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RIEN DE PLUS NATUREL QUE DES PLANTES BIZARRES
• PAR VALÉRIE LEVÉE
De l’eau, de la lumière, du CO 2 , des éléments minéraux, voilà l’essentiel des besoins d’une plante pour se développer. Ces ressources se trouvant en quantité variable dans les écosystèmes, les plantes doivent maximiser leur captation et les utiliser à bon escient. Mais ce n’est pas tout : il faut aussi se reproduire. Et pour cela, les plantes ont parfois besoin d’un pollinisateur qu’il faut séduire de toutes sortes de façons.
Au cours de l’évolution, ces défis ont favorisé chez des plantes le développement de multiples adaptations leur permettant de survivre dans leur milieu. Des solutions ont émergé au hasard des mutations génétiques… conduisant parfois à d’apparentes bizarreries. Voici un florilège d’étrangetés à la manière végétale…
PLANTES OU CAILLOUX ?
Si vous allez en Afrique du Sud ou en Namibie, attention où vous mettez les pieds; ce que vous prenez pour un caillou pourrait être une plante !
Dans les milieux arides, mieux vaut se protéger de la chaleur et faire des réserves d’eau pour survivre à la sécheresse. C’est ce que font les plantes-cailloux ou lithops, nom qui signifie littéralement apparence de pierre. Ces « cailloux » sont en réalité des feuilles.
Un lithops est constitué de deux feuilles en forme de cônes qui se font face. Voilà tout ! Ces deux feuilles, comme celles d’autres plantes succulentes, sont gorgées d’eau, mais elles sont aussi partiellement enterrées. Elles se protègent ainsi des herbivores, de la chaleur diurne autant que du froid nocturne. Elles peuvent ainsi résister à des températures allant de 0 à 70°C.
L’automne venu, lorsque les conditions sont favorables, une fleur émerge d’entre les deux feuilles, trahissant la nature végétale de ces cailloux pas comme les autres.
FRISER POUR CAPTURER LA ROSÉE
Dans un désert de brume de la côte sud-africaine pousse une plante aux feuilles spiralées, l’Albuca spiralis. Ce n’est pas l’humidité de la brume qui en a fait friser les feuilles, mais bien une adaptation au milieu désertique. Au cours de l’évolution, les conditions du milieu ont favorisé la sélection d’une forme de feuille optimale pour maximiser la collecte d’eau contenue dans la brume et la rosée. En effet, la brume de mer pénètre parfois à l’intérieur des terres. L’humidité relative - qui peut alors atteindre 85 % - se dépose aux heures fraîches sous forme de rosée. Or, il s’avère que les bords de la feuille captent mieux la rosée que le limbe de la feuille. Ils forment une gouttière qui canalise l’eau captée vers la base de la plante. Les feuilles étroites ont aussi l’avantage, en milieu désertique, d’être moins exposées à l’air et donc de limiter la perte d’eau par transpiration.
De nombreuses plantes de cette région sont bouclées, frisées ou spiralées. Pas étonnant !
GOBER LES MINÉRAUX
Dans les tourbières et marécages, les plantes ne manquent pas d’eau, mais elles manquent parfois de minéraux (d'éléments nutritifs). Qu’à cela ne tienne, les insectes qui passent par là en apportent… à condition de les attraper.
C’est ce que fait la Darlingtonia californica, une plante carnivore du nord de la Californie et de l’Oregon, aussi appelée plante cobra. Elle tire son surnom de ses feuilles tubulaires dressées et recourbées à leur extrémité, à l’image du serpent. Plus qu’une simple évocation du cobra, ces feuilles sont avant tout des pièges à insectes. Avec leurs couleurs vives et leurs glandes qui sécrètent un nectar, elles attirent les insectes vers l’ouverture du tube située juste sous la « tête du cobra ». Pour sortir du piège, l’insecte cherche à se diriger vers la lumière. Les cellules du dessus de la « tête du cobra » sont justement translucides et laissent filtrer la lumière. L’insecte s’y dirige, se cogne, glisse sur les parois désespérément lisses et tombe dans le fond du tube. Des poils tournés vers le bas l’empêchent de remonter le long des parois du tube. Il finit noyé dans un liquide digestif duquel Darlingtonia californica puisera l’azote dont elle a besoin.
Pour de nombreuses plantes carnivores, la stratégie est la même : attirer, capturer, digérer des proies pour obtenir un complément nutritif précieux au cœur d’un habitat pauvre. Et tout cela grâce à des feuilles modifiées, tout à fait hors du commun.
TRANSPORT DE POLLEN ADAPTÉ
Chez les plantes à fleurs, l’échange de pollen entre individus permet de brasser les gènes et de créer de la variabilité génétique à partir de laquelle pourra s’opérer la sélection naturelle. Certaines plantes sont pollinisées par le vent, mais cela rend le transport très aléatoire. Les orchidées, elles, profitent d’un transport de pollen, assuré par des insectes.
Un exemple remarquable est celui d’Ophrys bombyx ou ophrys abeille, qui, en plus de ressembler à une abeille femelle, en dégage l’odeur. De quoi attirer le mâle qui, s’il est déjà passé par une autre orphrys abeille, en apportera le pollen.
L’orchidée sabot de Vénus attire aussi des abeilles par son odeur. Mieux, elle les fait tomber dans le piège formé par un pétale en forme de sabot. Pour sortir de ce piège, l’abeille doit se frotter le dos sur le pollen, qu’elle pourra transporter jusqu'à une autre orchidée.
Comme leurs noms l’indiquent, l’orchidée à tête de singe ressemble à un singe et l’orchidée canard volant ressemble à un canard. Mais n’allez pas croire qu’elles sont respectivement pollinisées par un singe ou un canard ! Toute ressemblance n’est que le fruit de notre imagination. Ce sont bien des insectes qui les pollinisent, elles aussi !
Frisure, carnivorie, pièges, transport de pollen inusité sont autant de formes et de stratégies qui permettent aux plantes de croître et de se reproduire dans des habitats particuliers, parfois peu hospitaliers. Ces adaptations hors du commun semblent, à première vue, farfelues, bizarres ou futiles, mais sont pour les plantes de véritables gages de survie. En somme, elles ne sont étranges qu’à notre regard…
LES PLANTES ÉTRANGES DE Mme Z, Jardin botanique, 26 février - 26 avril