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Espace d’art contemporain HEC



XV

Espace d’art contemporain HEC



Sommaire

Laurence De Leersnyder L’Envers du vide, laissé par la pierre de l’entrée Les Frères Chapuisat The Altar of Sacrifice Ludovic Sauvage This Must Be The Place Sambre Evolution #4 – Nest Level Work in progress

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29 XXXIII

49 LIII

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HEC, une fenêtre sur l’art

En 1999, HEC Paris créait sous l’impulsion de l’entrepreneur et collectionneur Paul Dini, lui-même ancien élève de cette prestigieuse école, l’Espace d’art contemporain HEC. En pariant sur l’importance et la pertinence d’une sensibilisation des futurs dirigeants d’entreprises à la création plastique contemporaine, cette école de commerce française faisait ainsi figure de pionnière en ouvrant le campus à l’art contemporain. Dès lors, l’Espace d’art contemporain a accueilli de nombreuses propositions artistiques : des expositions, personnelles ou collectives, des artistes en résidence invités à concevoir des œuvres s’intégrant dans le campus et à porter un regard pertinent, amusé, décalé, sensible, mais toujours singulier sur le lieu. Par ailleurs, des forums et débats sur la place de l’art ont été organisés. Animée par l’ambition de favoriser les interactions entre l’art et les entreprises, l’école a affirmé au fil des années son rôle de passeur et d’acteur du monde de la culture. Je me réjouis d’autant plus de cette volonté d’une éducation à l’art qu’il est désormais acquis que la culture représente un véritable atout pour l’économie française. […] C’est pourquoi je forme le vœu, pour son quinzième anniversaire, que l’Espace d’art contemporain HEC continue d’être une fenêtre sur l’art, incontournable et nécessaire à l’épanouissement des cadres et des dirigeants de demain. Aurélie Filippetti Ministre de la Culture et de la Communication

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XV

XV est la nouvelle publication de l’Espace d’art contemporain HEC lancée à l’occasion de son quinzième anniversaire. Entre livre et revue, celle-ci marque notre volonté de présenter régulièrement nos actions en cours de conception ou récemment concrétisées. Complétant Quinze ans d’art à HEC dont le propos est de reconstituer notre « histoire » entre 1999 et janvier 2014, XV se veut vivante, évolutive et dynamique, reflet de l’interaction entre le campus et la création plastique la plus contemporaine. XV s’adresse à l’ensemble de notre communauté composée à la fois de spécialistes, de théoriciens et de néophytes. Cet exercice est difficile : comment faire en sorte que chacun y trouve un intérêt ? Conçue comme un « objet », nous avons souhaité que XV alterne des textes critiques, des interviews, des visuels, des schémas, des photographies… Depuis 1999, nous nous sommes attachés à inviter sur le campus des plasticiens de génération et de pratiques différentes. Nous avons privilégié les belles rencontres et les liens de confiance. Des cartes blanches ont été laissées afin d’expérimenter et de réaliser des pièces improbables dans d’autres lieux. Au sommaire de cette première édition, sont évoqués : –– les réalisations des Frères Chapuisat, de Laurence De Leersnyder, de Ludovic Sauvage et de Sambre ; –– notre parcours Vestiges Éphémères qui marque notre présence pérenne sur le campus ; –– l’exposition Économie humaine, programmée à l’automne 2014, dont Paul Ardenne est commissaire en collaboration avec Barbara Polla ; –– le partenariat avec Glassbox centré sur l’articulation art contemporain / patrimoine / parc de sculptures ; –– la possibilité de l’ouverture d’un musée d’art contemporain HEC, impulsé par des élèves de la Majeure Médias, Art et Création. Enfin, pour enrichir nos propositions plastiques, nous sommes en train de concevoir le dispositif Valeurs carrées : un espace de travail et de réflexion à l’intersection de plusieurs disciplines ayant pour objectif d’encourager des coopérations inattendues. Nous nous réjouissons d’élargir chaque année la palette de nos interventions et remercions chaleureusement toutes les personnes qui nous accompagnent. XV est inaugurée le 18 mai lors de la célébration des quinze ans de création contemporaine sur le campus HEC et paraîtra régulièrement pour restituer nos actions à venir. Anne-Valérie Delval Directrice de l’Espace d’art contemporain HEC

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Laurence De Leersnyder Depuis mars MMXIII

J’aimerais que les élèves puissent investir ma création comme un lieu En résidence sur le campus, comment avez-vous approché le contexte HEC ?

Laurence De Leersnyder : J’ai exploré le campus d’une manière paysagère. Le site abrite un très grand parc dans la tradition des parcs à fabriques. En contrebas, on trouve un château, un lac et une grotte artificielle datant du milieu du XVIIIe. Je suis d’emblée allée vers cette grotte et j’ai choisi d’investir cette particularité des lieux. D’une manière générale, j’ai plaisir à travailler à l’extérieur et dans la nature. Même si ce n’est jamais évident de se confronter à un paysage.

quand j’ai commencé à tester le travail de la terre. Je rentrais dans un coffrage pour piétiner la terre, puis je détruisais tout pour essayer une nouvelle méthode. Comment avez-vous travaillé ?

Dès le début, j’ai proposé un projet de sculpture pérenne, parce que la volonté de montrer et de laisser des pièces sur le campus – à travers le parcours, un parc de sculptures – était présente. Cette création a demandé une année de préparation pour trouver un partenariat, finaliser le budget, obtenir les autorisations et travailler avec un ingénieur et une entreprise de BTP. Quels sont les enjeux d’une telle création ?

Avez-vous eu des interactions avec le personnel HEC ?

Au début assez peu. Puis rapidement, quand j’ai commencé à produire, j’ai été amenée à rencontrer les gens qui travaillent sur le campus. Notamment les personnes qui s’occupent de la maintenance du site. Les espaces verts et les ateliers (serrurerie, menuiserie) sont vite devenus des interlocuteurs incontournables.

Pour ce projet, qui est en cours de réalisation, j’ai cherché une idée qui préserverait ma pratique de sculpteur tout en allant vers une échelle plus monumentale, à l’image des espaces du campus : les bâtiments, les pelouses ou le parc présentent tous des dimensions imposantes. Pour y poser un objet sur le long terme, il fallait passer à cette échelle-là. En même temps, je voulais garder un geste, une démarche, qui soit celle du sculpteur, et non celle de l’architecte.

Qu’implique le fait de travailler sur place ?

Lorsque je travaille sur place, je déjeune au restaurant du personnel. Ce type de lieu favorise les moments d’échanges, même brefs. Ces occasions permettent de créer du lien. Néanmoins, cela prend du temps pour être identifiée et soi-même pouvoir identifier tout le monde. J’ai aussi rencontré les gens au fur et à mesure que j’avançais dans mes projets. Pour ma pièce pérenne, par exemple, j’ai sollicité la direction des relations entreprises afin de trouver des partenariats, en l’occurrence avec Lafarge. Quelles relations avez-vous eues avec les élèves ?

J’ai d’abord vécu sur le campus à la fin de l’année scolaire, ce qui ne m’a pas permis d’en rencontrer beaucoup. Quand je suis revenue en septembre 2013, l’ambiance était totalement différente. Les élèves avaient réinvesti le campus. Lorsque j’ai fait des repérages derrière le bâtiment des études pour mon second projet, j’ai eu l’occasion d’échanger avec quelques-uns. Ils étaient intrigués de me voir, depuis leur salle de cours, arpenter le terrain dans un sens puis dans l’autre. Sans connaissance préalable du projet, mes gestes pouvaient paraître absurdes. Surtout

En quoi consistera ce projet ?

J’ai été inspirée par le mégalithique et ses pierres levées. Les menhirs sont une forme d’architecture primitive dont les enjeux rejoignent ceux qui animent ma recherche, autour du geste premier et des formes archaïques. Concrètement, le projet consiste à prendre une empreinte du terrain : je creuse, directement dans le sol, une tranchée, dans laquelle je viens couler du béton. J’obtiens ainsi une empreinte moulée « d’après nature » avec des teintes dues aux différentes qualités de terre et de sable. Ensuite, chaque moule est levé, à la manière des monolithes. C’est important de le faire in situ : le lever et le relever directement là où il a été coulé. Quels effets comptez-vous obtenir ?

Il y aura une confrontation entre une face coffrée totalement lisse – qui appartient davantage à l’univers du béton, du préfabriqué et de l’architecture, rappelant un mur de bâtiment – et une face contre terre qui présentera un aspect rocheux avec des reliefs, des teintes. Je prévois de réaliser trois empreintes. Chacune mesure 5 mètres de haut sur 1,5 mètre 9


de large et leur base de 90 cm se rétrécit en forme de triangle. Elles pèseront chacune entre 10 et 12 tonnes. Formant un trilithe – une association de trois monolithes –, elles seront placées à l’intérieur d’un cercle sur une pelouse derrière le bâtiment des études. En face d’un couloir qui dessert les salles de cours. Envisagez-vous des détournements de votre travail ?

Je n’envisage pas réellement de détournement, mais j’aimerais que les élèves puissent investir cette création comme un lieu. Je souhaite qu’ils s’approprient cet emplacement dessiné par ces trois sculptures, par exemple pour s’y réunir ou tout simplement déjeuner : un peu sur le modèle des cromlechs du mégalithique, dont on ne connaît pas précisément les usages ni les rituels qui s’y déroulaient. Même si ce n’est pas le seul enjeu de cette pièce, je souhaite que l’on puisse se projeter dans cette mythologie. Ce projet marque-t-il une rupture par rapport à vos dernières créations ?

Il demande une logistique beaucoup plus importante que les pièces que je produis généralement dans mon atelier. Sa réalisation exige une autre échelle de travail : plus architecturale. Et je n’avais jamais collaboré avec des intervenants extérieurs. C’est complètement nouveau, car, d’habitude, je fais tout moi-même. Comment est né votre autre projet, celui sur la grotte intitulé L’Envers du vide, laissé par la pierre de l’entrée ?

À mon arrivée sur le campus, j’ai tout de suite été intriguée par cette grotte artificielle située en contrebas. Avec la cascade et le lac, elle complète cette fabrique de jardin construite autour du château dans la tradition des fabriques dites naturelles. Et finalement le projet des monolithes rejoint cette question d’une nature artificielle. J’ai eu envie de réaliser un moule de l’entrée de cette grotte. Une manière d’évoquer aussi les grottes maniéristes du XVIe figurant la nature sous ses formes les plus étranges, à travers le moulage « d’après nature » ou le « prélèvement in situ ». Bernard Palissy en était le maître incontesté. Il a fait des moules de serpents et de grenouilles qui sont très intrigants. Qu’est-ce qui vous a intéressée ?

