HORS SÉRIE SÉSAME - MAI 2011 - N° 18 - 2 EUROS
MAGAZINE ANNEE SPECIALE ET LICENCE EN JOURNALISME - ÉCOLE PUBLIQUE DE JOURNALISME DE TOURS/IUT
TOURS
ISSN 0291-4506
CIEL ! MON ADO GROUPE
DOSSIER
ADDICTIONS
C’EST ENSEMBLE QU’ILS TROUVENT LEURS REPÈRES /p.7
LE DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT MET À MAL LE RÉSEAU D’AIDE AUX JEUNES /p.25
ALCOOL, DROGUE ET JEUX VIDÉO, ILS TESTENT LEURS LIMITES /p.14
RÉVÉLATEUR D’IDENTITÉ(S)
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LA SANTÉ AU RABAIS
JEUNES À L’EXCÈS
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HORS SÉRIE SÉSAME - MAI 2011 - N°18 - 2 EUROS
MAGAZINE ANNEE SPECIALE ET LICENCE EN JOURNALISME - ÉCOLE PUBLIQUE DE JOURNALISME DE TOURS
TOURS
NOS ADOS ADORÉS LA PUBERTÉ NOUS FAIT CHIER
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LA PUBERTÉ NOUS FAIT CHIER
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LA PUBERTÉ NOUS FAIT CHIER
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HORS SÉRIE SÉSAME - MAI 2011 - N°18 - 2 EUROS
MAGAZINE ANNEE SPECIALE ET LICENCE EN JOURNALISME - ÉCOLE PUBLIQUE DE JOURNALISME DE TOURS
TOURS
CIEL ! MON ADO GROUPE
DOSSIER
ADDICTIONS
C’EST ENSEMBLE QU’ILS TROUVENT LEURS REPÈRES /p.32
LE DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT MET À MAL LE RÉSEAU D’AIDE AUX JEUNES /p.32
ALCOOL DROGUE ET JEUX VIDÉO : ILS TESTENT LEURS LIMITES /p.32
RÉVÉLATEUR D’IDENTITÉ(S)
LA SANTÉ AU RABAIS
JEUNES À L’EXCÈS
HORS SÉRIE SÉSAME - MAI 2011 - N°18 - 2 EUROS
MAGAZINE ANNEE SPECIALE ET LICENCE EN JOURNALISME - ÉCOLE PUBLIQUE DE JOURNALISME DE TOURS
TOURS
CIEL ! MON ADO GROUPE
DOSSIER
ADDICTIONS
C’EST ENSEMBLE QU’ILS TROUVENT LEURS REPÈRES /p.32
LE DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT MET À MAL LE RÉSEAU D’AIDE AUX JEUNES /p.32
ALCOOL DROGUE ET JEUX VIDÉO : ILS TESTENT LEURS LIMITES /p.32
RÉVÉLATEUR D’IDENTITÉ(S)
LA SANTÉ AU RABAIS
JEUNES À L’EXCÈS
l’adolescence, ne m’en parlez pas !
Avez-vous remarqué ? Dans l’actualité, les jeunes remplissent régulièrement les pages « faits divers ». Ou font l’objet de rapports affolants, accusés d’être de plus en plus violents. Vont-ils plus mal qu’avant ? Ces discours vous alarment : « Nos enfants ont-ils perdu le sens des limites, le respect des autres ? » Horrifiés, vous remettez en cause votre autorité. « S’agit-il d’un laisser-aller de notre part ? Serions-nous dépassés par les événements ? » La peur d’être de mauvais parents vous envahit alors. Halte aux généralisations et aux idées reçues ! Les ados ne sont pas si terribles que ça. On devrait même les plaindre, les pauvres, les exigences sont encore pires qu’auparavant. Entre le besoin de plaire, le regard des autres, les cours, les demandes des parents, les transformations physiques, les copains, les sorties, le sport, Facebook, l’Ipod et l’Iphone, ça fait beaucoup !
édito_05/2011
y en n’avait pas qu’une
Vous aussi êtes passés par là, rappelez-vous. Chamboulés par vos hormones, vous avez passé vos années collège, tantôt grincheux, tantôt joyeux, à camoufler vos boutons, à faire le mur ou à vous rebeller contre votre famille et la Terre entière. Ca y est ! Je perçois cette lueur dans vos yeux, les souvenirs remontent. Je vous sens déjà plus indulgents, car vous aussi avez été un de ces ados réfractaires à toute forme d’autorité. Pourtant, vous êtes devenus des adultes sages, des parents responsables. Donc, rassurez-vous, votre enfant a toutes les chances de devenir comme vous. Laissezlui le loisir de vous prouver qu’il a de l’ambition et des objectifs, même s’il s’agit d’être le premier dans un concours de jeux vidéo ou de jonglage. Et soyez à son écoute, car un ado reste avant tout un être qui a besoin d’échanger. Sihem Boultif pour La rédaction
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En couverture
« à l’adolescence, il faut faire des choix » [4-5]
Merci à Paul et à quentin pour leur participation aux différentes séances photo.
Enfance et puberté [6]
Lieu : Tours – Pont de fil Date : 06/04/2011
Photo : Romain De Oliveira
Alain Braconnier, psychiatre et psychanalyste, donne les clefs pour comprendre cette période de la vie. De nos jours, filles et garçons sont pubères de plus en plus tôt. Si le phénomène n’est pas grave, ils ne sont pas encore prêts à l’affronter.
L’affirmation de soi [7-11]
sommaire
Virginie Pascase
Le jeune a besoin de se raccrocher à des repères. Il les trouve notamment dans son groupe d’ami(e)s, dans le sport... Et pour certains, leur double culture participe à la construction de leur identité.
Tour du monde en quelques maux [12-13]
Obésité, travail forcé, interdiction de l’avortement… Petit tour d’horizon de ce à quoi sont confrontés les ados sur la planète.
Alcool, drogues, jeux vidéos... [14-17]
Pour se trouver, les adolescents ont parfois besoin de se tester jusqu’à mettre leur santé en danger. Cela peut aussi passer, parfois, par une addiction aux écrans.
Renaissance par la musique [18-19]
Amy Noria a traversé une période sombre, jusqu’à tenter de mettre fin à ses jours. Elle s’est réfugiée dans le rock pour oublier son mal-être.
Portfolio [21-24]
Une journée dans un groupe d’ados quand les parents ne sont pas là. Plongée dans leur intimité.
Santé des ados : système D [25-31]
Marion Banchais
Aujourd’hui, les politiques de santé sont revues à la baisse et les subventions distribuées au compte goutte. Un recul qui inquiète les professionnels, comme les infirmières scolaires, dépassées par le surplus de travail. En milieu rural, les services médicaux sont également insuffisants. Aussi, des associations locales tentent de combler les manques et d’informer au mieux les adolescents, notamment en matière de contraception. Car, chaque année, de nombreuses filles se retrouvent confrontées à une grossesse.
Quand la maladie s’en mêle [32-35]
Témoignages de parents qui se battent ou se sont battus pour sortir leurs filles de l’anorexie . Et celui d’Agathe qui lutte contre le cancer.
Premières amours [36-38]
Pénélope Bagieu, Jean-Paul Cluzel, Claude Ponti, Cali et Gilles Perrault racontent.
Histoire [39]
L’adolescence, ça vient d’où?
La santé pratique [40-42] Billet [43]
INNOVA Tours n°18 Hors série Sésame, mai 2011, Année spéciale et Licence de journalisme, école publique de journalisme de Tours/IUT, 29, rue du Pont-volant, 37002 Tours Cedex, Tél. 02 47 36 75 63 ISSN n° 0291-4506 Directrice de la publication Claudine Ducol. Rédactrice en chef Laure Colmant. Coordination David Darrault, Hélène Lafarie, Frédéric Pla. Rédaction Marion Banchais, Julien Bernier, Marie Bertin, Sihem Boultif, Justine Canonne, Margaux Chevalier, Romain De Oliveira, Aurélia Descamps, Appoline Guichet, Vincent Héry, Jessica Ibelaïdene, Gabriel Kenedi, Sabrina Lang, Anne-Laure Le Jan, Vivien Leroux, Aziz Oguz, Virginie Pascase, Adrien Planchon, Marion Poupart, énora Régnier, Marie Tarteret, Clara Vincent, émilie Weynants. Secrétariat de rédaction Sihem Boultif, Justine Canonne, Jessica Ibelaïdene, Gabriel Kenedy, Sabrina Lang, énora Régnier, Marie Tarteret, Clara Vincent, émilie Weynants. Maquette Marion Banchais, Julien Bernier, Marie Bertin, Aurélia Descamps, Aziz Oguz, Virginie Pascase. Iconographie Marion Banchais, Romain De Oliveira. Photo c ouverture Romain De Oliveira. Illustration Alice Méteignier. Publicité Marie Bertin, Aziz Oguz. Imprimeur Alinea 36, Châteauroux. Remerciements Alice Méteignier, les organisateurs de la delirium party, Juan Carlos, organisateur de soirées, Marie-Hélène Lepinette, Caroline Genet, Cécile Gruel, Michelle Rousset, Claude Bravard, Muriel Auradou-Petit, Estelle Desset, Samuel Guérin, Clémence Fontaine, Christophe Tachet, Michaël Charbonnier, Jean-Marc Porte, Céline Metton-Gayon, Cédric Fluckigerv. Et enfin Audrey, Joy, Justine, Kellie, Léa, Lou, Pablo, Quentin, Rémy, Simon, Zoé et leurs parents.
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eNTRETIEN
« à l’adolescence, tout devient possible »
C’est une période de la vie qui semble bien trouble. Associée à l’âge bête ou ingrat, aux crises, mais aussi à l’insouciance et aux premières amours. Qu’en est-il réellement de l’adolescence ? Éléments de réponse avec Alain Braconnier, psychiatre et psychanalyste, spécialiste de l’enfance et l’adolescence.
Alain Braconnier dirige le service de consultation pour adolescents du Centre Philippe-Paumelle-Paris II. Il est l’auteur de L’Adolescence aux mille visages en collaboration avec le sociologue Daniel Marcelli (éditions Odile Jacob, 1998) et du guide de l’adolescence (éditions Odile Jacob, 2001).
Qu’est-ce que l’adolescence ?
A. B . C’est l’étape de transition entre l’enfance et l’âge adulte. Elle correspond au développement physique, psychologique et social de l’enfant. Physiquement, le corps se transforme. Psychologiquement et socialement, le jeune devient indépendant. Quand débute l’adolescence et quand se termine-t-elle ?
A. B . Je la situe entre 10 ans et 25 ans. C’est plutôt large. Je tiens compte des débuts précoces et des fins tardives. Certains jeunes entrent dans l’adolescence vers la fin de l’école primaire et, parfois, des
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étudiants n’en sont pas encore sortis. Aujourd’hui, les jeunes sont plus précoces en matière d’autonomie et de relations sociales. Paradoxalement, pour des raisons de société probablement, l’adolescence se prolonge plus que par le passé. Ainsi, il est plus complexe de savoir quand elle se termine précisément. Il y a plusieurs points de vue mais la majorité des spécialistes pensent que c’est à partir du moment où le sujet entame sa vie d’adulte. C’est-à-dire lorsqu’il commence à s’engager dans la vie professionnelle ou amoureuse et qu’il se sépare du milieu familial.
Les rites de passage existent dans beaucoup de sociétés. Qu’en est-il en Occident ?
A. B . Avant, il y avait le service militaire. Aujourd’hui, pour moi, le seul rite de passage qui reste dans notre société est le permis de conduire. Le terme en lui-même veut tout dire. C’est l’autorisation de se conduire soi-même et de conduire quelqu’un. C’est un vrai rite de passage car il y a les essais, l’épreuve et les erreurs. On peut également se demander si la multiplication des conduites à risque, comme la prise d’alcool à répétition, n’est pas le résultat de la disparition de ces rites
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entretien car, comme les conduites à risque, ils nécessitent la mise en danger. Quel rôle joue le groupe dans la construction psychologique de l’adolescent ?
A. B . Constitué de pairs, c’est grâce à lui qu’un adolescent va pouvoir s’identifier. Pour adhérer à ce groupe, il va adopter un look bien particulier et tenter de prendre son autonomie vis-à-vis de ses parents. C’est en effet la caractéristique principale de cet âge : la dynamique autonomie/dépendance. Au fond, un enfant est dépendant de ses parents : il fait ce qu’ils lui demandent. Un adolescent, lui, va davantage rendre conflictuelles ces relations.
Quel doit être le rôle des parents durant cette période ?
A. B . Ils doivent se rendre compte qu’il est nécéssaire de ne plus considérer leur adolescent comme un enfant. Mais, en même temps, ils doivent veiller à ce qu’il ne se mette pas en danger. D’ailleurs, il arrive souvent que les parents aient du mal à le voir grandir.
Les conduites à risque font partie de l’adolescence et n’ont rien de pathologique
Est-ce que l’on peut encore parler aujourd’hui de crise d’adolescence ?
Comment un parent peut-il voir que son adolescent va mal ?
À l’adolescence, pour la première fois, tout devient possible. Le corps change, on acquiert une relative autonomie et, intellectuellement, on est au maximum de ses possibilités. Mais quand tout devient possible, il faut faire des choix, qui sont souvent source de tiraillements : travailler ou s’amuser, faire plaisir à ses parents ou à ses amis, vouloir des relations sexuelles, tout en en ayant peur. Il est vrai qu’il y a des moments de colère, de pleurs, de risques ou de passions. Il faut prendre en compte la variabilité des émotions car un adolescent n’est pas constamment en crise.
tous les jours, de ne plus aller à l’école et d’avoir des réactions violentes. De même, un adolescent qui fait une première tentative de suicide, ce n’est pas forcément grave, même si c’est très effrayant. Par ce geste, le jeune tire la sonnette d’alarme pour attirer l’attention de ses parents. Tous les adolescents passent par des périodes plus ou moins sombres. En somme, il faut avoir conscience que les conduites à risque font partie de l’adolescence et qu’elles n’ont rien de pathologique. Ce qui est étrange, voire anormal, ce sont les adolescents qui n’en ont aucune justement.
A. B . L’association des différentes manifestations de mal-être, leur intensité et leur durée sont caractéristiques d’un adolescent qui va mal. C’est une chose de fumer un joint, c’en est une autre d’en fumer
A. B . Pour moi, c’est de tomber amoureux. Aujourd’hui, les garçons craignent toujours les filles et inversement. Un adolescent qui va bien, c’est un jeune qui a pu tomber amoureux, vivre une déception et s’en remettre. Au fond, quand on touche aux sentiments amoureux, c’est toujours très compliqué. À l’heure actuelle, l’état se désengage de l’élaboration d’une politique de santé à l’égard des adolescents. Devrait-elle être relancée ? Si oui, quels devraient en être les acteurs ?
A. B . Un adolescent n’a pas moins d’importance qu’un nourrisson. L’étape de l’adolescence n’a pas de raison d’être moins étudiée qu’une autre. Beaucoup d’enjeux surgissent durant cette période et la prévention est, à mes yeux, essentielle. Il faut agir là où les adolescents se trouvent, notamment à l’école. Il est impératif,
Photos : Romain De Oliveira
A. B . Bien sûr, mais c’est un terme à manier avec précaution. Le psychanalyste Donald Winnicott disait : « Grandir est un acte agressif .» L’autonomie ne se donne pas, elle se conquiert.
Quel est, selon vous, le problème majeur qu’un adolescent doit affronter ?
aujourd’hui, de développer la médecine scolaire. Les infirmiers sont très souvent les premiers interlocuteurs. Les enseignants, quant à eux, ne sont pas bien formés sur le sujet. Ce sont pourtant des référents vers lesquels l’adolescent se tourne aisément. Il faut également agir dans les structures de médiation ou de loisirs. Les éducateurs devraient aussi être formés. Une politique générale de formation sur la santé des adolescents, à l’égard des professionnels comme des autres, est vraiment nécessaire. RECUEILLI PAR Romain de oliveira et clara vincent
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Illustration Alice Méteignier
prologue
puberté précoce C’est grave, docteur ? Avec l’amélioration des conditions de vie, les enfants sont pubères de plus en plus tôt. Mais, lorsqu’elle débute avant 8 ans, la puberté devient précoce. Les signes sont plus visibles chez les filles. Si les conséquences physiques n’ont pas encore été déterminées, l’impact psychologique est bien réel. Exclusion, repli sur soi : les fillettes ne sont pas encore préparées à voir leur corps se transformer.
