Mag singapour n°11- Art & the City

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SINGAPour N°11 | MARS | AOÛT 2018

Le magazine 100% Red Dot du site lepetitjournal.com/singapour

ART & THE CITY



Édito

Art & the city

Et si l’art était ce qui fait battre le cœur d’une ville, palpitant généreux qui irrigue tous les pans de la vie quotidienne, apportant à ses habitants une forme de réalité augmentée que ce soit dans les musées, les salles de spectacles, au bureau ou dans la rue ? Art & the city, c’est le thème du dossier de ce numéro 11 du magazine Singapour. L’occasion de célébrer les accomplissements de la cité-Etat dans le domaine des Arts et de la culture, avec notamment la floraison d’une kyrielle de lieux de culture, dont les moins prestigieux, dans ce qui s’appelle désormais le civic and cultural district, ne sont pas la National Gallery of Singapore, le Victoria Theatre, Old Parliament House, le Musée des Civilisations Asiatiques ou l’Esplanade. L’opportunité aussi de mesurer le chemin qui reste à parcourir, particulièrement en ce qui concerne l’engagement des artistes, des mécènes et du grand public, pour que la cité-Etat, qui dès 2000 se rêvait en cité de la Renaissance, s’impose en effet, dans la région et au delà, comme l’une des grandes métropoles culturelles de ce siècle. Également au sommaire de ce magazine, une plongée toute en images dans l’univers de l’opéra chinois, l’ascension de l’Everest avec la singapourienne Yusrina Ya’akob et le portrait étonnant de Dominique Koo, homme d’affaires passionné de grandes complications, qui a développé un fonds d’investissement spécialisé dans les montres d’exception. A découvrir encore, dans la rubrique culture, en partenariat avec Jentayu, une nouvelle d’Alfian Saat, l’auteur en résidence de la compagnie Wild Rice. …Et puis, l’agenda, le portrait et la recette du chef du restaurant Odette, des nouvelles de l’Asie vue de France, des clés pour mesurer votre ADN culturel et du vert pour vos inspirations déco.

Exposition Népal à Ion. © Arvil Sakaï

L’équipe de lepetitjournal.com/singapour

www.lepetitjournal.com/singapour singapour@lepetitjournal.com

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Sommaire

Tous les arts contribuent au plus grand de tous : l'art de vivre Bertolt Brecht Petit Organon pour le théâtre

D.R.

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Fil Rouge

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9 - Exception culturelle ? 10 - Marché de l’Art : le paradoxe 12 - Le théâtre comme il va. Le témoignage de Nathalie Ribette 16 - Financement de la culture : la fin du tout État 18 - Street art - Speak Cryptic 20 - Musique - Ce qu’elle dit de la société singapourienne 22 - Photographie - Gwen Lee, fondatrice de DECK. 24 - Théâtre, Jazz, Danse. Où sont les artistes singapouriens ? 28 - Enseignement de l’Art : tous artistes !

Rishi Boudhrani. D.R.

24 / Où sont les artistes singapouriens ?

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32 / Opéra chinois MCI(P)065/03/2018 Editeur Fil rouge Pte ltd Directeur de la publication Bertrand Fouquoire Rédacteur en chef Bertrand Fouquoire Coordination éditoriale et dossier Clémentine de Beaupuy, Cécile Brosolo Rédaction Clémentine de Beaupuy, Cécile Brosolo, Cécile David, Bertrand Fouquoire, Michèle Thorel, Sophie Mouton Brisse, Jérôme Bouchaud-Jentayu, Véronique Helft-Malz Agenda Maud Wind Graphisme Atelier Sujet-Objet Publicité et promotion Sophie Michel Impression IPrint Express Photo couverture © National Gallery of Singapore Photos Remerciements spéciaux à Marie Dailey et à Giancarlo Brosolo. Tirage à 4000 exemplaires

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Singapour autrement

Dominique Koo, fondateur de Watch Fund

Photoreportage Opéra Chinois Echappées Belles

Yusrina Ya’akob, ascension de l’Everest avec NTU

L’Asie vue de France

42 - Un jour, à Vesoul 44 - Pago Pago : Latiff Mohidin

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Couleurs d’Asie Ressourcez-vous en vert !

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Culture Le Quotient Culturel

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Nouvelle Perte de contact - en partenariat avec Jentayu

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Agenda

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Suivie d'un entretien avec son auteur Alfian Sa’at

Un chef une recette Julien Royer

le chef du restaurant Odette

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Fil rouge Qui est Charlie Chan ? Sous couvert de raconter la vie d’un certain Charlie Chan, un personnage de fiction, le singapourien Sonny Liew a produit une fresque magistrale qui couvre, en bulles et en images, l’histoire de Singapour depuis les années 50. L’auteur y décrit les évènements historiques (grèves, émeutes, répression…), qui ont contribué à façonner Singapour avant la

partition. Il y rend aussi un hommage graphique à ses modèles, créateurs de Comics, tels que Osamu Tezuka, Walt Kelly ou Franck Miller. Couvert de récompenses, Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée fait aussi un tabac en France. Il faisait cette année partie des 20 meilleures BD sélectionnées pour le festival d’Angoulême.

Année de l’innovation L’idée de « 2018, France Singapore Innovation Year » remonte au déplacement à Singapour de François Hollande en mars 2017. L’objectif : renforcer les partenariats entre les deux pays dans le domaine de l’innovation au travers de participations croisées à une série de manifestations organisées à Singapour et en France. Au programme à Singapour : des

jeunes scientifiques français au « Global Young Scientists Summit » en janvier, le « Singapore Air Show » en février, un séminaire sur « André Malraux et l’innovation culturelle » en mars, le festival « Voilah ! » en avril, le « start-up weekend Hackathon, » la « Smart Nation Innovations Week » et les « France Singapore ICT Awards » en juin...

Radikal Il y a des auteurs qui sortent de nulle part et d’autres qui sortent de l’X. Olivier Castagnède fait partie des seconds. Elève brillant dans les sciences dures, l’intéressé, l’air de rien, s’est aussi payé le luxe d’écrire un roman à 9 ans et de remporter, lycéen, le premier prix du concours général de composition française. Pas éton-

nant dans ces conditions qu’après Polytechnique, Télécom et l’Insead, il ait été tenté de reprendre la plume. Radikal, son premier roman, raconte les dérives radicales d’un jeune de Jakarta. Un récit haletant sur fond d’attentats terroristes. A lire absolument.

Présidence de l’ASEAN Depuis le 1er janvier 2018, c’est Singapour qui assure, pour un an, la présidence tournante de l’ASEAN. Une responsabilité que la cité-Etat compte exploiter pour renforcer la sécurité, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, et poursuivre l’intégration économique entre les pays de la région. Ambition affichée : participer, d’ici la fin de la décennie, à l’avènement d’un marché commun

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de l’ASEAN. Singapour compte aussi peser dans les négociations en cours sur le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP). L’enjeu : un périmètre intégrant l’ASEAN et les 6 pays avec lesquels elle a conclu des accords de libre échange (Chine, Inde, Australie, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud et Japon), soit près d’1/3 du PIB mondial.


Fil rouge Raid policier dans les réseaux de prostitution 96 femmes et 1 homme ont été arrêtés en janvier pour des motifs liés à des activités de prostitution lors d’un raid opéré par les forces de police sur une période de 11 jours dans un ensemble d’appartements HDB et de condominiums situés notamment à Ang Mo kio, Jurong west, People’s Park et Yshun. Si la prostitution n’est pas interdite à Singapour, le proxénétisme est sévèrement réprimé : toute

personne vivant en tout ou partie de la prostitution d’une autre personne encourt une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison et une amende jusqu’à 10000 S$. Le fait de louer des locaux utilisés pour des activités de prostitution expose les propriétaires à des peines d’emprisonnement jusqu’à 3 ans et une amende de 3000 S$.

Chaud et froid Record de température à Singapour l’an dernier. 2017 a été l’année la plus chaude, à l’exception de celles qui avaient été impactées par un phénomène du type El Niño (2015, 2016). La température moyenne s’est établie à 27,7°C soit 0,2 degré de plus que la moyenne pendant la période 1981 à 2010. Elle est cependant

restée en deçà du record de 2016 où la température moyenne avait été de 28,4°C. Changement d’ambiance en 2018 avec un record de froid en Janvier 2018, le mercure oscillant entre 21 et 24°C. Un froid tout relatif puisque le vrai record, de 19°C à Paya Lebar, remonte au 14 février 1989.

Croissance : +3,5% en 2017 Bonne nouvelle pour l’économie singapourienne. La croissance a affiché une belle santé en 2017 avec une augmentation de 3,5% du PIB, selon les premières estimations du gouvernement. Une bonne performance que le Premier ministre a attribué à la hausse de la productivité (+3%). Particulièrement en forme, le secteur manufacturier (20% de l’économie)

dont la production a augmenté de 10,5%, enregistrant sa plus forte hausse en 7 ans. Moins exubérants, les services affichent une croissance modeste de 0,2%. A l’arrêt, le secteur de la construction chute de 8,1%.

Ciel, mon salon ! Les entreprises françaises étaient présentes en nombre lors du dernier Singapore Airshow, le plus grand salon aéronautique d’Asie. Pas moins de 40 entreprises, parmi lesquelles Airbus, ATR, CFM, Dassault Falcon Jet, MBDA et Thales, avaient fait le déplacement. Manière de célébrer l’année franco-singapourienne de l’innovation, le Groupe-

ment des Industries aéronautiques et spatiales (GIFAS), et la Singapore Space and Technology Association (SSTA), ont profité de l’événement pour signer un accord de collaboration. Les entreprises françaises de l’aéronautique installées à Singapour emploient plus de 2000 personnes. C’est 10% du total des emplois du secteur à Singapour.

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Dossier : Art & the city

Visiteurs consultant le guide du Night Festival devant la National Gallery of Singapore © NGS

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Dossier : Art & the city

Exception culturelle

Les moyens des ambitions de Singapour Les recettes qui ont permis à la cité-Etat de tutoyer l’excellence dans des domaines aussi divers que l’économie, l’urbanisme ou l’éducation sont-elles reproductibles dans le champ de la culture ? Pour étayer ses ambitions culturelles, Singapour a adopté une démarche volontariste et consacré des moyens financiers importants. La cité-Etat dispose aujourd’hui d’infrastructures de premier plan et d’une offre culturelle foisonnante. Mais le public et les artistes peinent encore à prendre le relai. Au lendemain de son indépendance en 1965, Singapour a commencé par se concentrer sur les moyens d’assurer sa survie et son développement économique, reléguant la culture au second plan. Elle s’est, cependant, rapidement rendu compte de l’importance que représentait ce secteur pour, notamment, « créer un sens de l’identité nationale » et apaiser les tensions entre les communautés. Dès 1985, puis massivement dans les années 2000 après la publication du rapport fondant la vision d’une « cité de la renaissance », la cité-Etat a investi des sommes considérables dans le secteur de la culture. Elle l’a fait, aussi bien, dans les infrastructures (construction de musées et salles de spectacles, soutien à la production artistique locale, développement des écoles et universités spécialisées) que dans la programmation d’évènements culturels d’envergure internationale (Art Stage, F1 Grand Prix, Festival international du Film…) susceptibles d’attirer un large public. Le résultat a été à la mesure des moyens engagés. La scène artistique, longtemps réputée ennuyeuse, est devenue foisonnante, stimulée par de grands rendezvous tels que Art Stage ou l’Affordable Art fair dans le domaine des arts plastiques, et par une multitude de festivals dans des secteurs aussi variés que la musique, la danse, la littérature ou le cinéma. Entre 1988 et 2010, le nombre

des activités artistiques a été multiplié par 20 passant de 1 700 à plus de 30 000. Mais si la tendance est bonne, les chiffres restent insuffisants. C’est particulièrement vrai de la participation des Singapouriens à la vie culturelle et artistique, que ce soit comme visiteursspectateurs, ou comme créateurs et artistes. Longtemps, le manque relatif d’appétence du grand public singapourien pour la programmation culturelle est resté le maillon faible de la politique de développement culturel de Singapour. En 2012, au moment d’établir une feuille de route pour la culture à l’horizon 2025, les responsables du National Arts Council (NAC) se félicitaient dans un rapport stratégique que la proportion des Singapouriens assistant à au moins un événement culturel avait quadruplé par rapport à 1996 pour atteindre 40 % en 2009. Ils remarquaient cependant que cela représentait toujours, à cette date, moins d’un Singapourien sur deux. « Si nous voulons atteindre nos objectifs d’une scène artistique et culturelle ouverte à tous, alertaient-ils, nous devons redéfinir la manière dont nous regardons, développons et promouvons les arts et la culture, et éliminer les dernières barrières à l’entrée, particulièrement celles qui donnent l’impression que les arts et la culture sont élitistes, ennuyeux, coûteux ou impénétrables ». Coté face, la stratégie très volontariste de Singapour a connu de nombreux succès, imposant par exemple la cité-État

comme une plateforme de référence dans le domaine des arts plastiques et du design. Coté pile, certaines initiatives ont connu un bonheur plus discret. L’ouverture, en 2015, de Gilman Barracks, qui devait être le nouveau lieu d’effervescence de la création artistique contemporaine n’a pas rencontré le succès espéré et voit aujourd’hui plusieurs galeries se désengager. Le salon maisons & Objet a interrompu sa programmation à Singapour après 3 éditions. Et l’invitation faite à la Pinacothèque de s’installer à Fort Canning, en 2015, a fait long feu ; certes du fait des difficultés financières rencontrées par le musée privé à Paris. Enfin, le développement d’un écosystème encourageant les artistes et les autres acteurs de la culture à produire et créer appelle certains aménagements, notamment sur le plan règlementaire. C’est vrai du système de classification des spectacles qui, s’il a évolué, reste un cadre très normatif concernant les valeurs de la société, et une limite au besoin de questionner, provoquer voire transgresser l’ordre et les idées établis inhérent à la création artistique. Comment, par exemple, imaginer Singapour en capitale du Street Art, si ce domaine de création ne dispose pour s’exprimer que des commandes officielles et des supports autorisés ? Bertrand Fouquoire