Cette grotte a été construite en pierres meulières déterrées sur le site. J’aime cette idée de prélever dans son environnement direct la matière d’une construction. On en retrouve aussi à de nombreux endroits sur le campus. Son évocation rentre donc en résonance avec le lieu. Techniquement, 10

comme c’est une pierre poreuse et pleine d’anfractuosités, j’ai senti que son moulage donnerait des résultats intéressants. Au départ, j’étais poussée par l’envie de voir le négatif de la grotte : la possibilité d’imaginer son volume en creux. Très souvent, mon travail joue sur des phénomènes d’inversion : du plein et du vide, du dedans et du dehors. Dans cette création, plutôt que de voir l’extérieur d’une masse, on est confronté à l’intérieur d’un vide. Quelles techniques avez-vous utilisées ?

Je suis partie d’une technique de moulage assez traditionnelle, avec une empreinte en élastomère. J’ai appliqué cette matière, proche du silicone, sur la pierre de l’entrée. Ses plus petits reliefs, toutes les qualités et les teintes ocre de la roche, les moindres débris comme des racines décomposées et des lichens ont été pris au piège de cet élastomère. Ce fut assez étonnant de le découvrir au moment du démoulage. Dans l’empreinte, comme dans la photographie, le démoulage dévoile toujours quelque chose de la forme que l’on n’avait pas saisi auparavant. Le moule est en réalité une forme nouvelle. Que faut-il faire ensuite ?

Une fois retirée, l’empreinte en élastomère est molle. Un peu comme une chaussette avant que l’on ne l’enfile. Une seconde étape consiste donc à badigeonner l’élastomère de résine pour former des coques rigides qui garderont la mémoire du volume de la grotte. L’élastomère est ensuite replacé à l’intérieur de ces coques. On obtient ainsi un intérieur et un extérieur, un devant et un dos. Ici, ces notions sont brouillées puisque le dedans est visible au même titre que le dehors. Les deux se mélangent et créent ce jeu de matière entre les deux faces, entre l’organique et le synthétique. J’ai traité les coques en résine comme l’arrière d’un décor de théâtre en choisissant de laisser bruts et visibles les tasseaux de bois qui viennent renforcer la structure pour la tenir debout. Aviez-vous envisagé cette allusion au théâtre dès le début ?

Cette intention était présente dès la genèse du projet. Dans cette sculpture, l’empreinte se joue de la notion de décor. Sa qualité de détail fait songer à s’y méprendre à de la roche, et l’on pense à une reconstitution, un ornement. On en revient aux réalisations maniéristes comme les fausses concrétions ou les fausses stalactites. Comment découvrir ce projet ?

Composée de trois parties, cette pièce a été exposée dans le hall du bâtiment académique


du MBA. Ce sont des sculptures imposantes de trois mètres de hauteur. Il fallait trouver un lieu qui puisse les accueillir. Le hall de ce bâtiment possède une hauteur importante et c’est un lieu de passage, ce qui convenait parfaitement. De plus, l’architecture de cet édifice est intéressante. Ses murs sont bruts de béton, mais les aménagements intérieurs sont très chics. Cette dualité rappelle aussi celle des sculptures qui sont à la fois brutes et sophistiquées. J’ai envisagé ce lieu dès le départ et d’ailleurs j’ai teinté la résine en fonction de la nuance générale qui se dégage à l’extérieur du bâtiment et dans les aménagements. Je voulais que la teinte de la pièce résonne avec celle du lieu, entre le bronze et le bronze doré. Quels retours avez-vous eus ?

Nous avons eu des réactions positives : les gens étaient contents de voir cette sculpture dans leur bâtiment. Nous avons eu aussi la question traditionnelle « Est-ce de l’art ? » ou plus fréquemment, dans le contexte international de HEC : “Is it art ?”

notre regard. Il faut, de temps en temps, le « déformater » ! Exposer dans ce bâtiment m’a permis de me confronter à de nouvelles problématiques. C’est un enjeu artistique de faire exister ce type de pièce dans ce lieu non dédié à l’art. Que vous apportent les résidences artistiques ?

J’aime le principe des résidences : cela m’oblige à sortir de la pratique d’atelier. C’est l’invitation de l’Espace d’art contemporain HEC et la présence de ce parc à fabriques sur le campus qui m’ont amenée à ce projet-là. Sans cette résidence, je n’aurais jamais fait ce type de moulage. Je n’en aurais même pas eu l’idée. Je ne me serais pas dit : il faut absolument que je trouve une grotte pour faire un moule ! Cela me donne envie d’explorer d’autres fabriques : cela pourrait m’intéresser d’avoir plusieurs entrées de grotte… Propos recueillis par Laurent Lefèvre

Que deviendra votre création ?

Une des parties est aujourd’hui exposée à l’accueil du campus. Les visiteurs, les élèves et les professeurs peuvent la découvrir lorsqu’ils entrent par ce lieu de passage. Une autre partie est présentée dans l’Espace d’art contemporain. Quelles réactions souhaitez-vous susciter ?

Cette sculpture joue de l’ambiguïté : beaucoup pensent qu’il s’agit d’un artefact, alors que c’est réellement une empreinte. J’aime cette ambivalence et la possibilité d’être confronté à quelque chose de très organique au hasard de la déambulation. Le fait de passer tous les jours devant peut subrepticement changer le quotidien de ceux qui fréquentent le bâtiment. Quand on l’enlèvera, j’aimerais que les gens se disent : « Tiens, c’est dommage : on aimait rencontrer cette sculpture chaque fois que l’on passait par ici ! » Et la grotte du campus est finalement peu connue du personnel. C’est intéressant d’imaginer qu’il puisse découvrir l’existence de cette grotte à travers son moule. Est-ce intéressant d’intervenir dans un lieu non dédié à l’art ?

Oui, cela m’intéresse. C’est là qu’il peut y avoir quelque chose de réussi, d’important qui se passe. Travailler dans ces lieux provoque ce type de confrontation. C’est toujours intéressant de sortir du white cube de la galerie parce que nous avons aussi, à travers nos études, formaté 11


L’Envers du vide, laissé par la pierre de l’entrée Résine, élastomère, bois, MMXIII

Les Formes du retrait Un titre – L’Envers du vide, laissé par la pierre de l’entrée – et tout est dit : le sentiment de la nature, le redoublement de l’artefact, l’attachement quasi pictural à la qualité des surfaces, la dialectique de l’empreinte, dont Laurence De Leersnyder maîtrise subtilités et contradictions. Et surtout, la puissance évocatrice de ses sculptures auxquelles se heurte l’analyse. Car dans ce titre se dit aussi l’évidence qui laisse pantois, celle du « semblable […] comme négativité » 1 : l’écart, le fameux inframince de Marcel Duchamp. “A Guest + a Host = a Ghost” Étrangement, résonne, dans cette formule duchampienne 2 comme dans le titre L’Envers du vide, laissé par la pierre de l’entrée, le souvenir de ces quelques mots glanés dans L’Apocalypse : « Au principe, le fantôme est le verbe de la forme »… Étrangement, parce que seul son pouvoir suggestif justifie de convoquer une telle référence lorsque l’on aborde le travail de Laurence De Leersnyder. Au principe, justement, pour elle, pas de forme prédéfinie, pas d’idée préalable, pas de concept sous-jacent, mais une attention au faire, à l’expérimentation. Pas de hasard non plus : il ne s’agit pas de laisser la matière opérer à sa guise. L’artiste choisit ses matériaux pour des propriétés physiques, symboliques ou esthétiques qu’elle fatigue, voire contrarie. Gestes et procédures restent simples : creuser, étirer, agglomérer, etc. Mais toujours, quelque part : retirer – que ce soit physiquement, mentalement, métaphoriquement. Plonger la main dans la terre, ménager un creux, puis couler dans ce moule la matière d’un volume à venir. Tasser de la terre dans un parallélépipède rectangle, puis séparer le pilier de terre de son coffrage en bois pour, parfois, faire apparaître une crête en bas-relief sur des panneaux bakélisés, parfois, faire s’ériger de friables stèles sans destination. En somme : élaborer des formes du retrait – dans toute l’acception du terme. « Un Invité + un Hôte = un Fantôme » La formule pourrait également s’appliquer ici au fait même de produire dans le contexte d’une résidence. Ainsi, Laurence De Leersnyder ne pouvait que trouver, dans l’aménagement paysager du campus HEC, un terrain de jeu propice au développement de sa pratique : 12

un château, un lac et une grotte, tous deux artificiels, quelques imposantes pierres meulières posées çà et là, ébauchant le pittoresque d’un parc à fabriques des xviiie et xixe siècles. Pour la première de ses productions sur site, l’artiste poursuit donc son travail sur le motif (littéralement) et réalise un moulage de l’une des entrées de la grotte qu’elle présente en trois morceaux. Formellement, tout oppose la face convexe de la sculpture et sa face concave. Pourtant, du badigeon d’élastomère appliqué sur la roche au boulonnage des coques de résine entre elles, les différentes étapes du procédé technique brouillent l’assignation nette de l’envers et de l’endroit, du moule et du volume, de l’extérieur et de l’intérieur, de l’empreinte et de l’objet. On se souvient alors que l’artiste fait souvent de leurs coffrages les socles des sculptures. Et que du ciel ou de la terre, bien malin celui qui saurait déterminer la forme de sa contre-forme ! On circule autour de l’arche brisée que composent ces trois morceaux de moulage de la grotte, on passe de l’autre côté de la structure que les étais en bois relèvent comme le parement d’un décor de théâtre. L’impression de facticité, accentuée par la résine, renvoie à l’ambiguïté de ces fabriques, où se rejouait « la quête du fantastique naturel » 3. Au sol, la clef de voûte de l’entrée s’offre d’ailleurs comme une conque. Ou comme l’un de ces moules d’après nature que construit l’artiste : de ceux qui lui permettent de recréer artificiellement des formes naturelles. La boucle est bouclée : à mesure qu’elle tourne et retourne facétieusement « la peau des choses » 4, Laurence De Leersnyder nous arrache au réel pour mieux gagner notre adhésion. Marie Cantos, critique d’art 1

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Georges Didi-Huberman, La Ressemblance par contact. Archéologie, anachronisme et modernité de l’empreinte, Paris, Les Éditions de Minuit, 2008, p. 275. Marcel Duchamp, « Morceaux moisis », in : Duchamp du signe : écrits (1975), Paris, Gallimard, Coll. Champs / Arts, 2013, p. 177. La formule “A Guest + a Host = a Ghost” [« Un Invité + un Hôte = un Fantôme »] était inscrite à l’intérieur du papier d’emballage des bonbons distribués lors de l’exposition William Copley à Paris, à la galerie Nina Dausset, en décembre 1953. André Leroi-Gourhan, Le Geste et la parole. Tome II : La Mémoire et les rythmes (1964), Paris, Albin Michel, Coll. Sciences d’aujourd’hui, 1998, p. 213. Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit (1964), Paris, Gallimard, Folio essai, 2002, p. 69. L’expression « la peau des choses » est évidemment empruntée à Henri Michaux (Aventures de lignes, 1954).


