Margot B
Les fragments quotidiens
Errances
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La page blanche c’est aussi l’attente de ce qu’il pourra se passer. L’attente de la tornade qui va tout ravager qui va tout faire changer. « Vous faites une crise existentielle ? » « ça m’arrive souvent, ne vous inquiétez pas » L’angoisse du rien engendre un brouillard duquel sortir. Stratégies de lutte contre soi, motivation, implication, envie. Répétition, auto-persuasion.
Là
Pourquoi je ne range pas les choses ? J'aime leur laisser la liberté de vivre là où elles sont bien. Si elles sont à cet endroit c'est qu'elles s'y sentent bien. Mes habits habitent loin de l'armoire. Ils préfèrent vivre en tas que pliés au carré dans un endroit fermé. Aimer, laisser habiter librement, ne pas acheter souvent.
Combinaison spatiale. Enveloppe hermÊtique. Je ne suis plus rien qu’un habit.
J’ai transformé quelqu’un en fantôme. Je lui ai enlevé toute substance, je l’ai laissé comme une pellicule vide errer loin de moi. Il n’était plus que les pires images que j’avais de lui. C’ était plus simple. C’est plus simple d’oublier quelqu’un, de l’effacer, de le faire disparaître .
Ne plus voir l’environnement. Oublier ses yeux. S’ouvrir à l’autre qui est en soi, ne pas en sortir indemne. Oser. Marcher, marcher, marcher. Pieds : charpie éparpillée. Cloques explosées, peau en lambeaux accrochés. Hanche écorchée à force de frotter. Six jours sans solitude, sans espace pour soi, sans liberté de ne pas faire. Sans le choix de reculer. Avancer, avancez. Avoir mal, mais aller loin, claudiquer boiter, mais continuer, pleurer, vouloir abandonner. Ne pas se doucher, passer sa tête sous l’eau glacée. Aimer des riens qui font tout, ne pas vouloir se re-connecter. Le faire tout de même. Espérer repartir bientôt. Ne pas oublier : dehors est fertile, inconfort est fertile, douleur est fertile.
Je ne vais rien changer et observer. Je ne vais pas courir nue sur le Mont Blanc, il fait trop froid. Je vais marcher à m’en niquer les pieds avec les mauvaises chaussures avec un manque d’étanchéité et des ampoules Je vais aller loin sans bouger de mon fauteuil. Ferme les yeux, tu entends ? Écoute Je vais bouger de mon fauteuil pour en retrouver un autre Je vais ne jamais jamais te retrouver. Claque ou silence ? Le silence c’est tout et rien une surface où se projeter dure à appréhender. Je préfères les mots qui blessent je préfère affronter je préfère savoir. Savoir. Préférer savoir. A quoi ? Illinois. Silly noix. Est-ce qu’on peut faire tout ce qu’on veut ? Est-ce que je peux crier dans une rame de métro ? Est-ce que je peux crier et courir dans la rue ? Est-ce que je peux te souffler dessus ? Est-ce que je peux te toucher ? Est-ce que je peux tout oublier et recommencer ? Est-ce que pour un jour je peux être quelqu’un d’autre ? Est-ce que je peux t’envoyer te faire foutre ? Est-ce que je suis capable de te dire merde ? Est-ce que je devrais être capable de te dire merde ? Est-ce que tu crois qu’on va aller loin ?
Loin . Est-ce plus près que près ? Prêt. Un don pour soi. Donner à toi. Données pour soi. Haïr les points. Serrer les poings. Frapper des mots. Frapper avec des mots. Punchline. Punk line. Niaiserie assumée. Roseries évaporées. Pourpres desseins animés. Rougorangeries des salons. Buée de joues. Pivoineries de grands chemins. Point .
Des hauts des bas des oh des ah des beaux des bah des plots des plats des veaux des vas des dos des dadas des pots des pas des bobos . Des bancs des places de la vaisselle cassée et des pots réparés. La hache de guerre là-bas enterrée et des oiseaux qui puent des pieds. Des griffes à s’en faire soulever les sourcils des enflures d’ampoules incandescentes. Des sentiments impartagés et des lampions rosés. Des poulets en macramé des chansons périmées et une clairette en sonnette. Là-bas aussi des toits des poils des choses des chauds des fromages. Des ustensiles des piles des poulettes des riens des blots des poids. Des flaques des boues des gants de toilette de serviette en fusion et électrocution. Et il y a moi des fois.
On va vivre sur des cailloux qui flottent. On va manger des bigorneaux. On ne parlera de rien. On ne parlera pas. On attendra patiemment une réponse , quand il n’y aura pas de question. On s’imaginera sans se regarder. On vivra sur les bords du monde. On ne construira rien. On ne fera rien. On ne sera pas.
Sensibilité perturbée, Trop de gens qui crient, qui ne s’entendent pas parler. Trop de gens qui beuglent la nuit. Trop de gens qui chantent la patrie. Je suis une particule affectée. Jamais libre de ne pas entendre. Jamais tranquille. Jamais seule.
Bien plus intéressés par qui ils vont manger, qui les mangera ou qui ils vont baiser ? Autour de nous se joue demain, nous n’y prenons pas part. Nous ne voyons pas au-delà de ce soir. Il est temps de discuter pour construire un demain hors de là. Refaire le monde ? Les utopies d’hier sont les réalités d’aujourd’hui. Reprenons la main, réfléchissons, discutons. Oui parlons de bouffe parlons de nous, mais parlons d’avenir parlons du monde . Parlons de tout. Réveiller les idées. Réveiller les esprits. Reprendre confiance dans notre utile. Disons merde pour proposer un « oui ». Se lever et marcher. Inventer ensemble. Se retrouver.
Et puis j’aurais aimé qu’on parle d’amour, mais je n’y comprends rien
Margot B Imprimé en 2016 Réalisé dans le cadre de l’Atelier de Recherche et de Création « Errances ». Travail accompagné par Anna Boulanger, Catherine Le Carrer et Thierry Moré. Le travail de reliure a été encadré par Annie Robine les 9, 10 et 11 mai 2016. EESAB – site de Rennes L’atelier Errances / le blog : http://www.errances.fr/ Errances éditions : http://www.errances-editions.fr