4 minute read

RELIEFS, COURANTS ET MARÉES : À LA SOURCE DE LA VIE MARINE DU SAINT-LAURENT

• PAR FANNY ROHRBACHER

Des Grands Lacs à l’océan Atlantique, le Saint-Laurent regorge d’écosystèmes tout aussi incroyables les uns que les autres. Entre eau douce et eau salée, entre courants et marées, entre glace et chaleurs d’été, le fleuve vit au rythme des saisons et des phénomènes océanographiques. Du minuscule phytoplancton aux gigantesques cétacés, il abrite une diversité insoupçonnée d’espèces sauvages et génère une exceptionnelle productivité. Tour d’horizon des phénomènes qui maintiennent son équilibre, assurent sa pérennité et favorisent l’éclosion de la vie.

LE PARC MARIN DU SAGUENAY–SAINT-LAURENT, UN GARDE-MANGER GÉANT

Chaque année, baleines, phoques et oiseaux marins parcourent des milliers de kilomètres pour venir s’alimenter dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. À l’origine de l’exceptionnelle productivité, la remontée des eaux profondes, qui rend disponible les nutriments à l’entrée du fjord, favorisant la croissance des espèces situées à la base de la chaîne alimentaire.

À l’embouchure du fjord de la rivière Saguenay se trouve la tête du chenal laurentien, la vallée sous-marine qui découpe l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Ici, les falaises sous-marines forcent les courants glacés des profondeurs à remonter vers la surface. On appelle ce phénomène l’upwelling. À la surface, les eaux froides, riches en oxygène et en matières organiques, enrichissent le milieu marin et agissent ainsi comme engrais pour le phytoplancton. Grâce à cet apport en nutriments et à la lumière du soleil, les eaux de surface sont chargées d’algues microscopiques, le premier maillon de la chaîne alimentaire. Les eaux du parc sont alors un véritable garde-manger pour toute la faune marine, du zooplancton jusqu’aux baleines, en passant par les oiseaux marins.

Plus au nord, dans le golfe du Saint-Laurent, le phytoplancton prolifère au printemps et alimente le krill, un petit crustacé des eaux froides. Les eaux chargées de vie sont entrainées par le contrecourant vers le parc marin. Ces eaux entrainent avec elles les riches essaims de krill et de petits poissons arctiques comme le capelan. Un festin assuré pour les cétacés, les phoques et les oiseaux marins !

Finalement, le courant de Gaspé redistribue toute la richesse des eaux de Tadoussac vers la Gaspésie. Il permet à la plus grande colonie de fous de Bassan du monde de passer l’été sur les falaises de l’île Bonaventure et de profiter du gardemanger géant qu’offre le Saint-Laurent.

Shutterstock/Richard Nantais

LES JARDINS DE MER, DU FLEUVE À L’OCÉAN

Entre Québec et Rivière-du-Loup, le Saint-Laurent se concentre petit à petit en sel et les marées perdent de leur amplitude. Des conditions idéales qui permettent à une faune et une flore spécifiques de s’établir, autant sur les côtes que dans le fleuve, et d’évoluer au gré de leurs habitats. À

Québec, l’étroitesse de l’estuaire fluvial et sa faible profondeur engendrent de fortes marées. Ici, c’est le goulot de l’entonnoir du Saint-Laurent. Les grands mouvements d’eau brassent les sédiments et troublent tellement l’eau que l’on appelle ce secteur le « bouchon vaseux ».

Au niveau de l’île d’Orléans, le fleuve s’ouvre. L’eau douce se dilue dans l’eau salée, les courants ralentissent et les sédiments se déposent dans les espaces battus par les marées du Bas-Saint-Laurent et de la côte de Charlevoix. Une transition écologique graduelle s’opère alors dans l’estuaire moyen du fleuve et dans les battures. Ici, les conditions sont idéales et la vie bat au rythme des marées.

Les marais d’eau douce de l’île d’Orléans, du Cap Tourmente et de L’Isle-aux-Grues sont recouverts d’une prairie de scirpes d’Amérique, une plante aux longues tiges souterraines, qui fait la joie des oies sauvages. Dans la région de Kamouraska, la graminée spartine alterniflore tapisse les marais salés. Ces jardins de mer sont cruciaux pour les canards noirs et pour les oiseaux marins qui broutent les herbes aquatiques et picorent les mollusques, les crustacés et les vers.

Sous l’eau, au niveau de Kamouraska, les poissons d’eau douce comme le brochet et la perchaude ont laissé la place aux harengs, éperlans, plies, oursins et étoiles de mer. L’esturgeon et l’anguille, eux, naviguent de l’eau salée à l’eau douce selon leur cycle de vie.

Shutterstock/RLS Photo

GASPÉSIE, LE BALLET DES GLACES

L’hiver, les glaces du Saint-Laurent dansent au rythme des marées. Certaines espèces peuvent s’y établir.

Sur les côtes gaspésiennes, les glaces et les marées érodent les roches et les débitent en de minces feuillets. Un habitat idéal pour le fucus vésiculeux, une algue dont les tiges s’insèrent dans les cavités et les fissures rocheuses. Cette algue brune possède la capacité de se régénérer à partir de son pied, même si sa lame est fréquemment sectionnée par les glaces. Côté faune, la balane commune s’accommode elle aussi de l’action des glaces.

Alors que la fonte des glaces dilue l’eau de mer, le soleil l’évapore et augmente sa salinité. Certaines espèces s'adaptent bien aux fluctuations de la concentration en sel, comme les moules et le crabe commun. En s'éloignant de la zone balayée par les marées, la température et la salinité de l’eau sont plus stables et le brassage de l’eau demeure incessant. Ce sont des conditions de vie idéales pour les laminaires, les oursins, les buccins ainsi que pour les homards.

La glace protège aussi les côtes des tempêtes hivernales. Mais, depuis quelques dizaines d’années, les hivers se font plus doux. Sans glaces protectrices, la côte devient alors vulnérable à l’assaut des vagues qui balaient le paysage côtier.

This article is from: