3e numéro des clés de la presse spécial Assises avec l'EPJT

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spécial assises du journalisme n°3 - 11 mars 2016 En partenariat avec

Assises.journalisme.epjt.fr

Quatre chaînes à la une

Photo : Victorine Gay

Avec LCI le mois prochain, puis la future chaîne publique en septembre, la concurrence va s’intensifier pour bfmtv et iTélé. Y aura-t-il de la place pour tous ? /p.2

L’enquête

Recettes de marque

La déclinaison de marque est devenue une réalité, voire une nécessité, pour les médias. attention à ne pas y perdre son âme /p.4

Le portrait

Pierre Haski, engagé vif

ancien de libération, pierre Haski a lancé son propre média, rue 89. avec en ligne de mire, la défense de ses valeurs de gauche. /p.8

L’exposition

Le collectif Dysturb fait le mur

Un Groupe de photojournalistes a décidé d’exposer ses clichés dans la rue pour montrer la dureté du monde /p.6


2 L’événement

Un match à quatre

11 mars 2016

Les Clés de la presse

Crédit : Paul Véronique

BFMTV et iTélé n’auront bientôt plus le monopole. Elles seront rejointes par LCI en avril, et une chaîne d’info du service public en septembre. Mais quatre chaînes d’info, n’est-ce pas trop ?

Des représentants des quatre chaînes d’information se sont interrogés hier, aux Assises, sur l’avenir d’un secteur très concurrentiel.

L

es prochains mois risquent d’être mouvementés. Pour François Jost, professeur en sciences de l’information et de la communication à la Sorbonnenouvelle, spécialisé dans les médias, «  l’offre sera trop grande par rapport au marché. Si elles sont trop proches les unes des autres dans le contenu, l’une d’entre elles risque de disparaître ». Pour l’éviter, l’enseignant a sa petite idée. « On peut imaginer que les nouvelles chaînes prennent mieux le temps de situer les é vénement s d ans l’hi stoire et se démarquer ainsi d’une actualité “dispersion” que couvrent les chaînes d’info actuelles ».

Une ligne éditoriale propre Tel est le défi de la chaîne d’information publique qui va coopérer avec Radio France, l’Ina et France 24. Selon Germain Dagognet, directeur délégué à l’information en charge du projet, présent hier aux Assises, la chaîne fera ses débuts sur la TNT le 1er septembre prochain, à 18 heures. Selon les dernières rumeurs, la chaîne pourrait voir le jour à la place de France 4 sur le canal 14, soit juste avant BFMTV et iTele. Un choix stratégique qui permettrait plus de visibilité. Mais la TNT ne représente, pour lui, qu’un « accessoire pour se donner une certaine force de notoriété au départ. À l’heure du virage numérique, nous visons principalement tout ce qui est smartphones et tablettes ».

La présidente du groupe, Delphine Ernotte-Cunci, se veut ambitieuse. Elle déclarait il y a quelques mois que son objectif principal était de mettre au point une chaîne « qui permette de comprendre, d’exposer des points de vue différents, d’éclairer et de décrypter, audelà de l’information brute et parfois brutale qu’on peut voir sur les chaînes en continu ». « Notre objectif est d’apporter une nouvelle ligne éditoriale qui se différencie de l’information en continu, diffusée de manière linéaire. Nous voulons apporter plus de pédagogie, de décryptage et d’analyse, plutôt que de jouer sur les émotions et les sensations », a confirmé Germain Dagognet lors de la conférence. Mais la bataille ne se fera pas seulement à trois : l’arrivée de LCI sur le canal 26, d’ici au 5 avril, rend encore plus incertain le paysage des chaînes d’informations gratuites. « Notre objectif n’est pas de faire la même chose que BFMTV et iTélé. Le CSA nous impose de faire seulement 30 % de JT. Le reste nous le consacrerons à des magazines d’information », précise Nicolas Charbonneau, directeur adjoint de l’information TF1/LCI.

