Océanographie
Biologie
Des recherches en haut de la vague !
Pourquoi les plantes sont-elles vertes ?
La revue de l’Espace des sciences
www.sciences-ouest.org
n°308
Cloud computing
UNE NOUVELLE RÉVOLUTION
AVRIL 2013
Le boom du stockage et de la puissance de calcul
Des recherches clés sur la sécurité informatique
Ces entreprises bretonnes déjà dans le cloud
Océanographie
Biologie
Des recherches en haut de la vague !
Pourquoi les plantes sont-elles vertes ?
La revue de l’Espace des sciences
www.sciences-ouest.org
n°308
Cloud computing
UNE NOUVELLE RÉVOLUTION
AVRIL 2013
Le boom du stockage et de la puissance de calcul
Des recherches clés sur la sécurité informatique
Ces entreprises bretonnes déjà dans le cloud
© CÉLINE DUGUEY
Dissipons le brouillard Derrière cet anglicisme nuageux - comment le traduire ? - se cache un nouveau monde..., qui n’est plus la chasse gardée des ingénieurs en informatique. Devenu une offre commerciale que l’on croise de plus en plus souvent depuis 2012, le cloud computing est désormais accessible à tout le monde. Pour stocker des données, faire des calculs ou des mises à jour..., on ne pourrait plus s’en passer ! Cette nouvelle manière “délocalisée” de travailler
sur des données “virtuelles” est en train de transformer l’organisation des entreprises. Et pose aussi beaucoup de questions concernant la circulation des données et leur sécurité, sur lesquelles les chercheurs travaillent activement. Mais les premiers utilisateurs sont déjà mordus. Voici quelques éclaircissements bretons sur ce qui serait même en train de devenir un nouveau paradigme de la recherche... NATHALIE BLANC RÉDACTRICE EN CHEF
n° 308 AVRIL 2013
LE DOSSIER
DÉJÀ DEMAIN LES BRÈVES
DES POISSONS BIEN ÉLEVÉS DES VACCINS À LA POINTE UN AN DE MÉCÉNAT DE COMPÉTENCES UN NOUVEL OBSERVATOIRE DANS LE PAYSAGE
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DÉJÀ DEMAIN LES ACTUS DES RECHERCHES EN HAUT DE LA VAGUE !
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POURQUOI LES PLANTES SONT-ELLES VERTES ? 9
À L’ESPACE DES SCIENCES
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L’AGENDA DE LA RÉDACTION
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L’ÉPREUVE PAR 7 GILLES PINAY, écologue et biogéochimiste Une interview non scientifique
© TOM WANG - FOTOLIA.COM
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LA RÉVOLUTION DU CLOUD 10 à 18 DES MASSES DE DONNÉES À TRAITER
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LA SÉCURITÉ, LE DÉFI À RELEVER
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OÙ SONT STOCKÉES MES PHOTOS ?
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PLEIN DE NUAGES EN FORMATION
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POUR JOUER DANS LE MONDE ENTIER 17 22
© DR
COUVERTURE © TOM WANG - FOTOLIA.COM / © SCANRAIL-FOTOLIA.COM / © SAEED KHAN -AFP / © KORRISOFT
CE QUE JE CHERCHE
Par FLORENT LALYS, ingénieur en informatique « Je développe des outils basés sur le traitement d’images pour aider les chirurgiens »
DES SERVEURS AU PAYS DU FROID
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POINTE SÈCHE PAR WILLIAM AUGEL
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AVRIL 2013 N°308 SCIENCES OUEST
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Déjà demain
FLORENT LALYS INGÉNIEUR EN INFORMATIQUE e développe des outils basés sur le traitement d’images pour aider les chirurgiens. Pendant ma thèse, j’ai travaillé sur la chirurgie assistée par ordinateur. Lors d’une intervention, le médecin reçoit des informations via un écran, l’image d’un scanner du patient, par exemple. Au fil de l’opération, il doit, pour l’instant, charger ces informations manuellement, ce qui engendre une perte de temps. J’ai cherché à mettre au point un système qui détecte automatiquement les différentes étapes d’une opération. Cela pourrait permettre d’adapter en temps réel les informations fournies au chirurgien. J’ai utilisé les vidéos enregistrées par les microscopes utilisés lors des opérations. Des algorithmes de traitement d’images repèrent les couleurs, textures, formats présents dans les images, pour les regrouper en séquences. Puis je compare ces séquences à une base de données que j’ai créée au début de mes travaux, où chaque ensemble de paramètres est associé à une étape précise : incision avec tel scalpel à tel niveau... J’ai également travaillé au niveau postopératoire, pour la formation des chirurgiens. Aujourd’hui, je ne travaille plus sur les vidéos opératoires mais sur la stimulation cérébrale profonde, avec une autre équipe(1). Je mets au point un atlas du cerveau du patient sur lequel le médecin peut retrouver les informations dont il a besoin pour optimiser sa stimulation. Et je quitterai bientôt le monde de la médecine pour celui de la surveillance urbaine, mais toujours dans le traitement de l’image ! »
«J
PROPOS RECUEILLIS PAR CÉLINE DUGUEY (1)
Lire Sciences Ouest n° 285-mars 2011.