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Les Frères Chapuisat Avril – octobre MMXIII

Nous sommes des explorateurs dont le travail se nourrit d’accidents heureux En résidence à HEC, les Frères Chapuisat vivent in situ sur le campus. Leur projet intitulé The Altar of Sacrifice (Autel du sacrifice) questionne la notion de passage. Pour arriver au bout de leur salle construite dans le prolongement d’une grotte existante, il faudra oser se lancer et explorer avec tous ses sens. Vous aimez faire du visiteur un explorateur : qu’avezvous découvert de surprenant sur le campus HEC ?

Les Frères Chapuisat : C’est un espace hors normes. D’habitude, nous travaillons dans des lieux plus institutionnels comme des centres d’art et des parcs de sculptures. Nous avons eu carte blanche pour explorer tout le campus. Nous nous sommes intéressés à la vie des élèves plus qu’au travail, à l’école en soi. Ici, nous sommes sur un campus à l’américaine sur lequel vivent les élèves. Vous explorez avec votre corps, vos sensations ou à partir d’hypothèses ?

Nous explorons avec les tripes ! Nous avons observé et nous avons posé de nombreuses questions pour comprendre ce qui se passe, la vie hors du cursus. Les élèves font-ils du sport sur le campus ? Ont-ils une piscine ? Où se déroulent leurs soirées ? Élément inattendu, la grotte fait partie des lieux du campus que l’on fait visiter. Passionnés de spéléo, cette visite a touché notre fibre grotte ! Qu’est-ce qui vous a plu dans cette grotte, une construction maniériste du XVIII – XIXe siècle ?

Ce qui nous a intéressés, c’est que cette grotte soit le lieu où se déroulent les journées d’intégration. Mais elle nous semblait trop facile : elle manquait un peu de cojones ! Nous avons voulu lui ajouter une salle un peu plus anxiogène. C’est de là qu’est partie l’idée de greffer cette salle cul-de-sac. La grotte initiale n’est que passage, on la traverse. Dans notre proposition, on arrivera au bout. D’où le nom de votre installation The Altar of Sacrifice (Autel du sacrifice) ?

Le titre est venu assez tôt : il s’agit de l’intitulé d’une chanson de Slayer. Nous sommes partis de là. Dans ce projet, nous avons voulu explorer

la notion de passage. Il y a l’objet, le dedans et il y a un passage. Pour nous, c’est presque le plus important. Difficulté d’accès, rite initiatique et de régression participent à ce passage. La grotte est à la fois un symbole et un écrin propice à ces rites (naissance, mort)…

C’est effectivement présent dans la grotte en soi. La grotte est aussi un élément du nomadisme, notion essentielle dans notre travail. Avant le sédentarisme, les grottes étaient des lieux de protection des nomades. À cause de notre façon de travailler, nous faisons l’expérience d’un nomadisme accidentel : nous vivons en permanence sur nos lieux de création. En ce moment, nous résidons sur le campus, comme des élèves.

Est-ce important de vivre sur votre lieu de création ?

Pour nous, c’est primordial. En douze ans, nous n’avons jamais connu une vie de sédentaire, et les conforts qui l’accompagnent. Quand on s’imagine en sédentaire, le résultat n’est pas brillant ! Tout notre travail s’est naturellement nourri de ces conditions. Avant, nous étions à 100 % sur les chantiers. Aujourd’hui, vu leur multiplication et leur complexification, nous passons moins de temps sur chaque chantier. Le fait d’avoir vécu sur le campus a-t-il fait évoluer votre projet ?

C’est davantage l’aventure autour du projet que le projet en soi qui s’imprègne de cette vie in situ. Le projet n’est qu’une partie d’un tout. C’est le noyau d’un fruit qui est fait de rencontres, de vie sur le campus, et de partage de repas. Ce que nous vivons ici dans le présent va probablement influencer une future création. Vous construisez à partir d’un plan comme l’architecte ou comme l’araignée qui tisse sa toile provisoire à son échelle, en fonction de son environnement ?

Pour mener à bien l’ensemble des étapes du projet, il faut être un hybride de ces deux figures. De plus en plus monumentaux, nos projets nécessitent une gestion comme un chantier d’architecte, avec des chefs d’équipe, des ingénieurs. On joue comme des adultes, mais on reste des joueurs ! Nous restons dans du jeu, dans de l’improvisation. Notre projet devait être en béton armé. Depuis quelques jours, 29


nous avons complètement changé et décidé de faire une pièce uniquement en fer à béton. Vous avez donc dû modifier vos plans !

Au départ, nous avions conçu un petit dessin en 3D pour inviter les commanditaires à imaginer le projet. Sur place, on se confronte aux réalités du terrain : nous n’avions jamais utilisé une pelle mécanique. Nous en avons loué une et nous avons creusé : on a joué au BTP ! Pour nous, c’était déjà un exploit… Ensuite, il a fallu se battre contre les éléments météorologiques. Nous avons eu beaucoup de boue et de la pluie. C’est un enchaînement d’actions-réactions : nous naviguons à l’aveugle. Ces solutions sont-elles uniquement techniques ?

Au départ, ce ne sont que des problèmes techniques. Petit à petit, cela devient des solutions artistiques : les frontières se brouillent. La solution purement technique de construire notre pièce en fer à béton n’était pas du tout prévue. Confrontés à des situations inconnues, nous expérimentons : plutôt que de coller à nos intentions initiales, on se dit « pourquoi pas ? » Nous sommes des explorateurs. Sur le terrain, des accidents heureux peuvent arriver. Il faut savoir les attraper et les transformer en quelque chose de fort. Notre travail se nourrit souvent de ce genre de situations. Il s’agit d’un exercice d’équilibre entre laisser-aller et contrôler. C’est un peu comme la voile : il faut savoir louvoyer avec les éléments ! À l’opposé d’une galerie d’art, une grotte est sombre, multifonctionnelle, parfois sale…

Artistes de l’art contemporain, nous sommes les premiers à nous détacher des références de ce monde. Pour ce projet, nous sommes très heureux de ne pas avoir à penser ou à mettre en lien notre travail avec l’art actuel.

L’aspect difficilement accessible de la grotte vous a intéressés ?

Cette question d’inaccessibilité est inhérente à notre travail qui explore, depuis le début, la notion intérieur-extérieur. Nous proposons des espaces immersifs, qui peuvent être des espaces de vie, dans lesquels on doit pouvoir se perdre. Nous ne sommes pas devant un tableau. On peut aussi se perdre devant un tableau, mais nous avons besoin de plus. Nous avons tout de suite construit des structures proches de l’architecture. Il y a peut-être aussi un résidu de méritocratie protestante très présente à Genève.

besoin de mettre en condition la personne qui découvre notre travail. Dans la plupart de nos installations, pour accéder à l’entrée, il faut se mettre à quatre pattes : changement de point de vue ! Dans un centre d’art, on est assis ou debout. Là, on passe à quatre pattes : cela sert tout de suite une régression. C’est d’emblée une bonne introduction en matière. Ensuite, le passage, presque comme un rite hindou, nous lave. Certains acceptent tout de suite. Pour les plus peureux, pour qui le passage est beaucoup plus dur, cela leur permet un apprentissage rapide. Les récalcitrants se testent avant de se lancer dans le passage. Dans Hyperespace, la cimaise est une porte d’entrée dans laquelle il faut se glisser. Tout le monde a-t-il osé ?

Seuls 30 à 40 % des visiteurs ont tenté d’explorer. Les autres restent devant l’entrée, qui devient un lieu d’échanges. Cela crée une rencontre, quelque chose que nous n’avions pas envisagé. Ceux qui ont exploré sortent et racontent leur expérience à ceux qui sont devant et n’osent pas rentrer ou qui attendent un ami ou un parent. Ceux-là sont uniquement dans l’imaginaire : ils imaginent ce que leur proche est en train de vivre. Lorsqu’ils le voient ressortir dans un état second, en nage, il y a un échange, des tentatives de verbalisation, de transmission d’émotions. Cela crée quelque chose de très fort entre ceux qui ont tenté l’expérience, ceux qui hésitent, et ceux qui sont sur le point de rentrer. Dans vos installations, on explore avec tous ses sens. La vue, sens privilégié de l’art, est mise en suspens. Est-ce pour déstabiliser nos attentes ?

Nous essayons vraiment de revenir aux tripes. Dans le monde de l’art, la vue est survalorisée, et les autres sens complètement sous-estimés. Nous avons voulu explorer cet aspect qui manquait dans le monde de l’art contemporain. Dans les performances, c’est le performeur qui se fait plaisir, qui vit le truc. Nous sommes exclus : on reste là à regarder. La quasi-totalité des œuvres d’art contemporain doivent être vues. Et il ne faut pas les toucher, avec cet aspect sacré et religieux des centres d’art. C’est aussi parti de là : le « côté sale gosse » qui, lors des visites dominicales d’expo, n’avait pas le droit de toucher les œuvres ! Au moment où nous avons commencé, il y avait très peu d’installations immersives, où le public pouvait vivre. Et dans la grotte, quels sens voulez-vous éveiller ?

Qu’apporte cette difficulté d’accès ?

Elle permet de protéger l’intérieur, et nous avons

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Tous, sans exclusivité ! Mais nous ne sommes pas programmateurs : nous restons des explorateurs.


Sa forme ovoïdale évoque un nid. Vos installations mettent souvent en présence le visiteur avec un habitat naturel. Vous voulez confronter « l’homo urbanus » à ses origines ?

Assez animal, tout notre travail est un peu un rappel à ces notions : nous avons cela dans les tripes ! Mais nous n’avons pas développé la forme pour qu’elle fasse penser à un nid. La forme s’est imposée techniquement. C’est plutôt la fonction qui définit la forme. Est-ce un rappel à nos obligations envers notre environnement ?

