Des tripes et des lettres feuilletage ok

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Préface

D’abord employé en peinture pour désigner les faux, le mot « pastiche » vient de l’italien pasticcio. Qui croira que ce mot sort directement de la cuisine ? Un pasticcio, dans l’Italie du Moyen Âge, c’est un pâté fourré de farces variées. Plus tard, le mot sert à désigner un imbroglio en affaires. Les Provençaux entendent bien ce glissement de sens d’un mot venu du latin pasta, à travers le mot pastis, utilisé du côté de Marseille et Toulon pour évoquer une embrouille, avant de devenir le nom de l’apéritif à base d’anis, de fenouil et de réglisse né dans les années 1920. Lorsqu’on l’allonge avec de l’eau claire, cette boisson se trouble : un sacré pastis ! À propos de pastiches, l’accord se fait naturellement entre les tripes et les lettres. Les cuisiniers romains affectionnaient les pastae, petits pâtés en croûte farcis d’abats divers. Leurs héritiers italiens ont perfectionné l’art du pasticcio. Le terme est passé du vocabulaire de la cuisine à celui de la peinture, de celui de la peinture à celui de la musique et enfin de celui de la musique à celui de la littérature. Proposer une série de pastiches tripiers, c’est simplement tenir les deux bouts de la chaîne, vouloir embrasser vingt siècles de gourmandise et de littérature occidentale en posant un pied au temps d’Apicius et l’autre à l’époque de James Joyce.


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Préface

D’abord employé en peinture pour désigner les faux, le mot « pastiche » vient de l’italien pasticcio. Qui croira que ce mot sort directement de la cuisine ? Un pasticcio, dans l’Italie du Moyen Âge, c’est un pâté fourré de farces variées. Plus tard, le mot sert à désigner un imbroglio en affaires. Les Provençaux entendent bien ce glissement de sens d’un mot venu du latin pasta, à travers le mot pastis, utilisé du côté de Marseille et Toulon pour évoquer une embrouille, avant de devenir le nom de l’apéritif à base d’anis, de fenouil et de réglisse né dans les années 1920. Lorsqu’on l’allonge avec de l’eau claire, cette boisson se trouble : un sacré pastis ! À propos de pastiches, l’accord se fait naturellement entre les tripes et les lettres. Les cuisiniers romains affectionnaient les pastae, petits pâtés en croûte farcis d’abats divers. Leurs héritiers italiens ont perfectionné l’art du pasticcio. Le terme est passé du vocabulaire de la cuisine à celui de la peinture, de celui de la peinture à celui de la musique et enfin de celui de la musique à celui de la littérature. Proposer une série de pastiches tripiers, c’est simplement tenir les deux bouts de la chaîne, vouloir embrasser vingt siècles de gourmandise et de littérature occidentale en posant un pied au temps d’Apicius et l’autre à l’époque de James Joyce.


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à la mode de

Tacite

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Tacite (55-c.120). Historien latin. Auteur, entre autres, des Annales, du Dialogue des orateurs et de La Vie d’Agricola.

nunc demum : aujourd’hui seulement il m’est permis de donner le récit du banquet qu’ils furent quelques-uns à faire dans la dixième année de ce siècle. Mon propos n’est pas de rapporter les paroles qu’ils échangèrent ce soir-là, mais seulement de me souvenir du plat qu’ils goûtèrent car la tâche principale de l’histoire me paraît être de préserver les anciennes saisons et les mœurs qui s’y attachèrent de l’oubli et des infamies de la postérité. Longtemps déchirés en factions rivales, ils s’étaient retrouvés dans la maison de I. Camdebordius. Combien en restait-il alors qui eussent gardé le goût de la liberté ? Des cabales d’histrions avaient fomenté des troubles dans toute la République. À l’extrême corruption de l’État répondait la multiplication des lois. Depuis trois étés, tous s’étaient rués à la servitude. Le pire de leurs maux était de subir le joug d’un César inculte. Renvoyés par terre dans leurs quartiers d’hiver, un grand nombre d’hommes s’étaient dispersés dans la Ville pour vendre la marée qu’ils avaient ramenée des bas-fonds hostiles. Les meilleurs d’entre eux apportaient le poisson cylindrique à peau épaisse et gluante que les Anciens appelaient lota. La plupart des hommes apprécient sa chair ferme mais I. Camdebordius qui avait une forte tête et une étonnante imagination n’avait réservé que son foie qu’il avait servi à ses amis, étalé sur de larges tartines de ces pains ronds que les boulangers gaulois fabriquent habituellement avec du levain.


