Teaser 180°C N°4

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reportages / réflexion / humeur / recettes

#4 des recettes et des hommes

olivier parpillon

restaurant dessance

enquête

pêcheur en  savoie

desserts à l’assiette

sexisme en cuisine


au menu p. 70 F sweet

touch

Les desserts de DESSANCE

#4

automne/hiver

Christophe Boucher, chef pâtissier, dévoile ses créations de saison.

p. 6 F l’homme

de goût

au nom du père Laurent Arbeit poursuit la saga familiale. p. 20 F le

marché de 180 ˚c

La sélection AUTOMNE-HIVER Dévorez les trésors de saison.

p. 84 F

divin quotidien

sans PAILLETTES

19 recettes du lundi au dimanche.

p. 52 F ailleurs

UN GOûT D’IRLANDE

Le bon goût Irish vu par Trish.

2


S S S p. 100 F SUPER PRODUCTION

p. 80

DES HOMMES ET DES TRUFFES

toi ma… …bibliothèque

Jean-François Piège au milieu de ses livres

L’art de caver dans le Quercy.

p. 114

french and parfait

Do you know the fried chicken and waffles? p. 154 F technique… mais pas trop

Cocotte la grande horizontale

L’art du mijotage n’aura plus de secrets pour vous.

p. 124

home made

Le fait maison ! On en parle ? p. 132

dérapage culinaire

p. 116 F enquête

L’intruse qui pédale dans la semoule

LE DROIT DE CUISSAGE

p. 134

EN BRIGADE

même pas peur

La robe triomphale de Lucullus

Gestes déplacés, propos osés, attention aux dérapages…

p. 160

cookbooks

p. 140 F SUPER PRODUCTION

Tous les arbres ne sont pas égaux

les poissons DU LAC DU BOURGET

p. 161

sans façon

Bande de monomaniaques

Olivier Parpillon, pêcheur professionnel.

p. 182

les archives de la cuisine

La Franche Mâchonnerie par Bruno Fuligni p. 162 F R A ISIN ET SENTIMENTS

CALCE Village de vignes et de cailloux Les caves se rebiffent.

180°C #4

p. 190

table buzz

Les tables à tester… ou pas p. 192

des goûts et des couleurs

Le colin mayo

/automne-hiver A 3


L’auberge saint-laurent. 1, rue de la Fontaine, 68510 Sierentz / Tél. : 03 89 81 52 81 / www.auberge-saintlaurent.fr

6


l’homme de goût

LAURENT ARBEIT

AU NOM

DU PÈRE au sud du haut-rhin, dans le sundgau, au pays de la carpe frite, sierentz n’a peut-être pas le charme des villages alsaciens des cartes postales, mais il a en commun la gourmandise chevillée à son clocher. trois mille cinq cents habitants, et pas moins de 9 adresses pour se réconforter le palais. parmi elles, le saint-laurent – patron des rôtisseurs –, de la famille arbeit, qui transmet le bon goût de génération en génération. SSS Texte Philippe TOINARD Photographies Guillaume CZERW

B

askets orange et bleu aux pieds, jean un poil délavé, chemise de marque branchée, une pointe de gel dans les cheveux pour dompter les épis, Laurent Arbeit, 30 ans, a le charme décontracté mais élégant. Comme souvent, entre deux services, il s’installe dans la salle du restaurant familial. L’espace de quelques secondes, il se met dans la peau d’un client

et se pose la question qui le fait avancer chaque jour : « Qu’est-ce que j’aimerais bien manger ici ? Qu’est-ce que j’aimerais que le chef me prépare ? » Un papier, un crayon, un verre de pinot blanc Les Lutins 2010 des sœurs Josmeyer à portée de main, Laurent gribouille des croquis de plats, des intitulés pour renouveler le « menu affaires » qui change quotidiennement et qui est l’antichambre de la carte. Ce sera finalement tartare de saumon d’Écosse et fleur 180°C #4

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/automne-hiver A 7


le marché de 180 °C

maintenant

SSS Texte et recettes Stéphan LAGORCE Photographies Éric FÉNOT Stylisme Delphine BRUNET


Le panier

automne hiver S S S

comment occuperez-vous votre automne et l’hiver qui, apparemment, suivra ? vous piquerez-vous les doigts sur une bogue de châtaigne, vous battrez-vous en duel avec un sabre ou méditerez-vous sur la destinée face à une tête de veau ? choisissez de ne pas choisir et dévorez sans retenue tous les trésors de la si mal nommée “morte” saison ! le grand sabre : ça tranche

