Innova n°22. Le travail change de peau

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HORS SÉRIE SÉSAME - MAI 2015 - N°22 - 2 EUROS MAGAZINE ANNEE SPECIALE ET LICENCE EN JOURNALISME - EPJT - IUT DE TOURS

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INSERTION LA GALÈRE DU PREMIER EMPLOI LA FRANCE À LA TRAINE

LECHANGE TRAVAIL DE

PEAU

MÉTRO, BOULOT, DODO, C’EST TERMINÉ ? EN TOUT CAS, ON ESSAIE D’Y ÉCHAPPER. DES INNOVATIONS ET DE NOUVELLES ORGANISATIONS BOUSCULENT LES HABITUDES. POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE. Samus. Ihictestiore nonsequia doluptatqui autem quistio nsequas simenderio cuscil int veleseque re, culpari beatem earumqui rem sent. Riberuntibus. Ribus dolorionet ex eate vid quibus mi, qui ipsam rem. InAs re maioritis estior apiet, cor aut el imil ex estrum aborece struntur assimin ihicima pera quae nonse labo. Et es do

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BONHEUR

TOUS HEUREUX AU TRAVAIL ! LES ENTREPRISES SE LIBÈRENT LES ESPACES SE PARTAGENT


O

TRAVAIL 3.0

n peut pas arrêter de parler boulot ? » Eh bien non, car le travail reste l’une des premières préoccupations des Français. Il y a ceux qui en ont, parfois trop, et ceux qui en voudraient bien. Au départ, nos idées de sujets tournaient autour de la précarité. « De toute façon, le travail, y en a plus. » Mais nous ne voulions pas tous tomber en dépression. La première réunion de rédaction a été laborieuse, nous nous sommes rendus compte que nous avions beaucoup de pain sur la planche. Le travail, c’est la santé ? Étymologiquement, c’est la torture. Il a raison, Pierre Carles : « Attention danger travail. » Chômage, souffrance, exclusion, nous n’avons pas eu de mal à trouver des gens pour nous en parler. Nous ne nous y attendions pas, mais ces témoignages ont fait écho à notre expérience au sein de la rédaction. Difficile de sortir d’un système ancré dans notre culture : hiérarchie, procédure, évaluation, présentéisme… Cette organisation du travail, vous la connaissez tous. Soucieux de votre bien-être, nous avons décidé de vous parler également de ces gens épanouis dans leur boulot. De ceux qui mettent du cœur à l’ouvrage. Ils inventent les métiers de demain et parient sur l’autonomie et la confiance. Ce que nous avons aussi découvert, c’est l’émergence de nouvelles formes de travail, axées sur le partage et la coopération. Du bleu de travail à la cravate, de l’usine au bureau, de l’humain au robot… Difficile d’illustrer le monde professionnel. Ni tout noir ni tout blanc, il est aujourd’hui en pleine mutation. LES ÉTUDIANTS DE LA RÉDACTION

P.S. Tout au long de ce magazine, vous trouverez des QR codes que vous pourrez flasher avec votre Smartphone ou votre tablette. Vous accéderez ainsi à des contenus textes, vidéos et photographiques qui enrichiront votre réflexion et votre expérience de lecture.

Innova Tours n°22. Mai 2015. Hors série Sésame. Année spéciale de journalisme, école publique de journalisme de Tours / IUT de Tours, 29, rue du PontVolant 37002 Tours Cedex, Tél. 02 47 36 75 63 ISSN n° 02191-4506. Directrice de publication et rédactrice en chef : Laure Colmant. Coordination éditoriale : Mathias Hosxe (SR), Frédéric Pla (DA). Rédaction : Lina Bensenouci, Clarisse Boulain, Florian Cadu, Justine Cantrel, Iris Chartreau, Thomas Chatriot, Pauline Darvey, Nadi Driamina, Yaëlle Kahn, Thomas Laborde, Hugo Lanoë, Célia Mascré, Emma Pfister, Julien Privat, Quentin Raillard, Cécilia Sanchez, Guillaume Sauzer, Camille Sellier, Nathalie SimonetPicard. Secrétariat de rédaction : Florian Cadu, Pauline Darvey, Nadi Driamina, Yaëlle Kahn, Thomas Laborde, Célia Mascré, Camille Sellier, Nathalie Simonet-Picard. Maquette : Lina Bensenouci, Clarisse Boulain, Justine Cantrel, Iris Chartreau, Hugo Lanoë, Emma Pfister, Julien Privat, Quentin Raillard, Guillaume Sauzer. Iconographie : Thomas Chatriot. Photo couverture : Thomas Chatriot avec l’aide d’Hugo Lanoë et Emma Pfister. Publicité : Julien Privat, Quentin Raillard. Imprimeur : Alinéa 36, Châteauroux. Remerciements : Franck Azzopardi, Le Bar Floréal, Éric Grelet, Pierre Pauma, Raphaël Helle, Image in Tours, Inspection du travail (37), Kennejima, Lasserpe, Miss Lilou, Nicolas Monmarché, Protect’homs, Enza Robertazzi.


SOMMAIRE

MON COLLÈGUE EST UN ROBOT // 16

Les robots envahissent les usines. Mais que deviennent les ouvriers ?

« LE TRAVAIL DEVIENT VALORISANT » //4

LA SOLIDARITÉ SOUS LE MANTEAU // 18

PRESSION À TOUS LES RAYONS // 6

INACTIFS LUCRATIFS

Dans la grande distribution, l’organisation du travail pèse sur les salariés.

Le bien-être au travail, c’est possible.

// 8

À Détroit, Veronika Scott a créé un manteau duvet pour les SDF.

L’ENTRAIDE AU FÉMININ // 38

Face aux inégalités au travail, les femmes s’unissent.

MAUVAISE PASSE POUR LES SALARIÉS // 40

COLOC DE BUREAU

DES MÉTIERS QUI ONT DE L’AVENIR // 42

// 11 Le coworking : un espace de travail partagé.

VENT DEBOUT CONTRE L’ÉCHEC // 15

Portrait d’un ex-patron qui a su rebondir.

20 PORTFOLIO LE SOLEIL EST COUCHÉ MAIS PAS EUX. COMME MANSOUR DIAKHATE, LES TRAVAILLEURS DE NUIT COMMENCENT LEUR “JOURNÉE”.

// 37 Quand les entreprises privées font leur beurre sur le dos des chômeurs.

PASSE TON CDD D’ABORD // 10

Abus de CDD, pénurie de CDI.

25 DOSSIER INSÈRE-TOI SI TU PEUX PAS FACILE DE DÉBUTER SA CARRIÈRE. EN FRANCE, LES OBSTACLES SONT NOMBREUX MAIS PAS TOUJOURS INSURMONTABLES.

Dans les clubs de ligue 2, l’avenir des employés se trouvent entre les pieds des joueurs.

Streamer, économe de flux, rudologue… Les métiers que vous ne connaissez pas encore.

PRATIQUE

// 45

Justine Cantrel

Le sociologue Olivier Cousin décrypte les nouvelles attentes des salariés.

HEUREUX COMME UN POISSON AU BOULOT

André Lejarre / Le Bar Floréal Justine Cantrel

HORS SÉRIE SÉSAME - MAI 2015 - N°22 - 2 EUROS

MAGAZINE ANNEE SPECIALE ET LICENCE EN JOURNALISME - EPJT - IUT DE TOURS

34 HISTOIRE DES GROS BRAS AU CŒUR D’ACIER 23 MARS 1979, LES SIDÉRURGISTES CRIENT LEUR COLÈRE.


Photos : Iris Chartreau et Guillaume Sauzer

ENTRETIEN

‘‘LE TRAVAIL DEVIENT PLUS VALORISANT’’

POUR LES SALARIÉS, LE TRAVAIL DEVRAIT ÊTRE UN LIEU D’ÉPANOUISSEMENT. OLIVIER COUSIN, SOCIOLOGUE, DÉCRYPTE CES NOUVEAUX BESOINS, PAS TOUJOURS SATISFAITS, ET LA SOUFFRANCE PSYCHOLOGIQUE QUI DÉCOULE DE CETTE SITUATION. INNOVA . Qu’est-ce qui a changé dans la valeur travail aujourd’hui ?

Olivier Cousin. Les attentes sont devenues plus fortes et exigeantes. Il y a différents éléments qui l’expliquent : l’augmentation du niveau de qualification, le fait que le travail soit devenu moins contraignant et qu’il offre plus d’autonomie, de responsabilités et de perspectives. Les possibilités d’évolutions sont plus ouvertes. Dans les années soixante-dix, les gens trouvaient un poste et n’en changeaient quasiment jamais. Dans une carrière aujourd’hui, on peut changer de métier plusieurs fois. Ces éléments transforment la valeur travail et sa nature même évolue. Il devient

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plus valorisant et les individus se détournent des emplois pénibles. Depuis la fin du modèle industriel, il y a une trentaine d’année, les attentes augmentent, mais le marché du travail, lui, ne suit pas. L’insatisfaction s’est paradoxalement développée : ce phénomène n’existait pas dans les années soixante où la pénibilité allait de soi, tout comme le fait de trouver un emploi.

La peur de se retrouver au chômage conduit les travailleurs à accepter de plus en plus de situations intolérables Innova 2015

Trouver un emploi sans qualification est devenu quasi impossible. Comment expliquer ce blocage dans le monde du travail ?

O.C. La France a beaucoup investi dans la formation. Le niveau de qualification a nettement augmenté. Parallèlement, les travaux non qualifiés ont presque tous disparus. Les péages, par exemple, sont automatisés et vous achetez votre ticket de train à une borne et non plus à un guichet. Pour des métiers qui demandent très peu de qualification, on fait appel à une main-d’œuvre étrangère. Les jeunes Français n’acceptent plus ce genre de travaux : c’est l’une des problématiques auxquelles sont confrontées les agences d’intérim. La


ENTRETIEN main-d’œuvre non qualifiée coûte trop cher par rapport à la valeur ajoutée qu’elle apporte aux entreprises. L’Allemagne ou l’Angleterre ont su absorber cette population, mais ses revenus sont très faibles. La France, elle, défend les droits des insiders, ceux qui sont déjà employés, mais au prix d’un fort taux de chômage.

Si les individus sont beaucoup plus exigeants face au travail, quels sont les critères du bien-être ou du bonheur au travail ?

O.C. Le travail est désormais considéré comme un lieu d’initiative et d’épanouissement. Le bonheur au travail peut s’obtenir par l’aspect matériel. Le salaire doit correspondre aux besoins, au niveau de qualification ainsi qu’aux responsabilités. Le travail peut aussi être source de bonheur grâce à son contenu. Il doit être intéressant et ouvrir des perspectives de carrière. Il faut s’y sentir bien, avoir de bonnes relations avec les autres, pour que chacun trouve sa place dans le collectif. La question du sens est aussi très importante. Je dois savoir à quoi sert mon activité et il faut que les autres arrivent à en saisir la valeur. Les individus ne veulent pas être des pions aux regards de leurs collègues ou de leurs supérieurs. Le problème, c’est que dans la société, les gens ont le désir de réunir tous ces critères. C’est pratiquement impossible et cela engendre des frustrations.

La souffrance physique diminue avec la disparition des métiers manuels. Pourtant, le travail devient une vraie source de souffrance psychologique. Pourquoi ?

O.C. À l’ère industrielle, les travailleurs exécutaient leurs tâches mécaniquement. Lorsqu’il y avait un problème dans le travail à la chaîne, la faute venait des patrons. Mais aujourd’hui, le travailleur est soumis à une forte contribution et il doit faire preuve de plus d’engagement envers l’entreprise. Le manque de productivité ou de résultats financiers est en quelque sorte intériorisé par les employés et devient une source de mal-être. La

OLIVIER COUSIN EN QUELQUES MOTS…

Sociologue du travail, Olivier Cousin a enquêté sur les salariés peu qualifiés dans les centres d’appels ainsi que sur les cadres et leur rapport au travail. Dans Travailler au XXIe siècle, coécrit notamment avec la sociologue Dominique Meda et publié aux éditions Robert Laffont, il s’intéresse à la reconnaissance du salarié dans l’entreprise. Il est également professeur de sociologie à l’université Bordeaux-II et chercheur associé au Centre d’analyse et d’intervention sociologiques.

pression est d’autant plus grande que la rentabilité s’associe à l’image de la performance. Les individus doivent faire plus que ce que l’on attend d’eux. Il y a aussi l’aspect relationnel. Dans le monde ouvrier, la souffrance était un élément de lutte. Elle était en partie compensée par le collectif. Mais ce concept a explosé dans les années quatrevingt. Les individus se sentent seuls face à leurs responsabilités et à leur hiérarchie, ce qui les rend plus vulnérables. Le sociologue Christophe Dejours explique la souffrance par la peur. Celle de mal faire, de ne pas être à la hauteur et, bien sûr, de se retrouver au chômage. Cela conduit les travailleurs à accepter de plus en plus de situations intolérables. Que pensez-vous de la réduction du temps de travail ?

O.C. Il y a des points positifs, avec la création d’un certain nombre d’emplois. Mais elle a aussi eu des effets négatifs, en perturbant l’organisation dans certains milieux. Les 35 heures ont aussi placé les gens devant cette interrogation : que faire de son temps libre ? Ce temps reste 2015 Innova

toujours compliqué à gérer et la réduction du temps de travail a augmenté les inégalités dans la disposition de ce temps libre.

Comment évoluent les inégalités entre hommes et femmes dans le monde du travail ?

O.C. Outre la rémunération, l’une des grandes inégalités qui perdure, c’est l’articulation entre le temps de travail et celui consacré à la famille. C’est « la double journée » : la vie familiale est toujours majoritairement prise en charge par les femmes, ce qui les pénalise. Il faut que le monde du travail intègre cet aspect dans son organisation. Parce que la conséquence de ce phénomène, c’est l’invisibilité du travail féminin. Par exemple, une femme qui doit s’occuper de ses enfants ne peut pas assister à une réunion le soir. Une femme de moins de 35 ans sera aussi toujours vue comme potentiellement enceinte. Elle pourra être écartée d’un poste à cause de cela. Ce qui est de l’ordre de la vie privée n’est pas pris en charge par le travail.

RECUEILLI PAR IRIS CHARTREAU ET GUILLAUME SAUZER

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MANAGEMENT

PRESSION À TOUS LES RAYONS

 Ils s’appellent Catherine, Tahar, Véronique, Pascal (certains prénoms ont été changés). Vendeurs, hôtesses de caisse ou chefs de rayon, ils subissent une organisation du travail oppressante. Comme 41 % des Français, ils se déclarent stressés par le travail. Depuis les années quatre-vingt, les techniques de gestion appelées the new public management se diffusent dans tous les secteurs. Leur objectif ? Améliorer la productivité. Leur méthode : diminuer les effectifs, intensifier la charge de travail, l’individualiser. La grande distribution est un parfait exemple de l’application de ce type de management.

HORAIRES ET CONTRÔLES ABUSIFS, ­OBJECTIFS, ­INATTEIGNABLES… LA COURSE À LA PRODUCTIVITÉ DANS LA GRANDE DISTRIBUTION CASSE LES EMPLOYÉS, DÉSARMÉS.

TRAVAIL PRESCRIT, TRAVAIL RÉEL

Jonathan était manager dans un commerce indépendant. Ces méthodes de gestion, il les a appliquées. Aujourd’hui, il les dénonce. Il a pu constater la souffrance des hôtesses de caisse notamment. Tout au long de l’année, elles sont soumises à une évaluation individuelle. Temps d’attente, nombre de produits scannés, de clients fidélisés… Tout indicateur de performance est évalué. « J’en ai vu pleurer pour des erreurs de caisse », ­assure

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Innova 2015

Véronique. Dans son magasin, l’objectif est de ne pas dépasser 5 euros d’erreur de caisse par an. Ce jour-là, sa collègue, en une seule fois, avait perdu toutes ses chances de toucher la prime de fin d’année. Donner le meilleur de soi, oui. Mais il y a un moment où l’on atteint ses limites. « Les hôtesses de caisse scannent en moyenne une tonne de produits par heure, explique Marie Pezé, psychanalyste et spécialiste de la souffrance au travail. » De la caisse à la mise en rayon, du chef de secteur au manager, toute l’année, la productivité est surveillée. Pour Jonathan, « l’humain est oublié. Profits et bénéfices passent avant tout. » Fixer des objectifs est devenu la norme. Il y a un réel fossé entre le travail « prescrit », tel que la direction voudrait qu’il soit fait, et le travail « réel », tel qu’il est faisable. « La direction ne prend pas en compte la réalité du terrain », considère Tahar, assistant de vente et responsable syndical dans une grande enseigne. « Si les chiffres sont mauvais, c’est de ta faute », s’agace Tahar. Les conséquences sur le moral sont immédiates : sentiment de culpabilité, dévalorisation de

Julien Privat

Seuls Seuls face face àà une une organisation organisation qui qui les les dépasse, dépasse, les les employés employés subissent. subissent.


MANAGEMENT

ET LE CODE DU TRAVAIL DANS TOUT ÇA ?