Des poissons bien élevés n y trouve des poissons rouges, des poissons-zèbres, ou encore des truites arc-en-ciel ! Nous ne sommes pas au rayon animalerie d’une jardinerie, mais dans un laboratoire de recherche. Plus précisément dans les nouvelles installations expérimentales du Laboratoire Inra(1) de physiologie et génomique des poissons (LPGP), sur le campus de Beaulieu, à Rennes. Inauguré le 14 février dernier, le nouveau bâtiment accueille les élevages de poissons utilisés par les chercheurs. « Jusqu’ici, nos élevages étaient dispersés, explique Patrick Prunet, directeur du LPGP, ce nouveau bâtiment nous permet de remplir toutes les exigences sanitaires. Et surtout, ces nouvelles installations sont mieux adaptées en termes de contrôle des paramètres : température, salinité ou encore qualité de l’eau car nous fonctionnons en circuit fermé. » Huit salles d’élevage sécurisées sont disponibles, et les espèces sont bien séparées. Les truites vivent dans des grands bacs à 10 - 12 °C, par exemple, alors que les poissons-zèbres et les médakas, des petits poissons originaires d’Asie, se plaisent dans des petits aquariums aux alentours des 28 °C. Ils sont parfois soumis à des conditions particulières. « Pour les poissons rouges, nous alternons des cycles d’eau chaude et d’eau froide afin de relancer la reproduction. » Car la reproduction est l’un des thèmes phares étudiés par le laboratoire, qui s’intéresse aussi à la croissance et à l’impact du stress sur les capacités d’adaptation. « Ces installations nous ont aussi permis d’entrer dans deux projets d’investissements
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d’avenir », ajoute Patrick Prunet. Le premier, CRB-Anim, vise à développer des innovations sur la cryoconservation des cellules, pour les centres de ressources biologiques. « Nous apportons notre expertise sur la production d’embryons de poissons rouges justement. » Le second concerne l’imagerie et le traitement de l’image sur les poissonszèbres. « Nous connaissons bien le génome de cette espèce, qui est un peu l’équivalent de la souris,
espèce modèle chez les mammifères. En introduisant des marqueurs fluorescents, nous pouvons visualiser différents organes. Ici, nous nous intéressons aux gonades, aux muscles, à la peau et aux branchies. » Quant aux truites, elles sont destinées à des projets de recherche en lien direct avec la pisciculture, notamment sur la croissance et la qualité de la chair. Sauf que, pour des raisons sanitaires, celles du laboratoire ne se mangent pas !
Rens. : Patrick Prunet Tél. 02 23 48 70 07 patrick.prunet@rennes.inra.fr
© VANGERT-FOTOLIA.COM
« Je développe des outils basés sur le traitement d’images pour aider les chirurgiens »
De nouvelles installations d’élevage de poissons ont été inaugurées dans un centre de recherche rennais.
NUMÉRIQUE LA CANTINE BRESTOISE EST OUVERTE ! ● Lieu de rencontres sur le numérique et les nouvelles technologies, mais également espace de travail, la cantine de Brest est désormais en marche. Elle est animée par Jessica Pin, précédemment chargée de mission à l’Association des filières de l’électronique, de l’informatique et des télécommunications de Bretagne occidentale.