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n un siècle, à l’échelle mondiale, l’âge de la puberté aurait baissé de deux à quatre ans selon les scientifiques. Une étude américaine, publiée en août 2010 dans la revue Pediatrics, révèle que 20 % des Américaines seraient pubères avant 8 ans et donc touchées par ce que l’on définit comme la puberté précoce. Certaines fillettes auraient même de la poitrine, des poils pubiens et leurs premières règles vers 6 ans, voire plus tôt. En France, 2,5 % des enfants sont touchés par cette précocité*. Autant les garçons que les filles, même si les signes physiques sont moins visibles chez les garçons. D’ailleurs, sur Internet, les forums abondent de messages inquiets de parents de fillettes : « Ma fille a 8 ans, elle mesure 1,42 mètre, pèse 32 kilos et a déjà une petite poitrine. Dois-je m’inquiéter ? » peut-on lire sur un site web sur la santé. Le docteur Bernard Jégou, biologiste et toxicologue de la reproduction, relativise : « Les premières règles
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arrivent de plus en plus tôt, mais cela est dû à l’amélioration des soins de santé et de l’hygiène de vie. Hormis les cas extrêmes de très forte précocité, rien ne sert de s’affoler. » Les conséquences de telles perturbations biologiques chez l’enfant préoccupent cependant les scientifiques : « À long terme, il existe des risques accrus de développement des cancers du sein ou de l’utérus », prévient le Dr Jégou. Alain Braconnier, psychiatre et psychanalyste, s’inquiète, lui, de l’impact psychologique. Car puberté et adolescence sont censées être des étapes complémentaires : « Ce n’est pas un hasard si tout se passe en Le Chiffre même temps, explique le praticien. Lorsque l’un c’est le pourcentage des éléments d’enfants, garçons débute plus et filles, touchés tôt que par la puberté précoce en france. l’autre, il y a
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des perturbations. Sur le plan psychologique, une enfant n’a pas encore les moyens de faire face à ces changements pubertaires très lourds. Gérer un corps d’adulte n’est pas évident pour une fillette. Il lui faut aussi affronter le regard de ses petits camarades de classe. » Pour l’instant, les causes de cette précocité restent relativement méconnues. L’obésité infantile est pointée du doigt par certains scientifiques. Tout comme les composés chimiques présents dans notre nourriture ou dans notre milieu, qui seraient responsables de dérèglements de la croissance ou de la fertilité. Les emballages plastiques contenant des phtalates et du bisphénol A sont également mis en cause dans le déclenchement des mécanismes de la puberté. Mais ces thèses restent à démontrer.
Romain De Oliveira et Clara Vincent
(*) D’après le Dr Régis Coutant, pédiatre, dans l’ouvrage collectif Dictionnaire de l’adolescence et de la jeunesse dirigé par David Breton et Daniel Marcelli.
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Virginie Pascase
Reportage Identité
Même âge, même milieu social Et même sexe : avant 15 ans, les groupes mixtes sont assez rares.
Le groupe fait l’ado S La bande de copains peut sembler sans intérêt : traîner, faire des « conneries », bavarder. En réalité, elle est indispensable pour construire leur identité. N’en déplaise aux parents.
i l’adolescent est un être singulier, il vit au pluriel », écrit Michel Fize, sociologue, spécialiste de cette étape de la vie. À la différence de « l’enfant [qui] a d’abord une vie scolaire et familiale, l’adolescent a une vie personnelle »1 qui tourne largement autour du groupe. Ce dernier est choisi et offre un contrepoids à la famille. Omniprésent, il aide le jeune
à se construire, à devenir lui. « Pour y arriver, la première condition est de ne pas être défini comme “fils ou fille de” »2. C’est pour échapper à cette filiation que l’enfant prend ses distances avec le monde adulte. Si ses parents le laissaient faire, l’ado serait sans cesse avec ses copains. Que ce soit pour traîner, discuter ou faire du sport, l’important est d’être ensemble. Les amis supplantent
même les parents pour certaines activités : le shopping ou le cinéma par exemple. De plus, le groupe s’immisce dans le foyer familial grâce aux nouvelles technologies : téléphones portables et ordinateurs permettent de poursuivre les échanges après les cours, dans un langage que les adultes ne peuvent pas comprendre. De la même manière, à la question « Qu’est-ce
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que tu as fait aujourd’hui ? » l’adolescent répondra différemment à ses parents et à ses amis. « Avec le groupe, on peut parler de tout », lance Louise, 17 ans. Luc, 16 ans, ajoute : « Le fait que je clope, les soucis au lycée, les problèmes de drogue des amis, je ne vais pas le dire aux parents. » Avec le groupe, le jeune cultive son « moi intime », explique le sociologue François de Singly. Il est celui du développement personnel, contrairement à son autre moi, scolaire et familial. Son bien-être repose sur l’équilibre entre les deux.
Découvrir l’autre sexe
Une bande, formée au minimum de deux jeunes, réunit des copains de collège, du voisinage… Il y a bien entendu le ou la meilleur(e) ami(e) et les autres. Du même âge, du même milieu social et du même sexe au départ. Jusqu’à l’âge de 15 ans, les filles sont entre elles et les garçons aussi. Le mélange des genres intervient assez tard. Luc, qui appartient à un groupe mixte dans son lycée, explique qu’il ne comprenait pas pourquoi, au collège, les filles restaient à l’écart. Son copain Patrick, lui, trouve que la conversation avec ses amis tourne toujours autour de la même chose : « Avec les filles, c’est plus intéressant. » Le groupe aide à découvrir l’autre sexe. C’est aussi le temps des émois amoureux et des premières fois. Malgré tout, il ne favorise pas les tentatives. Les chats ou les blogs permettent alors de draguer, d’apprendre la séduction sans assumer le risque de la vie réelle. Un « râteau virtuel » est plus facile à supporter car il échappe au regard des amis. Une fois la phase expérimentale passée et la relation débutée, il faut gérer les liens entre l’amoureux(se) et la bande. Il est alors possible d’assimiler le couple à un groupe dans le groupe. Si le ou la petit(e) ami(e) n’en fait pas partie, l’intégration peut être délicate. Patrick reconnaît que sa copine n’y entrera qu’en fonction des affinités avec les autres membres. Louise, elle, ne mélange pas : « Mon
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copain, c’est une histoire à part. Je n’envisage pas de l’emmener dans mes sorties avec mes amies… » Certains sociologues considèrent qu’une relation amoureuse durable sonne la fin du groupe, du moins sous sa forme exclusive. Être jeune, c’est aussi adopter une attitude, des codes et des goûts communs. « Qui se ressemble s’assemble », reconnaît dans un sourire Nicolas, vêtu d’un sweat à capuche, d’un baggy et de chaussures de skate-board. Le cartable de CM2 est mis au placard à l’entrée en sixième au profit du sac à dos. On respecte les codes de peur de passer pour un « bouffon », de se « taper la honte » et de supporter les moqueries. Mais on s’en détache avec l’âge. Reste que le groupe peut exercer une « ascendance tyrannique »3 sur ses membres, notamment en ce qui concerne les marques vestimentaires. Instituées comme un signe de prestige et de valorisation de l’image de soi, elles deviennent omniprésentes. Une enquête, menée en 2004 par l’Union des familles d’Europe, observe que
Julien Bernier
Identité
Leçon de vocabulaire « Je kiff c’te meuf mais vlà comment elle parle trop chelou. » Traduction : J’apprécie cette fille mais elle s’exprime bizarrement. Cette caricature illustre bien le fait que l’ adolescent possède un vocabulaire particulier. Il utilise des codes internes au groupe pour marquer sa différence et mettre une distance avec le monde adulte. Ainsi, avec ses parents, il utilise un autre langage. Certains linguistes parlent de diglossie, c’està-dire l’utilisation de deux langages à usage different. Par exemple, il utilisera « mon père » à l’école et « mon daron » avec ses copains. Il existe plusieurs procédés de construction de mots dont le verlan qui consiste à inverser l’ordre des syllabes (zarbi pour bizarre), les mots tronqués (le blème pour le problème), les métaphores (cette fille est une bombe), les emprunts à une langue étrangère (liker pour aimer). Les acronymes, pour une communication raccourcie et rapide, sont appréciés : « mdr » pour mort de rire. Et parfois, plusieurs procédés fusionnent. Acronymes et langues étrangères : « lol » (laughing out loud) pour traduire le rire, « omg » (oh my god) pour la surprise. enfin, le « parler jeune », propre à une génération, s’est accentué avec l’utilisation intensive des textos. mais les adolescents savent en général s’en défaire à l’âge adulte. Pour aller plus loin : Dictionnaire de l’informatique et de l’internet : http://www.dicofr.com/ L’argot des banlieues : http://www.dictionnairedelazone.fr/ Lexik des cités illustré, collectif Permis de vivre la ville, éd. Fleuve noir
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Identité
le groupe n’a pas la cote auprès des parents Mais, pour les jeunes, « se retrouver au skatepark, c’est comme une deuxième maison».
96 % des garçons et 76 % des filles interrogés, de 11 à 14 ans, veulent des chaussures de marque. Même si cela peut être un phénomène passager, c’est un problème pour les parents, surtout pour leur porte-monnaie. D’autant qu’à cet âge, les jeunes sont en pleine croissance et doivent régulièrement en changer. La culture jeune fournit les modèles que l’on recherche à l’adolescence. Les séries télé comme Skins ou les groupes comme Black Eyed Peas font le buzz et leurs posters tapissent les murs des chambres des adolescents. Ces repères sont d’autant plus importants que les étapes structurantes de la jeunesse imposées par la société, comme la communion ou le service militaire, ont disparu. Religion, politique et morale ne participent plus à la construction de l’identité de la majorité des adolescents. Pour autant, chaque bande est un lieu de rapport de force plutôt démocratique. Un leadership s’instaure autour de celui qui s’exprime le mieux, du plus fort
physiquement ou du plus charismatique. Le clan sert avant tout à « se rassurer, se protéger et riposter aux agressions du monde adulte, explique Michel Fize. L’influence peut être positive ou négative, selon la nature du groupe. Lorsqu’il est ludique, il peut aboutir à la création d’un projet collectif comme la mise en scène d’une pièce
«le groupe, lorsqu’il est ludique, peut aboutir à la création d’un projet collectif, comme une pièce de théâtre» de théâtre. S’il est criminel, ce sera autre chose ». Les parents, comme la société, voient le phénomène de groupe d’un œil inquiet. Synonyme de mauvaise influence et de propension aux bêtises, il n’a pas la cote auprès d’eux. La crainte des
copains peut se justifier. En effet, les statistiques des accidents de voiture montrent que les jeunes conduisent bien quand ils sont seuls. Les accidents surviennent lorsqu’ils sont en groupe. Mais pour l’adolescent, la bande, c’est avant tout la liberté, l’amusement. « Le groupe, c’est aussi pour faire des conneries. Bien sûr, il y a l’entraînement des copains, mais si ça ne m’amuse pas, je m’abstiens », explique Lucas. Quelles que soient ses imperfections, la bande de potes a toujours participé à l’équilibre de l’adolescent. Les parents n’ont d’autre choix que de l’accepter. Elle est une entité en soi. Forte et prégnante, elle impose ses règles. Tout en fournissant au jeune les éléments de son identité.
Julien Bernier et Virginie Pascase
(1) Les Bandes, Michel Fize, éditions Desclée de Brouwer, 353 pages. (2) François de Singly, intervention au lycée Tregey (33) sur la quête de l’identité. (3) Cultures lycéennes, la tyrannie de la majorité, ouvrage collectif dirigé par Dominique Pasquier, coll. Mutations aux éditions Autrement, 180 pages.
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Marion Poupart
Identité
Plus d’un million de collégiens et lycéens pratiquent une activité sportive dans le cadre de l’Union nationale du sport scolaire.
Un pour tous, tous pour le sport Construire son identité et s’ouvrir aux autres fait partie des apprentissages que réserve l’adolescence. Le sport contribue à cet épanouissement qu’il soit pratiqué seul, en groupe ou dans le cadre scolaire.
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ercredi 16 mars 2011, 12 h 15. Devant le collège AnatoleFrance de Tours, une bande de copains inséparables s’engouffrent dans un bus scolaire : Marilys, Mathilde, Anouk, Nathan, Luc, Alexandre et Martin ont 13 ou 14 ans. Tous les mercredis, ils se retrouvent pour faire du sport dans le cadre de l’UNSS (Union nationale du Sport scolaire). Ce sont des habitués : « On a la même équipe depuis la sixième, on se connaît bien, on aime se retrouver », souligne Luc. Et c’est en partie ce qui les pousse à venir. Aujourd’hui, direction le gymnase Grandmont, au sud de la ville. Ils s’apprêtent à disputer la première phase des championnats départementaux de badminton. Marylis attend ce moment avec impatience : « Cela fait plusieurs semaines que nous nous entraînons. L’année dernière, on a failli aller aux championnats de France.
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Aujourd’hui, on sait qu’on a nos chances . » Ils s’entraident, se conseillent et gèrent eux-mêmes leur équipe. Ces élèves doivent se serrer les coudes car les classements sont faits par collège. La réussite individuelle ne suffit pas. Mathilde remporte son premier match. Au milieu du terrain, les membres de l’équipe savourent. Cette victoire est aussi la leur. On se tape dans les mains. On se prend dans les bras. Pourtant, ce n’était pas fait. Mais Mathilde, mise en difficulté, a pu compter sur ses coéquipiers pour l’encourager.
Gagner importe peu…
Quant à Martin, il a perdu un match important. Ses camarades étaient là pour le consoler. Car, de toute façon, gagner n’est pas leur unique objectif. « En début d’année, nous avons fait du rugby. Nous étions nuls mais ce n’était pas grave. Nous nous sommes bien amusés », se rappelle Marilys.Le sport fait partie intégrante de leur vie. Tous en pratiquent en club. « Je joue au tennis et j’ai un bon niveau régional, explique Nathan. Jusqu’à l’année dernière, je faisais 110 matchs par an. Ça me prenait
beaucoup trop de temps. Donc j’ai préféré ralentir le rythme. À l’école, c’est plus ludique et je me dépense tout autant. »
…perdre non plus
Marilys, elle, est licenciée dans un club de badminton : « J’ai besoin de faire beaucoup de sport. Je préfère en faire plus que pas assez. » Et Luc de renchérir : « Je ne pourrais pas m’en passer, même si je pratique d’autres activités. » Pascal Robichon, le professeur d’EPS qui les suit lors des compétitions, sait que ces adolescents sont particulièrement actifs et accumulent les loisirs. « Ce sont des jeunes équilibrés et brillants. Ils n’ont pas forcément l’habitude de perdre. Le sport leur permet de se confronter à la difficulté. » À Anatole-France, près de 25 % des élèves sont licenciés UNSS. Fin du match. Luc et ses camarades ont obtenu leur qualification pour le tour suivant, prévu quinze jours plus tard. Sur le chemin du retour, ils n’ont qu’une chose en tête : la suite de la compétition.
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Identité
D’ici et d’ailleurs
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e ne me sens pas Française, je suis Turque. » Ayten, 17 ans, est catégorique. La jolie brune, grand sourire et yeux en amandes, porte en pendentif le croissant de lune et l’étoile, symboles présents sur le drapeau turc. Dans son lycée, l’adolescente, de nationalité française, s’est rapprochée des « Tunisiens », des « Algériens » et des « Portugais », comme elle les appelle. Des amis qu’elle considère comme « étrangers », tout comme elle, et avec lesquels elle se sent mieux. « Il existe une convivialité entre nous, on a des valeurs communes. On se paye des goûters, des bonbons et on partage. » Pour elle, la séparation est claire depuis qu’elle s’est sentie rejetée par ses camarades de classe : « En troisième, je n’étais qu’avec des Français qui m’ignoraient. Je passais mes récréations toute seule. » Yasmina a 19 ans. Née d’une mère française et d’un père marocain, elle rejette en bloc la culture paternelle. Son père a voulu lui imposer un modèle d’éducation religieuse qu’elle n’a pas supporté. La jeune femme a préféré se raccrocher à la seule identité française. « J’avais honte de mes origines. J’ai même voulu changer de nom pour prendre celui de ma mère. » Aujourd’hui, cet épisode est derrière elle. Il faut apprendre à jongler avec les différences et en tirer parti : « Je suis à la fois turc et français, estime Harun, 17 ans qui ne dissocie pas ses deux identités. Pour le bac, j’ai choisi le turc en première langue. Je le parle depuis tout petit, c’est une richesse. » Comme lui, les jeunes issus d’une double culture vivent la mixité et ses
Aziz Oguz
Ils sont de nationalité française mais viennent d’ailleurs. Une double culture assumée, rejetée ou revendiquée. Quoi qu’il en soit , ils ont dû grandir avec, coupés en deux ou deux fois plus forts.