Certains cumulent des heures supplémentaires. Dans le commerce, le temps de travail n’est pas toujours respecté. Chaque soir, à la fermeture du magasin, Catherine compte sa caisse pendant quinze minutes. Quinze minutes qu’elle déclarait à son employeur puisqu’elle dépassait son quota horaire. « Un jour, j’ai été convoquée. On m’a dit que je n’avais pas à être payée pour ce quart d’heure supplémentaire », s’indigne-t-elle. Elle a finalement cédé. Heures supplémentaires non déclarées, quota horaire dépassé, pauses déjeuner trop courtes, etc., Jonathan affirme que « le code du travail est bafoué ». Ariane Belliat, avocate du travail, estime que la hiérarchie n’est pas systématiquement à blâmer. « Nul n’est censé ignorer la loi, explique-t-elle. Mais il ne faut pas tomber dans le poncif du ­méchant employeur face au gentil salarié. Le patron aussi est soumis à des pressions. » Avec le new public management, aucune marge de manœuvre n’est envisageable. À toutes les échelles de la hiérarchie, on souffre. Même les responsables syndicaux le reconnaissent. Tahar se souvient avoir vu l’un de ses cadres rattrapé par le directeur pour faire le point sur ses chiffres. Après l’entretien, l’homme était livide. « Dans l’encadrement, c’est l’omerta, soutient Tahar. Ils n’osent rien dire. Je n’aimerais pas être à leur place. » En salle de pause, les employés se plaignent. Mais rarement auprès de leur patron. Ils ont peur du licenciement. Ils savent bien qu’ils exercent un travail non qualifié, qu’ils ne sont pas indispensables à leur magasin. « On pense en France que le salarié n’apporte rien à l’entreprise, déplore Marie Pezé. Il doit être flexible à l’infini. On peut faire faire n’importe quoi à n’importe qui. »

« L’humain est oublié. Profits et bénéfices passent avant tout » JONATHAN, ANCIEN MANAGER DANS LA GRANDE DISTRIBUTION

Les syndicalistes et les représentants du personel sont peu nombreux dans la grande distribution. Ce n’est pas dans la culture du secteur. Catherine a hésité : « Je voulais me syndiquer car j’avais été humiliée. Mais les gens craignent pour leur boulot. » Quand certains osent le syndicalisme, il arrive qu’ils soient persécutés. Seuls les élus du personnel sont difficilement licenciables. Ils son quasi intouchable. La direction ne peut que faire pression sur eux pour les pousser à la démission. Christian, cégétiste dans un grand ­magasin, en est à sa onzième « tentative de licenciement ». Pascal, responsable syndical, vit le même problème. Depuis quatre ans, il subit un harcèlement quotidien savamment orchestré par sa direction. « Ils manipulent certains salariés pour les monter contre moi », affirme-t-il. Face à un management de plus en plus menaçant, l’isolement et l’individualisme sont rois. Notre société altère la valeur du travail. « Il n’est plus pensé comme un équilibre, comme un pacificateur social », explique Marie Pezé. Le collectif est brisé. Tous sont fautifs. Du laxisme des politiques aux salariés qui alimentent la machine tous les jours. Bienvenue dans ce « cynisme moral ambiant » tel que le décrit Christophe Dejours dans Le Choix. Souffrir au travail n’est pas une fatalité*. Ambiant, car de la fonction

Thomas Chatriot

soi. « Quand votre travail est remis en question, vous ressentez de l’injustice, explique Catherine, employée dans la grande distribution. » Dans ce grand jeu du profit, le salarié est un pion qu’on peut jeter à son gré. À Mulhouse (68), dans une grande surface, le nombre d’employés est passé de 450 à 350 en cinq ans. Départs en retraite non remplacés, ­licenciements, les salariés restants sont ­désormais soumis à une surcharge de travail. Les effectifs à temps plein ont été remplacés par des contrats étudiants à temps partiel. « Suite aux départs, il a fallu mettre les bouchées doubles », confirme Pascal, vendeur. Le sous-effectif oblige alors les salariés à être polyvalents, à occuper plusieurs postes.

Heures sup non payées, pauses déjeuner trop courtes… Le code travail est souvent bafoué

­ ublique au secteur privé, du poste de direcp teur des ressources humaines à celui d’hôtesse de caisse, partout le travail est organisé de manière pathogène. Derrière le sourire d’un collègue se cache peut-être un mal-être au travail. Et derrière le vôtre ? JUSTINE CANTREL,

HUGO LANOË ET CAMILLE SELLIER

(*) Éd. Bayard, février 2015, 238 p., 19 euros. 2015 Innova

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La fish philosophy, nouvelle organisation du travail, est née sur le marché aux poissons de Pike Place à Seattle. Un endroit où on travaille en s’amusant.

Heureux comme un poisson au boulot TRAVAILLER DANS UNE BONNE AMBIANCE, AVEC MOINS DE HIÉRARCHIE Et, EN PRIME, UNE AMÉLIORAtION DES RÉSULtAtS… Et SI L’ENtREPRISE SE MEttAIt AU BONHEUR ? « Mon autorité s’exprime dans le fait que ce sont les autres qui prennent des décisions. On réduit la hiérarchie pour créer les conditions de l’épanouissement. » Pour rendre les salariés heureux, abolissons la hiérarchie : voilà la méthode que Frédéric Lippi a adopté pour Lippi. Cette société familiale de fabrication de grillages emploie 240 personnes. présomption de confiance

C’est le principe des entreprises dites « libérées ». Un principe qui a 30 ans mais qui s’impose de plus en plus. L’idée : régénérer l’intelligence collective en redonnant le pouvoir aux salariés. Parier sur l’autonomie pour évi-

ter la frustration et favoriser l’engagement. Le résultat est flagrant : certaines entreprises libérées, quel que soit leur domaine d’activité, ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 15 %. Chez Lippi, on fabrique des grillages et des clôtures, mais on fait aussi sauter les barrières. Pas de cloisonnement, pas de management vertical traditionnel. « On base tout sur des objectifs simples, réalisables et impliquants, explique Cynthia Roux, chargée du développement de la ­communication. Chaque « lippien » est libre de déployer son travail et d’être force de proposition. Notre concept : la présomption de confiance. » Un modèle où les salariés

debout, les travailleurs ! Rangez votre chaise et levez-vous ! Alterner la position assis/ debout pendant les heures de travail améliorerait le bienêtre d’un salarié. Outre les effets positifs sur la santé, travailler debout augmenterait le confort, l’efficacité du travail et la communication entre les employés. Un constat qui vaut si le salarié peut s’aider d’un appui. Au Danemark, 95 % des bureaux sont d’ores et déjà à hauteur variable. Certaines grandes entreprises comme Google ou Facebook proposent également de travailler debout. Et même sur un tapis roulant.

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Innova 2015

se forment mutuellement et qui leur permet d’améliorer leurs compétences. Passer de l’atelier à l’administratif chez Lippi, c’est possible. L’épanouissement des salariés est un facteur indispensable pour faire tourner l’entreprise. Or, en 2011-2012, d’après l’institut de sondage Gallup, seuls 9 % des salariés se sentent impliqués quand 91 % sont indifférents. Il serait temps de changer de paradigme. Si des solutions existent, à l’image de celles testées chez Lippi, le système a pourtant du mal à s’adapter. C’est le constat de Philippe Bernoux, sociologue du travail : « Bien que l’histoire a montré que le petit chef n’était pas indispensable, beaucoup d’entreprises gardent un modèle traditionnel. » Un avis partagé par Élisabeth Laville, fondatrice du cabinet de conseil Utopies : « Les techniques de management actuelles sont calquées sur des méthodes dépassées, datant de l’ère industrielle. Aujourd’hui, le travail est plus collaboratif mais le système est figé. » L’entreprise libérée est en accord avec les principes de la fish philosophy venue d’Amérique. C’est un des modèles qui permettraient aux salariés d’être heureux. Élaborée en 1998 par John

flickr.com/photos/kennejima/5229746138

Management


Christensen, la fish philosophy s’inspire de l’expérience du marché aux poissons de Pike Place, à Seattle, aux états-Unis. En grave difficulté, il est racheté en 1986 par un ancien employé. Le nouveau propriétaire réunit alors les équipes. Ensemble, ils révolutionnent leur façon de travailler. Les nouvelles règles sont simples : favoriser l’échange, choisir d’adopter une attitude positive, travailler en s’amusant… Isabelle Charbit était directrice générale (DG) d’une grosse société. Elle y appliquait la fish philosophy. Elle organisait par exemple des petits-déjeuners challenges. Les employés s’échangeaient aussi des « cartes fish », pour récompenser une attention particulière. À la fin, les cartes étaient comptées et le salarié le plus « fish » était félicité. Ils élisaient même leurs clients les plus « fish », pour répandre ces pratiques.

paces de réflexion. Le Centre des jeunes dirigeants (CDJ) tente de combler ce manque. « C’est un lieu de libre échange, rapporte Franck Leroy, président du CJD Tours. J’imagine mal ma vie de chef d’entreprise sans le soutien du centre. » Dans son entreprise, il a créé des pôles dans lesquels les salariés sont sur un pied d’égalité. « Je représente le seul niveau hiérarchique, reprend-il. Il n’y a pas d’intermédiaire. » Pour instaurer ces changements simples, nombre de cabinets de consulting proposent aujourd’hui leurs conseils. Cette offre rencontre un succès certain. Jean-Christophe Barralis, cofondateur de l’Institut On est “fish” ou pas “fish” français d’appreciative inquiry (Paris) Des principes qui peuvent paraître forme des consultants : « Aujourd’hui, simplistes mais qui font leurs preuves. nos stages sont pleins, nous refusons EthiKonsulting, cabinet de conseil en du monde. Nous accueillons une management où travaille désormais vingtaine de personnes contre six ou Isabelle Charbit, forme différentes huit il y a cinq ans.» entreprises à cette philosophie. Leur Certains cabinets reprennent des crédo ? L’optimisme. Leur objectif ? courants comme la fish philosophy ou Ramener de la passion bien créent leur propre au travail, insuffler de méthode. Ils organisent l’énergie et de la fiabilité. conférences, pots après « L’entreprise qui va de L’idée : redonner le travail, journées atel’avant avec un modèle le pouvoir aux liers pour réfléchir sur plus collaboratif, plus les changements nécessalariés. Parier sur saires de l’entreprise. bienveillant, est plus efl’autonomie pour Pour ses 21 ans, le cabificace. Actuellement, on oublie l’humain au profit éviter la frustration net Utopies a lancé une du quantitatif ou des réet favoriser consultation auprès de sultats », confie l’anl’engagement ses clients. Ils ont cienne DG. Bien sûr, ­proposé des idées ­intégrer cet esprit de concrètes. Parmi elles, travail prend du temps. Difficile de une journée dans la semaine sans modifier le système de communica- réunion et sans mail. L’idée est toution d’une entreprise. Alors, le chan- jours la même : voir les salariés épagement s’opère doucement, sur plu- nouis pour assurer la pérennité de la sieurs années. « Il s’agit de changer de société. Dire bonjour, sourire, s’écouculture et de faire émerger une vision ter, échanger. « La première richesse commune », analyse Frédéric Lippi. de l’entreprise, c’est l’humain, conclut Des nouvelles pratiques que les Franck Leroy. Revenir à l’essentiel, écoles n’évoquent pas encore suffi- faire preuve de bon sens, c’est la clé. » samment. « Elles inculquent des mo- Un slogan ? Peut-être mais en tout dèles limités et dépassés », commente cas le bien-être au travail ça paraît Isabelle Charbit. Une fois sortis des possible. FLORIAN CADU, Thomas laborde structures d’enseignement, dirigeants et emma pfister et manageurs disposent de peu d’es2015 Innova

Justine Cantrel

Management

Favoriser les échanges, encourager les attitudes positives, supprimer les échelons hiérarchiques : des règles simples pour une meilleure productivité.

TRAVAILLER MOINS POUR travailler MIEUX

Et si les entreprises instauraient les 32 heures ? Travailler 4 jours par semaine, c’est l’assurance d’avoir plus de temps libre, d’être moins fatigué et donc plus productif. Fleury Michon ou Mamie Nova ont déjà mis en place les 32 heures. Monique Ranou, autre entreprise du secteur agroalimentaire, l’a instaurée dès 1997. « Aujourd’hui, environ 40 % de nos salariés sont aux 32 heures, détaille Christine Serres, la responsable ressources humaines. L’objectif de cette organisation était double : le confort pour l’employé et la possibilité pour l’entreprise de le faire travailler le samedi. » Monique Ranou propose aussi des référendums à ses salariés. Ils ont voté le double horaire collectif en 2008 : ils peuvent choisir de travailler 32 ou 35 heures par semaine. De nombreux chercheurs et partis politiques militent pour cette répartition du travail. Le bonheur des employés, oui. Mais aussi celui des chômeurs : la semaine de 4 jours permettrait de créer de nouveaux emplois.

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CDI

LÉGISLATION

9%

PASSE TON CDD D’ABORD

Interim

CDD

42%

49%

CENSÉ ÊTRE L’EXCEPTION, LE CONTRAT A DURÉE DÉTERMINÉE S’EST GÉNÉRALISÉ, PRÉCARISANT LES SALARIÉS. L’ACCÈS À LA STABILITÉ D’UN CDI DEVIENT UNE QUÊTE. Une rapide recherche sur le site internet de Pôle Emploi montre la structure du marché du travail en France : plus de trois offres sur quatre sont des contrats à durée déterminée (CDD) ou des contrats de travail en intérim. Pourtant, au regard de la loi, le CDD est un contrat d’exception, celui par défaut est le contrat à durée indéterminée (CDI). Le recours au CDD n’est légitime qu’en cas de surcroît d’activité ou d’absence d’un salarié sur une période de temps limitée. « Mais, dans les faits, le CDD sert de période d’essai au CDI », constate Laurence Jubin, inspectrice du travail à Tours. Dans de nombreuses entreprises, avoir eu un ou plusieurs CDD avant de ­décrocher un CDI est devenu la norme. C’est en théorie illégal, mais « on ne peut pas vraiment parler de fraude, explique l’inspectrice du tra-

CONTRATS DE TRAVAIL EN COURS EN 2014

Infographies : Quentin Raillard

CDI : 87 %

10

CDD : 10 %

Interim : 3 %

vail. La généralisation de l’embauche par le CDD est devenue si courante qu’elle structure le marché du travail. Et il est impossible de réguler ce qui est structurel ». D’autant que plusieurs corps de métiers ont obtenu des dérogations pour embaucher en CDD, sur une activité normale, en toute légalité. C’est le cas dans le bâtiment, la restauration et les plates-formes télépho-

niques. Un problème pour les employés qui se retrouvent en situation précaire, car le CDD ne permet pas de faire des projets, le salarié ne sachant pas ce qu’il deviendra à la fin de son contrat. « Les entreprises en difficulté se séparent d’abord des intérimaires, puis des CDD. Des contrats qui concernent surtout les jeunes », explique Bruno Ducoudré de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Jeunes pour qui il est de plus en plus difficile de souscrire un prêt ou de louer un appartement ; les banques et les propriétaires exigeant souvent un CDI en guise de garantie. UN CONTRAT DE TRAVAIL UNIQUE ? Le marché de l’emploi en France est dual : il sécurise les salariés en CDI, mais pas ceux en CDD. « La situation est paradoxale, dénonce Laurence ­Jubin. L’augmentation des offres d’emploi en CDD diminue celles en CDI. Mais le CDD est aussi un tremplin vers le CDI. » Pour mettre fin à cette dualité, des économistes proposent d’établir un contrat de travail unique. Jean ­Tirole, récent prix Nobel d’économie et plutôt considéré comme libéral, ­affirme que la raréfaction des embauches en CDI est due à la rigidité de ce contrat, qui ne permet pas à l’employeur de se séparer facilement d’un salarié. Il prône donc l’instauration du contrat unique : un CDI qui permettrait de licencier à tout moment et sans motif particulier. En contrepartie, l’employeur s’acquitterait d’une taxe de licenciement envers le salarié. Jean Gadrey, autre économiste et ­adversaire de Jean Tirole, y voit là une menace contre le progrès social. Il considère que si ce contrat unique met tout le monde sur un pied d’égalité, Innova 2015

PROPORTION DE CONTRATS SIGNÉS EN 2014 SELON LEUR NATURE

c’est en tirant cette égalité vers le bas : tout salarié serait alors en situation de précarité, à la merci de son employeur. Autre argument pro-CDI : l’employeur et le salarié peuvent mettre fin à leur collaboration par une rupture conventionnelle. Parmi les licenciés du secteur privé, seuls 7,8 % ont recours aux prud’hommes pour contester la décision de leur employeur. Un chiffre bas en Europe. Malgré les critiques virulentes contre le marché du travail français, il n’est en rien une exception. La majorité des pays occidentaux ont aussi un système dual, même les États-Unis. L’exception vient des pays scandinaves, notamment du Danemark. Il existe là-bas le modèle de la flexisécurité dont s’inspire le contrat unique de Jean Tirole : flexibilité pour la plus grande facilité de licenciement pour l’employeur et sécurité en référence aux importantes indemnités pour le salarié concerné. À la différence près que 80 % des travailleurs danois sont syndiqués, contre 7 % en France (selon l’OCDE). Et, être syndiqué au Danemark offre bien plus d’avantages financiers et bancaires, notamment en cas de licenciement. Sans compter que grâce à cette organisation syndicale plus influente, les intérêts du salarié danois pèsent aussi lourd que ceux de l’employeur. Un équilibre bien loin du système français, où la suprématie de la hiérarchie est fortement ancrée dans les mœurs. Du moins jusqu’à présent. EMMA PFISTER ET QUENTIN RAILLARD


Photos : Thomas Laborde

En coworking, la cafétéria est un véritable catalyseur de rencontres.

