Le son des maux

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la nourriture la place un garçon la relation au père (c’est un livre qui l’a dit) les vieux la mort le plaisir (le vrai) les mots les mots seuls les larmes l’enveloppe le silence l’immensément grand l’infiniment petit comprendre avoir le corps



le son des maux

de Julie Steffan


paralysée embuée fatiguée déconcertée paralysée paralysée paralysée paralysée paralysée paralysée paralysée paralysée

paralysée

paralysée

ar l

à

paralysée

! z e s il


!


ma chambre un lit un parquet froid un canapé en cuir un canapé à plaid un champ de blé couché une plage un rocher chaud entre deux rochers chauds dans une baignoire pleine dans une baignoire vide assise sur un tabouret dans ma douche sur le ventre de mon papa sur le ventre de ma maman sur un accoudoir sur l’épaule d’un inconnu dans une assiette sur mon chat sous mon chat dans les bras d’un chien trois fois plus gros que moi dans un dortoir plein dans un dortoir vide sur une table dans une voiture sur une fourmilière (pas bien longtemps) dans ma piscine sous un glacier dans une grotte des Pyrénées dans un couloir sur l’épaule d’un amoureux parfois sur le corps d’un amoureux parfois emmêlée dans une couette auto gonflante


je me sens

m es libertĂŠs est posĂŠ

libre quand le cadre de


Tout petit, petit, petit. Je me sens à l’étroit J’ai peur de pas Réussir à Passer Plus Je Veux Entrer Plus je grossis Et je gonfle, gonfle Et je pousse, pousse, pousse Hop (grand cri) J’y suis (calme) Je me suis transformée en fourmi J’en ai fait une montagne Et maintenant j’y suis (calme) C’est grand, grand, grand Et j’ai la place de respirer Et même de m’envoler


il sait pas

ĂŠ

sine,

ds

e

re, il des i r c

es u g va


les maux se sont figés dans la glace mais la montagne heureuse les a laissé s’échapper les mots la glace fut brisée, percée l’eau a coulé



on va tous compter jusqu’à trois et manger nos doigts.

1

on va tous respirer puis les avaler.

2

on va tous mourir.

3

on va tous pouvoir partir.



il ne faut pas rĂŠpondre aux questions


tu pourrais les faire mourir


parfois je la serre dans mes bras, et je l’imagine disparaître dans une respiration mes rêves se sont essoufflés lorsque j’ai compris qu’elle ne les verrait pas tous se réaliser


IL VEUT PAS S‘ARRÊTER DE COULER J’AIMERAIS TROUVER DU SMECTA POUR LE NEZ


Le chat Peut être qu’il s’est assis sur moi parce que pour une fois j’étais la plus calme dans ma tête. Ça me rend heureuse. Peut être que c’est parce que je suis la plus angoissée. Mais ça je veux pas le savoir.


relecture relire relire recul


le ciel est bleu la peau est chaude les larmes sont liquides ma voix est rouge et les chats sont gris


l’herbe est verte mais parfois le soleil est froid le cri est silencieux mon cœur est froid et les chats sont toujours gris


j’aimerais pouvoir parler

mais mes orteils f

pas un mot c’est compliqué

j’arriv

mon vide est plein


font que s’agiter

pas une parole

ve plus à écrire

et vide


souvent quand l’infiniment petit prend possession de l’infiniment grand dans mon vide je bouge mes orteils je me suis toujours dit que ça évacuait mon vide mais ma colloc elle aime pas voir mes orteils s’agiter elle doit penser que j’évacue mon vide sur elle elle est sensible mais elle le sait pas ou alors elle est rigide mais alors si je vide pas mon vide j’ai le nez qui pique j’éternue quand j’ai le nez qui pique j’ai le nez qui pique quand j’ai envie de pleurer


parfois mon corps est si fatigué que mes genoux rejoignent mes pieds sans me prévenir. mes genoux ont fracassé le sol mes pieds ont bien ri




vent glacial corps chaud humidité sensuelle le ciel s’étire et se réveille doucement

dans la nuit on chuchote


Il est encore parti sans moi Je me suis sentie abandonnée J’aurais aimé pouvoir crier

étouffer aimer manger




je dĂŠcouvre que mon corps a une m


mĂŠmoire indĂŠpendante de la mienne


je ne me sens pas si libre



Ces habitants pourraient mieux se tenir.


Cerveau et Cœur ont décidé d’envahir Ventre. Ils savent bien qu’il est fragile mais ça leur est égal… Cerveau a envie de plein de choses, il s’agite et cogne Cœur, alors Cœur se met à battre, vite, plus vite encore. Ventre panique. Muscle et muscle deviennent fébriles. Ça y est, Corps ne veut plus rien faire.