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à la mode de

Tacite

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Tacite (55-c.120). Historien latin. Auteur, entre autres, des Annales, du Dialogue des orateurs et de La Vie d’Agricola.

nunc demum : aujourd’hui seulement il m’est permis de donner le récit du banquet qu’ils furent quelques-uns à faire dans la dixième année de ce siècle. Mon propos n’est pas de rapporter les paroles qu’ils échangèrent ce soir-là, mais seulement de me souvenir du plat qu’ils goûtèrent car la tâche principale de l’histoire me paraît être de préserver les anciennes saisons et les mœurs qui s’y attachèrent de l’oubli et des infamies de la postérité. Longtemps déchirés en factions rivales, ils s’étaient retrouvés dans la maison de I. Camdebordius. Combien en restait-il alors qui eussent gardé le goût de la liberté ? Des cabales d’histrions avaient fomenté des troubles dans toute la République. À l’extrême corruption de l’État répondait la multiplication des lois. Depuis trois étés, tous s’étaient rués à la servitude. Le pire de leurs maux était de subir le joug d’un César inculte. Renvoyés par terre dans leurs quartiers d’hiver, un grand nombre d’hommes s’étaient dispersés dans la Ville pour vendre la marée qu’ils avaient ramenée des bas-fonds hostiles. Les meilleurs d’entre eux apportaient le poisson cylindrique à peau épaisse et gluante que les Anciens appelaient lota. La plupart des hommes apprécient sa chair ferme mais I. Camdebordius qui avait une forte tête et une étonnante imagination n’avait réservé que son foie qu’il avait servi à ses amis, étalé sur de larges tartines de ces pains ronds que les boulangers gaulois fabriquent habituellement avec du levain.


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Toast de pain grillé

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au foie de lotte

4 belles tranches de pain de campagne

1 - Dans une casserole, faire suer sans coloration avec 1 cuillère à soupe d’huile d’olive les oignons blancs hachés et l’ail haché avec la sauge. Ajouter le vin blanc, la cannelle et le gingembre et laisser cuire ainsi 5 à 7 minutes à feu doux. Ajouter la purée de haricots blancs et réserver cette farce au chaud.

Préparation 10 min - Cuisson 5 min ½ tomate fraîche 300 g de foie de lotte 2 cuil. à soupe d’oignon haché ¼ de cuil. à soupe de sauge hachée 1 gousse d’ail hachée 20 cl de vin blanc sec 50 g de purée de haricots blancs 1 pincée de cannelle 1 pincée de gingembre Huile d’olive, vinaigre de vin vieux Noix de muscade, piment d’Espelette, sel, poivre,

2 - Tailler le foie de lotte en jolis morceaux, les poêler vivement en assaisonnant de sel, piment d’Espelette et noix de muscade, déglacer avec 1 cuillère à café de vinaigre de vin vieux et réserver. 3 - Toaster les tranches de pain de campagne, les frotter d’un côté avec la tomate fraîche, assaisonner de bon goût et réserver au chaud. 4 - Mélanger délicatement les foies de lotte avec la farce et disposer le tout le plus harmonieusement possible sur les tranches de pain grillées.

