ALEXANDRE AYACHE - QUARTZ ROUGE - ENQUETE SUR LA FORMATION - TECHNIQUE AVEC FOX PITT - SOUCHE DE QLASSIC BOIS MARGOT
L’EPERON N°355 / MAI 2015 / 7,80 € - DOM : 8,10 € - TOM : 1400 CFP - CH : 14,80 FS - POR ET BEL : 9,20 € - ITA : 8,30 € - CAN : 12,50 $CAN - MAR : 85 DH
L’EPERON
L’EPERON
• Coupes du monde : zoom sur les finales • Complet : rencontre avec Gwendolen Fer • L'élevage des Isles à marée montante • Obstacle : la parole à Philippe Guerdat
Alexandre Ayache
Un dresseur en altitude Premier magazine d’actualité de l’élevage et des sports équestres • N°355 • mai 2015 • 7,80 € COUV355.indd 3
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L’Eperon dito
par Christelle Iraola-Maitre
L'union, une utopie ?
Equidia Life pourrait-elle disparaître au profit du canal courses Equidia Live ? A l'heure de la lumière et de l'image, peut-on soudainement couper le courant ?
82 millions d'euros de déficit pour les sociétés mères du trot (44 M) et du galop (38 M) ! Le chiffre interpelle, voire agace. Les ministères de tutelle ont réagi comme un seul homme en adressant fin mars une lettre historique aux présidents du Trot et de France Galop. Dur, dur, pour l'ego, mais au-delà, le signe politique est aussi fort qu'inquiétant. Rendus publiques par les bloggeurs militants du galop (cercletourbillon.com), puis relayés par les médias hippiques, ces courriers agitent, depuis, les esprits. Rappelées à l'ordre sur leur gestion et leur projection 2015, ces institutions vont devoir faire des coupes sèches pour revenir à l'équilibre pour 2017 comme exigé. Les ministres du Budget et de l'Agriculture insistent sur une réduction des coûts de fonctionnement généraux (baisse des allocations et des encouragements à l'élevage notamment !), de ceux des organismes gérés en commun, l'AFASEC et la FNCF, et demandent des « économies conséquentes sur Equidia et le GTHP ». Voilà une première inquiétude pour les sports équestres et l'équitation. La chaîne dédiée Equidia Life pourrait-elle disparaître au profit du canal courses Equidia Live... comme le souhaitaient déjà certains au sein des sociétés mères ? Au-delà de la perspective d'un retour à l'ancêtre d'Equidia, France courses, consacré uniquement à l'incitation au jeu (c'est la bonne élève, la Française des Jeux, qui va être jalouse...), le préjudice serait majeur pour l'exposition médiatique du monde équestre. A l'heure de la lumière et de l'image, peut-on soudainement couper le courant ? L'autre dommage collatéral envisageable peut être l'avenir de l'EPERON, pas notre magazine, mais le fonds éponyme ! Car la baisse historique des paris hippiques du PMU (-0,9 % en 2013, -4,1 % en 2014) – lié au bilan des sociétés mères – a un impact direct sur l'argent de poche de la filière cheval en général. Si 43 millions des 9,97 milliards d'euros brassés par le PMU (le poker et les paris sportifs en ligne affichent une croissance à deux chiffres !) ont alimenté le fonctionnement de l'IFCE en 2014, 15,7 millions ont été alloués au fonds EPERON. Sans lui, quid du financement des actions de la SHF et de ses composantes (4,5 millions d'euros en 2014), de l'UNIC (800 000 €), des aides aux associations de races (107 250 € à l'ANAA, 195 800 € au stud-book Selle Français, etc.), aux organisations sportives (2 millions d'euros de Bordeaux à Lyon en passant par Caen), et même aux initiatives
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de l'IFCE (395 000 €), sans compter les 4 millions d'encouragements à des structures régionales ? Des institutions, de la politique, des chiffres, c'est pénible, « on s'en fiche », me direz vous. Soit, alors faisons chacun dans notre coin la politique de l'autruche, à l'instar de la belle bataille désordonnée menée avec le succès que l'on sait contre l'augmentation du taux de TVA ! L'autre option, utopique sans doute, l'union. L'union pour faire entendre les forces vives que masquent souvent les outils de gestion : des professionnels de terrain confrontés à un contexte économique en transition. Si dans ses prés, ses écuries, chacun est appelé à la responsabilité