MER L’HYDROLIENNE DE SABELLA AVANCE ● La société quimpéroise Sabella a entamé le montage du démonstrateur d’hydrolienne qui sera immergé au large d’Ouessant. La Région Bretagne, le Conseil général du Finistère et Quimper Communauté viennent de verser respectivement 300 000, 300 000 et 50 000 euros sous forme d’une avance remboursable pour ce projet qui réclame 1,3 million d’euros.
© CÉRÉALES KILLER
CE QUE JE CHERCHE
Rens. : www.lacantine-brest.net
Rens. : www.sabella.fr
(1)
Inra : Institut national de la recherche agronomique.
Rens. : Florent Lalys, florent.lalys@univ-rennes1.fr
LES ÉCHOS DE L’OUEST
© DR
Florent Lalys est en postdoctorat au Laboratoire traitement du signal et de l’image à l’Université de Rennes 1, et va bientôt rejoindre l’université de Houston, aux États-Unis. Il a reçu, le 8 mars dernier, un prix de thèse de la fondation Rennes 1, qui récompense des recherches innovantes.
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COURANTS : ÇA RALENTIT DANS L’OCÉAN ! ● Une équipe de chercheurs franco-espagnole (dont ceux du Laboratoire de physique des océans(1) de Brest) a mis en évidence le lien entre le ralentissement du tapis roulant océanique, qui rois équipes du CNRS, dont celle de transporte en surface les eaux chaudes vers les hautes latitudes Roland Le Borgne de l’Institut de géné- et en profondeur les eaux froides vers le Sud, et la réduction de tique et développement de Rennes l’absorption du gaz carbonique (CO2) émis par l’homme, qui s’est (IGDR), en savent désormais un peu plus sur accélérée entre 1990 et 2006. Ces résultats viennent d’être les mécanismes de division des cellules épi- publiés(2) et s’appuient sur des données acquises pendant des campagnes océanographiques entre théliales, jusque-là peu étudiées(1). Ces der- 1997 et 2006. Observé depuis le début des années 2000, le ralentissement des courants s’intègre nières composent des tissus très présents dans une variabilité dont les cycles durent de une à plusieurs dizaines années, et qu’il faudra dans l’organisme, hypercompacts, qui désormais davantage prendre en compte dans les modèles de prévision du changement climatique.
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constituent la limite entre un organe et l’extérieur. Les cellules épithéliales ont donc la particularité d’être polarisées : elles comportent une zone apicale, en contact avec l’extérieur, et une partie baso-latérale à l’intérieur séparées par des jonctions d’adhérence qui assurent la cohésion entre les cellules. Les chercheurs ont découvert que la division cellulaire est asymétrique. Elle progresse du pôle basal vers le côté apical, et ne se fait pas de façon autonome. « La cellule en division est en contact permanent avec ses voisines, et il faut que leurs forces d’adhésion se rompent localement pour permettre aux cellules filles de se séparer, puis de former de nouvelles jonctions entre elles, explique Roland Le Borgne. Ces forces se rééquilibrent ensuite, un peu comme dans le jeu du tir à la corde. » Les trois articles sont parus dans le même numéro de la revue Developmental Cell (2013). (1)
Rens. : Roland Le Borgne Tél. 02 23 23 48 94 roland.leborgne@univ-rennes1.fr
(1)
Unité mixte de recherche Ifremer/CNRS/IRD/UBO. (2) Dans la revue Nature Geoscience, 13 janvier 2013.
Rens. : Pascale Lherminier Tél. 02 98 22 43 62, pascale.lherminier@ifremer.fr
SAINT-MALO EN VERSION NUMÉRIQUE ● Baptisé Digital Saint-Malo, un collectif d’entreprises malouines vient de se créer. Son but : attirer de nouvelles entreprises du numérique qui bénéficieront d’un accompagnement individualisé. Le collectif porte également le projet de création d’une cantine numérique, en lien avec la Chambre de commerce et d’industrie, Rennes Atalante, Saint-Malo Agglomération et la cantine rennaise.