Vous pouvez utiliser ces toasts à l’apéritif ou en accompagnement d’un poisson grillé.


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Toast de pain grillé

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au foie de lotte

4 belles tranches de pain de campagne

1 - Dans une casserole, faire suer sans coloration avec 1 cuillère à soupe d’huile d’olive les oignons blancs hachés et l’ail haché avec la sauge. Ajouter le vin blanc, la cannelle et le gingembre et laisser cuire ainsi 5 à 7 minutes à feu doux. Ajouter la purée de haricots blancs et réserver cette farce au chaud.

Préparation 10 min - Cuisson 5 min ½ tomate fraîche 300 g de foie de lotte 2 cuil. à soupe d’oignon haché ¼ de cuil. à soupe de sauge hachée 1 gousse d’ail hachée 20 cl de vin blanc sec 50 g de purée de haricots blancs 1 pincée de cannelle 1 pincée de gingembre Huile d’olive, vinaigre de vin vieux Noix de muscade, piment d’Espelette, sel, poivre,

2 - Tailler le foie de lotte en jolis morceaux, les poêler vivement en assaisonnant de sel, piment d’Espelette et noix de muscade, déglacer avec 1 cuillère à café de vinaigre de vin vieux et réserver. 3 - Toaster les tranches de pain de campagne, les frotter d’un côté avec la tomate fraîche, assaisonner de bon goût et réserver au chaud. 4 - Mélanger délicatement les foies de lotte avec la farce et disposer le tout le plus harmonieusement possible sur les tranches de pain grillées.

Vous pouvez utiliser ces toasts à l’apéritif ou en accompagnement d’un poisson grillé.


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à la mode de Jean de La

Bruyère

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Jean de La Bruyère (1645-1696). Moraliste français. Auteur du traité Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle.

Théodecte ignore qu’il existe des repas manqués. C’est un gourmand dominant tous les autres. De perdreaux et de melons nourri, il a tous les cuisiniers pour amis, et par l’habitude qu’il a de la table, laisse aisément croire qu’il a goûté tous les mets. Familier de l’office, il a l’oreille des sauciers, des sommeliers et du chef des broches. Il aime les hors-d’œuvre, les viandes et les poissons, il sait le nom de tous les vins et les chansons bachiques. Quelque part où il se trouve, il ne laisse pas d’évoquer son appétit et le menu à venir. Quand il prend la parole, les gens de qualité l’écoutent. Mêlez-vous de le contredire et il vous répondra. Qu’on évoque devant lui un plat qu’on n’a point encore goûté et dont personne n’a entendu parler, il ne se trouble point : il en connaît le fumet, le jus et la sauce et s’étonne d’être le seul. Théodecte entretient son teint frais et ses joues vermeilles avec des ortolans, des truffes, des bisques, des pois verts et des lapins à la chair blanche. Il ne parle pas de bas-morceau : il en serait déshonoré. Présentez-lui de la moelle de veau, il veut qu’on rallume les fourneaux. Parlez-lui d’oreilles de veau farcies à la française, il en tombe en pâmoison. Il demande à quelle heure est le service, exige une table, quatre chaises, quatre assiettes, des couverts, onze bouteilles de vieux vin. Quand il reçoit à sa table, il ne fait rien avec mesure, oublie la patience, méconnaît l’avarice. On ne peut pas mieux user de ses amis qu’il le fait.


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à la mode de Jean de La

Bruyère

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Jean de La Bruyère (1645-1696). Moraliste français. Auteur du traité Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle.

