EDITORIAL
Distinguo
Par Xavier Libbrecht
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ù va l’élevage français ? L’accroche de couverture implique-t-elle une réponse définitive ? Un dossier comme les magazines d’actualité les affectionnent ? Le lecteur fidèle de L’Eperon ne s’y tromperait pas. Et d’ailleurs, puisqu’il lit depuis trente ans le numéro d’octobre où il retrouve systématiquement une vingtaine de pages consacrées à la Grande Semaine de l’élevage il suit… Il sait ! Il y a trente ans pile, en 1982, année de la première édition de la Grande Semaine de l’élevage, l’équipe de France de saut d’obstacles était championne du monde à Dublin. Avec quatre Selle Français : Idéal de la Haye (Michel Robert), Flambeau (Frédéric Cottier), Eole IV (Patrick Caron) et Galoubet A (Gilles Bertran de Balanda). Quatre Selle Français ! Ah la claque ! Les éleveurs irlandais qui fournissaient l’équipe de la Verte Erin (composée pour moitié de militaires), mais aussi la moitié du monde de l’obstacle à commencer par la Suisse et l’Italie, battus sur leur terrain de Ballsbridge ! C’était l’époque où trois stud-books dominaient le monde : le demi-sang irlandais, le Selle Français et en Allemagne, de loin, le Hanovrien. Ils le dominaient qualitativement, mais aussi quantitativement (dans l’ordre inverse de notre énumération). C’était l’époque où pour la première fois un étalon se produisait avec régularité et efficacité au meilleur niveau. Un précurseur qui deviendra un reproducteur hors norme : Galoubet A.
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’était le bon temps. Celui où les Haras nationaux et le secteur privé pouvaient se chercher querelle à tout bout de champ. Parce que l’élevage était justement encore paysan pour l’essentiel… Les privés commençaient à couiner… Trop étatique tout ça. C’était la même chose en Irlande ! C’était… Il y a un siècle. Car trente ans après la WBFSH a vu le jour et la concurrence s’est élargie. Sur la scène internationale, les Hollandais champions de toutes les productions hors sol ont bouleversé la donne et pris l’avantage. C’était le temps où le Holstein se réveillait et où Zangersheide et La Silla n’existaient pas ! Trente ans après – cette fois c’est la photo de couverture où figure Gem Twist qui l’atteste – pour la première fois dans l’histoire de la Grande Semaine de l’élevage, les deux lauréats des classes mâles 5 ans et 6 ans, les classes reines, sont inscrits au BWP. Deux bons belges dénichés par un Breton qui connaît son boulot et sait de quoi il parle. Bruno Rocuet dans l’interview qu’il accorde à Mehdi Jedraoui (voir Tour d’Honneur du 10 septembre sur Cavadeos) regrette tout simplement de n’avoir pas pu faire autrement !
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ui en vouloir ou se poser, donc, la question de l’avenir de l’élevage français ? La poser alors que justement le processus d’ouverture aux autres n’en finit pas… En 2013, un éleveur français pourra inscrire dans le studbook de son choix le poulain qu’il souhaite, si toutefois le poulain répond aux critères et exigences dudit registre. La poser alors que, justement, l’ANSF, l’association en charge de l’avenir du Selle Français, et la SHF, la société mère du cheval de sport, viennent de changer de patrons. Tandis qu’Yves Chauvin succède à Marc Damians à la SHF, Bernard Le Courtois prend les rênes de l’ANSF. Les deux hommes ont plusieurs points en commun. Ce sont deux
socioprofessionnels. Deux éleveurs. Deux étalonniers. Deux passionnés de Selle Français. Ils font face tous deux à ce qu’ils ont au fond appelé de leurs vœux au cours des trente ans évoqués : la libéralisation de l’élevage du cheval de sport, tel qu’il était régulé par la force publique. Volontaristes, ils étaient pour que la filière vive sa vie ! Volontaires, ils sont pour présider à sa destinée, chacun dans son domaine. C’est tout à leur honneur. Et la situation n’est peut-être pas aussi désespérée qu’on pourrait le craindre à condition, d’une part, de bien comprendre ce qui a été initié dans chacun des deux domaines, et d’autre part de bien distinguer les deux enjeux. Car ils sont complémentaires et ne peuvent être envisagés que comme tels.
