Issuu 303

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Mathématiques

Ils déchiffrent l’Univers

Des robots chassent en meute

Robotique

La revue de l’Espace des sciences

www.sciences-ouest.org

n°303

Déchets

NE JETEZ PLUS, VALORISEZ! Emballages

Les Bretons champions du recyclage

Compostage

Des recherches innovantes sur les odeurs

Méthanisation

Des mélanges de déchets optimisés en laboratoire

NOVEMBRE 2012


Mathématiques

Ils déchiffrent l’Univers

Des robots chassent en meute

Robotique

La revue de l’Espace des sciences

www.sciences-ouest.org

n°303

Déchets

NE JETEZ PLUS, VALORISEZ! Emballages

Les Bretons champions du recyclage

Compostage

Des recherches innovantes sur les odeurs

Méthanisation

Des mélanges de déchets optimisés en laboratoire

NOVEMBRE 2012


© CÉLINE DUGUEY

La chasse au gaspi alimentaire est ouverte ! Le 21 octobre dernier, à l’occasion de l’ouverture du Salon international de l’agroalimentaire (Sial), à Paris, le ministre chargé de l’agroalimentaire a annoncé vouloir “réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici à 2025” en France. Sachant qu’il représente entre 20 et 30 kg de nourriture jetée par an et par habitant. Une problématique déjà dans le collimateur de l’Europe qui souhaite en faire le thème de l’année 2014. Et qui montre combien la question des déchets est liée à nos comportements de “consommateurs-jeteurs”.

En attendant que l’écoconception entre dans nos mœurs, les déchets sont sources d’innovations -vous découvrirez les coulisses d’un centre de tri nouvelle génération - et occupent les chercheurs. À Rennes, ceux d’Irstea(1) travaillent notamment à l’optimisation de la méthanisation et du compostage, ou sur la réduction des odeurs. NATHALIE BLANC RÉDACTRICE EN CHEF Irstea : Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

(1)

n° 303 NOVEMBRE 2012

LE DOSSIER

DÉJÀ DEMAIN LES BRÈVES

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À L’AFFÛT DES GORILLES VERS DES SYSTÈMES AGRICOLES DURABLES DES MARQUEURS INFALSIFIABLES HARO SUR LE PESTICIDE DU BANANIER !

4 5 6 7

ILS DÉCHIFFRENT L’UNIVERS

8

DES ROBOTS CHASSENT EN MEUTE

9

À L’ESPACE DES SCIENCES

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L’AGENDA DE LA RÉDACTION

20

L’ÉPREUVE PAR 7 FRANÇOISE GOURMELON, chercheur CNRS, en géomatique à Brest Une interview non scientifique 22

© DR

COUVERTURE © JEFF PACHOUD- AFP

DÉJÀ DEMAIN LES ACTUS

© JEFF PACHOUD- AFP

CE QUE JE CHERCHE

Par DAMIEN COUDREUSE, biologiste « J’ai simplifié le cycle cellulaire de la levure pour en comprendre la complexité »

LE MONDE VU DES POUBELLES 10 à 18 VALORISER POUR ÉCONOMISER

13

UN GESTE QUI ALLÈGE LA POUBELLE

14

IL PIÈGE LES MAUVAISES ODEURS

15

OPTIMISER LA MÉTHANISATION

16

DÉCHETS POTENTIELS VUS DU CIEL !

