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Paroles de chercheurs

« J’aurais fait un bon commissaire de police.» CLAUDE BERROU, 56 ANS ACADÉMICIEN, CODÉCOUVREUR DES TURBOCODES

« J’aurais fait un bon commissaire de police.»

« J’aime bien les challenges. C’est mon côté sportif ! »

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? J’aurais fait un bon commissaire de police, comme Maigret ! J’aime bien les questions - je m’en pose beaucoup - , chercher et recouper les indices et essayer d’en faire ressortir la vérité.

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? De nombreux messages de camarades d’enfance, de pension, dans ma messagerie électronique. Ils me félicitent pour mon élection à l’Académie des sciences.

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« Sous la glace avec les manchots, c’est tellement bien ! »

« Je suis plus optimiste qu’avant. »

Est-ce que le hasard vous a déjà aidé ? Oui. Dans une carrière d’enseignant-chercheur, le hasard joue un grand rôle. La plupart des grandes découvertes ont été faites par hasard, comme celle du transistor. Un phénomène bizarre se produit. Avec un peu de persévérance, il faut comprendre pourquoi on aboutit à ce résultat. La recherche, c’est l’imprévisible. Si les chemins étaient tracés tout droit, ce ne serait pas un métier passionnant.

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« La télétransportation, j’en rêve depuis des années ! »

Douze portraits publiés dans Sciences Ouest et sur www.sciences-ouest.org

Qu’avez-vous perdu ? Je ne perds rien. Dans mon bureau, il y a un grand désordre apparent. Rien n’est rangé par thèmes ni par importance. Et pourtant, tout est à sa place. Il ne me faut pas plus de 10 secondes pour trouver ce que je cherche. Je suis un spécialiste du désordre contrôlé.

Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? En tant que chercheur, je ne peux pas me poser cette question. Je ne veux pas me mettre de barrières. Je ne suis pas un partisan de la pensée unique. Il ne faut pas tout contrôler. Il y a des gens qui sont faits pour défricher.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? Dans toutes les familles il y a des personnes qui souffrent d’un mauvais fonctionnement du cerveau (Alzheimer, schizophrénie, Parkinson...). Mieux comprendre son fonctionnement permettrait de mieux pallier ces dysfonctionnements. Je pense qu’on va faire des progrès importants dans ce domaine dans les dix ou quinze années à venir.

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? Raison et rationalité sont essentielles dans nos métiers. Il y a toujours des choses inexplicables et peut-être un peu sacrées. La vie est irrationnelle. J’ai du mal à admettre qu’elle est simplement le résultat du hasard et de la nécessité. Et cela ne me gêne pas d’être entouré d’un peu de mystère. C’est essentiel même.

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Portrait publié dans Sciences Ouest n°251- février 2008 et sur www.sciences-ouest.org


« Se retrouver sous la glace avec les manchots, c’est tellement bien ! » LAURENT CHAUVAUD, 42 ANS ÉCOLOGISTE MARIN À L’IUEM(1), À BREST

RESPONSABLE OCÉANOGRAPHIE À L’IPEV(1)

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Aujourd’hui qu’avez-vous trouvé ? De la motivation et peutêtre des projets pour faire tourner mes bateaux. Je sors d’une réunion avec le comité stratégique et technique de la flotte. C’est un groupe de travail national qui rassemble les gestionnaires et utilisateurs de toute la flotte scientifique française. Nous réfléchissons ensemble à un système de fonctionnement durable pour assurer les campagnes océanographiques de nos navires. Et ce n’est pas toujours évident !

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Le hasard vous a-t-il déjà aidée ? Oui, en le poussant un peu. Par exemple pour trouver ce poste de responsable océanographie à l’Ipev. Cela faisait un moment que je cherchais du travail à terre, à Brest et dans mon domaine. C’est arrivé ! Et en plus au bon moment du point de vue de ma vie personnelle.