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etit distinguo. L'objet d’une association de race est d’œuvrer pour que la production de ses membres, les éleveurs, trouve preneur. Et donc que le succès soit au rendez-vous. Or, sur ce plan, les derniers résultats des JO de Londres portent à croire que l’image de l’élevage français, sa génétique, ont de beaux restes. Le sujet d’une société mère est de permettre à tous les acteurs de la filière – dont les éleveurs et ce, quelle que soit la race – de trouver les meilleures conditions d’exercice de leur fonction afin que l’ensemble de l’activité concernée progresse en qualité et en quantité. Les composants de la filière sont en sus des éleveurs et des étalonniers, les propriétaires, les organisateurs, les marchands, les cavaliers (préparateurs, présentateurs), les entraîneurs… Son champ est plus vaste, tant en interne que vis à vis de l’extérieur, à commencer par les utilisateurs.
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n France d’abord : 700 000 licenciés, 6 000 clubs, c’est un marché. Achetez « made in France ». Dans l’Hexagone d’abord, au-delà évidemment. Et pas seulement des chevaux ; du savoir, de la technique, du service. La SHF se doit de réfléchir et agir pour que les socioprofessionnels qui la composent aujourd’hui et qui ne vivent pas dans le même monde qu’il y a trente ans, vivent mieux. Elle doit reconstituer ce tissu socioprofessionnel qu’Hervé Godignon dans la Tribune qu’il publie en page 7 appelle de ses vœux. Comment vivent aujourd’hui les « 2e catégorie » d’hier ? Mal, trop mal. Ce vivier d’expérience, de talent, de travail, de passion, s’est vidé petit à petit de sa substance. Le fossé s’est creusé, avec d’un côté l’amateur citadin aux mains de l’animateur de club et de l’autre l’investisseur millionnaire. Il n’y a plus de milieu ! C’est la place, le terrain d’action de la SHF. Ses statuts l’ont prévu, reste la stature. Au nom de son histoire et de l’urgence, la SHF doit s’ingénier, se battre, convaincre ses partenaires (des pouvoirs publics à la FFE) du bien-fondé de la performance sportive. Pas de résultats, pas d’argument pour l’ensemble de la profession ! Pas de communication hors secteur, qui vaille ! Or, permettre aux femmes et hommes de métier, de tous les métiers de la filière d’en vivre, c’est le job de la société-mère nouvelle. Si les socioprofessionnels vivent décemment de leur activité, si ce tissu décousu retrouve sa trame, alors, pour en revenir à notre question liminaire, les éleveurs et l’élevage ont de beaux jours devant eux.
« permettre aux
femmes et hommes de métier, de tous les métiers de la filière d’en vivre, c’est le job de la société-mère nouvelle. »
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L’EPERON SOMMAIRE N° 327 octobre 2012
20 GRANDE SEMAINE DE 60 LES GROOMS FONTAINEBLEAU
Interview d’Yves Chauvin, tout nouveau président de la SHF organisatrice de la Grande Semaine de l’élevage. Comptes rendus, analyses et palmarès également, de cette trentième année de finales d’élevage françaises.
Sept grooms, dont trois médaillés d'or, reviennent sur leur aventure olympique. Trop souvent oubliés, ils sont pourtant indispensables à la réussite des champions.
3 EDITO 60 GROOMS DE CHAMPIONS 7 TRIBUNE, COURRIER 10 ACTUALITÉS 68 SPORT 20 GRANDE SEMAINE REPORTAGE
DE FONTAINEBLEAU ELEVAGE
55 SOLOGNE PONY ELEVAGE
LES JEUX PARALYMPIQUES, CHAMPIONNATS DU MONDE DE VOLTIGE, CHAMPIONNATS D'EUROPE JEUNES ET MONDIAL D'ENDURANCE,
Ph. S. Bonnet
Ph. C. Bricot
Ph. Les Garennes
Photo de couverture Gem Twist, cheval du BWP champion des 6 ans sous la selle de Régis Bouguennec. Ph. E. Knoll
90 « TU SERAS CAVALIER,
68 LES DIFFÉRENTS CHAMPIONNATS
Les jeunes Français se sont distingués tout l’été lors des différents championnats d’Europe, que ce soit en saut d’obstacles, en concours complet ou encore en endurance.
CHAMPIONNATS D'EUROPE DES JEUNES EN SAUT D'OBSTACLES ET EN COMPLET
LE GRAND COMPLET DU PIN CSIO DE DUBLIN GCT DE LAUSANNE ATTELAGE
90 TU SERAS CAVALIER MON FILS
MON FILS », LA SAGA PESSOA
Après ses « Confessions cavalières », Sabrine Delaveau s’est attaquée à un mythe : les Pessoa. Avant sa sortie le 11 octobre, L’EPERON vous propose quelques bonnes feuilles exclusives de ce portrait croisé intime et senti d’une famille déterminée à marquer l’histoire des sports équestres.