Rens. : www.atalante-stmalo.fr
TÉLÉCOM BRETAGNE OUVRE SES PORTES AUX ENTREPRISES ● Le 22 mars dernier, dans le cadre de la semaine de l’industrie, l’école d’ingénieurs Télécom Bretagne, basée à Brest, a accueilli dans ses locaux des acteurs du monde de l’entreprise. L’objectif était de leur présenter les potentiels de l’école et de favoriser les collaborations, tant avec les élèves qu’avec les enseignants-chercheurs. L’événement était coorganisé avec les technopôles de Bretagne, Cap’tronic et la cantine numérique brestoise. Rens. : www.telecom-bretagne.eu
NUMÉRIQUE, SENIORS ET SANTÉ ● Mettre en relation prescripteurs, utilisateurs et intégrateurs avec des offreurs de solutions numériques innovantes dans le domaine de la santé, des seniors, des services à la personne et des aidants, tel est l’objectif des rencontres d’affaires organisées par la Chambre de commerce et d’industrie de Rennes. La seconde édition a accueilli cent cinquante personnes le 21 mars dernier au Stade rennais. Rens. : Maxime Tachon Tél. 02 99 33 63 70 rencontres2013@rennes.cci.fr
© RUNDVALD
MOBILISATION AUTOUR DE LA BIODIVERSITÉ MARINE ● État des lieux de la perte de biodiversité, outils de gestion et de protection, alliés au développement des territoires maritimes..., voici les grands thèmes abordés, en novembre dernier, pendant les premières rencontres internationales de la biodiversité marine et côtière. Organisé par Brest Métropole Océane à Océanopolis, en partenariat avec le Conseil régional de Bretagne, le Conseil général du Finistère et sous le haut patronage du Secrétaire exécutif de la convention sur la diversité biologique, cet événement marque l’engagement des villes portuaires et autres acteurs locaux pour la biodiversité. Il a accueilli près de cent soixante-dix participants (dont quarante intervenants) de treize nationalités différentes. Un blog avait déjà été créé pour permettre de poursuivre les échanges (adresse ci-dessous). Aujourd’hui, les actes y sont accessibles en ligne, et l’idée d’une conférence, courant 2013, consacrée à l’économie bleue, ou exploitation économique durable des ressources marines et côtières, fait son chemin. Rens. : www.biodiversite-marine.eu
ILS S’ASSOCIENT POUR LA PÊCHE DURABLE ● Des entreprises, des institutionnels - dont Lorient agglomération - et des ONG se sont regroupés pour créer, à Lorient, une association sur la promotion de la pêche durable. Elle veut mutualiser les connaissances, promouvoir les bonnes pratiques ou encore participer à l’élaboration des politiques communes de la pêche.
ÉNERGIE MOINS D’ONDES ET DES ÉCONOMIES D’ÉNERGIE DANS LA MAISON ● Le pôle de compétitivité Images et Réseaux vient de labelliser le projet Greencomm. Porté par Orange, il vise à améliorer la consommation énergétique des équipements présents dans l’habitat et à minimiser l’exposition aux ondes. Il associe les entreprises Technicolor, Niji, Turbo Concept, Satimo, Idil, Siradel ainsi que Télécom Bretagne Brest et Rennes.
Rens. : www.caplorient.com
Rens. : www.images-et-reseaux.com AVRIL 2013 N°308 SCIENCES OUEST
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© IFREMER-P. LHERMINIER
Des cellules qui tirent à la corde
Déjà demain
Des recherches en haut de la OCÉANOGRAPHIE Grâce aux informations envoyées par un satellite océanographique, des chercheurs brestois ont mesuré la plus haute vague jamais recensée. maginez... 36 mètres, un immeuble de douze étages. Et maintenant, une vague qui arrive au même niveau ! C’est le record de hauteur de vague qu’ont mesuré des chercheurs de l’Ifremer de Brest, record publié en décembre dernier(1). Ça s’est passé en février 2011, lors de la tempête Quirin, dans l’Atlantique Nord, au sud de l’Islande.