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Qu’avez-vous perdu ? Du temps pour moi. Quand j’étais en mer six mois par an, j’avais ensuite six mois à terre pour récupérer. Aujourd’hui

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Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Maçon ou électricien, car j’adore le travail manuel. Mais j’ai suivi les pas de mon frère, un naturaliste né. Mes parents vivaient à Madagascar et, après le bac, je suis venu avec lui à Brest. J’ai découvert la biologie à l’université, grâce à des professeurs qui ont su m’intéresser. Ce fut une révélation ! Aujourd’hui, je concilie mes deux passions : la biologie et la mer. Et l’écologie marine me fascine de plus en plus.

ce n’est plus le cas. Mais je ne regrette pas ce choix. C’est juste une autre façon de vivre.

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Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? J’aurais aimé qu’on ne trouve pas les preuves du réchauffement climatique. Malheureusement, c’est une course en avant et on ne peut pas l’éviter. Les carottages sédimentaires que l’on réalise lors des campagnes nous en apportent à chaque fois des preuves supplémentaires.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? La télétransportation, j’en rêve depuis des années ! Pour les humains, bien sûr, mais aussi pour le matériel. Pour tout ce qu’il faut embarquer sur le bateau, par exemple. Et puis pour le bateau, lui-même : s’il pouvait arriver directement sur site, ce serait formidable de réduire les transits, les escales en avion...

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? Lors d’une de mes dernières plongées en Antarctique, j’ai trouvé un verre à sorbet en cristal, sous un chaos de glace, non loin de la base Dumont-d’Urville. Il porte le blason d’une compagnie de navires norvégienne qui ravitaillait la base dans les années 60.

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? Pour l’instant, je n’ai rien trouvé qui puisse me faire douter. Je pense que la rationalité est une fatalité. Elle existe, il faut en tenir compte et faire avec.

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(1) Ipev : Institut Paul-Émile-Victor.

Portrait publié dans Sciences Ouest n°260 - décembre 2008 et sur www.sciences-ouest.org

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? J’ai été absente presque un mois du laboratoire et, depuis mon retour, je retrouve un milieu de la recherche qui se pose beaucoup de questions... Même si l’on est dans un secteur où l’on n’a pas trop à se plaindre, avec stabilité de l’emploi et des moyens, il y a quand même des problèmes. Les gens sont plus inquiets sur leur avenir professionnel.

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Le hasard vous a-t-il déjà aidée ? Oui, souvent ! Et il a toujours été couplé à la chance. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est notamment grâce à des rencontres qui changent le cours de la vie. J’étais installée à Grenoble depuis vingt ans et je rencontrais souvent Hervé Cailleau, le directeur du GMCM (NDLR : laboratoire rennais Groupe matière condensée et matériaux) de l’époque. C’est suite à une discussion avec lui que je suis venue à Rennes et que j’ai appris un nouveau métier : celui de directrice de laboratoire !

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Qu’avez-vous perdu ? Avec mes responsabilités actuelles, j’ai perdu mon métier d’origine et ma passion : la recherche pure. Mais je ne le regrette pas, cela fait partie

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Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? La certitude que l’on est en train de changer la planète de façon irréversible. Malheureusement, tout ce que l’on trouve montre qu’on ne va pas dans le bon sens.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? La téléportation : j’ai horreur de la voiture ! C’est tellement ennuyeux et non écologique.

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IUEM : Institut universitaire européen de la mer.

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Écrivain, mais un vrai, un célèbre ! Je suis fan de littérature depuis que je suis toute petite. J’adore les romans dans lesquels l’imaginaire est sollicité, avec des changements de repères. Mais j’aime aussi le travail autour des mots.

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Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? L’introuvable ! C’est-à-dire aller à l’échelle à laquelle on comprendrait tout de l’être humain. Il faut garder une part d’inconnu. On est tous différents et je pense que chacun a sa place, sa richesse. C’est grâce à toutes ces différences que l’on avance.