par la réalité de son marché, il doit en être de même pour les responsables institutionnels et privés du secteur. Confrontés désormais aux mêmes difficultés, n’est-il pas temps pour l’équestre et l’hippique – après tout n'est-ce pas le même mot, avec une racine grecque ou latine – de faire front commun pour augmenter les effets de levier ? Il est encore temps d’engager une véritable réflexion nationale sur l’avenir de la filière, pour guider des professionnels qui s’essoufflent, comme des jeunes qui rêvent de consacrer leur vie au cheval. Donner du sens, insuffler de l'espoir en somme. « Une professionnalisation, une plus grande cohésion des acteurs et des structures, ainsi qu’une ouverture des acteurs de la filière sur la société et sur le monde sont indispensables pour inscrire la filière équine dans une spirale de croissance, de viabilité économique, de réponse efficace aux attentes de la société (…). L’action publique, qu’elle soit européenne, nationale ou territoriale, n’en sera que plus efficace », soulignaient déjà en 2012, l’INRA et l’IFCE, après deux ans de travail conjoint autour d’« une réflexion prospective sur l'avenir de la filière équine française à l'horizon 2030 » (rapport disponible dans son intégralité sur les sites INRA.fr et harasnationaux.fr). Cette étude qui s’appuie sur quatre scénarios d’avenir ne pourrait-elle pas être un point de départ à la rédaction d’un « Livre blanc » sur le sujet ? La réalisation de cet outil stratégique participatif nécessiterait un dialogue entre les différentes instances, les différents acteurs, en soi une première gageure ! Agir ensemble pour réformer, plutôt que réagir sporadiquement au pied du mur, peut-être est ce l’un des enjeux majeurs de notre avenir équestre… entre autres !
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Edito Tribune Photos d'actualité Finales Coupe du monde
Saut d'obstacles et dressage à Las Vegas
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Reportage sport
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Portrait cheval
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Portrait cavalier
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La parole à
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Reportage élevage
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Enquête
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Etude
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Technique
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Découverte
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Alexandre Ayache, au fond de la montagne
Alexandre Ayache
Quartz Rouge, la force tranquille
dans ses montagnes
Gwendolen Fer, une femme aux nerfs d'acier
Installé dans les montagnes à Lantosque, le Niçois a connu une décennie productive : installation à la force du poignet et de sa famille, et travail de plusieurs chevaux de Grand Prix dont Lig hts o f Lo n do n derry avec lequel il est allé aux Mondiaux de Caen.
Philippe Guerdat : préserver les CSIO
Photos : F. Clot
Mai 2015
Elevage des Isles de Paul Hubert et Hélène Chiché
Les coûts de la formation professionnelle
La souche de Flicka
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De l'équilibre du cavalier au confort du cheval avec William Fox-Pitt
Amarré à la réussite Hélène Chiché et Paul Hubert élèvent dans un lieu à part – sur des îles de la Loire en aval de Nantes – des chevaux à part, perpétuant de vieilles souches vendéennes imprégnées des meilleurs Pur-sang, avec des résultats à part, qui propulsent régulièrement leur élevage aux meilleurs places en saut d'obstacles, mais aussi en complet et courses d'AQPS.
Dans les coulisses de En Equilibre avec Albert Dupontel
Photo de couverture : Alexandre Ayache et Grandiosa. Ph. Florence Clot
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103 104
118 125 137 138
Eco-Po Les associations de race en plein imbroglio Fonds Equitation
Quartz Rouge
Du poney-club à l'équipe de France
Santé Le cardiaque des chevaux de complet
Dossier Transport : achat - location : une bonne solution ?