COLOC DE BUREAU

DES TRAVAILLEURS AUX ACTIVITÉS DIVERSES QUI PARTAGENT UN ESPACE DE TRAVAIL, TEL EST LE CONCEPT DU COWORKING. CE MODE D’ORGANISATION, QUI NOUS VIENT DES ÉTATSUNIS, PREND DE L’ESSOR EN FRANCE. POUR UN TRAVAIL PLUS EFFICACE. Nowly. Lancée par une ­start-up ­tourangelle, cette application ­mobile de rencontres a vu le jour il y a deux ans. À première vue, rien ­d’­exceptionnel. Sauf que c’est dans un espace de coworking qu’est né le projet. Un lieu où des ­travailleurs ­venus de différents ­horizons ­partagent les mêmes bureaux et, par la même occasion, forment un ­réseau. Désormais installés dans leurs propres locaux, les ­concepteurs de Nowly,

Manyssin Thin et ses ­collaborateurs, réitèrent l’expérience en y accueillant des coworkers. « Il suffit que je lève la tête pour que l’on vienne m’aider, ­s’enthousiasme le jeune entrepreneur. C’est ça l’esprit coworking, la ­complémentarité des compétences. » Porté par la ­révolution numérique, le concept vient des États-Unis. Les ­indépendants, ­toujours plus nombreux, ­souhaitaient rompre avec l’isolement social généré par le travail 2015 Innova

à domicile. En 2008, le ­premier ­espace de coworking ouvrait en France. Le phénomène a ­rapidement pris de l’ampleur. ÉCHANGER ET PARTAGER

Un esprit qui débarque à Tours en 2013, dans une pépinière ­d’entreprise, la Cantine numérique. Elle ­souhaitait créer un lieu d’échanges et de rencontres autour du numérique. Au départ, l’initiative était portée par l’as-

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FOCUS

Quand on aime travailler en musique, les casques sont indispensables pour ne pas déranger les voisins.

sociation Palo Altours. Le projet a d’emblée été soutenu par la ­communauté d’agglomération Tours Plus. Le bâtiment neuf de trois étages, doté d’un bardage en bois, ne passe pas inaperçu dans le quartier du ­Sanitas. Les coworkers peuvent venir ­travailler une demi-journée ou plus. Ici, pas de loyer mais des ­abonnements ou des forfaits. ­Mensuels ou ­trimestriels, ils donnent un accès ­illimité à ­l’espace et à ses services. Au ­deuxième étage, ­celui des ­abonnés, une large porte vert anis s’ouvre sur une pièce ­lumineuse. Des motifs ­géométriques bleus et gris habillent le mur blanc. C’est ici que la plupart

des ­coworkers abonnés sont ­installés. À leur ­disposition, un ­bureau, une chaise et des rangements. Des plantes vertes aussi. À chacun d’apporter son ­matériel. Pour certains, un ordinateur portable suffit. Mais la plupart ont ­préféré prendre leurs aises. Comme Guillaume Billard, cofondateur d’une agence de communication. Face à lui, plusieurs écrans côtoient un porte-livre et une étagère en carton. Une tasse de thé est posée sur le rebord de la grande fenêtre qui jouxte son bureau. Julien Dargaisse, le président de Palo Altours, résume : « Ici, c’est le confort de la maison et le sérieux du bureau. » Car le travail à

­ omicile, ce n’est pas forcément la d ­panacée. Lorsqu’il a monté sa société, ­Laurent Lefèvre, développeur, a d’abord ­exercé chez lui. Mais « ­travailler seul chez soi, c’est la ­misère. ­Impossible de se concentrer, il y a trop de ­distractions », déplore-til. À la ­Cantine numérique, il ­apprécie ­l’ambiance de travail ­stimulante. ­Karine Angleys partage cet avis. Avec son associé, elle dirige un cabinet de recrutement à l’international. « J’ai besoin de contact avec les autres pour être productive », affirme-t-elle. À ce sujet, le sociologue Antoine Burret écrit dans Tiers-lieux. Et plus si ­affinités (FYP Éditions, 2015) : « Les murs et le bâtiment ne sont que la partie visible. C’est le processus de coconstruction et la ­dynamique de partage qui ­donnent sa valeur aux tiers-lieux. » Dans cet îlot d’une dizaine de ­coworkers, ­l’entraide est au ­rendez-vous. Karine rencontre un problème ­informatique ? ­Laurent vient la ­dépanner. En ­retour, elle fait ­profiter ses ­collègues de son ­expertise en ­ressources ­humaines. La ­complémentarité des ­compétences est l’un des moteurs de ce type ­d’espaces. S’entraider, mais aussi s’échanger du travail. « Les gens ­prennent le temps de ­partager leurs réflexions, explique Julien ­Dargaisse. Ils savent que les ­opportunités ­naissent de rencontres. » ­Parfois ­fructueuses. Lorsque Guillaume Billard et son associé ont lancé leur agence de communication, ils ont opté pour le coworking. Un choix qu’ils ne regrettent pas. Aujourd’hui,

Eric Grelet

QUELQUES DÉFINITIONS

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TÉLÉTRAVAIL. Activité professionnelle exercée à distance de l’entreprise grâce à Internet et aux ­nouvelles technologies. Elle peut être réalisée à ­domicile ou dans des espaces ­communs. COWORKING. Organisation de travail créée pour éviter ­l’isolement de ceux qui bossent chez eux. Il d ­ ésigne ­aussi aujourd’hui un ­réseau Innova 2015

de travailleurs, indépendants ou salariés, qui partagent un lieu et échangent leurs expériences et leur savoir-faire. On appelle ­ « espaces de coworking » les lieux où travaillent les coworkers. TIERS-LIEU. Notion inventée par l’Américain Ray Oldenburg, il ­représente tout espace, extérieur à l’entreprise, où des individus ­peuvent se retrouver pour travailler.


FOCUS

Karine Angleys et son associé dirigent un cabinet de recrutement à l’international. Chaque jour, ils font le point à la cafétéria de la pépinière tourangelle.

ils estiment que 40 % de leur chiffre d’affaires est généré grâce à des personnes ­rencontrées dans le lieu ­Notamment à la cafétéria, ­véritable catalyseur de rencontres. La vie collective ne semble pas poser ­problème aux coworkers. Même si le casque est ­parfois utile pour s’isoler, l’ambiance est studieuse. Les seules réserves sont d’ordre logistique : débit Internet parfois restreint ou nombre limité de bureaux individuels pour les rendez-vous. L’EFFICACITÉ AU RENDEZ-VOUS

Le manque de confidentialité, c’est parfois ce qui freine les entreprises à opter pour le coworking. Mais celle de Jérôme Grosdemange, l’un des seuls télétravailleurs de la Cantine, n’a pas hésité. Développeur à Toulouse, il a ­déménagé à Tours pour rejoindre sa ­famille. Son employeur lui a alors proposé le ­coworking. Il estime que son éloignement a des conséquences : « Quand un nouveau ­projet se lance, je ne suis pas forcément au courant. » Il faut dire que Jérôme ne se rend à Toulouse que quelques jours tous les deux mois. D’après Philippe Planterose, ­sociologue du travail, la formule idéale, c’est de partager d’une manière équilibrée son temps de travail entre le domicile, un espace de coworking, et le bureau de l’employeur pour ­maintenir un lien et ­bénéficier d’une productivité ­optimale. La productivité, c’est justement ce qui ­incite

c­ ertaines entreprises à s’intéresser à la ­question. En 2012, une étude du ­cabinet de conseil ­Greenworking a révélé que le gain de productivité en ­télétravail, à domicile ou en tiers-lieu, était de 22 % en moyenne. Les raiEN CHIFFRES sons ? Moins de ­distractions, moins de ­réunions, une plus grande ­latitude dans la 17 % gestion de son temps et une plus grande c’est le nombre estimé de ­motivation. Pour les ­salariés, le ­télétravail ­télétravailleurs offre de nombreux avantages : moins de en France. ­fatigue, plus de disponibilité et moins de 2 500 stress. Des résultats confirmés par l’étude à c’est le nombre paraître en juin 2015, « Quel bureau demain », d’espaces de menée par les consultants de LBMG Worklabs ­coworking dans et le centre de recherche Michel-Serres. Mais le monde entier cette expérimentation, qui propose de tester en 2013. Entre le ­télétravail en coworking, a eu du mal à trou2010 et 2013, ce ver ses volontaires. Car cette pratique remet chiffre a doublé en question l’organisation hiérarchique du chaque année. travail et les modes de management tradition342 nels qui vont avec. Certains dirigeants craic’est le nombre gnent une perte de contrôle sur leurs emd’espaces de ployés et l’­effritement du sentiment coworking en d’appartenance à l’entreprise. Des peurs non France . fondées pour ­Philippe Planterose : « Le télé68 % travail, ce n’est pas se prélasser mais travailler d’ utilisateurs de tiers-lieux sont là où l’on se sent au mieux : chez soi, dans un café, ou un espace de coworking. » travailleurs Conséquence du phénomène, la ­politique imindépendants ou entrepreneurs mobilière des grandes ­sociétés est en train de changer. Le modèle du bureau ­traditionnel en France. 2015 Innova

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FOCUS

La terrasse de la pépinière permet de faire une pause au soleil. Le bien-être au travail, une notion fondamentale du coworking.

tend à disparaître. Fini les grands ­bâtiments et leurs ­enfilades de ­bureaux. Comme le ­prédit ­Bénédicte Petetin, consultante de LBMG Worklabs : « Demain, les sièges ­sociaux ne seront que des lieux de passage. » Et ­économiquement, les sociétés pourraient y trouver leur compte. En région parisienne, pour une entreprise, un poste en ­bureau coûte environ 1 200 euros par mois. Pour un coworker seul, le forfait mensuel est entre 350 et 500 euros. Cela nécessite de changer de modèle managérial. Désormais il faut remplir des objectifs plutôt que de faire acte de présence au bureau. Xavier de Mazenod, fondateur du site Zevillage. net, spécialisé sur le ­télétravail et les tiers-lieux, considère que les entreprises, pour s’adapter, doivent ­apprendre à faire confiance à leurs salariés. Confiance, partage et coopération. C’est ce qui ­devrait structurer le monde du travail dans les décennies à venir. Un ­futur que ­Nicolas Maubois, coworker ­partageant les bureaux de Nowly, à Tours, ne voit que d’une seule ­manière : « Il m’est désormais ­inconcevable de fonctionner autrement » Et Nicolas n’est pas le seul, puisque ce nouveau mode de travail rassemble de plus en plus d’adeptes. FLORIAN CADU, THOMAS LABORDE ET NATHALIE SIMONET-PICARD

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COWORKER... MAIS PLUS ENCORE Une pépinière d’entreprises à Tours. Au premier et deuxième étage, des espaces pour c­ oworkers. Mais au rez-de-chaussée, c­ ertains viennent chercher plus que l’esprit ­coworking. Artefacts est une coopérative d’activités d’emplois. Spécialisée dans la culture et l’art, elle regroupe développeurs web, infographistes, plasticiens, ­intermittents du spectacle, a ­ rtisans d’art. Entre Orléans et Tours, l’équipe ­fondatrice accompagne les ­travailleurs dans leur activité via des ateliers et des formations. Le but ? Être ­autonome dans son activité et monter des projets ­ensemble. La structure propose à des indépendants de développer leur activité, d’acquérir des compétences, Au milieu des HLM du quartier Sanitas, à Tours, le b ­ âtiment de la ­pépinière détonne.

Innova 2015

de se créer un réseau tout en ­conservant le statut et donc les acquis sociaux d’un salarié. Quelle que soit son activité, le travailleur est un coopérateur salarié. Pour ­fonctionner, la s­ tructure prélève 10 % du chiffre d’affaires hors taxe de ses coopérateurs. Chaque mois, au cours de comités d’­orientation, les projets sont discutés par ­l’ensemble des membres. Julien Crosnier, chargé d’administration de la coopérative, s’exclame : « Des idées naissent sans arrêt. Ça ­n’arrête pas ! »


VENT DEBOUT CONTRE L’ÉCHEC

PARCOURS

PATRON D’UNE START-UP, MAXIMILIEN PETITGENÊT A TOUT PERDU DU JOUR AU LENDEMAIN. IL A SU REBONDIR ET SOUHAITERAIT QU’EN FRANCE leur entreprise, de leur travail, de leur ON TIENNE MIEUX COMPTE DE CETTE EXPÉRIENCE. « bébé ». Vient alors le début forcé d’une nouvelle vie. « Je n’ai pas eu le temps de me poser de questions sur mes aspirations professionnelles. La priorité était d’avoir un ­salaire, d’autant que je suis marié et père d’une petite fille. »

Quentin Raillard

LE GOÛT DE L’ENTREPREUNARIAT

Tout juste trentenaire, Maximilien Petitgenêt cumule bien plus d’expériences professionnelles que nombre de ses aînés. Et pour cause, il est parvenu à se relever de ce qui est encore un tabou dans la sphère entrepreneuriale : l’échec d’une start-up. En 2009, il avait créé Noveol, entreprise de conception et de construction d’éoliennes. Il s’était ­associé à Abdennour Rahmani, un camarade de son école d’ingénieurs (l’Ensma, à Poitiers). Maximilien Petitgenêt, costard-cravate et fines lunettes, explique avec calme les causes de son échec. Un sang-froid qui l’avait pourtant abandonné lors de la liquidation de ­Noveol, au point qu’il n’en dormait plus. « À partir du dépôt de bilan, on ne pouvait plus payer ni nos fournisseurs ni nos salariés », confie-t-il. Les déboires de Noveol n’étaient pas dûs à une mauvaise gestion, mais à la malveillance d’un fournisseur. Ledit fournisseur avait, à l’époque, falsifié les contrôles qualité des pales. Les deux associés ont alors décidé de stopper la production et donc les entrées de liquidités, le temps de trouver un autre fournisseur et de nouveaux investisseurs. « On y a cru jusqu’au bout », répète Maximilien Petitgenêt. Le juge du tribunal de commerce de Poitiers n’accordera pas cette confiance à Noveol et prononcera la liquidation judiciaire en février 2013. Les deux associés sont immédiatement privés de

Maximilien regrette que les banques se focalisent sur l’échec passé lorsqu’un entrepreneur négocie un prêt.

Pour lui, l’échec de Noveol constitue à la fois un atout et un handicap

Grâce à son réseau de chefs d’entreprise, Maximilien Petitgenêt retrouve rapidement un emploi. À présent, il est salarié d’une start-up de conception de matériel pour maisons de retraite. Même s’il se plaît à son poste actuel, l’envie de monter une nouvelle entreprise le démange. Pour lui, l’échec de Noveol constitue à la fois un atout et un handicap. Certains chefs d’entreprises peuvent embaucher un ex-patron car il connaît leurs préoccupations, tandis que d’autres vont ­hésiter à intégrer une personne qui n’a ­jamais été salariée. Le jeune homme déplore la mentalité française qu’il trouve bien éloignée de la vision anglo-saxonne. « Aux États-Unis, les plus grandes responsabilités au sein d’une entreprise sont données à ceux qui ont “crashé” – selon l’expression consacrée – une ou deux boîtes. » En France, les banques se focalisent sur l’échec passé lorsqu’un entrepreneur négocie un prêt. D’une façon générale, elles investissent très peu dans les start-up innovantes. Son goût de l’entrepreneuriat, Maximilien Petitgenêt veut le transmettre aux étudiants de son ancienne école d’ingénieurs. Il y anime un module de quatre heures par ­semaine. « Notre école ne nous a pas du tout formés à monter une entreprise, regrette-t-il. Nous avons tout appris sur le tas. » À ­commencer par la persévérance : durant quatre années à la tête de Noveol, les jeunes patrons ont enchaîné les déboires et les bonnes nouvelles. « Pour diriger une startup, il faut avoir les nerfs solides car, dans ce genre de moments, le moral joue aux montagnes russes. » Un challenge auquel Maximilien Petitgenêt a pris goût lui qui, fort de son expérience, espère bien retenter l’aventure entrepreunariale. JULIEN PRIVAT ET QUENTIN RAILLARD

2015 Innova

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DEMAIN

Il y aura toujours des ouvriers dans les usines robotisées, mais ils n’auront pas le même rôle.

MON COLLÈGUE EST UN ROBOT

AVEC LES PROGRÈS TECHNIQUES, LES MACHINES ENVAHISSENT LES USINES. INDUSTRIELS ET POLITIQUES VEULENT FAIRE DE LA FRANCE LE LEADER DE LA FILIÈRE ­ROBOTIQUE. MAIS DANS CETTE MARCHE EN AVANT QUE DEVIENNENT LES OUVRIERS ? Un voyant vert clignote. Le rideau de protection s’abaisse. D’une simple pression sur un bouton, un homme, l’opérateur, fait agir un grand bras articulé. Quelques mouvements nets, un bruit subtil, des étincelles. Le robot exécute des tâches programmées. Il soude des pièces. Le résultat est parfait. L’industrie d’aujourd’hui, c’est ça. Fini Les Temps modernes de Chaplin, le ­travail à la chaîne, les tâches monotones, physiques et éprouvantes. Le monde de l’industrie a muté. L’homme n’intervient pratiquement plus dans la phase de fabrication, il a cédé sa place au robot. Il a troqué son statut d’ouvrier contre celui d’opérateur. Désormais, son ouvrage se limite à contrôler, régler et actionner des machines. Des machines que l’entreprise Farman ­fabrique et adapte pour les différentes industries : automobiles, aéronautiques ou de l’énergie. Sur les 47 employés, une vingtaine assemble les appareils dans les 8 643 mètres

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carrés de l’usine, qui paraissent bien vides. Pourtant, tout va bien pour Farman. Leurs 5 000 robots soudeurs et convoyeurs ­(tapis roulants) sont installés partout dans le monde, chez Ford comme chez Airbus. UN ROBOT TRAVAILLE TROIS FOIS PLUS VITE

La robotisation est la garante de la compétitivité du secteur industriel. Les cadences augmentent, la production se multiplie, donc les prix baissent. Pour les entreprises, le calcul est vite fait. « Un robot coûte entre 35 000 et 50 000 euros. Il ne fait pas d’erreur, ne tombe pas en panne et travaille trois fois plus vite que l’homme », vante Franck Davignon, le directeur de Farman. Chez les travailleurs, ces technologies suscitent une certaine appréhension. « Généralement, les usines mettent des robots pour supprimer des ouvriers », reconnaît Franck Davignon. Pas un jour sans qu’on entende parler de fermetures d’usines ou de suppresInnova 2015


DEMAIN sion d’emplois. PSA Aulnay-sous-Bois, Goodyear, Total, Fralib, Candia, tous les domaines de l’industrie sont touchés. En 2014, 217 usines ont fermé en France. En six ans, l’emploi dans l’industrie a chuté de 32 %. C’est dans l’industrie manufacturière (textile, bois, papier, équipements industriels ou automobile…) que la baisse est la plus violente. Politiques et industriels se voilent la face. En 2013, sous l’impulsion d’Arnaud Montebourg, le plan France robot initiatives est adopté avec un budget de 100 millions d’euros. L’objectif ? Faire de la France l’un des leaders mondiaux de la filière d’ici 2020. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie et des Finances, se veut rassurant : « Il ne faut pas reproduire l’erreur de croire que ­robots = moins d’emploi », confiait-il le 1er avril au Monde. Le directeur de Farman met, lui, l’accent sur les bienfaits des machines : « Aujourd’hui, dans les usines, il y a une vraie qualité de vie. Les gens deviennent opérateurs et ont la possibilité d’être formés en robotique. »

Les industriels mettent en avant la complémentarité homme-machine.

LA DIFFICILE RECONVERSION DES SENIORS

Certes, ces machines automatisées créent de l’emploi, mais plutôt du côté de l’ingénie­rie

Photos : Nadi Driamina

Pas besoin d’être un grand économiste pour voir que tous les robots vont remplacer les hommes. Certes, ces machines automatisées créent de l’emploi, mais plutôt du côté de l’ingénierie. Les ouvriers, eux, disparaissent peu à peu. Désormais, il suffit d’un seul opérateur pour gérer trois à quatre robots à la fois. Une étude réalisée par le cabinet de ­Roland Berger confirme que d’ici 2025, 20 % des tâches seront automatisées. Ce qui devrait entraîner la perte de 3 mil-

Dans l’usine Farman, à Joué-les-Tours, les ateliers semblent vides.