95 DOSSIER 98 PETITES ANNONCES 115 GAZETTE LES AMORTISSEURS
D'AUTRES INFORMATIONS, NATIONALES, RÉGIONALES ET LE PROGRAMME
LIVRE DE SABRINE DELAVEAU
Les opinions émises dans la revue n’engagent que leurs auteurs. Les indications éventuelles de marques, les adresses, les prix figurant dans les pages rédactionnelles, sont soumis à titre d’information. La reproduction des textes et illustrations imprimés dans ce numéro est interdite pour tous pays. La rédaction n'est pas tenue de retourner manuscrits, illustrations et photos.
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Yves Chauvin : revenir à Page de droite. Une Grande Semaine marquée notamment, côté cavaliers, par les exploits de François-Xavier Boudant (en bas, Ph. J.-L. P.), de Régis Bouguennec et de plusieurs jeunes cavalières (à d. : Marie Robert, Ph. Les Garennes), ainsi que, côté chevaux, par la suprématie des juments (ici Sultane des Ibis et Rhune d’Euskadi). Ci-contre. Si la fin de semaine attire toujours un public nombreux (Ph. Les Garennes), le début beaucoup moins. La championne des 4 ans, Undoctra d’Helby, est passée devant des tribunes désertes. Ph. E. Fournier A gauche, Yves Chauvin, président de la SHF. Ph. Scoopdyga
C 1982-2012. La première Grande Semaine de Fontainebleau ouvrait ses portes il y a trente ans. Pour Yves Chauvin, 2012 était sa première… en tant que président élu à la tête de la Société hippique française (SHF) au printemps dernier. Quel regard le nouveau président, homme de mouvement, pose-t-il sur cette manifestation parvenue à un âge et une époque charnière ? Interview.
’est en 1982, sous l’impulsion du colonel Fresson président de la très ancienne Société hippique française, accompagné du général O'Delant et de Robert Gaudichau Paulsen, que naissait le concept de « Grande Semaine de l’élevage ». Son objectif était d’offrir une visibilité et une vitrine à l’élevage français, en réunissant en un même lieu et à une même date, sur plusieurs jours, l’ensemble des finales du Cycle classique des jeunes chevaux. Un ensemble qui avait vocation à devenir un grand rendez-vous annuel, favorable au commerce des jeunes chevaux, réunissant tous les professionnels de l’élevage, de nombreux visiteurs et marchands étrangers, autour d’un site exceptionnel, agrémenté d’un village d'exposants. Le succès fut rapide, le concept a évolué avec le temps, le contexte également, en de très nombreux points. Quelques exemples : si le terrain principal, le fameux « Terrain d’honneur », est resté en herbe, il a fait l’objet de nombreux aménagements qui ont amélioré sa qualité, l’ont un peu aplani, mais aussi affadi en faisant disparaître buttes, talus breton et autre fosse au loup ; le contexte économique, lui, n’est
plus le même, il s’est durci pour les éleveurs ; avec l’ouverture de l’Europe et la plus grande facilité de circulation, les chevaux étrangers ont, par ailleurs, fait leur apparition ; les marchands, eux, ont, comme d’autres, la possibilité de suivre les épreuves en direct sur internet, ou en tout cas de visualiser les chevaux à l’avance ou a posteriori sur You Tube et autres sites web ; la SHF, enfin, est devenue la « sociétémère » des jeunes chevaux et poneys de sport. Elle est moins peuplée de généraux et colonels qu’autrefois, et elle a élu au printemps dernier un président issu du collège des socioprofessionnels. Celui-ci, Yves Chauvin, encore président de l’ANSF (Association nationale du Selle Français) il y a peu, est connu pour son côté bouillonnant : il aime agir, montre de l’enthousiasme dans ce qu’il entreprend, aime aller vite, n’hésite pas à bousculer les habitudes, même s'il peut parfois manquer de tact. A l’heure où l’élevage français traverse une période cruciale et où son événement phare affronte l’épreuve de l’âge et pâtit peut-être également des évolutions de l’environnement et de la société, nous
avons ouvert le micro, lors du dernier weekend de la Grande Semaine, à celui qui a en bonne partie entre ses mains la destinée de l’un et de l’autre. E. J. Quel est votre premier bilan à chaud de cette Grande semaine 2012 ?
