Sarah Montreuil
Réflexion quotidienne
sur l’animal
EESAB Rennes 2017
« Lorsque nous touchons un objet, nous y laissons un peu de nous-même : un fragment de peau et sa cohorte de bactéries occupées à dévorer et excréter. C’est notre signature olfactive. […]
Nous n’avons même pas à toucher un objet pour qu’il porte notre odeur : rien qu’en nous déplaçant, nous perdons des cellules cutanées. L’air s’embaume de notre sueur « déshumidifiante ». D’autant que notre odeur garde aussi le souvenir de ce que nous avons mangé, de qui nous avons embrassé, de qui nous avons pris dans nos bras. […] Un chien dressé saura même distinguer deux jumeaux rien qu’en les reniflant. »
Dans la peau d’un chien, Alexandra Horowitz, 2009
Lundi
Je ressens le dégout envers la colonie de fourmis qui s’est invitée sur mes affaires. Pourtant j’admire ces insectes. J’observe leur chemin. Elles ont improvisé une route : une file va dans un sens, l’autre va dans l’autre sens. Quand elles se croisent, elles se touchent les antennes très brièvement, pourtant elles se sont donné une quantité d’informations. Celles qui sont sur la route du retour libèrent malgré elles des phéromones donnant des explications à celles qui sont sur le chemin aller.
Mardi
Une fourmi se promène sur mon bureau. Elle est seule. Estce qu’elle était déjà là hier ? Je l’attrape délicatement pour la remettre par terre. Elle continue sa route sans sembler perturbée.
Mercredi
Une fourmi se promène à nouveau sur mon bureau. Estce que c’est encore la même ? J’aimerais faire pause pour pouvoir l’observer de près sans qu’elle ne bouge. Je lui propose mon doigt. Elle n’en veut pas. Je suis déçue. Elle connaît peut-être l’odeur des humains, elle est peutêtre au courant que cette odeur est synonyme de danger.
Jeudi
Plus de fourmi. Elles ont sans doute terminé leur mission. Une fourmi exploratrice de la colonie a peut être trouvé un meilleur endroit à visiter.
Un moucheron s’est posé sur mon écran. Je l’ai écrasé entre mes doigts.
Désolée je travaille
Ton coeur se fend lorsque tu te retournes pour découvrir que le craquement sous ton pied était un innocent escargot. Est-ce qu’il était conscient du risque qu’il prenait en se positionnant sur le bitume ? Ressentait-il la dureté du bitume ? Les matériaux rigides, à l’odeur artificielle, sont peut-être synonyme de danger.
L’escargot que tu viens
d’écraser a bravé le danger
Je suis tombée face à une araignée corpulente. Je ne la connaissait pas.
Je ne l’ai pas amenée dans le jardin, je l’ai mise dans le congélateur pour ensuite mieux l’observer. Je suppose qu’elle n’a pas apprécié, je suis vraiment très désolée.
J’observe le vol descendant d’une tourterelle. Elle tourbillonne. Son point d’arrivée est une antenne sur le toit d’une maison. Est-ce qu’elle la visait depuis le départ ?
J’ai encore trouvé une araignée. Je l’ai capturée, je l’ai oublié, elle est morte
puis elle a moisi. Je suis déçue mais maintenant, je sais qu’une araignée peut moisir.
Est-ce que l’iguane est
à l’aise avec cette position de pattes ?
Tu chasses le moustique qui vient battre des ailes trop près de tes oreilles. Tu étais en train de t’endormir confortablement lorsque son vrombissement t’as instantanément fait sortir de tes gonds.
Son sang fait une tâche sur ton mur
Est-ce que l’animal domestique est intéressé d’avoir
une plus belle gamelle qu’hier ? Nous avons choisi notre animal d’agrément, nous lui proposons l’hospitalité, nous prenons soin qu’il mange toujours à sa faim, en échange d’une présence réconfortante. Il est comme une pincée d’épices
dans un plat : il dynamise notre lieu d’habitation. L’animal domestique est un être supplémentaire à aimer. Pour lui prouver notre amour, nous lui offrons de beaux accessoires.
« L’être humain reconnaît le plus souvent les objets à leur forme.
Les chiens, eux, n’ont en général que faire de la forme que peuvent prendre, par exemple, leurs biscuits : c’est nous qui jugeons «pertinent» de les faire vaguement ressembler à des os. »
Dans la peau d’un chien, Alexandra Horowitz, 2009
Un papillon de mite a été
retrouvé mort dans le salon. Mon père me l’a gardé pour que je puisse l’observer.
Est-ce que les animaux peuvent ĂŞtre
satisfaits de leur allure ?
« Les chiens s’intéressent peut-être moins à la nouveauté visuelle qu’à la nouveauté tactile : une nouvelle sensation reperée sera inspectée par la bouche ou les griffes.
Un chien ne se demande pas pourquoi le bout de sa queue noire est blanc, ni quelle est la couleur de sa nouvelle laisse. » Dans la peau d’un chien, Alexandra Horowitz, 2009
Sarah Montreuil Imprimé en 2017 à Rennes Réalisation de l’édition dans le cadre de l’Atelier de Recherche et de Création « Errances », animé par Thierry Morré, Anna Boulanger et Catherine Le Carrer. Travail de reliure encadré par Annie Robine les 15, 16 et 17 mai 2017. Je tiens à remercier Thierry Morré, Anna Boulanger, Catherine Le Carrer et Annie Robine pour leurs propositions, leur suivi et leur confiance, Daniel Gastard pour la visite de la forêt de Brocéliande les 19, 20 et 21 décembre 2016 ainsi que l’EESAB, pour la liberté d’expression qui nous est accordée. Typographies : Georgia et Montserrat EESAB - site de Rennes Le blog Errances : http://www.errances.fr/ Errances éditions : http://www.errances-editions.fr