EDITORIAL
Refondre Par Xavier Libbrecht
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es Jeux olympiques de Londres, c’était il y a six mois. Le bilan ? Convient-il de s’en souvenir ! Oui et pour une simple raison : devant nous les Jeux équestres mondiaux FEI Alltech en Normandie n’arrivent-ils pas ventre à terre ? Dix-huit mois ! Terminus pour Caen. Tout le monde descend ! Quand la saison sportive 2013 reprendra sérieusement avec des événements comme le CSIO de La Baule en saut d’obstacles ou Saumur en concours complet, pour ne pas entrer dans l’énumération de ce qui constituera l’essentiel du programme des huit disciplines qui figureront au menu de la grande fête qui nous attend en Normandie du 23 août au 7 septembre 2014, nos cavaliers, l’élite s’il en est, seront à pied d’œuvre.
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ls savent, eux, qu’une saison pour préparer de telles échéances, c’est, à la fois tout et rien. Rien par rapport à la somme de travail, d’investissement consentis au cours des dizaines d’années passées à rêver d’être de la partie ; mais pas tout pourtant ! Une saison réussie, prometteuse avec le cheval que, intelligemment, patiemment, on a amené à la porte de la sélection, est capitale. Evident que tout ceci ? Lapalissade… Pas si l’on observe le pétrin dans lequel s’est enlisée la Fédération à l’heure et au terme des « debriefings » promis, reportés et avortés de ces derniers mois. Après avoir fait profil bas, joué la montre jusqu’à la réélection de pure forme de Serge Lecomte en décembre, la FFE a pensé s’en sortir à coups d’artifices : un semblant de réorganisation de l’appareil sportif avec la nomination d’un directeur des disciplines, le recours à la nomination de quelques personnalités reconnues pour leur expérience et/ ou leur mérite, un budget de circonstance, un objectif a minima, c’està-dire sauver la face à Caen en 2014 et basta cosi ! Bref, on joua à l’illusionniste… Maquillage et camouflage, mais pas question de s’embarquer dans un projet sportif ambitieux où le long terme l’emporterait sur le replâtrage. On peut estimer – au delà de la présentation dont nul n’ignore que les lignes procèdent de subtils arbitrages – le budget « sport de haut niveau » à 7 millions d’euros (dont 3 d’aides directes aux équipes de France) sur une Fédération qui en lève plus de 42. 17% du total ! Une machine qui consacre une belle part de son activité à la vie des clubs et au Parc Equestre de Lamotte-Beuvron (deux cents hectares) lequel, bon an mal an, avale lui (activité, maintenance et investissements), un peu plus du triple des sommes évoquées (10 Me) et où l’on continue, là, à se projeter dans l’avenir : complexe hôtelier de haut niveau, parc récréatif, nouveau manège de 100 x 50 avec pour ambition… Aix la Chapelle sur Beuvron ! Les organisateurs d’événements internationaux qui souffrent apprécieront.
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e problème est que, même si le président Lecomte est bourré de qualités, qu’il a développé le fonds de commerce de la Fédération française comme nul autre du genre, en dépit du discours il n’agit pas comme si l’objet social d’une Fédération sportive olympique digne de ce nom, titulaire d’une délégation de pouvoir de son ministère de tutelle, était tel ! Expert en matière d’animation des poney-clubs et des centres équestres au bénéfice de leurs dirigeants qu’il soigne aux petits oignons grâce au GHN satellite, il a échoué dans la préparation des élites aux JO, mais aussi dans la culture de la graine de champion, en dépit des cinq cent cinquante trois titres délivrés chaque année, dont une grande partie dans son fief solognot.
Et c’est là qu’il perd pied face à des compétences, des profils, des personnalités comme Philippe Léoni, Patrick Caron, Jean-Maurice Bonneau, ou encore Laurent Bousquet. Tour à tour sollicités à l’un ou l’autre des postes imaginés dans le cadre de la réorganisation du haut niveau, ils ont, après réflexion, tous décliné l’offre. Pourquoi ? Pour les raisons évoquées plus haut : manque de visibilité, de sincérité. Unanimement, ils considéraient que la situation exigeait des réformes en profondeur, une ambition, un travail sur le moyen et le long terme, avec une certaine autonomie et les budgets assortis. Au point où le sport équestre français, ses valeurs, ses moyens en sont, il faut repenser, refondre !