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Dossier : Art & the city

Le Marché de l’Art

Ce je-ne-sais-quoi qui manque à Singapour En terme de marché de l’Art, Singapour est un paradoxe. Depuis des années, la cité-État nargue le monde avec sa réussite économique, une population qui s’enrichit et une élite riche et cosmopolite. D’un autre côté, le marché de l’Art, investissement refuge traditionnel de cette élite dans le monde entier et un des éléments clefs pour soutenir une scène artiste dynamique, ne prend pas. Enquête. Comme chaque année depuis 8 ans, Lorenzo Rudolf, le directeur général de Art Stage, la grande foire d’art contemporain qui clôture, en janvier, la Singapore Art Week ouvre sa présentation presse avec un enthousiasme toujours intact. Pourtant, d’année en année son discours est plus alarmant quant aux difficultés du marché de l’Art dans la cité-Etat. Pour preuve, Art Stage n’accueillait cette année que 80 galeries, alors qu’ elles étaient 500 à l’ouverture, 173 en 2016 et 131 en 2017. Pourquoi les galeries boudent-elles Singapour ? Pourquoi sont-elles de plus en plus présentes à Hong-Kong ou Shanghai ? Pour Lorenzo Rudolf, le constat est clair : si les clients n’achètent pas, les galeries ne reviennent pas. Or sans un tissu serré de galeries de toute taille, les artistes ont du mal à exister, à se vendre, à produire sans passer par les circuits officiels des organismes mis en place par le gouvernement. Au delà de ce « réveillezvous ! » tonitruant lancé par le directeur d’Art stage notamment aux collectionneurs et aux acheteurs singapouriens, peut-on considérer le marché de l’art comme n’importe quel marché ? Quand on lui pose la question de savoir si le gouvernement singapourien qui porte à bout de bras les artistes en organisant des biennales, des prix internationaux, en les dotant de bourses, n’est pas un frein à une régulation entre offre et demande, sa réponse est assez claire : « les autorités singapouriennes ont créé les conditions, les infrastructures pour que ce marché et les artistes puissent exis-

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ter ; c’est à la population maintenant de s’emparer de l’art et de le faire grandir. » Mais comment faire grandir ce marché et les acteurs qui l’animent? Il est toujours possible de parler des « erreurs » passées, notamment celle de ne pas avoir su attirer les sociétés de vente aux enchères d’œuvres d’art telles que Sotheby’s et Christie’s qui ont fait office ces dernières années de boosters d’un marché de l’Art en pleine effervescence malgré les crises économiques et politiques. On peut aussi avancer d’’autres explications, plus cinglantes : le marché de l’Art serait peut-être un des derniers refuges de la corruption et comme Singapour a banni cette pratique de sa gouvernance, l’argent s’envole ailleurs. Toujours est-il que le marché de l’Art de Singapour est toujours à la recherche des clefs qui permettraient de stimuler un marché en berne.

« Vous avez devant vous les Picasso d’aujourd’hui. » Guillaume-Lévy Lambert, de Art Porters Galerie, à l’origine de la collection d’art asiatique contemporain MaGMA, pour l’invitation à sa dernière exposition écrivait sur le carton: « Quand j'ai commencé à collectionner sérieusement vers la fin du siècle dernier, j'ai dit : c'est comme si nous étions à Paris il y a cent ans et que nous pouvions rencon-

trer les impressionnistes et acheter des œuvres dans les limites de notre budget(...) Avec Wayan Novi en vedette, j'ai l'impression que tout se rapproche et que les œuvres que nous exposons seront dans les musées de demain. » Même discours tenu lors de l’ouverture Art from street à l’Art Science Museum, par une galeriste, Magda Danysz, aussi commissaire d’exposition : « Vous avez devant vous les Picasso d’aujourd’hui ! » N’oublions pas que les artistes exposés dans le musée sont les mêmes que ceux qui sont soutenus et vendus dans des galeries prestigieuses. A Art Stage, pour la première fois, des collectionneurs singapouriens ont accepté de montrer leurs œuvres au public, et certains de les revendre, comme une partie des œuvres de la collection Tirode De Leon, achetées il y a quel-ques années à peine, dans cette foire. En résumé, l’Art est un investissement d’avenir et il faut le faire savoir ! L’émotion est dure à comprendre et à provoquer, mais l’investissement est plus facile à analyser. Et c’est sur cette voie que les professionnels de l’art s’orientent. Même si le bilan n’est pas flamboyant, le constat n’est pas forcément sans perspective pour la cité-Etat dont le marché de l’art, encore jeune, se construit pas à pas. Le modèle de l’Affordable Art Fair, même s’il connaît une légère érosion, constitue de ce point de vue un exemple plein d’enseignements. L'intérêt de cette foire, qui a débuté à Londres en 1999, est que 75 % de ses


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Lorenzo Rudolf : « C’est à la population maintenant de s’emparer de l’art et de le faire grandir. » © NGS

œuvres sont vendues à un prix inférieur à 7 500 US dollars. Elle se tient à Singapour depuis 2010. L'édition de novembre 2016 a attiré 12 000 amateurs d'art. Les ventes sont en général très bonnes et les allées souvent bondées de quarantenaires à la recherche d’une pépite. Alice Zou d’Asian Art Platform ne cache pas son enthousiasme : « pour ma jeune galerie et pour nos jeunes artistes chinois, cette foire a été un véritable tremplin. Les sculptures de l’artiste chinois Luo Dan se sont arrachées comme des petits pains. Des musées commencent à l’exposer. Sa cote monte (…) Pour un marché jeune, cette foire est une aubaine. » Par comparaison avec les autres capitales, la tranche qui manque aujourd’hui est celle des achats (et donc des artistes) de plus de

50 000 US dollars. En gros, les très belles pièces partent ici ou ailleurs. Leur marché est mondial et elles tran-

« Les sculptures de l’artiste chinois Luo Dan se sont arrachées comme des petits pains. » sitent par les grosses galeries ou les maisons de vente. « Il faudrait que les Singapouriens, prennent confiance en eux, en leur goût : à la fois les artistes et les acheteurs. Et puis, sur 5 millions d’habitants, s’il y a déjà 1% d’artistes

reconnus, c’est déjà bien. 1% aux Etats-Unis, ça représente beaucoup plus. On oublie parfois que c’est un territoire jeune et petit », relativise Marie-Pierre Mol, la fondatrice d’Intersections, galerie spécialisée en art birman, « 80-100 galeries présentes à Art Stage, est-ce vraiment une anomalie ? N’est-ce pas la taille que ce marché peut absorber ». En résumé, Singapour n’a t’elle pas vu trop grand, trop vite? Il faut sans doute donner du temps au temps et faire des expositions qui donnent le goût de l’Art aux jeunes et au moins jeunes ; laisser le temps aux singapouriens de se faire « un œil », pour que les émotions artistiques puissent naître. Clémentine de Beaupuy

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Atelier Sujet-Objet - Photo Bertrand Fouquoire

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Le théâtre, comme il va Nathalie Ribette. © LA Benjamin

Le témoignage de Nathalie Ribette, fondatrice et directrice artistique de Singtheatre

Si l’offre de spectacles à Singapour est foisonnante, elle est aussi de nature très diverse, écartelée entre les grandes productions internationales où le public se presse en grand nombre, et les créations singapouriennes, où il se montre plus discret. La situation n’empêche pas de nombreuses compagnies de théâtre singapouriennes de connaître le succès avec des créations moins grand-public, démontrant qu’il est possible, à Singapour, d’attirer de nouveaux publics avec des œuvres exigeantes qui n’hésitent pas à adresser certains sujets de société. Comment se présente la scène théâtrale à Singapour ? Nathalie Ribette - Je dirais qu’il n’y a pas une mais plusieurs scènes de théâtre à Singapour. D’un côté, il y a la scène internationale : celle des superproductions dans les grands concert hall de Marina Bay Sands et The Star Theatre ou, en partie, à l’Esplanade. De l’autre côté, il y a la scène proprement singapourienne. C’est celle-là qui nous intéresse du point de vue de la création artistique locale. Dans le théâtre en anglais, la majeure partie des productions sont des adaptations locales de pièces de théâtre ou de spectacles de Music hall qui existent par ailleurs. Les compagnies Wild Rice, SRT ou Pangdemonium en sont les grands noms. Mais on trouve également un théâtre d’auteur, assez actif et très créatif, porté par The Necessary Stage ou Theatre works. On y parle de sujets sociaux, culturels et politiques. Le théâtre en chinois est aussi très vivant. Il a son public régulier. Les grands noms sont The theatre practice, Drama box ou encore Nine years theatre.

Quel genre de spectacles les Singapouriens vont-ils voir ? Les Singapouriens, et les gens qui vivent à Singapour d’une façon générale, aiment les grands classiques populaires, les superproductions qui ont été des grands succès à l’étranger. Par exemple, The Sound of music ou The Lion King ont été d’immenses succès à Singapour. Les gens vont voir ce qu’ils connaissent. Ils sont assez réticents lorsqu’il s’agit de créations originales. Ils aiment également les spectacles qui parlent d’eux. Par exemple, Un Singapourien à Paris, qui était une création, a été un gros succès avec une vente de billets très rapide. Plus récemment, Forever young, qui se déroule dans le Victoria theatre transformé en une maison de retraite abritant d’anciens piliers de la scène artistique singapourienne, a également très bien marché. Malgré tout, on peut proposer autre chose que du pur entertainment et avoir du succès à Singapour. Une compagnie comme Pangdemonium en est la preuve. Elle produit des pièces assez noires qui provoquent la réflexion sur

des sujets de société. Elle a réussi à trouver son public auprès d’une population de plus de 30 ans, plutôt éduquée, qui compte aussi beaucoup d’expatriés. Y-a-t-il un public pour du théâtre indépendant et créatif ? The Necessary Stage propose un théâtre très créatif, contemporain, avant-gardiste même, qui soulève les questions sociales, culturelles et politiques singapouriennes. Cette compagnie a vraiment réussi à trouver un public très fidèle. Son festival annuel, le M1 Singapore Fringe Festival, affiche en général complet tous les jours pendant trois semaines. Mais il s’agit de très petits volumes, avec des salles de spectacles de 20 à 100 personnes. Comment la scène théâtrale a-t-elle évolué ces dernières années ? Il y a eu une explosion de l’offre globale de divertissement ces dix, et même cinq, dernières années, que ce soit au niveau des spectacles, des expositions, des concerts et des restaurants. L’ouverture de

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Dossier : Art & the city Marina Bay Sands en 2010 a réellement donné un nouvel élan. Mais malheureusement le public, lui, n’a pas augmenté dans les mêmes proportions. Il en résulte une très forte concurrence et une difficulté accrue pour vendre un spectacle aujourd’hui. C’est d’autant plus compliqué lorsque les spectacles ne restent que quelques jours à l’affiche : il est difficile d’avoir des critiques, des revues de presse ou de faire fonctionner le bouche à oreille. Le prix de vente des tickets baisse en conséquence, alors que les frais de production ne cessent d’augmenter. Quelles perspectives pour l’avenir ? La scène artistique à Singapour s’enrichit mais elle est encore très jeune. Il faut donc également former le public. Aujourd’hui,

les Singapouriens ne s’intéressent pas particulièrement à l’art, ce n’est pas dans leur culture. Cela doit passer par l’éducation, par les écoles, en amenant la création et la créativité dans le curriculum. C’est vrai aussi de l’attractivité des carrières artistiques. Les Singapouriens se tournent encore peu vers l’art pour en faire leur métier. À ce jour, Il n’y a pas assez d’acteurs professionnels et compétents, qui soient de vrais artistes et créatifs. La censure constitue-t-elle une contrainte pour la créativité ou dans le choix des sujets ? Je pense que pour le performing art, le spectacle vivant, la censure ne va pas forcément empêcher la créativité. Nous avons plus de liberté qu’au cinéma ou à

la télévision par exemple. Toute pièce de théâtre ou forme de spectacle qui pousserait à la haine raciale, ou à la dégradation de l’image d’une religion, ou qui ferait la promotion de l’homosexualité est totalement interdite à Singapour. Mais en dehors de ça, on peut finalement parler de presque tous les sujets. On peut aborder les thèmes de l’homosexualité ou de la drogue par exemple. La nudité aussi est possible, si elle justifiée. Cela fait bien entendu l’objet de longues discussions avec la censure qui impliquent, le cas échéant, certaines adaptions. L’autre difficulté induite par le système de classification (les ratings) est qu’il peut limiter le public. Propos recueillis par Cécile Brosolo

Linden Furnell et Hossan Leong © Singtheatre

Au tout début de la scène théâtrale singapourienne, des années 1960 aux années 1990, la préoccupation était de développer une voix singulière à Singapour par le biais du théâtre. Cette période a vu la création de grandes compa-

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gnies théâtrales aujourd'hui, telles que The Theatre Practice de Kuo Pao Kun et celles créées par des personnes qu'il avait encadrées, dont TheatreWorks et The necessary Stage. Depuis, la scène théâtrale n'a cessé de s'agrandir et de

nouvelles voix se sont fait entendre, comme Pangdemonium Productions et Nine Years Theatre. Aujourd'hui, le théâtre touche un large éventail de publics grâce à plus de 500 compagnies et sociétés théâtrales locales.


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Dossier : Art & the city

Financement de la Culture : la fin du tout Etat Après avoir massivement investi dans les infrastructures culturelles (Renaissance City Plan), le gouvernement singapourien veut aujourd’hui appuyer son « soft power » sur de nouveaux piliers en impliquant davantage les investisseurs privés et les citoyens. Nos efforts ont contribué au dynamisme de la scène artistique et culturelle, ont été les mots de conclusion prononcés par Grace FU, dans un discours du 7 décembre lors de la conférence annuelle de la Culture Academy. La Ministre de la Culture, de la Communauté et de la Jeunesse y donnait des chiffres éloquents pour une nation qui, il y a quelques années à peine, comptait ses infrastructures sur les doigts d’une main. La croissance dans ce domaine a été rapide, voire vertigineuse. En 2004, il y avait 27 musées. Il en existe aujourd’hui 57. En 2016, plus de 5 millions de personnes y sont allées au moins une fois. En 2017, elles auraient été plus de 7 millions d’après les derniers chiffres du National Heritage Board (NHB). Le nombre d'activités artistiques et culturelles non payantes est à son plus haut niveau depuis 2012 et la fréquentation a dépassé les 9 millions. « Ensemble, ces tendances positives donnent à penser que nous sommes sur la bonne voie pour créer une scène artistique et culturelle plus dynamique », concluait la Ministre.