A titre personnel, une certaine découverte des finales du Cycle libre. J’ai réalisé à quel point il est important que le travail de réforme qui a déjà été entamé soit poursuivi afin d’organiser et structurer en profondeur un véritable circuit régional et ainsi développer le Cycle libre de manière conséquente. Ces finales mettent une ambiance formidable sur le Grand Parquet. J’ai trouvé des gens frais, pour qui le bonheur d’être là est immense, qui faisaient trois fois le tour d’honneur par plaisir, des amateurs qui venaient souvent en équipes, supportés par des régions. Je trouve que tout ça est extrêmement positif. Ça faisait du bien à voir. Vraiment. Je vais aller dans chacune des régions de France, rencontrer les organisateurs et voir comment on peut encore améliorer cette structuration du Cycle libre au niveau régional. Sinon, l’organisation de la Grande Semaine
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FONTAINEBLEAU GRANDE SEMAINE DE L’ELEVAGE
des finales franco-françaises est bien huilée. Il y a quelques petits problèmes à droite à gauche qui tiennent encore à la rénovation du Grand Parquet et peuvent être améliorés, mais qui vont se régler. En tout cas je tiens à dire que l’entretien et l’état dans lequel le terrain et les installations ont été mis à disposition sont remarquables. Alors, après, c’est à nous de réfléchir à la façon de rendre cette semaine encore plus attractive, plus dynamique, notamment pour les exposants. La fréquentation semblait un peu en baisse ces dernières années. Cette fois, elle fut nette en début de semaine… Comment s’explique-t-elle, faut-il l’enrayer et comment, ou faut-il considérer qu’elle est inéluctable et s’y adapter en raccourcissant la durée de la Grande Semaine ?
Lors du premier week-end, celui du Cycle libre, il semble qu’il y ait eu une fréquentation beaucoup plus importante que d’habitude. Ça veut dire que ces finales répondent à une certaine attente. Ça c’est une première chose. Deuxièmement, je pense en effet qu’on vit une période économique difficile, on est un peu triste dans le monde de l’élevage, et le climat général rejaillit sur la fréquentation de la Grande Semaine. Troisième chose à prendre en compte : le nombre considérable de connexions internet. Le fait que la SHF ait apporté ce service
de retransmissions de la Grande Semaine en direct sur internet pousse certainement des personnes qui se déplaçaient autrefois à rester chez eux. Chambre d’hôtel, gaz-oil, restaurant, etc., les frais occasionnés coûtent cher aujourd’hui et ont peut-être fait réfléchir quelques passionnés. Dans les moments de crise, on fait attention à tout ce que l’on dépense. Alors la question, en effet, se pose de savoir s'il faut raccourcir cette Grande Semaine, si cela est possible… Je n’aime pas répondre à chaud et tirer des conclusions trop hâtives, mais je pense qu’on doit réfléchir sur le format, peut-être apporter des modifications. J’ai déjà quelques idées comme par exemple organiser des « petites finales » pour les chevaux de cinq et six ans qui ne vont pas en finales, comme cela se fait au Championnat du monde des jeunes chevaux à Lanaken par exemple. Quant aux 4 ans, il faudra de toutes manières dès l’an prochain une réforme de ce circuit, cela me semble assez inévitable, avec certainement pour conséquence une autre organisation des finales à Fontainebleau. Il faut certainement revoir également le programme de qualification des 5 ans. C’est un âge de transition difficile dans la vie d’un cheval et le chemin vers la qualification pour les finales de Fontainebleau est long et dur physiquement.
Que faut-il revoir dans le programme des 4 ans ?
Le circuit des 4 ans doit évoluer de façon à permettre de limiter très fortement les frais, les coûts de valorisation et de formation de ces jeunes chevaux. On sait que l’aide de l’Etat, et donc les dotations, vont être orientés à la baisse, il faut donc repenser ce circuit dans sa globalité pour le rendre plus proche du terrain, moins cher, et aussi performant, sinon plus. La commission de valorisation va travailler sur ce sujet et nous avons déjà des idées. Cela signifie-t-il qu’il faut supprimer les finales des 4 ans à Fontainebleau ou organiser des finales réunissant moins de chevaux ?
La commission doit se demander si l’on maintient des finales à Fontainebleau, si ce circuit ne doit pas s’arrêter aux CIR. Je pense qu’il faut maintenir leur présence à Fontainebleau, car la Grande Semaine a également un rôle de vitrine de notre élevage, et également en raison de tout l’aspect économique dans sa globalité.
Pourquoi ne pas créer des 4 ans A et 4 ans B, afin d’avoir moins de 4 ans à la finale mais les meilleurs, et de redynamiser ces finales, devenues ennuyeuses au possible et que plus personne ne suit !