Nous ne le voyons pas comme cela. On se considère plutôt comme des rêveurs qui essayent d’amener les gens à sortir de leur quotidien, à expérimenter. Nous leur offrons une échappée, que l’on conçoit, de manière très égoïste, d’abord à notre intention. Nous avons grandi dans la forêt. Pour nous, la ville n’a jamais été cela : nous la regardons avec des yeux d’un enfant qui a grandi dans la forêt. Vos propositions spécifiques à un lieu sont souvent éphémères. Est-ce aussi le cas pour votre installation à HEC ?

Cela dépend comment on définit l’éphémère. Le projet initial en béton devait rester. Notre installation en fer à béton pourrait tenir au moins dix ans. Contractuellement, nous n’avons pas à réaliser une installation pérenne, mais notre pièce devrait durer un certain temps. Envisagez-vous des usages détournés de votre projet qui pourra évoluer au fil des explorations des élèves ?

Nous l’espérons ! Nous souhaitons que la grotte devienne un lieu où des choses inavouables se déroulent… Nous l’offrons aux élèves, en espérant qu’ils inventent des usages détournés. Sinon nous ne l’aurions pas réalisée ici. Si nous venons nous greffer sur le campus, ce n’est pas pour ensuite imposer des règles à la vie d’élèves. S’ils veulent agrandir la grotte, la détruire, y faire l’amour… Libre à eux d’en faire ce qu’ils veulent. Pour sa visite, vous recommandez un équipement et un entraînement spécifiques ou le lâcher-prise ?

Nous déconseillons le port des minijupes et des talons aiguilles : optez pour une tenue de promenade ! Et gardez à l’esprit la devise du protestantisme : Post Tenebras Lux. Après les ténèbres, la lumière. Propos recueillis par Laurent Lefèvre

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The Altar of Sacrifice Fers à béton, béton, MMXIII

Avant d’évoquer la grotte des Frères Chapuisat, il faut parler de sa recherche. On sait qu’elle est là, quelque part dans les bois du campus. On nous a dit qu’elle était en contrebas, juste avant d’arriver au lac artificiel qui reflète inlassablement le château XVIIIe encaissé à l’extrémité de la propriété. Alentour, un homme pêche, une jeune femme croise notre chemin avec son labrador, deux élèves joggent. Tous ont l’air de savoir, mais font comme si de rien n’était. On chauffe, on aperçoit l’entrée de la grotte maniériste du XIXe sur laquelle, on nous a prévenus, les Chapuisat se sont appuyés pour la leur. S’ouvre un espace pseudo-minéral, imitant la formation naturelle des pierres. Une cascade ornementale sert élégamment de motif visuel et sonore à cet écrin de voluptés libertines, comme il était d’usage à l’époque des jardins de fabrique. Quelques canettes hors d’âge et une chaise sans dossier jonchent la roche artificielle. Entre l’érotisme au jardin du temps des courtisanes et la réunion de teenagers sur le mode feux de camp-pétard, il nous semble surprendre la Pompadour en plein rendez-vous galant avec le môme de Ken Park. Une première percée en lucarne nous a conduits sur une fausse piste, on poursuit, on contourne par la droite une sorte de chambranle rocheux qui nous ramène vers le sous-bois, on distingue un orifice minéral contre un talus. Terrier dans tumulus. On pense à Lewis Carroll, puis à la Marilou de Gainsbourg. C’est ici, c’est sûr, il va s’agir de passer de l’autre côté. On sait dorénavant que s’ouvre devant nous un espace à l’intersection de la rêverie et du jeu, qui nous propose, comme un outil en avance sur l’invention de son application, de concevoir l’usage du site par la pratique que nous en ferons. On rassemble nos chairs, étoffes, sac à main, et l’on se lance les pieds devant. On découvre que l’embouchure ourlée de béton n’est qu’une espèce de suture recouvrant l’extrémité d’une multitude de tiges de métal, qui se propagent à l’intérieur de la cavité dans une trame lisse et maîtrisée. Masse d’air immobile, ambiance cérémonielle, nous sommes dans un boyau métallique, froid et hiératique. Peu de lumière, mais un semblant d’éclairage zénithal filtre encore au travers des entrelacs de fer à béton au-dessus de notre tête, qui situe l’édifice entre la grotte du Vendredi de Michel Tournier et la garçonnière coloniale 32

aux persiennes presque entièrement closes. Régression de l’enfant sauvage et lascivité surannée, il nous semble que l’extension des Chapuisat formalise, dans une version synthétique et unifiée, le sentiment double éprouvé dans la première grotte face, d’une part, aux voluptés encodées de l’aristocrate, et d’autre part à la régression libératoire du groupe adolescent. The Altar of Sacrifice dialectise ces deux ressentis sous la forme épurée de l’invitation à un érotisme régressif. Cet espace se révèle être à plus d’un titre une « extension », puisqu’il prolonge la première grotte tout en réagençant ce qu’elle évoque. L’œuvre parvient dans le même mouvement à agréger en son sein différentes trames temporelles : elle se situe au croisement des vestiges architecturaux du parc du château et du corpus artistique constitué ces quinze dernières années par l’Espace d’art contemporain HEC. En s’adossant à une grotte historique, l’œuvre des Frères Chapuisat propose une articulation originale entre les deux ensembles patrimoniaux qui se partagent le campus. Clémence Agnez, critique d’art


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Ludovic Sauvage Septembre MMXIII – février MMXIV

Infiltrer des lieux non dédiés à l’art est une pratique naturelle qui ouvre des perspectives Pourquoi avez-vous accepté cette résidence d’artiste à HEC ?

Ludovic Sauvage : L’Espace d’art contemporain me l’a proposée après une première intervention en 2010 sur le campus et je voulais continuer d’interroger l’architecture et le lieu pour évoquer autre chose, notamment les changements d’aspects dus au temps. J’ai accepté cette résidence d’un an et j’ai pris le temps d’approfondir ces questionnements et de réfléchir à un projet différent de mon installation vidéo de 2010 1. Comment avez-vous exploré le campus ?

J’ai choisi de l’approcher par son espace et son architecture, et non par l’angle politique qui de toute manière se retrouve dans chaque forme. Plus précisément, je l’ai abordé par son architecture à travers le temps : des années soixante jusqu’aujourd’hui. Je voulais parler intimement de ces aspects changeants pas toujours perceptibles par les élèves et pour moi qui ne suis pas un familier du campus. En résidence, l’avez-vous redécouvert ?

À un moment donné au cours de mes visites, je me suis rendu compte que je n’y avais jamais vraiment vu d’expo. Je connais ce que l’Espace d’art contemporain propose, mais j’étais curieux de découvrir ce que le campus en lui-même pouvait donner à voir à ses élèves. Il n’y avait presque rien. Un jour, je suis tombé sur une bande d’images d’archives imprimées sur adhésif présentée sur tout un couloir. Cela a été un déclic. Qu’est-ce qui vous a intéressé ?

Le couloir constitue en soi un élément qui m’intrigue. Avec les façades aveugles et les modules de studio d’étudiant sur lesquels j’avais déjà travaillé 1, les couloirs représentent un élément important de l’architecture HEC. Je m’intéresse aussi de plus en plus à ces formes « d’expo du pauvre » qui montrent des choses – avec des intentions justes – en dehors du white cube, de la galerie et de l’œuvre d’art. Voir cette expo dans cet espace incongru a eu un effet révélateur. Je me suis dit, c’est ce qu’il faut faire : travailler sur ces images d’archives et les présenter, par le biais de mon travail de plasticien,

en essayant de créer un lien organique avec l’espace d’exposition et des rapports plus directs avec les élèves. C’est pourquoi j’ai choisi un nouveau bâtiment pour parler de ces différentes temporalités entre les images d’archives du campus et l’actualité. Le bâtiment récemment inauguré me paraissait constituer un bon choix 2. Est-ce important d’intervenir sur un lieu non dédié à l’art ?

Pour moi, c’est naturel de pouvoir infiltrer ces lieux, et pas uniquement les milieux destinés à l’art. Et l’écrin du nouveau bâtiment se prêtait bien à ce qu’il s’y passe des choses en écho avec l’architecture, qui elle-même résonne avec le campus et son histoire. Pour ma pratique de vidéaste, il n’y a pas de lieu dédié ou non dédié à l’art : on peut à peu près s’infiltrer partout. Vraiment ?

L’histoire des formes s’imprime partout : elle nous entoure. La présence de matière implique la forme et il y a toujours quelque chose qui peut servir, par exemple à mes projections vidéo. Je trouve naturel d’utiliser ces espaces non dédiés à l’art et intéressant que cela soit fait dans le contexte d’un campus. Une fois sur place, on peut choisir entre échapper à la forme corporate ou en jouer comme pour ce projet. Partir de ces problématiques locales pour s’évader vers quelque chose de plus global ouvre des perspectives. Et justement à HEC, il y a de nombreux endroits qui ne demandent qu’à être mobilisés, à être détachés de leur fonctionnalité. Quelle a été votre démarche pour cette résidence ?

Mon approche a évolué étape par étape. Je me suis d’abord demandé quelle serait l’intervention la plus pertinente par rapport à ma pratique habituelle d’installation vidéo qui joue avec le temps et l’espace. En résumé : qu’est-ce que j’avais d’intéressant à dire et à faire dans le contexte du campus HEC ? Ce n’est pas du tout une question simple ! Il faut que cela soit pertinent pour les autres et pour moi. Dès que j’ai vu ces images d’archives, la forme du projet a commencé à naître. Comment avez-vous travaillé ?

Dès que l’administration m’a envoyé ces photos d’archives et que j’ai pu les utiliser, j’ai opéré par étapes. Je les ai imprimées, triturées dans mon 49


atelier, découpées : je procède plus par intuition que par hypothèse. Par test, par assemblage d’images, cette intuition se dessine. Les cadres de mon installation découlent de ces décortications-déconstructions des images imprimées et découpées au cutter. Dans le même temps, j’ai fait des essais de vidéo avec ces images : je les reconstitue en volume dans l’espace pour réaliser une forme de travelling à l’intérieur. Cela me permet d’explorer une certaine profondeur dans les images. Comment procédez-vous ?

J’utilise un logiciel 3D pour les déformer virtuellement avec des modules géométriques simples. Je me suis créé une sorte de labo pour faire des expériences sur ces images. Ensuite il en a découlé de la forme, ou plutôt des formes. Et de ces transformations successives est née mon installation. De quels éléments est-elle composée ?