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eine perdue. On ne touche pas à une équipe qui gagne… Même pas mal d’argent… dans le cas du mercenaire Henk Nooren qui aurait bien tort de s’en priver. Dans le même esprit, on va quérir les compétences ad hoc pour le dressage, en Allemagne en la personne de Jan Bemelmans. Pour le complet, à court d’imagination, ou toujours pour les mêmes raisons opportunistes, on va repêcher l’ami Thierry Touzaint dont on sait que s’il est capable de faire le boulot genre « commando », on n’ignore pas qu’il ne peut promettre davantage. S’il en avait eu l’envie, il l’aurait fait à l’époque où il avait les pleins pouvoirs. Consolons-nous… au moins raisonne-t-on français ! Du ponctuel, du court terme vous dit-on ! Leurre, bluff ! Et dans le même temps le directeur technique national, Pascal Dubois, dont on ne sait s’il s’accroche, s’obstine, à moins qu’il ne soit simplement utilisé là où il faut, comme il faut et mieux que quiconque… Tout ça en vertu d’un caractère en or, on vous l’assure. Prenons ici les devants. Comme Pascal Dubois probablement, nous parions sur le génie français qui fera que, devant leur public, nos équipes se surpasseront, nous surprendrons en août 2014.
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ais notre propos, on l’aura compris, s’inscrit dans une réflexion plus vaste. Quel projet équestre sportif pour nos jeunes aujourd’hui, dans une France en crise et une Fédération opulente, assise au bas mot sur des réserves qui ne doivent pas être loin d’une année pleine de budget ? Ces questions font-elles même débat au sein de l’appareil ? Pas très sain ; pas très gai. Sauf à se dire que les réactions des cavaliers, observées ces derniers temps, portent, à l’heure où il convient de vous présenter nos vœux pour cette année 2013, à un certain optimisme. Enfin les premiers concernés bougent, réfléchissent, analysent, s’organisent et s’expriment d’une seule voix. Ne manqueraient que quelques ténors qui ont plus à perdre qu’à gagner à participer à quelque remise en cause du système, mais dont le silence ne fait que justifier le bien fondé de la prise de parole commune. On a aimé cette lettre ouverte adressée à Serge Lecomte par un collectif de cavaliers de concours complet. Franche, claire, positive, soit autant de qualités nécessaires à la pratique de leur discipline. Et que penser de l’initiative d’Hervé Godignon sur Facebook au travers de sa page « Les "indignés" de la politique fédérale de la FFE » ? Qu’elle procède de la même nécessité de dire : stop, rien ne va plus.
« Expert en matière d'animation des poney-
clubs et des centres équestres, Serge Lecomte a échoué dans la préparation des élites aux JO, mais aussi dans la culture de la graine de champion. »
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L’EPERON SOMMAIRE N°330 février 2013 Photo de couverture : Aymeric de Ponnat et Armitages Boy. Ph. D. Caremans/Hippofoto
Ph. F. Clot
24 ELEVAGE
PATRICK SISQUEILLE, FIDÈLE À L’ANGLO
Cavalier émérite, Patrick Sisqueille est aujourd’hui installé dans le Gers, où il a créé son propre élevage et obtenu un beau doublé 4 et 5 ans dans le championnat de France des jeunes chevaux de concours complet en 2012 !
30 RENCONTRE AVEC AYMERIC DE PONNAT
JUBILÉE D’OUILLY d’abord puis ARMITAGES BOY aujourd’hui ont propulsé Aymeric de Ponnat sur la scène internationale. Retour sur le parcours du Normand qui vise une qualification pour les prochains championnats d’Europe et Jeux mondiaux. En toute simplicité.
35 LA FÉDÉRATION EN CHANTIER 40 UN HIVER AU TOP NIVEAU
Finale du Global Champions Tour à Abu Dhabi, Gucci Paris Masters ou encore finale du Top 10 à Genève… Les événements marquants de la fin d'année 2012.