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Du creux à la crête Pour effectuer leur mesure, les chercheurs n’ont - heureusement - pas eu à se rendre sur place ! Ils ont utilisé les données enregistrées et envoyées par le satellite océanographique Jason 2. « Il mesure en routine la hauteur du niveau de la mer, avec une précision, en moyenne, de 15 cm, explique Fabrice Ardhuin, mais nous n’étions pas certains qu’il était fiable pour de telles perturbations. » Le satellite envoie des ondes qui se reflètent sur la mer. C’est le temps mis pour par-
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courir l’aller-retour qui permet de déduire la distance. Une méthode simple et efficace lorsque la mer est plate. Mais lorsqu’il y a des vagues, il faut prendre en considération plusieurs échos : celui qui correspond à la crête de la vague, qui revient plus tôt, et celui qui correspond au creux de la vague, qui revient plus tard. Et comme le satellite, qui se déplace lui aussi, ne peut pas viser précisément ces zones, les océanographes considèrent une moyenne des hauteurs sur plusieurs centaines de vagues. « Le 14 février 2011, cette hauteur moyenne a atteint 20,1 m, un record depuis le début de ces mesures, à la fin des années 1980. Grâce à des données statistiques, nous avons pu en déduire que la vague la plus haute de cette tempête devait dépasser les 36 m de haut ! »
Jusqu’à la côte Devant ce chiffre vertigineux, les chercheurs ont
voulu confirmer leurs résultats. « Nous avons regardé des enregistrements transmis par des bouées placées près des côtes européennes entre le 15 et le 16 février, lorsque la houle de la tempête a atteint les côtes. Et nous avons remarqué que le temps entre deux vagues était particulièrement long, 25 secondes, un autre record ! Ce qui conforte l’idée de vagues exceptionnellement hautes. Nous retrouvons cette période sur les enregistrements des sismographes sous-marins, qui
sont sensibles à l’intensité des tempêtes. » Outre le record, ce résultat permet de valider les mesures satellitaires pour des événements exceptionnels. Cela peut servir en prévention, pour connaître les hauteurs que l’on peut atteindre dans des zones où des structures, comme des platesformes pétrolières, doivent être installées, où encore pour le développement des énergies marines renouvelables basées sur l’utilisation de la force des vagues.
Ils surfent sur les records
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i la vague la plus haute de la tempête Quirin s’est formée au beau milieu de l’Atlantique, de belles ondulations sont arrivées sur les côtes, notamment au Pays basque où, « à cause du fond très accidenté, les vagues se reforment. » Une occasion rêvée pour les surfeurs, qui ont pu profiter le 16 février 2011, de rouleaux d’environ 10 m de haut sur le site de Belharra, à 3 000 km du site record ! Ils ont ainsi surfé la plus haute vague de l’année. Plus récemment, c’est à Nazaré, au Portugal, que l’Américain Garett McNamarra est entré au Guinness Book des records en s’attaquant à une vague d’environ 23 m, hauteur estimée CD sur les photos, à partir de la taille du surfeur.
BIOLOGIE La connaissance du génome d’une algue rouge a permis aux chercheurs de comprendre pourquoi ces dernières n’ont pas colonisé la Terre.
Pourquoi les plantes sont-elles vertes ? lles composent la grande majorité de la flore terrestre. Dans la nature, et aujourd’hui en pot dans nos maisons, les plantes vertes ont colonisé la Terre il y a de ça 500 millions d’années, quand les premières algues de la même couleur sont sorties des eaux. Mais si les algues vertes ont franchi le pas, leurs cousines les algues rouges sont restées au fond de l’océan. En étudiant le génome de l’une d’entre elles, Chondrus crispus, des chercheurs ont compris pourquoi vous n’avez pas à arroser les plantes rouges de votre voisin pendant l’été !
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L’Américain Garett McNamarra le 30 janvier dernier à Nazaré, au Portugal. La veille, il est entré au Guinness Book des records en surfant une vague estimée à 23 m. © AFP PHOTO - PATRICIA DE MELO MOREIRA
vague ! « Aujourd’hui le record tient toujours, pour les mesures effectuées par satellites. Car il est également possible d’utiliser des bouées, mais ce sont des mesures très locales, il n’y en a que quelques centaines dans le monde. » Le record enregistré par des bouées a été battu fin février dernier, avec 19 m, au large de l’Écosse.