Le décollage très attendu des dons privés Concernant l’implication du secteur privé, les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2015, selon le rapport sur les statistiques culturelles de Singapour, 80 % du financement des arts et du patrimoine à Singapour, soit 595,7 millions de dollars, ont été apportés par le gouvernement par l'intermédiaire d'organismes publics tels que le National Art Council

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(NAC). Comme toujours, la cité-État a réagi, vite, et en y mettant les moyens. En 2014, le Ministère de la culture a lancé le Fonds de jumelage culturel (FMC), doté de 79,4 millions de dollars, afin de stimuler les dons privés au secteur culturel. En 2017, ce plan a été renforcé : un complément de 150 millions de dollars, a été annoncé par le ministre des Finances, Heng Swee Keat. Cette politique, et ce dernier coup de pouce pour impliquer le secteur privé, semblent fonctionner. Comme le souligne le dernier rapport du National Art Council, l’organisme public qui est en charge de superviser la politique culturelle : les dons privés ont enfin décollé. Si l’on regarde les taxes déductibles dues à des donations au secteur culturel, elles sont passées de 28 millions de SGD en 2012 à 149 millions en 2015. Tout aussi intéressante est la répartition du FMC par secteur : 23 millions S$ sont consacrés aux arts visuels, 40 millions aux arts de la scène ; 0,6 million aux arts littéraires, 24 millions aux arts traditionnels, 20 millions au patrimoine et 44 millions pour les autres groupes. Quant à l’implication des citoyens singapouriens sur le long-terme, le gouvernement souhaite à présent « construire des fondements forts pour la culture ». L’enjeu : sortir d’une situation de participation passive et de « consommation », souvent gratuite, de la culture. Comment compte-elle le faire ? En formant des experts en art, en favorisant l’éducation des enfants dans les domaines artistiques et en supportant les projets citoyens.

Pour « bâtir ces fondations », Singapour vient de lancer un National Heritage Master Plan, 2018-2022 qui vise à renforcer la sensibilisation aux matières artistiques dans les écoles et sur les lieux professionnels, à développer l’engagement communautaire via les heritage centres, et à former les professionnels et les experts qui font défaut à la cité-Etat pour concrétiser ses ambitions dans le domaine culturel. La mise en œuvre, comme souvent à Singapour, est rapide : en janvier 2018, la Nanyang Technological University (NTU) a ouvert un master of art spécialisé dans les études muséales et les programmes curatoriaux. Mais, Singapour, ville-État a conscience de ses limites. Même si sa population s’implique plus, des experts sont formés, des artistes s’exportent. « Comment pouvons-nous réussir, en tant que petit pays avec une histoire courte et une collection relativement petite par rapport aux grands musées d'art du monde ? En exploitant la technologie pour nous placer à l'avant-garde de l'industrie des arts et du patrimoine. » Et, voilà, le 3e pilier énoncé par la ministre singapourienne pour se développer : être en avance technologiquement sur les expériences muséales, celles concernant le public, mais aussi celles de la mise en valeur d’une collection, dépasser les frontières d’une enceinte d’un musée... En résumé, casser les codes d’un accès à la culture pour exister sur la scène internationale et prendre part au jeu mondial de l’influence culturelle. Clémentine de Beaupuy


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The Giant, par Jean Jullien. © NMS

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Je me considère à la fois comme faisant partie de cette scène artistique et comme spectateur. © Marina Bay Sands

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Speak cryptic

Une vision du street art en noir et blanc Dans l’exposition Art from Street présentée au Art Science Museum, un jeune artiste intrigue au milieu des autres spécialistes du genre. Dans un pays où la peinture murale dite « sauvage » n’est pas autorisée, Farizwan Fajari, alias Speak cryptic, est parvenu à imposer ses créations dans des fresques géantes où se pressent l’un contre l’autre des personnages en noir et blanc. Comment devient-on « Street Artist » à Singapour ? Speak Cryptic - Pour moi, cela a été possible grâce à un collectif assez fort. L’esthétisme du street art m’a tout de suite séduit. J’ai eu la chance d’avoir des amis à Singapour qui étaient très intéressés par cet esthétisme graphique. Et puis, il y a des sites internet très connus qui montrent tout ce qui se fait à travers le monde et les artistes qui créent. Je me suis formé aux techniques, mais aussi à cet esthétisme particulier du street art. Avec cette communauté d’artistes, nous avons grandi ensemble. Nous avons trouvé notre propre chemin créatif. Pour des raisons personnelles, je me suis formé aux feutres. Je ne travaille pas à la bombe, car je ne m’y sens pas à l’aise ! De quand date votre passion pour la peinture et pour le street art en particulier ? Depuis mes 14 ans, je veux dessiner et peindre. Je n’avais pas encore l’idée d’être un artiste et d’en faire mon métier, mais j’ai commencé des études dans ce sens. Je suis diplômé de Lassalle et je pense avoir eu de la chance d’avoir pu bénéficier d'un tel enseignement, ce qui n’était pas forcément le cas il y a quelques années ici. De quoi traitent vos œuvres, qui représentent des personnages, serrés les uns aux autres ? Je développe, depuis presque 13 ans maintenant, les mêmes personnages. Ils reviennent dans toutes les histoires et les scènes que je réalise. Le travail que je

présente à l’Art Science Museum, A State of Decline, fait partie d’un ensemble qui traite des ruptures amoureuses et de la manière de les surmonter. La première partie de ce travail a été présentée à Kuala Lumpur dans le cadre de la biennale. Ces personnages sont dessinés dans des lieux que je connais, où j’ai grandi. Par exemple, pour cette série, j’ai représenté The Substation, parce que c’est un lieu très important pour mes amis et pour moi ; un lieu de création qui m’a soutenu et m’a aidé à développer ma créativité. Pourquoi vos fresques sont-elles toujours en noir et blanc ? En fait, je distingue mal les couleurs. Je vois les couleurs primaires mais je ne fais pas la différence s’il y a des nuances de tons. Je distingue mal le rose d’un violet par exemple. Quand j’étais étudiant, mes professeurs m’ont poussé à utiliser et à travailler la couleur. Mais j’aime voir ce que le public voit également. Je ne me sentais pas à l’aise dans ce décalage de perception. J’ai réglé le problème en utilisant uniquement le noir et blanc. The Substation, fondé en 1990 par Kuo Pao Kun, est le premier centre d’art multi-disciplinaire de Singapour. Auteur et metteur de scène de théâtre et artiste engagé, Kuo Pao Kun a été détenu pendant plus de 4 ans, dans les années 70 à cause de ses engagements artistiques. Installé dans

Que pensez-vous de la scène artistique singapourienne ? La scène artistique ici est réduite. L’avantage, c’est que l’on se connaît tous ! C’est également une scène très jeune. Selon moi, ce sont aussi des atouts. J’adore échanger avec d’autres artistes, créer des projets multidisciplinaires. Je suis également musicien dans un groupe. Cette jeunesse me plait, elle ressemble à mon âge. Je me considère à la fois comme faisant partie de cette scène artistique et comme spectateur. Je suis très admiratif et fasciné par les œuvres de mes « héros » présentées ici à l’exposition Art from street, à l’Art Science Museum où j’ai aussi la chance d’être exposé. C’est un rêve devenu réalité. Cette communauté de personnes qui m’a porté au début, je la retrouve maintenant. Je rencontre et j’échange avec ces artistes. Pour moi, le street-art réside aussi dans cet esprit communautaire, de partage, de collaboration entre artistes et j’adore ça ! Propos recueillis par Clémentine de Beaupuy

une ancienne centrale électrique, à Armenian street, il abrite des expositions telles que Discipline The City, présentée en 2017. The Substation est un lieu important pour les artistes singapouriens qui le considèrent comme un espace de création libre des contraintes et de l’art « officiel ».

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Ce que dit la musique… ...de la société singapourienne « Si le bruit est toujours violence, écrivait Jacques Attali, la musique est toujours prophétie. En l’écoutant, on peut anticiper le devenir des sociétés. » Que nous indique la scène musicale de Singapour sur sa société ? Le point de vue de John Sharpley, pianiste-compositeur qui fut en 1982 le premier professeur de composition musicale post-bac à Singapour. Quelle est la place de la musique par rapport aux autres formes d’art à Singapour ? John Sharpley - Elle reste secondaire malgré l’évolution massive des 20 dernières années. Primitivement, les hommes ont toujours éprouvé le besoin d’exprimer des sentiments en chantant, de marquer les événements de la communauté par des musiques rituelles et même de signer une identité nationale avec un hymne. Cet état que je qualifierais de « spontané » et quasiment instinctif relève du folklore musical. Singapour, cité multi-ethnique, marquée par les migrations et les influences coloniales, résonne d’une multitude de musiques dites populaires : opéra chinois, keroncong malais, chant plaintif et langoureux tamil, symphonie de Beethoven… Cependant, l’éducation musicale structurée a démarré tardivement et timidement il y a une trentaine d’années seulement. Les arts visuels ont pris leur envol depuis longtemps, sans doute du fait de l’extraordinaire développement urbain qui a motivé architectes, paysagistes, décorateurs et designers. L’art dramatique (théâtre), la danse et la musique autre que folklorique sont encore « neufs » pour la majorité de cette population si diversifiée. Ce sont des formes d’art occidentales. Il faudra plus d’une génération pour les intégrer, pour les absorber et se les approprier. Pourtant il existe un conservatoire et des ensembles instrumentaux de haut niveau, des salles de concert magnifiques et un engouement pour l’ensei-

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gnement de la musique chez les enfants. Que manque-t-il pour que l’empreinte soit plus profonde dans la société ? Oui, vous avez raison : tout est en place. Cependant il manque encore l’essentiel : l’éducation des masses et l’évolution des mentalités vers moins d’« utilitarisme » et plus de laisser-aller purement créatif. L’apparition d’une classe moyenne éduquée date d’une génération. Avec elle, s’est développée la mode de l’apprentissage de la musique (occidentale) aux enfants. C’est une excellente idée. Mais, pour les parents qui inscrivent leur enfant, il faut que ça paie : que ce soit utile pour le « CV » universitaire futur du chérubin. Il faut accumuler des diplômes plus que s’ouvrir à l’art purement. 95% des enfants arrêteront dès l’obtention du trophée, n’ayant quasiment jamais effleuré l’art, l’émotion et la créativité. Il en va de même pour la programmation musicale. Analysez celle de l’Esplanade où ont lieu tous les concerts importants : on constate une certaine frilosité; les « valeurs sûres » sont favorisées au détriment des productions iconoclastes avant-gardistes. « On n’a pas le public pour cela ». Toutefois, cela frémit depuis 10 ans. Le Symphonique s’inspire des BBC Proms de Londres : une « grande » œuvre classique pour « faire » l’affiche et une autre ultracontemporaine, parfois même une première mondiale dans le même concert. La déferlante digitale n’a pas épargné Singapour avec accès gratuit à toutes

les musiques. Quel est l’effet potentiel sur les comportements ? Il peut s’avérer hautement libérateur : plutôt que d’écouter la musique (ce qui suppose de la comprendre donc de l’avoir apprise), les Singapouriens découvrent la magie de la faire librement, sans cadre précis ni incidence financière. Les groupes Originaire de Houston, Texas, John Sharpley est issu d’une famille éduquée et artiste (mère pianiste concertiste, soeur directrice de théâtre). Dès le plus jeune âge, il s’abreuve de culture européenne. Humaniste et citoyen du monde, il abhore la notion de frontière et de cloisonnement culturel. Par amour pour la « sensualité esthétique » du français et de la culture française, il choisit de passer 3 ans en France, au conservatoire de Strasbourg où il obtient un premier prix de piano, solfège et composition. Il complète son éducation de musicien gentilhomme au MIT, puis à l’université de Boston (Masters en composition digitale) qui l’envoie à Singapour pour former les tout premiers jeunes compositeurs professionnels. Depuis, John Sharpley a beaucoup voyagé en Asie. Il possède 30 instruments dits populaires. Il se produit en soliste, compose, enseigne le piano en privé et l’improvisation au Lassalle College of the Art.


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John Sharpley au piano. « Je pense que l’appétit pour l’art musical a pris racine à Singapour récemment. » D.R.

jaillissent de partout, les concerts rock, pop, techno, metal… ont quintuplé en 3 ans. Je pense que l’appétit pour l’art musical a pris racine à Singapour récemment. Il va s’aiguiser lentement mais sûrement. Une preuve ultime : le cours d’improvi-

sation que je donne à Lasalle College of the Arts est devenu obligatoire pour les étudiants en composition, direction d’orchestre et musicologie depuis deuxans. je suis d’accord avec Jacques Attali : la musique est prophétie. Au vu du bourgeon-

nement créatif sur les scènes et dans la jeunesse, la société singapourienne est sur la voie de la libération créative. Propos recueillis par Michèle Thorel

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Collaboration avec Gerhard Steidl © Yukari Chikaru

Ching-hui Chou ne retouche pas ses photos. Tous les détails de ses œuvres, des personnages au décor en passant par leur exposition à la lumière, sont minutieusement préparés en amont. Animal Farm, « Theatre of Reality », Ching-hui Chou, DECK. © Cécile DAVID

Le bâtiment de DECK. © Darren Soh

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Gwen Lee, fondatrice de DECK Discovery Engagement Community Knowledge