3 EDITO 35 ENQUÊTE 7 TRIBUNE, COURRIER 40 SPORT 8 ACTUALITÉS 24 ELEVAGE 47 SALON DU CHEVAL 30 REPORTAGE LE PROJET SPORTIF EN QUESTION
LES ANGLO-ARABES DE PATRICK SISQUEILLE AYMERIC DE PONNAT
Ph. C. Bricot
POUR 2014
Depuis la démission de Christian Paillot, l’agitation est à son comble dans les coulisses du haut niveau… Seul le dressage sait où il va depuis l’arrivée de Jan Bemelmans. Retour sur les différents épisodes de cette tragi-comédie et micro-paddock en attendant la décisive réunion du Bureau fédéral, le 5 février.
LA FINALE DU GCT À ABU DHABI, LES GUCCI MASTERS, LE CHI-W DE GENÈVE
53 DÉCOUVERTE
LE HARAS DU BOIS D'ARGILE
56 TECHNIQUE
LE TRAVAIL DU JEUNE CHEVAL
58 SANTÉ
RENFORCER LA VIGILANCE SANITAIRE
61 DOSSIER
S'ASSURER CONTRE LES CATASTROPHES NATURELLES
68 PETITES ANNONCES 83 GAZETTE D'AUTRES INFORMATIONS, NATIONALES, RÉGIONALES ET LE PROGRAMME
LE BILAN À PARIS-VILLEPINTE
Les opinions émises dans la revue n’engagent que leurs auteurs. Les indications éventuelles de marques, les adresses, les prix figurant dans les pages rédactionnelles, sont soumis à titre d’information. La reproduction des textes et illustrations imprimés dans ce numéro est interdite pour tous pays. La rédaction n'est pas tenue de retourner manuscrits, illustrations et photos.
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REPORTAGE LES SISQUEILLE Castelsarrasin
Condom
GERS 32
➔ Verduzan CasteraAUCH Colomiers
Mirande
Le bonheur est
Muret
PAU
HAUTEGARONNE 31
TARBES Lourdes
Il aurait pu, lui, se résigner à être pharmacien et, elle, à briller au barreau. Ils choisirent les chevaux, jeunes, les concours de saut d’obstacles, et finalement l’élevage. Le parcours de cette famille relève du roman d’amour et d’aventure : l’amour des chevaux et l’aventure de l’élevage. Patrick Sisqueille, né cavalier d’Anglos et Marie-Pierre (« Mapie ») Bernadet, sa femme, ont réussi, grâce au cavalier de complet Thomas Carlile, leur premier examen d’éleveurs avec la mention Très Bien, réalisant le doublé championnats 4 ans et 5 ans aux dernières finales de Pompadour. Excellent cavalier de jeunes chevaux, Patrick Sisqueille monta autrefois Calliope d’Aulix (à six ans), demi-sœur de Triple Espoir (ISO 178/96) et de la mère d’O’Vive. Ph. Coll
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dans le Gers
REPORTAGE LES SISQUEILLE
A Castura Verduzan, dans le Gers, Patrick Sisqueille et sa femme Marie-Pierre élèvent et travaillent des chevaux de sport dans un cadre enchanteur. Ils sont ici (page de gauche) en compagnie d’O Vive, aa (Fusain du Defey et Garce d’Aulix par Quatar de Plapé), mère d’Upsilon (aacr par Canturo, holst). Ce dernier (cheval gris en bas), excellent sauteur, étalon approuvé à Saint-Lô à trois ans, a remporté l’an dernier le championnat des 4 ans de complet, tandis que Tenareze (ci-dessous), par Jaguar Mail, également né chez P. Sisqueille, remportait celui des 5 ans. Photos Florence Clot et Pixizone
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ls sont naisseurs et il est cavalier-propriétaire du champion des 4 ans en 2012 en complet, UPSILON (aacr, CANTURO, holst et C’VIVE, aa par FUSAIN DU DEFAY), ICC 127, et de celui des 5 ans, TÉNARÈZE (aacr, JAGUAR MAIL, sf et UTOPIE DU MAURY, aa par QUATAR DE PLAPÉ) ICC 157. Les deux sont en tête de leur génération par les gains à l’issue des finales et leur potentiel leur promet un avenir de haut niveau, sur les pistes comme au haras. Thomas Carlile est, lui, tête de liste des cavaliers de jeunes chevaux de complet, Patrick 2e des éleveurs, et COW BOY (TINKA’S BOY, se et UTOPIE DU MAURY, aa par QUATAR DE PLAPÉ) est champion des foals de la section demi sang, au National Anglo-arabe à Pompadour cette année. L’Anglo de croisement aura permis à la race Anglo de briller et à la saga Sisqueille de commencer en beauté. Ce n’est pas un article, mais une belle histoire qu’inspire une visite-interview à Jouétard (32). Plantés sur la crête d’une de ces longues collines qui ondulent entre Auch et Condom, dans le Gers, de grands cèdres