2015 Innova

lions de postes rien qu’en France. Pour ceux qui ont été remplacés par des machines, une seule solution : la reconversion. Une démarche complexe, notamment pour les seniors. Pas facile de quitter une vie souvent déjà bien établie. Si la reconversion concerne 76 % des cadres, elle ne concerne que 45 % des ouvriers. Un chiffre qui montre bien la difficulté de tirer un trait sur le passé. Passé 50 ans, l’adaptation est si difficile que le salarié est mis en pré-retraites. Ce dispositif a été supprimé, mais il reste autorisé pour les salariés qui n’arrivent pas à s’adapter aux nouvelles technologies. Pour les plus jeunes, l’adaptation est plus aisée même si, dès le départ, la formation est indispensable. « Les ouvriers sans le bac ne sont plus dans l’industrie », ­reconnaît Emmanuel Baudet, enseignant dans un lycée professionnel. La fin des ouvriers non-qualifiés ? En quelque sorte. D’autant plus que 40 à 50 % des lycéens poursuivent leurs études en BTS. L’homme doit décider de la place qu’il va accorder au robot dans le futur. « Les entreprises de robotiques envisagent de développer une machine qui pourrait travailler au côté de de l’homme », tempère Franck Davignon. Une complémentarité mise en avant pour calmer les craintes ? Quoi qu’il en soit, les nouvelles technologies font évoluer l’industrie. L’essayiste américain Jeremy Rifkin s’interroge d’ailleurs sur la nécessité même de travailler. Il propose de repenser le système, en laissant moins de place au travail au profit des loisirs. Une nouvelle ère industrielle s’ouvre et la machine prend peu à peu le pas sur l’homme. Comment en profiter ? Une chose est sûre : les robots, eux, ne prennent pas de vacances. NADI DRIAMINA, YAËLLE KAHN, JULIEN PRIVAT

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AILLEURS

Empowerment International

LA SOLIDARITÉ SOUS LE MANTEAU

VERONIKA SCOTT A CRÉÉ UN MANTEAU-DUVET POUR LES SDF. DANS SON ENTREPRISE, ELLE NE RECRUTE QUE DES FEMMES QU’ELLE AIDE À SORTIR DE LA MISÈRE. Par-dessus le bruit des machines à coudre, Shayna Taylor, 39 ans, ­raconte qu’avec ses trois enfants, elle a vécu dans sa voiture ou dans des centres pour sans-abris, à Détroit, pendant près d’un an. En 2013, elle est recrutée comme couturière à l’Empowerment Plan, une fabrique de manteaux-duvets. Le concept : des parkas qui se transforment en

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sacs de couchage pour les sans-abris. Au bout de quelques mois, Shayna réussit à sortir la tête de l’eau et à louer une maison. À l’Empowerment Plan, toutes les couturières sont mères de famille et en situation de grande précarité. C’est précisément le but du projet que Veronika Scott a lancé en 2011 : extirper ces femmes du cercle vicieux de la pauvreté. « Ce ne sont pas les manteaux qui sont pas au cœur de l’entreprise, explique la jeune femme. Ce sont elles. Le but, c’est de les sortir de la rue et de stabiliser leur vie. » Aujourd’hui, elle emploie 25 couturières. Mi-travailleuse Innova 2015

s­ ociale, mi-businesswoman, elle bouleverse les normes du travail traditionnel en le centrant sur l’humain. « Ce sont ces femmes qui rendent notre société géniale », s’enthousiasme Veronika. Que ce projet se soit développé à Détroit n’est pas anodin. Depuis quarante ans, la ville décline. Jusqu’à la faillite en 2013. Elle a pourtant connu des jours meilleurs. Surnommée « Motor City », c’est le berceau de l’industrie automobile. Mais en 2008, la crise immobilière et celle des subprimes ont provoqué sa banqueroute. Actuellement, 30 % de la population vit sous le seuil de pau-


AILLEURS magazine Forbes qui l’invite à son sommet annuel en 2011. Sont présents de richissimes bienfaiteurs, comme Oprah Winfrey ou Bill Gates. Veronika y joue l’avenir de son organisation car elle ne vit que de donations. Elle rencontre plusieurs entrepreneurs ­locaux qui ­décident de soutenir son projet. Depuis 2011, l’Empowerment Plan a fourni près de 10 000 manteaux-duvets aux sans-abris, 6 500 pour la seule année 2014. Fabriquer un manteau coûte au total 100 dollars et requiert trois heures et demi de tra-

DIX-MILLE MANTEAUX FOURNIS

Cécilia Sanchez

Cécilia Sanchez

Surnommée la « crazy coat lady », la folle aux manteaux, elle réalise vite qu’elle n’est pas capable de satisfaire la demande seule. D’autant que, et elle en rit encore, elle n’est pas très habile en couture. Elle embauche alors Elisha, une première couturière. « Les gens me disaient : “Tu ne pourras jamais travailler sérieusement avec des sans-abris, ils ne ­seront jamais à l’heure au travail.” Mais des mères devant supporter une famille, si. » C’est auprès de Carhartt, une marque de streetwear fondée et ­située à quelques kilomètres de Détroit, qu’elle obtient les premiers fonds. Son projet charme même le 2015 Innova

Les manteaux sont distribués dans 29 États des États-Unis et dans 3 provinces du Canada. Ils le seront bientôt en France vail. À l’automne 2015, Veronika lancera une ligne de vêtements pour que la marque devienne viable. « Ainsi, on pourra développer l’emploi », espère-t-elle. « C’EST GAGNANT-GAGNANT »

C’est Véronika Scott (à g.) qui a eu l’idée du manteauduvet. Toute l’entreprise est tournée vers l’aide aux sans abris, comme ces couturières (ci-dessous) à qui elle a donné un emploi et, du coup, une vie décente.

Empowerment International

vreté et 34 000 personnes sont sans domicile fixe. Les pouvoirs publics ont failli depuis des décennies. Les habitants qui ont choisi de rester tentent de combattent la pauvreté, à leur petite échelle, en recréant du lien ­social. Ce sont des initiatives ­individuelles, comme celle de Véronika Scott qui rebâtissent la ville. C’est Phillip Cooley, un entrepreneur local, qui permet à la jeune femme de mettre le pied à l’étrier. Ayant fait fortune grâce à une chaîne de restaurants, il crée Ponyride, deux étages d’ateliers qu’il loue à 0,25 dollars (0,23 euros) le mètre carré, eau, électricité et chauffage compris. Son but : soutenir des démarches sociales et solidaires comme celle de Veronika Scott qui sera la première à s’y installer. À l’origine de l’idée de Veronika, un devoir pour un cours de « design activiste » qu’elle suit au College of Creative Studies de Détroit. Le sujet : « Créez un objet qui répond à un ­besoin. » Le design industriel l’ennuie. Elle imagine alors ce manteauduvet. Depuis quelques temps, elle fréquente des sans-abris dans un centre d’hébergement. Elle tente de cerner leurs besoins, réalise plusieurs prototypes. Elle se lie avec la communauté. « C’était pour moi un moyen de leur rendre tout ce qu’ils m’avaient apporté », commente-telle. En 2010, elle obtient son ­diplôme et se lance dans l’aventure : l’Empowerment Plan naît.

La démarche de Veronika Scott s’inscrit dans une nouvelle philosophie du travail, décrite par le sociologue français, Michel Lallement dans L’Âge du faire. De plus en plus d’individus se reconnaissent dans le « faire » : créer des objets soi-même, développer sa créativité et partager son savoir-faire. Kenyatta, une des couturière, souligne : « Chaque partie du manteau que j’assemble est importante. Il est destiné à quelqu’un que je ne connais pas, mais je veux être certaine qu’il sera bien dedans. » Quant à Shayna, elle apprécie la vie sociale du lieu : « Nous avons vécu les mêmes situations, ça ressert les liens. » Elle en retire une grande fierté, celle de pouvoir assumer un loyer et le bien-être de sa famille. Les couturières gagnent un salaire décent, environ 10 dollars de l’heure (9,3 euros). « L’organisation nous aide. Nous aidons les sans-abris. C’est gagnant-gagnant », se félicite Shayna. Détroit sort de la faillite. Pour la ville, Veronika Scott représente un espoir et un changement positif. « Je n’aurais pas pu créer ce projet ailleurs et à un autre moment », ­assure-t-elle. Profondément liée à Motor City, son initiative fait des émules dans d’autres pays et d’autres villes, comme Boulogne-Billancourt, ancienne cité automobile de la région parisienne. L’ONG Femmes d’avenir a lancé en décembre 2014 un appel aux dons pour financer un projet similaire. « C’est incroyable, s’enthousiasme Veronika. Détroit devient un modèle. » CÉCILIA SANCHEZ, À DÉTROIT

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LA NUIT LEUR APPARTIENT

PORTFOLIO

À l’heure où vous dormez peut-être, ils commencent leur journée. Ils font partie des 15 % de Français qui travaillent la nuit. Mais tous ne vivent pas leurs horaires comme une contrainte. Ils aiment la nuit, son calme et son atmosphère particulière. Le sourire en plus. TEXTES ET PHOTOS : JUSTINE CANTREL, THOMAS CHATRIOT, EMMA PFISTER ET NATHALIE SIMONET-PICARD

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3 1. Marc Jaulin, éboueur à Tours, embauche à 5 heures. Les vendredis et samedis matins sont ses plus grosses « journées ». 2. Miguel Malherbe aime travailler la nuit. Il s’y sent plus alerte. Poissonnier aux Halles, c’est à 5 heures qu’il réceptionne ses livraisons. 3. Bobinier, Jacques Brandner alimente les rotatives de l’imprimerie de La Nouvelle ­République à partir de 22 heures. 4. Stéphanie Hein est une jeune bouchère passionnée. Dans sa boutique des Halles, c’est à 5 heures qu’elle commence à préparer la viande. 4

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5. Jérémy Guillot est de l’équipe qui allume les fours à 3 heures. Sa bonne humeur anime le fournil de la boulangerie Hardouin. 6. Pour concilier vie privée et vie professionnelle, Cynthia Aubert a choisi un poste de nuit au centre de tri de Sorigny. Son équipe occupe le créneau 22 heures – 6 heures. 7. À La Nouvelle République, un technicien assure la maintenance des rotatives qui tournent toute la nuit 8. Le métier de kiosquier s’est retrouvé sous le feu des projecteurs lors du tirage historique de Charlie Hebdo. Catherine Serin installe ses magazines dès 5 heures. 9. Mansour Diakhate est agent de production. Il fait partie des 40 « nuiteux » du centre de tri de La Poste à Sorigny. Pour ce noctambule, le travail de nuit est un vrai choix.

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Dur, dur de se lever tous les matins pour aller au travail. Pourtant, il semblerait que ce ne soit pas le plus difficile. En France, la principale galère, c’est l’insertion : trouver un premier emploi dans un marché du travail rigide. Pas de place pour les débutants. Car, l’employeur, lui, recherche l’expérience. Mais comment en acquérir si les portes ne s’ouvrent pas ? Beaucoup commencent par un stage. Parfois suivi d’un deuxième. Et encore un autre… Sans forcément de poste à la clé. Pour ceux qui n’ont ni diplôme ni expérience, c’est encore pire. Et puis, il y a tous ceux que le monde du travail rejette à cause de leur différence : handicap, origines sociales ou géographiques. S’insérer, un boulot à temps plein.


DOSSIER

LES EUROPÉENS NE SONT PAS ÉGAUX FACE À LA CRISE. LE CHÔMAGE DES JEUNES EST PLUS IMPORTANT EN FRANCE QU’EN ALLEMAGNE OU EN SUÈDE. EN CAUSE, DES DIFFÉRENCES CULTURELLES.

Illustration Piet

CAP AU NORD, LÀ-BAS ÇA MARCHE

« Les jeunes sont les premières victimes de la crise », alerte Jean-François Giret, économiste et professeur de sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne. En France, le taux de chômage des moins de 25 ans avoisine les 25 %. Un problème qui existe depuis les années soixante-dix. Ce qui est plus récent, c’est la précarité qui accompagne l’entrée dans le monde du travail : si les trois quarts des jeunes trouvent un emploi en moins de six mois, 70 % n’obtiennent qu’un CDD selon l’Insee. La crise n’a pas frappé de la même manière tous les pays européens. Estil besoin de rappeler les chiffres ­catastrophiques du chômage des jeunes en Italie, en Espagne ou en Grèce ? Ce sont les pays scandinaves

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et germaniques qui s’en sortent le mieux. En Allemagne, le taux de chômage des moins de 25 ans est équivalent à celui du reste de la population, un peu moins de 8 %. En France, près de 15 points les séparent. Comme quoi, la crise n’est pas responsable de tous les maux. Les différences culturelles ont, elles aussi, un poids. LA PRESSION À LA FRANÇAISE

Et qui de mieux pour en témoigner que les étudiants du programme Erasmus ? Jean-Baptiste est parti un semestre au Danemark : « Après le bac, les Danois font une année de césure. Ils sont beaucoup moins angoissés par leur carrière que les Français. Moi, à 18 ans, j’étais perdu. J’aurais bien aimé faire une pause. Mais j’ai Innova 2015

ressenti une pression : ne pas redoubler, ne pas perdre de temps. » Les Français, sous pression ? Beaucoup évoquent une course au ­diplôme. Avec la peur du chômage, les jeunes ont tendance à allonger la durée de leurs études. Parce qu’en France, le savoir-faire est moins valorisé que le diplôme, qui prime aux yeux des recruteurs. Il conditionne l’emploi et le statut social. Les trajectoires d’insertion sont donc très ­figées. Cécile Van de Velde, sociologue spécialiste de la jeunesse européenne, a identifié trois étapes distinctes : des études non salariées, une phase d’insertion puis l’accès à l’emploi. Pour les jeunes Français, « le choix de la filière, comme celui du premier emploi, apparaît scellé par


DOSSIER LE TAUX D’INSERTION DES JEUNES FRANÇAIS TROIS ANS APRÈS LEUR SORTIE DU SYSTÈME SCOLAIRE -8

80

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70 Génération diplômée en 2004

De la génération sortie du système scolaire en 2004 à celle sortie en 2010, le taux d’emploi, après trois ans sur le marché du travail, a baissé de 8 points. Le taux de chômage lui a augmenté de 8 points. En cause, les difficultés de la France à proposer des dispositifs efficaces. Sources : CEREQ - 2013

l’absence de droit à l’erreur et se pense comme le moment de choisir sa vie. » C’est « le poids de l’irréversible », qualifie la chercheuse. Pour lutter contre cette logique, la maison de l’orientation et de l’insertion professionnelle (MOIP) de l’université de Tours a lancé un nouveau concept pour dédramatiser l’échec : la soirée happy loose. Le principe : des professionnels viennent témoigner auprès des étudiants. Ils racontent leurs parcours, souvent marqués par des échecs et des réorientations. « Rater un examen ou changer de filière, ce n’est pas grave. C’est vraiment le message qu’on essaie de faire passer. Car l’échec est mal vécu par les étudiants », explique Florence Gordon, chargée de l’insertion à la MOIP. LE RYTHME À LA SCANDINAVE

Au Danemark, au contraire, les jeunes prennent leur temps. Ils alternent ou cumulent études et expériences professionnelles pendant une longue période, qui peut s’étaler de 18 à 30 ans. Leurs parcours, non linéaires, évoluent au fil de leur cheminement. Les pauses et les changements de voie ne posent pas de problème. À l’image de Sidse Holm Nielsen, Danoise de 21 ans, étudiante

50 40 30 20

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10 0

%

Taux de chômage trois ans après la sortie du système scolaire

en lettres en Erasmus à Tours : « Après mon bac, je suis partie dix mois comme jeune fille au pair dans le sud de la France. J’ai commencé des études de lettres. À mon retour au Danemark, j’aimerais faire un service civique dans l’humanitaire. » Même constat en Suède où Luc, Français de 26 ans, est inscrit en doctorat. « Je suis le plus jeune de mon laboratoire. Ici, il n’est pas rare de commencer un master à 30 ans ou une thèse à 40.

« les choix apparaissent scellés par l’absence de droit à l’erreur »

CÉCILE VAN DE VELDE, SOCIOLOGUE

Mes collègues ont tous travaillé avant. » Et si les Suédois ou les Danois peuvent se permettre de débuter un master ou une thèse si tard, c’est aussi parce qu’il est plus simple d’étudier et de travailler en même temps. « Il y 2015 Innova

Taux d’insertion trois ans après la sortie du système scolaire

Taux d’insertion trois mois après l’obtention de leur diplôme

Infographie : Quentin Raillard

PLUS DIFFICILE DE TROUVER LE PREMIER EMPLOI

Génération diplômée en 2012

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a beaucoup moins d’heures de cours là-bas qu’en France, explique Luc. Le travail personnel se combine plus ­facilement avec une activité professionnelle. » Les parcours universitaires sont plus flexibles : chacun peut choisir les cours qu’il souhaite et s’organiser comme il le veut. À y regarder de plus près, la principale différence tient en un mot : autonomie. Dans les pays nordiques, tout est fait pour favoriser l’indépendance dès l’âge de 18 ans. Comme au Danemark où les jeunes, qu’ils soient chômeurs ou étudiants, reçoivent tous une allocation ou une bourse. En France, en revanche, il est admis que les parents paient les études de leurs enfants. Ce sont d’ailleurs les revenus des parents qui sont pris en compte pour l’attribution des bourses. Le RSA, revenu social de solidarité ­active, est destiné aux personnes de plus de 25 ans. Alors que presque partout en Europe, les jeunes bénéficient d’un revenu minimum bien avant cet âge. Difficile dans ces conditions d’accéder à l’indépendance : le départ du domicile parental est souvent lié à l’obtention d’un emploi. En 2013, 43 % des jeunes qui ont terminé leurs études en 2010 vivaient toujours chez leurs parents si on en croit

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DOSSIER

FAVORISER L’ENSEIGNEMENT PRO

Pour acquérir de l’expérience, certains multiplient donc les stages (voir article stage p. 29). Armand, lui, envisage de préparer une licence professionnelle en alternance. Une bonne option puisque l’apprentissage augmente considérablement les chances de s’insérer rapidement. Selon le Cedefop, un quart des jeunes Français utilise cette voie, contre la moitié des Allemands. L’Allemagne a fait de l’enseignement professionnel une ­filière solide et reconnue. Le système repose sur un dialogue étroit entre employeurs, syndicats et gouvernement. La France essaie tant bien que mal de rattraper son voisin. En vingt ans, le nombre d’apprentis a doublé. Mais ce sont surtout les diplômés du supérieur qui en profitent, au détriment des autres. « On aide des jeunes qui s’en sortiraient très bien sans

a­ lternance, prévient Jean-François Giret. Les aides de l’État se déplacent vers des publics qui n’en ont pas vraiment besoin. Cela pose un problème d’efficacité et d’équité. On pourrait sortir plus de jeunes du chômage, alors qu’ on aide les plus avantagés. » LES NON-QUALIFIÉS EN DIFFICULTÉ

ont été mobilisés. Comme au Danemark où les jeunes sans diplôme au chômage depuis trois mois sont systématiquement pris en charge. Pour continuer à toucher leurs allocations, ils doivent suivre une formation qualifiante d’au moins dix-huit mois. Une mesure dont le gouvernement Ayrault s’est inspiré : la garantie jeune, lancée en 2013, permet à des Neet de bénéficier d’un accompagnement intensif et d’une allocation (voir article p. 30-31) pour éviter la marginalisation et la paupérisation qui guettent cette population. Car aujourd’hui, parmi les 20 % de Français les plus pauvres, la moitié a entre 15 et 29 ans.