Sur les étals, vous ne trouverez pas facilement les deux variétés de sabre existantes (l’une est d’un noir ébène et l’autre brillante comme du vif-argent). Vous n’en trouverez pas, ou si peu, car l’espèce a été surpêchée pendant plusieurs décennies. Elle est maintenant soumise à quota. Et, si les prises reprennent, elles restent très limitées. Ainsi, ces deux spécimens n’apparaissent-ils que sporadiquement. Quand c’est le cas, la fortune vous sourit, il est raisonnable, alors, d’abandonner tout discernement et conscience écologiste pour en acquérir incessamment. Ce poisson discret,

à croissance lente, vivant en profondeur et offert à vil prix, se flatte d’une chair rappelant tout à la fois les délices de la sole, le faste du turbot et le chic du saint-pierre… Sans façons, faites griller le sabre salé et poivré, poêlez-le, cuisez-le au four… Tout lui réussit à condition de ne pas l’accabler de sauces, de garnitures ou de cuissons prolongées. À l’image de la jeune mariée, sachez que le sabre doit toujours être de première fraîcheur, cette fraîcheur étant d’ailleurs la seule possible puisque la suivante se trouve être à la fois la seconde et la dernière, celle mettant un terme définitif à sa grande délicatesse.

Quand : dès que possible Point fort : un poisson aussi magnifique que délicieux Point faible : quasi introuvable… (à commander) En cuisine : succulent grillé au barbecue. Mais pour cela, il faut un jardin…

180°C #4

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ailleurs

Un goût d’Irlande en irlande, parmi les passionnés du goût, on trouve des disciples d’alain passard, des étoilés michelin qui ont rendu leurs étoiles pour gagner en liberté, des fromagers engagés en politique et des restaurateurs jardiniers attachés au progrès social. croyez-le si vous le voulez, mais en irlande, la révolution culinaire est en marche.

SSS Texte Trish DESEINE Photographies éric fénot Traduction Stéphan LAGORCE


Ailbhe juchée sur les épaules de son père Enda McEvoy, chef locavore convaincu.


sweet touch

Les desserts de Dessance christophe boucher, chef pâtissier chez dessance, premier restaurant entièrement consacré aux desserts à l’assiette, nous propose ses créations sucrées, dont certaines en exclusivité pour 180 ˚c. oubliez purées de fruits congelées et autres cerises venues par avion, chères à la pâtisserie traditionnelle qui néglige les saisons ! christophe s’inspire des produits qu’il y a là, maintenant, sur les étals des marchés. 70


Coing, granité de vin chaud et émulsion à la coriandre Pour 6 personnes Compotée de coing 200 g de coing (1 pièce) 20 g de sucre 10 g de jus de pamplemousse 5 g de vinaigre de framboise 1 bâton de cannelle Beurre

Émulsion à la coriandre 125 g de lait 125 g de crème 30 g de sucre 8 g de feuilles de coriandre Une feuille et demie de gélatine

Granité de vin chaud 375 g de vin rouge 100 g de sucre Une demi-orange Un demi-citron 75 g d’eau 30 g de gingembre 2 étoiles de badiane 2 bâtons de cannelle 2 clous de girofle

Dressage Quelques segments d’agrumes Quelques feuilles de coriandre

❶ Compotée Faites revenir le coing épluché et taillé en dés dans un peu de beurre. Ajoutez le reste des ingrédients et laissez cuire environ 30 minutes à feu doux. Laissez refroidir. ❷ Granité Taillez l’orange et le citron en rondelles. Mettez tous les ingrédients dans une casserole et portez à ébullition. Flambez pour enlever l’alcool. Faites cuire 5 minutes puis laissez refroidir une nuit. Passez au chinois, versez dans un bac et placez-le au congélateur. Grattez avec une fourchette toutes les 30 minutes jusqu’à obtenir la consistance d’un granité. ❸ Émulsion Portez le lait, la crème et le sucre à ébullition. Ajoutez les feuilles de coriandre et laissez infuser hors du feu 8 minutes. Mixez longtemps afin que la préparation soit bien homogène. Passez au chinois, incorporez la gélatine réhydratée dans l’eau froide et essorée, mélangez, laissez-la fondre puis mettez en siphon. Gazez avec 2 cartouches.

❹ Dressage Dans un petit bol, déposez de la compotée de coing. Ajoutez quelques segments d’agrumes puis de la coriandre ciselée. Grattez avec une fourchette et déposez du granité de vin chaud par-dessus. Finissez avec l’émulsion à la coriandre.