annoncent un ensemble de batiments anciens, dont une maison de maître. Le village de Castera-Verduzan, station thermale, n’est qu’à quelques kilomètres plus bas dans la vallée. De grandes terres pentues quadrillent le paysage et des prairies entourent cette belle propriété gersoise d’où l’on aperçoit à l’horizon la chaîne des Pyrénées. Le cadre est à la hauteur. Le pigeonnier-chambre d’hôte, la grangeécurie, le petit manège, le rond de longe, les paddocks, la carrière, tout ça sent l’ordre, le naturel et la qualité. Celui qui, adolescent, a versé une larme à la lecture des aventures de Mon amie Flicka, s’il a été touché par l’ambiance romantique d’Out of Africa, si, dans un coin de grenier, il a feuilleté avec nostalgie, un numéro de La Vie à la Campagne des années 1900, enfin s’il aime les histoires d’amour et les propriétés de famille animées d’enfants, de chiens et de chevaux, celui-ci comprendra pourquoi je parle de roman. Patrick Sisqueille est né Catalan, il y a cinquante-sept ans près de Perpignan, dans cette ambiance de famille nom-
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La simplicité
REPORTAGE AYMERIC DE PONNAT
Structuré, décidé, Aymeric de Ponnat a toujours eu de bons résultats en concours nationaux, avec DAHLIA MANCIAISE notamment. Mais il fallut attendre 2007 pour le voir intégrer l’équipe première et s’élancer en CSIO, grâce à sa rencontre avec une certaine JUBILÉE D’OUILLY qui le propulsa littéralement au plus haut niveau. Ensemble, ils gagnaient cette même année le Grand Prix d’Hickstead, un concours qu’Aymeric porte dans son cœur. Puis vint le temps de la reconstruction, de la restructuration…
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t il semble que dans cette démarche, ARMITAGES BOY ait décidé de l’aider. Le cheval qu’il décrit comme exceptionnel a fait une entrée fracassante en remportant en 2011 le Grand Prix du CSI2* des Gucci Masters. Appliqué, déterminé, avec un geste naturel impeccable, le fils d’ARMITAGE (old, ARGENTINUS) a vite conquis les plus grands cavaliers et Aymeric et ses copropriétaires en auraient refusé des fortunes. Après avoir brillé au plus haut niveau grâce à JUBILÉE D’OUILLY, le Vendéen d’origine vise maintenant les championnats d’Europe avec son tout bon ARMITAGES BOY, et les Jeux équestres mondiaux, dans sa région d’adoption. Et s’il en est arrivé la, ce n’est pas par hasard. Montivilliers, périphérie du Havre (Seine-Maritime) : au détour de la zone industrielle se situent le centre équestre de la ville et les écuries d’Azur. Deux structures bien distinctes, mais un seul nom : de Ponnat. Chez Aymeric, pas d’artifice. Une écurie en forme de « U » avec un marcheur, un manège et une carrière. Une piste de galop complète les infrastructures. Trois boxes sont aménagés en salles de préparation, et un en sellerie. Au bout du manège, un escalier mène à l’ancien club-house, transformé en appartement. C’est là que vivent Aymeric, son épouse Daan et leur fille Amy. Dans leur cocon, les chevaux sont omniprésents sur les murs. De DAHLIA MANCIAISE à JUBILÉE en passant par WINSOME, même Reynald Angot adolescent a sa place dans le salon. « C’était un concours dans le nord de la Manche, Beaumont Hague je pense. On était jeunes à l’époque ! » Elodie, cavalière maison, et Amandine, groom, disposent chacune d’un logement juste en-dessous, mais se joignent à leur « patron » pour déjeuner, toujours dans la convivialité.