« Nos audiences vont baisser » Du côté des chaînes déjà bien installées, on voit plutôt d’un mauvais œil l’arrivée de deux concurrentes supplémentaires. « D’un point de vue éditorial, c’est réjouissant de voir l’offre des chaînes

d’infor mation s’étoffer, explique Guillaume Zeller, directeur de la rédaction iTélé. Nous sommes une entreprise de presse qui fonctionne selon une logique d’audience. L’arrivée de ces deux nouvelles chaînes est un motif de préoccupation supplémentaire ». Un point de vue partagé par Hervé Béroud, s o n h o m o l o g u e c h e z B F M T V. « Actuellement, la part de marché des chaînes d’info stagne autour de 3 points. On va peut être gagner 0,5 point avec la concurrence. Mais cela ne va pas suffire. Nos audiences vont baisser. Il faudra donc revoir nos moyens d’information à la baisse, ce qui serait dommageable pour la qualité de l’information ». « Je ne veux pas faire la course. Je pense qu’il y a de la place pour les quatre chaînes, estime de son côté Nicolas Charbonneau. Aujourd’hui, il y a un réel appétit d’informations chez les gens. L’information est de plus en plus large. La politique, l’économie et l’actualité internationale ne suffisent plus. Plus nous proposerons une info différente, plus les gens nous regarderons ». « Notre but n’est vraiment pas de faire de l’ombre aux trois autres chaînes », rassure Germain Dagognet. Pourtant, les quatre chaînes vont se livrer à une véritable course à l’audience. Po u r l ’ h e u r e , B F M T V e t i Té l é apparaissent comme les leaders de l’information en continu avec un avantage pour la première nommée. En février, BFMTV a réalisé 1,8 % de part d’audience nationale, contre 0,8 % pour iTélé (source Médiamétrie). De son côté, LCI est peu visible et stagne à moins de 0,2 %. Mais la chaîne compte bien s’appuyer sur la puissance du groupe TF1 pour booster ses audiences à partir de son lancement sur la TNT qui la rendra accessible à beaucoup plus de téléspectateurs. Le groupe France télévisions, lui, dispose de la plus grande rédaction d’Europe. Une chose est sûre, le match à quatre ne fait que commencer… Thibaut ALRIVIE

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Les Clés de la presse

11 mars 2016

l’évenement

Les chaînes d’information passées au crible BFMTV Budget : 55 millions d’euros. Salariés : 400 personnes, dont 250 journalistes. Date création : 28 novembre 2005. Part d’audience:  1,8 %. Slogans : « La première chaîne d’information de France ». « Priorité au direct ». Propriétaire : NextRadioTV. Directeur chaîne : Alain Weill. Directeur rédaction : Hervé Béroud. BFMTV se présente comme une chaîne d’information généraliste en continu qui donne la priorité au direct. Ce qui lui vaut le terme de BFMisation de l’information (traduire réaction à chaud et manque de recul). Elle accorde également une place importante à l’information économique et financière pour un public plus averti comme les entreprises et les professionnels du secteur financier avec l’ouverture d’un canal supplémentaire en 2010, BFM business. En marge, la chaîne propose des émissions thématiques sur la politique et le sport.

LCI Budget : 50 - 55 millions d’euros. Salariés dans la rédaction : 200 cartes de presse (avec les rédactions de TF1 news et Metronews). Date de création : 1994. Audiences : 13 000 téléspectateurs par jour. Slogan : « LCI, le choix de l’info ». Propriétaire : Bouygues. Directeur de la chaîne : Eric Jaouen. Directeur de la rédaction : Christophe Berg jusqu’au 21 mars 2016, puis Céline Pigalle. LCI passera en gratuit sur la TNT le 5 avril, mais il faudra attendre le 29 août pour une nouvelle grille. Nicolas Charbonneau, directeur adjoint de l’information TF1/LCI, a martelé aux Assises du journalisme, l’envie de proposer un autre contenu. La chaîne a signé une convention avec le CSA qui l’enjoint à ne pas dépasser les 30 % de journaux télévisés par heure. Il assure vouloir mettre les magazines en avant. À la base, LCI proposait un format de slow-info avant de s’aligner sur les autres chaînes d’info en continu. Il dit traiter davantage la politique, l’économie et l’international.