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? Une place au théâtre de la Paillette. Je vais voir une personne de mon équipe qui joue dans une troupe amateur depuis six ans. Et ce soir, c’est le Dindon de Georges Feydeau !

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? Le fait de trouver un moyen qui protège la nature pour qu’elle s’autorégule, sans l’aide de l’homme. Je pense à l’ormeau, qui fait actuellement l’objet d’élevages pour être réintroduit, à l’huître, qui a déjà été réimplantée sur la côte nord… C’est bien, mais ce serait tellement mieux de pouvoir protéger directement, en anticipant.

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? La vie ! Si elle était rationnelle, on connaîtrait tout du début à la fin, ce qui perdrait de son intérêt. De même en recherche, on est formé dans une culture rationnelle, mais les découvertes naissent aussi à des moments où on ne l’est pas forcément. Je pense qu’il faut savoir user de la rationalité, mais aussi s’en détacher.

Le hasard vous a-t-il déjà aidée ? Oui. Je pense que toute notre vie est guidée par le hasard des rencontres. Pour ma part, je pense à ma rencontre avec Bernard Klein, aujourd’hui responsable d’une grosse équipe de recherche à l’université de Montpellier. J’étais étudiante en pharmacie quand je suis allée assister à une réunion qu’il animait. Quand je l’ai entendu parler de son travail de chercheur, ça a été le flash. Je me suis dit : c’est ça que je veux faire !

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(1) EPS : Éducation physique et sportive.

Portrait publié dans Sciences Ouest n°265 - mai 2009 et sur www.sciences-ouest.org

Qu’avez-vous perdu ? Il y a trois ans, j’ai tout à coup oublié mon code de carte bleue. L’ennui, c’est que je partais le lendemain en colloque à New York... J’ai donc passé mon séjour à traquer des scientifiques français pour leur

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? Quelque chose en rapport avec le changement climatique. Comme une énergie propre, durable et non dangereuse pour l’homme. Je pense que tout le monde rêve de ça en ce moment !

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? Je doute tout le temps de la rationalité ! Je pense qu’il faut trouver l’équilibre entre la rationalité et l’intuition. La première permet d’avoir un cadre pour avancer. La seconde d’aller sur les chemins de traverse et de se fier au hasard. Passer de l’une à l’autre permet de se remettre en cause.

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« Pour un archéologue, la machine

à remonter le temps, ce serait génial et affreux en même temps. » DOMINIQUE MARGUERIE, 51 ANS

ARCHÉOBOTANISTE

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Chercheur ! Je suis tombé dans l’archéologie quand j’avais quinze ans. Je faisais de la spéléologie et un jour nous avons pu visiter Mayenne-Sciences, une grotte ornée fermée au public. Cela a été un choc pour moi.

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Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? J’espère que l’on n’arrivera jamais à créer le double de quelqu’un, autrement dit à cloner un être humain dans sa totalité. Ce serait alors la fin de l’humanité au sens de l’unicité de l’être humain.

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que j’aime ça aussi, être toujours actif. Ou alors, c’est un problème d’organisation ! Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? Que l’homme n’est pas à l’origine du changement climatique. Ou si les chercheurs parvenaient à cette conclusion, il ne faudrait pas qu’ils le disent tout de suite. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de prise de conscience, ce serait dommage de recommencer à piller les ressources de notre planète.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? La machine à remonter le temps. Pour un archéologue, ce serait génial et affreux en même temps. On pourrait aller observer les sociétés préhistoriques, constater tout ce que nous avons dit de vrai ou de faux ! D’un autre côté, nous n’aurions plus vraiment de travail...

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? De la place. Nous allons accueillir des collègues de l’archéologie préventive(1) dans notre laboratoire et il fallait leur trouver un bureau. Ce n’est pas facile, mais, finalement, ils vont pouvoir s’installer dans une pièce technique.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? La pilule miracle qui permettrait de manger tout ce que l’on veut sans avoir ensuite à faire du sport pour éviter de prendre du poids. Je déteste le sport ! Sans doute parce que ma mère était danseuse et mon frère champion de chasse sous-marine. Ils m’ont physiquement complexée. Et comme j’aime bien manger...