Intitulé This Must Be The Place, ce projet rassemble des collages avec des images découpées, de la projection vidéo issue du travail de déconstruction des photos et une installation mêlant projection, plantes et cache-pots aux formes rappelant l’exarchitecture moderniste de l’hôtel Best Western à l’entrée du campus, aujourd’hui recouverte, visible sur l’une des photos. Dans la forme où ils seront présentés, ces éléments – que l’on s’attendrait à voir à l’intérieur d’une architecture comme celle du nouveau bâtiment – diront autre chose que simplement être une plante décorative de bureau. Comment vous est venue l’idée du titre This Must Be The Place ?

J’ai repris l’intitulé d’une chanson des Talking Heads que je me passais en travaillant à l’atelier. Ce titre faisait sens par rapport à mon installation. Cette chanson d’amour générique s’adresse à n’importe qui voire à n’importe quoi, un objet par exemple. Certains l’interprètent comme un hymne à être bien chez soi dans son intérieur, un chant très matérialiste. D’autres y voient l’histoire d’une relation amoureuse avec une personne réelle. En l’écoutant, je me suis dit qu’il y avait une analogie intéressante. De quelle sorte ?

Au fur et à mesure que je procédais à mes expériences et que l’installation prenait forme, un lien se dessinait avec l’ancien hôtel du campus. Cette relation à l’image d’un lieu – je n’ai jamais connu cet hôtel et je n’ai vu son architecture qu’en photo – instille des éléments de fiction. Elle tend à créer un rapport 50

plus intime et plus proche avec cette architecture qui faisait partie du campus, un peu à la façon de ce morceau pop dont j’ai emprunté le titre. Comment avez-vous choisi l’emplacement de votre installation ?

Après la vision très fugitive de cette expo le long d’un couloir, la possibilité d’occuper des espaces vacants, non définis pour quelque chose, m’est apparue comme une bonne idée. Et il y en a beaucoup à HEC : espaces de communication, couloirs, coursives… Dans le nouveau bâtiment, c’est idéal parce qu’il y a beaucoup de respirations, de grands espaces lumineux et vacants non dédiés à une activité précise. Bien utilisés, je pouvais les transformer en espaces « installés ». Le terme d’exposition pouvant paraître un peu solennel pour le type d’intervention que j’affectionne. À chaque étape, le contexte HEC a fait évoluer votre projet !

La grande question au départ, c’était : « Est-ce que je fais quelque chose de complètement hors contexte ? » J’amène mon travail dans HEC, sans penser plus que cela au cadre, juste en réfléchissant à comment le montrer. L’autre hypothèse consistait à faire quelque chose dans le contexte : prendre et me servir d’une matière de base qui vienne directement du campus. Finalement, c’est cette démarche que j’ai choisie et qui s’est avérée fructueuse. L’autre possibilité – importer des projets réalisés ou en cours pour les intégrer dans le campus – ne fonctionnait pas. Comment envisagez-vous la rencontre entre la communauté HEC et votre installation ?

J’aimerais bien que cela soit vécu. Il serait intéressant d’avoir des retours des usagers du campus de toutes les générations – notamment ceux qui l’ont fréquenté au moment où les photos d’archives ont été prises. Dans quelles conditions peut-on la découvrir ?

Installés sur la coursive haute du hall du nouveau bâtiment 2, les cadres sont visibles de jour comme de nuit. En journée, la projection de la vidéo sur le mur devient plus fantomatique : elle se précisera dès la tombée de la nuit. Dans l’idéal, cette pièce pourrait être permanente. Installée dans un lieu de passage des élèves, elle ne gêne pas la circulation. Formant un carré au sol un peu massif, les douze cache-pots pourraient être cédés à ce bâtiment. Même dispersés dans ses différentes parties, ils pourraient y vivre une deuxième existence… Si l’installation pouvait hanter le bâtiment en y étant disséminée, ce serait une seconde vie louable.


Vous avez réussi à vous infiltrer dans le bâtiment, peut-être au risque d’y passer inaperçu : l’envisagez-vous ?

L’absence de réaction ne me fait pas peur. Si les élèves ou les visiteurs ne font que passer à côté de l’installation ou des cadres, sans envisager un autre niveau de lecture, cela me convient aussi. Cette pièce joue avec un vocabulaire de formes que l’on pourrait s’attendre à retrouver dans ce lieu et elle peut fonctionner dans sa discrétion : c’est une forme naturelle d’existence des choses. Je vais laisser quelques indices et procédés visibles, afin de stimuler différents niveaux de lecture. Ce projet mené pendant votre résidence à HEC marque-t-il une évolution par rapport à vos dernières réalisations ?

C’est une des installations les plus protéiformes que j’ai proposées jusqu’à maintenant. Ce sera l’occasion d’un passage plus assumé au volume. J’ai déjà fait beaucoup d’écrans en volume et de gestion de la lumière dans les espaces, mais là j’ai vraiment produit des objets. J’en avais envie depuis un certain temps : la résidence m’a donné le temps et les moyens techniques de le réaliser. Y a-t-il une proposition que vous auriez aimé faire ?

Au début de ma résidence, j’avais plein d’idées, trop. J’ai envisagé une multitude de lieux différents, mais j’ai abandonné l’idée de faire plusieurs interventions : en les enchaînant, j’aurais tronqué chaque intervention… Pour inaugurer l’amphithéâtre du nouveau bâtiment, j’avais pensé à organiser une performance : un concert psychédélique avec de la chorégraphie sur fond de vidéo-projection… Une prochaine fois peut-être… Propos recueillis par Laurent Lefèvre

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L’Appartement (2010). Cette projection sur une façade aveugle fonctionnait uniquement la nuit. Bâtiment S dédié au MBA, inauguré en juin 2012.

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This Must Be The Place Médium teinté dans la masse, plantes, projection, lampe, cadres, tirages numériques, MMXIII

Des images, des palmiers et de la lumière. Un ensemble de dix cadres, pouvant se lire comme cinq diptyques, témoigne en préambule du travail de découpage et de montage que l’on retrouvera dans la suite du dispositif. Entre collages et projection vidéo, Ludovic Sauvage met en espace les archives du campus. Cette problématique formelle du passage entre le bidimensionnel et le tridimensionnel est récurrente dans son travail : elle intervient ici suivant des modalités très diverses. Dans la projection sur affiche, elle est traitée sous l’angle de la répétition. L’artiste utilise le procédé classique de la mise en abyme – il inclut dans une photographie d’archives son propre duplicata réduit, qui lui-même contient son homothétie rétrécie, et cela indéfiniment –, tout en tirant l’ensemble vers l’avant par le recours à l’animation. La photographie se mue alors en une sorte de travelling quasi psychédélique qui emporte le regard vers le fond de l’image. Le miracle tient au fait qu’elle se dote d’une profondeur. La séquence d’animation se promène toujours plus loin, au plus profond de ce qui pourtant n’est qu’une surface. L’astuce, c’est que Ludovic Sauvage parvient à créer l’illusion du déplacement sans pour autant renoncer à l’unicité de la photographie d’archives qu’il a utilisée : nulle autre vue, aucun autre élément que cette seule image ne compose le travelling, s’éloignant à l’infini à l’intérieur de son unique surface. On pense au mandala et à son mouvement immobile vers le dedans. Ce paradoxe – qui met en scène une image tournant sur elle-même – ainsi que sa coloration formelle à la fois cinétique et psychédélique inscrivent la pièce dans l’héritage seventies, en mêlant réflexivité, méditation et transe. L’ensemble se voit rationalisé par la rigidité moderniste d’une architecture post-Corbusier. C’est à dessein que ces deux moments de l’histoire de l’art se rencontrent. Dans l’image fixe, Ludovic Sauvage n’inocule point de récit : par l’évocation de ces deux époques, il ouvre une béance temporelle propre à la narration. Véritable image dialectique, le sens de l’évènement se tient dans la rencontre de temps hétérogènes plutôt que dans un déroulé linéaire. C’est cette collision qui ouvre à la mise en récit. On retrouve ce passage de la vue photographique fixe à la séquence animée dans l’autre projection de l’installation. Cette fois, 52

il s’agit d’une photographie de l’hôtel Valbièvre, tirée elle aussi des archives du campus et datant des années soixante-dix. Projetée sur un mur en béton brut, elle est animée par l’adjonction d’ombres fictives autour du bâtiment. D’abord objets figés – photographie d’archives et plantes de bureaux –, le dispositif les tire vers une prise de consistance temporelle : les ombres modélisées en 3D qui courent autour du bâtiment dessinent un nouveau jour à chaque nouvelle boucle, le temps s’écoule à la vitesse du vent et rien ne se passe. En fait, l’image ne s’inscrit que partiellement dans le temps : quelque chose se déroule, mais rien ne change jamais. Tandis que dans la première animation, on parcourt un espace immobile, ici on assiste à la projection dans le temps d’un objet figé. La vue photographique fait état d’un hôtel de prestige. Ce bâtiment, à condition de se décaler légèrement, se tient en face des fenêtres de l’exposition, mais il a disparu, coffré sous les traits d’un nouvel hôtel, aux lignes plus neutres. Douze cache-pots aux formes modernistes, identiques à celles de l’hôtel mais construits dans le matériau qui habille les murs de l’exposition, font le lien entre le passé et le présent du campus. Les plantes, caractéristiques de l’ameublement de bureau, installent l’œuvre dans le formalisme du lieu qui l’accueille. Coincée entre image-icône et image-mouvement, la vue de l’hôtel Valbièvre montre un état à part entière dans le processus architectural, celui du projet. La vie ne peut pas rentrer à ce stade. Une rédemption narrative se fait pourtant jour : si le récit n’advient ni dans le déroulé des images ni dans l’alignement des palmiers, une histoire édifiante et mystérieuse reste pourtant palpable, involuée dans les décalages temporels des fragments qui la composent et dans le halo de la lampe de salon qui tranche avec le décorum standardisé du reste de l’installation. Les Talking Heads nous le répètent : This Must Be The Place 1. Clémence Agnez, critique d’art

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Dans le documentaire sur les Talking Heads Stop Making Sens, David Byrne décrivait ainsi les paroles de sa chanson : “Phrases that have a strong emotional resonance but don’t have any narrative quality.” [Des phrases qui ont un fort impact émotionnel mais aucune prétention narrative].


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Sambre Février – mars MMXIV

Toutes mes créations sont sujettes à l’action humaine et à l’épreuve du temps Pourquoi avez-vous accepté cette résidence à HEC ?