Adolescent et déjà des jeunes chevaux Aymeric a six ans lorsque sa famille quitte la Vendée pour rejoindre Saint-Lô (50). Il fait alors ses classes à Auvers, chez Alain Hinard. Avec un père cavalier amateur, la famille allait de concours en concours chaque week-end, et tous les enfants ont fini par attraper le virus de l’équitation… Aymeric monte en épreuves cadets, participe au Criterium junior, avec des chevaux « achetés pas cher ». Dans ses années lycée, Aymeric montait déjà des jeunes chevaux en concours, pour le compte de différents éleveurs, comme Jean-Pierre Herpin ou Fernand Leredde. Ce dernier comptait bien installer le jeune cavalier, et lui a loué une structure. Aymeric monte alors de nombreux jeunes chevaux, dont EPSOM ROUGE. Puis il s’installe très jeune, juste après le baccalauréat, près de Saint-Lô, chez un certain Alexis Pignolet : « Je lui louais des boxes et, en échange, je montais certains de ses chevaux ». Aymeric restera un an au Haras d’Elle. Juste avant son installation là-bas, il avait rencontré la belle Daan, une Néerlandaise qui travaillait pour Xavier Ribard (éleveur de COR DE LA BRYÈRE), chez qui Aymeric était allé monter un été. « Alain
Grand favori pour le titre de champion de France Pro Elite, Aymeric de Ponnat (à gauche) laissera finalement l’écharpe tricolore à Michel Hécart (Quatrin de La Roque). Le jeune Aymeric Azzolino (Looping d’Elle) complétait le podium. Ph. Ch. Bricot
Hinard, chez qui j’ai tout appris, m’a dit que Xavier Ribard cherchait un cavalier pour l’été. Daan travaillait là-bas, on est repartis ensemble ! » Fin 1997, Daan et Aymeric quittent la Manche pour le Calvados, près de Lisieux, chez Xavier Ribard ! DAHLIA MANCIAISE, qu’il a débutée à quatre ans chez Alexis Pignolet, en a alors six. « C’est une des premières juments que j’ai formées et que j’ai emmenées au niveau Grand Prix. » Puis, parce que « chez Xavier, c’était un peu excentré », le couple s’installe chez Jean-Pierre Vilault à Notre-Dame d’Estrées (14). « Jean-Pierre voulait que je prenne la suite de Yann Candelé. On a fait du commerce, j’ai pu monter de bons chevaux comme CRESUS LA VALLÉE, l’écurie s’est remplie et on a passé quatre ans là-bas ». Avec beaucoup de chevaux en pension et à travailler, Daan et Aymeric se mettent à la recherche d’une installation à acheter. L’ancien propriétaire du centre équestre de Montivilliers (76) leur propose alors sa structure, dont une partie correspondait exactement à ce qu’ils recherchaient. Daan et Aymeric s’installent donc près du Havre en février 2003, dans une écurie « clé en main ». D’ailleurs, en 2009, Aymeric et ses cinq frères achètent l’autre partie des installations, un centre équestre géré par Frédérick Tricot (« comme s’il en possédait une partie ») qui propose des cours, du babyponey jusqu’au coaching en compétition. Le Quadrille de Montivilliers, présidé par le père d’Aymeric et fonction-
nant avec des bénévoles (à peu près tous les propriétaires du centre équestre) organise également des concours, Aymeric mettant simplement les infrastructures à disposition : « J’ai organisé trois nationaux, mais je n’ai plus trop le temps de m’en occuper maintenant. L’association le fait très bien, avec une dizaine de concours par an. »
Aymeric et ses girls Elodie, cavalière maison, est arrivée fin 2007, « elle est indispensable, parce que je suis de plus en plus absent des écuries ». Amandine, la groom, est aux écuries depuis son plus jeune âge, et n’est partie que six mois : « Je voulais qu’elle ait une autre expérience », explique Aymeric, et elle est revenue début 2011. Daan, bien sûr, s’occupe de toute l’intendance et travaille aussi les chevaux. Amy, leur fille, a quinze ans, et débute les épreuves à 1,35 m. En 1re littéraire, avec un an d’avance, elle essaie de concilier cursus scolaire et haute compétition, et commencera d’ailleurs le circuit junior cette saison : « On lui a acheté TIME OUT, l’ancien cheval de Loriane Dilasser. Elle a vraiment le virus et veut en faire son métier. Elle aura le luxe d’avoir un système en place, ce sera plus confortable que lorsque Daan et moi avons commencé ! » Depuis deux ans, Aymeric a la chance d’être soutenu financièrement par deux entreprises de travaux publics : Euro-
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à l’état pur
REPORTAGE AYMERIC DE PONNAT
Sur le Grand Parquet, Armitages Boy confirmait son statut de révélation de l’année même si une faute dans la dernière manche de la finale coûtait le titre à son cavalier. Ph. C. Bricot
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DOSSIER ASSURANCE
Organisateurs et structures
Spectaculaire, l'inondation de l'Isle Briand a eu d'autant plus de retentissement qu'elle a imposé l'annulation du Mondial du Lion d'Angers. Ph. E. Knoll
Se prémunir contre les catastrophes
Une manifestation qui tombe à l’eau, des infrastructures touchées de plein fouet par une tempête, un incendie qui ravage une écurie, ces vingt dernières années les troubles de la nature n’ont pas épargné la France et avec elle le monde du cheval. Les professionnels, qu’ils organisent ou non des compétitions, peuvent se protéger contre les aléas de la nature. Comment et à quel prix ? Quels contrats d’assurance et pour quoi faire ?