Tour du monde Evolution du modèle bwp Mort de Randel Z CEI3* de Fontainebleau Un président pour la FISE Ph. D. Caremans
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Dans le viseur Tour de France CICO3* de Fontainebleau Saut Hermès CVIO de Saumur, CDI3* de Nice Grand National de dressage et de complet CPEDI de Deauville
Depuis près de dix ans, aucune femme n'avait réussi à s'imposer dans le monde du complet, particulièrement masculin en France. Gwendolen Fer, réussit à franchir les portes du haut niveau, grâce à Romantic Love, tout en multipliant les casquettes : dirigeante d'une écurie près de Toulouse, coach, et responsable d'un sport-études. Itinéraire
Petites annonces Annonces classées : chevaux, pensions, véhicules, stages, santé, équipements, emplois, immobilier
Les directs de mai Adresses, calendrier
C'était hier Quatre étoiles pour La Baule
Mascotte du poneyclub du Vieil Orme (78). Aimé, choyé, monté et groomé par sa propriétaire, le grand étalon est à l'origine d'une belle histoire entre la famille Smaga et Jérôme Hurel.
Gwendolen Fer Une femme de tête
Tour des régions
Infos pratiques
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Ph. G. Grégoire
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Technique
La leçon d'équilibre de William Fox-Pitt Grand par la taille, William Fox-Pitt a beaucoup réfléchi au rôle majeur de l'équilibre du cavalier sur celui du cheval. Grand par le talent, il partage avec clarté et patience le fruit de son expérience .
Entre les pp. 130-131 : SHF : Répartition des chevaux en Cycle classique CSO, dressage, complet en 2014 selon les races. Fiche étalons : Quinoto Bois Margot et Thais de Pégase
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ACTUALITes sport
Finales Coupes du monde à Las Vegas
Que des Européens sur les podiums à Las Vegas ! En dressage, Charlotte Dujardin devance Edward Gal et Jessica von BredowWerndl. En saut d'obstacles, Steve Guerdat gagne enfin devant Pénélope Leprévost et Bertram Allen.
Des Européens
Ph. D. Caremans
Ph. Scoopdyga
Déjà 3e en 2007, puis 2e en 2012 et 2013, Steve Guerdat a enfin soulevé sa première Coupe du monde Longines avec la Selle Français Paille Albfuehren’s (ex Paille de la Roque). Pénélope Leprévost décroche, elle, la 2e place, juste devant Bertram Allen/Molly Malone V, avec un Vagabond de la Pomme remarquable d’aisance et de sérénité pour un premier championnat disputé dans une ambiance survoltée à Las Vegas. 18
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S
’il y a un domaine dans lequel les Américains excellent, c’est bien celui de « l’entertainment » (divertissement). Et il atteint son paroxysme à Las Vegas, ville de la démesure et du jeu perdue au beau milieu du désert du Nevada. Les spectacles, feux d’artifices et musiques balancées à fond en ouverture de chaque épreuve de ces finales Coupes du monde Reem Acra de dressage et Longines de saut ont mis le feu à la piste du Thomas & Mack center ! Même si certaines prestations frôlent le kitsch, à l’instar des sosies d’Elvis ou de Lady Gaga accompagnés de danseuses sexy, les spectateurs (73 895 sur la semaine, entre 7 300 et 10 920 selon les épreuves) dansent, chantent, rient avec un engouement communicatif. Ils raffolent aussi des animations proposées à chacune des pauses pour lisser la piste, monter le parcours ou encore préparer