En effet, l’effort devrait se concentrer sur les jeunes sans diplôme. Ceux que l’on appelle les Neet : Not in education, employment or training, soit ni employé, ni en formation, ni à l’école. Les Français entre 15 et 29 ans sont 17 % dans cette situation, soit 1,9 million de jeunes d’après le Conseil d’analyse économique. La plupart IRIS CHARTREAU, PAULINE DARVEY ET n’ont pas dépassé le lycée. Avec la NATHALIE SIMONET-PICARD crise, la baisse des offres de travail (*) Le prénom a été modifié. non qualifié et le manque d’accompagnement de Pour les Neet, la garantie cette population ont jeune prévoit des ateliers : CV, recherche provoqué une diminud’emploi, santé… tion considérable de l’emploi chez les jeunes non diplômés. Que faire de tous ces jeunes sans qualification qui arrivent sur le marché du travail ? Plusieurs pays étrangers ont pris le problème à bras le corps. Ils ont mis en place des dispositifs combinant aides financières, suivis et conseils intensifs en direction des jeunes précaires. Des moyens considérables Justine Cantrel

l’étude Drees réalisée en juillet 2014. Armand* connaît bien cette situation. À 23 ans, il n’a toujours pas quitté la maison de ses parents. Près de deux ans après l’obtention de son BTS de maintenance industrielle, il cherche encore un travail. De nombreuses candidatures mais peu de ­réponses. « J’ai passé des entretiens, mais les recruteurs finissent toujours par me dire qu’ils préférent une personne plus expérimentée. » Mais comment remplir son CV si les portes sont fermées pour les novices ? Le cercle est vicieux et absurde.

LE MAUVAIS ÉLÈVE ITALIEN

« Je comprends les jeunes qui cherchent le meilleur endroit pour trouver un emploi et une vie décente, mais notre responsabilité est de leur apporter cette garantie partout en Europe », affirmait le président du Parlement européen, Martin Schulz, en septembre 2013. En 2014, la moitié des Espagnols et des Grecs de moins de 25 ans sont au chômage. En Italie, ils sont 42,7 %. C’est quatre fois plus que les plus de 25 ans. Paolo Amorelli, 24 ans, originaire d’une ville proche de Rome, n’a pas de diplôme. Il a abandonné sa première année de psychologie. « La route était trop longue et, à la fin, j’aurais quand même été au chômage. Ici, soit on travaille au noir, soit on est précaire toute sa vie. » Aujourd’hui à son compte, il fait de la vente en ligne et de la construction de sites Web. Ses parents voudraient l’aider en lui payant des cours. Mais il ne veut dépendre de personne. Pourtant, il vit encore chez eux. Sa sœur Mariangela, 27 ans, est partie pour l’Allemagne en 2011. Malgré une licence d’économie à la Luiss, la prestigieuse université privée romaine, elle n’a pas trouvé de travail. « En Italie, j’ai fait deux stages d’un an, sans contrat ni salaire, avec une indemnité de 350 euros par mois. » Aujourd’hui, elle vit toujours à Berlin. Son entrée dans la vie active s’est faite à égalité avec les jeunes diplômés allemands : six mois de stages, CDD d’un an et enfin un CDI. L’Italie s’inquiète de la fuite des cerveaux vers l’étranger. Elle dénonce le clientélisme et la médiocrité des classes dirigeantes. Des variables sur lesquelles la politique européenne de Martin Schulz a peu d’impact.

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Innova 2015


DOSSIER

STAGIAIRE, LA BELLE AFFAIRE .overblo g isslilou essinsm Illustra tion : d

« Entreprise X cherche stagiaire pour un poste d’attaché de presse. Durée : six mois. Deux ans d’expérience requises. » Une authentique annonce, ­banale sur ce site réservé aux offres d’emploi dans le domaine de la culture. Or, un stagiaire est par définition étudiant et donc peu expérimenté. Alors, à qui s’adresse cette annonce ? Une fois sélectionnés, les étudiants se voient souvent confier des tâches à responsabilités sans avoir été formés et sans être encadrés. Ils remplacent souvent des employés en congé et, dans certaines entreprises, ils se succèdent sur des durées courtes, ce qui permet de ne pas les payer. Ils doivent parfois même se former entre eux. Avocate en droit du travail, Ariane Belliat pointe l’absence d’encadrement des stagiaires. Elle estime que le problème des stages abusifs serait réglé si les enseignants supervisaient plus la rédaction des conventions. Et que la protection de leur statut devrait venir des établissements qui fournissent ces conventions. Depuis 2006, plusieurs lois se sont succédées pour défendre la situation des stagiaires. La dernière en date, ­votée en juillet 2014, leur accorde les

.com

RESPONSABILITÉS ET MISSIONS, NOMBREUSES FAIBLES INDEMNITÉS… MALGRÉ LA LÉGISLATION, LA SITUATION DES STAGIAIRES AVANTAGE SURTOUT LES ENTREPRISES.

mêmes droits qu’aux salariés d’une entreprise (congés, tickets restaurants, transport), excepté le salaire. Elle punit d’une amende de 2 000 euros le non respect des délais de ­carence (deux mois entre deux stages de six mois) et des quotas de stagiaires par entreprise (mais le décret d’application n’est toujours pas pris). L’inspection du travail devra sanctionner le ­recours au stage pour exécuter une tâche correspondant à un poste de travail permanent. Enfin, elle interdit les stages une fois le cursus scolaire ou universitaire achevé. Cette législation sera-t-elle efficace ? Vu le faible coût d’un stagiaire pour l’entreprise, on peut en douter. Un stage de deux mois ou plus ne lui ­revient qu’à 508,20 euros mensuels. Certains jeunes diplômés n’hésitent pas à recourir à une fausse i­nscription 2015 Innova

universitaire ou à acheter une convention auprès d’écoles peu scrupuleuses. C’est le cas d’Aleksandra (le prénom a été changé), 25 ans, diplômée d’un master de commerce international. Ne trouvant pas d’emploi, elle effectue un stage de six mois dans une multinationale. Pour ce faire, elle s’est inscrite dans une de ces « écoles » privées qui se vantent sur leur site de délivrer « des conventions de stage en quarante-huit heures ». Mais, en cas d’accident, la jeune femme risque de se retrouver sans recours possible ni assurance. Tant qu’un stage continuera à être moins onéreux pour les entreprises qu’un CDD, la situation aura du mal à évoluer. Un cercle ­vicieux d’autant que le stage reste la meilleure façon pour les jeunes de se former. Alors tout le monde ferme les yeux. LINA BENSENOUCI ET CÉLIA MASCRÉ

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DOSSIER

LE CONTRAT DE CONFIANCE

Justine Cantrel

À la mission locale de Montluçon, les jeunes suivent des ateliers pendant six semaines pour identifier leurs compétences

SANS DIPLÔME, SANS EMPLOI, SANS RESSOURCES, ILS ONT MOINS DE 26 ANS. LA GARANTIE JEUNE S’ADRESSE À EUX. UN PROGRAMME D’ENCADREMENT D’UN AN POUR METTRE CES JEUNES LOIN DU MONDE DU TRAVAIL SUR DE BONS RAILS.

Isaac, 23 ans, se tient fièrement derrière son étal de viande. Depuis le mois d’octobre, il est apprenti-­ boucher dans un supermarché près de Montluçon (Allier). Une victoire pour le jeune homme qui, depuis quelques années, enchaînait périodes d’inactivité et petits boulots. À 17 ans, il a ­arrêté son CAP « entretien des espaces verts » et s’est retrouvé, sans diplôme, sur le marché du travail. Comme 17 % des 15-29 ans en France, Isaac est un Neet (not in education employment or training) : ni scolarisé ni employé. Une population invisible, en grande précarité. Virginie Muniglia, sociologue, les appelle « les jeunes vulnérables » : « La plupart du temps, ils n’ont pas de soutien parental et aucune stabilité financière. » Comme les emplois non-qualifiés sont de moins en moins nombreux, il est difficile pour ces jeunes éloignés des institutions de s’insérer dans la vie professionnelle. Pour les 15-25 ans, reste une solution : frapper à la porte des missions locales. C’est ce qu’a fait Isaac. Sa conseillère l’a alors dirigé vers un nouveau dispositif, encore expérimental : la garantie jeune. Lancée par le gouvernement Ayrault en 2013, elle concerne les

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Neet de moins de 26 ans. Dix territoires pilotes, dont l’Allier, l’ont mise en place en octobre 2013. Pendant un an, les jeunes sont suivis dans leur mission locale par un conseiller. Six semaines de formation en groupe, puis c’est à eux de démarcher pour trouver un emploi. Stages, CDD, intérims, toute expérience est bonne à prendre. Le but est de les rapprocher de l’entreprise et de leur donner confiance en eux. « Cela demande beaucoup d’investissement, explique Nadège Thomas, coordinatrice à Montluçon. Ils doivent justifier de tout ce qu’ils font. Un an à temps plein, c’est long. » En échange, les jeunes perçoivent une allocation d’un peu moins de 500 euros par mois. « LA GARANTIE JEUNE L’A RÉVÉLÉ »

Grâce au dispositif, Isaac a trouvé un stage de deux semaines en boucherie. L’employeur lui a ensuite proposé d’intégrer un CAP en alternance. ­Depuis, l’apprenti a fait ses preuves. Son responsable l’a même présenté au concours du meilleur ouvrier de France. Impensable il y a neuf mois encore, lorsqu’Isaac a commencé sa formation en groupe à la mission ­locale. « Il faisait le pitre tout le temps. Innova 2015

La garantie jeune l’a révélé », constate Sabine Pinon Quartironi, sa référente. Aujourd’hui, elle est venue lui rendre visite sur son lieu de travail. Car trouver un emploi, c’est bien. Le garder, c’est mieux. Le suivi est très important. La conseillère d’Isaac a de quoi être satisfaite. Pour lui, la garantie jeune est une réussite. Qu’en sera-t-il de Léa, Kévin, Maxence et Brandon ? Ce matin, ils

« Même physiquement, les jeunes sont transformés. Il faudrait faire une photo avant-après » SABINE PINON QUARTIRONI

participent à un atelier CV à la mission locale de Montluçon. C’est le début de leur troisième semaine de formation. Le brouhaha règne dans cette grande salle aux murs vert pomme. Une quinzaine de filles et de garçons sont éparpillés dans la pièce. Brandon, peu convaincu, montre son CV à Tonia Huard, l’intervenante du jour. « Tu faisais quoi à la boulangerie ?


DOSSIER

LE B.A.BA DE LA VIE QUOTIDIENNE

Des collages réalisés par le groupe quelques jours plus tôt sont accrochés au mur. Une pile de magazines et une consigne simple : raconter en image une expérience positive. « Faire un CV, je comprends. Mais ça, je ne vois pas l’intérêt », peste Maxence. Ces ateliers permettent d’évaluer les « compétences fortes » de chacun. « Esprit d’équipe, facilité à entrer en relation avec les autres, débrouillardise… Nous avons identifié treize compétences », précise Nadège ­Thomas, la coordinatrice. Tout est fait pour développer le travail d’équipe et le sens de l’initiative. « On rebondit sur toutes leurs idées. Par exemple, un groupe voulait organiser un repas de fin de formation. Nous l’avons transformé en jeu : gestion du budget, liste de courses, répartition des tâches… Ça a plutôt bien marché », raconte-t-elle. Car la garantie jeune, c’est aussi réapprendre le b.a.-ba. de la vie quotidienne. Se lever le matin, arriver à l’heure, faire des démarches administratives, ­s’organiser pour prendre le bus. Avant de trouver un contrat, les jeunes doivent devenir autonomes. « Il faut ­lever tous les freins à l’emploi, » ­explique Sabine Pinon Quartironi. Souvent, leur environnement familial est compliqué : déménagements à répétition, ruptures avec les parents, grossesses précoces… Les problèmes personnels empiètent sur la sphère professionnelle. Aider ces jeunes à avoir une vie privée stable, c’est une autre priorité de la garantie jeune. Logement, mobilité, santé, recherche d’emploi, ils ont donc six semaines pour « mettre un pied à l’étrier », ­selon Nadège Thomas. Ensuite, il est temps de s’immerger dans le milieu professionnel. « Même s’ils ne trouvent pas dans un secteur qui leur plaît, on les incite à se lancer, précise

Tonia Huard. Ils se diront “J’aime, j’aime pas, mais au moins, j’ai vu”. » Ils doivent multiplier les expériences, se créer un réseau et, surtout, se convaincre que le monde de l’entreprise n’est pas si loin. Quand ils ne

LA GARANTIE JEUNE, LOCALEMENT À MONTLUÇON (ALLIER), 137 JEUNES ont expérimenté le dispositif entre ­novembre 2013 et ­novembre 2014  400 IMMERSIONS EN STAGE 5 CDI 1 EMPLOI D’AVENIR 2 CONTRATS AIDÉS 2 CONTRATS EN ALTERNANCE 50 À 60 CDD OU INTÉRIMS

Isaac, apprenti-boucher, rend régulièrement des comptes à sa référente, Sabine Pinon Quartironi.

sont pas en activité, ils doivent « pointer » à 8 h 30 à la mission locale. Les jeunes viennent aussi régulièrement faire un bilan avec leur référent. Cet après-midi, Sabine ­Pinon Quartironi les reçoit dans son petit bureau. Il est déjà 14 h 15 et Imed n’est toujours pas là. Aurore, elle, a eu des difficultés à faire garder son fils. Deuxième rendez-vous manqué. C’est au tour de Morgane, 20 ans, d’entrer dans le bureau. Dans quinze jours, la jeune fille terminera son année de garantie jeune. Ce sera l’heure du bilan de progression. « Pour moi, ce serait plutôt de régression », ironise-t-elle : Morgane a eu des accidents de parcours qui l’ont découragée. La conseillère essaie de lui rappeler ses compétences 2015 Innova

fortes. Morgane baisse la tête. Sabine l’encourage : « Sens des responsabilités, débrouillardise, relationnel, organisation… Tu vois, tu en as beaucoup. » La jeune fille sourit. « C’est vrai, mais je n’arrive pas à les exploiter. » Demain, elle ira négocier un stage pour être serveuse dans un centre aqua-ludique. « On y croit », glisse-t-elle en repartant. Le rendezvous l’a remotivée. Quand elle ne bénéficiera plus de l’allocation, Morgane continuera à rencontrer un conseiller de la mission locale. Mais ce sera à elle de faire l’effort de venir si elle veut un suivi régulier. À l’horizon 2016, 100 000 jeunes ­auront bénéficié du dispositif. C’est peu, quand on sait qu’ils sont près de 2 millions de Neet à rester sur le carreau. L’État va-t-il étendre la garantie

Justine Cantrel

- Ben, j’ai pétri du pain, préparé la pâte », lui répond le jeune homme, blasé. La conseillère l’encourage : « Tu vois, tu en as fait des choses. Ne te sous-estime pas. » La confiance, c’est précisément ce qui pêche chez ces jeunes. La garantie jeune a été créée pour ça : leur montrer qu’ils valent quelque chose.

jeune à toute la France ? Problème, ça coûte cher. Environ 7 000 euros par jeune. Mais pour obtenir des résultats, il faut investir. Car si peu sortent du dispositif avec un emploi, de l’avis unanimes des conseiller, la garantie jeune est un succès. Les jeunes ont accumulé des expériences. « Ça se voit même physiquement, note Sabine Pinon Quartironi. On devrait faire une photo avant-après. » L’un des jeunes l’a constaté. Grand et costaud, il n’osait pas regarder ses interlocuteurs. Six semaines de garantie jeune, et le résultat est sans appel : « J’ai juste relevé la tête. C’était génial. » Un geste banal pourtant. Qui lui a permis de décrocher ses premiers contrats. JUSTINE CANTREL ET PAULINE DARVEY

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DOSSIER

PARTIR OU SUBIR DIPLÔMÉ FRANCO-ALGÉRIEN, AMINE A DÛ PARTIR À L’ÉTRANGER POUR TROUVER DU TRAVAIL. UNE SITUATION TYPIQUE EN FRANCE, QUI NE PUNIT PAS ASSEZ LES PRATIQUES DISCRIMINATOIRES.

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Trois cents. C’est à peu près le nombre de candidatures qu’Amine*, Franco-Algérien de 27 ans, a ­envoyées entre 2011 et 2012. Dix, c’est le nombre d’entretiens qu’il a décrochés. Aucun n’a abouti. Pourtant, Amine, dynamique et travailleur, sort de l’une des plus grandes écoles de commerce du pays. Mais ses brillantes études et son « très bon relationnel », selon un camarade de promo, n’ont pas suffi. Alors, à contre-cœur, il a fait ses valises pour l’Angleterre et est devenu manager d’un service client. Il rejoint les 53 % de Français qui travaillent à l’étranger et qui sont titulaires d’un master. Parmi les jeunes diplômés ils sont 27 % às’imaginent faire carrière à l’étranger. Amine, lui, voyait son avenir en France, où il est né. Pour financer ses études, Amine a dû emprunter 18 000 euros. Son

Titulaire d’un master en management, Amine (ici, au centre) fut également joueur de l’équipe de rugby Les Gaulois.

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­diplôme en poche, il doit se contenter de postes de serveur de fast-food ou de veilleur de nuit. Martin, un ami de l’école, s’en étonne : « C’était un excellent étudiant, bien intégré. C’est pourtant le seul de la promo à avoir autant “galéré”. » Il admet que ses origines « peuvent avoir joué ». Amine, lui, ne se sent pas discriminé : « Je voulais être embauché dans l’entreprise où j’ai fait mon stage de fin d’études. Malgré ma motivation, je ne l’ai pas été. Sans que l’on m’en donne la raison. » Responsable du pôle dis-

«les cadres ont du mal à concevoir qu’ils puissent être discriminés » FLORE GANON-LECOMTE, SOS RACISME

crimination de SOS Racisme, Flore Ganon-Lecomte comprend ce déni : « Les cadres et les personnes diplômées ont du mal à concevoir qu’ils puissent être discriminés. Et ceux qui en sont conscients n’engagent aucune procédure, de peur de “se griller’’. » « À l’école, Amine devait être le seul à être d’origine algérienne. Il y avait très peu de Noirs, presque pas d’Arabes. Il n’y en a pas plus dans le conseil en entreprise », constate Martin. Simple Innova 2015

à constater, mais difficile à étudier. En France, les enquêtes basées sur des critères ethniques sont interdites. UN PHÉNOMÈNE NON QUANTIFIÉ

Ce paradoxe frappe le Défenseur des droits, l’autorité indépendante de ­défense des citoyens face aux discriminations : « On demande aux employeurs de faire de la diversité, mais impossible de faire des quotas. » Aux yeux d’Amine, l’Angleterre présente un avantage. « Le débat autour de la discrimination y est très avancé. Dans les entreprises, il y a un code de l’employé qui stipule que toute ­remarque d’ordre sexiste, homophobe ou raciste sera sanctionnée », décrit le jeune homme. Un exemple à suivre pour le directeur du cabinet Éthique et Diversité, Khalid Hamdani : « Le système judiciaire est extrêmement sévère là-bas. Les pénalités sont lourdes pour les entreprises épinglées. » Le consultant déplore la situation en France : « La justice française, les forces de répression doivent s’emparer de la question plus fermement. » Flore Ganon-Lecomte le rejoint sur l’immobilisme de l’État : « Les gouvernements successifs n’ont jamais signé le décret obligeant l’utilisation du CV anonyme proposé dans la loi pour l’égalité des chances en 2006. » En attendant, faute de mieux, Amine reste en Angleterre. Et continue, malgré les difficultés, d’envisager un retour en France. THOMAS LABORDE

(*) Les prénoms ont été changés.