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itélé Budget : 42 millions d’euros. Salariés : 250 employés dont 170 cartes de presse. Date de création : 2002 (i-Télévision en 1999). Part d’audience : 0,8 %. Slogan : « L’information ne s’arrête jamais ». Propriétaire : groupe Vivendi. Directeur rédaction : Guillaume Zeller. Directeur de la chaîne : Philippe Labro. En termes d’audience, iTélé est la seconde chaîne d’information en continu en France. Elle est accessible principalement sur le canal 16 de la TNT. Spécialisée dans le « hard news » tout comme BFMTV, elle se veut néanmoins différente. Elle se présente comme un média sachant garder la tête froide, avec un contenu d’actualité plus distancié. Il y a six mois, le rachat du groupe Canal+, auquel appartient iTélé, par Vivendi, a auguré quelques changements. Après le débarquement de la direction, la chaîne envisage de se développer davantage sur le numérique et rattraper BFMTV en termes d’audience.

La chaîne d’info de France TV Budget : 18 millions d’euros. Journalistes dans la rédaction : 75. Date de création : Prévue pour le 1er septembre 2016. Part d’audience : Inconnues. Slogan : Inconnu. Propriétaire : l’état. Directeur : Delphine Ernotte, présidente de France télévisions. La chaîne d’info en continu publique proposera une offre consommable de façon individuelle et mobile, destinée à un public connecté, plutôt jeune. La course aux audiences sur le canal hertzien ne sera donc pas l’objectif. Au sein d’une rédaction hétérogène, France 2 et France 3 fourniront des images, France info se chargera des rappels de titres et la chaîne devrait effectuer un décrochage la nuit sur France 24.


4 Le dossier

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Les Clés de la presse

Recettes de marques

La déclinaison de marque est devenue une réalité, voire une nécessité, pour les médias. Mais attention à ne pas y perdre son âme.

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Photo : Victorine Gay

ous sommes un journal, pas un restaurant ». La Une fait l’une de ses priorités de développement : il vient de Libération du 9 février 2014 signait le refus, pour notamment de lancer des conférences sur le portail Les Echos de nombreux rédacteurs engagés, que leur events, la partie émergée de l’iceberg, les Echos solutions, mis quotidien ne se transforme en un ogre capitaliste. en place en septembre. Ces activités de diversification Pourtant, la crise actuelle de la presse semble « doivent rapidement représenter plus du tiers du chiffre rendre obligatoire le développement d’une marque puissante d’affaires des Echos » selon son Pdg, Francis Morel. Il qui dépasse l’unique horizon du journalisme print. A la représente déjà près de 30 % du chiffre d’affaires du quotidien. « C’est un secteur important pour reprise de Libération par Patrick nous car nous sommes un journal Drahi, en 2014, les actionnaires d’infor mation, mais aussi de voulaient s’appuyer sur l’univers services ». de la « marque » qu’est Libération Exemple de la multitude de pour créer « un espace culturel et débouchés pour la diversification, de conférence avec un plateau Move publishing, anciennement t é l é , u n s t u d i o ra d i o , u n e Motor press, a annoncé cette newsroom digital, un restaurant, semaine le lacement d’une offre très un bar, un incubateur de startoriginale : une plateforme de up…  » réservation de séjours en camping. Si cette perspective a pu Dans un autre domaine, l’Equipe, surprendre, la déclinaison de dont le groupe est déjà l’un des plus marque est aujourd’hui devenue diversifiés (avec une chaîne de une réalité dans les médias, et un télévision, des magazines, une Web moyen de conforter le support radio, des collections de livres, d’origine. L’exemple M6, dont les l’organisation de manifestations revenus hors télévision sportives, etc, sans parler des représentent plus de 35 % du déclinaisons digitales), s’est lancé sur chiffre d’affaires, serait-il alors le le marché de la revente. Le groupe modèle à suivre ? Pour Caroline vient d’ouvrir l’Equipe store, qui Marti, enseignante chercheuse au propose des maillots de foot, des Celsa Paris-Sorbonne, ce n’est ballons ou des tenues de sport. tout pas tout à fait applicable au Matteo Bisicchia, responsable papier : « les émissions de M6 sont 9 février 2014, les journalistes de Libération ont business développement, soulignait c ap i t ali s é e s . En d e h o r s d e Le rappelé que le journal n’était pas une marque. l’importance de cette diversification, l’information, les programmes sont conçus par rapport à la possibilité d’extension de la au Journal du net : « l’Equipe est déjà un partenaire des marques, marque. Cependant, je ne pense pas que ce soit transposable nous sommes légitimes pour recommander les bons produits ». à la presse écrite puisque le journalisme a un côté artisanal, Des précautions à prendre non industrialisable ». La légitimité est la clé et le point commun de toutes ces offres Un large champ des possibles transmédias, qui permettent de consolider la communauté Le bar/restaurant Libération, ce n’est donc pas pour attachée à la marque. La presse féminine, pionnière en matière aujourd’hui. Mais certains médias, y compris dans l’écrit, s’y de marketing, organise depuis longtemps, à l’instar de mettent résolument. Le groupe les Echos, par exemple, en a Psychologies magazine, des événements, comme des séances