Souffler longtemps « L’Atlantique Nord est la zone où l’on trouve les plus grosses vagues au monde, note Fabrice Ardhuin. Il faut qu’il y ait du vent qui souffle longtemps, sur une grande distance et qu’il se déplace en même temps que les vagues, ici d’est en ouest. Ce ne sont pas les vents les plus forts qui provoquent les plus grosses vagues. » En plus d’un record, les chercheurs pourraient avoir mis au jour un nouveau dicton ! CÉLINE DUGUEY (1)
Dans Bulletin of American Meteorology Society.
CONTACT Fabrice Ardhuin Tél. 02 98 22 49 15 fabrice.ardhuin@ifremer.fr
Un bon modèle « Chondrus crispus est une algue rouge très commune, d’une vingtaine de centimètres, rappelle Jonas Collén, biologiste à la Station biologique de Roscoff(1), on la trouve sur les côtes atlantiques. Initialement, elle intéresse car elle est source de carraghénane, un épaississant très utilisé en agroalimentaire. Elle était une bonne candidate pour un modèle scientifique. » En collaboration avec plusieurs laboratoires(2), les chercheurs roscovites ont entamé l’étude de cet organisme pluricellulaire. « Le Génoscope d’Évry a effectué le séquençage propre pour obtenir de petites séquences brutes, qu’il faut assembler et réordonner pour trouver les gènes. » Cela représente plus d’un an de travail ! « Chez les eucaryotes(3), il y a beaucoup de séquences qui ne codent pas pour des protéines, il faut donc faire le tri. Finalement, nous avons identifié moins de 10 000 gènes, ce qui est... très peu ! », assure le chercheur, qui pensait en trouver plus de 15 000. « Ce résultat est plus proche de ce
que l’on trouve chez les organismes unicellulaires », poursuit le biologiste.
Réduction dans le génome Intrigués par ce petit score et surtout par la différence avec le génome des algues vertes, bien plus important, les biologistes ont émis une hypothèse : « Il est fort possible que les algues rouges aient subi une réduction de leur génome au cours de leur histoire évolutive, il y a plus d’un milliard d’années, après avoir été exposées à un environnement extrême, comme des températures élevées, ou une pauvreté en nutriments. C’est un phénomène que l’on observe encore au niveau des sources hydrothermales, qui sont les milieux extrêmes d’aujourd’hui, et dans lesquelles on a retrouvé des algues rouges unicellulaires. » Cette perte de gènes pourrait expliquer pourquoi les algues rouges n’ont pas gagné la terre ferme : elles avaient moins d’outils génétiques pour s’adapter aux contraintes de ce nouveau milieu : pesan-
teur, dessèchement..., contrairement à leurs cousines les algues vertes, dont elles se sont séparées il y a plus d’1,5 milliard d’années.
De nouvelles enzymes En plus d’éclairer le mystère de l’inexistence des plantes rouges, ces travaux ont permis de fournir de précieux outils aux chercheurs qui s’intéressent à ces espèces. « À Roscoff, par exemple, nous recherchons de nouvelles enzymes. On connaît peu de choses sur la synthèse des carraghénanes, et ces nouvelles données pourraient nous permettre de trouver les gènes qui y participent. » Ces résultats devraient intéresser les industriels locaux, sachant qu’aujourd’hui, la majorité de l’aquaculture d’algues rouges se fait en Asie. CÉLINE DUGUEY UMR CNRS-Université Pierre-et-Marie-Curie. Dont le laboratoire Écobio de l’Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes (Osur). (3) Organismes dont les cellules comportent un noyau et des mitochondries. (1)
(2)
CONTACT Jonas Collén Tél. 02 98 29 23 23 collen@sb-roscoff.fr
Chondrus crispus est une algue rouge très commune d’une vingtaine de centimètres. © JONAS COLLÉN
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LE DOSSIER DE
LA RÉVOLUTION CONÇU POUR FAIRE FACE À L’EXPLOSION DES DONNÉES, CE SERVICE INFORMATIQUE À LA DEMANDE POSE DE NOUVELLES QUESTIONS. n 2007, le site de commerce en ligne américain Amazon, connu pour ses ventes de livres ou de CD, lance un nouveau service. Il propose de louer une partie de ses infrastructures informatiques. Car, pour faire face aux pics de fréquentation, notamment à l’approche de Noël, l’entreprise a investi dans une énorme quantité de serveurs... qui ne lui sont plus utiles le reste de l’année. Le cloud computing - “informatique dans les nuages” en français - voit le jour. Contre rémunération, il est possible d’avoir accès aux ressources d’Amazon, qui, grâce à des logiciels, peuvent héberger des milliers de
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10 SCIENCES OUEST N°308 AVRIL 2013
machines virtuelles. Comme si vous aviez un véritable ordinateur devant vous, sauf qu’il est inclus dans un serveur beaucoup plus puissant, éventuellement à l’autre bout du monde. « L’utilisateur peut composer la machine de son choix, avec tel type de processeur et tel système d’exploitation - Linux en général - », explique Christine Morin, responsable de l’équipe Myriads au centre Inria de Rennes.