Française d’origine turque, ayten ne sait pas vraiment où est sa place.
conséquences au quotidien. Leurs parents, souvent déracinés, tiennent particulièrement à la réussite sociale et professionnelle de leurs enfants. Harun confirme : « Mes parents m’ont fait comprendre l’importance des études. Je sais que mes origines peuvent être une difficulté, mais cela ne sert à rien de se mettre soi-même des bâtons dans les roues. Je peux aussi bien finir au chômage que devenir Premier ministre. » Ayten est d’accord : « On a un but à l’école. On vient pour avoir le bac, pour se construire un avenir. »
La parole à l’expert Pour le sociologue Guy Rocher, « la culture peut être assimilée à un moule qui s’impose à la personnalité. Il n’est pas rigide. Mais il y a toujours des limites : les franchir, c’est devenir marginal à la société dont on est membre ou passer à une autre. »
Les adolescents ont tout de même conscience que cette autre culture peut nourrir des discriminations. Par exemple, des chefs d’entreprise ont conseillé à Yasmina d’utiliser le nom de famille de sa mère sur ses CV, ce qu’elle fait désormais. « Même si, aujourd’hui, je trouve cela horrible », regrette-t-elle.
« Les gens qui immigrent en France viennent de partout, souligne Ayten. La société française n’exploite pas assez cette diversité. Au contraire, elle essaye d’élaguer les différences. » Quand elle va en ville ou suit ses cours de turc, elle porte le voile. Au lycée, elle l’enlève. « Je n’ai pas envie d’attirer l’attention. J’ai déjà une différence, je ne vais pas en ajouter une deuxième », se justifie-t-elle. Jean-Michel a une mère dominicaine et un père français. Il est arrivé en France à l’âge de 14 ans : « Ici, il n’y a aucun a priori sur les Dominicains. » Pourtant, au début, il n’avait qu’une envie : retourner sur l’île. Aujourd’hui, il n’envisage pas un retour au pays. De là-bas, il n’a gardé que quelques habitudes alimentaires, comme consommer sa viande très cuite. Sa principale difficulté : l’apprentissage du français. Ses premières expériences d’adulte, il les a connu en France. C’est pour cela qu’il est attaché à cette culture. Avec son léger accent qui chante, il ajoute que son homosexualité ne serait pas acceptée en République dominicaine : « Dans un pays aussi machiste, il aurait fallu que je me renie pour travailler. » Farid, dans la classe d’Ayten, se sent Français, ou presque. Ses parents sont Algériens. Il a l’impression d’être « coincé entre deux pays. » Comme s’il n’en avait pas.
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International
Photos : Vincent Hery, Gabriel Kenedi, DR.
comment va la planète jeunE
Zachary Rieger, 20 ans, étudiant en lettres
« Les ados sont enclins au coup de blues »
Au Canada, entre 18 % et 22 % des jeunes souffrent de problèmes de santé mentale. Parmi eux, les adolescents des grandes agglomérations sont très enclins au coup de blues et à la déprime. « Ce phénomène est lié au fort taux de divorce », assure Zachary. En 2005, celui-ci avoisine les 40 %, selon Statistics Canada.
En 2009, on comptait 1,2 milliard d’adolescents de 10 à 19 ans sur Terre. Ils représentaient 18 % de la population mondiale. Deux fois plus qu’en 1950. Un rapport de l’Unicef de février 2011 sur la situation des enfants dans le monde note qu’ils sont en meilleure santé que Megan Fiel, 23 ans, assistante Canada ceux des générations de langue en Picardie précédentes. Et pour « La pauvreté cause : l’attention favorise l’obésité » Etats-Unis dont ils font l’objet Aux États-Unis, 9 millions d’ados s’est accrue et les sont obèses. « Des études ont lié soins leur sont plus pauvreté et obésité, indique Megan, accessibles. Des qui a effectué un stage dans une clinique pour familles défavorisées bénéfices sur la santé au Nouveau-Mexique. J’y ai donné que l’on retrouve à des cours de nutrition et d’activité l’adolescence. Mais physique afin que ces familles apprennent à vivre plus sainement. » pour l’ado reste de nombreux dangers : accidents, violence, Sida, comportements à risque, grossesses précoces. Et l’obésité, que Renato Mattar, 24 ans, l’Organisation mondiale étudiant en relations internationales de la santé vient de « Des jeunes de plus en déclarer épidémie mondiale. plus gros » Les étudiants et les jeunes travailleurs étrangers, interrogés ici, vivent en France « Au Brésil, beaucoup d’ados se laissent aller. Ils ne bougent pas, mangent mal et sont de ou dans leur pays d’origine. Ils plus en plus gros. Le gouvernement construit évoquent l’état de santé des des infrastructures sportives en vue de la adolescents de leur pays. Ce ne sont coupe du Monde de football de 2014 et des jeux Olympiques de 2016. Il espère ainsi pousser pas des spécialistes, mais ils ont les jeunes à faire plus de sport. » répondu avec toute leur spontanéité.
Brésil
Vincent Héry et Gabriel Kenedi
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International Louise Finlaygon, 21 ans, étudiante en langues
« Les ados mangent mal » En Écosse, la mauvaise alimentation est la principale cause de l’obésité. « Un programme a été mis en place dans les cantines des écoles, indique Louise. Légumes et fruits ont fait leur retour dans les assiettes. Mais la majorité des ados préfère manger en dehors de l’établissement. Boissons sucrées, hamburgers et frites ont bien plus la cote. »
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Pawel Sobik, 23 ans, étudiant en histoire
« L’avortement est interdit » « En 1993, une loi très controversée interdisant l’avortement a été votée. Depuis, les adolescentes polonaises sont obligées d’aller avorter à l’étranger. Mais, même autorisé, il poserait toujours problème. Si l’intervention s’oppose aux croyances du médecin, il pourrait la refuser. »
Arzugul Rozieva, 22 ans, traductrice au Kazaksthan
« Pas de sexe avant le mariage ! »
Ecosse Rép. Tchèque
Pologne Ouzbékistan Inde
Alors que 11 % des adolescents dans le monde affirment avoir eu des relations sexuelles avant 15 ans, en Ouzbékistan, beaucoup de personnes sont encore vierges à 24 ans. « Ici, on attend d’être marié. C’est un pays très traditionnel. L’islam est omniprésent au quotidien. Le sexe à l’adolescence n’est pas possible », explique Arzugul.
Brésil
Faiz Ahmed, 24 ans, étudiant en urbanisme
Petra Prouzovà, 21 ans, étudiante en géographie
« L’alcool, pour oublier »
« Les adolescents tchèques consomment beaucoup d’alcool. Ils commencent à la bière puis passent très vite aux alcools forts. Je trouve ça un peu triste. Il faut dire que l’alcool ne coûte pas cher Et les magasins ne contrôlent jamais l’âge des acheteurs. »
« Les jeunes sont exploités au travail »
Avec 60 millions d’enfants travailleurs dans le pays, l’Inde détient un triste record mondial. « Beaucoup doivent travailler dès l’âge de 8 ans. ils se font exploiter. Pourtant, l’école est en théorie obligatoire jusqu’à 10 ans », précise Faiz.
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Quand il n’y a plus de limites Photos : Julien Bernier
Alcool, drogue, jeux vidéo. L’adolescence est une période de construction de soi durant laquelle les jeunes sont en quête de sensations inédites. Si, dans la majorité des cas, ces conduites restent expérimentales, il existe un risque de tomber dans l’addiction lorsque certaines limites sont franchies. Une partie des adolescents trouveraient du réconfort en s’enfermant dans le monde virtuel des jeux vidéo, d’autres choisiraient plutôt les soirées où alcool et drogues circulent librement.
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Conduites addictives
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ini-short, bas résilles et talons hauts, Léa*, 17 ans, s’avance sur le pont d’une péniche amarrée en bord de Seine, au cœur de Paris. Dans sa main droite, une bouteille de vodka, dans l’autre, un petit flacon : du « poppers », une substance consommée pour son effet désinhibant et euphorisant. Des « teufs » comme celle-là, Léa en a déjà fait. Pour elle, c’est une « skins party » parmi tant d’autres. Une soirée sans limites et sans tabous, inspirée de la série télévisée britannique Skins qui met en scène les tourments d’un groupe d’adolescents de la banlieue de Bristol. À l’image de leurs héros anglais, certains ados parisiens se rassemblent pour faire la fête lors de soirées où alcool, drogue et sexe sont banalisés. La majorité d’entre eux ont de 17 à 22 ans et sont issus des classes moyennes. « Mes parents ne savent pas que je suis ici, explique Mathilde. Je bois, je fume, je sors avec des garçons. Je m’amuse quoi. » Ce qui se passe sur la péniche reste sur la péniche. Les jeunes n’attendent pas toujours la nuit pour boire. Certains sortent des bouteilles d’alcool de leur sac à dos, dès la sortie du lycée, même en semaine. Direction un parc, une ruelle. N’importe quel coin tranquille peut faire l’affaire. Le but : « se mettre mal », atteindre rapidement l’ivresse en buvant un maximum d’alcool en un minimum de temps. Une conduite qui n’est pas nouvelle. Les Anglosaxons l’appelle le « binge drinking ». Née dans les années 1980 au Royaume-Uni et dans les pays nordiques, le phénomène s’est répandu en France dans les années 2000. En plein après-midi, un collégien de 15 ans arrive aux urgences pédiatriques du centre
hospitalier universitaire (CHU) de Nantes. Ivre mort. Il a ingurgité plus de 1 litre de vodka et son taux d’alcoolémie dépasse les 2 grammes d’alcool par litre de sang. « La scène est fréquente depuis quelques années, déplore le Dr Georges Picherot, responsable du service de pédiatrie du CHU. Au-delà de 1 gramme d’alcool par litre de sang, il s’agit déjà d’hyper alcoolisation. » Trois verres d’alcool fort en moins de deux heures suffisent. Problèmes familiaux, pression scolaire, stress, dépression ou mal-être, les raisons qui poussent à ce type de comportement sont nombreuses. « Cette pratique peut aussi répondre à un besoin d’expérimentation », précise le Dr Picherot. s »Si la consommation excessive d’alcool est plus fréquente chez les garçons, il existe actuellement un phénomène de « rattrapage » chez les filles. à la « skins party », la drogue Les filles, qui apprécient moins les alcools forts, consomment en premier lieu des premix. C’est du rhum, de la vodka ou de la tequila mélangé à de la bière. C’est si fortement concentré en sucre que le goût de l’alcool est masqué. Une boisson concoctée par les alcooliers pour séduire les jeunes. *Tous les prénoms ont été modifiés
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.
les ados, cible marketing des marchands d’alcool « En France, les jeunes de 17 à 18 ans dépensaient de 26 à 42 millions d’euros par mois en alcool », constatait, en 2003, un rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (ofdt). Derrière ces chiffres, des marchands d’alcool qui se frottent les mains. Depuis quinze ans, ils ont fait des adolescents leur cible privilégiée. Leurs techniques marketing sont bien rodées : dès 1996, les « Premix » (voir ci-dessus) ont fait leur apparition dans les rayons des supermarchés, juste à côté des sodas. Six mois après leur lancement, ils étaient connus par plus des trois-quarts des 13-18 ans. Leur teneur en alcool est de 5° à 6°, mais le sucre fait qu’on ne s’en rend pas compte, indique le site web suisse Prévention, fondé par le Dr Jean-Charles Rielle. « Les Filles, qui apprécient moins la bière et les alcools forts, consommeront en premier lieu les premix », explique Christelle Quesney-Ponvert. Autre méthode des alcooliers pour séduire les jeunes, le « fun packaging », décrit par l’économiste Viviane Mahler : « On élabore des emballages attractifs, colorés et fLashy, avec des noms au parfum d’interdit ou porteurs de rêve : Boomerang, Desperado, Voodoo. » Certaines sociétés d’alcool n’hésitent pas à sponsoriser des soirées en distribuant des « goodies » – casquettes, chapeaux, tee-shirts – dans des fêtes étudiantes, des bars et des pubs.
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est en vente libre. Sur le pont de la péniche, une dealeuse se promène avec un portemonnaie de petite fille. À l’intérieur, ecstasy, cocaïne et autres drogues dures. Une jeune fille attablée dans le noir à côté de la piste de danse, dépose un peu de poudre blanche sur sa main avant de l’inhaler. Pourtant, pour les habitués, ce n’est pas une vraie « skins party. » « La plupart du temps ça se déroule en secret, dans un appartement. De l’alcool à volonté, de la drogue, des filles et des matelas avec des capotes dessus », explique Elies, qui se vante d’être un adepte de soirées plus « trash ». Accidents, overdoses, comas éthyliques ou agressions sexuelles sont les risques immédiats. Mais il en existe d’autres, à plus long terme. « Les moins de 15 ans qui consomment régulièrement de l’alcool sont plus susceptibles de devenir dépendants dix ans plus tard », déclare le Dr Picherot. L’apparition de troubles neurophysiologiques est également un risque scientifiquement prouvé : « À l’adolescence, les circuits neurologiques sont en plein développement, observe le praticien. Le “ binge drinking ” engendre des difficultés de mémorisation et des échecs scolaires ». Un constat partagé par les acteurs de la prévention, dont Christelle Quesney-Ponvert, directrice de l’antenne du Loiret de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa). L’an dernier, 11 000 élèves de la région Centre ont participé aux campagnes de sensibilisation de l’association. Une
l’AlcooL PREMIèRE DES ADDICTIONS 65 % des garçons et 59 % des Filles ont déjà consommé de l’alcool à 15 ans Un jeune de 17 ans sur trois fume du tabac tous les jours. 7,3 % sont des fumeurs réguliers de cannabis 3 % des jeunes de 17 ans ont expérimenté la cocaïne ou l’ecstasy
prévention qui se fait uniquement à la demande des établissements, le plus souvent par l’intermédiaire de l’infirmière scolaire. Les soins occupent une grande place dans l’activité de l’Anpaa. Ils sont accessibles à tous, entièrement gratuits et couverts par le secret professionnel, alors que les parents sont nécessairement informés lorsque leur enfant se trouve en état d’alcoolisation au lycée. « Pour certains parents, ce n’est pas une révélation, explique Marielle Joyeux, infirmière scolaire à Tours. D’autres sont dans le déni. L’alcoolisation à l’adolescence est parfois vue comme un passage initiatique, les problèmes d’alcool des jeunes ne sont pas toujours pris au sérieux par les adultes ». Le Dr Picherot est convaincu de la nécessité d’une prise en charge spécifique des jeunes. Il a d’ailleurs créé une unité d’accueil pour adolescents au sein de son service de pédiatrie. Après un coma éthylique, le jeune y est hospitalisé quarante-huit heures, le temps pour le personnel soignant de dresser son bilan médical, social et psychologique et de proposer un suivi approprié. Pauline, présente à la « skins party » parisienne, l’avoue : « Ça m’est déjà arrivé de me mettre très mal et de me retrouver dans un sale état, mais jamais jusqu’au coma éthylique ». Il est près de 5 heures du matin sur la péniche. Cette nuit, aucun incident grave n’est à déplorer.
JUSTINE CANONNE, MARGAUX CHEVALIER et éNORA REGNIER
Julien Bernier
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.