SSS Recettes Christophe BOUCHER Photographies Éric FÉNOT Stylisme Delphine BRUNET 180°C #4

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80


toi ma…

biblio

thèque le chef jean-françois piège s’est constitué une collection de livres de cuisine de près de 10 000 ouvrages anciens ou modernes… qui racontent des histoires. SSS Texte Caroline MIGNOT Photographies Patrick SWIRC

C

ette passion dévorante du contenu débute en 1984 avec la France gourmande de Diane Vernier. Un tour de France des grands chefs de l’époque. Jean-François Piège a 14 ans et reste ébahi devant la recette du millefeuille de saumon au beurre blanc qui lui paraît alors extrêmement moderne. Son tout premier « vieux livre », Cuisine pour mes Amis (1976) de Raymond Oliver, est acheté en 1990 à la Librairie gourmande de Geneviève Baudon, située à l’époque rue Dante dans le ve à Paris. Depuis, les livres se sont accumulés. Parmi eux, un ouvrage de Denis Papin (l’inventeur de la machine à vapeur), de 1688, sur la façon d’amollir les os, mais aussi L’Heptaméron des gourmets d’Édouard Nignon publié en 1919, qui est « le premier grand auteur du xxe siècle selon moi ». JeanFrançois tourne les pages et lit un paragraphe au hasard. 180°C #4

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divin quotidien

sans

paillettes

vous prendrez bien un peu de lentilles, de chou-fleur, de gnocchi et une madeleine pour conclure ? t ant mieux, c’est de saison et c’est notre quotidien.


SSS

(recette page 87)

Recettes & stylisme Sophie DUPUIS-gaulier Photographies Guillaume CZERW



super production

DES

HOMMES

trufƒes ET DES

sur les causses du quercy, des hommes et des femmes recherchent la truffe depuis des siècles. ils arpentent les terrains en quête de ce champignon qui se fait de plus en plus rare. à qui la faute ? pollution, changement climatique ? la truffe n’appartiendrait-elle pas tout simplement à un autre temps ? SSS Texte Emmanuelle JARY Photographies Jean-Luc BERTINI

U

n mardi après-midi d’août, département du Lot, village de Lalbenque, 1 400 âmes. Il est 14 heures. Il fait chaud, très chaud. Les rues sont désertes. Les habitants attendent l’orage et la vie s’ennuie un peu. Lalbenque, un village comme tant d’autres avec son clocher et ses quelques commerces étiques dans la rue principale : une boucherie/charcuterie, une supérette qui fait aussi office de primeur et de buraliste. Quant au

boulanger, il s’est mis à vendre des pizzas, une passion bien française. Lalbenque, l’été, circulez, rien à signaler. Pourtant, à l’entrée de la commune, un panneau se dresse haut et affiche noir sur blanc : centre principal de production des truffes noires du Quercy. Un mardi après-midi de janvier, même lieu, même heure : la rue qui conduit au centre est impraticable. De vieilles 2 CV et des 4 L couleur coquille d’œuf côtoient de grosses berlines noires rutilantes garées les unes derrières les autres 180°C #4

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enquête

ARRIÈRE-CUISINE

DROIT DE CUISSAGE le droit de cuissage aurait-il encore libre cours en cuisine dans un xxie siècle déjà bien entamé ? il faut le croire ou le craindre, car là où se trouve le pouvoir naît la tentation d’en abuser. dans un univers de séduction et de gourmandise, les langues se délient petit à petit mais l’omerta règne, laissant à penser que la grande muette n’est finalement pas celle que l’on croyait. enquête dans les arrière-cuisines où l’on frôle l’indigestion. SSS Texte Frédéric BRUN Illustrations Gaétan NOCQ

180°C #4

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SSS Recettes & stylisme Delphine BRUNET Photographies Guillaume CZERW

home made

Ah bon, c’est déjà fini ? les tongs, les caïpi, le soleil et tout ça ? c’était lassant finalement… la douce lumière d’automne nous revient. alors on prend son temps, on observe, on cuisine, on stocke, on recycle, on savoure et on fait plein de réserves, comme notre amie la fourmi qui n’est pas née de la dernière pluie !


même pas peur

La robe triomphale

de Lucullus b (d’après Éloges de la cuisine française d’Édouard Nignon)

SSS Recette et réalisation éric trochon M0F 2011 Texte fabrice bloch Photographies éric fénot

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rappelez-vous notre dernière séance de cuisine avec éric trochon, mof 2011. nous avions réalisé un consommé d’escoffier dans les règles de l’art, avec clarification et tout le toutim. cela vous a paru difficile ? pourtant c’était de la roupie de sansonnet pour piou-piou de cap à côté de ce que nous avons entrepris pour ce nouveau numéro : la confection d’un chef-d’œuvre de complexité qui, à lui seul, vaudrait à la cuisine française le classement au patrimoine de l’humanité : la robe triomphale de lucullus d’édouard nignon. rien que ça.