Sambre : Ce qui m’intéresse dans mes interventions artistiques, c’est de travailler à partir de l’existant, pas seulement de créer une sculpture ex nihilo. Je recherche un lien avec l’espace et une emprise sur un territoire par rapport à son histoire, à ce qui a déjà été fait. C’est pourquoi la proposition de l’Espace d’art contemporain HEC de transformer, pour un dernier voyage, la cabane de Kouka m’a intéressé. Réalisée lors d’une précédente résidence, cette cabane très sobre a une histoire liée aux différentes interventions artistiques. Vous deviez la déconstruire et puis…

Au lieu d’une destruction, j’ai suggéré une renaissance. Plutôt que de tout casser et de la mettre en péril, j’ai procédé à une restauration. J’ai envisagé plusieurs possibilités pour cette cabane. Ce qui m’a intéressé, c’est de l’amener à un niveau supérieur, avec cette idée d’entreprise, de lien constructif que peut être le commerce, mais à ma manière ! Le contexte de l’école a donc fait évoluer votre projet…

Au fur et à mesure de la création, ce contexte m’a bien sûr influencé, et c’est assez confrontant… Tout comme l’Espace d’art contemporain HEC, la place de l’art sur le campus se trouve dans une position complexe : ce n’est pas une composante de leur environnement que les élèves revendiquent naturellement ! Ils sont déjà dans une forme d’opposition, un peu sur le même registre que mon lien au commerce et au monde de la finance qui se situe plutôt dans l’ordre de la résistance que de l’approbation béate. D’où ma volonté de remettre l’humain au centre des échanges en concevant un pôle enfermant pour se retrouver dans un milieu rustique qui parle de simplicité, d’intuition, de spontanéité. À l’image des rapports humains !

À travers cette création, je voulais vraiment évoquer l’humain dans ses différents aspects : dans sa force, mais aussi dans sa faiblesse. C’est pourquoi, dans son principe, ce lieu agit

comme un aimant qui aurait attiré tous les déchets, tout ce qui n’est plus vraiment viable à un moment donné, considéré par l’entreprise comme n’ayant plus aucun potentiel. En me servant presque exclusivement de matériaux de récupération pour mon projet, je transforme ces rebuts en ressources. Même si en apparence ils n’ont rien de « commercialement » intéressant ou de séduisant, je voulais prouver que l’on pouvait en faire autre chose. C’est une façon d’utiliser et de souligner cette part de générosité humaine qui est en nous. Où avez-vous déniché ces matériaux ?

Je me suis servi de la palissade de Kouka (projet Bill$) pour les grosses sections, mais la majeure partie du bois provient du démontage de la pièce Le Buisson maudit des Frères Chapuisat présentée à l’abbaye de Maubuisson en 2013. J’ai aussi utilisé beaucoup de bois sauvés des bennes de HEC : des chutes trouvées à différents endroits du campus – montants de lit, panneaux, etc. J’ai vraiment exploré le campus, y compris les espaces verts, à la recherche de ces éléments de récupération : une vraie chasse au trésor ! Quelle nouvelle vie envisagez-vous pour cette cabane ?

Il y a cette idée principale de remettre l’humain au centre des échanges et également une notion de protection. À l’origine fragile, cette cabane s’est un peu transformée en tour. Les élèves m’ont parlé de fort. Cet aspect mirador et protection est présent : un côté fort imprenable où l’on voit sans être vu. C’est à mon sens pour se préserver de ces échanges déshumanisés que peuvent être les transactions financières. C’est une forme d’invitation à se retrouver d’une manière différente, et à partir de là, peut-être à se poser d’autres questions. Avez-vous conçu des espaces fonctionnels à l’intérieur ?

On pourra s’asseoir, boire un verre : des espaces conviviaux sont prévus. Tout en bois, l’ensemble reste très « précaire », avec un aspect brut : il y a une pente, des irrégularités, des aspérités… Tout n’est pas fini comme cela pourrait l’être : chacun devra faire attention, être responsable de soi et de ses actes. J’ai intégré des fonctions de base : se déplacer à l’intérieur, se poser, observer l’extérieur et voir les choses d’un autre 69


point de vue. Après il faudra y vivre : c’est une fonction très ouverte ! Avez-vous eu des interactions avec les élèves de HEC ?

Au début, ils ont manifesté peu d’intérêt. Lors de la deuxième phase du chantier, où cela devenait plus créatif, quelques élèves sont venus me poser des questions assez incrédules : « Qu’est-ce que c’est ? À quoi cela sert ? » Cette approche un peu terre à terre est assez révélatrice. Je leur ai parlé très simplement d’une cabane, d’une petite maison. À la question « C’est pour qui ? », je leur ai répondu que c’était pour eux ! « Mais nous, on a déjà des chambres », m’ontils rétorqué ! D’autres élèves m’ont même demandé si j’avais le droit de faire cela, de bâtir sur le campus. Je leur ai précisé que c’était mon projet réalisé à l’invitation de l’Espace d’art contemporain HEC et que je n’étais pas vraiment un sans-abri qui construit sa maison sans autorisation de l’école ! Que vous inspirent ces premières réactions ?

C’est assez surprenant. Mais quand j’ai fait comprendre aux élèves que la cabane était pour eux et qu’ils pourraient y faire ce qu’ils veulent, ils ont semblé intéressés. Certains m’ont promis de repasser et m’ont posé des questions sur les futurs aménagements : « Y aura-t-il de l’électricité ? Non, alors on reviendra avec des bougies ! » Rapidement, ils ont vu qu’il y avait une appropriation possible : c’est positif ! Le fait de vivre sur le campus vous a-t-il influencé ?

Pendant les périodes de création, j’ai vécu sur place au rythme des élèves et cela a sans aucun doute fait év oluer le projet. Cela paraît anodin, mais quelque chose se passe à un autre niveau : je l’ai constaté sur la fin du chantier. Je me suis senti un peu déshumanisé dans ce contexte, sous la pression de la performance. C’est en habitant sur place que j’ai pris conscience de la prégnance des concours qui exigent cette performance : il faut vraiment être très déterminé pour intégrer cette école ! Qu’est-ce qui vous a surpris sur le campus ?

J’ai été étonné par la proportion d’espaces verts : son aspect naturel avec le lac, les bouts de forêts. Ce qui m’a plu, c’est de vivre au milieu de cet environnement international, où les élèves parlent fréquemment anglais. C’est une élite dans leur domaine et le fait de les côtoyer provoque un questionnement ambivalent dans lequel il faut éviter deux écueils : le rejet total du commerce et de ses valeurs et l’autosatisfaction facile du style « je suis une élite artistique » ! 70

Vivre sur place au sein de ce microcosme, qui reflète toute une structure sociale, permet de voir les choses d’une autre manière, de les replacer dans leur contexte et de créer une forme de tolérance pour des gens de ma trempe réactifs à beaucoup de schémas établis. Comment cela a-t-il transformé votre projet ?

Sur le blog de l’école, des élèves ont lancé des paris sur la solidité de la cabane, avec des photos du chantier : sa tête a été mise à prix pour deux semaines… Du coup, j’ai eu envie de relever le défi et j’ai rajouté des vis et incorporé des garde-corps pour la sécuriser ! Au début, je l’ai voulue accueillante et chaleureuse, comme un nid pour que les élèves s’y retrouvent et pour les protéger de tout ce qui se passe dans leur vie ou dans leur tête pas toujours positif et doux. Après, j’ai pensé qu’il fallait aussi concevoir un lieu qui allait leur résister. Finalement, cela sera un espace paradoxal entre le nid douillet et le fort abrupt. Envisagez-vous des détournements de votre travail ?

J’ai fait ce projet pour que les élèves se l’approprient. Alors s’ils souhaitent y organiser des soirées ou même y passer la nuit, cela me convient tout à fait. C’est un lieu conçu pour être à l’épreuve du temps et de la vie : cette cabane vivra comme elle doit vivre, à l’image de mes créations qui sont sujettes à l’action humaine et à l’épreuve du temps. Créations éphémères, la plupart disparaissent, souvent par mes propres moyens. Comment les élèves pourront-ils découvrir votre projet ?

La porte sera ouverte ! Quand les derniers aménagements de la cabane seront achevés, je ne fermerai pas la porte en partant… Je n’ai prévu aucune sensibilisation particulière : je pense que les élèves se l’approprieront petit à petit. Comment avez-vous travaillé ?

Cette résidence artistique de trois semaines a été très intense. Lors de la phase d’exploration, je prends des photos. Je fais des dessins qui sont plus des pistes de réflexion que des plans d’architecte. Je me promène : je m’imprègne des lieux. Puis le projet mûrit en moi et se nourrit d’échanges, parfois sur les choix techniques. À ce stade, plusieurs voies sont envisagées. Le projet se modifie selon les matériaux que je vais pouvoir récupérer et les moyens techniques fournis. Il y a aussi une perpétuelle remise en question en fonction du ressenti sur le moment.


Comment s’est passée la construction ?

J’ai travaillé avec Teurk, un ami membre du collectif 1984, avec qui j’ai collaboré sur plusieurs projets. Comme pour la plupart de mes créations, nous avons utilisé du bois, matériau que j’apprécie pour son aspect malléable, vivant, sensible avec un vécu. J’ai grandi au contact de la forêt, c’est une matière qui me parle et me replonge en enfance. Comment avez-vous procédé ?

La première étape a consisté à enlever le toit et à poser un deuxième niveau. Il s’agissait simplement de combiner de la meilleure façon les pontons avec cette partie de récup pour assurer une structure solide. À ce stade, il fallait être efficace dans la fonction : la cabane ressemblait à une baraque de bric et de broc, sans aucune recherche esthétique. Mais l’aspect fonctionnel des choses me plaît, car c’est une tout autre manière de considérer une situation. À quel moment interviennent les choix esthétiques ?

La deuxième semaine, nous avons réalisé l’escalier pour monter au second niveau. À ce moment-là commencent à se poser des questions fonctionnelles et esthétiques. Les choix techniques d’isolation ou d’étanchéité nous laissent beaucoup de liberté pour définir une dynamique, un rythme, choisir les couleurs des planches…

une filiation avec tous mes projets : le travail in situ, la débrouille, le choix du bois… Est-ce important d’intervenir sur un lieu non dédié à l’art ?

J’ai presque toujours fonctionné comme ça. Ma première résidence a eu lieu dans un contexte scolaire : elle s’est déroulée lors de poursuites d’études en République tchèque, où j’ai commencé ce type d’installation in situ, dans une gare désaffectée. Comme je n’ai pas d’atelier, je vis, le temps du projet, sur mes lieux de création.

Vous créez en fonction et sur le motif de ces lieux !