Théodecte ignore qu’il existe des repas manqués. C’est un gourmand dominant tous les autres. De perdreaux et de melons nourri, il a tous les cuisiniers pour amis, et par l’habitude qu’il a de la table, laisse aisément croire qu’il a goûté tous les mets. Familier de l’office, il a l’oreille des sauciers, des sommeliers et du chef des broches. Il aime les hors-d’œuvre, les viandes et les poissons, il sait le nom de tous les vins et les chansons bachiques. Quelque part où il se trouve, il ne laisse pas d’évoquer son appétit et le menu à venir. Quand il prend la parole, les gens de qualité l’écoutent. Mêlez-vous de le contredire et il vous répondra. Qu’on évoque devant lui un plat qu’on n’a point encore goûté et dont personne n’a entendu parler, il ne se trouble point : il en connaît le fumet, le jus et la sauce et s’étonne d’être le seul. Théodecte entretient son teint frais et ses joues vermeilles avec des ortolans, des truffes, des bisques, des pois verts et des lapins à la chair blanche. Il ne parle pas de bas-morceau : il en serait déshonoré. Présentez-lui de la moelle de veau, il veut qu’on rallume les fourneaux. Parlez-lui d’oreilles de veau farcies à la française, il en tombe en pâmoison. Il demande à quelle heure est le service, exige une table, quatre chaises, quatre assiettes, des couverts, onze bouteilles de vieux vin. Quand il reçoit à sa table, il ne fait rien avec mesure, oublie la patience, méconnaît l’avarice. On ne peut pas mieux user de ses amis qu’il le fait.


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Salade d’oreilles de veau,

à la mode de Jean La Bruyère

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farcies à la pistache

L 1 - Mettre les oreilles dans une casserole haute, recouvrir d’eau, ajouter les carottes et le poireau. Assaisonner de bon goût. Mettre à cuire 1 heure à petit feu, retirer les carottes et le poireau. Conserver le bouillon. 2 - Placer les oreilles au réfrigérateur. Couper les carottes en petits cubes ainsi que les poireaux. Réserver.

4 oreilles de veau

Préparation 45 min - Cuisson 15 min 2 carottes 1 poireau 1 oignon 100 g de chair à saucisse 100 g de riz cuit dans du lait 500 g de pain trempé dans du lait ¼ cuil. à café d’ail haché 100 g de champignons de Paris hachés 1 œuf 1 cuil. à soupe de cerfeuil haché 20 g de pistaches Muscade, piment d’Espelette, vinaigrette, sel, poivre

3 - Dans une poêle antiadhésive, faire suer l’oignon avec 1 cuillère à soupe d’huile d’olive. Ajouter l’ail, la chair à saucisse et les champignons. Assaisonner de bon goût. Cuire 2 à 3 minutes. Ajouter une bonne râpée de noix de muscade et une pincée de piment d’Espelette. Verser le tout dans un saladier, ajouter l’œuf, bien mélanger et laisser refroidir. Réchauffer le riz et le pain trempé, bien égoutter, y adjoindre les carottes, le poireau, puis les pistaches et le cerfeuil haché. Vérifier l’assaisonnement. 4 - Reprendre les oreilles, les mettre 2 par 2, farcir chaque cavité avec de la farce et les positionner l’une sur l’autre, tête-bêche. Les enrouler dans du papier film en prenant soin de ne pas les déformer, et surtout qu’elles soient bien hermétiques. Mettre à cuire les oreilles farcies dans le bouillon à toute petite ébullition pendant 45 minutes, débarrasser les oreilles farcies dans une boîte recouverte de bouillon et mettre au réfrigérateur. Laisser ainsi reposer 12 heures. 5 - Retirer les oreilles de leur eau de cuisson, enlever le film, les émincer finement et les disposer en rosace dans une assiette plate. Assaisonner de sel, de poivre et de vinaigrette. Accompagner d’une salade de pissenlits.


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Salade d’oreilles de veau,

à la mode de Jean La Bruyère

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farcies à la pistache

L 1 - Mettre les oreilles dans une casserole haute, recouvrir d’eau, ajouter les carottes et le poireau. Assaisonner de bon goût. Mettre à cuire 1 heure à petit feu, retirer les carottes et le poireau. Conserver le bouillon. 2 - Placer les oreilles au réfrigérateur. Couper les carottes en petits cubes ainsi que les poireaux. Réserver.