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Romain De Oliveira
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“Contrairement aux idées reçues, la cyberdépendance touche peu les ados” Parallèlement aux dépendances classiques telles que l’alcoolisme ou la toxicomanie, une nouvelle addiction apparaît, plus difficile à détecter : la cyberdépendance. Est-elle un véritable danger pour les adolescents ? Le docteur Elizabeth Rossé relativise.
Qu’est-ce que la cyberdépendance chez les adolescents ?
BIO
E. R. C’est un usage excessif des nouvelles technologies, comme Internet ou les jeux vidéo par exemple. Les adolescents sont nés avec Internet, c’est pourquoi ils s’en sont emparés assez logiquement. E. R. C’est un long processus. L’adolescent ne devient pas cyberdépendant du jour au lendemain. Jusqu’à l’âge de 11 ans, l’utilisation des jeux vidéo est surveillée par les parents. À partir de 13 ans, l’adolescent traverse une phase de bouleversement et devient un peu plus autonome. Il a beaucoup d’énergie et peut la dépenser en utilisant les jeux vidéo à l’excès. Qui est touché par la cyberdépendance ?
E. R. Une infime minorité d’adolescents. Les jeunes introvertis, mais aussi ceux qui ont le sentiment d’être différents ou qui ont vécu des séparations douloureuses – maladie, décès, déménagement –, sont plus susceptibles d’être touchés. Vous travaillez à l’hôpital Marmottan, au pôle consultation recours, destiné notamment aux personnes qui souffrent d’addiction aux jeux vidéo en ligne. Comment se passent les thérapies ?
E. R. Depuis 2004, nous avons eu environ 400 patients, ce qui n’est rien comparé aux autres addictions comme l’alcoolisme ou la toxicomanie. Et, contrairement aux idées reçues, nous ne travaillons pas énormément avec les adolescents. Mais, pour les cas difficiles, la psychothérapie est
Quels sont les risques de la cyberdépendance ?
D.R.
Comment les adolescents deviennent-ils accros aux jeux vidéo ?
indispensable. Le vrai défi est alors de créer une alliance thérapeutique entre les psychologues et les adolescents, souvent forcés de consulter par leurs parents.
Docteur en psychologie sociale, élizabeth Rossé est chargée de travaux dirigés à l’université Paris V en psychologie sur le module de recherche « jeu et addiction », elle a participé en 2007 à l’ouvrage Alcool et adolescence, jeunes en quête d’ivresse (éd. Albin Michel).
E. R. Le principal danger reste l’isolement social, la perte de contact avec la vie réelle. Les adolescents s’enferment dans une bulle. Lorsqu’ils sont connectés, ils gardent une illusion de communication en discutant avec les autres internautes. Mais, dans la réalité, ils n’ont pas beaucoup d’amis et ne pratiquent aucun autre loisir. Certains ne vont même plus à l’école. Les dangers physiques sont encore indéterminés. Mais ces adolescents sont complètement déréglés. Ils vivent la nuit plutôt que le jour, ce qui entraîne des problèmes de rythme et de pertes de poids importantes. De plus, des troubles de la vision ou des douleurs du dos peuvent survenir plus tard. À partir de quel moment un parent doit-il s’inquiéter ?
E. R. Globalement, c’est lorsque l’adolescent passe tout son temps devant l’écran et ne pratique plus aucune activité. Cela concerne aussi ceux qui ne peuvent pas utiliser leur ordinateur durant la semaine, parce qu’ils sont en internat par exemple. Et pourtant, ils ne pensent qu’à ça. Ceux-là sont accros. Par contre, certains jeunes peuvent rester trois heures consécutives sur l’ordinateur, sans que cela les empêche d’avoir d’autres loisirs. On ne peut alors les considérer comme cyberdépendants. RECUEILLI PAR ANNE-laure le jan
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Sauvée par le rock
L’adolescence est parfois mal vécue par ceux qui la traversent. Les idées noires engendrées par ce mal-être, la jeune chanteuse Amy Noria les connaît bien. Ces moyens d’expression : mutilation et écriture. Découverte par un producteur grâce à Internet, elle sort son premier album. La musique est devenue son exutoire.
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e son adolescence, Amy Noria gardera des cicatrices sur les avant-bras. Et des chansons griffonnées sur un cahier, aujourd’hui regroupées dans un album intitulé « Au-delà des apparences ». « Il y a tellement de gens qui affichent un grand sourire mais qui souffrent en réalité. Si on se donne la peine de gratter, on peut deviner les blessures que cachent chacun de leurs sourires... », explique la jeune Dijonnaise qui réserve son look d’écolière décalée façon AC/DC
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aux soirs de concert. Chaussettes rayées qui remontent aux genoux, jupe écossaise plissée et pendentif en forme de guitare électrique, elle impose un univers oscillant entre la fantaisie adolescente et le côté sombre du rock. Amy Noria, c’est un nom de scène faisant écho à son « âme noire ». Sous ce pseudonyme, la chanteuse de 18 ans écrit une nouvelle vie. Une page blanche pour chasser des idées trop noires. « Je chante le mal-être de mon adolescence. J’ai écrit ces textes
quand j’avais 16 ans, j’étais au bord du gouffre. Certains penseront que j’en rajoute mais je n’ai pas honte de le dire : la musique m’a sauvé la vie. » Il y a des mal-être adolescents, sous-jacents, transparents, assourdissants de silences. Celui de la jeune fille était de ceux-là. Aujourd’hui encore, le père d’Amy Noria ne comprend pas : il découvre seulement la souffrance de sa fille en écoutant son album. S’il avait remarqué qu’elle s’enfermait dans sa chambre, il n’avait jamais pensé que
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Suicide les tensions au sein de la famille la rendaient si malheureuse. « Il y avait des disputes entre mes parents et mes grands-parents notamment. Chacun disait du mal de l’autre et moi je me sentais tiraillée, oubliée. » Difficile de parler d’avenir quand le présent apparaît si sombre. « Il n’y a pas de suspense dans la vie, on en connaît tous la fin… Alors pourquoi se battre chaque jour, souffrir et espérer réussir une vie qui est, de toute façon, temporaire ? Je n’arrivais pas à voir les choses autrement, j’étais bloquée. »
“La lame sur ma peau”
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à l’époque, Amy ne parle de ses angoisses ni à sa famille ni à ses amis. « Je n’aime pas me plaindre. Ni afficher mes émotions. Donc, au lycée, j’étais la fille qui souriait. Mais quand je rentrais chez moi, je pleurais, seule. » Bien qu’entourée, la jeune fille éprouve un sentiment de solitude qui ne cesse de grandir, au point de devenir insupportable. Elle pense le chasser en se plantant une lame de rasoir dans les avantbras. « J’avais l’impression que toutes mes douleurs coulaient avec mon sang. Mais ça n’était qu’un soulagement momentané. » Et un appel au secours. « J’ai toujours été proche de ma mère. Je ne lui disais pas tout car je ne voulais pas l’inquiéter. C’est la seule personne à avoir remarqué les marques sur mes bras. Elle m’a surveillée de près, elle a fait en sorte que le dialogue ne se rompe pas. » Le jour où Amy Noria a enfoncé la lame un peu plus loin que d’habitude, elle s’est retrouvée face à elle-même. « Soit je repassais la lame une seconde fois sur ma peau et je basculais de l’autre côté de la vie, soit
REPères - Le suicide chez les adolescents En France, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, après les accidents de la route. On recense 40 000 tentatives et plus de 600 décès par an dans cette tranche d’âge. Si les tentatives sont plus fréquentes chez les filles, le taux de mortalité est nettement plus important chez les garçons. Chez les filles de moins de 25 ans, on dénombre 1 décès pour 160 tentatives contre 1 décès pour 5 chez les garçons du même âge. Et 80 % de ces passages à l’acte se font à l’aide de psychotropes. Beaucoup d’adolescents ayant tenté de se suicider présentent un épisode dépressif patent. La dysthymie, forme chronique et modérée de dépression, est sous-estimée. Pourtant ses conséquences sociales et psychologiques sont aussi graves que pour une dépression majeure. En France, aucune étude n’est consacrée au suicide des adolescents homosexuels alors que, dans les pays anglo-saxons, plusieurs enquêtes ont révélé que ceux-ci sont plus exposés aux tentatives de suicide. Le risque de passer à l’acte pour un garçon homosexuel ou bisexuel est quatre à sept fois plus élevé que pour un jeune hétérosexuel. C’est au sein de la famille et de l’école que se retrouvent les plus grandes difficultés à vivre l’homosexualité. L’existence d’un lieu neutre d’accueil et d’écoute devient alors cruciale.
je la reposais définitivement. Je me suis vue morte avec les veines ouvertes et je me suis détestée. J’ai pensé à ceux qui m’aimaient, j’ai lâché le rasoir. » L’idée de la mort ne disparaîtra jamais tout à fait. Une histoire d’amour qui se termine mal et Amy Noria menace son ex-petit ami de se tuer s’il s’éloigne. Et puis il y a toujours ce corps qu’elle ne comprend pas. « Mon âme était dans un corps, et les deux ne s’entendaient pas. Je les voyais comme deux entités à part et pourtant je formais bien une seule personne, se souvient la chanteuse dont les cheveux tirés en queue de cheval font ressortir ses yeux noisette soulignés de khôl. Ce n’était pas qu’une simple histoire de complexes car encore aujourd’hui,
quand je me regarde dans une glace, je ne m’aime pas. » Amy Noria trouvera des réponses à ses tourments dans la musique. Un producteur de Bourgogne la repère sur Internet et lui donne sa chance. Pendant deux ans, ils vont travailler ensemble sur son album avec une équipe de musiciens. « J’ai trouvé une seconde famille où on me donnait une place dans laquelle je me sentais bien. » Ses parents l’encouragent et l’aident à financer son disque. écouter de la musique a toujours transporté Amy Noria dans un monde meilleur. « C’est vital au sens premier du terme : je ne peux pas m’en passer, j’en écoute tous les jours. » Aujourd’hui, elle défend son album autant qu’elle le peut, partageant son temps entre les concerts et les cours à la faculté de psychologie. Alors qu’elle arrive au bout de sa thérapie musicale, elle en commence une nouvelle chez le psychologue qu’elle avait refusé de voir jusque-là. « C’est la preuve que les choses ont changé », glisse-t-elle, sourire en coin. Amy Noria arrive désormais à se projeter « un peu ». Alors, plus tard, elle sera psychologue. Ou rockstar.
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Et pour vous, Tours c'est quoi ? Découvrez, proposez, choisissez sur
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portfolio Le matin, le jeune n’a pas envie de bouger. Pas d’autre envie que de rester au lit, accroché à sa couette et au sommeil. Le weekend, c’est grass’ mat. « La semaine, on travaille, on peut pas la faire. »
Mode Larve 12H00
Le samedi, tout est permis « Quand le chat n’est pas là , les souris dansent. » C’est bien ce qui inquiète les parents qui laissent leur adoslescent seul le temps d’un week-end. Pas de panique, même si le jeune se montre parfois remuant, il sait aussi profiter de ses moments de liberté, sans forcément dépasser les limites.
Marion Banchais Romain de Oliveira AZIZ OGUZ Virginie Pascase Adrien Planchon Marie Tarteret
Au lever, l’ado petit-déjeune. Affamé, il se rue toutes dents dehors vers son gigantesque bol de céréales. Avant d’entamer la journée, parce qu’il le faut bien.
P’tit-déj’
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portfolio
L’ado n’est pas toujours désinvolte. Son look est travaillé. Une fois passé en « mode activité », il ne lui faut pas moins d’une heure pour se préparer. La fraîcheur est de rigueur : il faut se faire beau ou belle. car Sans style, inutile de mettre le nez dehors.
Fraîche
14H00 Le meilleur moyen d’être dans le mouv’ : le lèche-vitrine. En long, en large, même extenué, le jeune est toujours à l’affût pour choper la meilleure tendance. Fringues, casques audio, portables… c’est un grand consommateur. sans pour autant faire chauffer la carte de crédit de ses parents.
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rider
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En dépit de son manque d’énergie lorsqu’il est au lycée, le jeune est sportif. le rider prend d’assaut le skate-park et s’y défoule. Dès qu’une rampe se libère, il se lance et part en freestyle. Aux beaux jours, les groupies affluent.
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Le jeune a ses endroits bien à lui, où il peut laisser libre cours à ses délires. « on n’a personne derrière nous pour nous dire quoi faire. »
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Contre toute attente, le jeune peut se révéler très bavard. Il s’adonne volontiers aux commérages sur ses camarades. mais Il s’en prend aussi aux peoples. Tout y passe : la couleur de cheveux, la taille des seins ou la vie amoureuse.
le jeune aime faire la fête entre potes. Une fois débarrassé des parents, les préparatifs se mettent en route. Guitare ou play-list, peu importe. Il oublie tout. « Pas besoin de penser. C’est du temps pour nous. »
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La grande débrouille Dossier
Sous leurs airs fanfarons, les adolescents sont plus fragiles qu’ils le paraissent. Difficile pour eux de parler à leurs parents de leur intimité, surtout quand ces derniers continuent de les voir comme des enfants à protéger. Se confier sur sa sexualité, ses premières cuites ou son malêtre nécessite d’établir une relation d’égal à égal. Les jeunes grandissent, passent par des étapes importantes dans la construction de leur identité, cherchent à s’émanciper. Pour eux, trouver un interlocuteur digne de leur confiance n’est pas toujours évident. Le médecin de famille ? Trop proche des parents. L’infirmière scolaire s’avère, par la force des choses, un témoin privilégié. Elle n’a aucun lien avec le foyer parental. Maux de têtes, crises de tétanie, diabète, déprime, elle en voit passer tous les jours, ou presque. Pour autant, les adolescents ne lui confieront pas forcément tous leurs problèmes. Par conséquent, il leur faut des structures spécialisées pour les accueillir, les écouter, les aider. Sans craindre d’être jugés d’une manière ou d’une autre. Santé scolaire, Mouvement français pour le planning familial, espaces santé jeunes, maisons des adolescents, centres d’IVG… Si ces structures sont nombreuses sur le papier, dans les faits elles sont de plus en plus rares. En cause : un désengagement de la part de l’État. C’est pourquoi les professionnels de la santé tirent la sonnette d’alarme. Ils pointent du doigt les récentes coupes budgétaires et réclament une « véritable politique de santé en faveur des adolescents ». Répondre aux besoins de ces derniers dans ce domaine est une problématique à part entière. Pour qu’eux aussi aient toutes les chances de passer la crise à l’abri. Marie Bertin, Jessica Ibelaïdene, Énora Régnier
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Les malaises d’un système
Marie Bertin
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Les professionnels s’inquiètent de l’orientation donnée aux politiques publiques menées en faveur de la santé adolescente. Les fermetures successives des structures en place ont poussé la Société française pour la santé de l’adolescent (SFSA) à lancer une pétition en ligne. Objectif : interpeller les pouvoirs publics sur la nécessité d’une politique nationale de prévention et de soins.
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es politiques publiques menées en faveur de la santé des adolescents s’appauvrissent. On peut peut-être dire que la France régresse. » Comme beaucoup d’autres professionnels de santé, Valérie Verdier, responsable de l’Espace santé jeune (ESJ) de Tours a signé l’appel de la Société française pour la santé des adolescents (SFSA). En février dernier, l’association a tiré la sonnette d’alarme, dénonçant l’entrée « dans une période de remise en cause inquiétante ». L’appel réclame « une véritable politique de santé en faveur des adolescents ». C’est-à-dire une politique nationale de prévention mais aussi de soins, sensible à la spécificité du jeune public qui nécessite une prise en charge globale. La pétition a déjà recueilli plus de mille signatures de la part des professionnels de santé.
Des structures adaptées ?