Ils sont en train de vivre le plus grand raz-de-marÊe, jamais vu ici‌


Corps est submergé, Ventre englouti, Cœur noyé, Cerveau arrive à peine à sortir la tête de l’eau… Quelqu’un est venu dire à Cœur: « tu es le cœur ! », il a marmonné: « oui enfin jusque là ça va, je sais… » Quelqu’un est venu dire à Cerveau: « tu es le centre », il a souri et poussé une respiration de fierté qui a fait accélérer la cadence de cœur . Quelqu’un est venu dire à Corps: « t’es juste une enveloppe », c’était le commentaire de trop il a pleuré. Corps, avant il savait qu’il était la source de l’énergie, celui qui protège des coups, des regards et des mots… Quelqu’un est venu dire à Ventre: « tu es le cœur des émotions » C’est ici que le raz-de-marée a commencé… Il en savait rien lui. Quand Ventre est né il savait qu’il allait emmagasiner tout un tas de nourritures diverses et variées, organiser, trier… Il se sentait prêt et armé pour cette mission… Mais le « cœur des émotions » ??? Ça personne ne lui avait jamais expliqué… Elles sont changeantes, envahissantes, violentes, parfois assaisonnées de douces contradictions… Pour ça ? Il n’était vraiment pas prêt. Il a paniqué et Corps s’est liquéfié.


Ils habitent.


Corps va bien. Il a froid à l’extérieur, chaud à l’intérieur, c’est vraiment ce qu’il préfère. Pour Ventre tout roule. Cerveau va bien mais comme ce que tout le monde craignait, il commence à avoir trop de place pour s’agiter alors Cœur s’emballe. Tous ont encore du mal à cohabiter mais au moins ils habitent.


Douce collaboration


Cœur laisse ventre tranquille ces derniers temps. Ventre se repose. Cœur est apaisé, il court dans son coin et pour une fois n’embête ni Ventre, ni Corps, ni Cerveau… Cerveau regarde Cœur de loin… Il est un peu inquiet mais ne va rien dire parce qu’on va encore lui dire qu’il en fait trop. Cerveau pense que Cœur n’a pas assez réfléchi qu’il devrait courir moins vite… Mais Cerveau a bien compris que ça ne servait plus à rien de raisonner Cœur. Cerveau va rester derrière caché et rattraper Cœur s’il tombe.


Marathon


Cœur court toujours. Cerveau a du mal à suivre, il est loin derrière. Cœur ne fatigue pas.


Corps n’a pas pu


Corps en avait vraiment envie mais il s’est encore disputé avec Cerveau. Et Corps n’a pas pu. Il comprend bien qu’aujourd’hui il n’a plus de contrôle sur les autres.. Quoi que Cœur l’écoute encore parfois. Corps avait eu le sentiment d’être chaud à l’extérieur et liquide à l’intérieur, c’est la deuxième chose qu’il préfère. Cerveau ne supporte pas ça, dans ces moments il a vraiment l’impression d’être mis de côté.


Foutu pour foutu on va les laisser s’installer là où ils veulent.


Bon je suis allée voir Cerveau aujourd’hui j’ai trouvé Cœur à sa place, quand j’ai voulu avoir une discussion avec Ventre j’ai trouvé Cerveau. Imaginez… la veille j’avais enfin trouvé la motivation pour aller réconforter Cœur et je n’ai trouvé que Ventre.


À l’extérieur


« Elle va quand même pas payer 55euros par semaine ? » pense-t-il. Il regarde ce corps livide et se demande..Oh attends euh ah mince, là il voit des larmes sortir de ses yeux, petit ruisseau quand soudain RAZ-DE-MARÉE… « Merde… », se dit-il, « C’est à ce moment que je rentre en piste ». Il se redresse, se recoiffe, prend quelques notes (en vrai elle écrit 55+55+55+55=220 avec plein de cœurs à côté…) respire, se re-recoiffe, croise ses jambes puis, lui tend des mouchoirs et un sourire de compassion. Les mouchoirs font coaguler les larmes. Il ajoute « 55euros s’il vous plaît»


Vague de souvenir


Aujourd’hui Ventre s’est souvenu. On lui a présenté quelque chose il s’est recroquevillé. Cœur s’est mis à courir. Cerveau a eu envie de vomir.


Douce mĂŠlodie


Ventre fait ses affaires et s’agite. Corps est paralysé. Cerveau muet. Cœur effaré.


Je


Je me sens plutôt heureuse. Mais Peau n’est pas d’accord elle se tend, Ventre se tord, Cœur court trop vite.


Quelqu’un


Hier Quelqu’un est venu soulever Ventre. Il s’est laissé faire. Cœur fut submergé. Cerveau s’est laissé aller. Mais Peau a fini par se tendre. Quelqu’un a reposé Ventre.




Julie Steffan Écrits réalisés au cours de l’année 2019-2020 dans mon lit sur des wc dans l’herbe dans une maison de poésie en regardant Thierry en contemplant Anna en mangeant en pleurant dans moi


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