4 oreilles de veau

Préparation 45 min - Cuisson 15 min 2 carottes 1 poireau 1 oignon 100 g de chair à saucisse 100 g de riz cuit dans du lait 500 g de pain trempé dans du lait ¼ cuil. à café d’ail haché 100 g de champignons de Paris hachés 1 œuf 1 cuil. à soupe de cerfeuil haché 20 g de pistaches Muscade, piment d’Espelette, vinaigrette, sel, poivre

3 - Dans une poêle antiadhésive, faire suer l’oignon avec 1 cuillère à soupe d’huile d’olive. Ajouter l’ail, la chair à saucisse et les champignons. Assaisonner de bon goût. Cuire 2 à 3 minutes. Ajouter une bonne râpée de noix de muscade et une pincée de piment d’Espelette. Verser le tout dans un saladier, ajouter l’œuf, bien mélanger et laisser refroidir. Réchauffer le riz et le pain trempé, bien égoutter, y adjoindre les carottes, le poireau, puis les pistaches et le cerfeuil haché. Vérifier l’assaisonnement. 4 - Reprendre les oreilles, les mettre 2 par 2, farcir chaque cavité avec de la farce et les positionner l’une sur l’autre, tête-bêche. Les enrouler dans du papier film en prenant soin de ne pas les déformer, et surtout qu’elles soient bien hermétiques. Mettre à cuire les oreilles farcies dans le bouillon à toute petite ébullition pendant 45 minutes, débarrasser les oreilles farcies dans une boîte recouverte de bouillon et mettre au réfrigérateur. Laisser ainsi reposer 12 heures. 5 - Retirer les oreilles de leur eau de cuisson, enlever le film, les émincer finement et les disposer en rosace dans une assiette plate. Assaisonner de sel, de poivre et de vinaigrette. Accompagner d’une salade de pissenlits.


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à la mode de Jean

Racine

Jean Racine (1639-1699). Poète tragique français. Auteur, entre autres, de Bérénice, Iphigénie et Phèdre.

acte ii, scène vii La scène est à Rome, dans un palais de Tibère Apicius Qu’avec tant de chaleurs, je vous ai attendue Occupé aux fourneaux, je vous croyais perdue. J’ai voulu, mais trop tard, vous envoyer chercher Enfin vous êtes-là, et nous allons dîner. De quatre veaux tués, la semaine passée, J’ai réservé les pieds, vous serez étonnée. On dit que les abats sont les plus beaux morceaux, Vous goûterez le ris, les tripes et les boyaux. Mais revenons au pied, ma partie préférée, Un apprêt épicé soutient ma renommée. Julie Mais vous n’y pensez pas, je n’aime pas le veau. Gardez bien ce secret, c’est un cruel fardeau. Apicius Madame j’ai tout prévu, sinon ce sort injuste. Du divin Lucullus j’ai honoré le buste, Aux Pénates ombrageux fait porter du nectar, Et du garde-manger j’ai imploré le Lar. J’ai vécu pour ce jour et pour cette recette : De l’ail, du persil, du piment d’Espelette Allez, Madame, allez ; goûtez-moi ce veau-ci C’est moi qui l’ai bouilli et j’en serai ravi.

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à la mode de Jean

Racine

Jean Racine (1639-1699). Poète tragique français. Auteur, entre autres, de Bérénice, Iphigénie et Phèdre.