Pourtant, il existe sur le territoire français de nombreux organismes qui prennent en charge la santé des jeunes. Les maisons des adolescents (MDA), les Espaces santé jeunes (ESJ), le Mouvement français pour le planning familial (MFPF) ou encore les Centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) sont autant de lieux d’accueil, d’écoute et d’informations où des équipes pluridisciplinaires se chargent d’orienter les adolescents en fonction de leurs besoins. Il faut aussi ajouter de nombreuses associations de promotion de la santé adolescente
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ou de sensibilisation et des initiatives locales. Toutes ces structures se veulent adaptées à la spécificité du public qu’elles visent. Elles proposent l’anonymat, la gratuité et la possibilité de venir sans rendez-vous, des critères souvent essentiels pour les ados. Mais surtout, toutes s’accordent à dire qu‘ils nécessitent une prise en charge globale. Le jeune peut se sentir mal mais ne pas savoir identifier son problème, ne pas faire le lien avec la question médicale. Des lieux d’écoute, sans étiquette particulière permettent d’éviter la
En l’absence d’une efficacité chiffrée, le gouvernement est réticent à attribuer des budgets significatifs stigmatisation et de prendre en charge les jeunes en amont : « Cela évite de les voir arriver à l’hôpital dans des états catastrophiques », explique le Dr Georges Picherot, médecin coordinateur à la MDA de Nantes (voir l’article sur les conduites addictives p. 14-15). Cette dernière a accueilli trois mille jeunes depuis sa création en février 2007. Des accompagnants sociaux y reçoivent les ados afin de faire un diagnostic et de les orienter, si
besoin, vers le spécialiste le plus adapté. « Nous ne voulons pas reproduire le schéma d’une structure médicalisée à outrance », insiste le Dr Picherot. Les structures existent donc, mais d’après les professionnels, elles sont aujourd’hui menacées. En cause, d’abord, le manque de moyens. La plupart de ces lieux sont surtout axés sur la prévention, or « tout ce qui y est lié est difficilement mesurable. Quand on informe un adolescent sur les dangers du tabac, rien ne nous dit que c’est notre action qui le poussera à ne pas commencer ou à arrêter de fumer », indique Valérie Verdier. En l’absence d’une efficacité chiffrée, le gouvernement serait donc réticent à attribuer des budgets significatifs. Ces dix dernières années, une centaine de centres de planification ont fermé. Tout comme une dizaine d’Espaces santé jeune en un an. De 9,4 millions d’euros en 2009, les crédits accordés par l’état à ces espaces sont passés à 7,5 millions en 2011 et, « pour l’an prochain, on pense qu’il y aura encore une baisse de 20 % », prévoit Max Daniel, président de la fédération des ESJ. à Tours, le planning familial « fait les fonds de tiroirs. En mars dernier, on parlait de fermer », reconnaît Alicia Bonnin, bénévole au planning. Sans les volontaires, l’association ne marcherait pas. Les sources de financement multiples ajoutent des difficultés : assurance maladie, caisse d’allocations familiales, conseil
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les structures médicales pour adolescents
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Réunion
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Limousin
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légende MDA
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Maison des adolescents
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Alsace
Epace santé jeunes
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Planning familial
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ESJ
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Rhônes-Alpes
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Martinique
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LanguedocRoussillon
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général, régional, inspection académique, jeunesse et sport… Chaque année, il faut refaire un dossier de demande de subventions sans être assuré qu’il soit reconduit. En conséquence, dans certaines régions, des structures ont disparu. En Bourgogne et en Limousin, il n’y a plus d’ESJ. Entre trois cents et six cents jeunes par an y avaient pourtant été accueillis. « Pour eux, ce sont des actions qui s’arrêtent purement et simplement », regrette Max Daniel. Certes, de nouvelles structures ont été créées. L’arrivée des maisons des adolescents, en 2005, initiée par un plan gouvernemental, est saluée par les professionnels de santé. « Nous n’avons pas vocation à remplacer les autres structures, explique Patrick Cottin, directeur de la MDA de Nantes, nous travaillons en collaboration, c’est pourquoi elles doivent survivre. » L’état privilégie les mesures répressives et les campagnes de communication nationale, moins chères que le financement des espaces d’accueil.
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En 2009, une loi interdit la vente de tabac et d’alcool aux mineurs. Mais « ces mesures ne sont pas suivies », remarque Paul Jacquin, président de la SFSA. Il est difficile de contrôler l’âge de chaque jeune entrant dans un bureau de tabac ou un supermarché. Ces lois seraient surtout des effets d’annonce. « La législation fait partie des mesures de prévention, mais ne se suffit pas à elle-même. Il est nécessaire d’amener les ados à comprendre ce qui les pousse à consommer », précise Valérie Verdier.
« Politiquement correct »
Le travail pédagogique passe par la formation des personnels en contact avec les adolescents. Actuellement, les pédiatres ne sont pas systématiquement sensibilisés à leurs problèmes. Les études de médecine n’ont pas de volet obligatoire consacré à la santé des jeunes. Seules cinq universités en France proposent un diplôme interuniversitaire de médecine et santé de l’adolescent.
A titre d’exemple, voici l’implantation sur le territoire de trois des structures en charge de la santé des adolescents. Parmi les plus mal lotis, Le nord de la France et le Nord-Est, de même que les DOM-TOM. Et, partout, seules des intiatives locales comblent le manque d’engagement de l’Etat.
Sources : www.planning-familial. org ; www.mda.aphp.fr/ ; http://www.fesj.org/
Et les professeurs, les conseillers principaux d’éducation et les animateurs ne sont pas davantage formés à détecter ces difficultés. Une carence lourde de conséquence car « ils sont en première ligne », explique Paul Jacquin. Les professionnels de la santé adolescente réclament une prise en charge globale d’initiative nationale, axée sur la prévention, pour assurer la pérennité des structures existantes et la formation des personnels. Une démarche qu’il faut toutefois nuancer. D’après Cécile Rothé, doctorante en santé publique en direction des jeunes en situation d’errance, le mal-être de la jeunesse de nos sociétés a de nombreuses causes qu’il est « plus politiquement correct de réduire à des problèmes de santé, ce que j’appelle la sanitarisation des questions sociales. » Autrement dit, la santé des adolescents passe aussi par une bonne politique publique en matière d’éducation, d’emploi, de logement… Une politique globale, effectivement.
Marie Bertin et Marie Tarteret
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à la campagne, les professionnels se sentent seuls, comme les ados
En matière d’accès aux structures de prévention et de santé, les jeunes ruraux sont mal lotis. Seules des initiatives locales permettent de combler le manque.
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des adolescents en ville, sans en parler à ses parents, c’est un véritable parcours du combattant », explique l’animateur socio-culturel d’une petite commune d’Indre-et-Loire. C’est donc souvent à l’école que sont repérés les jeunes en difficulté. Difficultés scolaires, familiales, identitaires : le mal de vivre adolescent ne s’évapore pas à l’air pur. Malheureusement, la santé scolaire ne suffit pas pour faire face
précise-t-elle. Mais la convention a été arrêtée : « On est seul et on doit se débrouiller. » Et se déplacer, beaucoup. En Charente-Maritime, deux psychologues et un éducateur sillonnent les routes à la rencontre des adolescents pour leur proposer des consultations gratuites. Ils gèrent le dispositif Lieux Dits2, rattaché et financé par le centre hospitalier de Saintes, ville la plus proche.
difficultés scolaires, familiales, identitaires : le mal de vivre adolescent ne s’évapore pas à l’air pur
« Avec notre clinique itinérante, nous touchons un public nouveau, car malgré notre action, le nombre de consultations au CHU ne diminue pas », précise Julie Parent, psychologue. Pourtant, la menace des restrictions budgétaires continue de brouiller l’horizon des trois professionnels de ce dispositif. Depuis 2006, leur équipe a déjà été réduite de moitié.
Aurélia Descamps
ur l’écran, défilent des images de champs et de forêts : le documentaire Ecchymoses réalisé par Fleur Albert1 nous emmène dans la camionnette rouge de Violette Beaudou, infirmière scolaire dans le sud du Jura depuis dix ans. Tout en conduisant, elle raconte qu’elle apporte en urgence la pilule du lendemain à une élève. La jeune fille aurait voulu être sous contraceptif,
mais sans que ses parents soient au courant. Le centre de planification familiale se trouve à Lons-le Saunier, à une trentaine de kilomètres, alors… Jointe par téléphone, Violette nous précise : « Parfois, j’y amène les jeunes, mais normalement je n’ai pas le droit. Ils ont besoin d’un suivi régulier. Mais c’est loin. » La situation de la campagne jurassienne n’est pas unique. Les structures de prévention et de santé pour les adolescents sont rares en milieu rural. L’accès aux soins est alors problématique quand on n’a pas de moyen de locomotion. « Pour un ado d’ici, se rendre à la maison
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aux problèmes d’alcool, de drogue ou encore de dépression. Violette Beaudou se souvient qu’il y a dix ans, une psychologue de l’Espace santé jeune de Lons-le-Saunier venait l’épauler tous les mois : « Une seconde écoute précieuse »,
Aurélia Descamps
(1) Ecchymoses, documentaire projeté au Festival international du film de Belfort, 2008. Produit par Cauri Films, 100 minutes. (2) Ce dispositif est né en 2006. Il s’inspire des équipes mobiles mises en place dans le corps médical dès les années 1970.
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Aurélia Descamps
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souvent, c’est un bobo qui sert de prétexte pour qu’ils viennent parler à Véronique Chaboisson de ce qui les tracasse vraiment.
La galère des infirmières scolaires
L’école est un lieu privilégié pour repérer les besoins des adolescents. écoute, prévention, soins, les infirmiers scolaires font de leur mieux mais ils sont surchargés de travail Or, contrairement aux années précédentes, aucune création de poste n’est programmée.
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érémy passe timidement sa tête dans l’entrebâillement de la porte de l’infirmerie. Il vient de se blesser dans l’escalier. Claude Prengère est débordée. Cet après-midi, pendant la récré, les élèves défilent. Pour s’occuper des 480 élèves de l’établissement, l’infirmière du collège AnatoleFrance à Tours ne dispose que de deux jours et demi par semaine. « La difficulté, c’est surtout qu’on est seul », souligne t-elle. En Indre-et-Loire, chaque infirmier a la charge de 1 112 élèves (enseignement primaire et secondaire confondus) : un nombre inférieur à la moyenne nationale, mais toujours trop important pour mener toutes les missions de prévention et de suivi personnalisé qui leur sont confiées. Pourtant, à la rentrée prochaine, le ministère de l’éducation nationale ne prévoit pas d’effectifs supplémentaires : « Il n’y a pas de création de poste budgétisée cette année, contrairement aux années précédentes. Même s’il y a des besoins, on fait avec ce qu’on nous donne », constate Christine Tourat, infirmière conseillère
technique de l’inspecteur d’académie d’Indre-et-Loire. Les postes sont répartis au mieux. Dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), les infirmières sont plus présentes. Leur travail de soutien aux parents est d’autant plus important que certaines familles sont déjà noyées dans leurs difficultés, ou manquent de repères en matière de prévention.
Discrétion assurée
Véronique Chaboisson exerce au collège Stalingrad, situé en ZEP, à Saint-Pierre-des-Corps (37). Dans cet établissement, elle n’a la responsabilité que de 170 élèves. Une condition privilégiée, surtout si on examine la situation en milieu rural et dans d’autres établissements en difficulté : « Ma collègue à PabloNeruda [dans la même commune, NDLR] est bien plus débordée que moi, mais le collège n’est pas classé ZEP. Elle ne bénéficie donc pas d’autant de temps et de moyens que moi. » Les nombreuses heures qu’ils passent sur ses bancs font pourtant de l’école le lieu privilégié pour que les jeunes en souffrance soient repérés. Muriel Delamare, qui
intervient dans deux collèges à Tours, explique : « Ma première mission est l’accueil et l’écoute pour quelque motif que ce soit. » Les infirmiers scolaires proposent aux adolescents un espace neutre et protégé qui permet d’échanger sur des sujets délicats, parfois difficiles à aborder en famille. «Avec l’infirmière, je peux parler de tout, je sais que rien ne sortira de son bureau. Mes amis m’ont convaincu d’aller la voir », confie Caroline, 15 ans. Car venir frapper à la porte de l’infirmerie n’est pas un réflexe. « C’est juste bien quand on veut rentrer à la maison », plaisante Antoine, 16 ans. Claude Prengère explique : « Au collège, le malaise n’est pas forcément exprimé par l’adolescent, il faut aller à la pêche. » Pas toujours aisé quand on court déjà après le temps. En cas d’absentéisme, de problèmes de santé ou de maltraitance, l’infirmier fait intervenir le médecin scolaire. Mais cette profession est encore moins bien lotie. Chaque médecin veille en moyenne sur 6 570 élèves. MARION bANCHAIS et AURELIA DESCAMPS
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Chaque année, en France, des milliers d’adolescentes se retrouvent enceintes. Le plus souvent, ce sont des grossesses non désirées, dues à une mauvaise utilisation de la contraception ou à des comportements à risque. La plupart d’entre elles recourent à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Pour celles qui finalement choisissent d’être mère, le plus difficile est de conjuguer leur maternité et leur vie d’adolescente.
A
mélie avait tout juste 18 ans lorsqu’elle a découvert sa grossesse. Un accident. Elle a alors pris la décision de demander une IVG. Chaque année, environ 15 000 adolescentes font le même choix en France, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Début mars, lors d’une conférence organisée à Paris, le Pr Israël Nisand, gynécologueobstétricien au CHU de Strasbourg, s’est insurgé de la hausse du nombre d’IVG chez les mineures alors qu’il stagne pour les adultes. Nathalie Bajos, sociologue et démographe à l’Inserm, considère que ce chiffre n’est pas une si mauvaise chose : « Vouloir à tout prix faire baisser le nombre d’IVG signifierait pousser les jeunes filles à mener à terme une grossesse dont elles ne veulent pas. » Une des premières causes des grossesses non désirées reste les échecs de contraception. Tout d’abord, quel qu’il soit, un moyen de contraception n’est jamais fiable à 100 %. Ensuite, même si la France dispose d’une des meilleures couvertures contraceptives en Europe, des problèmes persistent. Notamment celui de la gratuité.
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En effet, contrairement à la pilule du lendemain ou à l’IVG, qui sont anonymes et gratuites, la pilule reste payante, nominative et relativement chère. Mais surtout, alors qu’on la croit entrée dans les mœurs, on se rend compte que la mauvaise information – voire la désinformation – n’est pas rare, ce qui alarme les professionnels.
« Dire que celles qui tombent enceintes sont défavorisées et déscolarisées, c’est un cliché » Clotilde Perseille, chargée de projet à l’antenne tourangelle du Mouvement français pour le planning familial (MFPF), le constate régulièrement : « J’ai reçu une jeune fille qui prenait la pilule vingt-huit jours, puis s’arrêtait une semaine. Elle ne savait pas que, pour cette pilule-là, il ne faut pas d’interruption entre deux plaquettes. Là, il y a un vrai risque de grossesse. » Avec ses collègues, elle va dans les collèges et les lycées du département d’Indre-et-Loire pour faire de la prévention sur la contraception et
Marion Banchais
une pilule dure à avaler « La pilule n’est pas le moyen de contraception le
les comportements sexuels à risque. Un enseignement qui, d’après une loi de 2001, devrait être dispensé obligatoirement dès la sixième, à raison de trois heures par an. Une loi trop peu ou trop mal appliquée selon Clotilde Perseille, faute de moyens. Ce qui amène certaines jeunes filles à prendre des risques ou à se fier aux idées reçues. « J’avais mal pris ma pilule. Nous avions donc mis un préservatif, mais il a dû craquer et je me suis retrouvée enceinte », explique Pauline, mère à 18 ans d’une petite Léna. Désemparées, les mineures sont nombreuses à se diriger dans un premier temps vers le Planning familial. Clotilde Perseille assure qu’elles viennent y chercher des conseils et, surtout, l’anonymat. « Quand on reçoit une mineure, on cherche à connaître sa décision. Si elle veut interrompre sa grossesse, on l’oriente vers le centre d’orthogénie où une IVG peut être pratiquée. » Les adolescentes ont un rendez-vous obligatoire avec une assistante sociale, puis un psychologue. Elles ont une semaine de réflexion pour prendre leur décision. Un choix qu’elles font seule, avec leur compagnon ou, parfois, avec leurs proches.
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plus
plus adapté à la vie sexuelle des adolescentes », explique nathalie bajos.