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UN BON DÉCHET TU DEVIENDRAS

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POINTE SÈCHE PAR WILLIAM AUGEL

Suivez-nous sur Twitter

@sciences_ouest et sur www.sciences-ouest.org

NOVEMBRE 2012 N°303 SCIENCES OUEST

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Déjà demain L’interview vidéo www.espace-sciences.org/so/gorilles

DAMIEN COUDREUSE BIOLOGISTE e fais de la biologie synthétique : j’ai réussi à reconstituer artificiellement et de façon extrêmement simple une fonction biologique très complexe qui est le cycle cellulaire. J’utilise pour cela la levure de fission (une levure en forme de bâtonnet) qui, depuis 25 ans, est un modèle d’étude en la matière. J’ai simplifié le contrôle du cycle cellulaire au maximum en remplaçant celui de ces cellules par une protéine unique suffisante pour cette fonction : une cycline fusionnée à une kinase (CDK). Tous les autres gènes ayant été éliminés. Résultats : les cellules continuent à se diviser exactement comme des cellules normales. Et quand j’introduis un inhibiteur chimique de cette protéine, le cycle cellulaire s’arrête. Je contrôle le système. Avec l’équipe SyntheCell que je suis en train de constituer à l’Institut de génétique et développement de Rennes(1), je vais utiliser ce modèle pour poser deux grandes questions. La première est d’arriver à saisir ce qui fait l’homogénéité d’une population de cellules ; pourquoi se divisent-elles toutes de la même façon ? La seconde est de comprendre pourquoi le cycle cellulaire des cellules eucaryotes s’est complexifié à ce point, alors qu’il peut fonctionner avec le minimum ? Pour cela, nous allons manipuler nos cellules synthétiques, observer leurs réactions à des stress : UV, température... mais aussi les laisser pousser sur au moins cinq cents générations, en d’autres termes mimer l’évolution, pour tenter d’en percer les mystères ! »

«J

PROPOS RECUEILLIS PAR NATHALIE BLANC (1)

Une biologiste suit des gorilles qui se relèvent d’une épidémie à virus Ebola.

À l’affût des gorilles ans une clairière, le calme règne. Du haut d’un mirador, armée d’un appareil photo, d’un crayon et d’une longue-vue, une biologiste attend, patiemment, sans faire de bruit. Nous sommes au nord-ouest de la République du Congo, dans le parc national d’Odzala-Kokoua. Il abrite une forte densité de gorilles, espèce en voie d’extinction critique (1). Ce sont eux que Céline Genton est venue observer. « L’une des populations, que nous suivons depuis 2001, a été touchée par une épidémie à virus Ebola en 2004, explique la jeune chercheuse, qui vient de soutenir sa thèse à la Station biologique de Paimpont(2). Ses effectifs sont passés de 377 à 38 individus. J’évalue ses capacités de récupération suite à ce crash démographique. » De la forme des arcades aux fossettes sur les narines en passant par les cicatrices et les teintes de pelage, tous les indices sont utiles pour identifier les individus qui passent par la clairière. « Je relève aussi la classe d’âge et le sexe », précise Céline Genton. Car les épidémies affectent directement la structure sociale et démographique des populations. « Normalement, on observe majoritairement des groupes reproducteurs, avec un mâle, plusieurs femelles et des jeunes. Comme le virus Ebola se transmet par contact, les groupes sont les plus touchés. La structure se déséquilibre en faveur des solitaires, souvent non matures. » Entre 2008 et 2010, la population de la clairière de Lokoué comptait quarante individus. L’évolution est lente, car le gorille n’a qu’un petit

D

tous les quatre ans. Mais, pour la première fois, la biologiste a pu observer la dynamique de récupération. « Les solitaires ont reformé de nouveaux groupes reproducteurs, avec des femelles venues de l’extérieur. Leurs jeunes sont en bas âge. Et les mâles adolescents sont partis à la recherche de nouvelles partenaires. » Ces résultats, récemment publiés(3), montrent l’importance de conserver un habitat non fragmenté pour favoriser ces échanges. Ils aident aussi à savoir si une population a été touchée ou non par l’épidémie. « Depuis 2005, nous suivons une autre population. En cinq ans, elle a perdu un tiers de son effectif. Mais nous pensons pouvoir dire aujourd’hui que ce n’est pas dû à Ebola, car sa structure sociale n’a pas changé. » D’ici à quelques mois, Céline Genton repartira à Odzala-Kokoua, en haut de son mirador, suivre au plus près le devenir des gorilles du parc. (1)

Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. (2) Dans l’équipe Paysages, changements climatiques et biodiversitéUMR CNRS 6553 Écobio. (3)Dans la revue Plos One (Genton C. et al., 2012).