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’annulation de la vingt-septième édition du Mondial du Lion d’Angers 2012 (18 au 21 octobre 2012), alors que le dressage était au trois quarts couru, restera dans les mémoires de tous. « Les deux rivières de l’Isle Briand ont débordé en raison de l’augmentation du niveau de la Loire, explique Jean-Michel Foucher, l’organisateur du Lion d’Angers. Le vendredi nous avons cherché une solution alternative, mais en vain. Nous avons donc décidé d’annuler. En fait, le tiers du
parcours de cross était sous l’eau. » Cette annulation était une première dans l’histoire du Mondial du Lion. « Il y a une dizaine d’années, nous avions entamé une réflexion pour prendre une assurance annulation, mais le devis nous avait dissuadés, car la prime dépend du chiffre d’affaires global », conclut J.-M Foucher. Partenaire assureur de l’événement, Groupama semble solidaire des organisateurs qui, depuis, reçoivent des messages de soutien. Un événement qui a aussi fait
réfléchir d’autres organisateurs d’événements équestres.
LA RC TOUJOURS INDISPENSABLE Tous les organisateurs de compétitions équestres ont l’obligation d’être assurés en RC (responsabilité civile) pour les dommages causés aux tiers où leur responsabilité peut être engagée. En revanche, ils peuvent ou non s’assurer pour le risque d’annulation en cas de débordements de la
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DOSSIER ASSURANCE
L'incendie a de tous temps été la menace majeure dans un centre équestre : ici ce qui restait de celui de Laura Penvel en Corse. Heureusement sans mort d'hommes ni de chevaux. Ph. G. Perina
nature qui empêcheraient l’organisation de leur événement. Il s’agit d’une assurance en annulation, mais dans les faits, les organisateurs sont peu nombreux à prendre une telle précaution. La raison en est tout bonnement financière. Jean-François Danton, membre actif de l’ACSOF (Association des cavaliers de saut d'obstacles en France) et organisateur des CSI de La Clusaz et Crans Montana ne se sent pas très concerné par l’assurance annulation : « Tous nos concours se déroulent en zone urbaine où il est impossible que la piste soit inondée. En revanche on peut prévoir une clause d’indécence qui couvre un montant garanti en cas d’annulation pour cas de force majeure. Je pense à l’annulation de Vérone en raison de la mort d’HICKSTEAD. Cela peut être aussi le cas lors de la mort d’un cavalier. En fait, je conseille aux organisateurs de prendre une RC classique. Pour reprendre l’exemple de La Clusaz, la ville est aussi assurée. » C’est un peu la même vision que l’on retrouve à La Baule, pour le CSIO qui est passé près de la catastrophe, en 2007, lors des rafales de vent à plus de 90
km/h qui ont obligé les organisateurs à suspendre le Grand Prix pendant deux heures. « Nous étions confrontés à un tel problème pour la première fois, raconte Nadia Poirier du Jumping de La Baule. En 2010, nous avons aussi subi la tempête Xinthia. L’intégralité du terrain a été refait en septembre 2011. Les terrains appartiennent à la ville qui les assure. Nous n’avons pas d’assurance annulation comme organisateur (assuré chez Generali, ndla) pour des raisons de coût, car on nous a annoncé 5 à 6 % du budget total qui, pour nous, est de trois millions d’euros. »
L’ASSURANCE ANNULATION Le fonctionnement du contrat en annulation proposé aux organisateurs permet « de couvrir des frais payés ou irrécupérables, précise Agnès Ozouf du Cabinet Pezant Generali. Ainsi, la prime est calculée en pourcentage de ces montants couverts. Je propose systématiquement l’assurance annulation aux organisateurs, mais dans les faits, je n’en ai que cinq, six