Les mineures doivent être accompagnées d’un tuteur référent lors de l’IVG. Si le personnel du centre d’orthogénie ne peut obliger les jeunes filles à informer leurs parents, il se doit de leur proposer. Mais parler à sa famille n’est pas facile. Il arrive que les mineures soient en conflit familial, en rupture scolaire ou sociale. Mais Sylvie Toër,
assistante sociale à Tours, refuse les généralités : « Dire que celles qui tombent enceintes sont défavorisées ou déscolarisées, c’est un cliché. » Si la plupart interrompent leur grossesse, d’autres décident de la mener à terme. Elles sont environ 4 500 chaque année en France. Une vie très différente commence alors pour elles. Elles doivent
s’assumer et assumer leur enfant. Si elles rencontrent des difficultés, notamment avec leur famille, elles peuvent être accueillies dans des centres maternels. Le Centre Anjorrant à Nantes est le seul à être destiné aux mineures. Il accueille 33 adolescentes en cours de grossesse ou de jeunes mères. Elles apprennent à s’occuper de leur enfant et à devenir autonomes. Sylvie Toër déplore le manque de structures de ce type en France. D’autres restent chez leurs parents après l’accouchement, quand ceux-ci les soutiennent. Pauline a habité chez eux deux ans avant de s’installer avec le père de son enfant. Ses études terminées, elle est à la recherche d’un emploi. Celles qui poursuivent leur scolarité doivent concilier vie d’étudiante et maternité. Pour Sylvie Toër, il est important que ces jeunes femmes aient un autre projet que celui d’être mère et qu’elles vivent leur adolescence. Elles doivent pouvoir continuer à sortir, ne pas couper le lien avec leurs amis, pour ne pas se retrouver trop isolées. Aux parents alors de prendre le relais. Car, pour élever un enfant, il faut que ces jeunes mères puissent finir de se construire elles-mêmes.
Sabrina Lang et émilie Weynants
« J’ai suivi ma fille pas à pas »
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l y a des jeunes filles qui ont choisi d’être enceintes et qui en sont ravies. » Nathalie Trignol, médecin au centre d’orthogénie de Tours, résume ainsi le cas des mères adolescentes dont la grossesse est désirée. Elles ne représentent pas la majorité des 4 500 mineures qui ont un bébé chaque année. Mais pour Sylvie Toër, il ne faut pas oublier que « les grossesses peuvent être le résultat d’une belle histoire d’amour. » Martine, 58 ans, est mère de Mélanie, 17 ans et grand-mère de Kaylia, un mois et demi. « “Que tu sois d’accord ou pas, nous allons faire un bébé !” Quand Mélanie m’a
annoncé cela, elle avait juste 16 ans. Pour moi, c’était un peu tôt mais j’ai vite changé d’avis. C’était leur choix et je ne m’y suis pas opposée. Ils semblaient prêts et avoir bien réfléchi. Je savais qu’elle se débrouillerait bien et c’est le cas. J’étais très présente pendant sa grossesse. On se voyait tous les jours. Je l’ai suivie pas à pas. Elle m’a souvent appelée au secours. Je pouvais lui répondre car je savais de quoi je parlais : j’ai eu un enfant à 14 ans. Je l’ai accompagnée chez le gynécologue lors de ses échographies quand son compagnon n’était pas là. Mais dès qu’il était présent, je m’effaçais. C’est vrai que Mélanie n’a
que 17 ans et n’a pas encore de travail. Pour l’instant, elle passe un CAP petite enfance par correspondance. Ma fille et moi étions déjà très proches avant sa grossesse mais je sens que nous le sommes encore plus maintenant. Il y a davantage de tendresse entre nous, peut-être parce que je l’ai suivie de très près. »
S. L. et é. W.
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Mère de Mélanie, 17 ans, et grand-mère de Kaylia, Martine Témoigne : «Être maman et ado, c’est possible.»
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difficile d’être confronté à la maladie lorsque, en plus, on est en pleine période de bouleversement. Le soutien de l’entourage est essentiel pour s’en sortir.
la mort aux trousses
Photos : Jessica Ibelaïdene
anorexie une affaire de famille Les parents ont du mal à identifier la maladie. La violence du diagnostic de l’anorexie les isole. Médecins, psys et associations les aident à accompagner leurs enfants vers la guérison.
C
’était comme s’il y avait eu deux personnages chez Charlotte. Un peu comme le Dr Jekill et Mr Hyde. » La fille de Michel Serrurier n’a pas survécu à un arrêt cardiaque, en 2006. Elle souffrait d’anorexie mentale, comme 1 % des adolescents en France, principalement des jeunes filles (neuf cas sur dix). Ce sont autant de parents déboussolés face à cette maladie mal connue. Le pronostic vital peut rapidement être en jeu du fait d’une dénutrition trop importante. L’anorexie est la première cause de mortalité psychiatrique en France et probablement la deuxième chez les jeunes, selon la Fédération nationale des associations des troubles du comportement alimentaire. La souffrance de l’anorexique devient vite celle des parents. Il s’agit
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Il a fallu plusieurs mois pour qu’Hélène prenne conscience de la maladie de sa fille.
pour eux de prendre conscience de la maladie, même quand la jeune fille est dans le déni. De chercher à comprendre sans être dépassés par les événements. De ne pas se focaliser sur la nourriture, qui n’est qu’un symptôme. Dans la plupart des cas, l’anorexie commence par un simple régime qui tourne à l’obsession. Des catégories d’aliments sont bannies petit à petit : le sucré, le gras, les féculents. Les adolescentes redoublent de stratagèmes pour cacher ou minimiser leur maladie. « Ma fille me
disait : “Tu te fais des idées !” », explique madame C. Les parents ne s’alarment pas immédiatement, puisque, comme l’explique Claude Vialle, thérapeute à la clinique psychiatrique universitaire (CPU), unité d’adolescents, du CHRU de Tours, « les adultes aussi ont tendance à manger moins après avoir fait un excès ». Mais le calcul des calories et le poids sur la balance envahissent l’esprit des anorexiques. Coline, 15 ans, malade depuis près de deux ans, avoue qu’elle pouvait planifier jusqu’à deux semaines à
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soumettre son corps en le privant de l’essentiel
l’avance ses repas, sans que sa mère s’en doute. « On se couche en pensant à ce que l’on a mangé. On se lève en programmant déjà ce que l’on s’autorisera pendant la journée. » Un besoin de contrôle et un désir de perfection qui s’expriment très tôt, parfois dès l’enfance. Pour autant, pas de généralités. C’est une pathologie psychiatrique complexe, il existe autant d’anorexies que d’anorexiques. Les parents sont confrontés à une difficulté supplémentaire : se documenter sur la maladie n’apporte pas d’explications précises. Il est nécessaire de chercher de l’aide, de ne pas se replier sur soi. Le premier pas à franchir est de consulter son médecin traitant. Comme pour confirmer le diagnostic parental. Le problème, c’est que les généralistes sont peu confrontés et formés aux troubles du comportement alimentaire. L’aide d’un psychiatre ou d’un psychologue s’avère nécessaire, tant pour la jeune fille que pour les parents. Ces derniers apprennent à mettre des mots sur la conduite de leur enfant, à prendre du recul, à ne plus culpabiliser. Sentiment qui se développe surtout chez la mère, qui représente celle qui nourrit.
colères en voyant que notre fille ne mangeait pratiquement plus et maigrissait un peu plus chaque semaine », confie Hélène. Face à cette situation, les parents, comme cette mère de famille, recherchent de l’aide extérieure. Souvent, les proches ne parviennent pas à les comprendre. Michel Serrurier, à Lille, et Bernard Cochy, à Nantes, ont participé à la création d’associations qui proposent de rencontrer d’autres personnes concernées et des professionnels. Ces groupes se réunissent une fois par mois et se révèlent être une véritable bouffée d’oxygène. Gaëlle, maman d’une jeune fille anorexique depuis un an, avoue que la parole l’a énormément aidée. Elle se rend d’ailleurs chaque jeudi après-midi dans les locaux de l’association Charlotte ensemble c’est tout, créée par Michel Serrurier, qui propose des ateliers d’expression artistique et des groupes de parole. Catherine Jeudi, thérapeute à la CPU, encourage ce genre de
Les repas : les moments où l’ambiance se dégrade au sein de la sphère familiale. Deux à trois fois par jour, ils sont la principale source de conflits entre la jeune fille et ses parents. « Mon mari, qui n’est là que le week-end, pouvait piquer des
Illustrations: Alice Méteignier
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pratiques. Mais elle conseille une participation active de toute la famille, pour étudier la structure dans son ensemble. « Ce sont souvent des familles unies qui vivent la maladie et toute forme de conflits comme un échec. » La plupart du temps, la mère et la fille partagent une relation fusionnelle, jusqu’à confondre les frontières entre les générations. En cas d’hospitalisation, la séparation totale est nécessaire, pour mettre une distance entre la jeune fille et son entourage. Elle doit apprendre à exister en dehors de son rôle d’enfant, à trouver sa place, à s’accepter en tant que jeune femme. Car l’anorexie, c’est le refus de la féminité. L’adolescente garde un corps d’enfant, sans formes ni poitrine. Par là s’exprime aussi le rejet de la sexualité et des rapports avec la gent masculine.
Un sentiment de honte
L’entrée à l’hôpital intervient quand la perte de poids est trop importante. C’est généralement à ce moment-là que les parents réalisent vraiment le danger qui menace leur enfant. « Quand Coline a été prise en charge à Clocheville, à Tours, le 30 juin 2010, elle mesurait 1,51 mètre et pesait moins de 30 kilos. Sa tension était seulement à 6, les battements de son cœur à 45. Elle n’avait plus ses règles et je n’avais rien remarqué. » Hélène s’est alors rendu compte que le corps de sa fille luttait. Il était temps qu’elle entre à l’hôpital. Il ne fallait plus temporiser, comme son mari et elle l’avaient fait pour qu’elle puisse finir son année scolaire et passer son brevet. Victime du regard des autres et des réponses simplistes – « Si c’était ma fille, elle aurait reçu des baffes depuis longtemps. » ; « Laisse-la se débrouiller. » –, toute la famille en pâtit. Celle-ci s’isole alors, comme l’anorexique. Le sentiment de honte et la peur d’être considérés comme de « mauvais parents » bloquent la communication avec l’entourage familial et amical. Peu à peu, les liens sociaux peuvent être rompus. « Mais ce repli sur soi est à éviter absolument. La famille peut éclater »,
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maladie travail qui doit s’installer dans la durée. Longtemps mis à l’écart, les parents ne sont plus jugés responsables de la maladie. Les professionnels s’accordent à dire qu’ils jouent un rôle clef dans le processus de guérison. Ils sont mis à contribution pour créer un environnement propice à l’épanouissement personnel et relationnel de leur enfant. Mais
quand tout semble aller mieux, « il ne faut pas oublier qu’un tiers des anorexiques sont malades toute leur vie », rappelle Hélène. Pour considérer qu’elle est tirée d’affaire, aucun critère n’est plus significatif que le bien-être et les plaisirs retrouvés par la jeune fille. À commencer par celui des saveurs. Sihem Boultif et Jessica Ibelaïdene
Agathe souffre d’un sarcome d’ewiing. C’ est un cancer osseux grave et rare. SON taux moyen de guérison est de 60 %.
Adrien Planchon
souligne Bernard Cochy. Dans la rue, c’est encore pire. « Promenez-vous avec une anorexique. Vous verrez que les gens tournent inévitablement leur regard vers elle. C’est très difficile à vivre. » Cette expérience décrite par Michel Serrurier, Hélène l’a aussi vécue. Au début, elle était même agressive envers ceux qui se moquaient et dévisageaient sa fille. La guérison de l’adolescente est un
LE COMBAT d’agathe
Chaque année en France, sept cents cas de cancer sont diagnostiqués chez les 15-19 ans. La vie d’Agathe a basculé le 16 juin 2008 lorsqu’elle apprend qu’elle est malade. Trois ans plus tard, alors qu’elle est sur le chemin de la guérison, elle raconte son expérience.
L
e rendez-vous avait été pris avec Agathe devant l’hôpital Estaing de Clermont-Ferrand, ouvert en 2010 sur le site de l’ancienne usine Michelin. Ponctuelle, la jeune fille s’approche, silhouette élancée, jeans et baskets, comme tous les ados de son âge. L’endroit, elle le connaît bien. « C’est là que, pendant trois ans, je me suis préparée au pire, pour un jour profiter du meilleur », explique l’adolescente. Quand elle évoque le pire, Agathe repense à ce qu’elle a dû surmonter pour vaincre le cancer. Sa maladie a été diagnostiquée à la suite d’une simple chute au patinage artistique en août 2007. Elle avait à
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l’époque 13 ans. « Après ma chute, je n’ai pas pu bouger le bras pendant deux jours », se rappelle Agathe. Les médecins pensent d’abord à un nerf coincé. Mais la douleur persiste, sans qu’on puisse en déterminer la cause. Le 16 juin 2008, à la suite d’une opération, les praticiens de l’hôpital diagnostiquent un sarcome d’Ewing, une forme de cancer osseux qui touche majoritairement les moins de 20 ans. La tumeur est logée dans son omoplate gauche et des métastases s’étendent aux poumons. « Pas le temps de réfléchir, pas le temps d’avoir peur », se souvient Agathe, dont le visage ne trahit aucune
émotion à l’évocation de ce moment. Il faut parer au plus pressé, venir à bout des métastases, ce qui nécessite des séances de chimiothérapie, un traitement très lourd à supporter. Les multiples séjours à l’Hôtel-Dieu de Clermont ont isolé Agathe des jeunes de son âge : « Avec la maladie, on reconnaît ses vrais amis », se remémore-t-elle. Certains se sont progressivement éloignés, d’autres ont continué à prendre de ses nouvelles. Son petit ami de l’époque a du mal a supporter la situation. Leur relation prend fin à cette période. Malgré ces épreuves, l’adolescente garde la force de se battre, témoigne Albanne, une amie
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maladie qui lutte également contre le cancer. « Même dans les moments difficiles, Agathe a fait preuve de beaucoup de caractère », se souvient-elle. Les couloirs de l’hôpital Estaing, les parents d’Agathe les ont arpentés de nombreuses fois. Ils se sont relayés pour la soutenir, tout comme Sylvia Gaillard. Un sourire illumine le visage de l’adolescente lorsqu’elle évoque, avec tendresse, celle qu’elle considère comme sa « deuxième maman ». Sylvia, salariée de l’association Acte Auvergne, qui est souvent venue lui tenir compagnie, a toujours été présente dans les moments difficiles. « Agathe est une vraie battante. Beaucoup d’adultes feraient bien d’en prendre de la graine », témoigne-t-elle. Acte Auvergne organise des
hospitalisés. Lors d’une de ces rencontres, l’adolescente a même noué une complicité avec Julien Pierre, deuxième ligne de l’équipe clermontoise. « On se réconforte dans les moments difficiles », confie-t-elle. Entre deux phrases, Agathe rabat ses cheveux derrière l’oreille. Un geste banal, mais qu’elle ne pouvait plus faire il y a trois ans : « Pour une fille, perdre ses cheveux, c’est ce qu’il y a de plus dur. » Et la perruque portée pendant cette période n’y a rien changé. Mais le pire n’est pas là. La jeune fille évoque un autre moment douloureux de sa maladie. Le 16 février 2009, elle doit subir une nouvelle opération : une ablation de l’omoplate gauche sur laquelle est fixée la tumeur. Elle risque une
cancer : les structures pour adolescents manquent Jusqu’à 15 ans et trois mois, les jeunes patients atteints du cancer sont accueillis par les services pédiatriques. Passé cet âge, ils sont orientés vers les services pour adultes. Dans les deux cas, ils peuvent se sentir isolés. En pleine période de bouleversement, il est très diffIcile d’avoir une vie sociale normale lorsque l’on perd ses cheveux ou que l’on est souvent hospitalisé. Sortir les adolescents malades de leur isolement est l’une des priorités du plan cancer 2009-2013 initié par le gouvernement. Ainsi, des unités spécialisées dans la prise en charge et l’accompagnement des jeunes malades ont vu le jour à Paris et à Lyon. Début septembre 2010, l’Espace méditérannéen de l’adolescent a été inauguré au sein de l’hôpital Salvator, à Marseille. Le centre introduira la culture au cœur du dispositif des soins.
animations pour les enfants malades et leur famille. Ces nombreuses sorties, qui ont aidé Agathe à trouver la force de se battre, lui ont aussi permis de rencontrer d’autres adolescents touchés par le cancer. Avec eux, elle a pu discuter de cette maladie.