Rens. : Céline Genton Tél. 02 99 81 61 70 celine.genton@univ-rennes1.fr

© CÉLINE GENTON-CNRS

CE QUE JE CHERCHE « J’ai simplifié le cycle cellulaire de la levure pour en comprendre la complexité »

UMR CNRS 6290.

Rens. : Damien Coudreuse Tél. 02 23 23 44 37 Damien.coudreuse@univ-rennes1.fr

© NATHALIE BLANC

Chercheur CNRS, Damien Coudreuse vient de recevoir, du Conseil européen de la recherche, un financement de cinq ans créé pour stimuler la recherche exploratoire. Il a réalisé son postdoctorat à l’université Rockefeller (New York) dans l’équipe du Dr Paul Nurse, Prix Nobel de médecine en 2001, qu’il a invité à Rennes en octobre dernier pour présenter ses travaux.

4 SCIENCES OUEST N°303 NOVEMBRE 2012

LES ÉCHOS DE L’OUEST RECONNAISSANCE L’INSTITUT UNIVERSITAIRE DE FRANCE BIEN REPRÉSENTÉ À RENNES ● Depuis le 1er octobre, l’Université de Rennes 1 compte trente enseignantschercheurs à l’Institut universitaire de France. Quatre membres juniors et un senior ont en effet été nommés à cette rentrée, pour cinq ans. Ils bénéficient d’horaires d’enseignement adaptés et de crédits de recherche.

BIODIVERSITÉ UN NOUVEAU MASTER ● L’Université de Bretagne Occidentale et le Conservatoire botanique national de Brest lancent une nouvelle spécialité de master sur la gestion et la conservation de la biodiversité. Il proposera des enseignements en biologie et en écologie complétés par du droit de l’environnement et de la sociologie.

Rens. : www.univ-rennes1.fr

Rens. : www.univ-brest.fr


Vers des systèmes agricoles durables

© VINCENT PERRICHOT-ANTWEB

LES FOURMIS ONT TRAVERSÉ LES ÂGES ! ● Leurs plus anciennes traces fossiles datent d’il y a nalyser la production agricole et les cent millions d’années. Et intrants utilisés, quantifier les impacts déjà à cette époque, plusieurs des produits issus de l’agriculture sur espèces coexistaient. Autant l’environnement, voici ce qui préoccupe Hayo dire que les fourmis ne sont van der Werf, spécialiste de l’Analyse du cycle pas nées d’hier ! Dans une de vie (ACV) dans les systèmes d’élevage à synthèse récente(1), trois chercheurs ont retracé leur histoire, depuis ces premiers fossiles du l’Inra de Rennes(1) et organisateur(2), début octo- crétacé retrouvés dans de l’ambre, en Charente-Maritime et en Birmanie, jusqu’aux fourmis bre à Saint-Malo, de la 8e édition du colloque d’aujourd’hui, en passant par les spécimens géants - « Les reines mesuraient huit centimètres sur l’ACV dans le secteur agroalimentaire de long ! » précise Vincent Perrichot, paléontologue à l’Université de Rennes 1 et coauteur de (plus de 400 personnes). « Nous prenons en l’étude - de l’éocène, il y a 50 millions d’années. Une synthèse qui a confirmé que ces insectes compte tout ce qui entre dans la ferme : de l’ali- sont actuellement plus nombreux que jamais, avec « 15 000 espèces connues, et 30 000 mentation des animaux au carburant du trac- supposées au total sur la planète. »