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Le hasard vous a-t-il déjà aidé ? Oui, assurément, et à plusieurs reprises. Lorsque j’ai rencontré un chercheur canadien juste après ma thèse. Il m’a proposé un poste au Canada qui a transformé mon avenir. Depuis, nous travaillons toujours ensemble ! Et bien sûr, il y a le hasard des découvertes. J’ai pu travailler sur un site où mes méthodes d’analyse du bois, des pollens étaient parfaitement adaptées. Il avait été mis au jour par la construction d’une autoroute...

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Portrait publié dans Sciences Ouest n°267 - juillet-août 2009 et sur www.sciences-ouest.org

Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? Ne pas trouver... Non, je ne vois pas. Je crois qu’il n’y a pas de risque ni de danger à trouver des choses. C’est ce que l’on en fait après qui compte. Et là, ce sont des questions de responsabilité, d’éthique et de déontologie.

Portrait publié dans Sciences Ouest n°268 - septembre 2009 et sur www.sciences-ouest.org

emprunter de l’argent. Mes collègues en rigolent encore. Car au laboratoire, je suis réputée pour avoir une excellente mémoire des noms et des sujets de recherche qui paraissent dans la multitude de publications que je lis.

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? Énormément de choses. Et si la science a un côté rationnel, je pense que l’irrationalité, dans le sens d’une grande créativité, doit avoir, comme dans l’art, sa part dans la construction du raisonnement scientifique. Pour moi, ce qui résume le mieux l’irrationalité c’est le recueil de poésie de Paul Éluard : l’Amour la poésie.

Le hasard vous a-t-il déjà aidée ? Oui. Mon arrivée à la Station biologique de Roscoff, par exemple, est un pur hasard. J’y étais venue une fois au cours de mes études, pour un stage de botanique sur les algues. Sans me douter que j’y reviendrais pour faire de la recherche et encore moins pour y diriger une unité ! Et il y a beaucoup d’autres exemples. Les choses se sont présentées, les gens ont cru en moi. Je n’ai jamais fait de plan de carrière et je préfère ça.

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KARIN TARTE, 37 ANS IMMUNOLOGISTE À LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE RENNES

de l’évolution de ma carrière. Et puis j’aime bien les challenges. C’est mon côté sportif !

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Qu’avez-vous perdu ? Mon réveil de voyage ! J’ai dû le laisser dans un hôtel à Bruxelles lors de mon dernier déplacement à la Commission européenne. Un acte manqué ?

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? Avec ma fille aînée, j’ai retrouvé l’impression que l’on ressent à l’annonce des résultats du bac. Les émotions de ce premier examen sont vraiment initiatiques. Et en même temps très rafraîchissantes.

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? L’aptitude parfaite qu’ont les poètes et les musiciens à traduire des sentiments, des impressions, des états d’âme...

doit avoir sa part dans la construction du raisonnement scientifique. »

© NATHALIE BLANC

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Portrait publié dans Sciences Ouest n°266 - juin 2009 et sur www.sciences-ouest.org

ANNE RENAULT, 48 ANS DIRECTRICE DE L’INSTITUT DE PHYSIQUE DE RENNES

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Jardinier ! Et je ne dis pas cela à la légère. C’est vraiment une passion. Certainement influencée par ma formation en biologie végétale. Chez moi j’ai une petite serre où je fais pousser des fleurs, des légumes. Pour le plaisir de faire germer. Partir d’une petite graine et la regarder germer et se transformer... reste pour moi quelque chose de magique.

Qu’avez-vous perdu ? J’ai perdu l’illusion que je pourrais continuer à plonger longtemps… Pourtant se retrouver sous la glace avec les manchots, c’est tellement bien ! Mais la plongée professionnelle nécessite des conditions physiques parfaites… que je perds lentement.