Gwen Lee. © DECK

Un nouveau souffle pour la photo artistique

Moteur de la scène photographique locale, Gwen Lee nous ouvre les portes de sa galerie, DECK, et partage sa vision du monde de la photo. Brillant de sueur, un homme, la trentaine, lève un haltère. Sa silhouette est dessinée, sa mine inanimée. Ils sont quatre, deux hommes et deux femmes, à s'exercer au crépuscule derrière des vitres en demi-lune. Située dans le zoo de Hsinchu (Taïwan), leur salle de sport est d'ordinaire la cage de Lémurs bruns. Le cliché est signé Ching-hui Chou, un photographe taïwanais renommé qui questionne notre société nombriliste à travers une série d'images intitulée Animal Farm – clin d’œil au roman de George Orwell. Gwen Lee, co-fondatrice et directrice de l'espace DECK (Discovery Engagement Community Knowledge), porte notre attention sur une œuvre abordant la transidentité. « Il ne faut pas avoir peur d'ouvrir des discussions sur des sujets sensibles. » Elle raconte avoir exposé en 2015 le travail d'un jeune photographe dans lequel il révélait son homosexualité. « Il est devenu plus fort grâce à son art. » La commissaire évoque également une exposition sur la révolution culturelle chinoise tenue il y a deux ans. Elle reçoit alors une multitude de questions comme « Le photographe est-il procommuniste ou anticommuniste ? ». « Les autorités craignaient que l'événe-

ment ne crée un malaise entre les deux pays. Nous les avons rassurés et avons obtenu l'autorisation trois jours avant le vernissage. » « Il est important de ne pas chercher à faire ce qui semble correct et de laisser le public se faire sa propre opinion. » Elle admet que le comité de censure est tatillon mais « nous n'avons jamais été censurés. Singapour est plus ouvert qu'on ne le pense. » Gwen Lee s'anime devant les œuvres de Ching-hui Chou. Passionnée, elle est volubile. Passionnante. Depuis 2008 et la création avec son équipe du Singapore International Photography Festival (SIPF), la jeune femme consacre l'essentiel de son énergie à donner un nouveau souffle à la scène photographique singapourienne. Et les résultats sont là. « Aujourd'hui, le SIPF rassemble plus de 300 000 visiteurs. Nous sommes heureux que le festival soit devenu un catalyseur ayant permis d'améliorer la compréhension de l'art photographique en tant que medium. » Après la première édition du SIPF, les ambitions de Mme Lee grandissent. Elle se lance dans le projet « rêveur » d'ouvrir un espace exclusivement consacré à la photographie. Après des mois de travail obstiné, l'espace DECK ouvre ses portes en octobre 2014 sous la forme d'un assemblage de containers anthracite au design industriel. Miser sur l'art photographique à Singapour est un pari

risqué. « Depuis vingt ans, la scène artistique a grandi, argumente l'experte. Notre écosystème est plus mature que dans d'autres pays. » Elle assure aussi qu'il est plus facile de vendre des photographies qu'il y a dix ans : « Le développement de la scène singapourienne a permis au public d'acquérir une meilleure connaissance du genre. » Quand on la questionne sur cette vague d'artistes qui a émergé à la fin des années 90, elle nous explique que « la photographie contemporaine va au-delà du mur pour rentrer dans une dimension en 3D où tout l'espace est pris en considération. Les photographes recherchent une nouvelle expérience dans la manière de voir. Ils s'expriment à travers des installations, des vidéos ou des sons. » Quid de la jeune génération locale ? « C'est compliqué de percer car l'art est un milieu difficile en soi. » Gwen Lee cite néanmoins plusieurs talents prometteurs, dont Sebastian Mary Tay, diplômé de la Glasgow School of Art. « Beaucoup partent étudier à New York aussi. » Reviendront-ils ? « Je pense. » « Mais combien de temps la communauté artistique va pouvoir se reposer sur l'importante implication de l'État (subventions, investissements). Il est urgent de mobiliser plus de passionnés et de donateurs [pour espérer durer]. » Cécile David

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Théâtre, jazz, danse...

Où sont les artistes singapouriens ?

« Pour réussir en stand-up, tu dois grandir dans l'ombre. Tu dois accepter d'être anonyme pendant un moment afin d'acquérir le matériel et les compétences nécessaires avant de monter sur scène », Rishi Boudhrani. D.R.

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Le maestro Jeremy Monteiro (jazz), la star du stand-up Rishi Budhrani et la danseuse Tay Hee Ngerng posent leurs regards d'experts sur la scène culturelle singapourienne. Ils la décrivent timide, voire sur le déclin au niveau des arts classiques et traditionnels, mais pleine de promesses du côté des formes artistiques plus contemporaines telles que le one-(wo)man-show.


Dossier : Art & the city « Au départ, le stand-up à Singapour était fait par des expatriés pour les expatriés. Vers 2011, des comédiens locaux ont commencé à émerger et à parler des problèmes locaux avec une perception locale. Et, soudain, de plus en plus de Singapouriens sont venus assister aux shows ! » Rishi Budhrani, 33 ans, l'un des comédiens les plus populaires de la citéÉtat, se souvient de ses débuts sur la scène ouverte de la Comedy Masala avec Fakkah Fuzz, Jinx Yeo et sa femme, Sharul Channa, entre autres. « C'est à cette période que les choses ont vraiment bougé. » Le jazz, lui, s'est développé à Singapour avec Gerry Soliano and the Boys, qui a joué au Raffles Hotel jusqu'en 1956. L'un des membres du clan, Louis Soliano, est devenu le leader de la scène jazz singapourienne jusqu'à la fin des années 1980. Jeremy Monteiro, 57 ans, l'actuelle vedette nationale du genre, est moins enthousiaste quant à la place qu'occupe aujourd'hui le jazz à Singapour. « Il y a dix ans, il y avait encore des clubs de jazz. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas ». Il nuance en précisant que la crise n'est pas locale : « Comme nous avons une petite population, le nombre d'aficionados n'est pas aussi visible qu'aux États-Unis par exemple ». Même constat du côté de la danse classique chinoise pour la chorégraphe Tay Hee Ngerng, 49 ans. « Quand je demande à mes élèves quelles sont celles qui veulent apprendre le ballet, dix mains se lèvent ; pour la danse chinoise, une ou deux jeunes filles se manifestent ».

Des versions jazz de tubes populaires pour attirer le public Jeremy Monteiro ne baisse pas les bras pour autant. Celui que l'on surnomme « The King of the Swing » est le président de la Jazz Association (Singapore), créée en 2016 dans le but de promouvoir le jazz au sein de la citéÉtat. De cette initiative sont nés le Jazz Association of Singapore Orchestra et le Lion City Youth Jazz Festival, un événement visant à développer les

« L'important c'est la mélodie. Peu importe à quel point elle est sophistiquée, si elle est belle, les gens vont se sentir connectés à la musique », Jeremy Monteiro avec le saxophoniste James Moody. Picture courtesy of Jeremy Monteiro

compétences des musiciens en herbe avec le soutien de légendes internationales du jazz. Le maestro est convaincu qu'il est possible d'attirer des néophytes à ses concerts. Son astuce : adapter des standards, des morceaux pop ou même des chansons de Nana Mouskouri à la sauce Monteiro. En juillet 2017, il a donné un concert dédié aux Beatles à l'Esplanade. Selon lui, 40 % des spectateurs n'étaient pas des connaisseurs : « Après le show, certaines personnes m'ont dit qu'elles étaient venues pour écouter la musique des Beatles mais, qu'aujourd'hui, elles étaient devenues fans de jazz ! » Tay Hee Ngerng est plus pessimiste. « La danse classique chinoise est en train de mourir. » Pourtant, lorsqu'elle est revenue de Chine en 1995 après avoir été diplômée de la prestigieuse Beijing Dance Academy, les trois représentations de son solo Tay Hee Ngern's Soliloquy affichaient complets. « C'était il y a plus de vingt ans. » Elle nous explique que le genre avait plus de succès dans les années 60. « Avant, il y avait deux types de systèmes éducatifs : les écoles anglaises et les écoles chinoises. La danse chinoise était plus populaire à l'époque parce qu'elle faisait

partie des activités enseignées dans les établissements mandarins. Dans les années 1970, le système chinois a commencé à disparaître et la popularité de la danse traditionnelle a ainsi décliné petit à petit. » La danseuse s'efforce de faire vivre son art à travers son studio, le Ballet Eastern Dance, non sans peine. « Je dis à mes élèves d'essayer en leur expliquant que c'est une discipline magnifique mais c'est difficile de les convaincr.e »

Stand-up : « Les Singapouriens sont plus enclins à parler des sujets tabous » Du côté du stand-up, au contraire, les artistes prennent leur envol. Quand on demande à Rishi Budhrani quel type d'humour fonctionne le mieux sur le public singapourien, il nous répond que ce sont les sketchs centrés sur les questions culturelles/identitaires, la politique et l'actualité qui plaisent le plus. « J'ai l'impression qu'aujourd’hui les gens sont aussi plus enclins à aborder des sujets tabous. Dans mon précédent spec-

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Dossier : Art & the city tacle, j'ai parlé pendant dix minutes de religion parce qu'il y avait alors beaucoup de discussions sur l'homosexualité, le port du voile au travail, etc. Je voulais prouver qu'une discussion saine était possible. La comédie, c'est comme le système digestif ! Il faut que les tabous passent par elle pour être digérés. » Peut-on réellement rire de tout à Singapour ? En avril 2017, Mediacorp a dû présenter des excuses pour avoir diffusé un show TV (« Ok Chope! ») durant lequel ont été tenus des propos humoristiques jugés « offensants » à l'encontre du Premier ministre malaisien Najib Razak. Rishi faisait partie du panel de comédiens ayant participé à l'émission. « Pendant trente-six semaines, nous n'avons reçu aucune plainte de la part des spectateurs. La critique est venue de Malaisie. Si vous parlez de cette blague à la plupart des Singapouriens, ils vont vous dire qu'il n'y avait rien de mal mais parce qu'elle a été diffusée en direct à la télévision, le ministère s'est impliqué. » Il tient cependant à préciser qu'ils jouissaient d'une grande liberté d'expression dans cette émission. « Les responsables de la chaîne était très ouverts. Ils comprenaient que ce n'était pas seulement du divertissement mais aussi un format pédagogique : si tu dis à tes enfants de regarder les infos, ils vont bouder, mais si tu les mets devant un spectacle comique traitant de l'actualité, ils vont trouver ça fun. »

National Arts Council : un soutien nécessaire pour les jeunes artistes Les trois artistes s'accordent sur le fait que le gouvernement encourage davantage le développement de la culture à Singapour depuis quelques années. Ils citent le National Arts Council (NAC). Établi en 1991, l'organisme délivre notamment des bourses aux étudiants en art et des subventions aux artistes professionnels. Tay Hee Ngerng regrette cependant un manque de communication. « Il n'y a pas de publicité à la télévision, pas d'affiches. Il faut aller sur le

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« La danse classique chinoise a les mêmes bases techniques que le ballet. Les différences se manifestent au niveau esthétique, le genre s'inspirant de la culture traditionnelle et des arts martiaux », Tay Hee Ngerng. Courtesy of Ballet Eastern DanceBallet

site du NAC pour obtenir des informations. » Rishi Budhrani ressent tout de même une évolution. À ses débuts, il y a sept-huit ans, il avait essayé avec d'autres comédiens d'obtenir des subventions pour leurs spectacles mais leurs demandes avaient été rejetées, les autorités estimant que le stand-up était un genre commercial. « Récemment, les choses ont changé grâce à un effort collectif. Le NAC nous a aidé à participer au Singapore Writers Festival. C'était un grand pas en avant que d'intégrer des comédiens comiques à la communauté des écrivains. » L'année dernière, le Singapore Tourism Board a invité l’acteur à se produire à Sydney à l'occasion du SGIO (Singapore : Inside Out), un festival qui a pour but de présenter la culture singapourienne à l'étranger. C'est la première fois qu'un comédien issu du stand-up participait à l'événement. Cécile David

Quelques lieux à retenir Stand-up Les trois conseils de Rishi Budhrani : The Merry Lion, un nouveau club exclusivement dédié au stand-up ; scène ouverte tous les mercredis au Blu Jaz Cafe (Bali Lane) et tous les mardis avec Comedy Masala. Jazz « Le seul endroit où l'on entend régulièrement du jazz à Singapour, c'est le Blu Jaz », (Jeremy Monteiro). Prochains rendez-vous du musicien : - Concert du Jazz Association SG Orchestra, Sing Jazz Festival : 8 avril 2018, Marina Bay Sands. - The Lion City Youth Jazz Festival : 21-26 mai 2018, SOTA Auditorium. Danse classique Le Singapore Dance Theatre, le seul lieu de référence en la matière selon Tay Hee Ngerng.



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Tous artistes !

Du développement des formations artistiques à la formation des artistes

Innovation oblige, jamais la cité-État n’a été aussi réceptive à tout ce que peuvent apporter les formations aux arts pour développer la créativité. Mais la société Singapourienne ne s’improvise pas artiste du jour au lendemain. Au delà des moyens éducatifs impressionnants mis en œuvre, le chemin reste long pour faire évoluer les mentalités et convaincre les Singapouriens qu’ils peuvent non seulement étudier l’art mais aussi en faire leur métier. Si Singapour ne s’est pas intéressée tout de suite à la créativité et à l’art, cela s’explique, selon le comédien Suhaimi Yusof, par l’histoire de ce jeune pays : « dans les années 70 et 80, la priorité pour le gouvernement était de faire de Singapour une puissance économique. Il fallait trouver un travail sérieux, devenir médecin, avocat, ou banquier... Il n’y avait pas de place pour le divertissement ou la créativité. C’était nécessaire à cette époque, car Singapour, tout petit pays sans ressources naturelles, était très pauvre au moment de son indépendance ». Au fur et à mesure que la société singapourienne mûrit, le gouvernement commence à s’intéresser à son héritage culturel et place de plus en plus l’art et la créativité au cœur de ses préoccupations. Ainsi, si NAFA (Nanyang Academy of Fine Arts), l'institution pionnière de l'éducation artistique à Singapour, a été créée en 1938, elle ne comptait alors que 14 étudiants en beaux-arts, son histoire est intimement liée au développement de la scène artistique locale ; elle est devenue au fil des décennies un établissement d'enseignement artistique complet. Le premier élan dans la formation artistique a été donné par l’ouverture du Lasalle College of the Arts en 1984, qui compte huit écoles d'art et de design. De nombreux leaders de la scène artistique singapourienne sont liés à Lasalle, dont Alan Oei, directeur artistique de The Substation, et

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Eugene Tan, actuel directeur de la National Gallery. Dernière née, la SOTA (School of the Arts) est la seule école artistique spécialisée pré-universitaire qui propose un cursus académique et artistique intégré, sanctionné par un diplôme du baccalauréat international. Financée par l’Etat, elle a été inaugurée en juillet 2011 en présence de Lee Hsien Loong. L’occasion pour le Premier ministre de préciser sa vision quant à l’utilité de l’enseignement des arts, non seulement pour former des artistes mais aussi pour nourrir la créativité des Singapouriens dans tous les pans de l’économie et de la société : « bon nombre des diplômés de SOTA se tourneront vers des professions qui ne sont pas directement liées à l'esthétique, qu'il s'agisse de médecins ou d'ingénieurs. Mais votre formation artistique vous donnera une perspective et une façon de penser plus complète et ajoutera une touche supplémentaire à la nouvelle profession que vous apprendrez. [...] Les arts contribuent à notre économie et à notre société de bien des façons. Une scène artistique dynamique fera de nous une capitale de l'art de premier plan en Asie, une capitale culturelle de l'Asie ».

