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LE MONDE MULTISENSORIEL DES INSECTES
• PAR VALÉRIE LEVÉE
Comme les autres animaux, les insectes doivent décoder leur environnement pour se nourrir, se déplacer, se reproduire et échapper à leurs prédateurs. Et, petite taille oblige, ils sont bardés de capteurs miniatures pour voir, sentir, goûter, entendre. Mais leur perception du monde n’a pas grand-chose à voir avec la nôtre.
PLEIN LA VUE
Si vous regardez une mouche dans les yeux, vous risquez de vous y perdre, car les yeux des insectes sont immensément complexes ! À lui seul, un œil d’insecte est composé de milliers d’ommatidies, des récepteurs sensibles à la lumière qui procurent aux insectes une vision particulière. Par exemple, chez les insectes nocturnes, la lumière absorbée par une ommatidie est diffusée aux ommatidies adjacentes, augmentant ainsi la capture des photons et la sensibilité à la lumière. Pour voir la nuit, c’est bien pratique. Certains insectes ont même des yeux particulièrement grands leur permettant de voir derrière eux.
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Les ramifications de ces antennes permettent de porter plus de sensilles.
Shutterstock/Alexander Sviridov
Les pollinisateurs, quant à eux, ont des photorécepteurs sensibles à l’ultraviolet et voient des motifs sur les fleurs leur indiquant la présence de nectar. Certains papillons femelles portent aussi sur les ailes des motifs ultraviolets qui attirent les mâles. Si une femelle est réfractaire aux avances du mâle, elle place ses ailes de façon à masquer ces motifs. Ni vu ni connu !
DU PIF ET DU GOÛT
Les insectes n’ont pas de nez, mais pour sentir les odeurs, ils ont des antennes! Celles-ci sont couvertes de petites soies, ou sensilles olfactives, qui détectent les molécules odorantes présentes dans l’air. À la surface des soies, des pores laissent entrer les molécules odorantes qui sont reconnues par des récepteurs spécialisés. Plus les antennes sont munies de sensilles, plus elles sont sensibles aux odeurs. D’ailleurs, si certains papillons sont pourvus de magnifiques antennes duveteuses, ce n’est pas pour parader et attirer les femelles, mais plutôt pour mieux détecter leurs phéromones.
Avec ces sensilles olfactives, les insectes repèrent à distance la présence d’une source de nourriture, d’un site de ponte, d’un prédateur ou d’un partenaire sexuel.
Les insectes sont aussi pourvus de sensilles gustatives qui reconnaissent les substances par contact direct. Ils en ont, comme on s’y attend, sur les pièces buccales, mais aussi sur les antennes, les pattes et même les ailes ! Eh oui, les insectes peuvent goûter avec leurs pattes ou leurs ailes. Décidément, leur vécu sensoriel est bien différent du nôtre. ↑ En haut : Les ramifications de ces antennes permettent de porter plus de sensilles.
VIBRER POUR COMMUNIQUER
Aucun son ne sort de la bouche des insectes et pourtant, les insectes sont bruyants. Les bourdons bourdonnent, les criquets stridulent et même les moustiques vrombissent d’un doux bzzz. Émettre des sons fait partie de leurs moyens de communication, mais les insectes n’ont pas d’oreilles pour les entendre. Qu’à cela ne tienne! Ils ont des organes sensibles aux vibrations.
Le criquet stridule en frottant ses pattes arrière l’une sur l’autre et pour percevoir les stridulations de ses congénères, son abdomen comporte des organes tympaniques. Il s’agit de sacs remplis d’air, séparés de l’extérieur par une mince cuticule et reliés au système nerveux par des récepteurs sensibles aux vibrations. Quand la cuticule se déforme sous l’effet d’une onde sonore, la vibration se propage dans le sac d’air et se transmet aux récepteurs.
Si le criquet communique bruyamment en émettant ses stridulations dans les airs, la fourmi, elle, se fait beaucoup plus discrète. Comme d’autres insectes, c’est à travers un substrat, comme le sol ou le bois, qu’elle envoie des vibrations inaudibles à nos oreilles.
Quant à elle, c’est par le battement de ses ailes que la femelle moustique vrombit. Le mâle le perçoit par l’organe de Johnston, un organe sensitif localisé dans ses antennes, et ce battement musical des ailes de la femelle est pour lui un appel irrésistible. Tous les goûts sont dans la nature !
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Chez les papillons, la trompe, les antennes et les pattes peuvent servir à goûter.
André Sarrazin
TOUCHER DU BOUT DES PATTES
Les insectes sont des animaux polyvalents capables d’évoluer sur le sable, les rochers, la neige, l’eau, le bois. Ils sont aussi à l’aise sur le plat, dans une pente ou la tête en bas. C’est surtout au toucher qu’ils analysent le support sur lequel ils se déplacent. Grâce à des récepteurs logés dans les pattes, ils perçoivent les irrégularités du terrain, les obstacles, le mouvement de la tige qu’ils arpentent et même le vide quand ils arrivent en bordure d’une feuille ou d’une pierre. Du bout des antennes, ils explorent à tâtons leur environnement. En fonction de cette lecture constante de leur milieu, ils adaptent leurs mouvements et coordonnent leurs six pattes pour marcher, sauter ou prendre leur envol. Ce sont d’ailleurs ces mécanorécepteurs qui permettent à la phyllie (l’insecte feuille) de coordonner son balancement caractéristique et ainsi, d'être confondue avec une feuille oscillant au vent.
Le monde sensoriel des insectes n’a rien du nôtre et pour le découvrir, l’Insectarium vous ouvre ses portes. Grâce aux nouveaux aménagements, le visiteur pourra se glisser dans la carapace des insectes, voir comme eux, sentir les vibrations traverser son corps et mieux comprendre leur réalité.