« Comme dans l’art, l’irrationalité

«J’aime bien les challenges. C’est mon côté sportif ! »

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Professeur d’EPS(1) ! J’ai mené de front mes études scientifiques et du sport en compétition. Athlétisme et natation d’abord, puis des sports collectifs. J’ai été entraîneur en volley-ball de haut niveau chez les jeunes puis les seniors pendant dix ans. J’étais déjà au CNRS à cette époque, et il a fallu choisir. De mes deux passions, j’ai choisi la recherche sans regret !

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ? Oui, souvent ! Et si je travaille aujourd’hui sur la coquille Saint-Jacques, c’est grâce à un bloom de phytoplancton toxique qui a eu lieu en rade de Brest, pendant ma thèse, en 1995. J’ai remarqué qu’il avait laissé des traces sur la surface des coquilles. J’ai ensuite découvert que la SaintJacques produisait des cernes, un peu comme les arbres, selon un rythme journalier et que l’on pouvait donc s’en servir pour dater

CATHERINE BOYEN, 49 ANS DIRECTRICE DE RECHERCHE EN BIOLOGIE MARINE

des événements écologiques. Maintenant, nous sommes dix à travailler sur ce thème.

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© CNRS PHOTOTHÈQUE-ERWAN AMICE

Où êtes-vous en ce moment ? Dans mon bureau. Ce qui, pour moi, est remarquable car je n’ai un bureau que depuis trois ans que je travaille à l’Ipev(1) ! Avant, je faisais de l’exploration sismique pour l’offshore pétrolier et je passais six mois de l’année en mer.

dangereuse pour l’homme. Je pense que tout le monde en rêve ! »

© NATHALIE BLANC

HÉLÈNE LEAU, 41 ANS

« Une énergie propre, durable et non

© INSTITUT CULTUREL AVATAQ

«La télétransportation, j’en rêve depuis des années.»

Qu’avez-vous perdu ? Du temps. À consacrer à ma recherche d’une part. Surtout depuis que je suis directeur de laboratoire. Et du temps à passer avec mes proches. Mais en même temps, je réponds toujours oui à toutes les demandes, peut-être

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? L’espèce humaine, qui est tout sauf rationnelle. D’où les difficultés à modéliser notre comportement. Au niveau individuel, c’est heureux. En groupe, l’imprévisible peut être dangereux. Mais cela m’assure que la nonrationalité existe, et que la science ne résout pas tout.

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De l’Inrap, Institut national d’archéologie préventive

Portrait publié dans Sciences Ouest n°271 - décembre 2009 et sur www.sciences-ouest.org


dans une pièce calme... sans téléphone ni e-mails. »

« Le chemin est long entre le moment de la découverte et celui d’une application disponible pour le citoyen. »

DANIEL THOMAS, 63 ANS

SERGE MABEAU, 50 ANS DIRECTEUR DU CENTRE TECHNIQUE BRETON VEGENOV(1)

BIOLOGISTE

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? Je dirais que j’ai trouvé de la sérénité, surtout depuis janvier 2010, date à laquelle j’ai lâché la direction de l’équipe –13 personnes –. J’aide au mieux mon successeur notamment dans la préparation du nouveau contrat qui débutera en 2012. Du coup, je peux me concentrer de nouveau sur mon métier de départ : la recherche, sans me soucier des à-côtés, c’està-dire des dossiers de subventions. J’aime me retrouver au microscope, dans une pièce calme... sans être dérangé par le téléphone ni les e-mails.

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Le hasard vous a-t-il déjà aidé ? Bien sûr ! Mon parcours professionnel, dont le début est un peu erratique, est fondé sur le hasard. Même si je pense que le pur hasard n’existe pas. On l’aide un peu... après c’est une question de risque pris et de chance !