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Le dossier

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Photo : machin chose

Photo : Flora Battesti

Les Clés de la presse

L’Equipe lance sa plateforme e-commerce, l’Equipe Store. Les internautes pourront acheter des équipements et vêtements sportifs dans de nombreuses disciplines. Le journal espère ainsi créer un nouveau relais de croissance.

de yoga géantes, des croisières ou des conférences, pour existe des limites logiques : ne pas impacter le cœur de métier rapprocher ses lecteurs. Dans la même veine, le Figaro a qu’est l’information, ne pas abîmer la marque ni l’entreprise ouvert une page de son site destinée à la vente - le Figaro avec des diversifications qui risquent d’en perturber l’image ». store - qui propose des croisières, des voyages organisés ou Une offre transmédias généralisée paraît donc toujours la plus des visites guidées. Il y a ainsi beaucoup de pistes possibles plausible aujourd’hui. Mais avant que toutes les publications pour imaginer de nouvelles recettes. En cela, la marque média print aient leur radio ou leur télévision, comme Science&vie a un impact intéressant puisque elle permet de toucher une depuis un an, il reste la bonne vieille méthode du partenariat population « cible » à travers différents dispositifs, informatifs entre média. Libération fait partie de ces journaux très actifs ou non. Difficile alors de se passer du média print, qui dans ce domaine. « Cela permet de donner une visibilité encore demeure la vitrine de prestige, l’emblème, la marque des plus grande au journal, explique Laurent Joffrin, son directeur de la rédaction. Dans cette optique, les journalistes participent groupes de presse. Si la diversification est devenue une obligation, il faut à toute sorte d’émissions, de débats. Nous sommes des rester vigilant pour que « vente de produits », sous-entendu animateurs du débat public, c’est aussi notre rôle ». non-journalistiques, n’entre pas dans le vocabulaire courant Florian Gautier et Théo Sorroche d’une rédaction. « Cela pourrait faire glisser la fonction journalistique sur une pente très dangereuse. Parler de onstruire une marque, nouveaux caractères. Pour conférences en sciences de contenu, c’est se piéger », c’est construire une eux, ce n’est pas lisible. Dans l ’i n f o r m a t i o n e t d e l a prévient Caroline Marti. identité visuelle. Jean- cette nouvelle formule, une communication à Tours : « si Vi n c e n t L a n i e r, Baptiste Levée, directeur lettre doit être vue, pas lue ». l’on s’arrête aux couleurs, on secrétaire général du artistique, a créé une série Les couleurs aussi renforcent est libre de reconnaître des Syndicat national des d’alphabets qu’utilise le ce territoire de marque. c o n n o t a t i o n s a s s e z journalistes, abondait quotidien Libération. Il Rouge pour Libération, répandues : le rouge du logo dans le même sens dans défend l’importance de la orange pour la Croix, noir de Libération comme une nos colonnes en typographie dans l’identité pour le Monde, bleu pour le filiation avec les tendances novembre dernier : « il d’une marque : « quand la Figaro. Une couleur pour gauchi ste s de S ar tre et est rassurant de se dire n o u v e l l e f o r m u l e d e une signification, c’est ce que compagnie, le bleu du Figaro que nous sommes peutLibération est sortie, certains nous explique Gustavo c o m m e u n e c o u l e u r être plus qu’un journal lecteurs n’aimaient pas les Gomez-Mejia, maître de conservatrice ». F.G. et T.S. pour les lecteurs. Mais il

Le sens des formes et des couleurs

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Sur le vif 11 mars 2016

Les Clés de la presse

Pages réalisées par l’équipe de la rédaction

Notre sélection du jour

Crédit : Lucas Barioulet

Les étudiants de l’école publique de journalisme ont eu un coup de cœur pour certaines des conférences proposées.