J’ai tout à fait conscience de ce problème, j’ai suivi les épreuves, et j’ai bien vu qu’on avait du mal à distinguer les très bons chevaux. On va débattre de cela et essayer de répondre à cette question, afin que ces 4 ans puissent continuer de présenter un intérêt. Faut-il diminuer leur nombre de manière à garder une belle vitrine, tout en démarrant notre Grande Semaine un peu plus tard… ? Je pense que l’évolution est celle-là, mais cela demande à être étudié de près. Je suis ouvert à toutes les bonnes idées, sans pénaliser toutefois l’aspect économique pour les cavaliers et propriétaires, pour qui la présence à la Grande Semaine est importante. C’est LA fête de l’élevage à laquelle ils veulent assister. D’une manière globale, il faut rendre cette Grande Semaine beaucoup plus festive. La seule soirée festive sur le Grand Parquet
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ELEVAGE SOLOGN’PONY
Le Connemara Fraoch, monté au pied levé par Antoine Destrebecq, remporte les 6 ans D, catégorie reine du cycle classique SHF. Ph. Maindru photo
Convivialité et qualité C
Marquée par une chaleur torride, cette édition 2012 du Sologn’Pony, tenue du 16 au 19 août, n’aura pas déçu dans son ensemble et devient une sorte de « passage obligé ». Le Sologn'Pony ne désemplit pas, sa qualité est en constante progression et les petites nouveautés toujours de mise. Bref, le Sologn’Pony s’ancre définitivement dans le calendrier des éleveurs et utilisateurs.
onvivialité est l’un des maîtres mots du Sologn’Pony, et ce, dès l’accueil des participants, accompagnants et autres visiteurs. « Nous nous rendons pour la première fois avec nos poneys au Sologn’Pony. Les gens sont aimables et serviables, c’est une manifestation à échelle humaine et agréable. Nous sommes marqués par l’organisation professionnelle qu’elle revêt. Et même si l’enjeu sportif est là, nous avons l’impression d’être un peu en vacances », notait la maman d’un jeune cavalier du Critérium Ponam, novice de ce grand rassemblement qui réussit à allier à la fois championnats de races, finales du Cycle classique de saut d'obstacles, compétitions Ponam, et championnat des 7 ans FFE (dont la fréquentation continue d'augmenter). Un concept unique, salué même au-delà de nos frontières : « Nous n’avons pas ce type de rendez-vous qui combine élevage et sport. Ce maillage est fort intéressant. Cela doit vous permettre de vous faire un œil sur la production de tel ou tel étalon dont les produits peuvent aussi bien concourir dans une finale de foals que
sur un parcours de saut d'obstacles », confiaient les Irlandais Eddie Madden (éleveur de l’étalon Connemara POETIC JUSTICE SL) et son fils Paul, invités quelques jours plus tôt à l’élevage de l’Aulne de Christine Marès (dynamique speakerine des finales d’élevage) et de son époux Jean-François. Qualité globale aussi dans la mise en œuvre
des finales d’élevage par l’équipe organisatrice, l’Association nationale du poney français de selle (ANPFS), présidée par Marie-Dominique Saumont-Lacœuille, ainsi que dans la préparation et la présentation des jeunes poneys par les éleveurs et présentateurs. Depuis quelques années, au sein du parc équestre de Lamotte-Beuvron, il faut Suite p.58
La yearling Balrine des Monceaux, championne suprême Pfs… A une heure près, son père Quabar des Monceaux s’octroyait le Grand Prix des As Excellence, en réalisant le seul sans-faute. Ph. P. B.
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ELEVAGE SOLOGN’PONY
Concours d’élevage : innovations pour les mâles de
Pères les plus représentés en finales SHF Etalons (pères) 1 Linaro (Lombard), poney de selle allemand 2 Dexter Leam Pondi (Leam Finnigan), co 3 Machno Carwyn (Carregcoch Bleddyn), wd 4 Fricotin (Glenree Bobby), co 5 Melvin Candy (Linaro, pe), pfs 6 Aron N (Aldan), poney de selle allemand 7 Peps Domain (Kooihuster Teake, nwr), pfs 8 Jimmerdor de Florys (Nimmerdor, kwpn), pfs 9 Opplala St Hymer (Linaro, drp), pfs 10 Thunder du Blin (King Cup R. C.), co 11 Polaris du Luy (Lancer, drp), pfs 12 Rasmus (Diamonds Dandy), co
Fin/Naiss 44/173 18/88 14/88 12/104 12/130 9/105 4/48 5/63 4/58 12/200 4/72 7/146
% Fin 25,43* 20,45* 15,90* 11,53* 9,23* 8,57* 8,33* 7,93* 6,89* 6,00* 5,55* 4,79
trois ans
*étalons pères de produits Elite