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les remises des prix, dont les fameuses « Kiss cam » et « Dance cam » qui invitent respectivement les couples passant sur les écrans géants à s’embrasser fougueusement et les personnes filmées à danser sur des tubes ultra populaires. Le tout accompagné de commentaires tordants du speaker survolté. Et comme beaucoup assistent à ces finales comme à un spectacle lambda, sans rien connaître aux chevaux, ils réagissent en plus très vivement pendant les parcours et les reprises, applaudissant ou s’exclamant en fonction des réussites ou des fautes des couples… Une ambiance complètement électrique, déstabilisante pour certains finalistes mais assez réjouissante. Sans parler de la folie furieuse qui s’emparait de la salle à chaque entrée d’un Américain ! « Même si ça nous choque un peu au départ, c’est réconfortant pour notre sport et ça donne une certaine légitimité à sa démocratisation, souligne
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ACTUALITes
sport
Finales Coupes du monde à Las Vegas
conquérants aux States Philippe Guerdat, le sélectionneur tricolore. Alors c’est sûr, ça nous fait drôle de voir des gens bouffer des pop-corns et danser entre deux cavaliers, mais d’un autre côté, si l’on avait davantage ça en Europe, on aurait aussi peut-être plus de public dans certains concours. » Moins la fête en coulisses… Tout n’était en revanche pas aussi enthousiasmant en coulisses... Les conditions d’accueil des chevaux étaient loin d’être optimales. Les écuries, installées comme le paddock sous une grande tente juste à côté de cette salle de spectacles et de sport (antre de l’équipe de basket universitaire des UNLV Rebels) étaient sombres, poussiéreuses et d’une température trop changeante : glaciale pendant les deux jours de quarantaine à cause de la climatisation, puis atteignant les 30 °C en journée pendant le déroulement de la compétition. La piste a, elle aussi, été l’objet de nombreuses critiques. A cause de sa petite taille (62 m de longueur sur 35 à 37 m de large selon les endroits), de sa forme atypique compliquant les abords, et de la qualité moyenne de son sol. Plusieurs chevaux ont glissé, poussant même les cavaliers à cramponner ! « Les Américains sont toujours des donneurs de leçons, mais il y a quand même des choses qui ne sont pas pareilles qu’en Europe derrière le rideau », confirmait Philippe Guerdat. Autre sujet de discussion, la difficulté des parcours imaginés par le chef de piste américain Anthony d’Ambrioso compte tenu des particularités précédemment citées… OK, c’est une finale Coupe du monde, mais était-il utile de mettre autant les chevaux à l’effort au lieu de privilégier la délicatesse ? Le triple n°12 de la deuxième étape, en sortie de virage et d’un jaune dégradé peu engageant, qui a provoqué 26 fautes et 3 sorties suivies d’abandons (!) par 22 des 35 couples au départ, n’était par exemple vraiment pas « cheval ». Et la deuxième manche de la finale trop éprouvante (aucun sans-
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A gauche, Pénélope Leprévost et Vagabond de la Pomme ont déroulé leurs parcours avec une fluidité prometteuse pour l’avenir. Ci-dessus, « J’ai beaucoup aimé cette ambiance où le public s’amuse tant et nous soutient avec tellement d’enthousiasme », confiait Steve Guerdat qui s’est exercé avec succès à la compétition locale. « Je suis évidemment doublement heureux. Mon fils a déjà quasiment tout gagné ! confiait avec fierté Philippe Guerdat, l'entraîneur des Bleus. Ci-contre à gauche, Bertram Allen finit 3e avec Molly Malone par Kannan, comme le vainqueur. Une superbe confirmation pour l’étalon de Ph. Külli Tedre Michel Hécart.
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s st s s .