Changement de braquet Aujourd’hui, le gouvernement s’engage plus encore dans la formation des Singapouriens dans le champ des arts et du patrimoine. Pour combler le manque

d’experts dans ce domaine, la Nanyang Technology University (NTU) a créé cette année un « Master of Arts in Museum Studies and Curatorial Practices ». Une innovation dont le Professeur et Président de NTU, Subra Suresh, soulignait l’ambition : « NTU reconnaît tout à fait le rôle que jouent les sciences humaines, les arts et les sciences sociales pour nous aider à examiner et à comprendre la condition humaine dans les différentes cultures et sociétés. Ce nouveau programme est destiné à former une nouvelle génération de professionnels des musées ainsi que des penseurs artistiques et culturels ». Mais, comme le souligne Xavier Pavie, directeur académique Grande École et du centre iMagination à l’ESSEC, « malgré cette bonne volonté, la créativité ne se décrète pas, elle s’expérimente, se teste et l’échec fait partie de la créativité. Singapour doit apprendre à se faire peur pour devenir une cité créative. Elle doit apprendre à changer son état d’esprit à s’ouvrir aux autres et à prendre des risques dans l’éducation, la sécurité ». Jana Dambekalne est professeur de Graphic Design au Singapore Raffles Design Institute et enseigne notamment le design thinking, et le creative thinking. Pour elle, la culture, l’histoire et les systèmes éducatifs affectent la relation des jeunes étudiants à l’art et à la créativité. « L’éducation occidentale est basée sur


Dossier : Art & the city l’analyse des choses et la formulation d’une opinion personnelle, alors qu’en Asie, la culture est historiquement construite à l’opposée. L’éducation est plus basée sur la répétition et la mémorisation que sur l’analyse. La pensée individuelle n’est pas acceptée devant la pensée collective. Cette approche historique se reflète dans les arts et le design. Il est alors difficile pour les étudiants d'Asie de comprendre et de construire des concepts abstraits. Les singapouriens éprouvent encore cette

peur de faire une erreur et d’expérimenter, alors qu’en conception, il est important d'échouer et d'apprendre de ses erreurs ». La jeune génération d’aujourd’hui veut être créative. Les Singapouriens veulent être designers ou artistes. Mais le côté pragmatique, cette notion ancrée de « gagner sa vie », prend souvent le dessus dans une cité-Etat où le coût de la vie est très élevé. De nombreux étudiants qui décident de suivre leur passion au moment de leurs études changent d’orien-

tation quand il s’agit de choisir une carrière professionnelle et ne poursuivent pas dans une carrière artistique. Cela évoluera, mais il faut du temps. « De tels changements nécessitent parfois plus de 10 ans, le temps d’une génération, le temps finalement que les plus jeunes qui apprennent différemment soient en âge d’apporter à leur nation, la créativité qui leur fait défaut » conclut Xavier Pavie. Cécile Brosolo

Lee Hsien Loong : « Une scène artistique dynamique fera de nous une capitale de l'art de premier plan en Asie, une capitale culturelle de l'Asie. » © Giancarlo Brosolo

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Singapour autrement

Dominic Khoo, Watch Fund Dominic Khoo. D.R.

Comment on peut vivre de sa passion pour les montres rares

Homme de passion, de rigueur, de foi tout autant que d’ambition et d’amour des montres, des belles choses et du luxe, Dominic Khoo est un redoutable homme d’affaires doté d’un flair artistique incomparable. Sa devise : « garder la tête dans les étoiles et les pieds bien ancrés dans le sol. L’art, c’est bien. Mais pour le développer, il faut de l’argent. Beaucoup d’argent ». Enfant déjà, Dominic Khoo admirait les mécanismes dont les éléments interconnectés engageaient une dynamique précise et intelligente : circuit de train électrique, jeux de construction. Il aurait du être ingénieur, mais son père, homme d’affaires chinois traditionnel, lui conseille d’étudier le business. Il fut un temps (révolu!) où la parole paternelle était une évidence indiscutable… A 21 ans, son Bachelor Marketing/Management (Perth, Australie) bientôt en poche, il commence à s’intéresser à la photographie et aux montres : deux domaines de mécanique de précision, de tradition de savoir-faire séculaire. Ce sont encore des hobbies. Mais Dominic y trouve rapidement plus de sens et d’accomplissement potentiel que dans la poursuite d’une carrière de commercial standard. Ses études de business? Pure perte de temps : « le business, ça ne s’étudie pas, ça se fait ». Rompez ! Sitôt dit, sitôt fait. En parallèle, il se forme luimême, en autodidacte acharné, dans les domaines de la photographie et de l’horlogerie. Il y réussit brillamment. Il devient en 5 ans un photographe célèbre et reconnu. Ses sujets se nomment Cate Blanchett, Nicolas Cage, Gisèle Bündchen, Zinedine Zidane et même le Dalaï Lama.

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Depuis peu, Dominic Khoo se consacre exclusivement à sa lucrative passion : les montres. Watch Fund, créé en 2013, est alimenté par des investisseurs en montres rares. « Achetez une montre d’exception ; portez-la; revendez-la pour plus cher ! ». Le principe, il l’a trouvé à 21 ans, lorsqu’il a eu envie de posséder sa première “vraie”

« Achetez une montre d’exception ; portez-la ; revendez-la pour plus cher ! » montre (mécanique). Son père, relativement aisé, applaudit le désir… mais ne finance pas : « c’est ton défi, mon fils ». Dominic Khoo rassemble toutes ses économies. Il achète une montre pour 40000 dollars, la porte avec une jouissance de tous les instants… et n’hésite pas à la revendre 6 mois plus tard pour 47000 dollars. « Garder un pied bien ancré dans la réalité… ». Pas d’état d’âme ni de fétichisme. Watch Fund existait déjà à l’état embryonnaire. Dominic Khoo a connu une

réussite exceptionnelle. En témoignent sa collection privée de montres, mais aussi de peintures et sculptures modernes, et , dans le vaste garage de sa très vaste Black&White, quelques voitures exceptionnelles : Ferrari, Lamborghini, Aston Martin … Le créateur de Watch Fund apprécie la perfection complexe, «émouvante », d’une montre, apothéose d’un savoir-faire acquis en 500 ans, exceptionnellement sophistiqué et inimitablement humain. Dominic Khoo : « Il reste une poignée d’artisans horlogers puristes qui fabriquent eux-mêmes 100% des composants utilisés. » D.R.


Singapour autrement

L’art de la complication

Sur quoi repose la valeur d’une montre ? Sur sa complexité, sa finition 100% « maison » et sa rareté. La complication en horlogerie comprend toutes les fonctions additionnelles à l’affichage basique des heures, minutes, secondes. Autant de mécanismes ajoutés au mouvement qui sont d’ordre : – pratique : date et jour de la semaine avec réglage direct indépendant ou pas, fuseaux horaires, chronographe, sonneries diverses et réveil… – astronomique : quantième gérant les jours, mois, années bissextiles (quantième perpétuel), phases de lune et marées, carte du ciel, heures des levers de lune et du soleil… – technique : tourbillon mécanique compensant les effets de la gravité terrestre, aiguilles minutes et heures non coaxiales favorisant la lecture des minutes…

Le perpétuer est, pour lui, une nécessité vitale dans une industrie qui se concentre et se standardise à grande vitesse (les 5 groupes principaux : Swatch, Richemont, LVMH, Rolex, Kering –ex PPR- représentent 60% du chiffre d’affaires mondial). La « Supercomplication », première montre la plus compliquée du monde fut commandée à Patek Philippe en 1925 par Henry Graves, banquier new-yorkais. 24 complications, 8 ans de travail et record dans les annales de l’horlogerie : vendue aux enchères une première fois pour 11 millions USD en 1999, puis une seconde fois en 2014 pour… 21,3 millions USD. De quoi alimenter le discours de Dominic Khoo et de son Watch Fund. Aujourd’hui, la montre la plus compliquée

Dominic Khoo : « La complication en horlogerie comprend toutes les fonctions additionnelles à l’affichage basique des heures, minutes, secondes. » D.R.

du monde est la fameuse Vacheron Constantin 57260, sortie en 2015 - 57 complications dont certaines inédites, d’une technicité inouïe, 260 ans d’histoire de la maison, double-cadran, 10 cm de diamètre, 5 cm d’épaisseur, 1 kg de poids total, boitier en or blanc, 2826 composants, 7,3 à 9,2 millions d’euros sur commande privée… Ce n’est même pas cher payé pour le travail extraordinaire réalisé sur 8 ans par 3 maîtres horlogers à temps complet qui fabriquent quasiment tous les composants eux-mêmes. Quasiment… mais pas tous. Dominic le regrette. « Il reste une poignée d’artisans horlogers puristes qui fabriquent eux-mêmes 100% des composants utilisés, comme Christian Klings, dans la région de Dresde en Allemagne. Je me bats pour eux, pour leur survie et la pérennité de leur art ».

Dominic Khoo investit dans les hommes et leur savoir-faire avant les marques. Son expertise lui permet de déceler le génie d’une création, qu’elle provienne d’un atelier méconnu ou d’une glorieuse maison. Sa mission : éduquer ses investisseurs et le grand public. Il reste persuadé que la rareté et l’unicité sont garants de valeur future. Les vrais collectionneurs le suivront. Les amateurs qui se prétendent collectionneurs pour le prestige et la parade préfèreront l’aura de la marque. Délicate équation entre investissement « raison » et éducation. Porté par sa passion, Dominic Khoo est intarissable et convaincant. En attendant, nous ne consulterons plus jamais l’heure sur un cadran de la même façon ! Michèle Thorel

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Photoreportage

Opéra Chinois L’opéra chinois, ou théâtre chinois, est un art traditionnel ancestral qui conjugue musique, chant, théâtre, danse et acrobaties. Les maquillages, véritables peintures, et les costumes colorés revêtent une grande importance et ont des fonctions précises. La catégorisation des personnages se fait notamment à travers le maquillage, qui définit le caractère, le sexe, l’âge et le statut social. Les histoires racontées, riches de symboles, puisent leurs origines dans les traditions et les légendes anciennes. Sur les plus de 300 types d'opéra chinois, moins de 10 ont été importés à Singapour, les plus populaires étant le Teochew, le Cantonese, le Jingju (Pékin) et le Hokkien. Pendant plus d'un siècle, l’opéra de rue a captivé plus de spectateurs que toute autre forme de divertissement sur scène. Mais les années 1980 ont marqué son

déclin à Singapour, avec le vieillissement de la population attachée à cet art traditionnel, l’imposition du mandarin à l’école par le gouvernement, et la disparition des dialectes. Il ne reste plus aujourd’hui qu'une dizaine de troupes professionnelles, attirant un public de plus en plus restreint. texte : Cécile Brosolo Photos : Marie Dailey

© Marie Dailey

La troupe Xing Xing Yong Hwa, Teochew Opera, behing the scene. © Marie Dailey

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Photoreportage

Qiu Yufeng, fondatrice de la troupe et l’acteur Boon Wenhui, se préparent. © Marie Dailey

Qiu Yufeng et Boon Wenhui sur scène. © Marie Dailey

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© Marie Dailey

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NOVEMBRE 2017 - AVRIL 2018


Photoreportage

Un clown. © Marie Dailey

« Behind the scene » La préparation des personnages féminins (maquillage, cheveux) est particulièrement longue et délicate. © Marie Dailey

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Photoreportage

Les acteurs se changent à l’arrière de la scène. © Marie Dailey

un public de moins en moins nombreux © Marie Dailey

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© Marie Dailey



Échappées belles

Gravir L’Everest, Yusrina Ya’akob Le grand tremblement de terre du Népal avait empêché Yusrina Ya'akob d'atteindre le sommet de l’Everest en 2015. Le lundi 22 mai 2017, elle est devenue, à 30 ans, la première singapourienne d’origine malaise à conquérir l'Everest.

Selfie de Yusrina Ya’akob. © NTU-NIE Everest Team Singapore

Comment avez-vous découvert l’Alpinisme ? Yusrina Ya’acob - J’ai grandi à Pulau Ubin jusqu’à l’âge de 5 ans, avec la nature pour terrain de jeux. Je suppose que tout vient de là, de mon amour pour le plein air. A l’école, je faisais du badminton. Au lycée, je me suis initiée au trekking et à l’escalade, et j’ai continué après mon bac. A l'époque, il n' y avait pas beaucoup de salles d'escalade comme aujourd'hui, mais je passais tous les week-ends dans celle de Tanjong Pagar avec des amis parce qu’on payait une entrée pour deux. Et voilà, je me suis mise à l’escalade parce que ce n’était pas cher

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(rires) ! L’alpinisme, c’est venu plus tard, à l’Université. A NUS, il y avait un club d’escalade et un club d’alpinisme. J’ai beaucoup hésité entre les deux. Mais je me suis dit que l’alpinisme m’offrirait plus de choses, et notamment les voyages. J’ai donc choisi et je n'ai jamais regardé en arrière ! A quel moment avez-vous décidé de gravir l’Everest ? Ma première ascension d’une montagne remonte à 2007. C’était en Inde, une ascension à 5200 mètres très technique et difficile. Je n’ai pas aimé du tout ! Une fois au sommet, j’ai pleuré tellement

c’était dur et épuisant. Mais je m’étais engagée dans un programme de deux ans avec le club de NUS, et en 2008, j’ai fait l’ascension du Mera Peak au Népal. Du sommet, j’ai vu le Mont Everest et, là, je me suis dit : « je veux ça » ! C’était juste une idée, mais lorsque, l’année suivante, la première équipe féminine de Singapour a gravi l’Everest, ça m’a vraiment inspiré, et j’ai su que je l’escaladerais un jour. En 2010, un collègue m’a proposé de former une équipe, la Aluminaid Team Singapura Everest, en vue de la célébration des 50 ans de Singapour en 2015. C’est là que mon rêve est devenu un objectif pour lequel j’allais travailler pendant cinq ans. Avec les quatre membres fondateurs, nous avons formé une équipe de vingt personnes. Nous avons mis au point un plan d’entraînement, cherché des sponsors, etc. Comment s’entraîne-t-on à Singapour pour une telle ascension ? Nous avons des sessions d’entraînement physiques et techniques, et un programme d’expéditions. A Singapour, on fait beaucoup de trekking, d’escalade et d’endurance. Nous avions prévu de gravir une montagne par an et d’aller plus haut chaque année : le Mont Kinabalu à 4 000m, puis le Mera Peak et l’Island Peak à 6 000m, puis un 7 000 mètres, que nous n'avons pas fait, et enfin un 8 000 mètres avant l'Everest. Cela demande un entraînement intensif et un engagement fort. Tout le monde ne peut pas accepter la rigueur de cette formation. Le groupe final de l’expédition de 2015 n'était plus que de cinq personnes, et j'étais la seule de l’équipe de départ. Cette première tentative d’ascension du Mont Everest en 2015 a avorté en raison du tremblement de terre. Qu’avezvous ressenti ? Lorsque c’est arrivé, nous avions fait une première rotation d’acclimatation, du camp de base au camp one et retour. Nous avons été frappés par l'avalanche et le tremblement de terre. C'était horrible. Je m'accrochais à l’espoir que la route s'ouvrirait à nouveau et que tout le