dysturb fait le mur 22 heures mercredi soir, dans le centreville de Tours. Cinq hommes d’une trentaine d’années collent quatre affiches de 2,30 mètres sur un mètre, les unes à côté des autres. Trois silhouettes de femmes en noir et blanc se dessinent peu à peu dans la nuit. En légende : « 24 février 2016. Turquie. Des habitants de Diyarbakir, la capitale du Kur di s t an t ur c , f ui e n t l e s g a z lacrymogènes lancés par la police ». « C’est quoi ça ? » s’interrogent deux jeunes noctambules. « Ça », c’est Dysturb, un collectif de photographes né en mars 2014 à l’initiative de Pierre Terdjman. Au retour d’un voyage en Centrafrique, le reporter décide d’exposer ses photos dans la rue, pour plaquer la réalité à la face du monde. En deux ans, les murs de Perpignan, New-York et d’une dizaine d’autres villes se sont recouverts de photos de reporters à l’étranger. « On veut faire en sorte que les images des photojournalistes soient affichées dans chaque coin du monde », explique

Benjamin Girette. A Tours, ce dernier avec Matthieu Rondel, Pierre Morel et deux journalistes tourangeaux, entrent en piste, pot de colle dans une main et rouleau dans l’autre. Le collectif connait ses limites, se fait discret et se fixe des barrières, dès le choix des photos : « on choisit une actualité importante et on fait le tri dans les photos. Un gamin de 4 ans ne doit pas être choqué par le cliché ». explique Benjamin Girette. Arrivés sur les quais, les photographes commencent leur troisième collage. Mais le mur n’aura pas l’honneur de promouvoir le photojournalisme. Une patrouille de police vient mettre fin à la virée nocturne. La programmation du collectif dans l’agenda des Assises n’y changera rien. Tant qu’ils n’ont pas d’autorisation écrite, les photojournalistes ne peuvent pas continuer. Le collectif n’insistera pas. « Disturb » (déranger) oui, mais pas créer la polémique. Noémie Lair Plus d’infos sur notre site Assises. journalisme. epjt.fr

Photo : Florian Gautier

L’Equipe n’aime pas partager

La journée commence avec la conférence sur le data-journalisme, de 9h30 à 11h, avec les data-journalistes Marie Coussin et Sylvain Lapoix, ainsi que Nicolas Kayser-Bril, fondateur de Journalism++, et Cédric Rouquette, fondateur de Creafeed. De 11h à 12h30, l’Ecole publique de journalisme de Tours se demande comment regarder ailleurs pour innover. Sont invités Bastien Kerspern, game designer pour Casus Ludi, et Alexandre Leray, graphiste open source. En début d’après-midi, l’AFP se penche sur le prix de l’information sportive, à 14h. Les journalistes Vincent Duluc du journal l’Equipe, Florent Gauterau de RMC info, ou encore le directeur des sports de l’AFP Didier Lauras seront présents pour en discuter. A 16h, la relation entre médias et laïcité sera évoquée lors d’une table ronde bien garnie. Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, l’écrivain Jean-François Kahn ou encore le directeur du Monde des livres, Jean Birnbaum, seront présents. Enfin, les Assises s’intéresseront à 18h au regard porté sur les migrants dans les grands reportages. La conférence est organisée par l’Institut national de l’audiovisuel. Olivier Poujade, de France Inter est invité.

« Il n’y a pas la place aujourd’hui pour deux quotidiens sportifs français, mais c’était déjà le cas il y a trente ans », lâche Gérard Ejnès. Journaliste à l’Equipe, il a fait partie de l’expérience du Sport, en 1987. Le but était alors de concurrencer la référence qu’était l’Equipe, mais au bout de moins d’un an, le journal s’est arrêté. Pour évincer cette nouvelle concurrence, la référence du secteur s’est employée. « Beaucoup de journalistes du Sport ont notamment été débauchés », détaille Jean-Marc Michel, président de l’Union des journalistes de sport en France. Vingt ans après, l’histoire s’est répétée avec le 10 Sport : le groupe Amaury, propriétaire de l’Equipe, a créé Aujourd’hui sport pour « tuer » son nouveau concurrent. Parce que l’Equipe n’a jamais été partageur.