Une explosion de données Vincent Roussillat, coresponsable de la Cloud Factory chez Orange (lire p. 15) compare ce service aux Vélostars : « On ne paye que les heures de location, en fonction de nos besoins. » Un service élastique, adaptable, qui tombe à point, car la production de données
informatiques explose et le dogme de la mobilité exige que l’on puisse avoir accès à ces données partout, depuis n’importe quel terminal. Donc qu’elles ne soient pas stockées dans un disque dur bloqué à la maison, par exemple. Mais si le modèle économique est nouveau, la technologie, elle, n’en est pas à ses débuts. « Les premières recherches sur la virtualisation datent des années 60, notamment par IBM, rappelle Christine Morin. À l’époque les PC n’existaient pas, seuls de gros ordinateurs centraux étaient accessibles, et les utilisateurs nombreux, parmi les scientifiques, puis dans les entreprises. Alors des techniques sont apparues pour isoler, sur une même machine, les différentes activités. » Mais il faudra attendre l’amélioration des processeurs, dans les
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La sécurité, le défi à relever © SAEED KHAN- AFP
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Plein de nuages en formation © DAVID FERRIÈRE - SIB
P. 17 © TOM WANG - FOTOLIA.COM
Pour jouer dans le monde entier © KORRISOFT
DU CLOUD années 2000, pour voir un regain d’intérêt dans ce principe de virtualisation.
Externaliser, à quelles conditions ? « Les chercheurs ont été parmi les premiers intéressés, avec l’apparition des grilles de calcul. » Le projet Grid 5 000(1) développé en partie au centre Inria de Rennes en est un exemple. « La différence, c’est que les grilles naissent d’une mutualisation entre un petit nombre d’acteurs. Le cloud est un service commercial, à disposition de tous. Et cet aspect économique a fait émerger de nouvelles questions. » L’optimisation du coût mais surtout le besoin nouveau d’établir un contrat, entre le fournisseur du cloud et le client. « Ce sont les LSA (Local Service Agreement). Ils stipulent les différentes conditions : les garanties de sécurité, mais aussi la taille et le nombre de machines virtuelles allouées. Comment négocier ces contrats à distance, sans nécessairement
Deux clouds pour un État
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l devait n’y en avoir qu’une, mais faute d’accord entre les principaux acteurs, elles sont deux. D’un côté, il y a Cloudwatt, portée par Orange et Thalès. De l’autre Numergy, de SFR et Bull. Ces deux sociétés proposent, depuis fin 2012, des solutions de cloud intégralement françaises. Elles ont été créées suite à un appel à manifestation lancé par le gouvernement dans le cadre des
investissements d’avenir et bénéficient, à ce titre, d’un financement de la Caisse des dépôts de 75 millions d’euros chacune. L’objectif affiché : offrir des solutions souveraines, pour garantir la sécurité et l’hébergement en France de leurs données aux grandes entreprises françaises et européennes, notamment dans les domaines sensibles comme l’armement ou l’aéronautique. Il s’agit
également de rivaliser avec les mastodontes américains. Ces deux initiatives laissent pourtant nombre d’acteurs perplexes. D’une part, car la division du consortium en deux en affaiblit la portée. D’autre part, car de petites entreprises qui proposaient déjà du cloud made in France estiment la concurrence déloyale. CD Rens. : www.numergy.com www.cloudwatt.com
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