Échappées belles

La NTU-NIE Everest Team et les sherpas au camp one. © NTU-NIE Everest Team Singapore

monde continuerait. Mais ce n'est pas ce qui s’est passé. Après cinq années d’efforts, tout était fini. Nous sommes rentrés chez nous. Tous les autres membres de l'équipe ont décidé d’aller de l’avant, de continuer leur vie. Moi, j'avais déjà reporté mes études à cause de cette expédition et je ne pouvais plus différer, je suis donc rentrée à NTU-NIE (ndlr, institut de formation des maîtres : National Institute of Education de la Nanyang Technology University). Mais je n’arrivais pas à passer à autre chose, je n’en avais pas fini avec l’Everest. Et en 2017, la deuxième tentative et le succès... Je suis la seule de l’équipe de 2015 à avoir tenté une seconde ascension. Je ne pouvais pas arrêter là, après 5 années d’efforts et sans avoir eu au moins l’occasion d’essayer. J'étais obsédée. La validité du permis d'escalade avait été prolongée jusqu'en 2017. Alors si je vou-

lais tenter ma chance, c’était là. On a formé l’équipe NTU-NIE Everest Singapore, avec le soutien formidable de NIE et de sa doyenne. Nous n’avions qu’à nous entraîner, tandis que NIE récoltait les fonds pour l’expédition. C’était comme un rêve devenu réalité. D’où tenez-vous cette motivation et cette force pour aller jusqu’au bout ? J'ai toujours eu envie de représenter Singapour dans quelque chose et de rendre mon pays fier. La motivation principale pour moi est que je veux vraiment atteindre l'objectif et surmonter les défis. Les valeurs de persévérance, de résilience et de détermination sont très importantes pour moi. A quoi pensez-vous pendant l’ascension ? Sur le parcours, je suis toujours très concentrée. Tout ce que je fais, c'est pour l'équipe, pour qu'au moins l’un

d’entre nous puisse aller au bout et représenter l'équipe. Je pense aux gens qui nous ont aidé et qui nous ont fait confiance ; à toutes ces choses que j'ai faites en sept ans, à tous les efforts en chemin. J'ai pensé à ma toute première réunion d'équipe en 2010, comment tout a commencé, la première expédition, les entraînements... ces souvenirs sont venus avec moi, et ça aide dans les moments difficiles. Et quand vous êtes arrivée au sommet ? En fait, j'étais très calme au sommet. Quand j’ai détaché la corde pour faire les cinq derniers mètres, je me suis mise à genoux, et j’ai embrassé la neige. Puis, j'ai ressenti une grande émotion m’envahir et je me suis mise à pleurer. Mais j'allais bien. J'ai alors fait le tour du sommet pour en profiter. Et c'était incroyable. Il faisait beau, le vent était moins fort. L’instant était parfait. Il y avait plus de nuages que je ne l'avais espéré, mais on

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En pleine ascension. © NTU-NIE Everest Team Singapore

voyait quand même loin et c’était magnifique. Habituellement, quand les grimpeurs arrivent au sommet de l'Everest, ils n'ont que 10 minutes avant de devoir redescendre car il y a beaucoup de monde, et des gens qui arrivent. Mais j'étais parmi les derniers ce jour-là, et il n' y avait personne derrière moi. J'ai pu m'asseoir et profiter de ce moment durant une demi-heure sur le sommet ! Quelle a été la réaction de la communauté singapourienne à votre retour ? J’ai reçu beaucoup de messages pour me féliciter, pour dire à quel point les gens étaient fiers de moi, ou comment je les avais inspirés. J’ai été surprise par tout le soutien, par les articles dans les journaux et les prix que j'ai reçus. J’ai rencontré le Président, c’était incroyable. Tout cela était très émouvant, mais je ne pensais pas le mériter car j’avais le sentiment d’avoir fait quelque chose juste pour moi. Puis, à travers les échanges et les rencontres auxquelles j’ai été invitée, je me suis

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rendue compte que j'avais inspiré d'autres jeunes femmes. Il m'a fallu un certain temps, et beaucoup d'amis, pour réaliser cela et l'accepter. Alors j'ai pu en parler davantage et inspirer plus de gens à réaliser leurs propres rêves et à ne jamais les abandonner. Sept années d’efforts, à la poursuite d’un même objectif, et enfin la réussite, l'aboutissement. Comment avez-vous géré l’« après » ? D’une certaine façon, quand vous poursuivez un tel objectif, et que vous êtes concentrée sur le but à atteindre, vous ne pouvez pas voir ce qu'il y a après. Donc je n'avais pas du tout pensé à ça ... et j'ai eu un sentiment de vide quelques jours plus tard. Je ne m'y attendais vraiment pas. Quelque part, je le ressens encore aujourd’hui, je suis toujours à la recherche du prochain défi. J'ai lu un livre récemment que j’ai beaucoup aimé, « The happiness of Pursuit » (ndlr : « The Happiness of Pursuit :

Finding the Quest That Will Bring Purpose to Your Life », de Chris Guillebeau). Les gens parlent toujours de la quête du bonheur, de la meilleure façon de le trouver. Mais pour moi, le bonheur de poursuivre une quête prend tout son sens. Le bonheur est plus grand quand vous poursuivez un but. Quel sera votre prochain challenge ? Je continuerai toujours à escalader les montagnes, je vais faire le Kilimandjaro l'année prochaine. Mais mon prochain défi pourrait être de faire quelque chose de totalement différent, quelque chose que je n'ai jamais fait auparavant. Je me suis engagée dans une équipe de triathlon l'année prochaine. Je n'ai jamais nagé en pleine mer, mais je veux absolument essayer. Ce sera un grand défi pour moi, mais je n’ai pas encore trouvé mon vrai challenge de demain. Propos recueillis par Cécile Brosolo


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L’Asie vue de France

Le cinéma le Majestic où se déroule l’ensemble du festival de Vesoul. © Bertrand Fouquoire

Un jour, à Vesoul

Au Festival international des cinémas d’Asie Créé il y a 24 ans, à l’initiative de Martine et Jean-Marc Thérouanne, deux enseignants passionnés de voyages, de cinéma et d’Asie, le Festival International des Cinémas d’Asie (FICA) de Vesoul s’est imposé au fil des années comme un rendez-vous incontournable aussi bien pour les spécialistes que pour le grand public. Les cinéphiles s’y pressent nombreux (plus de 31000 spectateurs en 2017) pour voir et découvrir des films de Mongolie, de Chine, de Syrie, du Kirghizistan et d’ailleurs. Chaque matin, le rituel est attendu. Le Directeur artistique du FICA, Bastian Meiresonne salue le public d’un tonitruant « Bonjour Vesoul », façon Robin Williams dans Good Morning Vietnam. La journée est lancée. Entre 10h00 et 23h00, les cinéphiles les plus gourmands auront la possibilité, sans courir, de voir 6 films d’affilée. Faites le compte, entre la soirée d’ouverture le 30 janvier et celle de clôture le 6 février, ils auront pu visionner jusqu’à 36 films de fiction ou documentaires. Ils seront partis à la découverte du cinéma

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de Mongolie. Ils auront pu visionner presque l’intégrale de l’œuvre du Syrien Mohamad Malas ou du Chinois Wang Xiaoshui. Ils auront voyagé dans toute l’Asie, depuis le Moyen-Orient jusqu’à l’Indonésie. Et ils auront fait tout cela dans des conditions privilégiées, guidés au plus intime des lieux, des sociétés et des gens par des auteurs talentueux. Dans les couloirs du multiplexe Majestic, ceux qui sont venus voir Les Tuche 3, Pentagon papers ou Normandie nue

croisent une étonnante tribu de passionnés de cinémas d’Asie. A voir comme les gens se saluent, on devine qu’ils se connaissent. Beaucoup vivent à Vesoul ou dans les environs. Ils profitent manifestement avec bonheur de ce rendezvous avec un cinéma aussi passionnant qu’exigeant. D’autres viennent de plus loin en France. D’autres encore du monde entier. Ceux-là sont venus partager leur expérience, promouvoir des œuvres et leurs auteurs. Dans les couloirs du cinéma Majestic, on passe d’une salle à l’autre en discutant du film qu’on vient


L’Asie vue de France

Le film Bagage de Zig Dulay a remporté le grand cyclo d’or du FICA. © FICA

de voir. A l’issue des séances, il n’est pas rare, quand la présence du réalisateur le permet, qu’un débat s’engage avec le public. Discussion à 3 bandes, où l’on passe alternativement du français à l’anglais et de l’anglais au mandarin, à l’arabe, au tagalog ou au persan… Pour ceux et celles qui connaissent l’Asie, parce qu’ils y ont vécu ou parce qu’ils y ont voyagé, il y a quelque chose de rassurant à constater qu’on peut ainsi, le temps d’un festival de cinéma, maintenir le contact avec des pays et des peuples qu’on a aimés, et continuer de découvrir, d’être étonné et d’être bouleversé. La preuve en 3 films, Bashing (Japon), Marlina la tueuse (Indonésie) et Bagage (Philippines), choisis parmi les 90 de la sélection. Des films forts, qui, chacun, portent un regard sans complaisance sur un sujet de société. Bashing, du réalisateur Japonais Kobayashi Mazahiro, raconte comment une jeune femme japonaise, partie comme humanitaire en Irak, mais prise sur place en otage par Daesch, et menacée d’être brûlée vive si le gouverne-

ment Japonais ne retirait pas ses troupes, retourne dans son pays lorsqu’elle est finalement relâchée. Loin d’être considérée comme une héroïne, elle est accueillie par ses concitoyens comme une source d’embarras et d’humiliation. Sa famille est harcelée. Elle est licenciée parce que sa présence dans l’entreprise pèse sur l’ambiance de travail. Son père est contraint à la démission et se suicide. C’est encore elle qu’on rend responsable de la mort de son père… Dans un registre très différent, celui du western, féministe et tarantinesque, Marlina la tueuse, de la jeune réalisatrice indonésienne Mouly Surya, aborde lui aussi un sujet difficile. Marlina qui vit seule dans une ferme isolée depuis la mort de son mari, est la victime d’une bande de 7 hommes qui l’obligent à les servir, lui volent son bétail et la violent. La jeune femme ne se laisse pas faire. Elle empoisonne les quatre premiers, décapite le chef de bande et s’en va sur les routes demander justice au poste de police, la tête de son agresseur dans un baluchon…

Enfin Bagage, du cinéaste philippin, Zig Dulai, couronné au Festival de Vesoul avec l’obtention du cyclo d’or, est une plongée dans les arcanes de la police, des services sociaux et de la justice philippines. Au cœur de l’intrigue, inspirée de faits réels, une jeune femme, Mercy Agbunag, partie comme helper dans un pays du Moyen-Orient. Dans l’avion qu’elle a pris pour revenir aux Philippines, on découvre un nouveau-né abandonné dans la poubelle des toilettes. La jeune femme est rapidement soupçonnée d’être la mère de l’enfant. Interpellée, elle est ballottée d’un service à un autre, obligée de subir des examens et placée dans un centre. Que penser du geste de cette femme ? On imagine assez rapidement que son histoire n’est pas aussi simple que celle que décrivent les média qui ont tôt fait d’en faire un monstre. Pire, (excès de bienveillance ou opportunisme politique ?), la jeune femme voit son histoire intime (elle a été violée par son employeur) déballée sur la place publique… Bertrand Fouquoire

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L’Asie vue de France

Two Standing Figures, 1968. National Heritage Board

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L’Asie vue de France

Pago Pago : Latiff Mohidin

Dans les coulisses du partenariat entre Beaubourg et la National Gallery of Singapore

Après Singapour, en 2016, avec l’exposition « Reframing Modernism », c’est au tour de Paris de profiter du partenariat mis en œuvre entre la National Gallery et le Centre Georges Pompidou. Depuis le 28 février, ce dernier accueille l’exposition « Pago Pago : Latiff Mohidin, (1960-1969) » ; en écho au dialogue que les peintres modernes d’Asie et d’Europe avaient entamé à l’époque où convergeaient vers Paris les artistes du monde entier. En 2016 la National Gallery et le Centre Pompidou avaient inauguré leur partenariat avec l’éclatante exposition « Reframing Modernism » : Painting from Southeast Asia, Europe and Beyond. Pour la première, le partenariat est l’occasion de promouvoir les artistes modernes d’Asie du Sud-Est en mettant en perspective la place qu’ils ont eu dans le grand mouvement mondial de l’époque. Pour le musée français, c’est l’opportunité de sortir de ses réserves un certain nombre d’œuvres réalisées par les artistes d’Asie du Sud Est, héritage de la fusion des collections du Musée des écoles étrangères du Jeu de Paume, constituées entre autres de peintres asiatiques, avec celles du Musée du Luxembourg. Lors de l’exposition « Reframing modernism », à Singapour, le tableau Landscape (1930) de Georgette Chen, star « singapourienne » de la peinture, avait été ainsi spécialement sorti des sous-sols de Beaubourg pour être exposé à Singapour.

Latiff Mohidin, peintre moderniste Pour l’exposition en France, le choix de Latiff Mohidin s’inscrit parfaitement dans la politique muséale de la National Gallery of Singapore « qui est de permettre une meilleure compréhension de l'art du Sud-Est asiatique à l'échelle internationale » et de mettre

ambition d’exister sur la scène internationale.