© NATHALIE BLANC

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Qu’avez-vous perdu ? La proximité de la mer. Je vis à Rennes depuis 40 ans mais je suis Brestois d’origine. Là-bas, on voit toujours un bout de la rade. Je compte y retourner : trouver une maison suffisamment près de la côte pour pouvoir entendre les vagues.

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Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Petit déjà, je voulais être ingénieur agronome, pour chausser des bottes et aller sur le terrain, dans les pays du Sud, pour m’occuper de développement agricole. J’ai réalisé une partie du rêve : je suis diplômé de l’école d’agronomie de Paris... mais je suis revenu en Bretagne dans mon pays natal ! Et, en tant que gestionnaire d’équipe et manager, je vais peu sur le terrain.

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Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? Tout est à trouver ! À quoi rimerait le métier de chercheur sinon ? Chercher, comprendre comment notre monde fonctionne, c’est essentiel pour combattre l’obscurantisme. Par contre, il y a une nuance entre trouver quelque chose et exploiter les résultats. Et ça, c’est une question d’éthique. Mais on ne peut pas s’abstenir de chercher uniquement par peur de mal faire.

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? Une certaine sérénité d’avoir réussi à constituer une équipe qui fonctionne bien. Car cela est à la fois rare, précaire et gratifiant.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? Franchement, je ne vois pas… Sauf peut-être la découverte de pétrole dans mon jardin car je serais obligé de déménager !

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ? Oui, notamment quand je suis devenu directeur de Vegenov. J’avais commencé ma carrière dans le domaine des algues marines. Je n’aurais peut-être pas mis le cap sur la terre ferme et ses productions légumières si je n’avais pas croisé l’ancien directeur de Vegenov au cours d’une formation. Il envisageait de quitter le poste mais n’arrivait pas à prendre sa décision ; je cherchais à changer de travail mais pensais plutôt au secteur privé... Quelques semaines après notre rencontre, nous avons tous les deux changé d’avis et j’ai postulé pour lui succéder !

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? Rien. Je suis athée, c’est la pensée rationnelle qui me guide. Je ne comprends pas que l’on puisse expliquer des choses avec des croyances.

Qu’avez-vous perdu ? Une trop grande sensibilité au regard des autres et aux agressions extérieures. Et aussi l’illusion que les relations humaines sont fondées sur le rationnel.

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Portrait publié dans Sciences Ouest n°276 - mai 2010 et sur www.sciences-ouest.org

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© FRANCK BETERMIN

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Radioélectricien ! Un peu comme mon père, qui était marin, dans les transmissions. J’avais la possibilité de préparer un diplôme de dessinateur dans le bâtiment ou un CAP d’électronique, j’ai cependant tenté le concours de radioélectricien... auquel j’ai échoué ! Je devais avoir le trac ce jour-là. Du coup j’ai continué mes études au lycée, puis à l’université à Brest puis à Rennes.

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? Je ne fais plus personnellement les manipulations, mais un très beau résultat vient de tomber au laboratoire. Nous venons de trouver de nouvelles cibles pour des molécules anticancéreuses que nous développons.

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Le hasard vous a-t-il déjà aidé ? Oui, bien sûr ! Le hasard et la chance sont des partenaires majeurs en science. Mais cela ne vient pas tout seul : pour augmenter les possibilités d’en avoir, il n’y a qu’une solution, il faut travailler ! Le hasard des rencontres est aussi vital. Partager la même

© FRANCK BETERMIN

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? Il y en a beaucoup mais je pencherais pour la pile à combustible. Son principe a été découvert il y a plus de 150 ans et sa démocratisation peut infléchir l’impact de nos transports sur la planète ! Et pourtant... Elle illustre combien le chemin est long et complexe entre le moment de la découverte et celui d’une application disponible pour le citoyen. C’est la réalité de la recherche appliquée.