Alexandre Ayache
Au creux
Aux Jeux mondiaux de Caen, l’équipe de France de dressage avait dans ses rangs un jeune couple, aux atouts incontestables, apparu à Vidauban en février. Le cavalier, Alexandre Ayache, n’est pas du genre à traîner en chemin. Rencontre avec un personnage tout en contrastes, qui ne laisse pas indifférent. A la fois abrupt, comme les montagnes où il vit, et chaleureux comme le soleil qui y brille. Un cadre surprenant pour préparer leurs chevaux avec sa compagne Grethe. Mais idyllique. 24
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L
a première fois que nous nous souvenons avoir vu Alexandre Ayache (sans rapport avec les casinos du même nom), c’était à Vidauban en 2011. Un couple fautif mais vibrant. Le cheval, LAUTREC (han, LANDCLASSIC) était joli, mais pas tout à fait prêt. Et le cavalier, lui, n’était pas encore vraiment dans le modèle du dressage international. Trois ans plus tard, en 2014, toujours à Vidauban mais désormais avec LIGHTS OF LONDONDERRY, l’évolution était réelle et elle s’est accentuée depuis un an. « Mon rêve est d’aller le plus haut possible, il n’y a pas de pointage idéal. Je souhaite toujours me remettre en question, autant que je le pourrai ». Pour cela, il faut un objectif, la volonté de tout faire pour l’atteindre, du courage pour s’en donner les moyens, et un entourage solide. Le Niçois a tout cela. L’objectif est simple, monter et monter encore, comme il en rêve depuis le berceau, et en vivre. Le reste, le courage et la volonté, les dix années passées à se battre depuis l’installation à Lantosque, joli bourg perché des Alpes Maritimes, l’ont mis à l’épreuve. Rien n’aurait été possible sans un entourage familial et amical solide.
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REPORTAGE
SPORT
de son nid
Alexandre Ayache
A gauche, les paddocks surplombent les écuries et la vallée, tout comme la carrière ci-contre (photos Florence Clot), où Alexandre Ayache et Lights of Londonderry ont préparé les Jeux mondiaux, ci-dessous (Ph. Scoopdyga). En bas, vue plongeante sur le « nid » dans la montagne où humains, chevaux, chiens, chats et oiseaux vivent en bonne intelligence. Ph. F. Clot.
Quel drôle d’endroit pour une écurie ! L’arrivée à La Pirouette, un peu audessus de Lantosque, à environ 600 m d’altitude, se mérite. Une trentaine de kilomètres de route en lacets le long de la Vésubie (affluent du Var) suivie d’un chemin pierreux de 700 m et de seulement 3,50 m de large, avec des à-pics sympathiques d’un côté et les falaises de l’autre ! « C’est simple, se rappelle Alain Francqueville, la première fois que je suis venu, je n’en menais pas large ! » Déjà pas commode pour une voiture, alors pour un camion de six chevaux avec appartement, on n’ose même pas y penser : « Sur la route, c’est du 40 km/h maxi et sur
le chemin, bien moins ! Souvent en rentrant de concours, je me dis que ce n’est pas facile, mais quand je suis ici, je ne regrette pas et je ne partirais pour rien au monde. J’ai besoin de ce calme pour me ressourcer. Je n’aime pas avoir toujours du monde autour de moi ». Il faut reconnaître que le paysage, sauvage, avec un mont à 1 700 m de l’autre côté de la vallée étroite, donne envie de se poser. Presque aussi époustouflant que le marcheur que l’on aperçoit du chemin en arrivant dans ce lieu magique et qui donne l’impression d’être en équilibre au-dessus du vide ! MHM
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Gwendolen Fer
L'atout femme des
Elles étaient deux femmes en or sur le podium du CICO3* de Fontainebleau fin mars, au sein de l’équipe de France. Une première en seniors depuis plusieurs décennies. L’une d’elles, Gwendolen Fer, auteur du meilleur temps du cross avec son crack ROMANTIC LOVE (L’ARC DE TRIOMPHE, old), talonne même le couple champion du monde et olympique Michael Jung/SAM en individuel. Cette 2e place confirme l’ascension depuis un an de cette jeune Toulousaine de vingt-neuf ans, qui s’était déjà fait remarquer dès 2009 pour sa participation au 4* de Pau et surtout en 2011 au CCI4* de Badminton avec LERIA DU TER. 40
