Gwénaëlle NEAU
Petits jeux corporels
Petits jeux corporels
Réalisé dans le cadre de l'arc Errance Gwénaëlle NEAU
« Le corps est comparable à une phrase qui vous inviterait à la désarticuler, pour que se recomposent, à travers une séries d'anagrammes sans fin, ses contenus véritables (…) L'image de la dent se déplace sur la main, l'image du sexe sur l'aisselle, celle de la jambe sur le bras, celle du nez sur le talon (…) Excitation virtuelle et excitation réelle se confondent en se superposant » Hans Bellmer
« Poster un article sur le blog au moins une fois par jour » Une fois par jour, une fois par jour. Il y en a qui sont drôles, j’ai pas forcement envie de dessiner quotidiennement et hors de question de sortir prendre des photos avec ce temps. Bon réfléchit Gwénaëlle. Quels matériaux inspirants as tu sous la main… Ma main ? Mais qu’est ce que je vais en faire de cette main moi ? C’est une main comme toutes les autres. Dessiner une main est un bon exercice anatomique mais ce n’est guère intéressant. Comment vaisje pouvoir prendre le blog en main ? La prendre en photo ? C’est banal… Je n’ai plus qu’à mettre ma main au scan. Scanner une main est très intéressant. Il n’y a que ce qui est plaqué contre la vitre qui est détaillé. La lumière est vive et chaque racine de poil est passée au pixel fin. Le reste devient une ombre évanescente. Si vous avez déjà scanné votre main sous tous les points de scan possible et imaginable, vous n’avez plus qu’à la bouger. Elle se transforme, se multiplie, s’allonge… Elle devient autre chose et prend des formes aléatoires et abstraites. Haaa l’aléatoire et l’abstrait. Appliqué au corps cela en devient amusant. De l’abstrait corporel, des formes qui se déforment. Votre corps sort de l’autoportrait pour devenir un corps aléatoire. Un corps je, jeu de corps, jeu de forme, jeu d’aléatoire, jeu d’aléa. Petits jeux corporels
Entre les dents
La langue, organe que l'on voit peu et que l'on connaît peu... comme la plupart de nos organes me direzvous. La langue est enfermée dans une cavité, « l'enclos des dents » comme dirait Homère. Elle est retenue par plusieurs liens, elle est liée à la gorge, cependant le bout de la langue peut faire son apparition de temps en temps. La langue qui fourche, la langue qui bave et commet des bavures. La langue que l'on mord, les langues de vipères. Que dire de la langue ? Que diraije si j'étais une langue ? La langue est un peu un fœtus qui a le choix de sortir ou de rentrer. Elle est dans un milieu chaud, humide, agréable parfois, même si, au lieu d'être dans une cage dorée, elle est dans une cage dentaire.
Peuton dire que la langue a de la chance d'avoir le goût ? Je ne sais, la langue connaît le désespoir de l'amer, le piège charmeur du sucré... Elle est attaquée par l'acidité. La langue est une passerelle, un vigile, comme dans une boîte de nuit. Certains aliments, elle les adore et les laisse entrer, elle ne peut en tolérer d'autres, et si cela rentre de force, elle aide le corps à les vomir quand il y en a trop, ou que l'ambiance dans l'estomac est trop explosive. La langue est sur la défensive. La langue parfois ne sait s'exprimer, sous le coup de la colère, les mots restent coincés au fond de la langue, restent liés. La langue a un rapport amour/haine avec les mots. Les mots qu'elle aide à créer, améliore , ou dégrade. Parfois les mots l'utilisent contre sa volonté elle ne peut empêcher l'évasion de certains mots qui sont émotifs, violents, indélicats, inappropriés. La langue regrette d'avoir laissé échapper ces mots.
La langue en a plein la bouche, elle roule, elle tangue, glisse les aliments entre les dents. C'est une assistante dentaire. Une ouvrière nourricière, elle place la nourriture qui veut s'échapper entre les dents. La langue entre deux mots laisse échapper sa salive. Même si c'est un muscle de chair et de sang, la langue peut être de bois. Elle est souvent dure pour ceux qui l'ont crue. La langue siffle et se tord entre deux mensonges, elle persifle et se répand dans des rumeurs. La langue est sensuelle, elle aime séduire, elle aime faire des rencontres humides. Parfois une autre langue lui rend visite dans sa cage d'ivoire, pas trop longtemps, car il faut dégager la gorge pour que le corps respire.