A

teur, explique-t-il. Rien que pour un élevage de porcs, cela représente 10 000 processus ! » Ces travaux pourront alimenter la base de données ACV (Agri-Balyse). Lancée au début de 2010 par l’Ademe, elle couvre actuellement 120 produits (végétaux et animaux) de l’agriculture française. Elle sera publique et destinée aux acteurs de la production agricole, « pour qu’ils réfléchissent à des changements dans leurs pratiques » et aux transformateurs des produits agricoles. Cette démarche va aussi dans le sens du Grenelle de l’environnement, qui préconise un affichage environnemental sur les produits de consommation. Laboratoire Sol, agro et hydrosystème, spatialisation (SAS), UMR Inra/Agrocampus. (2) En partenariat avec l’Ademe et dix sponsors du domaine des industries agroalimentaires. (1)

Rens. : Hayo van der Werf Tél. 02 23 48 57 09 hayo.vanderwerf@rennes.inra.fr

(1)

Parue en ligne dans Annual Review of Entomology, à paraître en décembre en version papier.

Rens. : Vincent Perrichot Tél. 02 23 23 60 26, vincent.perrichot@univ-rennes1.fr

ELLE RACONTE LA MER AUX ENFANTS ● Lucie la luciole sensibilise les enfants à l’environnement marin. Navigation, pêche, bords de mer ou grands fonds..., les sujets sont abordés avec les professionnels, les scientifiques ou les amoureux de la mer et constituent une série de dix documentaires de 26 mn. Les premières projections ont eu lieu au Village des sciences de Brest, du 10 au 14 octobre. Rens. : www.lucielaluciole.fr

LES HORAIRES DES BUS EN TEMPS RÉEL ● Kéolis Rennes et Rennes Métropole ont présenté, à l’occasion de Viva-cités, le 5 octobre, leur service d’horaires de transport en temps réel. Suivant la même démarche d’open data que pour les horaires théoriques en 2010, le service est ouvert aux développeurs pour créer des applications innovantes. Rens. : http://m.starbusmetro.fr et http://data.keolis-rennes.com

LUMIÈRE SUR UNE VOITURE SOLAIRE ● Ses formes élancées lui donnent l’allure d’un véhicule extraterrestre. Heol, la première voiture de course solaire bretonne, a été présentée au public le 26 octobre dernier, au Véhipôle de Ploufragan. Conçue par l’équipe Éco Solar Breizh, elle participera l’an prochain au World Solar Challenge en Australie. Rens. : www.ecosolarbreizh.com

© DIDIER GOURAY

LA VILLE DE DEMAIN SERA INTELLIGENTE ● Partout dans le monde, les villes grossissent. Pour répondre aux nouveaux enjeux qu’engendre cette croissance, nos cités vont devenir intelligentes. Mais, qu’est-ce qui rend une ville intelligente ? C’était la question posée lors de la matinale organisée par Rennes Atalante, le 2 octobre dernier, à l’occasion de la manifestation métropolitaine Viva-cités. « Les définitions sont nombreuses, a expliqué Philippe Baudouin, consultant au cabinet Idate, elles font intervenir les notions d’habitat, d’écologie, de capital humain et s’appuient sur le numérique. » La métropole rennaise - au slogan Vivre en intelligence - expérimente déjà. « Des lieux d’échanges de savoirs, comme la cantine numérique, ou le LabFab, laboratoire de fabrication francophone, ont émergé, a détaillé Norbert Friant, responsable du service Aménagement et usages du numérique à Rennes Métropole, mais aussi des outils collaboratifs, comme le réseau social local la Ruche, ou Wiki-Rennes. L’aspect participatif est essentiel. » Il sert, par exemple, à mieux connaître la perception qu’ont les habitants de leur cité, pour ensuite proposer des améliorations. « L’enjeu aujourd’hui c’est de faire passer ces expérimentations à l’échelle de la ville, mobiliser le plus grand nombre d’habitants. » L’intelligence, ça se partage !