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Journalistes en mal d’emploi Photo : Tim Buisson

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La situation ne s’arrange pas. D’après la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, 35 928 cartes de presse ont été attribuées en 2015. Un nombre en baisse depuis 2009, où plus de 37 000 cartes avaient été distribuées. C’est ce qu’a annoncé JeanMarie Charon, sociologue sur les médias, hier, aux Assises du journalisme. Mais depuis cette date, ce chiffre ne cesse de diminuer. Les secteurs les plus touchés par les suppressions de postes sont la presse quotidienne régionale du sud de la France, comme les groupes Nice matin, la Dépêche ou encore le quotidien la Marseillaise. Les news magazines sont aussi mal en point. Le groupe Altice média et le magazine le Point ont supprimé de nombreux postes. Mais le sociologue tente de rassurer. « Mediapart est un média rentable qui emploie 39 journalistes à temps plein. Le Huffington post a commencé avec 8 journalistes et, aujourd’hui, la rédaction en est composée de 27. » Même si des emplois ont été supprimés dans les grands groupes de presse, il faut relativiser : de nouveaux médias émergent sur le Web comme les Jours, le Quatre heures, Contexte, etc.

7 La déontologie en question Aurions-nous dû diffuser la photo d’Aylan sur la plage? Avonsnous correctement traité les attentats de janvier et de novembre ? Comment des erreurs telles que l’annonce de la prétendue mort de Martin Bouygues peuvent-elles être évitées ? Des questions soulevées par l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI), qui a présenté hier son rapport annuel : « L’information dans la tourmente ». Une bonne occasion pour revenir sur les enjeux déontologiques de l’année passée. à l’heure du développement du numérique et du foisonnement des sources, les journalistes se doivent de garantir fiabilité, rigueur et analyse. Patrick Eveno, président de l’ODI, a tenu à rappeler quelques fondamentaux pour ne pas déroger à la déontologie. « Le droit du public à être informé doit primer sur toute autre considération, les réseaux sont un outil indispensable dont l’usage doit être éthiquement maîtrisé. Le direct exige, sur tout support, professionnalisme et sang-froid.» .Photo : Apolline Merle

Les Clés de la presse

“à l’AFP, ce qui fait notre valeur, c’est notre fiabilité et notre rigueur.”

Michèle Léridon, directrice de l’information de l’AFP

les reporters de guerre récompensés par le jury étudiant

Vingt-huit étudiants des écoles reconnues par la profession ont eu la tâche de récompenser une production sur l’exercice du journalisme, catégorie « enquête et reportage ». Après avoir compilé leurs lectures sur le sujet, ils ont choisi quatre finalistes puis un vainqueur, hier. Présidé par Laurent Joffrin, le prix étudiant a été remis hier soir au documentaire « un Baptême du feu », de Jérôme Clément-Wilz, diffusé sur France 4. Le réalisateur y suit son ami Corentin Fohlen, photoreporter, sur les zones de conflits, notamment lors des Printemps arabes. Selon les étudiants, il propose un « éventail de réflexions sur plusieurs sujets » : précarité du métier, information en zone de guerre, dangerosité, etc. « Ce documentaire pose des questions, mais il manque des réponses », pour les opposants. « Mais il assume sa subjectivité », renchérit une jeune femme. « Le débat a été plus contradictoire que le vote, note Pierre Haski, cofondateur de Rue 89, qui a remplacé Laurent Joffrin au pied levé pour animer le débat. Le lauréat n’a remporté qu’un vote négatif, ce qui prouve que les arguments ont été fructueux ».


8 Le portrait

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Les Clés de la presse

Pierre Haski, l’engagement dans la peau

Fondateur de Rue89 en 2007, Pierre Haski a évoqué aux Assises les « journalistesentrepreneurs ». Il reste fervent défenseur des idéaux de gauche.