HANDICAP

LE MARATHON DE L’INSERTION Comme beaucoup de Français, vous cherchez du travail. Mais comme 10% d’entre eux, vous êtes handicapé. Les méandres de l’administration font déjà peur aux valides. Pour les personnes handicapées, c’est pire. Par quoi commencer ? En vous renseignant, vous avez appris l’existence des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) : un guichet unique pour faciliter vos démarches. Mais vous allez vite vous rendre compte d’une dure réalité : une tonne de paperasse et des délais d’attente interminables. Dix ans après leur création, les MDPH se trouvent face à un paradoxe :  en voulant centraliser tous les types de requêtes dans une volonté de simplification, c’est l’inverse qui s’est produit. L’institution est saturée. Trente mille demandes en moyenne à Tours. Inévitablement, il faudra s’armer de patience. Après plusieurs mois d’attente, vous obtenez un rendez-vous avec une conseillère. Vous allez définir votre projet professionnel aidé par des psychologues, des formateurs… Passée cette étape, on vous parle de la reconnaissance de la qualité de travail handicapé (RQTH). Ce statut est un précieux sésame pour entrer dans le monde du travail. Problème : votre demande fait partie des 4 000 requêtes, sur les 30­ 000, qui concernent les RQTH. Autant dire que vous n’êtes pas tout seul. C’est la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées qui prend la décision finale. Et l’attente sera longue. Quatre à dix mois. Enfin, muni du fameux sésame, vous vous dîtes que vous avez toutes les chances d’être engagé. Car depuis 1987, les entreprises ont

Thomas Chatriot

DOSSIER

ÊTRE HANDICAPÉ ET TROUVER UN EMPLOI, UN VRAI PARCOURS DU COMBATTANT.

Si la loi de 2005 avait été suivie à la lettre, au 1er janvier 2015, tous les bâtiments auraient été adaptés. C’est loin d’être le cas

l’obligation d’embaucher 6 % de personnes reconnues comme travailleurs handicapés. Exonérés de certaines taxes, les employeurs reçoivent aussi des subventions. Chacun y trouverait-il son compte ? En réalité, les entreprises n’appliquent pas toutes ce quota. Il n’est que de 4,6 % en moyenne dans le secteur public et 3 % dans le privé, selon l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (agefiph). Plutôt que d’adapter leurs locaux, les entreprises préfèrent payer des amendes. Elles arguent que certains de leurs salariés, pourtant concernés, n’accepteraient pas de se faire reconnaître en tant que travailleurs handicapés car ils refuseraient d’être perçus comme « diminués ». UN MONDE FAIT POUR LES VALIDES

Mais ce n’est pas votre cas. Vous, vous avez attendu des mois pour cette reconnaissance. Vous comptez bien la faire valoir. Et bingo, l’embauche vous a souri. Las ! Il n’y a pas de rampe adaptée pour accéder à votre bureau. Votre emploi devient un calvaire. Comme pour Raphaël, 26 ans, étudiant en droit, qui n’a pas pu effectuer son stage au tribunal de commerce de Tours parce qu’il ne pouvait pas accéder à la salle d’audience. Si la loi de 2005 sur l’accessibilité avait été suivie à la lettre, au 1er janvier 2015, tous les bâtiments auraient été adaptés. On en est loin. Une ordonnance discutée à l’Assemblée nationale a été déposée en 2014 pour rallonger le délai d’adaptation de trois à neuf ans. L’Association des paralysés de France crie à l’abandon et mène une campagne offensive sur les réseaux sociaux. En vain pour le moment. Même problème pour vous déplacer. Deux marches pour monter dans un bus ou une poubelle mal placée et c’est un rendezvous qui est manqué. Sur Internet, vous avez pourtant entendu le président de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, Arnaud de Broca, dire que « le handicap n’est pas un frein, mais un moteur du vivre ensemble et de l’insertion à 100 % de tous les citoyens ». Paroles de valide. Au bout de ce parcours, vous réalisez que si l’insertion est problématique, c’est aussi et surtout une histoire de mentalité. Votre ami Gregory, également non-valide, fulmine. Il aimerait « bien mettre François Hollande dans un fauteuil pendant une semaine. Juste pour voir ». Cela vous fait à peine sourire. LINA BENSENOUCI ET THOMAS CHATRIOT

2015 Innova

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DES GROS BRAS AU CŒUR D’ACIER

Gabriel Duval / AFP

HISTOIRE

« TRAVAILLEURS AUX MAINS D’OR », ILS ONT LUTTÉ POUR QUE VIVE LA SIDÉRURGIE. LE 23 MARS 1979, LES MILITANTS ONT DÉFILÉ DANS LA CAPITALE « CONTRE LE MASSACRE DE L’USINE ». EN VAIN. MALGRÉ LEURS EFFORTS, LA BATAILLE DE L’ACIER S’EST MAL TERMINÉE. Vendredi 23 mars 1979. Moustache, cheveux mi-longs, blouson en cuir, Michel Olmi sort de l’autocar, prêt à crier sa colère. Ce permanent syndical d’origine italienne débarque tout juste de Lorraine accompagné de ses ­camarades cégétistes. En ce début de matinée, les sidérurgistes de Longwy, en Lorraine, se retrouvent gare de l’Est pour prendre d’assaut Paris. La plupart rejoignent la porte de Pantin, premier point de ralliement de la CGT. Partout sur le chemin, la « République démocratique et populaire de Longwy » est applaudie. Les autres militants, organisés en petits groupes, participent à des actions « coup de poing ». Jean-Pierre Marchési et ses collègues

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Paris, porte de Pantin, 23 mars 1979. Les habitants de Longwy sont venus en nombre : ils seraient environ 5 000. La manifestation peut commencer.

d’atelier, tous ouvriers de Longwy, sont de ceux-là. À peine descendus de l’autocar, ils sont guidés par les responsables syndicaux parisiens et rejoignent l’Île de la Cité. Il est 10 heures. Ils grimpent à la tour sud de NotreDame et font sonner le bourdon Emmanuel, une cloche qu’on ne sonne que pour les grandes occasions. « Mes oreilles s’en souviennent encore », s’enorgueillit Jean-Pierre. Les Longoviciens font savoir aux Parisiens qu’ils sont là. Puis, ils rejoignent la place de la République, départ de la manifestation ­nationale. Ils sont 50 000 selon la police, 150 000 selon les syndicats. Dunkerque, ­Denain, Longwy, ce sont d’abord les cités

Le gouvernement Barre annonce le plan de « sauvetage » de la sidérurgie

25 000 personnes manifestent à Longwy, alors que le bassin compte 100 000 habitants

La CGT crée la radio Lorraine Cœur d’Acier

12 décembre 1978

19 décembre 1978

17 mars 1979


UN PLAN DE « SAUVETAGE » QUI PASSE MAL

Des applaudissements accompagnent la marche des manifestants. Une scène qui se répète de Pantin à République, lieu du rassemblement national.

L’avenir, les habitants n’osent pas l’imaginer. L’inquiétude, la peur, le doute puis la colère s’installent dans le bassin lorrain. Et le 23 mars, c’est avec rage que les ouvriers ­expriment leur indignation. Si la lutte ne peut se réduire à cette marche, cette dernière symbolise toutefois la révolte des sidérurgistes. Ce qu’ils souhaitent, c’est « vivre, travailler, étudier à Longwy », comme il est écrit sur la pancarte portée par Michel Olmi. La manifestation est la suite logique d’une multitude d’actions. Le 19 décembre précédent, une semaine après l’annonce du plan, 250 000 personnes s’étaient rassemblées à Longwy. Cela faisait six mois que les manifestations, les barrages de routes, les occupations d’usines, de relais télévisés et de sous-préfectures rythmaient le quotidien du bassin. Malgré l’interdiction (les ondes sont encore sévèrement réglementées par l’État), les syndicats ont créé des radios ­pirates pour coordonner le combat. D’abord la CFDT, puis la CGT avec la radio Lorraine Cœur d’Acier. Le 23 mars, sur ses ondes, les journalistes Marcel Trillat et Jacques Dupont se font l’écho, heure par heure, de la marche « contre le massacre de l’usine ». À Paris, sous leurs casques de sidérurgistes, les militants entonnent L’Internationale. Des banderoles décorent les rues : « Longwy, Denain montrent le chemin », ou encore « Longwy vivra ». Malgré les dissidences, cégétistes, cédétistes (membres de la CFDT), sidérurgistes, commerçants, enseignants, du Nord ou de l’Est, tous sont unis pour le même combat. Dans une ­ambiance bon enfant, la foule piétine André Lejarre / Le Bar Floréal

Les ouvriers paient les pots cassés de la gestion des maîtres de forges. Ces patrons, ­endettés à outrance, investissent à perte depuis des années. La « minette lorraine », le minerai local, peu rentable, a été remplacée par d’autres, plus riches. Le contexte mondial n’arrange rien : crise financière, concurrence de nouveaux acteurs, plan européen de restructuration du secteur, déclin de la demande d’acier et arrivée sur le marché de nouveaux matériaux. Autant d’éléments qui poussent le gouvernement à se saisir du problème et à tailler dans le vif. Pour éviter l’effondrement, le secteur sidérurgique, considéré comme stratégique, est partiellement nationalisé. En décembre 1978, le gouvernement Barre annonce un plan de « sauvetage » de la sidérurgie française. Quelque 21 750 licenciements sont prévus sur deux ans, dont 6 500 rien qu’à Usinor-Longwy. Pour la région, qui vivait depuis un siècle de cette mono-industrie, c’est toute une économie qui est menacée.

Usinor-Longwy au balcon de Notre-Dame. Jean-Pierre Marchesi et ses collègues s’apprêtent à sonner les cloches de la cathédrale.

Michel Clément / AFP

i­ndustrielles qui se mobilisent. Mais un élan de solidarité nationale soulève la capitale en ce jour de printemps. Tous viennent manifester leur colère.

AFP

HISTOIRE

Pic de la mobilisation, la marche sur Paris « contre le massacre de l’usine »

23 mars 1979

Nuit d’émeute après le brouillage de Lorraine Cœur d’Acier

19 mai 1979

CGC, FO, CFTC et CFDT signent la convention sociale. La CGT et l’UIS-CFDT continuent la lutte

24 juillet 1979

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HISTOIRE

Jean-Pierre Marchési et ses collègues se réfugient d’abord dans une bouche de métro. Mais la curiosité l’emporte, ils font demi-tour. Il est 17 heures. Le spectacle est apocalyptique : les grenades lacrymogènes fusent, les barricades sont en feu, les CRS chargent. Cette présence policière massive suffit à irriter les manifestants. Les forces de l’ordre tentent de disperser la foule mais le quartier est saccagé. Des pompiers arrivent pour éteindre l’incendie ­allumé dans le magasin Lancel. « Nous, on est resté calme. On n’a pas pleuré sur les bijouteries pour autant », ironise Gérard Lagorce, responsable syndical de Longwy. Poursuivis par la police, lui et ses amis de la CFDT courent sur les Grands-Boulevards en direction de la gare de l’Est où les attendent trains et autocars. L’air est saturé de gaz lacrymogène, mais les heurts se calment. Les sidérurgistes rentrent chez eux. Encore portés par l’excitation de la journée, ils considèrent que la marche sur Paris est un succès. En termes de mobilisation, c’est indéniable. Mais le chaos du quartier de l’Opéra, immortalisé dans la presse du lendemain, laissera une image bien terne de la révolte des sidérurgistes. Dans le train du retour, une mauvaise nouvelle circule. Roger Marin a été arrêté. Ce fils et frère de sidérurgistes, magasinier au chômage, est condamné à six mois de prison. Dès le lendemain, la lutte du bassin lorrain se poursuit pour soutenir « ce gars de Longwy ». Face à la mobilisation lorraine, la justice cède. Il sera libéré au bout de trois mois. Lorsque les congés d’été arrivent, le combat s’essouffle peu à peu. Depuis quelques semaines, gouvernement et ouvriers négocient la convention sociale. Sa signature, le 24 juillet 1979, sonne le glas de tout espoir. Tous les syndicats la ratifient. Tous, sauf un : la CGT. « Ça aurait voulu dire accepter,

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En fin de journée, les heurts entre autonomes et forces de l’ordre dévastent les Grands-Boulevards.

Les cheminots, solidaires, s’associent à la cause des sidérurgistes.

JUSTINE CANTREL ET HUGO LANOË

Gabriel Duval / AFP

INCENDIES ET GRENADES LACRYMOGÈNES

consentir », explique Michel Olmi. La lutte aura permis des avancées sociales, certes – pré-retraites, primes de départ volontaire... –, mais aussi une vague de licenciements qui emportera la majorité des sidérurgistes. La ville est sinistrée, peuplée de chômeurs et de retraités. L’amertume et la douleur gagnent la population. Une certaine rancœur, aussi. Michel Olmi est le premier concerné. Lui qui était entré à l’usine à 14 ans, après des différends avec ses confrères syndicalistes, démissionne de la CGT. Le temps passe. Il ne trouve plus de travail. La coordination des actions et la détermination laissent un grand vide. C’est la photo qui lui permet de se raccrocher à la vie. De panser ses plaies. Photographier les générations suivantes en lutte, la voilà sa reconversion. La bataille de l’acier a été perdue. La métallurgie agonise. Elle sera achevée des décennies plus tard : l’extraction du fer sera stoppée en 1993 et les hauts-fourneaux d’ArcellorMittal de Florange définitivement fermés fin 2012. C’en est fini des usines de 6 000 alariés, du syndicalisme fervent de la classe ouvrière. Terminé ces métiers pénibles, mais d’où jaillissaient une fierté et une identité forte. De la vallée des hauts fourneaux, il ne reste plus rien. Les blouses bleues ont été troquées contre des chemises blanches. Résonne alors Les Mains d’or, chanson de Bernard Lavilliers, l’enfant du pays : « J’me tuais à produire / Pour gagner des clous [...] J’peux plus exister là / J’peux plus habiter là / Je sers plus à rien – moi / Y’a plus rien à faire / Je voudrais travailler encore, travailler encore / Forger l’acier rouge avec mes mains d’or / Travailler encore, travailler encore / Acier rouge et mains d’or. » Stinger / AFP

pour rallier la place de l’Opéra. Mais là, des affrontements éclatent. Certains dénoncent des provocations ­policières. Surtout, les « autonomes » font irruption. Ce mouvement, issu de l’anarchisme et du maoïsme, ils réclament l’autonomie prolétarienne : autonomie vis-à-vis de l’État, du capitalisme et des syndicats. Armés de barres de fers, ils contestent dans la brutalité et tentent de pousser les autres manifestants à la violence. La quasi-totalité des vitrines des GrandsBoulevards et de la place de l’Opéra sont brisées, des magasins de luxe pillés. La cause discréditée.

Innova 2015


ÉCONOMIE

DEPUIS HUIT ANS, PÔLE EMPLOI FAIT APPEL AU PRIVÉ POUR LA PRISE EN CHARGE DES CHÔMEURS. FRAUDES ET DÉRIVES S’ACCUMULENT. Et si un jour il fallait payer pour chercher du travail ? Ce n’est pas pour tout de suite mais la privatisation semble en marche. Depuis 2007, Pôle Emploi a recours au privé pour accompagner des demandeurs d’emploi. L’agence fait appel à des opérateurs privés de placement (OPP), qui suivent actuellement 250 000 chômeurs. « Vu le taux de chômage, le recours aux OPP est indispensable, explique Michel Abhervé, professeur d’économie à l’université Paris-Est Marne-la-­ Vallée. Tant que cela reste un ­complément ponctuel du service ­public, pas de problème. » C’est justement la crainte des syndicats : une perte de contrôle progressive de l’État et une libéralisation à marche forcée. SYSTÈME NON ADAPTÉ À LA FRANCE

Le 3 mars dernier, la France a ratifié la convention 181 de l’Organisation ­internationale du travail. Un texte, déjà signé par 28 États censé encadrer le recours aux OPP. Pas de quoi rassurer les syndicats : « Pour un pays qui n’a pas de service public de l’emploi, la convention 181 peut être une avancée, mais pour la France, c’est une ­remise en cause du principe d’égalité dans le traitement des demandeurs d’emploi », explique Nathalie Potavin, secrétaire fédérale Pôle Emploi CGT. Même son de cloche du côté de la FSU. D’après Jean-Charles Steyger, délégué syndicale, « la convention doit garantir la gratuité du service. Mais regardons en Espagne : des officines privées ont poussé sur tout le territoire. Les chômeurs doivent payer des droits d’entrée pour consulter les annonces dans certaines agences. » Une dérive possible

puisque cette convention est soumise à dérogation. Cha­que pays peut décider système permet aussi de dissimuler le nombre d’amender le texte. Mais, Le officiel de chômeurs. pour Michel Abhervé, l’Espagne n’est pas la France : « Croire que placement. « C’est un secteur où on le service va devenir payant est un peut gagner beaucoup d’argent facilevrai fantasme. Si le fonctionnement ment. Il n’y a presque pas de contrôle. de Pôle Emploi n’est pas parfait, notre Pôle Emploi préfère ne rien voir. » service public reste très structuré. » Une connivence entre l’État et les Un discours qui n’efface pas la mau- OPP que l’ancienne salariée n’est pas vaise réputation des OPP. Plusieurs la seule à dénoncer. « Thierry Frère, scandales ont éclaté ces dernières an- P-DG de C3 Consultants, a utilisé nées. Le plus médiatique est celui de une stratégie payante, explique MiC3 Consultants en 2014. L’entreprise, chel Abhervé. Le ‘‘Too big to fail’’, trop devenue numéro un du placement gros pour tomber. Son entreprise privé, a fait faillite avec pertes et fra- ­gérait près de 125 000 demandeurs cas. Bilan : 580 salariés sur le carreau d’emploi. Impossible pour l’État de se et des millions d’euros de fraude. séparer de lui. » Autre raison pour Il y a quelques mois encore, Christine fermer les yeux : lorsqu’un demanNicoud était conseillère pour cet deur d’emploi est suivi par un OPP, il quitte la fameuse catégorie A. Celle prise en compte chaque mois pour le calcul des chiffres du chômage. «  On me demandait Ces scandales ont poussé l’État à opéde produire de rer des changements. Pôle Emploi se fausses signatures réserve désormais le droit de refuser ou de faire signer des offres trop basses. « Avant, Pôle des chômeurs pour Emploi semblait choisir les OPP unien fonction du prix, ­explique des prestations quement Véronique Pâris, directrice de l’agence inexistantes » de placement AB Créa. Résultat : des CHRISTINE NICOUD, ANCIENNE marges insuffisantes pour les entreCONSEILLÈRE POUR UNE OPP prises. Elles expédiaient les prestations, recrutaient des conseillers au OPP. « On me demandait de produire rabais et finissaient par faire faillite. » de fausses signatures ou de faire Autre nouveauté : à partir de juillet, ce ­signer des chômeurs pour des presta- ne sont plus les chômeurs les plus tions qu’ils n’avaient jamais eues. Sous éloignés de l’emploi qui seront enla pression, tous mes collègues l’ont voyés vers les OPP, mais ceux qui en fait. Moi, j’ai refusé. Le patron a alors sont les plus proches. Pôle Emploi essayé de me licencier. » Des pra- change donc son fusil d’épaule. Une tiques courantes selon elle, encoura- manière de tirer les leçons du passé ? gées par un mode de rémunération au PAULINE DARVEY ET GUILLAUME SAUZER 2015 Innova

Alain Alele/Flickr

INACTIFS LUCRATIFS

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SOCIÉTÉ

L’ENTRAIDE AU FÉMININ

POUR LES FEMMES, À CHAQUE BOUT DE L’ÉCHELLE SOCIALE, LES INÉGALITÉS PERDURENT. PLUS NOMBREUSES DANS LA PRÉCARITÉ, IL LEUR EST AUSSI PLUS DE DIFFICILE D’OBTENIR DES POSTES À RESPONSABILITÉS. LES RÉSEAUX FÉMININS TENTENT DE CHANGER LA DONNE.