© MARTIN HIRTREITER

Rens. : www.rennes-atalante.fr

GENRE DIPLÔME RECONNU ● L’Université Rennes 2 vient d’ouvrir, avec l’Université de Bretagne Occidentale, un diplôme en ligne sur le genre. Depuis 27 ans, elle accueille l’une des trois chaires françaises d’études féministes et sur les femmes.

IMAGES ET RÉSEAUX L’INSTITUT B-COM EST LANCÉ ● Après quelques mois d’attente - il a été labellisé le 30 janvier dernier (lire Sciences Ouest n°296-mars 2012) -, l’Institut de recherche technologique B-Com, dédié à l’image, aux réseaux ultra-haut débit et à la médecine du futur vient d’être officiellement lancé, via la signature, le 16 octobre, d’une convention avec l’Agence nationale de la recherche.

RECHERCHE UN RENNAIS PRÉSIDE L’ALLIANCE ATHÉNA ● Jean-Émile Gombert, président de l’Université Rennes 2, vient d’être nommé président de l’alliance nationale Athéna des sciences humaines et sociales. Depuis deux ans, différentes alliances assurent la coordination nationale de la recherche dans le cadre du schéma national de la recherche et de l’innovation.

Rens. : www.univ-rennes2.fr

Rens. : www.bretagne-innovation.tm.fr/Actualites

Rens. : www.allianceathena.fr NOVEMBRE 2012 N°303 SCIENCES OUEST

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Déjà demain

Ils déchiffrent l’Univers MATHÉMATIQUES Dans l’espace et l’océan, des chercheurs rennais ont permis des avancées dans la compréhension du monde. u mouvement des océans à l’évolution des galaxies, les secrets de la marche du monde tiennent parfois dans quelques équations... Encore faut-il pouvoir les lire ! Dans les bureaux de l’Institut de recherche mathématique de Rennes (Irmar), trois chercheurs ont récemment amélioré cette lecture du monde.

D

L’origine des vortex Spécialiste d’analyse, Christophe Cheverry s’est plongé dans l’étude des mouvements océaniques. « Plusieurs types d’ondes se propagent dans les océans, explique le mathématicien. Les ondes de Poincaré, par exemple, connues depuis longtemps des navigateurs qui les

utilisent pour accélérer. Il y a une dizaine d’années, grâce à des suivis par satellite des bancs de plancton, un autre phénomène a été mis au jour : les ondes de Rossby. » Ces dernières se lisent dans la variation moyenne, sur un ou deux jours, des hauteurs d’eau à la surface des océans. Impossible de les détecter à l’œil nu ! Mais elles transportent beaucoup d’énergie et peuvent donner naissance à des tourbillons, des vortex océaniques, que l’on ne sait pas encore prédire et qui peuvent parfois piéger des écosystèmes fragiles. « Les physiciens aimeraient retrouver l’origine de ces phénomènes dans les équations qui régissent les déplacements de masses d’eau océaniques »,

reprend Christophe Cheverry. La clé du problème, c’est le temps : « Ces modèles sont bien compris sur quelques heures, voire quelques jours. Mais pas sur un temps long. » Or il faut environ un an aux ondes de Rossby pour traverser l’océan. Alors, avec trois collègues de Paris, Christophe Cheverry a mis au point une nouvelle approche. « Il s’agit de mieux appréhender des systèmes d’équations aux dérivées partielles impliquant des coefficients variables. Ces derniers sont liés à la force de Coriolis, qui met en mouvement les masses d’eau, mais qui varie en fonction de la latitude. » Ces travaux, publiés cette année(1), permettent de lire les trajectoires à long terme dans un modèle simplifié, où

En 2013, les maths arrivent sur Terre !