Elle a frôlé l’amputation
Agathe nous emmène jusqu’au stade Marcel-Michelin, lieu emblématique de la ville. Grâce à Acte Auvergne, elle a pu assister à plusieurs matchs de rugby. Comme beaucoup d’habitants de la région, elle nourrit une passion pour ce sport. Les joueurs de l’ASM Clermont Auvergne rendent régulièrement visite aux enfants et adolescents
amputation du bras si les chirurgiens découvrent que le cancer est trop étendu. « Tu préfères vivre avec un bras ou mourir avec les deux ? » Ces mots violents du médecin qui la suivait à l’époque résonnent encore aux oreilles d’Agathe. « Dans la salle de réveil, j’ai cherché à sentir mes doigts pour voir s’ils étaient toujours là », se souvient l’adolescente. Elle échappe à l’amputation. Alors que des analyses sont encore en cours, les médecins lui annoncent qu’une radiothérapie suffira à la guérir définitivement. Quand elle apprendra, plus tard, que la maladie est toujours là, la colère se mêle au désespoir. « Je leur en ai voulu d’avoir parlé trop vite », lance-t-elle. Il lui faut alors entamer une nouvelle
chimiothérapie, un traitement plus lourd que la radiothérapie initialement prévue. Malgré ces épreuves, elle n’a pas pris de retard dans sa scolarité. Des professeurs d’histoire, de français et de mathématiques se sont relayés chez elle pour qu’elle puisse passer le brevet en juin 2009. Elle se rappelle que « c’était assez bizarre de retourner au collège pour passer cet examen. J’ai eu le droit à du temps supplémentaire et une personne écrivait pour moi ». Elle décroche le brevet avec mention. À son entrée au lycée, les traces de la maladie sont visibles : l’adolescente est fragile, sa chevelure clairsemée. « Mais, je ne me suis jamais sentie stigmatisée. J’ai eu la chance d’avoir une classe très soudée », dit-elle. Agathe est aujourd’hui en première. Tout se passe bien au lycée, mais la maladie a changé son regard sur la vie : « Mes copines se confient beaucoup à moi. Je les écoute, mais on ne partage pas les mêmes soucis : je me sens souvent loin des problèmes de cœur futiles des adolescents de mon âge. » Avant qu’on se quitte, Agathe nous fait visiter le service de pédiatrie de l’hôpital Estaing. C’est là qu’elle a subi en décembre 2009 une greffe de moelle osseuse, ultime phase du traitement. L’opération a permis de renforcer ses défenses immunitaires. Maintenant, l’adolescente va mieux. Elle a pu arrêter le traitement fin 2010. Elle est en phase de rémission et doit être contrôlée tous les trois mois. Elle peut enfin se tourner vers l’avenir. Elle voudrait travailler dans le domaine médical… Et pouvoir partager son expérience.
vincent héry et adrien planchon
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Histoires passionnées, premières déceptions ou sentiments inavoués, ils ont tous connu au cours de leur adolescence un premier coup de cœur qui les a marqués et peut-être inspirés.
nos premières amours
« certains garçons m’obsédaient »
Pénélope Bagieu
« J’étais inscrite dans un lycée catholique, très fermé d’esprit, alors que ce n’est pas du tout le milieu dont je viens. Je jouais à des jeux de rôle et je m’habillais comme une p… J’avais opté pour le look cheveux noir corbeau, mini-jupe, piercings et maquillage outrancier. J’avais un groupe d’amis et entre nous c’était à la vie à la mort. On jouait, parfois des nuits entières, en mangeant des Pépito et en buvant du Banga. On
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était vraiment dans notre monde, on s’amusait tout le temps et c’était super. On n’était pas du tout populaires mais on s’en fichait. Comme tous les ados, je fumais pour me donner une contenance, je me détestais en photo et j’espérais que mes seins allaient pousser. Très classique. Il m’est arrivé d’être folle amoureuse d’un garçon au point que cela m’empêche de dormir. Je montais même des stratagèmes pour passer devant sa salle de cours aux interclasses, et lui demander l’heure me donnait envie de m’évanouir. Plus jamais je n’ai ressenti cela ensuite. Ce que je trouve fou c’est qu’adolescent, tu puisses être amoureux de quelqu’un “en secret”. Quand tu es adulte, si quelqu’un te plaît, tu essaies de provoquer la rencontre, tu ne restes pas cent sept ans à écrire son nom partout dans ton agenda en espérant qu’un jour il te regarde ! Adolescente, je faisais des fixettes sur des garçons qui m’obsédaient pendant une année scolaire entière, mais je n’osais jamais me lancer. Si je m’étais jetée à l’eau, je n’en serais pas
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Pénélope Bagieu, 15 ans en 1997, est l’auteure de la bd “Joséphine ” et du blog “Ma vie est tout à fait fascinante ”. Elle se remémore avec humour ses débuts d’amoureuse.
morte et cela aurait pu marcher. Mais je préférais rêvasser en écoutant de la musique et en imaginant qu’un jour, il viendrait me voir devant le lycée pour me dire “ Pénélope, je ne peux plus le cacher, je suis complètement fou amoureux de toi depuis neuf ans. Embrassonsnous avec la langue, ici, maintenant, devant tout le monde.” Mon premier vrai copain, que j’ai présenté comme tel, avait 17 ans. C’était donc un adulte, un vrai, alors que je n’avais que 14 ans. Je suis vraiment nostalgique de cette époque où être amoureuse pouvait suffire à remplir ma vie, à me donner envie de mourir ou de hurler de joie. » RECUEILLI PAR Sabrina Lang et énora Régnier
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confidences
« En 1960, ON Ne parlait PAS D’homosexualité » « Je sais que cela peut paraître étrange aujourd’hui, mais lors de mon adolescence, je ne savais pas ce qu’était l’homosexualité. Au début des années 1960, on n’en parlait pas, ni dans mon entourage ni dans la société. À l’époque, je ne me sentais pas très amoureux des filles, mais je ne savais pas qu’on pouvait aimer les garçons. Je me souviens très bien de la chanson de Françoise Hardy Tous
« J’ai découvert l’homosexualité en lisant Marcel Proust » les garçons et les filles de mon âge. Elle s’appliquait parfaitement à moi. Je n’ai jamais été du genre à me poser des questions existentielles. Je fréquentais un lycée dédié aux meilleurs élèves issus de milieux peu instruits. Il m’arrivait de me sentir
différent des autres mais je me disais que c’était parce que j’étais toujours “ le premier de la classe ”, ce qui était déjà une bonne raison de subir quelques brimades. J’ai découvert pour la première fois que l’homosexualité était une chose bien réelle en lisant À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. Ma vie amoureuse a commencé tardivement, avec des filles, à l’âge de 21 ans. Ce n’est que cinq ans plus tard que je me suis rendu à l’évidence. Nous étions en 1973 et Mai 68 est passé par là. Je ne me suis jamais senti anormal ; j’attendais simplement de savoir que je n’étais pas une anomalie. Si, aujourd’hui, je parle librement du sujet, c’est parce que je pense qu’il y a encore des jeunes gens qui peuvent se trouver dans une situation identique à la mienne. Je pense en particulier aux milieux modestes, en banlieue, ou dans des familles très conservatrices.
Christophe Abramowitz/Radio France
Ex-patron de Radio France, président de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais, Jean-Paul Cluzel, 15 ans en 1962, souhaite que l’homosexualité soit mieux acceptée.
C’est inadmissible. Je n’ai jamais vraiment souffert de cela. Mais je sais qu’il y a des ados qui n’ont pas cette chance et qui peuvent être complètement perdus lorsqu’ils sentent sur eux un regard qui revient à les nier dans leur être. Cela mène parfois à la mort : le taux de suicide des adolescents gays est deux fois supérieur au taux moyen. Il me semble important que des gens qui ont réussi dans la vie disent ouvertement “Oui, je suis homo”. C’est une sexualité normale. J’ai dit un jour au Figaro Magazine que l’homosexualité est “un mode de vie naturel, ancien et heureux.” »
recueilli par vincent héRy
« J’ai Vécu un amour platonique » Claude Ponti, auteur et illustrateur de livres pour enfants, avait 15 ans en 1963. Il se souvient, avec tendresse, de la première fille qu’il a aimée. à l’époque, les flirts se vivaient différemment, « les filles symbolisaient la pureté ».
Claude Stephan/Ouest-France
« À l’adolescence, je me suis forcément intéressé aux filles. Au collège, mon premier amour a été platonique. Je suis tombé amoureux d’une fille vraiment très belle. Je ne
l’ai jamais approchée : c’était un idéal. Elle avait compris ce qui se passait et supportait que je la regarde de loin. Une fois, j’avais réussi à trouver un objet qu’elle avait touché. Je l’ai gardé comme une sorte de talisman. Je ne pouvais m’endormir sans penser à elle. Je rêvais à des histoires qui se seraient déroulées pendant la Seconde Guerre mondiale. Je la voyais prisonnière des Allemands sur une île. Et moi, avec mon sous-marin à pédale, je venais la sauver. Au bout d’un moment, elle ne s’est plus laissé regarder. Je suis
passé au stade de l’amour déçu. Cela a été mon premier chagrin d’amour. Vers 18 ans, je suis passé aux étapes suivantes. Aujourd’hui, cette histoire peut sembler “rigolote” mais quand j’avais 14 ans, les choses ne se déroulaient pas comme aujourd’hui. Il y avait quelques “surprises-parties” où l’on dansait. Des couples s’embrassaient, mais ça n’allait pas plus loin. Les parents préféraient que nous regardions les filles avec l’image de la beauté, de la pureté, de la future mère. »
recueilli par vincent héRy
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People
« J’ai failli mourir d’amour deux cent cinquante fois »
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Auteur-compositeur-interprète, Cali, 15 ans en 1983, a fait de l’amour le thème de prédilection de ses chansons. Il nous confie quelques anecdotes de sa jeunesse.
« Quand j’avais 13 ans, je n’osais pas aller voir les filles pour leur dire “je t’aime” ou “je voudrais sortir avec toi”. Je regardais celle que je convoitais de loin et puis je rentrais du collège écouter un vieux Renaud et pleurer dans ma chambre. C’est l’âge où l’on prend tout à cœur : on veut se jeter d’un pont dès qu’on est amoureux. J’ai failli mourir d’amour deux cent cinquante fois. À 15 ans, j’étais fou d’une fille de ma classe, Fabienne. Manque de chance, je suis devenu son ami, pas son petit ami. Grâce à moi, elle est sortie avec un de mes copains. Le plus drôle, c’est que plus tard, à un de mes concerts, elle est venue me voir en coulisses. Je lui ai dit “Fabienne, il y a prescription maintenant, je dois t’avouer qu’à l’époque du lycée, j’étais amoureux
de toi”. Elle m’a répondu : “Moi aussi, j’étais folle de toi.” À 16 ans, je ne me suis pas présenté au lycée à la rentrée. J’avais fugué pour rejoindre une Anglaise que j’avais rencontrée lors de ses vacances en France. Je suis resté deux mois en GrandeBretagne avec elle. Elle voulait qu’on se marie et sa famille était d’accord. Mais, un jour, j’ai téléphoné à mes parents. J’ai parlé à ma sœur qui pleurait parce que j’étais parti. Je suis donc rentré. Aujourd’hui, je suis très nostalgique de mon adolescence. Mon fils a 13 ans. Je le considère toujours comme mon petit bout de chou. Ce qui me fait peur, c’est qu’il connaîtra bientôt son premier chagrin d’amour. » Recueilli par Sabrina Lang et Énora Régnier
« Je me souviens d’une période frustrante » « Je suis né en 1931. Il n’y avait pas de mixité entre les filles et les garçons, ni à l’école, ni ailleurs. Les occasions de les rencontrer étaient relativement rares. Elles semblaient former un monde à part, que nous ne connaissions pas très bien. Un univers à la fois très mystérieux et très effrayant. Je ne croisais des demoiselles que grâce à ma petite
« Je n’étais jamais celui vers lequel les Filles se précipitaient »
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sœur, qui faisait venir régulièrement ses amies à la maison. Lorsqu’on est adolescent, on ne pense qu’aux filles, aux flirts et à l’amour. C’est obsessionnel. C’était difficile d’avoir une telle attirance sans jamais rencontrer de filles. Et puis, j’avais un léger strabisme, on se moquait de moi. Je partais avec un handicap qui était loin de favoriser les contacts. Je n’étais jamais celui vers lequel les filles se précipitaient. Une période très frustrante. À l’âge de 18 ans, j’ai été opéré des yeux. Cela a tout de même facilité les choses. J’ai fait l’amour pour la première fois vers 18 ou 19 ans. Il n’y avait aucun
Mychele Daniau/AFP
L’écrivain et journaliste Gilles Perrault, 15 ans en 1946, n’a pas passé son adolescence dans un milieu mixte. C’est à 18 ans seulement qu’il a commencé à fréquenter les filles.
sentiment, c’était une rencontre sexuelle. Avec des risques, car à l’époque, il n’y avait pas de contraception. Les filles qui couchaient avec un garçon avaient la hantise d’avoir un enfant. »
Recueilli par vincent héry
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Laure Colmant
Histoire
il est né le divin ado
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’adolescence, étape cruciale de la vie dans les sociétés occidentales modernes, n’a pas toujours existé. L’ado, tel que nous le connaissons, n’apparaît qu’au XIXe siècle. Il est alors fils de bourgeois, seule classe sociale à avoir les moyens de favoriser les études. Il a accès au savoir, à la culture et au débat politique. Mais ce privilégié reste soumis à l’autorité du père de famille, de l’école et de la société. Son désir d’émancipation entre parfois en conflit avec cette autorité. On le tient à l’écart pour mieux maintenir l’ordre établi. Sous la IIIe République (1870-1940), la mise en place de l’instruction obligatoire et l’allongement progressif de la durée de vie favorisent l’essor de la notion d’adolescence. C’est l’âge des premières révoltes et du repli sur soi. Les premières revendications de la jeunesse se manifestent à l’école. Le rejet de la discipline scolaire et familiale est à l’origine de ces rebellions qui éclatent dès les années 1870-1880. Parfois, elles ne prennent la forme que d’un chahut à cause d’une sanction trop sévère ou d’une fouille de dortoirs. D’autres fois, la contestation se termine derrière des barricades. Mais plus l’ado se sent opprimé et proteste, plus il paraît incontrôlable aux yeux des adultes. Pour eux, il représente à la fois un danger par ses excès et l’avenir de la société. Il faut alors le cerner, le comprendre, voire le contrôler.
Le jeune pose problème
Ainsi, le système judiciaire définit des cadres législatifs sévères. Des tribunaux pour enfants et adolescents sont créés en 1906. Justiciables à partir de 13 ans, ils peuvent être condamnés à mort : pour la seule année 1901,
11 exécutés sur 18 étaient mineurs. Les milieux scolaires et médicaux étudient eux aussi de près l’adolescence et y voient une période critique, un âge « bâtard », « gauche » ou « ingrat ». C’est à cette époque que naît l’expression « crise d’adolescence ». L’explosion de la sexualité, l’insubordination, voilà tout ce qui effraie la bourgeoisie. Le jeune est un individu déviant, qui « pose problème ». En 1897, le sociologue Émile Durkheim estime que « l’appétit sexuel de l’adolescent le porte à la violence, à la brutalité, voire au sadisme. Il a le goût du viol et du sang ». Et les révoltes lycéennes qui ont éclaté régulièrement depuis 1870 nourrissent cette impression. Au début du XXe siècle, on veut « soigner » ce qui semble être une maladie. Comprendre la psychologie de l’adolescent devient un enjeu considérable afin d’endiguer le développement de la délinquance. Les deux guerres mondiales changent la donne : les jeunes hommes doivent prendre les armes. Ils deviennent indispensables, respectés et entrent directement dans l’âge adulte. Lors du conflit 1939-1945, nombreux sont les lycéens ou les jeunes étudiants à entrer en résistance, tels Claude Lanzmann ou Guy Môquet, militant communiste fusillé à 17 ans par les nazis. La Libération marque un retour en arrière. Les migrations de jeunes provinciaux vers la capitale entraînent la création des premières bandes, souvent stigmatisées. Certains adolescents se retrouvent ainsi marginalisés : drogue, révolte, délinquance… Parallèlement, l’ado invente sa propre culture. La mode, notamment l’apparition du jean, est un moyen de se
démarquer. La musique joue également un rôle prépondérant dans ce processus d’identification : le jazz puis le rock et le rap deviennent, à différentes époques, des musiques « jeunes » par excellence. Mais l’ado « moderne » n’apparaît vraiment qu’en Mai 68, cristallisant contre lui débats et tensions sociales. Aujourd’hui, il est considéré comme un individu à part entière avec des caractéristiques définies et une représentation sociale claire. Pour autant, on a encore du mal à définir les limites et à cerner tous les enjeux de cet âge. De nouvelles expressions pour en saisir la complexité, comme préadolescence ou postadolescence, naissent dans les années 2000. Les « adulescents », ces adultes qui refusent de grandir, la prolongent même bien après sa fin supposée. Ils demeurent ados dans l’âme, jusqu’à 30 ans ou 40 ans.
