Très chairs

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Une promenade au cœur d’un univers chimérique dans laquelle se croisent des créatures hybrides au corps morcelés puis recomposés, combinaison de différentes identités réunies dans une même créature pour abolir les frontières entre l’animal, le masculin, le féminin. Tout se mélange, s’assemble, s’unit. Des éléments contradictoires se collent entre eux pour mettre en scène des espèces qui ne répondent plus au norme du genre. Dans une forêt grouillante, rentre une femme aux écailles bleues d’un serpent coulissant dans son corps. Là, un reptile aux écailles acérées sautillent dans son unique postérieur en forme de talon aiguille. Le déplacement est périlleux. Sous les eaux, un torse à deux têtes se dispute la direction tandis qu’un poisson aux dents menaçantes rentre dans une bouche lumineuse. Ces hybrides éclairent les dimensions cachées de l’homme et de la femme. Les créatures, projection de fantasmes, jouent avec l’attractif et le répulsif. L’œil, attiré par l’esthétisme de ces êtres, doute, ne comprend plus ce qu’il voit. Est-ce un homme ? Une femme ? Un animal ? Les frontières du genre sont brouillées, l’identité se construit par delà les masques. C’est la question de l’identité qui se joue ici ; identité de genre, identité sexuelle. L’union d’éléments hétérogènes parle d’une identité plurielle, d’êtres aux combinaisons multiples qui ne peuvent se soustraire à une unique définition. Quel rôle joue l’Autre, celui qui nous regarde, dans notre construction ? S’il détruit les masques que nous avons adopté au fur et à mesure de notre vie, cette destruction est-elle une mise à mort ? Mais sans l’Autre, comment savoir notre existence, qui peut nous penser, nous bâtir ? L’identité ne serait-elle qu’un reflet du regard des autres ? Ces hybrides font écho d’une quête de soi. Leur environnement est une ballade visuelle qui oscille entre la vie et la mort. Tantôt noir, tantôt blanc, leur univers joue de ce dualisme. Evoluer dans un monde qui nous contraint à nous comporter d’une certaine façon, c’est évoluer dans un monde mort. Celui du genre. Entre les paysages qui pulsent doucement, des squelettes se pavanent, sortes de résidus d’illusions. Et déjà le silence ébauche mille métamorphoses.





«Dîtes-moi, eût-il envie de lui demander, dîtes-moi tout du vaste monde mais comment adresser la parole à un homme qui ne vous voit pas, qui voit à votre place des ogres, des satyres, peut-être les profondeurs de la mer ?»

Virginia Woolf, Orlando







«Du reste, si je ne suis qu’une sorte de chose dans son rêve, qu’êtes-vous, j’aimerais bien le savoir ?»

Kathy Acker, Le Voir et Le Genre











«Alice, autrefois sujet, devient complètement objet, car «des centaines de voix» la décrivent à elle-même. Alors que le miroir reflète le miroir, je suis un sujet dans le monde jusqu’à ce que la Reine Blanche m’avertisse que, dans ce monde, les choses sont renversées et que les sujets ne sont pas ce qu’ils paraissent être.»

Kathy Acker, Le Voir et Le Genre









«Quand j’étais enfant, je savais que la séparation entre moi et la piraterie avait quelque chose à voir avec le fait d’être une fille. Avec le genre. Avec le fait d’évoluer dans un monde mort. Le genre avait donc quelque chose à voir avec la mort. Et pas avec la vue, car voir était être tout autre que mort. Voir était être un œil, pas un je.»

Kathy Acker, Le Voir et Le Genre











«Une vraie femme, une de ces créatures de cocktails, dansant lentement, quasi muette, jouant au tennis sans y croire et regardant la mer comme si la noyade était un destin parmi tant d’autres. Il s’avère que la femme, celle qu’il prend pour l’incarnation de la Femme, n’est qu’un hologramme projeté parmi d’autres hologrammes. La machine qui filme est mortelle, une sorte de lèpre.»

Marie Darrieussecq, Zoo







«Mettons tout de suite à part cette espèce de cage qu’est le désir de l’autre quand on se mire dedans.»

Marie Darrieussecq, Zoo









«Les vieux époux s’acharnent l’un sur l’autre comme deux insectes, comme deux bêtes qui s’entre-dévorent, l’une déjà à demi dans le corps de l’autre.»

Elfriede Jelinek, Les Amantes











«C’est pourquoi brigitte préfère encore se transformer en une extension du corps de heinz, une partie du corps de heinz.»

Elfriede Jelinek, Les Amantes











«Car l’amour possède deux visages, l’un blanc et l’autre noir ; deux corps, l’un lisse, l’autre velu. Il a deux mains, deux pieds, deux queues ; il a de chaque membre un double exactement contraire, mais si étroitement lié à lui qu’on ne peut l’en disjoindre. Et ce fut Lubricité le Vautour au lieu d’Amour l’Oiseau de Paradis qui vint s’affaler, flasque, dégoûtant.»

Virginia Woolf, Orlando











«Dans toutes les paroles de cette femme, il y avait quelque chose de caché ; dans toutes ses actions, quelque chose de masqué. La clarté de Sacha était toute en surface ; au dedans brûlait la flamme vagabonde.»

Virginia Woolf, Orlando





Clothilde Azam Atelier Errances Ecole rĂŠgionale des beaux-arts de Rennes Mai 2010





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