BRISER LE PLAFOND DE VERRE

Aujourd’hui encore, ce sont les femmes les premières victimes de la précarité. D’après l’enquête menée par l’Insee en 2013 sur l’emploi, 30 % des femmes actives sont à temps partiel, contre 7 % des hommes. Elles sont aussi davantage concernées par les contrats à durée déterminée. Même dans les catégories sociales les plus favorisées, elles sont moins bien loties que leurs homologues masculins. Si elles obtiennent plus de diplômes, elles ­accèdent moins facilement aux postes à responsabilités, que ce soit dans les comités de direction des entreprises ou dans les assemblées politiques. C’est pour briser ce plafond de verre et lutter contre les inégalités que le réseau national Femmes 3000 a vu le jour. Laurence Hervé, directrice de la délégation pour la Touraine, propose aux membres d’échanger leurs expériences et de partager leurs carnets d’adresses. Des femmes viennent régulièrement témoigner de leur réussite. « Nous souhaitons les inciter à prendre des risques. » En 2010, seules 28 % des entreprises étaient créées par des femmes. Elle-même à la tête de deux sociétés, Laurence Hervé dénonce les barrières auxquelles toutes sont confrontées. À l’en croire, les femmes manqueraient de confiance en

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Au bureau, les femmes sont toujours écrasées par les hommes. Le Laboratoire de l’égalité a lancé une campagne en 2012 pour le dénoncer.

elles et n’oseraient pas, par exemple, poser leur candidature à un poste à responsabilités si elles n’ont pas toutes les qualifications nécessaires. Les hommes, eux, auraient moins ce genre d’état d’âme. Frédérique Cintrat fait partie de celles qui ont osé. Consultante, elle a créé Axielles, une startup qui fonctionne comme une plate-forme d’échanges pour les femmes qui sou­haitent faire progresser leur carrière. Pour elle, les femmes ne sont pas assez impliquées dans ce qu’elle appelle le « réseautage » d’entreprise ou de connaissances. Elles n’intè­grent pas spontanément cette activité dans leur travail. « Certaines offres d’emplois ne sont jamais proposées au public, explique Frédéric Cintrat. Les postes visés s’obtiennent par le biais des ­réseaux, c’est-àdire des connaissances que l’on fait généralement au cours de déjeuners d ­ ’affaires. » D. R.

« Le monde du travail a été créé par les hommes et pour les hommes », affirme Anne Coudignac. Énergique et déterminée, cette consultante en développement commercial est membre de Femmes 3000, un réseau qui milite pour la place des femmes dans le monde professionnel. L’objectif : leur donner une meilleure visibilité et accompagner leurs projets. « Les femmes ne trouvent pas forcément leur place dans le milieu professionnel, poursuit-elle. Elles doivent toujours s’adapter. » Car le monde du travail, lui, s’adapte peu et ne leur donne pas les mêmes chances qu’aux hommes.

DES RÉSEAUX ASSOCIATIFS POUR TOUTES

Un train de retard, donc, qui a incité Frédéric Cintrat à créer sa start-up. L’idée : proposer aux femmes des trucs et des astuces afin qu’elles profitent, elles aussi, des réseaux. Des forums sont aussi organisés avec des thématiques comme « apprendre à s’imposer pendant une réunion » ou « savoir demander une augmentation ». Problème : ces réseaux restent réservés à un public déjà bien inséré dans le milieu profesInnova 2015


SOCIÉTÉ LES FEMMES AU TRAVAIL EN CHIFFRES

Femmes 3000 propose à ses membres d’échanger leur expérience et de partager leurs carnets d’adresses

Sonia Barge/EPJT

sionnel. Laurence Hervé reconnaît que Femmes 3000, par exemple, compte « 20 % d’entrepreneuses, 60 % de cadres et 20 % de professions libérales et de retraitées ». Causette, une ancienne aide-soignante, ne s’y sentirait certainement pas à sa place. Pour s’occuper de ses deux parents malades, cette femme énergique a dû quitter son travail. Heureusement, pour elle comme pour les autres femmes touchées par la précarité, le chômage ou le sous-emploi, d’autres réseaux existent. Comme l’association Joséphine – Pour la beauté des femmes, un salon

Infographie : Clarisse Boulain

S’il n’existe pas de profil type de la femme au travail, certains chiffres éclairent cependant une réalité largement partagée : un fort investissement dans les études supérieures pour une difficile insertion dans le monde professionnel. Et pourtant elles sont toujours plus nombreuses à travailler. Un paradoxe qui motive les femmes comme les politiques publiques à influer pour une prise de conscience et un réél changement .

Avec Femmes 3000, Laurence Hervé veut inspirer positivement les femmes.

2015 Innova

de coiffure un peu particulier. Pour une somme symbolique (moins de 5 euros), des femmes en difficulté viennent se faire coiffer et maquiller. L’objectif est simple : les aider à ­renouer avec leur image, à reprendre confiance en elles et à s’insérer dans le monde du travail. Là aussi, les échanges et les rencontres permettent de constituer un réseau. Les femmes actives proposent aide et conseils à celles qui sont en recherche ­d’emploi. Bigoudis sur la tête, Causette sirote tranquillement son café : « J’ai créé des liens forts avec certains bénévoles et les autres femmes qui fréquentent le salon. Nous nous voyons même en dehors », explique-t-elle dans un sourire. Jean-Charles Aponté, responsable des salons de Tours et de Paris a, lui aussi « remarqué que la solidarité entre les femmes se fait très naturellement ». Si ces réseaux ne révolutionnent pas le monde du travail, ils contribuent à dépasser, progressivement, certaines conventions et barrières sociales. Pour les jeunes générations, l’avenir s’annonce plus égalitaire. Selon l’Insee, entre 25 et 34 ans, les femmes ont même un peu plus de facilités que leurs ­homologues masculins à s’insérer sur le marché de l’emploi. Les femmes gagnent du terrain, petit à petit. CLARISSE BOULAIN, CELIA MASCRÉ ET CAMILLE SELLIER

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SPORT

DANS LES PETITS CLUBS DE FOOTBALL PROFESSIONNEL, EMPLOIS ET RÉSULTATS SONT LIÉS. UNE DESCENTE, ET LES EMPLOYÉS SE RETROUVENT SUR LA TOUCHE. « C’est une véritable injustice. Pour les salariés qui ne sont pas sur le terrain et qui ne peuvent pas marquer les buts, c’est très dur. » Quand il est question de football, Pascal Gastien, ­ancien entraîneur de l’équipe de Niort, pense aux employés de l’ombre. Ceux qui se retrouvent hors-jeu et peinent à retrouver du travail lorsque leur club cumule les mauvais résultats sportifs. L’histoire est méconnue mais elle se répète chaque année. À la fin du printemps, trois clubs de ligue 2 sont rétrogradés en national (l’équivalent de la ligue 3). Une descente synonyme de cauchemar financier pour un club professionnel. Le budget est plombé par la baisse des revenus liés aux droits télévisuels. En général, les clubs de L2 touchent entre 3 et 6 millions d’euros grâce à la diffusion télé, ce qui représente jusqu’à 50 % de leurs finances. En national, cette somme ne dépasse guère une centaine de milliers d’euros. Conséquence : des coupes drastiques sont faites dans le budget et de nombreux salariés perdent leur emploi.

MAUVAISE PASSE POUR LES SALARIÉS

DES DÉPARTS, COMME UNE DÉCHIRURE

Personnel administratif ou membres du staff subissent alors de plein fouet ce système basé uniquement sur des performances sportives. À Niort, en 2009, lorsque le club est descendu en CFA (Championnat de France amateur, équivalent de la quatrième division), il a procédé à douze licenciements économiques. « Tous les domaines ont été touchés : le secteur administratif, le centre de formation, la sécurité… », énumère Karim Fradin, manager général du Chamois niortais Football club. La cuisinière, l’assistante comptable, des membres du staff… tous ont travaillé de nombreuses ­années pour le club et ont applaudi passionnément ses résultats, avant de devoir le quitter, du jour au lendemain. « Ces départs, quelle déchirure. Jamais je n’aurais pu l’imagi-

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en cas de descente la diminution des salaires peut atteindre 20 % selon les contrats Innova 2015

ner, se remémore Eklu Dodzy, coordinateur sportif des Chamois niortais et au club depuis 1986. Ces gens, ils ont construit le club et faisaient pleinement partie de la famille. » Nicolas Brault, 40 ans, est l’une de ces victimes collatérales du ballon rond : après avoir donné vingt ans de sa vie à son club de cœur, Le Mans Football Club (LMFC), il perd son travail en 2013. Dix ans de bénévolat, dix années en tant que responsable vidéo statistique, puis le vide. Car, à l’époque, Le Mans FC est criblé de dettes et l’équipe termine dix-­ huitième de L2. Des résultats qui sonnent la fin de partie pour le club : placé en liquidation ­judiciaire, il perd son statut professionnel et sa centaine de salariés se retrouvent sans emploi. « Je suis toujours au chômage. Les clubs ­recrutent très peu », désespère Nicolas Brault. Avant de tacler le monde du foot : « C’est vraiment un milieu précaire. Nous avons la chance de travailler pour notre passion mais il suffit d’un petit grain de sable pour faire ­dérailler notre vie. C’est la règle du jeu : on peut se faire virer comme un malpropre à tout moment. » Qu’en est-il pour Tours ? La situation économique et sportive compliquée du club pourrait provoquer le même type de problèmes. Après cinq saisons réussies en L2, l’équipe première se retrouve aujourd’hui en position


Julien Privat

SPORT

de relégable. Pour l’instant, personne n’a perdu son poste. Mais dans le cas d’une descente en fin de saison ? Jean-Marc Ettori, président du Tours Football Club, tente un dégagement et préfère rester optimiste : « Il n’y pas de plan prévu pour l’année prochaine. De toute ­façon, la question ne se pose pas, puisqu’on va se maintenir ». En attendant, des coupes budgétaires ont d’ores et déjà été réalisées. Les salariés qui quittent volontairement le club ne sont pas systématiquement remplacés. Pour ceux qui restent, c’est l’angoisse permanente. Dans les bureaux du complexe sportif, le ­sujet est presque tabou. « Incertitude », « inquiétude » sont les mots qui reviennent à chaque prise de parole. Tous ont du mal à parler de leur situation actuelle et future dans le club. Mais par un silence ou une vague réponse, tous transmettent leur appréhension de l’avenir. LES SALARIÉS RESTANTS SOUS PRESSION

Si les résultats sportifs jouent directement sur les emplois, ils touchent aussi la santé du personnel : « Une descente, c’est une grave crise morale, commente le Niortais Eklu Dodzy. Certains se retrouvent en pleine dépression. Psychologiquement, c’est compliqué de ne pas savoir ce qu’il adviendra demain. » Et les conditions de travail se détériorent au fil des

rencontres sportives. « On ne connaît pas le projet du président, désespère Alexandre ­Bertrel, attaché de presse au Tours FC. Forcément, l’ambiance est tendue. Surtout les lendemains de défaite. » Pour lui, les tâches se sont multipliées à cause de la réduction du personnel : « La responsable de la communication est partie et personne n’a été recruté à sa place. C’est moi qui récupère les missions qui lui étaient confiées », témoigne-t-il, entre deux mails. Une situation déjà vécue par Eklu Dodzy : « À l’époque du CFA, j’étais entraîneur, mais je faisais également partie de l’intendance et je m’occupais de la logistique. J’étais même conducteur du minibus pour les déplacements de joueurs. » Franck Azzopardi, directeur du centre de formation, confirme : « Tout le monde multipliait les casquettes. » Certains salariés supportent difficilement cette pression. Sans compter qu’en cas de descente, la diminution des ­salaires est généralement automatique et peut atteindre 20 % selon les contrats. Aujourd’hui, Niort s’en est sorti et retrouve une belle forme économique. En revanche, l’herbe est moins verte pour le Tours FC. Si le ballon ne fait plus vibrer les filets du stade de la Vallée du Cher, il fait en tout cas trembler les salariés. Ils placent leur futur dans les pieds des joueurs pour éviter le carton rouge. Un carton non mérité. FLORIAN CADU, HUGO LANOË ET JULIEN PRIVAT

DU NOUVEAU DANS LE CHAMPIONNAT Le championnat français déplore une perte de 92,6 millions d’euros en 2014. Face à ce constat, deux anciens dirigeants du Stade Rennais ont remis un livre blanc à Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel (LFP). Quatre mesures ressortent de ce rapport. L’une d’elles consiste à prendre en compte l’ancienneté des clubs dans l’élite (ligues 1 et 2). Si une équipe de L1 était reléguée en L2 après y être restée un an, elle percevrait 500 000 euros. Si elle avait passé quatre saisons dans l’élite, elle recevrait 2 millions d’euros. Le but ? Éviter les crises financières des clubs. Par ailleurs, le président de la LFP envisagerait de réformer le système actuel de montée en L1, passant de trois à deux clubs par saison. Seul le dernier de L1 descendrait au niveau inférieur. L’avant-dernier disputerait de son côté un barrage contre le dauphin de L2. Si la première proposition fait l’unanimité, la deuxième est loin de recevoir l’approbation des présidents de L2. 2015 Innova

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PORTRAITS

DES MÉTIERS QUI

CERTAINS MÉTIERS DISPARAISSENT, D’AUTRES SE CRÉENT. SI CEUX-LÀ N’EXISTAIENT PAS, IL FAUDRAIT LES INVENTER. EN PLEIN BOOM, LE NUMÉRIQUE ET L’ENVIRONNEMENT.

Iki63 (un pseudo) est clermontois. Il se filme en train de jouer, c’est ça être streamer de jeux vidéos. Il streame depuis près de dix ans et ses vidéos totalisent ­environ 12 millions de vues sur Internet. Une webcam le filme en direct, un logiciel enregistre l’image à l’écran. Son domaine : les jeux d’action, de tir et d’aventure, sur ordinateur ou sur console. « Tout a commencé quand DailyMotion a mis en place ses contrats. J’ai alors décidé d’en faire mon métier. » Mais pour assurer la course aux vues, il faut fournir des vidéos de qualité, cela demande énormément de temps : « Dans GTA 5, j’ai recommencé une scène 81 fois pour que la séquence soit réussie. » Le stream évolue depuis quelques années. Au début, les joueurs cherchaient des solutions aux endroits où

ils étaient bloqués ou des astuces pour finir l’intégralité d’un jeu. « Dorénavant, ils les regardent pour vivre une expérience. On se met de plus en plus en scène, l’aspect comique ­devient très important. C’est un peu comme de la télé-réalité. » Les streamers se sont multipliés, comme certaines pratiques. « Beaucoup de plates-formes créent des programmes indépendants (bots), qui génèrent des vues, pour augmenter la popularité de leurs vidéos », s’indigne Iki63. Les revenus des publicités ont nettement baissé, notamment à cause d’Adblock, ce programme qui les empêche de s’afficher. Pourtant, certains arrivent à avoir une activité rentable. « Notre métier prend forme c’est certain, mais il n’y pas de place pour tout le monde », conclut-il. GUILLAUME SAUZER

Capture d’écran Youtube

triques. Par exemple, « Les dragons pourraient-ils vraiment cracher du feu » ou « Pourquoi les animaux n’ont pas de roues ? ». Son réalisateur est Léo Grasset, la vingtaine, ­titulaire d’une maîtrise de biologie. Ses ­vidéos ne sont pas un simple passe-temps, comme le jeune homme l’explique dans l’une d’elles : « DirSAVANT FOU RIRE LÉO, YOUTUBER tybiology et mes autres Youtube n’héberge pas que des vidéos projets de vulgarisation sont mon de chats. Parmi les dernières pépites, vrai métier. Cela me prend 250 % de la chaîne Dirtybiology. Elle produit mon temps libre, c’est donc mon des vidéos au ton humoristique et ­occupation principale. » Il est rémuparfois scatologique qui abordent de néré par Youtube en fonction du façon scientifique des sujets excen- nombre d’abonnés et de visionnages

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Iki63

JOUER POUR VIVRE IKI63, STREAMER

de ses vidéos. Pas assez pour pouvoir en vivre, malgré ses 130 000 abonnés : « Avec mes 2 millions de ­vidéos vues en six mois, j’ai gagné à peine un Smic», explique-t-il dans la même vidéo. La solution : l’expatriation. Avec d’autres Youtubers, dont son frère Colas, il est parti vivre en Thaïlande parce que, dit-il, « la Thaïlande, c’est cool. » Là-bas, le faible coût de la vie lui permet de vivre de ses vidéos. Il a aussi finalisé l’écriture d’un livre, dans la même veine décalée que ses vidéos : Le Coup de la Girafe, paru en avril 2015 aux éditions du Seuil. Un ouvrage qui pourrait valoir davantage de reconnaissance au jeune scientifique. La prochaine vidéo de Dirtybiology nous dira-t-elle si le youtuber ne s’épanouit qu’en milieu tropical ? QUENTIN RAILLARD


PORTRAITS

ONT DE L’ AVENIR Guillaume Sauzer

l’automobile, enchaînait les deux huit et les heures de trajets jusqu’à l’épuisement. Amateur d’informatique, il démissionne et se lance à son compte en 2011. Depuis une pièce de sa maison r e co nv e r t i e LA RÉFÉRENCE PHILIPPE, RESPONSABLE SEO en bureau, il SEO ça vous parle ? Search Engine dirige Net Presta, son entreprise de Optimization ou référencement. webmaster. Conscient des exigences Comprenez l’optimisation d’un du métier, il fait preuve d’une pasite Internet pour un moteur de tience à toute épreuve et développe ­recherche. Philippe Bouquet en a fait un bon sens de l’organisation. son métier. Ingénieur de formation, il Philippe mise sur la relation de travaillait comme chef d’équipe dans confiance et le long terme pour se

distinguer des autres. Pour faire remonter un site Internet ou une page dans un moteur de recherche il faut valoriser certains mots. Être le premier, oui. Mais sur quel mot ? Quelle page ? Pour y répondre, la technicité ne suffit pas. « Il faut connaître les attentes du client et le milieu dans lequel il travaille pour optimiser les mots qui peuvent être tapés. » Comptez deux mois pour faire remonter un site. « Si on s’endort, on descend. Il faut entre trois et six mois pour avoir un travail efficace. » Aucun risque de s’endormir à en juger par les poches qu’il a sous les yeux. Philippe Bouquet travaille le jour mais aussi la nuit, un moment propice pour la maintenance. En pleine croissance, il a réussi son défi : réunir les compétences d’un geek et d’un bon commercial dans un même costume. IRIS CHARTREAU

Pour les grandes enseignes, l’objectif est d’être archi-original : mettre en valeur les produits et attirer les clients. Elles font donc maintenant appel à des designers 3 D. Ils créent des images en trois dimensions et rivalisent d’imagination pour donner une esthétique toute particulière à l’intérieur des magasins. « C’est une autre manière de créer, d’aborder l’espace, explique Violaine Chapelain, designer 3 D. Les plans d’architectes ne sont pas toujours très parlants pour les clients. Grâce à nos logiciels, on peut fournir une image concrète qui permet de se projeter ». Le designer 3D commence par créer les volumes, puis définit les matériaux, travaille sur l’éclairage, positionne les différentes caméras qui permettront une vision dynamique de l’image, « un peu comme un film », précise Violaine.