Comme chaque année, ce tableau répertorie les étalons les plus représentés. Afin de le rendre suffisamment significatif, seuls les pères ayant engendré au moins trente-cinq produits âgés de quatre à six ans ont été retenus. Le classement s’établit selon le pourcentage de finalistes partants en finales SHF. Se signalant depuis plusieurs années par le plus grand nombre de finalistes, Linaro s’empare enfin de la 1re place. Il aligne, en outre, le plus grand nombre de produits Elite (6). Il fait jeu égal sur ce plan avec son challenger Dexter Leam Pondi (6 Elite lui aussi) qui gagne une place (3e en 2011) et est le père du champion des 5 ans D. Machno Carwyn, leader du classement l’an dernier, retrouve sa 3e place de 2010, avec un Elite, vice-champion des 4 ans C. Fricotin conserve sa position acquise l’an dernier, tandis que Melvin Candy (2e en 2011) rétrograde quelque peu, mais affiche néanmoins deux Elite. Aron N cède un rang, se signalant toutefois comme le père du vice-champion des 7 ans (Royal Aron du Vassal), classe d’âge non comptabilisée dans ce palmarès. Avec quatre produits seulement, Peps Domain intègre ce palmarès et compte, comme la plupart, un produit Elite. Suivent deux étalons inédits, Jimmerdor de Florys (2 Elite), 5e ex-aequo en individuel au dernier championnat d’Europe de saut d’obstacles, père de la championne des 6 ans C, et Opplala St Hymer, deuxième fils du leader Linaro présent au classement. Inamovible de ce palmarès depuis de nombreuses années, Thunder du Blin se maintient en 10e position et aligne lui aussi un produit Elite. Au titre des races, les Poneys français de selle prennent le leadership grâce à 5 étalons, suivis des Connemara qui comptent, eux, 4 représentants. Par ailleurs, on trouve 2 Poney de selle allemand et Machno Carwyn, seul Welsh du palmarès. A noter cette année l’absence totale d’étalons New-Forest. Elisabeth de LINARES Le champion des 5 ans D, Thorval du Londel, est un fils du bon Dexter Leam Pondi. Ph. Maindru photo
Sitgess du Luy, née chez Bérangère Mouroux, remporte le championnat des poulinières Pfs. Ph. P. B.
Continuons de souligner la parfaite maestria de l’ANPFS, organisatrice de l’événement. Saluée par tous, la manifestation regroupe aujourd’hui un grand nombre de races, offrant un programme et un spectacle fourni et varié. Nous nous attarderons plus particulièrement sur le National Poney Français de selle, race phare de ce rendez-vous, à propos de laquelle les observateurs s’émerveillent de l’évolution et de la qualité globale des sujets proposés. Les nouveautés de cette édition concernent la classe des mâles de trois ans, présentés de façon anonyme devant le jury qui ne disposait que de leur numéro comme seule information, les pères et pères de mère étant néanmoins annoncés au micro pour l’intérêt du public. Par ailleurs, lors de la présentation à l’obstacle en liberté, ils étaient introduits par des membres de l’équipe de Jean-Marc Dutertre, présidant à l’exercice, propriétaires et/ou préparateurs devant rester en dehors du rond d’Avrincourt. Est-ce cette mesure qui permit de donner le sentiment d’une meilleure homogénéité à cette présentation ? Le fait est qu’il s’en est dégagé une impression de fluidité, de sérénité et de professionnalisme. Une présentation à l’anglaise (tous les poneys réunis ensemble sur le terrain) a également été instaurée, pour constituer trois lots homogènes pour le passage le soir au modèle, Si les concurrents n’ont pas forcément saisi l’intérêt de cette nouvelle disposition cette parade offrait un très beau spectacle sur le grand terrain en herbe, ainsi que l’avantage d’apprécier le lot dans son ensemble. Enfin, au cours de la « soirée de l’avenir », les candidats ont été jugés au modèle par deux jurys différents, toujours anonymement, la moyenne des deux donnant la note finale. Beaucoup d’innovations, donc, pour tenter de pallier certains reproches coutumiers aux concours de modèle et allures, et tendre vers une meilleure objectivité. Cette nouvelle édition met à l’honneur de jeunes éleveurs passionnés, talentueux, exigeants dans leur travail de sélection, observateurs et très investis dans leur démarche, à l’instar de Jean-Baptiste et Céline Léonardis, Milena Le Guen ou encore Christelle et Sébastien Maillet pour ne citer qu’eux. Les premiers remportent le titre de champion des 2 ans mâles avec le superbe Amgoon des Bernières, pfs (Kantje’s Ronaldo, nf x Linaro, drp), qui leur offre en outre les titres de champion suprême mâle de la race et de champion suprême junior toutes races, mais aussi le titre de champion des 3 ans montés avec leur entier Connemara Verlan des Brimbelles (Don Juan V x Island Earl), mettant ainsi leur région MidiPyrénées sur le devant de la scène, une première. La 2e, Bretonne quant à elle, gagne la section des femelles de deux ans avec Addiction Alias, pfs (Campo Flamingo Z, z x Welcome Sympatico, han), et la section des mâles de trois ans avec le joli Vdesas du Chapelan, pfs (Quick Star, sf x El Fif, ar) appartenant à l'élevage des Aubépines de Dominique Calvier dans la Drôme. Les derniers cités, Basnormands, se