D

ans les océans, le changement climatique, mais aussi dans l’économie ou la gestion des ressources, les mathématiques se glissent partout ! L’année 2013 sera l’occasion de mettre l’accent sur ces liens étroits, tant au niveau de la recherche, en réunissant des scientifiques concernés à travers le monde, que de la communication auprès du grand public. CD Rens. : www.mpt2013.org

8 SCIENCES OUEST N°303 NOVEMBRE 2012

l’océan est une grande surface plane, sans continents. « De nombreuses avancées seront nécessaires pour intégrer les paramètres réels. Mais maintenant, on sait comment s’y prendre ! »

L’équilibre des galaxies Un seul étage plus haut, Mohammed Lemou et Florian Méhats ont déjà la tête dans les étoiles : ils ont résolu un problème qui tient à la stabilité des galaxies ! « Les étoiles qui les composent peuvent se répartir de multiples façons, signale Mohammed Lemou. La question est de savoir si certaines de ces configurations sont stables. Par exemple, si une galaxie vient à être perturbée par son environnement, ne serait-ce qu’un tout petit peu, va-t-elle conserver une configuration proche ou au contraire changer complètement, voire exploser ?! » Pour certaines galaxies, parmi celles dites sphériques, tout devrait bien se passer, d’après les conjectures des astrophysiciens. Encore fallait-il le montrer ! « Dans les


ROBOTIQUE Autonomes et parfaitement coordonnés, des robots sous-marins forment des patrouilles d’un genre nouveau.

Des robots chassent en meute urveiller le bon fonctionnement d’une hydrolienne. Inspecter la qualité d’un câble électrique sous-marin. Ces missions, confiées aujourd’hui à des plongeurs, pourraient, demain, être réalisées par des robots. Le projet Comet, porté par la société Neotek (Lorient) et l’École nationale supérieure des techniques avancées (Ensta) de Bretagne, cherche à développer des véhicules sous-marins autonomes (AUV (1)) d’un nouveau genre, capables de fonctionner de manière parfaitement coordonnée.

S

Située dans la constellation de la Vierge, la galaxie M87 fait partie des galaxies sphériques étudiées par des mathématiciens rennais. © NASA-HST-ROBERT GENDLER

années 60, un Russe avait fait le premier pas en obtenant un résultat mais dans un système simplifié, où les forces d’interaction qui régissent le système ne sont prises en compte que partiellement. Nous, nous avons été plus loin, en prenant vraiment en compte ces forces non linéaires. » Comme il est impensable de décrire les trajectoires de chacun des milliards de corps célestes qui composent une galaxie, les mathématiciens ont fait appel à une description statistique.

Des statistiques d’étoiles « Le modèle de Vlasov-Poisson, précise Mohammed Lemou, qui décrit l’évolution dans le temps d’une répartition d’étoiles. Nous avons montré qu’en initialisant le modèle avec un état proche de certaines configurations stationnaires, alors il en reste éternellement proche : ces configurations sont stables. » Cette avancée, parue en février dernier(2), ouvre de nouveaux horizons de recherche, car l’Univers réserve encore bien des secrets aux scientifiques. CÉLINE DUGUEY Dans Duke Mathematical Journal. (2)Dans Inventiones Mathematicae. (1)

CONTACTS

Lutter contre la dérive Lors de la Sea Tech Week, qui s’est déroulée du 8 au 12 octobre à Brest, le public a pu observer une démonstration de l’un de ces automates dans un bassin. Après avoir patrouillé pour reconnaître son environnement, l’AUV détecte immédiatement un objet introduit dans l’eau, et entame ensuite la poursuite de ce dernier. « Le robot connaît sa position par GPS avant d’être immergé. Quand il plonge, il va mettre à jour ses données en utilisant son système de navigation inertielle. Mais avec le temps, les dérives de ce système provoquent un accroissement de l’incertitude sur sa position », explique Benoît Zerr, de

l’Ensta Bretagne. Comment se repérer en mer, où les courants entraînent une dérive ? En “chassant” à plusieurs. Organisés en “meute”, les AUV peuvent se localiser par triangulation. Luc Jaulin, chercheur en robotique à l’Ensta, met au point des calculs “ensemblistes”, basés sur des équations dont les variables sont remplacées par des intervalles : le robot ne connaît pas précisément sa position, mais sait que celle-ci se trouve dans un espace à trois dimensions délimité par des intervalles en latitude, longitude et profondeur. « Les AUV doivent pouvoir communiquer entre eux de manière sécurisée, par des signes optiques en bassin ou acoustiques, plus commodes en mer en raison des distances et de la turbidité de l’eau », souligne Benoît Zerr.