Mon travail consiste à combiner un espace, une circulation, une réaction à un lieu plus que simplement créer un objet. Je ne propose pas une sculpture dans le sens classique du terme, mais un questionnement spatial. Et il faut que cela se passe in situ, avec l’aléatoire qui ne peut se résoudre que sur place. Pour mon installation aux Bains Douches en 2013, la problématique était comment agencer les matériaux présents. C’est cette partie qui me plaît : il y a toujours une direction, un projet, et après tout se révèle très malléable, notamment en fonction de ce que je trouve sur place. C’est toutes ces questions qui me tentent et me parlent dans le in situ. Propos recueillis par Laurent Lefèvre

Que représente ce niveau ajouté ?

Au-delà de dire mon entreprise s’agrandit, cette idée de next level symbolise le fait d’accéder à un autre niveau qui peut être la dématérialisation, quelque chose de plus spirituel, de plus bancal mais de plus humain. C’est aussi un pied-de-nez à l’expansion. Ce projet réalisé à HEC marque-t-il une rupture par rapport à vos dernières créations ?

J’ai l’expérience des résidences : la nouveauté a été de construire une cabane. J’en faisais enfant dans ma forêt avec de la ficelle et des rondins, mais jamais de si abouties ! L’inédit, c’est aussi envisager pour une création de faire quelque chose de fonctionnel, avant de me soucier de l’esthétique. Est-ce déstabilisant ?

Cela m’a posé plusieurs questions. Dans tous mes projets, il y a une part de fonction dont va découler l’esthétique. Pour cette création, je me suis concentré sur la transformation et la fonction, en lien avec les usages que pourraient en faire les élèves. L’esthétique, qui découle de la fonction, arrive en aval. Mais on retrouve 71


Evolution #4 – Nest Level Bois de récupération, vis, MMXIV

Extension du domaine du provisoire Sur le campus HEC, non loin de l’Espace d’art contemporain, une étrange cahutte a pris ses quartiers d’hiver puis, semble-t-il, se renouvelle pour l’arrivée du printemps, ayant grandi d’un étage. Elle s’affuble d’un nom bien étrange, une simple onomatopée, Z.U.T. Il s’agit de la Zone d’Utopie Temporaire… Abri, cabane, demeure, boutique, quel qu’en soit l’usage, tout indique que son état de précarité est remis en cause et qu’elle devient plutôt un work in progress, qui précise qu’un chantier est en cours. Dans un premier temps, cette frêle bâtisse – sorte d’îlot sur un terrain, si ce n’est hostile, en tout cas non conquis –, laissée pour compte après un geste artistique hors cadre, se voit progressivement modifiée et transformée au gré des interventions ultérieures. Elle devient une installation modulable et évolutive, en fonction du regard que chaque artiste porte sur elle. Sculpture collective en perpétuelle mutation. En ce qui concerne son état actuel, il se nomme Evolution #4 – Nest Level et résulte du travail de l’artiste Sambre réalisé in situ, donc sur place. Ainsi la construction d’origine change d’état, le territoire réservé à une école de commerce se voit infiltré par l’art, et le langage subit de la même façon sa révolution. Work in progress et in situ font désormais partie des mots employés dans le discours de l’art. Et cela remonte déjà au XXe siècle quand, dans l’histoire de l’art, les artistes de l’avant-garde déplacent les frontières et font bouger les lignes. Ainsi, Kurt Schwitters, dès 1920 dans sa maison de Hanovre, entreprend de construire une vaste structure faite de volumes : réalisée avec des poutres, des planches et du plâtre, l’armature envahit peu à peu toutes les pièces et même tous les étages de la maison. Il en découle une œuvre protéiforme nommée par l’artiste Merzbau, en pleine excroissance et qui ne s’achève que par sa destruction, lors des bombardements de Hanovre en 1943 1. Plus près de nous, un autre artiste allemand, Gregor Schneider, dans son œuvre Totes Haus Ur, modifie lui aussi son univers domestique en un espace inquiétant, en un dispositif qui courtcircuite le sens de l’orientation et perd, dans un enchevêtrement, là aussi de planches et de portes, ses visiteurs, admis un par un. 72

Quant à notre Z.U.T., la voici à son tour rehaussée d’un étage, conçu à l’aide d’assemblage de matière brute de planches de bois et de palissade, dans le désir de Sambre de faire une intervention spatiale originale, en réemployant ce qui est trouvé sur place. S’inscrivant dans la lignée de ses aînés, il entame un jeu, en fonction des caractéristiques techniques, avec ce bois. Brut ou de récupération, ce médium paraît lui couler dans les veines, car sous le pseudonyme se cache un prénom à la forte consonance de forêt, souvenir de son enfance en Ardèche au contact de la nature. L’artiste aime à s’appuyer sur ce qui existe déjà, recréer une vie là où elle ne semble plus accéder, à partir d’un lieu, qui commence à se désagréger, où la nature commence à reprendre ses droits. Il prend plaisir à modifier l’espace, à lui insuffler une dynamique. Le défi relevé par Sambre se situe dans cette idée de construire un éphémère… qui pourrait durer. Isabelle de Maison Rouge, critique d’art

1

fr. wikipedia. org/wiki/1943


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Work in progress


Vestiges Éphémères

Objet Parcours d’art contemporain Échéance Permanent Lieu Campus HEC Équipe Artistes en résidence, Espace d’art contemporain HEC

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S W1 W2 AP1 AP2 AP3 AP4

Initié en 1999, l’Espace d’art contemporain HEC expérimente de nouvelles pratiques, encourage les confrontations et les rencontres inédites. Des artistes sont invités à livrer leur regard sur HEC, et plus largement sur le monde qui l’entoure. Vestiges de ces passages, des propositions artistiques perdurent dans le parc et dans les locaux, des œuvres apparaissent, disparaissent, se transforment. Témoignage d’un art de son temps, en perpétuel mouvement, le parcours déambulatoire Vestiges Ephémères retrace l’expérience de l’art sur le campus.

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1 Installations, Édouard Sautai 2 Les Oiseaux ou l’ornithologie des livres, Peter Wüthrich 3 Furtif, Collectif Fichtre 4 Deviens !, Philippe Hurteau 5 R.I.P. Mary, Geoffroy Sanchez 6 I am a monument, Collectif Fichtre 7 Z.U.T., Zone d’Utopie Temporaire #4 – Nest Level, Sambre 8 Espace d’art contemporain HEC, showroom 9 Faire carrière, Collectif Fichtre / Édouard Sautai 10 The Altar of Sacrifice, Les Frères Chapuisat


Vestiges Éphémères

Les Oiseaux ou l’ornithologie des livres, Peter Wüthrich, octobre MMXIII

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Vestiges Éphémères

Concretum, Laurence De Leersnyder, début du chantier, mars MMXIV

Pascal, Kouka, après la tempête de décembre MMXIII 92


Vestiges Éphémères

Highway, Ibai Hernandorena, MMXI

Démontage suite aux intempéries, hiver MMXIII 93


Étude sur le patrimoine historique et contemporain du campus Auteur Glassbox Objet Relation fabriques de jardin et art contemporain Échéance 2015 Lieu HEC Paris et environ Équipe Espace d’art contemporain HEC, pour Glassbox Clémence Agnez et Damien Roger

Le collectif Glassbox  propose de concevoir un parcours dans le parc du campus HEC. Ce projet de parcours cherche à valoriser son patrimoine par l’étude des deux corpus culturels et artistiques qui s’articulent sur son territoire : patrimoine historique des jardins du château

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et patrimoine « en train de se faire », constitué par les œuvres d’art contemporain développées ces quinze dernières années par les opérations successives de l’Espace d’art contemporain HEC.


Économie humaine

Économie humaine est une exposition moyen format qui se propose d’inventorier les rapports que les artistes plasticiens entretiennent aujourd’hui avec le monde de l’entreprise et, plus largement, avec l’économie à l’heure de la globalisation. Les approches y sont de deux ordres : – saisie « plasticienne » du monde de l’entreprise, de l’économie et de la production ; – jeu avec les indicateurs économiques et l’univers de l’entreprise. L’accent mis ici sur la créativité et le regard des artistes sollicités pour cette exposition tendent à humaniser le monde du travail et de l’économie. Ils restituent à l’homme une place d’acteur conscient, lucide et concerned. Pourquoi cette exposition ? Pour signifier que l’économie n’est pas exclue des préoccupations de nombre d’artistes contemporains. Dans les symboliques de nos sociétés, beaucoup d’importance est accordée au politique et bien moins à l’économie matérielle. Si l’économie ne dirige pas, ou pas toujours, le politique, reste que la dimension économique n’est jamais seconde. Le matérialisme n’existe pas en tant que tel : l’économie elle aussi « écrit » une symbolique, et s’inscrit dans des représentations du monde, au-delà de sa réalité concrète. Il est donc normal que les artistes s’intéressent à l’économie. L’économie, thème ignoré Curieusement, l’histoire de l’art est chiche d’œuvres consacrées au thème économique. Quand ces œuvres existent, elles sont là surtout pour maudire l’économie : celle-ci, à travers le travail et l’exploitation matérielle, dégraderait l’humain. Ce bannissement de l’économie est l’un des thèmes privilégiés du christianisme primitif : le Christ a chassé les marchands du Temple et, ce faisant, a fait valoir le primat du symbolique sur l’économie. Le protestantisme modifiera en profondeur le rapport à l’économie. Pour les protestants, la réussite économique est conditionnée par la morale religieuse : le succès dans le Beruf (travail) est un signe d’élection. Cette requalification positive de l’économie n’induit pas pour autant une création artistique à sa gloire. Les œuvres d’art qui ont trait à l’économie, avant le XXe siècle, demeurent peu nombreuses :

quelques portraits de banquiers dans la peinture flamande ; quelques représentations de marchands, de villes et des activités humaines ; des vues de marchés, de foires, de ports… La modernité Il faut attendre la modernité pour voir l’économie trouver dans le champ de l’art une représentation plus consistante et incisive. Celle-ci suit deux directions : un axe sibyllin (on joue avec l’économie) et un autre critique (on dévalue et stigmatise le rôle de l’économie). Pour l’axe sibyllin, citons Marcel Duchamp, qui paie en 1919 son dentiste avec un chèque qu’il dessine, ou Yves Klein, avec ses Zones de sensibilité picturale immatérielle – des feuilles d’or sont échangées contre un simple bout de papier mentionnant la transaction. Encore, la fameuse série des Merda d’artista de Piero Manzoni, quelque 90 boîtes de conserve dans lesquelles ce facétieux créateur italien met ses excréments, vendus au poids de l’or… Quant à l’axe critique, celui-ci met en valeur l’idée que l’économie est au fondement de l’inégalité matérielle et par conséquent sociale entre les humains. Toute une peinture « sociale », favorisée notamment par l’idéologie communiste, fleurit sur ce concept, portraiturant des travailleurs exploités dans des lieux de travail dégradants. L’économie ainsi représentée ? Une calamité humaine. L’artiste plasticien aujourd’hui Son point de vue a maturé : il se défie des caricatures et des simplifications. Lucide, pondéré aussi, engagé parfois, il entend d’abord témoigner de ce qu’est l’économie. Dépassant les clichés, il goûte aussi de jouer avec l’économie, en en détournant les principes – il va au-delà de la création de circuits économiques parallèles, au travers notamment de l’art participatif. L’art produit là une modulation singulière du rapport de l’homme contemporain au matérialisme. Il rematérialise l’économie sous des formes déviées. Il nous convie à mieux regarder l’économie réelle. L’artiste fait ici la preuve qu’il n’est ni médusé ni dépassé par l’économie, et adopte une position d’acteur, à sa mesure et avec ses propres armes.