signalent par la vice-championne des 1 an Bon du Trésor au Pena, pfs (Rexter d’Or x Najisco d’Haryns) et le 3e des mâles de trois ans Walnut Grove du Pena, pfs (Apache d’Adriers, sf x Thunder du Blin, co). Enfin, Balrine des Monceaux, pfs (Quabar des Monceaux x Moonligth Berenger), championne des femelles de un an et championne suprême femelle (dont le père remporte le GP excellence le même jour), et Vito de Blonde, pfs (Quoutsou x Happy des Charmes), vice-champion des mâles de trois ans, illustrent la politique du programme « Jeune génétique » mis en place par l’ANPFS dont la présidente, Marie-Dominique SaumontLacœuille, se félicite : « La promotion faite pour les jeunes étalons porte ses fruits. Les éleveurs jouent le jeu, les poulains observés correspondent à notre attente pour la race. Ce n’est que le début d’un programme porteur d’espoirs qui devrait influencer en qualité l’orientation du stud-book pour les années à venir. » Elisabeth de LINARES Résultats en pages Programme de notre revue et sur le site www.solognpony.com
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Leurs Jeux à eux
REPORTAGE grooms de champions
Ils sont plus ou moins jeunes, hommes ou femmes, cavaliers ou pas, de la même nationalité que le cavalier pour lequel ils travaillent ou pas, mais partagent la même passion. Sans eux, désormais qualifiés de grooms, notre sport ne serait pas. L’Eperon est allé à la rencontre de Claudia, Heidi, Fiona, Laetitia, Melinda, Simon et Clément et revient avec eux sur leur aventure olympique.
Si dans un premier temps l’arrivée à Greenwich Park semblait pour le moins délicate, tout s’est finalement passé dans l’ordre et, d’un commun accord, tous et toutes trouvent que l’organisation était irréprochable. Ils ont été extrêmement bien accueillis, et logés dans un hôtel à deux minutes des écuries.
Le groom, ciment du couple cheval/cavalier Les Jeux olympiques, les athlètes et propriétaires s’y préparent longtemps à l’avance, et les grooms aussi. Trop souvent oubliés, ils sont pourtant indispensables aux écuries et lors des concours. Leur travail dans l’ombre est difficile, mais comme le dit très justement Heidi Mulari, la groom de Steve Guerdat, « c’est plus un mode de vie qu’un vrai travail ! » Du nettoyage des boxes à la préparation des chevaux en passant par les soins, les grooms se chargent également du suivi maréchal, des vaccins, vermifuges, des lessives (bandes, tapis, chemises…), de l’entretien du matériel et du… rangement. Ils s’occupent de leurs chevaux au mieux, afin qu’ils arrivent le jour J au meilleur de leur forme physique et mentale. Pour les JO, même combat. Par exemple, il faudra faire venir le maréchal au bon moment, et pas trop tard, afin d’avoir le temps de se retourner et d’agir, si jamais il y a un souci. Avec un seul cheval aux JO, les grooms étaient pourtant bien occupés : nourrir, faire le box, changer l’eau, marcher les chevaux en main, les préparer avant que leur cavalier n’arrive pour les monter... Une fois sortis, les chevaux sont souvent massés, puis marchés à nouveau. Les jours sans épreuves, ils étaient dans l’ensemble montés deux fois. Les jours avec épreuves, en fonction de l’horaire de passage, ils étaient montés le matin, puis il fallait les préparer à l’épreuve (nattage, massage, etc.). Beaucoup les laissaient un moment tranquilles avant de les seller. Après leur passage, ils avaient souvent droit à de la glace, puis de l’argile. Ils étaient à nouveau marchés l’après-midi, et les chevaux français de saut d’obstacles avaient droit à une séance de stretching grâce à Hervé Baldassari (Equicare). Mais le rôle des grooms ne s’arrête pas là. Ils font partie de l’équipe et sont d’ailleurs considérés comme le ciment du couple. Ils sont tout simplement indispensables, et ont aussi un rôle psychologique à jouer. D’un commun accord, leur métier n’a pas tant évolué que cela. Ils avouent cependant prendre beaucoup plus soin de leurs protégés qu’avant, cela étant lié aux enjeux, plus importants d’année en année. Ils utilisent plus d’appareils, comme ceux de massage par exemple ou les machines de froid pour la récupération après
Le champion olympique Nino des Buissonnets a une groom finlandaise. Comme beaucoup de ses collègues, elle a commencé dans ce métier, il y a plus de dix ans, par une année qui devait seulement être sabbatique ! Ph. C. Bricot
l’effort. Mais le dévouement est toujours le même… Il nous était impossible de recueillir les impressions de tous. Ce sont donc les grooms des trois champions olympiques individuels, des trois meilleurs Français dans chaque discipline, ainsi que Clément, un Français dans une médaille étrangère, que nous mettons à l’honneur. Portraits.
