1. Thierry, tu as séjourné cet été aux États-Unis. Une question générale, pour commencer, et que sans doute beaucoup doivent te poser : Comment s'est passé ton séjour là-bas ? Quel en était le fil rouge ? Deux questions en une, mais c'est parfait... Mon séjour là-bas s'est bien passé, entre Montréal (l'une de mes villes préférées, surtout en été, avec Venise, Bamako, Oran...) et Chicago (que j'ai découvert à cette occasion). Mais le raconter serait trop long, trop d'anecdotes, de vibrants témoignages, de belles rencontres, de paroles vives en plusieurs langues (français, italien, anglais...). C'est pourquoi j'ai tenu un carnet de bord en vers (libres) pendant tout mon périple, soit quinze poèmes écrits (un jour sur deux) et regroupés sous le titre Décalage horaire, un ensemble qui prendra place dans un volume plus consistant, Motel Terminus. Je suis en train de parfaire le tout, avant de le donner à lire. Le fil rouge ? C'etait moi, et mes envies d'ailleurs, et mes émotions floues. C'était moi, avec ma petite famille. Un voyage au bord du temps suspendu ! Et comme dit mon ami, l'écrivain Lionel Bourg, à propos des USA : « Décidément, ce pays nous aura toujours fasciné pa-delà l'absolu rejet de son organisation sociale et de ses politiques. Pays de Bush mais de Ginsberg, du racisme mais de Martin Luther King, de Bob Dylan, de Faulkner, pays des guerres impérialistes, de l'extermination des Indiens, de l'esclavage mais pays de Melville, de Thoreau, de Whitman... ». Je partage son point de vue. C'est l'univers de la grande contradiction !
2. Comment est né le projet Motel Terminus ? De plusieurs joyeux concours de circonstance(s)... Tout d'abord, Antonio D'Alfonso, poète, cinéaste, traducteur et éditeur, avec qui je partage une aventure commune depuis plusieurs années, ainsi que des goûts certains, a traduit en langue anglaise une sélection de mes poèmes (tous publiés ici entre 2006 et 2015) qu'il a fait paraître en juillet à l'enseigne de l'éditeur canadien Ekstasis sous le titre, pour moi évocateur, I Travel the World. C'est mon premier livre américain, et il répond à toutes mes attentes. De son côté, la Région Rhône-Alpes a soutenu mon projet et m'a ainsi permis de bâtir mon séjour sur place. Mais le projet, dans ses grandes lignes, ne s'arrête pas là. Motel terminus, c'est aussi un ouvrage qui reprend des textes, inédits pour la plupart ou seulement publiés en revues, écrits lors de mes voyages à travers l'Europe, en Afrique ou, encore, au Québec et, désormais, aux États-Unis. Motel terminus, c'est enfin une forme poétique et musicale, destinée à la scène, qui se concrétisera dans les prochaines semaines, à l'occasion des 30 ans de l'Espace Pandora notamment, et de la vingtième édition du festival Parole Ambulante en novembre 2015. Motel terminus, ou les restes du voyage, ou la vie dans ses plus grandes largeurs... 3. Échanges littéraires aller-retour est le sous-titre de ce projet. Quel retour espérer pour ce beau projet franco-américain ? Je suis également éditeur, pour La passe du vent, et le directeur de l'Espace Pandora, à Vénissieux. Mon projet artistique ne pouvait donc pas être seulement personnel. Je me suis donc fixé la mission, en lien avec nos partenaires (la Région, en particulier), de relancer les échanges poétiques avec le Québec, d'une part, en vue de mettre sur pied de nouveaux partenariats, et avec encore la scène slam de Chicago qu'anime Marc Smith, son fondateur, d'autre part. À ce titre, Marc Smith m'a d'ailleurs invité à participer à l'un de ses célèbres Poetry Slams du dimanche soir au Green Mill, cabaret historique où venait jadis se restaurer Al Capone. Ce fut, pour moi, une expérience unique. J'ai été frappé par l'élan, incroyable, des acteurs de la soirée. Ce séjour américain va laisser des traces durables, j'espère... Nous avons tellement de choses à faire ensemble. La poésie est sans frontières fixes (clin d'œil à Jean-Pierre Siméon), elle doit nous servir à abattre les hauts murs qui nous enserrent ainsi que toutes les barrières mentales. Tout reste encore à faire ! Propos recueillis par Marie-Caroline Rogister, Espace Pandora.