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Auteur Paul Ardenne Objet Exposition autour du thème de l’économie humaine Échéance Octobre 2014 Lieu HEC Paris – Musée provisoire Équipe Espace d’art contemporain HEC Commissariat Paul Ardenne Commissaire associé Barbara Polla



ISBN 978-2-9543844-3-6


Valeurs Carrées

Objet Conception d’un espace de création et de réflexion centré sur la notion de valeur Échéance Lancement du dispositif automne 2014 Lieu HEC, Campus Paris-Saclay, lieux à Paris (à définir) Équipe Collectif Valeurs Carrées, théoriciens et professionnels du monde de l’art et de l’économie

Le dispositif plastique et de remue-méninges créé par le collectif Valeurs carrées a pour objectif de générer une réflexion sur les différentes notions de valeurs dans les champs artistiques et scientifiques. Il produira une méta-œuvre en liaison avec les idées proposées. La production sera multiforme et pluriannuelle. Créée pour l’occasion, une plateforme Internet collaborative et transdisciplinaire permettra la mise en commun des productions. Les réflexions et les productions seront focalisées sur l’art contemporain.

Membres fondateurs – Igor Antic, artiste plasticien ; – Jade Bouchemit, élève de la Majeure / MS Médias, Art et Création, rédacteur en chef de la revue Oscillations ; – Maxime Chevillotte, chargé de projet artistique, Espace d’art contemporain HEC ; – Anne-Valérie Delval, directrice de l’Espace d’art contemporain HEC ; – Nicole Ferry-Maccario, professeur émérite, HEC Paris ; – Thomas Paris, professeur affilié, HEC Paris. Membres associés – Stéphanie Conté-Klein, gestionnaire d’une collection d’art contemporain privée ; – Isabelle de Maison Rouge, critique d’art et commissaire d’exposition ; – Christophe Rioux, économiste, journaliste, écrivain ; – Jennifer Thiault, chargée de mission au ministère de la Culture et de la Communication.

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Projet de construction d’un musée d’art contemporain sur le campus Lors d’un séminaire de création d’entreprise, cinq élèves HEC de la Majeure / MS Médias, Art et Création 1 ont souhaité proposer à l’école HEC, la Fondation HEC et l’Espace d’art contemporain HEC la construction d’un musée sur le campus. Convaincus que l’art ouvre le dialogue sur le monde, l’histoire et les hommes, ils espèrent contribuer à l’enrichissement des enseignements dispensés à HEC Paris. Georges Braque ne disait-il pas : « L’art est fait pour troubler. La science rassure » ? Enrichir l’enseignement du management Le contenu scientifique de l’enseignement du management pourrait être enrichi par une ouverture sur l’art contemporain. Celui-ci a la vertu d’ébranler nos certitudes et nous incite à nous questionner. La présence d’un musée sur le campus nous permettrait d’apprécier le monde d’aujourd’hui à l’aune de l’existence plurimillénaire de la création artistique, et de mettre en perspective nos choix et nos actions. Enfin, l’histoire de l’art prenant sens dans les ruptures, l’art contemporain traduit, dans un langage aussi original que percutant, l’innovation et le progrès, moteurs de notre école et, plus largement, de notre société. Dans un premier temps, le musée fonctionnera sur la base d’expositions temporaires, issues des collections privées. Ces dernières seront prêtées à titre gracieux par des collectionneurs d’art, anciens HEC, souhaitant soutenir le projet. L’ensemble des frais, notamment ceux de transport et d’assurance, seront financés par les ressources propres du musée et dans certains cas grâce aux initiatives privées. Un comité scientifique sera créé. Constitué des représentants de l’école HEC et du campus, de la Fondation HEC, de l’Espace d’art contemporain HEC et des cinq élèves fondateurs regroupés dans un collectif, il sélectionnera les œuvres à exposer et la démarche pédagogique à adopter. Il s’appuiera sur des intervenants extérieurs, tels que des collectionneurs d’art, des commissaires d’exposition, des critiques et des historiens de l’art.

qu’alimenteront les généreuses donations d’anciens élèves. Un cercle des mécènes HEC sera créé simultanément pour réunir les bienfaiteurs autour d’objectifs communs. L’administration du musée fera l’objet d’une gestion participative et pédagogique impliquant les parties prenantes précitées et une demidizaine d’élèves de la Majeure / MS Médias, Art et Création. Cela leur permettra de se familiariser avec les problématiques managériales propres à un musée et de se confronter aux réalités du marché de l’art et du monde des collectionneurs. La gestion courante du musée sera financée par le fonds de dotation de la Fondation HEC. Le musée d’art contemporain de HEC sera un espace ouvert gratuitement à l’ensemble des résidents et des visiteurs du campus. Il leur proposera un accès à des œuvres majeures et les clés nécessaires à leur bonne compréhension. En somme, ce musée aura pour vocation d’être un forum où se rencontreront connaisseurs, amateurs et simples curieux. Ce projet est l’opportunité pour HEC Paris de prouver, une fois de plus, son ouverture culturelle, et d’assurer aux décideurs de demain une formation pluridisciplinaire la plus complète possible. L’existence de l’Espace d’art contemporain, dédié aux artistes en résidence sur le campus, témoigne d’un intérêt de longue date pour les arts et la culture. Premier du genre sur le plateau de Saclay, ce nouveau musée fera de HEC Paris une école pionnière au rayonnement académique et culturel forts. 1

Jade Bouchemit, Aurélien Clause, Nicolas Fiévet, Marie-Charlotte Poisson et Amélie Vogel.

Gestion participative et pédagogique Plusieurs acteurs participeront à l’édification du musée. La construction du bâtiment est prévue pour 2015 – elle sera financée par un fonds capitalisé de la Fondation HEC 97

Objet Finaliser les aspects juridiques, architecturaux et financiers Échéance 2016 Lieu HEC Paris Équipe Fondation HEC, Espace d’art contemporain HEC, Élèves Majeure / MS Médias, Art et Création



Avant XV

Exposition collective Intersection 1 : Intime / Anonyme Octobre MM

Daniel Firman Usual Globality Mars – mai MMI

Exposition collective Teamwork : L’art comme travail d’équipe Mars – avril MMXII

Igor Antic Promocréation Janvier – décembre MMIII

Collectif Wharf Grégory Buchert, Paul Souviron, Camille Roux, Armin Zoghi & Éric Perez À bout de bord Janvier MMIX – mars MMX

Annick Volle Portraiture MMIX – MMX

Antonello Curcio Manu Scriptus – multiples originaux et en évolution Juillet MMX – mars MMXI

Damien Beguet Damien Beguet microclimat

Workshops et exposition collective La forme des idées / NEXUS En partenariat avec Glassbox

MMIV – MMVI

Mars – mai MMXI

Mathieu Beauséjour Empire

Juan Aizpitarte, WOS / Agence des hypothèses, Collectif Fichtre, Ibai Hernandorena High Way

Février – mars MMV

Lucja Ramotowski-Brunet Territoires occupés MMVI

Antonello Curcio L’Atelier exposé Janvier – mai MMVII

Athina Ioannou De l’Amande au Tournesol Janvier – juin MMVII

Exposition d’archives documentaires Promo « Barricades » – Secret d’école Mai MMVIII

Igor Antic & Andreu Solé Société pour l’évolution des humains / Combien vaux-tu ? MMVIII

Peter Wüthrich Les Anges de Paris, Les Anges de Venise, Les Anges de Londres

MMX – MMXI

Peter Wüthrich L’Effet papillon MMX – MMXII

Courants faibles Une édition subjective du Strategor MMX – MMXIII

Collectif Fichtre, Édouard Sautai Sautai / Fichtre : des orientations Novembre MMXI – juillet MMXII

Kouka Dynamique du surgissement Janvier – décembre MMXII

Myriam El Haïk Répétitions Juillet – décembre MMXII

MMIX, MMXI, MMXIII

Vous pouvez consulter l’ensemble des projets sur : www.hec.fr/espaceart 99


Colophon

Remerciements L’Espace d’art contemporain HEC remercie chaleureusement les contributeurs et tous ceux qui ont participé à la réalisation de nos projets. Un grand merci à Damien Pasteur, William Sabet, Margaux Hocquard, Pauline Brun, Amélie Gaulier, Victor Daamouche, Antoine Nessi, Mathieu Girard, Benjamin Testa, Hélène Maslard, Teurk, Samuel Monnet et William Gaye.

Éditeur Espace d’art contemporain HEC 1 rue de la Libération 78350 Jouy-en-Josas www.hec.fr/espaceart

Crédits photographiques L’Envers du vide, laissé par la pierre de l’entrée : William Gaye et Laurence De Leersnyder The Altar of Sacrifice : Maxime Chevillotte, Les Frères Chapuisat, Mathieu Girard et Vincent Gomis This Must Be The Place : Ludovic Sauvage Evolution #4 – Nest Level : Maxime Chevillotte, Teurk, Sambre Vestiges Éphémères : Maxime Chevillotte, Vincent Gomis, Peter Wüthrich

Conception graphique Atelier trois, Paris www.ateliertrois.fr

Coordination générale Anne-Valérie Delval Maxime Chevillotte

Photogravure  Fotimprim, Paris Impression Europe Média Duplication Route Gutenberg 53110 Lassay-les-Châteaux Nº d’impression : 29189 Imprimé en France Date Avril 2014 Dépôt légal  2e trimestre 2014 ISBN 978-2-9543844-3-6


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