Dans le sillage d’un leader Pour parvenir à une coordination optimale des automates, les scientifiques de l’Ensta s’appuient sur l’expertise de Télécom Bretagne (système de transmission acoustique), Neotek (conception du robot porteur), ZTI (mise au point d’une horloge de très grande précision) et Williamson Electronique (conception d’une pile adaptée au milieu marin). « L’aspect innovant du projet vient

de la capacité du robot sousmarin à travailler de manière coopérative et collaborative avec d’autres robots », souligne Julien Lamour, de Neotek. Comme certains bancs de poissons parcourant de longues distances, les AUV pourraient se positionner dans le sillage d’un leader, régulièrement remplacé afin d’économiser leur énergie. La perte ou la panne d’un AUV n’interrompra pas la mission, grâce à la coordination en temps réel de la meute. Contrairement aux AUV actuels, très lourds parce que conçus pour effectuer une multitude de tâches, ces robots “poissons” seront monofonctions, donc beaucoup plus légers : tel robot sera doté d’un capteur d’obstacle, tel autre d’une caméra... Le budget de Comet atteint 2,9 millions d’euros(2). Les premières meutes de robots devraient être déployées d’ici à un ou deux ans. RAPHAËL BALDOS AUV : Autonomous Underwater Vehicule. (2) 660 000 euros sont issus du Fonds unique interministériel (FUI), qui couvre 100 % de la partie recherche du projet labellisé par le pôle Mer Bretagne, et 1 million d’euros est versé par les Régions Bretagne et Pays de la Loire, le département du Morbihan et les communautés d’agglomérations de Lannion et de Lorient. Le reste est financé par les fonds propres des partenaires industriels. (1)

CONTACTS Benoît Zerr Tél. 02 98 34 88 13 Benoit.zerr@ensta-bretagne.fr Julien Lamour Tél. 02 97 89 87 25 julien.lamour@neotek-web.com

Grâce à une organisation en meute, ces robots pourront bientôt réaliser des opérations de surveillance sousmarines confiées aujourd’hui à des plongeurs. © COMET

Christophe Cheverry Tél. 02 23 23 66 66 christophe.cheverry@univ-rennes1.fr Mohammed Lemou Tél. 02 23 23 61 28 mohammed.lemou@univ-rennes1.fr NOVEMBRE 2012 N°303 SCIENCES OUEST

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LE DOSSIER DE

LE MONDE VU D REFLET DE NOTRE SOCIÉTÉ, LA PRODUCTION DE DÉCHETS DEVIENT DE PLUS EN PLUS IMPORTANTE. ATTENTION, OPÉRATION RÉDUCTION. l y a eu le boum du plastique, celui du jetable, le besoin de bouger, d’aller plus vite... Nos modes de vie et donc notre façon de produire et de consommer ont beaucoup changé depuis un siècle. Et cela ne va pas toujours dans le bon sens si l’on regarde du côté de nos poubelles : elles débordent ! La production d’ordures ménagères par habitant a doublé en 40 ans et atteint aujourd’hui en France 352 kg/habitant/an. Et, même si le nombre de poubelles a augmenté lui aussi : on jette moins sans réfléchir, on trie, on recycle, on composte..., le problème des déchets n’est pas si facile à régler.

