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EN VALAIS L’HEURE DES GRANDS PROJETS
Méga projets dans les Alpes valaisannes et façades photovoltaïques mobiles, l’énergie solaire brille de tous ses feux dans des projets tout aussi novateurs que controversés.
Avec l’explosion des prix de l’énergie, sans détente sérieuse attendue avant 2025, selon l’Agence internationale de l’énergie, la production locale et l’autoconsommation d’une électricité renouvelable ne sont plus seulement une question d’écologie mais deviennent impératives sur le plan financier.
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QUI CONSOMME LE PLUS ?
« On entend dire qu’il faut que l’État intervienne, qu’il doit faire ceci ou cela. Mais ce sont les propriétaires qui doivent prioritairement améliorer énergétiquement leurs bâtiments et revoir leurs habitudes de mobilité, souligne Joël Fournier, chef du service de l’énergie et des forces hydrauliques du Canton du Valais. Qui consomme le plus en pourcentage ? Tout le monde répond : l’industrie, alors que c’est faux ! Il n’y a pas des millions d’industries, mais il y a des millions de ménages. Et ce sont les décisions individuelles des propriétaires, tous ensemble, qui vont faire le succès ou l’insuccès de la transition énergétique. La réalité est là, la transition est liée à des choix individuels. »
BEAUCOUP TROP LENT
Le potentiel est là pour parvenir à se détacher des énergies fossiles, mais il ne l’est, pour l’heure, que sur le papier. Certes, comme l’atteste l’Office fédéral de l’énergie, l’installation de panneaux solaires sur des toits et façades de bâtiments déjà existants pourrait fournir l’équivalent de 67 TWh (67’000 GWh) par an, soit près de deux fois l’objectif fixé par les autorités (34 TWh/an d’ici 2050). Mais la production solaire ne dépassait guère les 2,8 TWh en 2021. Nous sommes bien loin du potentiel idéal, et on ne peut que constater que la transition avance à un rythme beaucoup trop lent. Manque d’initiative d’une part, manque de main d’œuvre pour répondre à la demande d’autre part et opposition farouche pour les grands projets tels que ceux qui sont actuellement sur la sellette dans les Alpes valaisannes.
VALAIS, MÉGA PROJETS DANS LES ALPES
Les méga projets de parcs solaires dans les Alpes valaisannes divisent. Car s’ils pourraient fournir une grande quantité d’électricité – on parle de 110 gigawattheures d’électricité par an pour Grengiols (au lieu des 600 prévus initialement) et de 23,3 GWh pour Gondo –, on leur reproche de défigurer le paysage. En plus de ces deux projets phares, six autres sont à l’étude. S’ils sont acceptés, ils couvriront la surface de 2400 terrains de football, soit moins de 0,5 % à l’échelle du canton, et produiront de l’électricité pour 320’000 ménages. En attendant, les résultats du référendum et des votations dans certaines communes sont attendus avec impatience.
Mais un autre problème, tout à fait concret, est soulevé, celui de la capacité du réseau à absorber autant d’énergie. « Il est clair que pour certains projets, il faudra adapter le réseau électrique », reconnaît Joël Fournier.
Qu’est-ce qui provoque aujourd’hui cette frénésie autour des installations solaires ? « À mon avis, nous n’aurions pas connu cette situation d’urgence s’il n’y avait pas eu la guerre en Ukraine, analyse-t-il. Mais peut-être que je me trompe. La menace de pénurie hivernale et l’augmentation des prix de l’électricité sont des déclencheurs. Nous voyons le mur qui s’approche et notre société hyper dépendante à l’énergie commence à prendre des décisions en urgence, sans consultation large. Il n’est pas certain que ces décisions trouvent l’adhésion d’une majorité de la population. C’est probablement le cas pour la loi fédérale qui supprime une procédure de planification territoriale pour des parcs solaires alpins. »
Un Mod Le Novateur Neyruz
Via la société anonyme Neyergie SA qu’elle a créée, la commune de Neyruz a lancé un modèle novateur qui pourrait bien faire école : une centrale photovoltaïque et une centrale de chauffe alimentée par le bois des forêts régionales, dont les infrastructures sont financées par les habitants de la commune ainsi que de cette dernière. Les clés de succès de cette société visant l’autonomie énergétique 100 % durable sont la convergence des réseaux entre chaleur et électricité, la gestion de l’énergie et son stockage. Ce projet pilote a bénéficié d’une étude financée par le projet européen RES DHC (Renewable Energy Sources for District Heating and Cooling) qui vise à développer l’utilisation d’énergies renouvelables (EnR), notamment basse température, dans les systèmes de chauffage et de refroidissement urbains, en soutenant les acteurs de la filière et les collectivités locales. Il a également été soutenu par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et Groupe-E.
Autoconsommation Maximale
La centrale solaire photovoltaïque installée sur des immeubles résidentiels a été pourvue d’une batterie de stockage de 400 kWh et sera également complétée par une pompe à chaleur afin d’augmenter l’autoconsommation. À ce jour, ce sont plus de 120 logements, des commerces ainsi que les bâtiments communaux qui sont chauffés et alimentés en électricité par Neyergie SA. « Le prochain défi est la mise en œuvre de nouvelles infrastructures de production, notamment par la production de chaleur et la génération d’électricité à partir de la gazéification du bois », relève Martial Wicht, président de Neyergie SA. Autre projet innovant à Neyruz, celui de calculer l’empreinte carbone de l’entier du territoire communal. Pour Maryline Dafflon, conseillère communale et vice-présidente de Neyergie SA, « la transition énergétique doit passer par toutes les dimensions du développement durable : sociales, environnementales et économiques mais aussi par des collaborations intercommunales. »
Sur le marché suisse, le prix de gros de l’électricité a encore doublé entre janvier 2022 et juin 2022 et le prix du mazout suit cette tendance. Ainsi, l’importance de l’autoconsommation de l’électricité est mise en évidence, tout comme la nécessité de réduire drastiquement la consommation de mazout. « Si l’architecture énergétique mise en place par la société s’avère adaptée à ces nouveaux paradigmes, il faut noter que les projets doivent être non seulement terminés mais améliorés dans la perspective d’une substitution des sources énergétiques carbonées par de l’électricité renouvelable, et qui devra être locale, car les défis sont identiques à l’échelle du continent. »