C

e qui fait l’une des

différences entre Éric Trochon et tout un chacun, c’est qu’en lieu et place du dernier Marc Levy, trône sur sa table de nuit les Éloges de la cuisine française d’Édouard Nignon. Lorsqu’il me proposa d’en parcourir quelques pages, ce fut le choc ! Exit Escoffier (pardon Auguste) qui s’est « contenté » de codifier les recettes classiques et place à un véritable créateur. Les recettes de Nignon, quasi lyriques et d’une

rare complexité il faut l’admettre, sont des chefs-d’œuvre voluptueux où l’on accompagne les mets « de tranches d’or pâle » (comprenez de brioche) où l’on voit encore quelques grains de riz se transformer « en étoiles d’un ciel empourpré ». Impossible de résister à l’envie de se confronter à la réalisation de l’un de ces Everest culinaires. Notre choix s’est porté sur une recette au titre fabuleux : la robe triomphale de Lucullus. On trouve trace de ce plat chez Lord Byron. Lucullus est

ce général romain dont Plutarque décrivit les dérives orgiaques du crépuscule de sa vie. La robe évoque peut-être le beau feuilletage de ce qu’il faut bien appeler une tourte aux cailles ; et le triomphe, ce que vous mériterez absolument de vos convives, si vous leur apportez un jour ce mets fabriqué de vos blanches mains. Il se peut même que vous deveniez une légende urbaine (ou rurale, c’est selon). Cela mérite de lire les lignes qui suivent pour connaître, apprendre et décoder le procédé. 180°C #4

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Pêcherie Parpillon. Chef-lieu, 73370 Bourdeau / Tél. : 04 79 25 07 02 / www.pecherie-parpillon.fr

super production

LE

parpillon et les poissons du lac

il est 5 h, le lac du bourget s’éveille. plus grand lac naturel de france, ce monstre d’eau savoyard s’étire sur 18 kilomètres de long pour 3 kilomètres de large en moyenne. à cette heure, les premières lumières s’allument dans les appartements et les maisons cossues qui bordent le lac. olivier parpillon, 34 ans, pêcheur professionnel, n’y prête guère attention. ce qu’il cherche debout dans sa barque lémanique, ce sont des bornes clignotantes estampillées p.o.9 qui lui indiquent l’emplacement de ses filets.


SSS Texte Philippe TOINARD Photographies Éric FÉNOT


technique… mais pas trop

COCOTTE LA GRANDE HORIZONTALE SSS Texte Stéphan lagorce Illustration Rémi WYART Photographies éric fÉnot Stylisme Delphine brunet

En inventant la cocotte en fonte transparente, 180 °C dévoile enfin les mystères de la « cuisson à niveau constant » : le jus se transforme en vapeur, la vapeur se condense et retombe. Rien ne se perd, tout se transforme !


poule de luxe convoitée ou pesant ustensile de cuisson, la cocotte étend son empire sur les hommes… comme la demi-mondaine, ses sortilèges asservissent sans recours le chef, les marmitons et l’innocent père de famille, tous réduits à la même pâmoison. et vous, tourneboulé par la lola montès des cuisines, serez-vous le dominé ou le dominant ? Nudité, choix et prix de la volupté culinaire

La conductivité thermique

Même dans la plus grande gloire de sa nudité, sans résille ni ruban, la cocotte envoûte les gastronomes. Rouges, jaunes, vertes ou noires, lascivement abandonnées derrière les vitrines, leurs rondeurs enflamment le pubère et arrachent le dolent à sa torpeur. Posséder une cocotte est donc un désir naturel : pourquoi ne pas y céder ? Plusieurs courtisanes se distinguent et rivalisent d’attraits : certaines s’harnachent de couvercles recouverts de picots, d’autres se dénudent dans de tentantes concavités. Quelle est la plus attirante ? Toutes, bien sûr, que vous paierez à l’avance les yeux fermés, surtout sur le ticket de caisse exhibant, pour le coup, des sommes ahurissantes. Mais la volupté culinaire est à ce prix. Ronde ou ovale ? Émaillée ou pas ? Qu’importe ces détails, pourvu que votre cocotte soit à même de répondre aux assauts d’au moins 8 soupirants empressés. Car, jamais vous ne vous enticherez de « mini » cocottes, insolites fanfreluches vouées à l’onanisme des cénobites-gastronomes, sourds aux joies simples du partage.