I

10 SCIENCES OUEST N°303 NOVEMBRE 2012

Les lois Grenelle 1 et 2 (votées en août 2009 et juillet 2010) ont fixé différents objectifs : la réduction de la production d’ordures ménagères et assimilées (lire définition p.12) fixée à 7 % par habitant en cinq ans (de 2009 à 2013) ; l’augmentation de la quantité de déchets à orienter vers la filière de recyclage organique, qui devra atteindre 45 % en 2015 ; le recyclage des déchets d’emballages ménagers devant atteindre 75 % en 2012, tout comme celui des déchets d’entreprises. Enfin, les quantités de déchets stockés ou incinérés devront être réduites de 15 % en 2012. Depuis le 1er janvier 2012, les collectivités ont aussi l’obligation d’organiser des programmes locaux de prévention destinés aux habitants, comme la promotion du

compostage, par exemple (lire p. 14). L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) anime les collectivités chargées de leur mise en œuvre.

Caractéristiques des déchets bretons La Région Bretagne est d’ailleurs assez active en la matière, elle se classe en 3e position au niveau national en termes d’actions labellisées pour la Semaine européenne de la réduction des déchets (lire p.18). L’Ademe Bretagne estime que toutes les actions menées dans le cadre de programmes de prévention couvrent dès à présent 79 % de la population, alors que l’objectif dicté par la loi Grenelle visait 80 % d’ici à 2015. Les Bretons auraient-ils une plus grande sensibilité


P. 14

Un geste qui allège la poubelle © TC

P. 15

Il piège les mauvaises odeurs © CÉLINE DUGUEY

P. 16 © JEFF PACHOUD- AFP

Optimiser la méthanisation © DR

ES POUBELLES environnementale ? Oui du point de vue du tri des déchets, qui est plutôt bien fait en Bretagne : la région remporte la palme en termes de recyclage des emballages ménagers (lire encadré ci-contre) et les Bretons sont des adeptes de la déchèterie. Ils la fréquentent trois fois par an, ce qui est bien au-dessus de la moyenne nationale (une visite par an). Le maillage des déchèteries s’est d’ailleurs développé très tôt, dès les années 90, dans toute la région qui en compte maintenant près de 250. La quantité de déchets verts est aussi supérieure à la moyenne nationale, tandis que le compostage individuel a une bonne cote. Mais les capacités de traitement ne suivent pas. Une partie des ordures ménagères résiduelles produites en Bretagne est acheminée en Mayenne, à Changé, près de Laval, vers l’un des plus gros centres d’enfouissement français. Ce département suréquipé par rapport à ses besoins

(il compte un autre centre de stockage et un incinérateur) compense le déficit d’équipement de ses voisins bretons, normands et des

autres départements des Pays de la Loire. Adapter ses infrastructures aux besoins nécessite de bien connaître son territoire.

Les Bretons recyclent plus que les autres

65,3

kg, c’est le poids des emballages ménagers (hors journaux et magazines) recyclés en moyenne par chaque Breton en 2011. Un résultat qui fait de la Bretagne la première région de France, où la moyenne n’est que de 45,2 kg. La progression de 6 % enregistrée par rapport à l’année 2010 se retrouve par contre au niveau national.

En Bretagne, l’amélioration concerne tous les matériaux d’emballages ménagers (verres, cartonnettes, plastiques et métaux) et tous les départements. Ces chiffres viennent d’être publiés par la société Éco-Emballages qui pilote le dispositif national de tri et de recyclage des emballages ménagers, en lien avec les industriels et les collectivités chargées de

la collecte. Cinquante-sept sont engagées en Bretagne (qui couvrent 100 % du territoire). À une période où les matières premières sont moins disponibles et plus chères, les matériaux recyclés, de mieux en mieux intégrés dans les dispositifs industriels, représentent un marché de 238 millions d’euros. NB Rens. : www.ecoemballages.fr

NOVEMBRE 2012 N°303 SCIENCES OUEST

11


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