Gabriel Kenedi, Vivien Leroux et éNora Régnier
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Sujets de toutes les attentions, les adolescents jouissent aujourd’hui d’une image valorisante. Mais il n’en a pas toujours été ainsi...
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Laure Colmant
Manga, jeux vidéo, cosplay ; les divertissements nippons attirent de plus en plus de passionnés. C’est la 12e édition de la Japan Expo, vous pourrez y rencontrer des Naruto, des Sangoku et autres personnages de manga, grandeur nature. Du 30 juin au 3 juillet 2011, parc des expositions de Paris-Nord, Villepinte.
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PAGES PRATIQUES
« Le rêve est nécessaire quand s’achève à jamais le temps de l’adolescence » Claude Jasmin
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Deux jeunes filles se rencontrent dans le train qui les mène à Tokyo. L’une est une musicienne punk rock, un peu dure, secrète. L’autre est rêveuse, rigolote, sensible et ne rêve que de garçons. Ces deux-là n’ont en commun que leur prénom : Nana. Elles deviendront pourtant les meilleures amies du monde. L’auteur, Ai Yazawa nous fait découvrir la vie de deux jeunes Japonaises modernes, et on se rend ainsi compte que leurs préoccupations sont finalement assez proches des nôtres. Nana, Ai Yazawa, éditions Delcourt/Akata, 21 volumes, 6,95 euros par livre. Également un dessin animé, un coffret DVD, un film et un CD.
Laure Colmant
JAPAN EXPO
JUSTINE CANONNE, GABRIEL KENEDI, SABRINA LANG, MARIE TARTERET, CLARA VINCENT, ÉMILIE WEYNANTS
UN PHARMACIEN EST OBLIGÉ DE DÉLIVRER LA PILULE DU LENDEMAIN
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ENTRE LES MURS
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La vie d’une classe dans un collège difficile. François, prof de français, tente d’enseigner à ses élèves qui ont un langage bien différent du sien. Le film, sorti en 2008, a reçu six prix, dont le César de la meilleure adaptation. Réalisé par Laurent Cantet, avec François Bégaudeau.
Pour les parents qui ont du mal à comprendre leurs ados, voilà la solution. Le livre répond à toutes les questions qu’ils se posent : que font-ils sur MSN ? Pourquoi sont-ils aussi perdus sans leurs amis ? Les ados expliqués aux parents, MarieRose Moro, Bayard Centurion, 2010, 299 pages, 18,50 euros.
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Selon la loi du 9 janvier 2002, la contraception d’urgence peut être délivrée aux mineures de manière anonyme et gratuite par les pharmaciens, qu’il y ait ou non prescription médicale. Mais, avant de vendre la pilule du lendemain, le pharmacien doit s’entretenir discrètement avec sa cliente afin de s’assurer que sa demande est justifiée. Il doit juger de l’urgence de la situation et vérifier qu’elle coïncide aux conditions d’utilisation de la contraception. Il s’engage également à l’informer sur les méthodes contraceptives. La pilule du lendemain ne peut se prendre que dans les trois jours suivant un rapport non ou mal protégé. Hors ces conditions, il peut refuser la vente.
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VRAI ET FAUX
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Juno, de Jason Reitman, avec Ellen Page et Michael Cera.
« La maladie de l’adolescence est de ne pas savoir ce que l’on veut et de le vouloir cependant à tout prix »
Pourquoi les adolescents adoptent-ils des conduites à risque ? C’est simple comme un jeu de cartes. Quand ils y jouent, ils privilégient toujours une stratégie hasardeuse à une stratégie peu risquée. C’est ce qu’a observé la psychologue américaine Jessica Cohen. Quand ils prennent un risque, leur cerveau fait une prédiction : « je prends beaucoup de risques en jouant cette carte», sous entendu « Je vais perdre ». S’ils gagnent, leur cerveau détecte une erreur de prédiction : « J’ai gagné alors qu’en toute logique, j’aurais dû perdre. » Ce qui stimule une zone cérébrale nommée le « circuit de détection des erreurs de prédiction ». Cette zone est extrêmement sensible chez l’adolescent.Lorsqu’elle s’active, il en retire un plaisir intense. Un jour, la conscience du danger finira par contrebalancer l’attrait que ce risque exerce sur un jeune cerveau épris de sensations. Source : http://www.cerveauetpsycho.fr. Juillet 2010.
L’espace « Appel d’air »
L’espace Appel d’air, situé au Bureau information jeunesse (BIJ) de Tours, propose aux jeunes âgés de 15 à 25 ans une aide à l’arrêt du tabac. On peut y faire le point librement sur sa consommation. Des groupes de parole sont organisés. Une prise en charge individuelle est également possible. Des médecins tabacologues qui collaborent avec l’association reçoivent les jeunes dans leur cabinet. Les deux premiers mois, le traitement est gratuit. BIJ – Espace « Appel d’air », 78, rue Michelet, 37000 TOURS. Tél. : 02 34 30 30 00.
D. Le Breton et D. Marcelli, Dictionnaire de l’adolescence et de la jeunesse, éditions Quadrige PUF, 2010, 35 euros.
A. Braconnier (dir.), L’adolescence aujourd’hui, éditions Erès, 2009, 10 euros. DR
Réfs
Philippe Sollers
à l’adolescence, prendre des risques procure un plaisir intense
no et moi
glee
Lou a 13 ans. Douée à l’école, elle se propose de faire un exposé sur les sans-abri et d’en rencontrer. Ce sera No, une jeune ado qui vit dans la rue. Les deux filles se lient d’amitié. Le livre est devenu un film délicat réalisé par Zabou Breitman No et moi, Delphine de Vigan, C. Lattès, 2010, 285 pages, 14 euros.
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Le «glee club » est le groupe de la chorale du lycée. Totalement ringard, il tente, sous l’impulsion d’un enseignant revivant son rêve de jeunesse, de se faire un nom en gagnant une compétition. Derrière la légèreté apparente, la bonne humeur et les airs de Rihanna ou de Beyoncé, sont abordés des problèmes adolescents plus sérieux : grossesse, homosexualité non assumée, recherche de soi. Gros succès auprès des 16/17 ans. Le DVD de la saison 1 sera disponible à la Fnac le 27 avril, 20th Century Fox, prix non communiqué.
julien bernier
Sorti en 2007, le film raconte l’histoire d’une jeune ado de 16 ans qui tombe enceinte et choisit de mener sa grossesse à terme. Puis décide de trouver le couple parfait pour adopter son bébé.
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Juno
Un stérilet ne peut se poser qu’après avoir eu au moins un enfant
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Un stérilet peut être posé dès l’adolescence chez des femmes qui n’ont jamais eu d’enfant. Il suffit de se rendre chez son médecin qui le pose à l’intérieur de l’utérus. Cette méthode contraceptive baptisée aussi dispositif ultra-utérin (DIU) est fiable de 97 % à 99 % selon le Planning familial. Il ne peut se garder qu’entre trois et cinq ans. Le stérilet ne protège pas des maladies sexuellement transmissibles (MST). On peut l’enlever dès que la femme le désire. Ce geste est également assuré par un médecin. Dès cet instant, Il est impératif de recourir à un autre contraceptif.
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pratique « L’adolescence n’est-elle pas une merveilleuse crise de folie qu’il ne faut pas laisser passer sans trancher dans le vif de ses sensations » Dominique Blondeau
Après la mode chez les adolescents, la journaliste Mélinda Triana s’intéresse à l’amour. Caméra à l’épaule, elle va là où l’amoureux est choisi avec précaution, où les mots doux doivent s’écrire sans faute d’orthographe. où les garçons ont toujours peur des filles. Un documentaire touchant et drôle. Site web : http://documentairestreaming.com
Anne Vince
amours, sexe et rateaux
« La jeunesse Il n’y a pas de risque de grossesse si on n’oublie grandit dans qu’une seule fois de prendre sa pilule un domaine qui n’est qu’à elle, où Les spécialistes s’accordent à le dire : dans ce cas, une grossesse ni l’ardeur est possible et, ce, même si la pilule a été prise à horaires du ciel, ni réguliers les autres jours. Comme tous les moyens de la pilule n’est pas fiable à 100 % et un oubli la pluie, ni contraception, augmente les risques de grossesse. On ne peut pas le « rattraper » les vents ne en prenant deux comprimés le lendemain. Si un doute persiste, viennent il est conseillé de recourir à la contraception d’urgence. Si le l’émouvoir » même mois, le cycle menstruel est retardé ou modifié, il est
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conseillé de faire un test de grossesse.
Sophocle
P. Jeammet, Anorexie, boulimie. Les paradoxes de l’adolescence, éditions Hachette Littérature, 2009, 6,90 euros.
Contacts
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P. Huerre, M. Pagan-Reymond et J-M. Reymond, L’adolescence n’existe pas, éditions Odile Jacob, 1997, 14 euros.
Troubles du comportement alimentaire/ Associations de parents
Sites web pour adolescents
Allo Anorexie Boulimie 44 39, rue Félix-Thomas 44000 Nantes 06 31 15 57 31 http://www.allo-anorexieboulimie-44.com/
Lirado est un site de conseil en littérature. Sa créatrice, une jeune fille de 20 ans, étudiante en lettres modernes, option documentation, y partage les livres qu’elle a lus et qui lui ont plu. Elle propose des fiches de lecture avec critiques détaillées, des notices bibliographiques et des interviews de quelques auteurs : http://www.lirado.com
Charlotte Ensemble c’est tout ! 100, rue de Lille 59200 Tourcoing Site en construction : www.anorexie-boulimie. org E-mail : charlotteensemble@ yahoo.fr Association Enfine 5, passage du Génie 75012 Paris 01 40 72 64 44 Site web : http://www. enfine.com
Groupe de parole pour les proches à Tours groupeproches.tours@ enfine.com Pour retrouver les associations et structures médicales spécialisées près de chez vous Fédération nationale d’associations des troubles du comportement alimentaire (FNA-TCA) Site web : www.fna-tca.fr E-mail : contact@fna-tca. com
Un site qui répond à la plupart des préoccupations des jeunes, à savoir activités physiques, art corporel (comprendre tatouages, piercings), nutrition, santé mentale, santé physique, violence : http://adosante.org/index.php Informations et débats sur des thèmes tels que la contraception (lancé après le constat sur le nombre trop important d’IVG de mineures en France), la sexualité (première relation, sex toys, etc.), la psychologie (Es-tu influençable ? L’impression de déjà vu…) : http://www.tasante.com Un forum sur des sujets très divers, de l’acné au coup de blues en passant par les addictions, la contraception… http://forum.ados.fr/forum-sante/liste_categorie.htm
Structures spécialisées dans le traitement du cancer chez les adolescents L’Institut Gustave-Roussy a une triple vocation : hôpital, centre de recherche et école de cancérologie. 114, rue édouard-Vaillant 94805 VILLEJUIF 01 42 11 42 11 Site web : http://www.igr.fr CHU de Clermont Ferrand – Site de l’Hôtel-Dieu bd Léon-Malfreyt 63058 CLERMONT-FERRAND Cedex 1 04 73 75 07 50 Site web : http://www.chuclermontferrand.fr Espace méditerranéen de l’adolescent i 270, bd Sainte-Marguerite 13009 MARSEILLE 04 91 74 49 08 Site web : http://www.ap-hm.fr
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Billet
Je me souviens...
... de ma première peine de cœur. Elle s’appelait Charline. Le jour où je me suis décidé à l’aborder, elle était partie. ... à 11 ans, j’avais un appareil dentaire. Mon surnom : le chemin de fer. Sympa. ... de ma première cuite, à 14 ans. Seul souvenir : mon père, en slip, qui a ouvert aux gendarmes qui me ramenaient. … de ma première sortie de classe, en sixième. On allait au cinéma en bus. En arrivant, j’ai vomi devant tout le collège. … de notre squat avec ma bande. Une maison en ruine réaménagée. On se retrouvait tous les week-ends pour discuter, manger, picoler. … de mon appareil dentaire de nuit ridicule. Quand mon frère invitait des amis, ils toquaient à la porte de ma chambre pour se moquer de moi. ... que j’ai porté un corset de 12 à 19 ans. Mes copains m’appelaient Tortue ninja et ils criaient « Kowabunga » dès que je passais.
Notre préféré
Je me souviens que j’ai porté un corset de 12 à 19 ans. Mes copains m’appelaient Tortue ninja et ils criaient « kowabunga » dès que je passais.
... de mon premier joint. Je suis retourné en cours complètement stone. Après ça, difficile de lire un texte à haute voix en espagnol. ... du jour où je suis devenue une femme. Toute la famille a été mise au courant. Mes cinq tantes m’ont mis une gifle. Tradition familiale pour fêter l’événement. ... du jour où je me suis fait renverser par une voiture. Après deux saltos, seul réflexe : vérifier que mon jean n’était pas déchiré. ... de la première fois que j’ai fait le mur. La maison grinçait de partout. J’ai mis une demi-heure pour sortir sans faire de bruit. ... de ma première cigarette avec ma meilleure amie. J’ai pensé au chewing gum mais pas à ranger les allumettess.
… du jour où je suis devenue petite. Mes copains ont grandi d’un coup. Me laissant seule avec ma petite taille.
... de la soirée pour fêter le bac. Je n’en ai pas vu grand-chose. À partir de minuit, j’avais la tête dans un seau pour vomir.
... du jour où je suis tombée de ma chaise en cours. Ma prof m’avait pourtant prévenue. Je suis tombée sur la tête : direction l’infirmerie.
... j’étais complexée par mes non seins. En été, j’étouffais sous un gilet. Premier débardeur à 15 ans : une petite victoire personnelle.
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Agenda
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Bâtir un avenir durable et solidaire Val Touraine Habitat, Office Public de l’Habitat de l’Indre-et-Loire La démarche de Développement Durable initiée par Val Touraine Habitat qui favorise écoute, dialogue et proximité, dans le cadre de l’Agenda 21, remporte une forte adhésion des Tourangeaux. C’est la principale indication de l’enquête de satisfaction 2010. En effet, 89 % des locataires ont exprimé leur satisfaction, plébiscitant particulièrement l’accueil, ainsi que les actions sociales et environnementales.
Ensemble, poursuivons cette démarche d’a mélioration de la qualité de service.
Le Forum des locataires : un lieu de dialogue et de concertation très apprécié
La formation des locataires «Visa Eco-citoyen» : une initiative unique en France !
Création : Mille et une…
...................................................................... 1er prix national du Concours EDF «Bas carbone» à Saint-Pierre-des-Corps
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Une nouvelle gestion biologique de nos espaces verts ( jardins partagés, jachères fleuries, compostage collectif...)
Forum des locataires, formations gratuites «Visa Eco-Citoyen», Plan zéro pesticide pour les espaces verts, nouvelle Gestion des relations clients, rénovations de qualité, économies d’énergie, préservation de l’environnement, consolidation du lien social… autant d’initiatives reconnues et appréciées.
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ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ • AMÉNAGEMENT • RENOUVELLEMENT URBAIN • AMÉLIORATION DU PATRIMOINE
> www.valtourainehabitat.fr