dans l’année. Ce sont des gros concours. » Pour un spécialiste comme Hipcover, le contrat annulation s’étudie suivant le type de compétition, la durée, le lieu. « Par exemple dans les régions où il pleut beaucoup, une garantie annulation liée à des problèmes de climat ne pourra être activée qu’à partir d’un certain niveau de pluviomètrie, explique Nathalie Robert d’Hipcover. Ce contrat en annulation prendra en compte les intempéries. Nous n’avons pas besoin d’être dans une situation de catastrophe naturelle pour que cette assurance annulation fonctionne. Même si dans la réalité nous sommes dans un cas de catastrophe naturelle, nous n’avons pas besoin d’attendre l’arrêté interministériel de catastrophe naturelle pour enclencher la procédure. La garantie intempéries est en fait une extension du contrat annulation. Mais il faut la prendre au moins dix, quinze jours, voire un mois avant l’événement. Car, il ne faut pas oublier qu’en matière d’assurance, c’est l’aléa, le risque qui est assuré. Si l’événement est certain, ce n’est plus possible de l’assurer. On peut moduler ce qui
L’ASSURANCE INCENDIE : DES CONDITIONS FLUCTUANTES Dans les établissements hébergeant des chevaux, les risques d’incendie sont aggravés par le stockage de la paille et du foin. Et pourtant, quand on interroge les assureurs, ils n’ont pas tous la même conception des obligations de l’assuré en matière de stockage du fourrage. Ainsi, certains refuseront ou feront monter fortement le devis en cas de stockage au-dessus des boxes, d’autres imposeront une certaine distance, au moins dix mètres entre le stockage de la paille et les boxes. « Il faut que le centre équestre réponde aux obligations de sécurité par rapport à l’accueil du public avec la présence d’extincteurs vérifiés, explique Cédric Marraud. Après une visite et une étude des plans, nous évaluons nous-mêmes le risque ». Dans un autre secteur, celui des haras haut de gamme, Le Centaure, spécialiste du contrat mortalité, propose désormais un nouveau produit sans limite de valeur en assurance
dommages. « Si le bâtiment brûle, il est refait à l’identique en valeur « à neuf » en cas d’incendie, dégâts des eaux et tempête, explique Christophe German. Avant je n’assurais que les chevaux, mais depuis début 2012, nous proposons ce nouveau contrat. C’est une multirisque Haras qui couvre les dommages et la RC (responsabilité civile). Pour offrir un meilleur tarif, on suggère des extincteurs, des détecteurs de fumée, une certification par rapport aux mesures de sécurité (formation à la sécurité des salariés). Nous refusons d’assurer les centres équestres quand il y a de la paille au-dessus des boxes. » Ainsi, les obligations à remplir pour pouvoir s’assurer contre l’incendie semblent variables d’un assureur à l’autre. « Nous n’imposons rien, mais il faut de bonnes mesures de sécurité, explique Yves Valentin d’Equitanet. Comme une zone de stockage du fourrage éloignée du reste des bâtiments, des
extincteurs et des circuits électriques vérifiés. Pas d’entreposage de foin trop dense, car il risque de s’enflammer. Nous avons une note de prévention que l’assuré doit nous retourner signée tous les ans. Il pourra nous arriver de majorer la prime s’il n’y a qu’un seul gros bâtiment et non pas plusieurs séparés les uns des autres. Chez nous, on peut gagner 10 à 25% sur le tarif de la prime incendie si toutes les précautions sont prises dans l’esprit que je viens d’évoquer. » D’autres précautions peuvent être prises, comme une garantie pour la perte économique. Pour se garantir de manière complémentaire en cas d’incendie ou de tempête entraînant la destruction plus ou moins partielle de ses installations, un professionnel peut imaginer prendre une assurance pertes d’exploitation qui couvrira la perte consécutive à la baisse du chiffre d’affaires, les remboursements de frais supplémentaires. C. B.
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