Tyrannie dentaire Je te porte en moi chaque nuit depuis presque deux ans. Ma langue se cogne contre toi, elle se tort, te frappe, te lèche, tente de te faire bouger et te met à l'épreuve. Tu la gènes, tu me gènes dans mes nuits et mes rêves. Ta contrainte de plastique me fait baver. Je bave, je bave et j'ai du mal à l'avaler, j'ai du mal à parler, du mal à respirer. C'est ma bouche entière que tu entraves, c'est l'accès et l'air à mon larynx que tu réduis. Tes tiges de métal enlacent mes dents, mes gencives. De deux tiges de fer tu te maintiens et domines ton royaume sombre et humide. Ton royaume de la nuit. Celui que tu possèdes dans l'obscurité et que tu soumets à ta volonté. Celui que tu tentes chaque nuit de modifier, qui se modifie, qui se moule sur ton modèle qui colle à toi même et à ta conception du monde. Tyran de plastique et de métal, tu règnes sur ma cavité buccale.
Une maille à l’envers, une maille à l'endroit. Des gens pourraient dire que mon pull est vert et je leur répondrais que c'est un peu plus compliqué que ça. Les mailles qui le composent sont d'un vert plus jaune que bleu. C'est un vert chlorophylle qui rappelle la campagne, c'est un verre d'air frais. Mais la couleur de la laine reste un vert synthétique, un verre tinté. Un vert tinté de vertu ? Méfiez vous ! car au tournant du coin coin, derrière le col vert se cache la forêt !
Exercices d'écritures, maison de quartier Villejean Thon sans kir c'était son surnom, que les cons s'en tirent c'était sa malédiction. Thon sans kir était l'imbécile du village de Chambon sur Lignon. Toute la journée il ne recevait que des insultes, des brimades et des moqueries. Un jour ce fut le crocenjambe de trop, il prit son baluchon et avec Force et Courage (ses deux chiens siamois) décida de quitter ce foutu village. Sur son chemin, il vécut milles péripéties, il dut contourner un lac d'au moins 5 mètres de large où de nombreux crocodiles au yeux jaunes tentèrent de lui croasser dessus. Il combattit contre un démon de piquants qu'il réussit à vaincre et à réduire en brochette, il détruisit des moulins impétueux,... Un jour il croisa le diable et le pape. Rencontre peu habituelle, il s'approcha pour voir ce que les deux compères trafiquaient. Le diable en avait eu marre qu'on joue les âmes à la balance, ce n'était guère palpitant et très procédurier. De plus les papiers administratifs pour juger une âme prennent un temps fou et demandent beaucoup de maind’œuvre. Le diable avait proposé au pape, (représentant du seigneur sur terre) une solution certes aléatoire, mais beaucoup plus économique en temps et en salaire. Après un plan social rapidement mis en place par l'église. (Après tout c'était elle qui accueillait les pauvres et les miséreux, leurs anciens salariés si ils ne retrouvaient pas de travail peuvent toujours venir quémander une soupe et une couverture à leur ancien employeur.) A présent les âmes jouaient leurs salut à la roue de la fortune. Il y avait trois possibilités : le paradis, le purgatoire et l'enfer. Mais vous vous en doutiez, une fois que la roue était lancée c'était souvent le bouc qui gagnait le banco....
Il était une fois une ville. Cette ville était rackettée par un dragon à sept têtes. Au début les habitants étaient sommés de livrer un mouton par mois. Mais au bout de quelques années, les habitants n'avaient plus de moutons, plus de chevaux, plus de chiens, plus de chats, pas même une souris à livrer au dragon. Le seigneur dut prendre une dure décision pour sauver sa ville. L'un après l'autre, chaque habitant devrait livrer sa progéniture à l'hydre qui rançonnait la cité. Pour ne pas déclencher une révolte paysanne, le seigneur décida de tirer au sort les enfants qui seraient envoyés en pâture au monstre. Peu importe sa classe sociale, chacun était logé à la même enseigne. Pour preuve de sa bonne foi, le seigneur mit même le nom de sa fille unique dans le tirage. Hélas c'était un seigneur peu chanceux. Le nom de son unique descendante fut tiré au sort dès la première année. Le roi essaya de négocier la vie de sa fille, le peuple refusa. Il essaya sournoisement de la remplacer par une autre mais le complot fut vite déjoué. Il dut se résoudre à perdre sa fille. Les citadins, malgré toutes ses supplications, livrèrent la jeune fille à l'endroit convenu avec le monstre. Saint Georges, un chevalier qui passait par là aperçut la jeune fille qui pleurait sur un tronc d'arbre en attendant son funeste sort. Le jeune homme lui demanda pourquoi elle pleurait. Elle lui expliqua ce qui l'attendait et le pria de fuir avant que le monstre n'arrive. Le chevalier pas peureux pour un sou, trouva là un moyen d'accomplir un exploit chevaleresque. Il resta avec la jeune fille pour attendre le monstre qui ferait sa réputation. Le dragon coiffé de ses multiples têtes arriva. Il grogna de bonheur en voyant que sa ration avait été doublée ce moisci et que les habitants attentionnés avait déjà mis un de ses repas sous conserves. Mais en voulant manger la petite douceur hurlante sur sa droite, la boîte de conserve se mit à l'attaquer à l'aide d'un cure dent métallique et transperça une de ses têtes. Les six autres restantes s'agitèrent sous le coup de la douleur, et se jetèrent sur la conserve en essayant de l'ouvrir. Sans ouvreboîte la tâche fut ardue. Le dragon réussit à ouvrir le chevalier au prix de 4 de ses têtes. Les dernières restantes commencèrent à se régaler avec les jambes de l'homme. La princesse qui avait assisté au combat, en profita pour s'emparer de l'épée du chevalier et transpercer le cœur du monstre pendant que ses bouches étaient occupées. La jeune femme réussit à transporter l’estropié jusqu'à la ville et cachant la vérité sur qui avait tué qui, présenta Georges comme le sauveur de la ville et l'épousa au grand dam de son père car Georges n'avait plus les moyens physiques de produire une descendance, mais ça c'est une autre histoire.