Cette notion est liée au métal de votre cocotte : la fonte dont le coefficient de conductivité est d’environ 48, à comparer avec le cuivre (350), l’aluminium (200) ou l’air (0,026) ! Autant dire que, pour un métal, la fonte est un bien mauvais conducteur… Et c’est là tout son intérêt culinaire : chauffer lentement, mais refroidir lentement aussi et éviter les « coups de chaud » dévastateurs, notamment pour le bœuf mijoté au coco, page 158. Donc : on privilégie les cocottes en fonte.

Séduire sa cocotte Comme chacun sait, la cocotte, si elle se vend volontiers, ne s’offre avec générosité qu’à ceux qui la comprennent. Voici quelques idées pour mieux la séduire.

Puissance dissipable C’est la quantité d’énergie (ici la chaleur, comme pour un radiateur) dissipée de la source (la cocotte chaude) vers quelque chose (la palette de porc au thym, page 158). Si cette puissance dissipable est trop forte : ça colle au fond. Si elle est trop faible, ça ne cuit pas… Donc : cuisson en cocotte = feu moyen à doux prolongé (voir encadré « Pour les fous furieux » page suivante).

L’inertie thermique Une cocotte vide pèse vite 5 kg et plus. Pour que la cuisson soit effective, il faut donc emmagasiner de la chaleur dans cette imposante masse de métal qui, ensuite, la délivre lentement à votre palette de porc au thym. Que vous augmentiez ou baissiez subitement le feu, la cuisson se poursuit comme précédemment pendant un temps assez long avant que le rythme de cuisson ne change. Ce principe d’inertie permet, surtout, de conduire des cuissons à petit feu, tout en ayant des températures assez élevées dans la cocotte… sans que le fond ne brûle. Étonnant non ? Donc : on privilégie les cocottes insoulevables (et hors de prix).

Taille critique Il est hasardeux de miniaturiser les recettes mijotées pour de complexes raisons d’échelle. Pourquoi alors rapetisser les cocottes dont la masse métallique moindre limite de facto les effets bénéfiques du principe précédent ? Donc : on n’utilise les minicocottes que pour semer le persil sur le balcon (ou mettre la litière du chat). 180°C #4

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raisin et sentiments

CALCE SSS

Texte Michel SMITH Photographies Éric FÉNOT


VILLAGE DE VIGNES ET DE CAILLOUX comment diable un village entouré de vignes, d’amandiers, d’oliviers a-t-il pu se tailler une aussi belle réputation en trente ans ? Vous le croirez ou pas, mais c’est grâce aux cailloux !

180°C #4

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Gastronomie

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182


les archives de la cuisine

FRANCHE

mâchonnerie

et si le fameux secret maçonnique était d’abord d’essence gastronomique ? agapes, banquets d’ordre, fêtes solsticiales et autres « travaux de mastication » entretiennent la fraternité au sein des loges et obédiences. S S S

S S S

N

SSS Texte B F Illustration F B S S S

S S S

S S S

S S S

ul besoin d’être initié pour pénétrer au siège du Grand Orient de France, rue Cadet, à Paris : au rez-dechaussée, un musée ouvert à tous permet aux profanes de lever un coin du voile pour découvrir les mystères et symboles de la franc-maçonnerie. Or, une surprise y attend les curieux : à côté des portraits d’anciens grands-maîtres et des épées rituelles, jouxtant les brevets ornés d’emblèmes et les documents en écriture codée, plusieurs vitrines sont consacrées aux arts de la table. « Nous conservons une belle série

de ces “verres canons” qui servent à “faire feu”, c’est-à-dire à tirer les santés selon le “rituel de table”. Beaucoup sont en verre de Bohême coloré et gravé », explique Pierre Mollier, directeur du Musée de la franc-maçonnerie et de la Bibliothèque du Grand Orient de France. « Mais la fierté de notre musée reste les faïences à décor maçonnique du xviiie siècle dont nous avons probablement la plus importante collection au monde. Nevers, La Rochelle, Moustiers, Marseille… Tous les grands centres faïenciers du siècle des Lumières ont produit de la faïence maçonnique. Les pièces emblématiques sont le fameux “service >

180°C #4

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