Neo Pago, 1967. Private collection

en avant sa collection d’art moderne. « L'art de Latiff Mohidin pendant les années 1960, une décennie qui a marqué des changements aussi importants en Asie du Sud-Est et en Europe. Latiff Mohidin n'est pas seulement l'un des artistes les plus en vue d'Asie du SudEst, il pourrait être, selon Eugène TAN, directeur de la National Gallery, l'un des premiers artistes de la région à imaginer l'Asie du Sud-Est comme un domaine esthétique distinct ». L'exposition présente plus de 70 œuvres d'art et documents d'archives provenant de collections publiques et privées à Singapour et en Malaisie. C’est la première exposition itinérante de la National Gallery qui prouve ainsi son

Pago Pago : Latiff Mohidin (1960-1969) est conçu par les conservateurs Catherine David du Centre Pompidou et Shabbir Hussain Mustafa de la National Gallery de Singapour comme une micro-histoire qui situe l'un des modernistes les plus en vue d'Asie du Sud-Est dans le dialogue avec ses pairs occidentaux. L'exposition met en avant les œuvres des années 1960 lorsque Latiff Mohidin entreprend son étude formelle de l'art à la Hochschule für Bildende Künste à Berlin-Ouest de 1961 à 1964. Qu'il s'agisse des états émotionnels de l'expressionnisme allemand que Latiff Mohidin a rencontrés pendant ses années de formation à Berlin ou de l'imaginaire lié à son éducation rurale en Malaisie britannique, Pago Pago est devenu un mode de pensée qui s'est manifesté par une constellation de peintures, de sculptures, d'estampes, de poèmes et d'écrits. En 1964, Latiff Mohidin revient d'Europe en Asie du Sud-Est dans l'espoir de renouer avec une région reléguée dans son inconscient. Au milieu de l'expansionnisme communiste perçu au Vietnam et des insurrections qui faisaient rage en Indonésie, en Malaisie, à Singapour, aux Philippines et en Thaïlande, il restait déterminé à initier sa propre vision de la région. Clémentine de Beaupuy

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Couleurs d’Asie

Ressourcez–vous en

Jade, menthe, mais aussi jungle ou émeraude, qu’elles soient végétales ou minérales, les nuances de vert sont infinies. La nature en est une démonstration vivante ! Savezvous que cette couleur, parfois controversée, possède des pouvoirs étonnants ? Dans les cultures asiatiques, le message de cette couleur est positif : le vert est lié à la jeunesse, la fertilité et au renouveau de l’énergie. Il est même doté de pouvoirs extraordinaires puisqu’il symbolise souvent l’immortalité ! Par contre, attention : le vert porté sur soi peut aussi être un symbole d’infidélité car en Chine, « porter un chapeau vert » signifie… être cocu ! Chaque culture apprivoise le vert à sa façon, mais il est étonnant de constater que cette couleur est toujours considérée comme porteuse d’un pouvoir particulier. Ainsi, l’Occident l’a longtemps associé aux esprits mauvais, aux monstres, et à l’étrangeté en générale. « Les petits hommes verts » n’en sont qu’un exemple parmi tant d’autres… Aujourd’hui, de nombreuses personnes croient encore que le vert « porte malheur », alors qu’il s’agit d’une idée collective très ancienne, probablement liée à l’usage d’arsenic dans les teintures des vêtements aux 17e et 18e siècle ! Heureusement, aujourd’hui les vertus du vert sont en nette progression dans les esprits, notamment par la prise de conscience environnementale globale…

Une véritable source d’énergie ! Au-delà des croyances ancestrales, parlons de l’énergie du vert, qui est assez particulière. Dans la science des couleurs, le vert est considéré comme une couleur aux vertus régénératrices, une véritable source d’équilibre. En lithothérapie, l’émeraude est d’ailleurs considérée comme l’une des plus puissantes pierres de soin !

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Découvrons quels bienfaits cette couleur et ses multiples nuances peuvent nous apporter chez nous :

3 Les verts les plus intenses, comme l’émeraude, ont la capacité de ralentir nos battements cardiaques et de mettre nos ondes cérébrales au repos jusqu’à atteindre un état de relaxation. – Précieux, les verts nous apportent l’équilibre car ils apaisent nos tensions. – Relaxants, ils ne nous endorment cependant pas car le rôle du vert est de régénérer le mental ! – Dans un bureau, le vert favorisera la concentration grâce à sa capacité à équilibrer nos ondes cérébrales.

3 - Plongez dans le vert pur et les odeurs de forêt profonde de cette bougie à la fragrance d’herbe fraîche, de figue verte et de bois de cèdre… Arusha Forest, Baobab Collection 4 - Quelques coussins peuvent facilement introduire différents verts dans votre intérieur et créer une sensation d’apaisement immédiate. Imprimé vert gazon pour « Cushion » de Ferm Living (40 x 25 cm) et « Tosca » en velours vert d’eau chez www. enfildindienne.fr 5 - La douceur du vert amande et du hêtre naturel font bon ménage pour cette petite table d’appoint qui bouscule les codes avec son pied ornementé et doré. « My lovely Ballerine ». A découvrir sur www.junglebyjungle.com Sophie Mouton-Brisse

Les verts s’harmonisent très facilement entre eux, et sont magnifiques accompagnés d’une touche d’or ou de cuivre. Naturel ou précieux, choisissez le vôtre ! 1 - Transformez votre salon en canopée fraîche et relaxante avec cette peinture Emeraude ! Coloris Viking, Haymes (www.haymespaint.com.au) 2 - Mélangez les verts pour renforcer leur puissance et celle de votre lieu de travail ! Coloris Green et Aiguille de Pin, Dulux-valentine (www.duluxvalentine.com)

Retrouvez tous les bienfaits des couleurs dans mon ouvrage « DécoBox : Couleurs&Bien-être », en vente sur www.chromo-deco.com


Couleurs d’Asie

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Culture

Le Quotient Culturel

ou comment mesurer son A.D.N. culturel ?

S’expatrier, c’est « quitter sa patrie pour s’établir ailleurs ». Un mouvement qui implique l’acceptation de certains changements dont les plus évidents peuvent être le prix exorbitant du fromage de chèvre ou l’absence de neige en hiver. Une situation pas toujours confortable qui nécessite des renoncements et des adaptations. Comment savoir si on est plutôt expatriation-compatible ou si on ferait mieux de rester à la maison ? Une question qui renvoie à la fois à des aspects de type collectif, comme la culture du pays dont on vient, et à d’autres qui sont propres à chaque individu.

De nombreux sociologues, ethnologues, anthropologues … se sont posés la question du multiculturalisme et de la manière dont nous abordons les relations interculturelles. Le plus célèbre d’entre eux, dont la grille d’analyse n’a quasiment pas pris une ride depuis les années 1970, reste le professeur Geert Hofstede. Ce sociologue néerlandais nous explique comment s’organise notre programmation mentale, directement héritée de notre groupe culturel, à travers un outil permettant de comparer les cultures nationales les unes par rapport aux autres sans jamais les juger. A partir de cette étude, qui s’est basée sur plus de 100 000 questionnaires dans près de soixante-dix pays, il est possible d’ana-

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lyser les freins et les blocages culturels d’un Français vivant à Singapour par exemple ou d’un Américain vivant au Japon. Loin des stéréotypes et des préjugés, grâce aux centaines de milliers d’observations concernant les relations interculturelles dans le milieu professionnel, cette étude nous offre les grandes tendances des pays qui permettent de comparer concrètement les cultures à travers six notions appelées dimensions : la distance hiérarchique, le contrôle de l'incertitude, l'individualisme et le collectivisme, l’approche masculine / féminine, l'orientation à court / long terme (ajoutée par Harris Bond et Mickael Minkay au modèle en 1991) et l'indice d'indulgence / sévérité (ajoutée en 2010 au modèle toujours par le chercheur Mickael Minkay).

Plus de 100 000 questionnaires dans près de 70 pays Mais tous les Français, comme d’ailleurs tous les Américains ou tous les Singapouriens…, s’ils ont en commun certaines caractéristiques parce qu’ils sont issus du même pays, n’ont pas le même A.D.N. face aux différentes situations interculturelles. Des cher-

cheurs américains et singapouriens (C. Earley, Soon Ang, M.J Bennett) ont ainsi mis en évidence que les individus n’avaient pas tous la même appétence face au multiculturalisme, et que cela pouvait constituer, pour certains, un frein majeur à leur intégration quand ils vivent à l’étranger. S'appuyant sur l’ouverture culturelle, ces chercheurs ont créé un outil : le Quotient Culturel (Q.C.). Celui-ci est conçu pour mesurer la performance culturelle de chacun de manière simple, sur le même modèle que la mesure du Q.I. d’un enfant. Dans le cas du Quotient Culturel, l’objectif est de donner à chacun le moyen de mieux se connaître et de comprendre ses propres atouts et faiblesses dans une situation interculturelle donnée. Ce faisant, il constitue un outil qui peut être intéressant pour préparer son arrivée et réussir son implantation en terre inconnue. Situé à la frontière entre la psychologie des sciences cognitives et l’anthropologie culturelle, le Quotient Culturel analyse en profondeur des notions telles que l’humilité culturelle, la tolérance à l’ambiguïté, la capacité de résilience et l’habilité à entrer en interaction avec les autres ... ; des éléments qui sont encore relativement peu exploités dans la relation à l’autre. Le test du QC permet de réaliser un autodiagnostic objectif. Dans la sphère professionnelle, il permet de déterminer, de manière prédictive, si l’on fera un bon candidat à l’expatriation. Plus généralement, il permet de comprendre pourquoi certains (et seulement certains) sont prêts à payer à l’étranger un fromage de chèvre quinze euros sans trop sourciller… Véronique Helft-Malz Co-fondatrice à Singapour de Culture I www.culture-i.com



Nouvelle - En partenariat avec les éditions Jentayu

Perte de contact Samedi dernier, lors de la Cérémonie de Remise des Prix pour les Meilleurs Étudiants Malais-Musulmans, je suis montée sur l’estrade pour recevoir mon diplôme. Tout s’est déroulé comme lors des répétitions, jusqu’au moment où je me suis retrouvée nez à nez avec le Président. D’un coup, je me suis figée devant lui, j’ai saisi mon rouleau de papier sur le plateau tenu par la fille à côté de lui, et j’ai laissé sa main tendue pendre en l’air. Bien entendu, le protocole aurait voulu que je lui serre la main. Mais je portais ma baju kurung et un tudung. Le Président est un homme, et je ne suis pas censée avoir le moindre contact physique avec le sexe opposé. Ça aussi, c’est une sorte de protocole. Il m’est difficile de convaincre les gens de partager mon point de vue. Ma mère dit que « par mon impolitesse, j’ai jeté l’opprobre sur toute la communauté ». Mon père dit que « quand je fais des choses pareilles, il leur est encore plus facile de nous traiter d’extrémistes ». Ma sœur, elle, dit que « j’ai déshonoré l’invité d’honneur ». Je ne savais pas combien de gens dans l’assistance partageaient l’opinion de ma famille. J’ai donc demandé à ma sœur de me décrire la scène telle qu’elle l’avait vue. « Il a eu l’air tellement idiot à cause de toi, me dit-elle. Il te tendait la main, avec un grand sourire tout fier. – Tout fier ? – Bah oui, quoi, tu étais la seule fille à porter un tudung parmi tous les étudiants. Il s’est probablement dit, tiens, voici une fille qui sait conjuguer études et religion. Et il a fallu que tu gâches tout. – Mais qu’en a pensé le public ? – Les gens ont été choqués. Il avait l’air vraiment idiot. Avec sa main tendue pour rien. Comme le colonel de KFC, tu sais, mais avec juste une main lah. Certaines personnes ne savaient plus si elles devaient continuer à applaudir ou pas. »

« Perte de contact » est tirée du recueil de micro-nouvelles Malay Sketches (Ethos Books, 2012), qui dresse une série de portraits doux-amers de Singapouriens d’origine malaise. Comment vous est venue l’idée d’un tel recueil ? Alfian Sa’at - Le recueil est né de mon intérêt pour la forme de la micronouvelle. Dès que je me suis senti à l’aise avec cette forme, je me suis lancé dans la rédaction d’une série d’histoires centrées sur le thème de l’identité malaise à Sin-

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par Alfian Sa’at

C’est ainsi que, du jour au lendemain, je suis devenue l’archétype de la Malaise non-intégrée. Apparemment, dans plusieurs années, le Président écrirait dans ses mémoires que les Malais étaient devenus de plus en plus fondamentalistes, et tout ça juste parce qu’une jeune fille en panique avait décidé de ne pas lui serrer la main. Pour limiter les dégâts, ma sœur m’a suggérée d’écrire une lettre au Président. Je lui en ai fait lire le premier brouillon. « Tu ne t’excuses pas, m’a-t-elle dit. Tu justifies ce que tu as fait. – Non, c’est faux. Je l’éduque. Elle s’est mise à rouler des yeux. – Tu nak’ éduquer le Président ! Mais tu te prends pour qui ? » J’ai rédigé un deuxième brouillon, cette fois en retirant les passages qui remettaient en cause la poignée de main comme n’appartenant pas à notre culture. J’ai modéré mes propos qui commençaient par « vous- même, en tant que membre d’une minorité ethnique, devriez... » Je me suis concentrée sur le fait que je n’avais jamais voulu l’offenser. Plus tard ce jour-là, quand je suis arrivée devant la boîte postale, je me suis retrouvée face à deux fentes : « Singapour » et « Autres pays ». Je me suis arrêtée un instant. Ma sœur m’avait demandé qui j’étais. Dans quel genre de pays me voyais-je vivre ? De quel genre de nation souhaitais-je faire partie ? Après tout, je n’étais pas différente simplement dans le but d’affirmer ma différence. Et être différente, ce n’est quand même pas la même chose qu’être difficile. J’ai déposé l’enveloppe au bord de la fente portant l’inscription « Singapour ». Je vous décrirais la scène ainsi : une fille se tient devant une boîte postale. Elle porte une baju kurung et un tudung. Une enveloppe vient de tomber de ses doigts, telle une feuille d’arbre. Mais la fille, elle, reste figée, sa main suspendue en l’air.

gapour. Singapour est une société sinocentrique – sa population est à plus de 75% chinoise, et il est parfois difficile de corriger les idées reçues, comme celle selon laquelle Singapour serait en Chine, par exemple ! Dès lors, je vois ce recueil retraçant l’expérience des Malais de Singapour comme une réaction à cette sorte d’hégémonie culturelle, une façon de montrer que l’identité malaise fait partie intégrante de l’identité singapourienne, et n’est en rien autre ou accessoire.

Vous êtes d’abord et avant tout poète et dramaturge, mais vous écrivez aussi des nouvelles et vous avez récemment traduit le roman d’Isa Kamari, The Tower (Epigram Books, 2013), du malais vers l’anglais. Laquelle de ces formes d’écriture vous vient le plus naturellement ? Difficile à dire, car je pense que la forme choisie relève en réalité d’un besoin à un moment spécifique de ma vie. Un désir ardent de compagnie me fera vaciller vers le théâtre – pour les discussions et


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Nouvelle - En partenariat avec les éditions Jentayu

Alfian Sa’at : « Ce qui est fabuleux avec l’écriture, c’est qu’elle peut vivre de si peu de choses ». D.R.