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Qu’avez-vous perdu ? […] Je ne perds pas grandchose... À part peut-être un peu de pessimisme. Vous me direz que c’est peut-être une perte de lucidité ! Mais non, je ne crois pas : je suis vraiment plus optimiste qu’avant.

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Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? Pour moi c’est très clair : le secret de la vie éternelle. Ce serait une catastrophe mondiale. Je pense qu’il faut réussir à améliorer la vie sans trop la prolonger.

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? Un agriculteur qui produit du blé biologique dont j’ai besoin pour mes recherches, mais qui, en plus, vend des mélanges de graines de fleurs à planter autour des champs, pour favoriser la présence d’insectes. Il cherche à nouer un partenariat avec un laboratoire comme le nôtre pour que la pratique se répande. Car l’intérêt de ces bandes enherbées est reconnu, mais elles sont encore assez peu mises en œuvre.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? Une molécule mise sur le marché pour traiter la maladie d’Alzheimer, pour le côté business [NDLR : Laurent Meijer a créé l’entreprise ManRos Therapeutics], mais surtout pour une satisfaction profonde. Pour le côté plus utopique : quelque chose qui apporterait de l’apaisement aux gens, qui leur permettrait d’être bien dans leur peau, de ne pas avoir peur de l’avenir...

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? Les sommes que les Français dépensent dans tous les jeux de hasard, les jeux en ligne... et qui représentent l’équivalent du budget de l’Éducation nationale. C’est incroyable ! Même si on a tous besoin de jeux et d’espoirs, je me demande comment on peut s’enfoncer autant dans l’irrationnel.

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Portrait publié dans Sciences Ouest n°281- novembre 2010 et sur www.sciences-ouest.org

Le hasard vous a-t-il déjà aidée ? Oui, au moment du choix de mon sujet de master 2. Moi qui ai toujours été passionnée par les oiseaux, je voulais travailler sur l’étude de leurs comportements. Mais on m’a proposé un sujet sur les

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Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ? Je suis heureuse d’avoir trouvé des solutions techniques qui peuvent avoir des applications presque immédiates, ce qui n’est pas si courant en recherche. Je travaille sur des méthodes de personnalisation qui peuvent, par exemple, servir dans la dissémination d’informations et qui concernent donc toutes les applications sociales du Web. La quantité d’informations personnelles qui transite via les réseaux sociaux est énorme. Personnaliser tout en préservant la confidentialité est le défi du moment dans ce domaine.

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? Ma difficulté à appréhender des notions telles que l’infini - du temps, de l’espace ou la complexité des mécanismes qui permettent à des cellules embryonnaires portant toutes le même patrimoine génétique de se différencier en autant de tissus et d’organes différents.

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(1) Ex-BBV (Bretagne biotechnologies végétales), Vegenov est un centre de ressources technologiques sur le végétal.

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Quand j’étais petite j’ai voulu être Sherlock Holmes ! Plus sérieusement, aujourd’hui, je pense que j’aurais pu être commissaire d’exposition. Car j’aime apprendre de nouvelles choses, aller au fond d’un sujet que je ne connais pas, pour en faire une synthèse et avoir le plaisir de partager ces nouvelles connaissances avec les autres. La démarche est d’ailleurs assez proche du métier d’enseignant-chercheur.

passion et la même vision des choses avec quelqu’un, c’est une chance formidable qui permet d’avancer beaucoup plus vite et mieux.

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JOAN VAN BAAREN, 44 ANS ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN ÉCO-ÉTHOLOGIE ÉVOLUTIVE

© THIERRY LE ROUZO

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? Moine, pour leur vue détachée sur les choses, leur retrait par rapport à l’agitation ambiante... et le fait qu’ils se posent sans doute aussi de bonnes questions. Le problème, c’est que je ne suis pas croyant ! Sinon, j’aurais aimé être paléontologue, comme mon père. C’est aussi de la recherche mais, contrairement à ma discipline, c’est une biologie figée, plus énigmatique... avec un aspect contemplatif qui m’attire.