Le soleil a rendez vous
Ce qu'elle aime le plus au monde : sa magnifique poitrine, ses seins doux et fermes qui remplissent le creux de ses mains. Quand personne ne la regarde, elle aime les caresser, les effleurer. Bien que la polygamie soit interdite, et elle le sait, c'était les deux compagnons de sa vie. Elle n'aime pas que les hommes les touchent, ils ne savent pas prendre soin d'eux. Ils les pinçent trop fort ou les malaxent comme si c'était une vulgaire pâte à pain. Est ce qu'elle a une tête de brioche ?
Des enfants ? Hors de question que ses deux roberts servent de vulgaires mamelles. Elle n'est pas un biberon. Elle ne souhaite pas voir ses mamelons se creuser sous la succion de la bouche baveuse d'un nourrisson. Elle ne veut pas les voir enfler, se tordre, se distordre, se percer et se répandre en un liquide blanchâtre. Même si sa peau a une belle couleur laiteuse elle ne veut pas se transformer en génisse.
Elle aime la taille de sa poitrine, elle n'a pas besoin, au contraire d'autres femmes, de les faire gonfler à l'aide d'artifices. Même si elle n'aime pas les autres parties de son corps, elle ne voit pas l’intérêt de les transformer. Adobe photoshop et sa fameuse touche annuler ( ctrl z pour les initiés) font partie du monde informatique. Hors de question de retoucher son corps si la touche ctrl z reste coincée dans un monde binaire.
Un jour, telle Sophie Marceau, une partie de son haut a glissé, laissant apparaître une partie de ses deux précieux trésors. Un passeur désobligeant hurla vulgairement « Waaa j'ai vu le soleil et la lune ! » Elle rougit en se rhabillant maladroitement et fut vexée de cette remarque. Mais la comparaison était majestueuse, astrale. Lové précieusement dans deux arcs de tissu, son buste fait fièrement un pied de nez à la chanson de Charles Trénet. Le soleil a un rendez vous avec la lune, la lune est là...
Liste d’ images dont on se souvient sans savoir pourquoi Ma sœur, son pantalon sur les genoux, elle ne ferme jamais la porte des toilettes à clés. Les milliers d’étourneaux qui se regroupent le soir. Nuages d’ailes noires qui se forment et se déforment, se séparent, se regroupent comme une valse sur un ciel sombre. Le cadavre d’un chat mort sur un trottoir, la rosée met en valeur son poil argenté. Le clochard qui fait un doigt d’honneur dans le dos de celui qui lui a refusé une pièce. Une pluie torrentielle se mélangeant au gravier blanc, comme si des litres de lait s’étaient déversés dans la rue.
Gwénaëlle NEAU imprimé en 2012 réalisé dans le cadre de l’atelier Errances EESAB – site de Rennes option : Communication, mention : Edition d’auteur, médiatisation Errances / le blog : http://www.errances.fr/ Errances éditions : http://errances.editions.free.fr/
Le corps ça suinte ça bave ça morve, ça sue, ça sécrète, non pas pour nous déranger comme les magazines féminins le font croire mais pour extérioriser, éliminer bactéries et virus... Il secrète, c'est inesthétique mais c'est hygiénique. Outre son aspect utilitaire, le corps est aussi un vaste terrain de jeu pour les grands comme pour les petits. Voici des exemples en images.