1 mondial de complet : Westwood Stub, écuries en haut de Wiltshire Hill, une colline située non loin de grands concours, cœur du complet : Badminton, Barbury, Hartpury, Gatcombe, Burghley… La maison bordée d’une pelouse est lumineuse, grande et moderne, mais simple, sans ostentation, à l’image du maître des lieux. Les installations, elles, sont fonctionnelles. Vingt hectares de paddocks et de prés en pente, un marcheur et depuis cet hiver seulement un grand manège : « C’est pour ça que je ne vais pas m’arrêter tout de suite. Je peux maintenant travailler au chaud et continuer encore plus longtemps. Tant que j’irai bien et que ça marchera ! Qu’est-ce que je ferais si j’arrêtais ? » Ses vingt-quatre chevaux se répartissent en trois écuries séparées. Une où sont logés les meilleurs, ceux de 4*, une autre en face, accueille ceux de 2 ou 3*, et enfin une autre, un peu plus loin derrière, pour les jeunes.
Travail et expérience Ce jour-là, il descend de son quatorzième cheval. C’est le jour consacré à l’obstacle sous l’œil de Luis Alvarez Cervera. Cet ancien cavalier de saut d’obstacles qui a participé à six JO entre 1972 et 1990, et responsable de l’hippique pour le complet néo-zélandais, vient trois jours par mois assister au travail à l’obstacle des Néo installés en Angleterre. « Maintenant que je suis plus vieux, j’apprécie davantage la chance que j’ai, explique Andrew. Ce n’est pas un travail. Je fais ce que beaucoup font pour leur plaisir en dépensant de l’argent. Je suis content de me lever le matin. Je bosse dur, mais j’aime ce que je fais. Aujourd’hui par exemple, j’ai commencé à sauter à 8h30 (il était 17h, ndla).» Ce « fondu » de travail n’est pas issu du milieu équestre. Sa famille s'occupe d'un élevage de vaches laitières au nord de la Nouvelle-Zélande, à Te Awamutu. Sa mère, Heather, élève seule ses six enfants (Andrew a trois sœurs et deux frères), le père d’Andrew étant parti lorsqu’il était jeune. Devenue professeur de mathématiques, elle décèdera, en 1998, à soixante ans, après un séjour en Angleterre pour aller voir Andrew. Les enfants vont jouer dans le complexe sportif à côté de la ferme : ils ont le choix entre polo, rugby, cricket ou courses de voitures, mais optent pour le poney-club. « On montait à tour de rôle un poney, sans selle, raconte-t-il. J’avais neuf-dix ans et je n’aimais pas le dressage, je préférais les jeux, l’obstacle. J’ai vite progressé et à douze-treize ans comme j’avais des économies, j’ai acheté un jeune poney, que j’ai monté pendant un an et que j’ai vendu. C’est comme ça que j’ai appris comment gagner un peu d’argent. » Il arrête l’école à quinze ans et commence à monter des jeunes chevaux de course, à les débourrer pour les jockeys. Il monte ainsi entre vingt et trente chevaux le matin sur la piste, puis l’après-midi s’occupe de ses propres chevaux,
En haut, Andrew et sa femme Winny, née Channer, qui s'occupe de toute l'intendance (engagements, factures clients, propriétaires, approvisionnements – nourriture, litière…) et monte elle-même en compétition. Ph. J. Toffi Ci-dessus, l'équipe néo-zélandaise en bronze aux JO de Londres en 2012. Andrew sera 4e. Ph. Scoopdyga Ci-contre, Fenicio, neuf ans aux Jeux mondiaux de Jerez, en 2009, 9e, avec lequel il a couru l'un des cross les plus rapides. Ph. G. Grégoire
issus des courses qu’il vend ensuite à des amateurs pour le complet ou le saut d’obstacles. Sur les pistes, il rencontre Stanley Power, propriétaire de chevaux de steeple-chase venu en Nouvelle-Zélande en acheter. L’avenir d’Andrew est lancé : « Stanley Power m’a dit de venir en Angleterre travailler pour la fille de M. Kent (entraîneur des chevaux de course de M. Power) en saut d’obstacles. J’avais dix-huit ans, et deux semaines après j’étais en Angleterre. Dans l’avion, j’ai voyagé avec Mark Todd, qui ramenait de nouveaux chevaux. Nous nous connaissions déjà depuis tout jeunes. C’est l’année où il a gagné Badminton pour la première fois, en 1980 (Andrew Nicholson sera d’ailleurs son groom cette année-là, ndla). »
Des propriétaires anglais fidèles Pendant quatre ans il travaille dans l’écurie de course de Derrick Kent, tout en montant ses propres chevaux basés chez Stanley Power. Il fait la rencontre d’une propriétaire anglaise qui avait des problèmes en complet avec son cheval. « Elle m’a demandé de le monter parce que j’étais Neo-Zélandais. Cela devait être en 1981-82, puis m’a ensuite acheté un autre cheval.
PRINCIPAUX CHEVAUX ● AVEBURY, British sport horse, 2000, h, gris (JUMBO, ish et BAIRN FREE, ps par BAIRN, ps). P. : Rosemary et Mark Barlow ; N. : Ramon Beca ● CALICO JOE, ps, 2002, h, bai (CLERKENWELL et ELLE SHEREE par BEAU SHER). P. : A. Nicholson ; N. : Alfred Buller ● JET SET, cheval de sport espagnol, ps, 2007, h, bai (NORDICO, holst et CARINA, cde). P. : Deborah Sellar ; N. : Luis Alvarez Cervera ● MR CRUISE CONTROL, ish, 2001, h, gris (CRUISING, ish et CHIA, ps par STOP THE MUSIC). P. : Nicky et Robin Salmon ; N. : Jenny McCann ● NEREO, cde, 2000, h, alezan (FINES, ps et BERGANZA 17 par Golfi, han). P. : Deborah Sellar ; N. : Ramon Beca ● QUIMBO, cde, 2003, h, bai brun (LACROS, holst et EGORA 36 par GALPHA, han). P. : Deborah Sellar ; N. : Pedro Beca ● TILIKUM, cde, 2006, h, bai (AVERNER et NEFERTITI 77 par LACOS). P. : Deborah Sellar ; N. : Ana Beca
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faire le spectacle » REPORTAGE ANDREW NICHOLSON
Nereo, ici au 4* de Badminton (12e) en 2011, sera sans doute son cheval des Jeux mondiaux, malgré la contre-performance cette année au 4* anglais (chute). Ph. G. Grégoire
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