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ? A posteriori, j’ai du mal à m’imaginer faire autre chose... On a la chance dans ce métier de jouir d’une grande liberté, d’apprendre continuellement soimême mais aussi de former des jeunes, on est sans cesse confronté à de nouveaux défis. C’est assorti d’une régulière remise en cause, ce qui apporte une certaine humilité. Alors, je crois que je resterai chercheuse... pourquoi pas dans une autre discipline !

Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? Le développement des manipulations de l’humain, telles que l’eugénisme, le clonage. Les découvertes sont là. Mais l’homme saura-t-il maîtriser leurs développements ?

Portrait publié dans Sciences Ouest n°290 - septembre 2011 et sur www.sciences-ouest.org

LAURENT MEIJER, 57 ANS CHERCHEUR EN BIOLOGIE CELLULAIRE ET PHARMACOLOGIE

ANNE-MARIE KERMARREC, 41 ANS CHERCHEUSE EN INFORMATIQUE À L’INRIA(1)

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« Je sais que chaque résultat peut être remis en question à tout moment par une autre découverte. »

« Je suis plus optimiste qu’avant.»

« Je suis heureuse d’avoir trouvé des solutions techniques qui peuvent avoir des applications presque immédiates. »

insectes parasitoïdes sur lesquels je travaille toujours ! Finalement, cela m’a permis de me rendre compte que de très nombreux sujets de recherche me passionnent. Qu’avez-vous perdu ? Le temps pour exercer une partie de mon métier : les expériences ! Avant je passais des heures à observer le comportement des insectes. Aujourd’hui je ne fais que discuter des résultats des étudiants que j’encadre. Et je passe beaucoup de temps à chercher... de l’argent !

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Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? Qu’il n’y a pas de solution à la grande crise que nous traversons : celle de la baisse de la biodiversité. Mais j’ai bien peur qu’il ne soit déjà trop tard car les solutions qui pourraient avoir un effet, comme des changements radicaux dans nos façons de vivre..., ne semblent pas applicables.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? La capacité à me dédoubler pour pouvoir faire plusieurs choses en même temps !

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? Rien. Quand on me présente un résultat, j’ai besoin d’en avoir la démonstration et de comprendre en quoi cette conclusion est la meilleure à cet instant, dans l’état actuel des connaissances. Par contre je sais que ce résultat peut être remis en question à tout moment par une autre découverte ou une autre façon d’interpréter les données. C’est toute la différence entre la science et la foi !

Portrait publié dans Sciences Ouest n°291- octobre 2011 et sur www.sciences-ouest.org

Le hasard vous a-t-il déjà aidée ? Peut-être pas du point de vue scientifique mais dans les rencontres, oui c’est évident. Je pense notamment à quelques collaborateurs qui ont beaucoup influencé ma façon de voir les choses et, d’une certaine manière, m’ont mise sur la voie sur laquelle je suis toujours.

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Qu’avez-vous perdu ? La capacité à pouvoir me concentrer sur un seul problème à la fois ! C’est ce que l’on fait quand on est doctorant. Mais on ne se rend pas compte alors de la chance que cela représente.

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Que vaudrait-il mieux ne pas trouver ? Je ne vois pas du tout... Si on trouve quelque chose, c’est que c’était là et on a tout à gagner à le savoir.

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Quelle est la découverte qui changerait votre vie ? La téléportation, car je voyage beaucoup. Mais ce que j’aimerais aussi c’est arriver à me débarrasser, vraiment, des fils - électriques - !

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Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ? En sciences, il n’y a rien qui pourrait me faire douter de la rationalité. Je ne laisse pas de place à autre chose. En revanche, si l’on regarde du côté des relations humaines, l’irrationalité est bien souvent là.

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© INRIA

« J’aime me retrouver au microscope,

(1)

Inria : Institut national de recherche en informatique.

Portrait publié dans Sciences Ouest n°295 - février 2012 et sur www.sciences-ouest.org


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