acte ii, scène vii La scène est à Rome, dans un palais de Tibère Apicius Qu’avec tant de chaleurs, je vous ai attendue Occupé aux fourneaux, je vous croyais perdue. J’ai voulu, mais trop tard, vous envoyer chercher Enfin vous êtes-là, et nous allons dîner. De quatre veaux tués, la semaine passée, J’ai réservé les pieds, vous serez étonnée. On dit que les abats sont les plus beaux morceaux, Vous goûterez le ris, les tripes et les boyaux. Mais revenons au pied, ma partie préférée, Un apprêt épicé soutient ma renommée. Julie Mais vous n’y pensez pas, je n’aime pas le veau. Gardez bien ce secret, c’est un cruel fardeau. Apicius Madame j’ai tout prévu, sinon ce sort injuste. Du divin Lucullus j’ai honoré le buste, Aux Pénates ombrageux fait porter du nectar, Et du garde-manger j’ai imploré le Lar. J’ai vécu pour ce jour et pour cette recette : De l’ail, du persil, du piment d’Espelette Allez, Madame, allez ; goûtez-moi ce veau-ci C’est moi qui l’ai bouilli et j’en serai ravi.

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Boulettes de viande

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& pied de veau

1 - Mettre dans une casserole haute le pied de veau avec la carotte et le poireau. Mouiller à hauteur avec de l’eau, assaisonner de sel et poivre et cuire ainsi 1 h 30 à petit feu. Retirer le pied et les légumes, désosser le pied tant qu’il est encore tiède et le hacher en petits dés ainsi que la carotte et le poireau. Conserver à température ambiante et filtrer 20 cl de bouillon. Réserver les deux sans les mélanger.

1 pied de veau

Préparation 30 min - Cuisson 1 h 40 1 carotte 1 poireau 200 g de viande de veau cuite (style rôti) coupée en petits morceaux 1 cuil. à soupe de persil haché 1 cuil. à soupe d’échalote hachée ½ cuil. à café d’ail haché Huile d’olive Œuf, chapelure Muscade, piment d’Espelette, sel, poivre

2 - Dans une poêle, faire chauffer 1 cuillère à soupe d’huile d’olive, y faire revenir le persil, l’échalote et l’ail, ajouter la viande de veau cuite et le haché de pied de veau. Verser les 20 cl de bouillon et remuer soigneusement. Porter à ébullition et cuire pendant 10 minutes puis débarrasser dans un saladier. Vérifier l’assaisonnement. Ajouter un peu de piment d’Espelette et une bonne râpée de noix de muscade. Dès que ce mélange est bien refroidi, former des boulettes puis les paner en les trempant dans du blanc d’œuf battu puis de la chapelure. Recommencer cette opération deux fois puis mettre à frire dans une friteuse chaude.

Accompagnez ces boulettes d’une salade de pissenlits bien vinaigrés.


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Boulettes de viande

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& pied de veau

1 - Mettre dans une casserole haute le pied de veau avec la carotte et le poireau. Mouiller à hauteur avec de l’eau, assaisonner de sel et poivre et cuire ainsi 1 h 30 à petit feu. Retirer le pied et les légumes, désosser le pied tant qu’il est encore tiède et le hacher en petits dés ainsi que la carotte et le poireau. Conserver à température ambiante et filtrer 20 cl de bouillon. Réserver les deux sans les mélanger.

1 pied de veau

Préparation 30 min - Cuisson 1 h 40 1 carotte 1 poireau 200 g de viande de veau cuite (style rôti) coupée en petits morceaux 1 cuil. à soupe de persil haché 1 cuil. à soupe d’échalote hachée ½ cuil. à café d’ail haché Huile d’olive Œuf, chapelure Muscade, piment d’Espelette, sel, poivre

2 - Dans une poêle, faire chauffer 1 cuillère à soupe d’huile d’olive, y faire revenir le persil, l’échalote et l’ail, ajouter la viande de veau cuite et le haché de pied de veau. Verser les 20 cl de bouillon et remuer soigneusement. Porter à ébullition et cuire pendant 10 minutes puis débarrasser dans un saladier. Vérifier l’assaisonnement. Ajouter un peu de piment d’Espelette et une bonne râpée de noix de muscade. Dès que ce mélange est bien refroidi, former des boulettes puis les paner en les trempant dans du blanc d’œuf battu puis de la chapelure. Recommencer cette opération deux fois puis mettre à frire dans une friteuse chaude.