Heidi Mulari, la Finlandaise de Steve Guerdat Cette Finlandaise de trente et un ans vient d’une famille « normale » comme elle dit, qui ne connaissait rien aux chevaux. Mais dès son plus jeune âge, Heidi a toujours été passionnée par l’équitation. « J’ai commencé à monter au poney-club quand j’avais neuf ans, et à douze, dès que j’avais un moment libre, je me rendais aux écuries. Ma mère n’était pas ravie, mais au moins elle savait toujours où me trouver ! »
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Bien protéger
DOSSIER AMORTISSEURS
En dressage, la plupart des cavaliers utilisent des amortisseurs qui combinent deux matières dont le mouton, pour l’esthétique et pour bien caler l’amortisseur sous la selle. Ph. C. Bricot
Outil indispensable du cavalier, la selle est un élément contraignant pour le dos du cheval auquel s’ajoute le poids du cavalier. Un ensemble de forces en mouvement qui affectent le dos de toutes les montures, quelle que soit la discipline. On le dit et on le répète, le cheval ne donnera son maximum que s’il est dans les meilleures conditions physiques. Cela implique entre autres choses qu’il doit être bien dans son matériel. Aujourd’hui, les selles se sont grandement améliorées et une large gamme de tapis amortisseurs et autres protections pour le dos du cheval s’est développée. Mais tout ne va pas pour tous et pour tout. Pourquoi et comment choisir ces protections.
pour mieux monter
S
elon la morphologie du cheval, de la selle et aussi un peu selon la discipline pratiquée, les pressions exercées par le poids combiné de la selle et du cavalier sur le cheval varient. Les avis divergent quant à l’utilisation de tel ou tel matériel, mais il est un point sur lequel tous les cavaliers se rejoignent : il faut offrir à sa monture le maximum de confort pour en obtenir le meilleur résultat. Pour François Delzenne, ostéopathe équin, choisir le bon amortisseur est un véritable enjeu, dont dépend la bonne santé physique du cheval. « L’intérêt est évidemment de favoriser le mouvement du cheval. Pour cela, il est essentiel de bien libérer la colonne vertébrale et de ne pas comprimer le dos. J’ai déjà rencontré le cas d’un cheval dont le propriétaire utilisait un gros amortisseur en mouton, pas du tout adapté ni à la selle ni au cheval. Ce tapis
trop épais comprimait le dos, qui était donc enkylosé. En résultaient évidemment de fortes douleurs vertébrales et une atrophie musculaire, puisque le cheval, pour éviter de se faire plus mal encore, limitait ses mouvements. Le problème a été pris à temps et n’était pas trop grave. Ça s’est donc résolu rapidement avec l’utilisation du matériel adéquat, mais cela prouve qu’il faut vraiment faire attention à ce genre de détail. » Sonia Wittreck, ancien vétérinaire de l’équipe de France de voltige (actuellement chez Audevard) confirme : « Les amortisseurs peuvent être très utiles s’ils sont bien faits et pas trop vieux. Il faut que la matière amortissante soit bien répartie et compacte, et donc qu’elle ne génère pas de nouveaux points de compression. Avec un matériel de mauvaise qualité ou inadapté, on constate rapidement des abcès de garrot ou des
durillons qui se transforment rapidement en micro-abcès, voire en plaies. Attention également aux matières synthétiques, qui ne respirent pas assez, cela chauffe vite le dos. S’ensuivent des frictions et des brûlures. Soit l’effet inverse de l’effet voulu, puisqu’on en vient à blesser son cheval plutôt qu’à le protéger. » Concernant les allergies, il faut savoir qu’elles sont possibles quelles que soient les matières. C’est souvent davantage une question de transpiration qui n’est pas bien évacuée.
NE PAS MULTIPLIER LES COUCHES Les tapis amortisseurs ont plusieurs fonctions. Celle à laquelle on pense en premier lieu est d’amortir les pressions et surtout les chocs qui peuvent résulter de la pratique équestre. Pour Hervé Baldassari, créateur d’Equicare Center dont le
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