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epuis, LERIA est partie à la retraite chez les parents de Gwendolen, à cent mètres de chez elle, au sud de Toulouse, à Saint-Léon, mais d’autres chevaux ont pris la relève avec de beaux espoirs et de réelles chances de succès. Et un objectif pour 2015, les champion-
nats d’Europe. Pourtant rien dans la vie de Gwendolen ne la prédestinait à cette carrière. Des parents et des frères, sportifs certes, mais pas cavaliers. Pas d’atavisme donc, personne du sérail et une scolarité normale : bac S, DUT technique de commercialisation, licence de gestion. « J’ai intégré l’école de management de Grenoble par correspondance. Puis il y a cinq ans, il y a eu la contruction des écuries, et j’ai arrêté. » Volonté, persévérance, une tête bien pleine… « A cinq ans, tous les mercredis j’allais dans un poney-club spécialisé en
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PORTRAIT
CAVALIER
Gwendolen Fer
Bleus
complet. Du coup, j’ai continué dans cette discipline. Puis à treize ans, je suis partie chez Pascal Leroy, installé à une heure de chez moi. Là, il m’a mise à cheval. » Ensuite, tout s’est enchaîné : championnats de France et d’Europe poneys, puis à cheval en Juniors avec DAY NICE et HOTESSE ; stages avec Bruno Bouvier qui la suit à distance (il était installé à Grenoble puis à Pithiviers) à partir de 2006. Et en 2009, Gwendolen décide de s’installer et de faire de sa passion son métier. « Nous avons acheté un bois autour de chez mes parents et on a tout déboisé et terrassé », explique Gwendolen. C’est ainsi que sont nées les Ecuries des Houarn, qui se composent aujourd’hui de quarante boxes (une dalle de béton est déjà posée pour en construire d’autres), deux carrières, un manège, un rond de longe, un rond d’Avrincourt, tapis roulant, marcheurs… De plus, cinq hectares de prés servent de grands paddocks – 140 m de long x 15/20 m de large – desservis par des couloirs pour une meilleure organisation. « Il n’a jamais été question que je déménage pour me rapprocher de Saumur. Je suis trop attachée à mon Sud. Et même si ma carrière prime et que je fais beaucoup de sacrifices pour arriver à haut niveau, mon confort de vie est primordial. Parce qu’il n’y a pas que l’équitation. »
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OÙ SONT LES
FEMMES ?
L’autre écueil qui pourrait lui porter préjudice : être une femme. Le complet français semble quelque peu misogyne, même si des changements se dessinent. « Je m’y attelle activement », assure Michel Asseray, directeur technique national adjoint chargé du complet. « En France c’est vrai que c’est plus difficile d’être une femme, poursuit Gwendolen. Pourquoi les autres équipes étrangères, les Anglaises, les Néerlandaises, les Allemandes en ont-elles dans leurs équipes premières ? Elles ont pourtant les mêmes contraintes que nous. Moi, cela ne m’a jamais découragée, au contraire, c’est ma carotte ! J’ai toujours été très bien acceptée. Tout le monde me connaît depuis que je suis petite, j’ai fait le circuit poneys, Juniors, Jeunes Cav., et je m’entends bien avec tout le monde. Alors, c’est vrai, nous les femmes, on est charriées en permanence, mais c’est bon enfant et je le prends en rigolant. Ma première présélection, je la dois à Laurent Bousquet, pour les championnats d’Europe en 2011 avec LERIA, et je sais maintenant que je serai la prochaine femme en équipe de France. C’est ça qui me fait avancer tous les jours. » Au détriment de la vie personnelle ? « Oui, répond la Toulousaine, mais je n’ai que vingt-neuf ans. Je suis célibataire et les
Ci-dessus, Romantic Love, 2e du CICO 3* de Fontainebleau, est né chez Lydia Gallone dans les Bouches du Rhône. Remarqué à deux ans par Gwendolen, il a pu donc profiter jusqu'à ses trois ans du foin de Crau. Ph. O. Ennochi A gauche, Traumprinz, « prince charmant » en allemand, porte bien son nom. Trakehner racé, élégant, avec un bon coup de saut. Gwendolen compte sur lui dans le futur. Ph. G. Grégoire
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