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EN COMPAGNIE DES ARBRES

• PAR ANNABELLE MIMOUNI

L’arbre n’est pas celui qu’on croit : c’est un être singulier qui communique et noue des relations sociales. Que diriez-vous de poser un nouveau regard sur l’arbre, de rafraîchir votre vision de celui qu’on croise à tous les coins de rue, qui nous fait de l’ombre et écoute nos palabres ? Que découvrirait-on de cet être à la fois commun et exceptionnel ? Nous pourrions commencer par lever la tête et ouvrir les yeux sur sa simple présence. Il est partout, en ville, sur le bord des routes, en forêt, à la campagne, bien vivant dans le paysage.

C’est un être à part. Capable de percevoir le vent, la lumière ou l'humidité, il contemple le monde de sa hauteur, mais garde un contact étroit avec le sol et la vie qu’il abrite. Les Premières Nations voient d’ailleurs dans le pin blanc le lien par excellence entre Terre et Ciel, un point de contact avec le Créateur. L’arbre n’est pas un être isolé ou solitaire. Il n’est pas un, mais multiple. Colonisé, amicalement ou pas, par une multitude d’êtres vivants, des oiseaux, des insectes, des mammifères y trouvent le gîte et le couvert. Quelque 60 000 espèces d’arbres habitent notre planète et fournissent des habitats à plus de 75 % des espèces terrestres. Les scientifiques ont même découvert que l’arbre abrite un microbiote. Tout comme l’être humain héberge une quantité astronomique de micro-organismes sur sa peau ou dans ses intestins, les feuilles, les racines, l’écorce de l’arbre sont habitées par des virus, des bactéries et des champignons. De quoi faire réfléchir les philosophes et les biologistes à la notion d’individu, à laquelle on préférerait presque celle de superorganisme ou d’être collectif.

Shutterstock/LeMannan

UN GÉANT ACTIF

L’arbre semble immobile, mais c’est une illusion propre aux limites de nos perceptions. Sur une tout autre échelle de temps, on pourrait le voir grandir. Ses graines et ses fruits, quant à eux, peuvent se déplacer sur de longues distances, voyageant à la vitesse du vent, de l’eau ou des animaux qui les dispersent.

On le croit de tempérament solitaire et plutôt muet, alors que c’est un être sociable et peut-être même, à sa manière, assez « loquace ». Les recherches ont montré que les arbres bâtissent des voies de communication qui facilitent le développement de relations riches et complexes avec leurs semblables et avec d’autres espèces. Dans les airs, ils peuvent envoyer des messages par le biais de composés organiques volatils. Sous terre, les champignons mycorhiziens et les racines tissent un phénoménal réseau de connexions pour s’entraider… ou se nuire! À leur manière, les arbres collaborent avec les animaux qui les pollinisent ou disséminent leurs graines, ils peuvent réagir à l’attaque d’insectes ravageurs, prévenir de l’agression d’un herbivore ou échanger des ressources avec leurs semblables.

AMI DE L’HUMAIN

Nous sommes l’une des multiples relations de l’arbre. L’être humain se nourrit des arbres, y trouve les moyens de s’abriter, de construire, de créer, de se soigner. Le développement des phytotechnologies confirme qu’une forme d’alliance est possible entre les végétaux et les humains pour restaurer l’environnement, décontaminer des sols ou stabiliser des berges. Les humains sont sensibles à la présence des arbres et leur santé en bénéficie. Comme l’arbre, nous sommes des êtres sociaux et nous gagnons à vivre dans un environnement en équilibre. Comme le dit Francis Hallé dans son Plaidoyer pour l’arbre, « l’arbre et l’Homme coexistent de façon si étroite, ils agissent l’un sur l’autre depuis si longtemps, ils ont tant d’intérêts communs en matière de lumière et d’eau, de fertilité des sols, de calme et de chaleur, qu’on peut les considérer comme de véritables partenaires dans cette entreprise souvent hasardeuse qu’est la vie sur la Terre. »

L’arbre, cet être résilient et solide, discret ou majestueux, à la fois semblable et différent, peut sûrement nous apprendre le pouvoir du temps long, un temps qui transforme. Sur un plan symbolique, il montre à qui sait l’entendre qu’il est parfois bon de ralentir et de faire confiance au fruit de nos actions à long terme. C’est une source d’inspiration possible pour notre époque, qui invite à la transformation et à la recherche de solutions pour mieux vivre ensemble. C’est précisément ce qui a guidé la réalisation de la nouvelle exposition de la Maison de l’arbre Frédéric-Back. Au cœur d'un lieu dont la vocation citoyenne s'affirme, l’exposition En compagnie des arbres et ses animations invitent à rétablir le contact avec l’arbre, à reconnaître l’interdépendance qui régit le vivant et à inventer, ensemble, un avenir meilleur.

EN COMPAGNIE DES ARBRES

UNE EXPOSITION À LA MAISON DE L’ARBRE FRÉDÉRIC-BACK

AU JARDIN BOTANIQUE DU 1ER MAI AU 31 OCTOBRE

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