Accompagnez ces boulettes d’une salade de pissenlits bien vinaigrés.


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à la mode d’Ernest

Hemingway

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Ernest Hemingway (1899-1961). Romancier américain. Auteur, entre autres, de L’Adieu aux armes, du Vieil Homme et la Mer et de Paris est une fête.

La première fois que j’ai mangé des couilles d’agneau flambées au rhum de Cuba, c’est devenu mon plat préféré. Bon Dieu que c’était bon ! C’était avant la guerre, dans l’un de ces petits restaurants de la rue Mouffetard où l’on dînait pour presque rien. Avec Hadley, nous habitions rue du Cardinal-Lemoine. Nous étions très jeunes et très heureux. C’est une époque que je n’ai pas pu oublier. Personne n’oublie son premier séjour à Paris. J’écrivais tous les matins des nouvelles sur des cahiers d’écolier à la terrasse des cafés. J’appelais les garçons par leur prénom. L’après-midi, je les tapais sur la machine à écrire que m’avait cédée Scott Fitzgerald à la suite d’un pari perdu. Lorsque les éditeurs ou les journaux ne voulaient pas de mon travail, je restais à la maison avec Hadley, et nous nous réchauffions en buvant du café. Lorsqu’il était pris, nous allions siffler des verres de vermouth glacé à la Closerie des Lilas avant de choisir un restaurant près de la Montagne Sainte-Geneviève. C’est alors que j’ai découvert les couilles d’agneau flambées. Le cuisinier qui nous les servait expliquait que la recette venait de Cuba. Il s’appelait Charles et s’était enrôlé comme volontaire pendant la guerre hispano-américaine de 1898. Je n’ai jamais compris dans quel camp. Charles avait une façon de préparer les couilles d’agneau que je n’ai pas retrouvée. C’était une recette toute simple, de celles qui ne s’apprennent pas et qu’on met toute une vie à comprendre.


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à la mode d’Ernest

Hemingway

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Ernest Hemingway (1899-1961). Romancier américain. Auteur, entre autres, de L’Adieu aux armes, du Vieil Homme et la Mer et de Paris est une fête.

La première fois que j’ai mangé des couilles d’agneau flambées au rhum de Cuba, c’est devenu mon plat préféré. Bon Dieu que c’était bon ! C’était avant la guerre, dans l’un de ces petits restaurants de la rue Mouffetard où l’on dînait pour presque rien. Avec Hadley, nous habitions rue du Cardinal-Lemoine. Nous étions très jeunes et très heureux. C’est une époque que je n’ai pas pu oublier. Personne n’oublie son premier séjour à Paris. J’écrivais tous les matins des nouvelles sur des cahiers d’écolier à la terrasse des cafés. J’appelais les garçons par leur prénom. L’après-midi, je les tapais sur la machine à écrire que m’avait cédée Scott Fitzgerald à la suite d’un pari perdu. Lorsque les éditeurs ou les journaux ne voulaient pas de mon travail, je restais à la maison avec Hadley, et nous nous réchauffions en buvant du café. Lorsqu’il était pris, nous allions siffler des verres de vermouth glacé à la Closerie des Lilas avant de choisir un restaurant près de la Montagne Sainte-Geneviève. C’est alors que j’ai découvert les couilles d’agneau flambées. Le cuisinier qui nous les servait expliquait que la recette venait de Cuba. Il s’appelait Charles et s’était enrôlé comme volontaire pendant la guerre hispano-américaine de 1898. Je n’ai jamais compris dans quel camp. Charles avait une façon de préparer les couilles d’agneau que je n’ai pas retrouvée. C’était une recette toute simple, de celles qui ne s’apprennent pas et qu’on met toute une vie à comprendre.


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