Alfian est l’auteur en résidence de la compagnie Wild Rice. Il a été nominé à 10 reprises aux Straits Times Life! Theatre Awards pour le meilleur script et a reçu 4 fois cette distinction. Parmi les pièces écrites pour Wild Rice figurent Hotel (avec Marcia Vanderstraaten), The Asian Boys Trilogy, Cooling-Off Day, The Optic Trilogy et

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Homesick. En 2001, il fut lauréat de la Golden Point Award for Poetry et de la National Arts Council Young Artist Award for Literature. Alfian Sa’at est l’auteur de Saynètes malaises, trois courtes nouvelles traduites de l’anglais par Jérôme Bouchaud à découvrir dans les pages du numéro 1 de Jentayu.

les débats lors des répétitions, les concessions lorsque l’interprétation d’un collaborateur coïncide ou diverge de la vôtre… À l’inverse, un besoin plus pressant de contrôle sur le texte (et de solitude aussi !) me fait choisir la poésie ou la fiction. Je pense que la traduction se trouve au centre de ces deux pôles de sociabilité et de solitude – je travaille seul mais la voix de l’auteur m’accompagne. Vous êtes encore très jeune mais vous occupez la scène littéraire singapourienne depuis déjà plusieurs années. À vos débuts, Singapour n’était encore qu’un lieu d’affaires où la culture n’avait que rarement son mot à dire. Les choses ont changé et Singapour s’enorgueillit désormais de son meltingpot de cultures et accueille de nombreux événements culturels, dont littéraires. Comment jugez-vous cette nouvelle orientation et que signifie-t-elle pour un écrivain comme vous ? Je ne suis plus si jeune, j’approche de la quarantaine ! À vrai dire, je doute vraiment que Singapour révisera un jour complètement la prépondérance de son discours économique autour duquel sont structurés tous les autres discours. Il s’agit là d’une dimension inaltérable de sa condition : une île minuscule, pauvre en ressources et prétendument vulnérable sur le plan économique. Mon sentiment est qu’il y a bien une offre culturelle mais qu’elle reste encore fragile – si des coupes budgétaires devenaient nécessaires, les arts seraient les premiers à en souffrir. Dans les calculs de l’État, la culture n’occupe pas une place qui la rendrait essentielle à la vie de notre pays. Ceci étant dit, si le soutien étatique est une bonne chose, cela ne signifie pas pour autant que je cesserais d’écrire s’il venait à s’interrompre. Ce qui est fabuleux avec l’écriture, c’est qu’elle peut vivre de si peu de choses : pas besoin de studio, de lieu de répétition ou de représentation, d’outils et d’équipement hors de prix, etc. Nous écrirons au printemps et nous écrirons encore une fois venus les jours sombres de l’hiver. Jérôme Bouchaud-Jentayu


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Agenda, sélection de la rédaction

Avril 6 7 8 avril

Singapore Intenational Jazz Festival

5e édition du rendez vous annuel du Festival du Jazz, un programme varié et riche en artistes. Marina Bay

12 Molière et Moi par Sing’theatre 15 avril

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avril

22 juillet

12 Giselle 15 avril

27 Roots avril

Un hommage poignant et singulier à Molière signé Jean-Vincent Brisa Alliance Française

Angkor, Exploring Cambodia’s sacred city

Des chefs-d'œuvre du musée Guimet raconte l'histoire de la rencontre française avec Angkor au 19e siècle. ACM

Interprété par la troupe du Singapore Dance Theater Esplanade Theater

13 avril

27 mai

Le dernier spectacle de Belle Époque Esplanade Recital Studio

Senses & Lenses by Claire Deniau

Mise en lumière du lien entre art et vision avec cette collaboration inédite entre Claire Deniau et Essilor. Intersections Gallery

Mai 2 27 mai

8 13 mai

30 mars

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mai

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Shakespeare in the park : Julius Caesar

Une représentation théâtrale en plein air à Fort Canning, une pièce sous forme de thriller politique. Fort Canning Park

St Petersburg Ballet “Swan Lake”

Le St Petersburg Ballet Théâtre revient à Singapour avec l'histoire d'amour Swan Lake de Tchaïkovski. MES Theatre at Mediacorp

Festival Voilah!

Le festival annuel français revient avec le meilleur de la culture française, de la créativité et de l'innovation. Différents lieux

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juin

Dragonflies de Pangdemonium

L’histoire d’une famille qui se bat pour sa survie dans un monde hostile. Victoria Theatre

24 Festival du film d'animation français 26 mai

Janv.

6

juin

7e édtion. Projection de films d’animations à découvrir pour les adultes et les plus jeunes. Alliance Française

Art from the Streets

Les artistes de rue les plus emblématiques du monde présentent leurs œuvres provocantes pour la première fois en Asie du Sud-Est. Art Science Museum


Agenda, sélection de la rédaction

Juin juin

sept.

Singapore International Festival of Arts

Des spectacles de rue aux projections publiques de films, le FIA est une célébration artistique pour tous. Divers endroits

1er Aida de Verdi 6 juin

7 10 juin

Un chœur et un orchestre, Singapore Lyric Opera présente pour la première fois l'Aida de Giuseppe Verdi. Esplanade Theater

25th International Piano Festival

15 16 juin

juin 2018

avril 2019

Ultra Singapore 2018

Pendant deux jours, de la musique en plein air avec les meilleurs DJ’s Ultra Park près de Marina Bay Sands

Flying to the Stars

Une exposition sur Le Petit Prince pour célébrer la 75e année de publication du fameux livre. Philatelic Museum

18 Dragon Boat Festival juin

Des récitals uniques au cours de soirées consécutives avec les plus grands pianistes du monde. Victoria Concert Hall

Festival de sports nautiques avec des courses de bateaux-dragons et d’autres activités et jeux. Bedok Reservoir, Kallang River, DBS Marina Regatta

Juillet et après 27 The Lion King juin

7

Le célèbre dessin animé de Walt Disney mise en scène. Grand Theatre Marina Bay Sands

9

août

Fête nationale de Singapour

La fête nationale de Singapour pour célébrer l’indépendance : défilés, feu d’artifice, parade…

sept.

3 4

juillet

Céline Dion

29 Ouverture Istana juillet

août

Pour la première fois à Singapour et pour deux soirées consécutives. Sands Grand Ballroom Marina Bay Sands

Portes ouvertes pour visiter le palais et le parc présidentiel. Orchard Road

Singapore Night Festival

Le festival nocturne dans plusieurs quartiers de Singapour qui deviennent très animés avec des danses, concerts, illuminations…

11 août

Hungry Ghost Festival

China Town, Lorong Koo Chye Sheng Hong Temple...

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sept.

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Un chef une recette

Julien Royer, restaurant

Le phénomène gastronomique

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D.R.


Un chef une recette L’œil vif, le regard intense, la parole incisive et l’allure bonhomme de celui qui est conscient de sa réussite mais reste humble. Fidèle à ses racines de fils et petit-fils d’agriculteurs auvergnats, Julien Royer honore les produits de la Nature et rend un vibrant hommage à sa grandmère Odette ! 2 Michelin dès l’ouverture du restaurant qui porte son nom, en 2015. Il avait 32 ans… La simplicité, la vérité, le plaisir de partager, le sens du contact et une réserve d’énergie contagieuse caractérisent ce jeune chef aussi brillant en cuisine que bien formé à la gestion et humainement ouvert. Vous évoquez souvent votre enfance à Mauriac, en Auvergne; en quoi a-t-elle été fondatrice ? Julien Royer - Je suis né dans une ferme, en profonde campagne rurale, dans une famille d’agriculteurs qui faisaient un peu de tout : légumes, fruits, animaux, miel… J’ai grandi avec des animaux partout autour de moi, des jardins et la nature pour terrain de jeux, en toute liberté et sans artifice. On faisait tout chez nous : les récoltes, les pâtés, le pain, les confitures… On n’était pas riche et on n’avait ni dimanche, ni rtt, ni grandes ou petites vacances. Mais qu’est-ce qu’on mangeait bien! Cette abondance de produits de la terre, de parfums, d’odeurs, ces plaisirs simples et irremplaçables comme d’aller aux champignons : c’est mon âme. Votre grand-mère Odette : votre premier mentor ? Absolument ! C’est elle qui m’a donné le goût de la cuisine. Elle cuisinait divinement bien, et quasiment tout le temps. Dès 7/8 ans, je l’aidais souvent. Elle me parlait des odeurs, des aromates, de la texture des légumes, leur couleur, leur

parfum; elle plumait les volailles, tâtait la viande, la sentait, la caressait avant de la préparer. J’ai rapidement su que j’étais heureux de manipuler, transformer, réaliser un plat avec mes mains puis de le partager avec ma famille. 20/20 en pratique culinaire à l’examen de sortie de l’école hôtelière de Chamalières : Major de promotion et meilleure note du grand sud-ouest… Mr Bras vous ouvre ses portes. Raconteznous… BTS ou pas, on commence toujours au bas de l’échelle en restauration. J’étais commis, responsable des tâches les plus basiques : trier, nettoyer, éplucher, parfois couper, et encore! Pas tout de suite. Surtout pas dans un 3* où chaque micro détail est primordial…. Et aussi, vaisselle, serpillère etc. Une école de la vie! Ce que j’ai retenu de cette année chez Monsieur Bras, plus que la cuisine, c’est le sens humain. Il respectait les gens, quelle que soit leur position. Il partageait beaucoup et avec nous tous. C’était un bonheur de venir travailler chaque jour. Le contraire de ce qu’on entend traditionnellement chez les grands étoilés où c’est “marche ou crève” à la “Germinal”. Un mentor et une permanente source d’inspiration. Sans aucune formation, aimant les produits de la nature, les traitant avec une simplicité touchante et une poésie particulière, il a obtenu ses 3* comme ça, les a gardées pendant 30 ans parce qu’il est resté inspiré et fidèle à son terroir. Un grand Monsieur. Vous avez ensuite entamé un mini tour du monde avec Marie-Agnès, votre épouse et votre muse ? Elle avait envie de voyager; j’y ai pris goût! Après un passage fécond chez Bernard Andrieux, maître cuisinier de France, où j’ai appris la cuisine classique, généreuse, riche de notre patrimoine culinaire français, nous sommes partis à Méribel, St Bart, Bora-Bora, Singapour, Londres… puis retour à Singapour pour l’ouverture du St Régis. Ensuite, Jaan et enfin Odette, mon res-

taurant. Et un sentiment de maturité professionnelle. L’enfant de la ferme auvergnate est bien loin de ses racines ! Pourquoi Singapour ? J’avais acquis une clientèle au Jaan, connaissais des professionnels qui tenaient la route localement. Et puis, la situation particulière de Singapour nous permet d’avoir accès aux meilleurs produits du monde entier, tous les jours car tout est importé pour une population évoluée au pouvoir d’achat élevé. Livraisons d’Hokkaido 5 fois par semaine, d’Australie quasiment quotidiennement, d’Europe… C’est inouï pour un chef. Aucune restriction! En France, la tendance « écolo-santé » favorise la cuisine « locavore » : exclusivement faite avec des produits locaux, sur les 2 km à la ronde. Génial! Mais restrictif. Ici, on a tout, en permanence. Comment définissez-vous votre cuisine ? Une cuisine d’ADN 100% française, forcément ouverte sur le monde, où le produit est source de tout et dans laquelle la technique ne fait que sublimer le produit, pas le contraire. L’anti-moléculaire, totalement dépassé aujourd’hui. Comment envisagez-vous l’avenir de la gastronomie ? Le monde est un vrai bazar… Le restaurant devient une zone de refuge. On revient à l’essentiel : le goût! A la japonaise : une cuisine vraie, pure, directe, transparente par rapport au produit, où la simplification devient complexe. Propos recueillis par Michèle Thorel Odette restaurant National Gallery Singapour

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Un chef une recette

Symphonie de Betteraves

recette chef Julien Royer

Pour 8 personnes A faire la veille SORBET DE BETTERAVE : Ingrédients : 40 g de jus de citron/ 300 g de jus de betterave (prendre l’eau de cuisson d’une betterave seule)/ 30 g de glucose (1 cuiller à soupe)/ 70 g de sucre/3 feuilles de gélatine/ 4 g de pectine/150ml d’eau GELÉE DE VIN ET ORANGE Ingrédients : 150ml de vin rouge/ 250 ml de Banyuls (ou Porto)/50 g de Brandy/ ½ orange en tranches /3 g de canelle/ 2 clous de girofle/100g de miel/3 feuilles de gélatine ou 8 g d’agar agar Placer tous les ingrédients dans une casserole. Amener à ébullition. Éteindre la flamme. Couvrir et laisser infuser pendant au moins 1h. Filtrer et ajouter les gélifiants choisis. Verser dans un récipient avec bordure, à 1cm d’épaisseur environ et placer au frais pendant 4 à 48 heures. A faire le jour même Ingrédients : 1 betterave rouge/1 betterave jaune/ 1 betterave blanche/4 feuilles de laurier/4 g de thym/4 g d’ail/ 25 g beurre/25 g d’huile d’olive. Cerises en Saumure. Pour la crème de Burrata : 400 g de Burrata/ 40 g d’huile d’olive Brosser et laver les 3 betteraves. Les envelopper ensemble dans du papier aluminium avec le thym, laurier, ail et huile d’olive (en papillotte). Faire cuire au four à 170 Celsius pendant 45 min; elles doivent être tendres mais fermes. Les laisser refroidir dans la papillotte hors du four. Préparer la réduction : placer tous les ingrédients dans une casserole, faire cuire à petit feu (45 min à 1h). Filtrer. Découper la gelée en petits dés, ronds, filaments… ou selon votre inspiration. Préparer la crème de Burrata : battre le mélange au fouet électrique jusqu’à consistance crémeuse et onctueuse, type fromage blanc riche. Réserver au frais dans une poche à douille. Sortir la garniture et les cerises en saumure. Retirer les betteraves cuites de la papillotte, les éplucher et les couper en dés de 1 à 2 cm. Faire réchauffer à feu doux la réduction avec les dés de betterave rouge pendant 5 min et retirer les dés. Juste avant de servir : faire revenir à feu doux les autres morceaux de betterave (jaune et blanche) avec le beurre à peine fondu (ne jamais le laisser brunir), pendant 1 à 2 minutes puis dresser immédiatement. Sorbet : à sortir au dernier moment.

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