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Le swiss design, vu par trois entreprises

3  regards sur  le  design suisse

Fonctionnalité, haute qualité et longévité sont les trois mots les plus employés pour caractériser le design suisse. Des valeurs qui font l’identité des entreprises emblématiques helvétiques, au même titre que le partage d’engagements et de convictions. Selon Christophe Marchand, «l’artisanat suisse de précision est une pépinière d’innovations, souvent très discrètes, dans les domaines de la fonction et de la forme». Le directeur créatif de Wogg souligne que pour assurer la qualité et la longévité des produits, son entreprise utilise des matériaux certifiés et de haute qualité, tout en poursuivant activement sa recherche autour de la fonction et des processus de fabrication. De la production au montage et de l’emballage jusqu’à la distribution, chaque étape est suivie avec précision; les objets sont réalisés avec tant de soin qu’ils deviennent des collectors. Une attention que peuvent également revendiquer Lehni, éditeur spécialisé dans le mobilier en métal qui célèbre cette année son centenaire, ainsi qu’Embru dont les tables et chaises en bois ont équipé bon nombre d’écoles suisses. Ce trio au riche passé ne s’est pas pour autant reposé sur ses lauriers. Il témoigne d’un grand dynamisme en lançant ses nouveautés, sans jamais transiger sur la qualité, quitte parfois à passer à côté des modes, comme l’évoque Christophe Marchand. L’intelligence de la fonction prime sur les tendances, c’est ça aussi l’âme du design suisse.

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Patricia Lunghi

Basée à Mümliswil, un village entouré de forêts au pied du Jura soleurois, l’entreprise née en 1983 a développé une collection de mobilier élégante et raffinée. Loin des modes éphémères, elle regroupe des unités de rangement, des tables multifonctionnelles et des systèmes d’étagères ultra flexibles.

En presque 40 ans d’activité, Wogg peut afficher des collaborations illustres avec de grands noms du design suisse comme Trix et Robert Haussmann, Jörg Boner, Christophe Marchand, Atelier Oï, Frédéric Dedelley, Hannes Wettstein, Alfredo Häberli qui ont bâti les fondements de la marque. Elle se renouvelle aujourd’hui avec les propositions du jeune designer Matthieu Girel. La force de l’entreprise vient de toutes ces personnalités et de leur volonté de contribuer au développement de la culture et de l’industrie du design. Autre aspect revendiqué, le «swiss engineering». Nombre de produits n’auraient pas vu le jour sans procédés de fabrication innovants, que ce soit dans le traitement précis de l’aluminium, du plastique, du bois ou des textiles. Dernier brevet en date, Woog 75 intègre un système de fermeture novateur, mis au point par des ingénieurs et des spécialistes des matériaux. Issu du moulage par injection, ce système de porte coulissante épouse parfaitement la courbe de l’unité de rangement. Depuis l’entrée en 2019 de Christophe Marchand comme directeur créatif, Wogg développe de nouveaux projets en mettant l’accent sur le design et en perpétuant la tradition suisse de l’artisanat. Le designer explique sans langue de bois les défis qui l’attendent.

Comment Wogg a-t-elle évolué depuis 1983 ?

L’entreprise a connu une croissance constante jusqu’au début des années 90, avant d’observer un certain fléchissement. Si le W18 – le sideboard du designer bernois Benny Mosimann créé en 1997 – est encore aujourd’hui notre best-seller, dans les premières années 2000, de nombreux nouveaux produits n’ont pas eu le succès escompté. À partir de 2010, il y a eu un nouvel envol avec les produits de Jörg Boner et de moi-même. Aujourd’hui l’enjeu principal pour Wogg est de conquérir le marché européen avec une marque de meubles qui occupe une niche sur le marché et qui produit entièrement en Suisse.

en quoi Wogg se distingue-t-elle des autres marques de design suisse?

Wogg crée des pièces de collection qui sont comme des compagnons de vie. Nous sommes plus motivés par l’innovation et par la précision suisse dans la production que par les modes et les besoins du marché. De plus, nous avons une valeur d’utilisation élevée, c’est-à-dire que nos objets durent dans le temps et sont indémodables. Ces valeurs nous distinguent moins de nos concurrents suisses que des marques étrangères.

que CherChent les Consommateurs aujourd’hui?

La plupart cherchent des propositions individuelles et personnalisées, avec des choix de couleurs, de matériaux et de formes. Nous avons perdu notre clientèle qui était prête à mettre le prix pour des designs radicaux et puristes. La clientèle actuelle continue à dépenser, mais plutôt que des pièces techniquement complexes, elle veut de l’émotion à travers de beaux tissus, des matières comme la pierre et le bois. Plus séduit par le côté décoratif, ce public est moins sensible aux valeurs de Wogg.

qu’est-Ce qui vous a poussé à reprendre une marque Comme Wogg?

J’ai dessiné des produits à succès pour et avec Wogg. En outre, j’ai toujours eu envie de créer ma propre marque, comme Tom Dixon. La marque Wogg est très bien placée sur le marché, avec un passé riche et de magnifiques collections. Je savais que ce ne serait pas une tâche facile de réveiller cette belle au bois dormant, mais c’est une aventure passionnante.

quelles aCtions avez-vous entreprises pour développer la marque ?

Nous avons lancé de nouveaux produits, réorganisé des secteurs comme la production, la structure de vente, la tarification, ainsi que la communication et le marketing. Nous sommes à nouveaux présents dans les salons internationaux. J’ai aussi relancé le graphisme d’affiches, dans un but plus culturel que commercial, pour mettre en avant la tradition du graphisme suisse. Actuellement, je rends visite à nos revendeurs dans toute la Suisse et je discute avec eux de la manière d’améliorer la qualité de nos produits. Je travaille aussi beaucoup avec des personnes externes à mon network pour échanger des idées avec des gens d’autres milieux.

le design suisse a-t-il besoin d’un soutien de l’état? si oui, sous quelle forme?

Oui, l’État doit faire plus pour le design suisse. Le design est une discipline qui réunit les enjeux économiques, culturels et artistiques. Cela doit enfin entrer dans les esprits. En conséquence, la promotion et le soutien des entreprises de designers et d’autres acteurs doivent être considérés comme un tout. Pourquoi les designers reçoivent-ils un soutien pour participer aux foires à l’étranger et pas les entreprises? Il faut une stratégie globale. →

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