L

ont accusés d’avoir capté l’héritage de Libé », plaisantet-il. De ce passage dans le quotidien de gauche de référence, Pierre Haski en est ressorti avec la conviction que le journaliste doit « participer à la formation de la conscience c i t o y e n n e  » . A n a l y s e r, raconter, déconstruire les mensonges, voilà le travail de Pierre Haski. « Aujourd’hui, il y a un déficit de complexité dans les infos que l’on donne, déplore-t-il. Mais on a besoin de cette complexité pour que les gens comprennent ».  Photo : Victorine Gay

e visage fatigué mais souriant, Pierre Haski semble épuisé. « Je me suis levé à 6 heures », explique-t-il. Derrière cette excuse, son engagement idéologique, politique et éditorial constant lui vaut probablement aussi quelques rides. Provoquer, critiquer, dénoncer, s’indigner, voilà ce qu’aime faire Pierre Haski. Que ce soit dans les pages de Libération, où il a officié pendant plus de 25 ans, ou sur Rue89, le pureplayer qu’il a créé avec d’anciens collègues de Libé, Pierre Haski est de ces journalistes engagés. Il réfute même l’idée « d’objectivité du journaliste ». « C’est une fausse valeur. Un journaliste ne peut pas être objectif, mais il doit être honnête », estime-t-il.

Vers la fin de Rue89 ?

L’indépendance est un autre thème qui lui est cher. « J’ai eu la chance de travailler à Libération, où la liberté de « L’objectivité est une fausse valeur. parole des journalistes a Un journaliste ne peut pas être objectif, toujours été respectée ». Avec mais il doit être honnête ». Un homme de gauche la création de son média, Engagé, Pierre Haski est Rue89, il a atteint le point également un homme de Rue89 a été lancé le jour même de culminant en terme valeurs. De gauche. « J’ai été marqué par l’élection de Nicolas Sarkozy à la d’indépendance. Enfin, pas pour Mai-68 », souligne-t-il. Un temps présidence de la République. C’était le longtemps. En décembre 2011, Rue89 militant dans des g roupuscules 6 mai 2007. « Un heureux hasard, se est racheté par le Nouvel observateur. gauchistes, il abandonne le militantisme défend le cofondateur. Après, c’est sûr Depuis, l’Obs a été repris par le groupe le politique par amour du journalisme. « Je que cela nous a aidés. Sarkozy est un Monde et Rue89 ne cesse d’être absorbé. ne pense pas que ce soit compatible. Le personnage clivant. C’était plus simple D’ici à quelques jours, le site deviendra journaliste engagé a connu des travers à pour nous, média de gauche, de s’installer même une simple rubrique du site de cause de l’aveuglement idéologique ». Il dans le paysage médiatique ». l’Obs, chargée de l’info numérique. Mais n’empêche. S’il n’est encarté dans aucun Cet engagement dont il fait preuve Pierre Haski continue de l’assurer : « nous parti, le journaliste a ses affinités et au quotidien, il le tient aussi de ses ne subissons aucune pression du groupe préférences dans le monde politique. Il années passées à Libération. « Quand on concernant notre ligne éditoriale ». n’est donc pas surprenant de voir que a fondé Rue89, des anciens collègues nous Wilfried Redonnet Les Clés de la presse. Hors série réalisé en collaboration avec l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT). 12 rue Gabriel Péri. BP 5, 92 122 Montrouge Cedex. Tél.01 46 55 88 40 www.lesclesdelapresse.fr Directeur de publication : Didier Falcand. Rédaction : Jessica Ibelaïdene (01 46 55 88 42), Justine Cantrel, Marie-Christine Lipani, Christine Monfort. Et les étudiants de l’EPJT : Thibaut Alrivie, Flora Battesti, Camille Charpentier, Ralitsa Dimitrova, Florian Gautier, Victorine Gay, Sara Guillaume, Célia Habasque, Noémie Lair, Aubin Laratte, Jeanne Laudren, Chloé Marriault, Apolline Merle, Wilfried Redonnet, Théo Sorroche, Simon Soubieux, Nicolas Tavares, Robin Wattraint. Illustrations et infographies : Félé. Conception graphique : Laure Colmant/EPJT. Site Internet : CVMH solutions. Publicité : nous contacter au 01 46 55 88 40. Abonnement : 290 euros TC (dont TVA à 2,10 %) par an pour 4 magazines papier et 90 lettres électroniques. Impression : université François-Rabelais, Tours. Les Clés de la presse est édité par la société Jouillat Presse, Sarl au capital de 16 000 euros, immatriculée au RCS de Nanterre (n°479 276 396). Siège social : 8, rue Amaury-Duval, 92 120 Montrouge. Code Naf : 813Z. ISSN : 1777-3059. Commission paritaire n° 0314 I 87643. Dépôt légal : mars 2016. Toute reproduction interdite et passible de poursuites.


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