Le design en 3 D a débuté il y a une quinzaine d’année. Pourtant, les designers 3 D sont rares. Leurs compétences sont de plus en plus sollicitées par les entreprises. Paradoxalement, il n’existe en France, aucune formation spécifique. Seuls les cursus en animation destinés aux créateurs de jeux vidéos et de films, ou aux designers peuvent conduire à ce métier. Si les designers 3 D se concentrent sur l’architecture commerciale (retail design), d’autres secteurs développent leur pôle 3 D : c’est le cas de l’hôtellerie, de l’ingénierie médicale, mais aussi de la bijouterie et de l’horlogerie. « C’est un métier d’avenir qui va encore énormément évoluer. On doit 2015 Innova

Crystals Retail and Entertainment

PLACE À L’ESPACE VIOLAINE, DESIGNER 3 D

cumuler des compétences en design, maîtriser des logiciels très exigeants et avoir un sens créatif. Trop peu de personnes sont vraiment qualifiées, il y a des places à prendre », insiste Violaine Chapelin.

GUILLAUME SAUZER

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PORTRAITS La recherche d’un rudologue a été quelque peu cocasse. Les personnes contactées ne connaissaient pas ce mot. Pourtant, la plupart exerçaient bien cette activité. Un fois découvert le bon professionnel, on s’est rendu compte que, la rudologie, c’est beaucoup moins drôle que son nom. Et pas très sexy. C’est en fait l’étude des déchets, des biens et des espaces déclassés. C’est un domaine primordial pour les collectivités, qui doivent répondre aux nouvelles problématiques environnementales. Gaël Canevet, technicien environnement pour l’agglomération de Tours Plus, explique : « Notre métier, c’est d’assurer et de coordonner le service public de collecte, de tri et de traitement des déchets. Nous sommes une douzaine de personnes au sein du service des déchets ». La politique de transition énergétique en vigueur impose un véritable changement des pratiques. « Avant, les collectivités enfouissaient tout.

Aujourd’hui, nous devons trouver et mettre en place des alternatives, comme l’incinération, le compostage ou la méthanisation. » Tout a commencé avec les emplois jeunes et les ­ambassadeurs de tri. « Maintenant, c’est devenu un vrai métier, qui demande diverses c o m p é t e n c e s  : dans l’environnement, au ­niveau technique et ­réglementaire ; en communication puisque nous avons aussi un rôle préventif et juridique », précise le rudologue. À Tours, un DUT génie biologique et environnement et une licence professionnelle en gestion de l’environne-

Guillaume Sauzer

PASSION DÉCHETS GAËL, RUDOLOGUE

ment forment à la rudologie. « Un métier d’avenir », pour Gaël Canevet, même, « s’il est difficile de trouver sa place, car il y a peu de turn-over au sein des collectivités . » Un métier dont on aura de plus en plus besoin. GUILLAUME SAUZER

Guillaume Sauzer

MONSIEUR ÉNERGIE CÉDRIC, ÉCONOME DE FLUX

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Au dernier étage de la mairie de Blois, le service environnement abrite un personnage atypique. Cédric Plouzeau est économe de flux. Tous les services ont affaire à lui, pour des interventions qui peuvent sembler minimes. C’est à lui qu’on fait appel pour réduire le chauffage d’une pièce ou pour installer une porte plus isolante. Son rôle est de réaliser des économies d’énergie pour la ville. « C’est un poste de conviction. J’ai une connaissance et une sensibilité pour les problématiques environnementales. » Hydrogéologue de formation, il met en pratique

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ses compétences techniques tout en développant ses qualités de communiquant. Forcer les gens est contreproductif. Cédric Plouzeau aime le dire, il n’est pas écolo et n’est pas parfait. Il en est bien conscient : il ne peut pas tout. « J’apporte un support technique, de l’aide et un accompagnement. La question est  : qu’est-ce que l’on peut faire ensemble pour être efficace et limiter les pertes ? » Monsieur énergie veille à sensibiliser le personnel de la mairie. De l’instituteur au jardinier, en passant par l’agent d’entretien de la salle des fêtes, il est amené à travailler avec toutes les personnes dont le salaire ou le lieu de travail est financé par la ville. Sur le parvis de l’hôtel de ville, il raconte le premier défi qu’il a relevé : réduire de 20 % en un an la consommation d’électricité de la salle de spectacle de la ville sans dépenser un centime. Il esquisse fièrement un grand sourire : « pari réussi ! » IRIS CHARTREAU


BONS PLANS LIVRES / DÉCALÉ / LE SAVIEZ-VOUS ?

Pratique PAGES RÉALISÉES PAR L’ÉQUIPE DE LA RÉDACTION

demotivateur.fr

LES FLEMMARDS ONT TROUVÉ LEUR MAÎTRE

TOUT NUS AU BUREAU l­ibérer les énergies créatives et de pacifier les relations au sein de l’entreprise ». C’est la naissance des Naked Fridays, les « vendredis à poil ». Précurseurs, les salariés de l’agence de communication Onebestway se sont véritablement mis en tenue d’Adam et d’Ève le temps d’une journée. L’expérience a été plutôt positive. Seul point négatif : l’augmentation de la facture de chauffage. Jusqu’où ira-t-on pour être bien dans sa peau au boulot ?

Dan Price patron philantrope.

youtube

Jupe ou pantalon ? Aujourd’hui, le choix est tout fait. Imaginez. Aller au boulot… dans le plus simple ­appareil. Le webzine The Bold Italic, lui, a tenté l’expérience. Pendant des mois, les employés de cette rédaction basée à San Francisco ont travailler nu. C’est du moins ce qu’ils ont voulu faire croire pour un poisson d’avril. Mais cette initiative a eu le mérite de mettre sur le devant de la scène un concept qui existe ­depuis 2009. Le psychologue britannique David Taylor explique que la nudité entre collègues permettrait de « renforcer la cohésion de groupe, de

Un ingénieur américain, paresseux mais non sans ressources, a sous-traité son travail à une entreprise chinoise. Et pendant plusieurs années. Pour cela, il a tout simplement envoyé ses codes d’accès sécurisés par colis. En contrepartie du travail fourni, l’ingénieur reversait 20% de ses revenus à l’entreprise chinoise. Il ne lui restait plus qu’à faire acte de présence, c’est-à-dire passer ses journées sur Facebook, Reddit ou encore Youtube pour visionner des vidéos de chats. Le comble : il a été élu plusieurs années d’affilée «meilleur employé», avant que son entreprise ne découvre le pot aux roses. Elle se croyait victime d’un hacking en raison du nombre de connexions depuis l’étranger. Au bout de plusieurs années tout de même.

Peut-on être entrepreneur, jeune et philanthrope ? Dan Price, directeur de l’entreprise Gravity Payments, startup de services de paiement à Seattle, est la preuve que oui. Par une initiative aussi novatrice que dans l’air du temps, il a décidé de porter les émoluments de ses 120 employés à 5 800 dollars (5 400 euros) mensuels, d’ici 2017. Son but ? Lutter contre les inégalités de salaires et offrir à tous ses collaborateurs un revenu correspondant au « seuil psychologique » permettant d’être plus heureux. Pour financer ces augmentations, il a lui-même divisé son salaire par 14. Des initiatives en faveur des employés qui fleurissent sur la côte Ouest des États-Unis, célèbre berceau de l’innovation. Un joli coup de com aussi, alors que le débat sur les revenus des patrons bat son plein outre-Atlantique, devenant un sujet de prédilection pour les candidats à la Maison Blanche.

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LES SIMS 4 AU TRAVAIL : ET SI ON CHANGEAIT DE MÉTIER ?

Vous avez toujours rêvé d’être médecin ? Pas besoin d’un bac +10. Avec Les Sims 4 Au Travail, vous allez pouvoir errer dans les couloirs des hôpitaux, un stéthoscope autour du cou, soigner des patients et faire des opérations. Le temps d’une partie, glissez-vous dans la peau d’un scientifique, d’un détective ou montez votre commerce. De quoi égayer votre nouvelle vie virtuelle.

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PRATIQUE

CARNET D’ADRESSES HANDICAP AGEFIPH (Association pour la gestion, la formation et l’insertion des personnes handicapées) L’Agefiph met à disposition une offre d’interventions (services, prestations, aides financières en complément des aides publiques) pour les employeurs et les personnes handicapées pour soutenir leurs projets. Insertion professionnelle comme maintien dans l’emploi. 35, avenue de Paris 45000 ORLEANS 0 800 11 10 09 http://www.agefiph.fr MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) C’est ici que sont déposées toutes les demandes au sujet du handicap (reconnaissance, emploi, etc.). 19, rue Edouard Vaillant 37000 Tours http://www.mdph.fr Pôle Emploi C’est le premier contact pour votre inscription comme demandeur d’emploi après la MDPH. Il vous accompagne dans votre recherche et peut vous diriger si nécessaire vers CapEmploi (voir ci-dessous) ou un conseiller spécialisé. 279, rue Giraudeau 37000 Tours www.pole-emploi.fr CapEmploi Il vous accompagne pour définir ou réorienter votre projet professionnel, chercher des formations ou accéder à l’emploi. Il vous met aussi en relation avec des entreprises qui recherche des travailleurs handicapés. 45, rue du Mûrier 37540 Saint-Cyr-sur-Loire http://www.capemploi.com

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DANS LA GUEULE DE LA PEUGE Avant d’être photoreporter, Raphaël Helle a été, entre autres, ouvrier. C’est donc un monde qu’il connaît. « Autrefois, l’usine était un lieu de vie, une identité, une dignité aussi, pour ce qu’on appelait encore la classe ouvrière. Mais avec la mondialisation, les machines sont parties ailleurs, vers l’Est ou le Sud. Et les ouvriers sont devenus invisibles », écrit-il sur son site. Pendant six mois, il s’est immergé dans le monde de « La Peuge », l’usine PSA de Sochaux, pour rencontrer les ouvriers, les écouter, leur rendre leur visibilité. Surprise, il n’y a pas que des gros bras parmi eux.

Les femmes sont nombreuses sur les chaînes. Les jeunes aussi. La plupart sont précaires. Et obtenir un CDI est une gageure. L’intérim représente 49 % des emplois et les CDD 30 %. La revue XXI consacre trente pages de son numéro Printemps 2015 au travail de Raphaël Helle. Un travail sensible, saisissant, douloureux aussi, qui n’élude rien de la dureté de ce monde. Mais qui rend toute leur place aux gueules cassées de La Peuge. À voir aussi sur http://www.lafrancevuedici.fr/reportage-la-peuge.php

UNE APPLI POUR LES TRAVAILLEURS NOMADES

Vous cherchez un endroit où travailler ? Le site Neonomade.com répertorie 600 espaces ouverts au public dans toute la France : coworking, centre d’affaires, café-wifi… Une application est disponible pour les smartphones. Le moteur de recherche permet de sélectionner le lieu, le nombre de personnes concernées et le type d’espaces. Cette plateforme a été mise au point par le cabinet de consultants LBMG Worklabs, qui conseille les entreprises sur les nouvelles formes d’organisation du travail.

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PRATIQUE

En livre

Dans Le choix : Souffrir au travail n’est pas une fatalité, Christophe Dejours actualise ses hypothèses. Fruit d’une longue enquête, le livre relate la réorganisation progressive du travail dans une entreprise d’aménagement urbain : gain de productivité, meilleure santé mentale des salariés, etc. Avec cet ouvrage, le chercheur fournit toutes les clés aux politiques pour changer le travail, et ce faisant, la société. Servitude ou émancipation, c’est une affaire de choix. Le Choix. Souffrir au travail n’est pas une fatalité Christophe Dejours, Bayard, 2015, 19 euros.

Patron en tête Philippe Andrieu, Benoît Piraudeau, Autoédition. 2015, 15 euros.

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En compétition pour le Festival de Cannes 2015, La loi du marché, réalisé par Stéphane Brizé, traite du dilemme moral d’un homme. Après vingt mois de chômage, Thierry (Vincent Lindon) trouve un nouvel emploi, mais peut-il tout accepter pour le garder ? La spécificité du film tient aussi à son casting. Les acteurs sont, en fait, de vrais employés de supermarchés. À l’affiche le 20 mai 2015.

CROWDFUNDING Cette année, nous nous sommes lancés dans le financement participatif, le crowdfunding (littéralement « financement par la foule »). Le but ? Apprendre à nous valoriser, à communiquer et à entretenir une relation avec nos futurs lecteurs. Les débuts ont été difficiles. Journalistes en herbe, nous sommes encore peu habitués à l’autopromotion. Nous avons finalement atteint notre objectif. La somme rassemblée nous a permis de rembourser nos frais de reportages et une partie des frais d’impression. C’est donc grâce à vous que le fruit de notre travail, ce magazine, est entre vos mains. Un grand merci pour avoir cru en nous et nous avoir fait confiance. NOS GÉNÉREUX DONATEURS :

Le témoignage de l’ancien patron de Lytess, une entreprise de textile prospère qu’il a lui-même fondée. À la suite d’une maladie, Philippe Andrieu se retrouve sur le carreau de sa propre société, renvoyé par ses actionnaires, devenus trop importants. Dans le livre qu’il a coécrit avec Benoît Piraudeau, il revient sur son parcours hors du commun.

À lire aussi...

Travailler au XXIe siècle

Maëlezig Bigi, Olivier Cousin, Dominique Méda, Laetitia Sibaud, Michel Wieviorka, Robert Laffont, 2015, 20 euros.

Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés

PHILIPPE BOUQUET (SEUL D. R.

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Raphaël Helle

Un morceau de chiffon rouge, Pierre Baron, Raphaël Mouterde et Frédéric Rouziès VO Editions, NSA La vie ouvrière 29,90 euros.

Un morceau de chiffon rouge est un lambeau d’histoire, celui de la radio Lorraine Cœur d’Acier (LCA). Créée en 1979 par la CGT au sein du bassin sidérurgique, cette radio pirate a accompagné au fil des mois les habitants et les travailleurs de Longwy. Informer, décrypter et coordonner. Tels ont été ses mots d’ordre jusqu’à ce que ses deux journalistes phares, Marcel Trillat et Jacques Dupont, soient évincés par la CGT elle-même. D’Alain Krivine à Guy Bedos en passant par Albert Jacquard, différentes personnalités sont passées au micro. Véritable instrument de libre expression, la radio a été la cible de brouillages orchestrés par les autorités. Trente ans plus tard, trois passionnés de radio décident de revisiter sa genèse. Cinq documentaires radiophoniques et un film retracent les peurs, les colères et les combats de toute une région.

D. R.

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CD - DVD

À NOUS AVOIR ENVOYÉ SA PHOTO CI-CONTRE), AKYNOU, NESRINE

BENYAHIA, LOUIS-MARIE BIGOT, ALCIDE BOCQUILLON, VINCENT BOUFFARTIGUE, MATHILDE BRARD, GEOFFREY CANTREL, JEAN-LOUP COLMANT, MARIE COURVASIER, TRUDY DALLAS, EVA DENIEL, SYLVAIN DHONNEUR, MARINE ETOURNEAU, JULIETTE GANGA, PAUL HOLLEVILLE, FREDERIK HUFNAGEL, CLÉMENCE JULIEN, AUBIN LARATTE, HERVÉ LECOCQ, JULIETTE LÉCUREUIL, ANNE LINOSSIER, SÉBASTIEN MARTINEAU, ALEXANDRE MARTINEZ, CLAIRE MORVAL, JEREMIE NICEY, SOLÈNE PERMANNE, SHANEL PETIT, MAXIME RENARD, XAVIER RIDON, AURELIEN SANCHEZ, JOCELYNE SANCHEZ, MARINE

Marie Pezé, Flammarion, 2010, 7,20 euros.

SANCLEMENTE, CAROLINE SELLIER, GERALD

Quand le travail vous tue

SIRONI, ICHANÉ SUPERTRAMP, JULIEN

SELLIER, MARYLÈNE SELLIER, MARTINE

Aude Selly, Maxima, 2013, 14,80 euros.

VALLÉE, COLLECTIF ARGOS.

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