L’uniformisation d e s c u l t u r e s à
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l ’ a r c h i t e c t u r e le toit, reflet de la culture face à cette homogénéisation
Hélène Esparon
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R a p p o r t
d’ é t u d e
E c o l e N a t i o n a l e S u p é r i e u r e d’ A r c h i t e c t u r e d e M o n t p e l l i e r
Etudiante: Esparon Hélène
Enseignant:Hoffert Yannick
Semestre:6
Année:2018
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Voilà que ce sont écoulées trois palpitantes années à étudier le domaine
de l’architecture, et c’est au cours de ce dernier semestre qu’une prise de recul s’avère être essentielle afin de se poser les bonnes questions quant à notre rôle en tant qu’étudiant d’architecture ainsi que notre future place en tant qu’architecte. Pour ma part, un questionnement s’est formé et s’est intensifié au cours de ses années. Ce temps de réflexion qui nous est consacré est alors pour moi une opportunité de traiter ce questionnement qu’est l’uniformisation des cultures à travers l’architecture. Il a fallut alors se préciser, trouver un point, une idée autour de laquelle tourner dans ce vaste sujet. Je me suis alors appuyée sur l’élément toit, que je considérerai ici, comme un élément qui persiste à refleter la culture propre de chaque pays…
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A v a n t
P r o p o s
De nos jours, nous vivons dans une société où la technologie a pris une grande place dans nos vies; le téléphone collé à l’oreille, les yeux rivés sur les écrans d’ordinateurs, les télévisions tard le soir, les algorithmes, les logiciels, les engins aérodynamiques, mécaniques, les systèmes de vidéosurveillance, et encore… sont des facteurs qui contribuent peu à peu à l’évolution d’une société uniformisée. Une cause remarquable et bien connue de tous, quant à cette nouvelle société, est le phénomène de la mondialisation. C’est à travers l’ouvrage War and peace in the global village de Marshall McLuhan en 1968, qu’apparait la mondialisation sous le terme anglais de «globalization». McLuhan s’appuyant sur la guerre du Vietnam retransmise par le phénomène technologique de la télévision, invoque le fait que les nouveaux médias font de la planète un village global, et avertis le rôle décisif que jouerons les technologies de communication moderne dans l’accélération mondial du progrès. C’est ainsi que le terme va se développer par la suite sur le plan politique et économique avec la convergence mondiale des marchés, explicité par Théodore Levitt dans son ouvrage The globalization of markets en 1983, la formation de la triade comprenant les Etats-Unis, l’Europe et je Japon, ou encore l’effacement des frontières nationales introduit dans L’économie mondialisée de Robert Reich. Mais la mondialisation se développe aussi sur le plan social et culturel, et les européens revendiquent ce phénomène comme destructeur de la diversité des cultures, et prônent la protection et la promotion des industries culturelles locales par des subventions, pour éviter une uniformisation destructrice, principalement développée aux Etats-Unis. Dans tout ces domaines de pouvons indéniablement ajouter pline regroupant l’aspect social, donc inévitablement été touché
société touché par la mondialisation, nous celui de l’architecture, qui est une disciéconomique, politique et culturel, et qui à par cette vague de nouvelles informations. 5
Mais quel est réellement l’architecture et quel est son rapport à la culture ? Je suis allée regarder sa définition sur la base de données la plus connue au monde, la plus utilisée par les gens, afin de voir comment l’architecture est perçue par la plus grande partie de la population mondiale, je cite :
“ l’architecture
est l’art majeur de concevoir des espaces et de bâtir des édifices, en
respectant des règles de construction empirique ou scientifique…” ici, on nous informe déjà que l’architecture se base sur certaines règles, et n’est donc pas complètement libre; “…ainsi que des concepts esthétiques, clas-
siques ou nouveaux, de forme et d’agencement d’espace, en y incluant les aspects sociaux et environnementaux liés à la fonction de l’édifice et
à son intégration dans l’environnement…” ici, on en apprend un peu plus quant aux règles qu’elle doit respecter, l’aspect social, répondre aux demandes, s’informer sur la nature du lieu, et l’aspect environnemental, respecter l’environnement, son écosystème, le bâti déjà existant, les fonctions et usages développés autour du lieu…; “ quelle que soit sa fonction (…)” ici on exclue aucuns édifices, c’est donc une règle applicable à toutes les formes de construction; “c’est
pourquoi l’architecture est définie comme une expression de la culture.”
Ici, on nous affirme que l’architecture exprime la culture, en nous renvoyant au fait qu’elle l’exprime de part le respect des règles qui doivent être appliquées. Toutes les architectures devraient alors répondre à la culture de chaque pays? Est-ce vraiment le cas? Mais qu’est ce que réellement la culture, et comment la définissent-ils? Le mot culture est sensiblement difficile à définir, il existe beaucoup de significations. La notion de culture à évolué au cours des années, elle renvoyais le plus souvent au travail de la terre par lequel l’homme en améliore la production et en tire des résultats qu’elle n’aurai pas donné spontanément, on définit donc quelque chose de fait, de construit, et surtout travaillé par l’homme. Puis, la signification du mot au sens figuré s’est transformé en fonction des bouleversements sociaux, économiques et politiques que la société a subis. 6
Elle serait alors, dans une approche plus philosophique, l’enrichissement de l’esprit par des exercices intellectuels, des connaissances dans un domaine particulier, ce qui relève des arts dans leur dimension esthétique (…), mais ici, nous allons nous intéresser à la définition de la culture comme l’ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation. Aujourd’hui, ma troisième année d’architecture touchant à sa fin, il me semble avoir réussie à developper un oeil plus attentif envers l’environnement qui nous entoure, et c’est ainsi que cette notion de mondialisation qui touche l’architecture puis la culture, accompagné de mes questionnement me sont apparus, grâce à cette meilleure observation du monde, ainsi que mes nombreuses expériences antérieures aux études d’architecture. Je qualifierai ce sujet d’étude comme étant riche et vaste de par les nombreux domaines qu’il regroupe, et de sa position en tant qu’acteur de l’évolution de notre société, d’hier, d’aujourd’hui et de demain. En tant qu’étudiante, j’ai personnellement développé le fait qu’il soit essentiel de comprendre l’architecture du passé, avant son uniformisation, ainsi que celle du présent, où des ressemblances émergent, afin de pouvoir au mieux créer l’architecture différente de demain.
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- L a c o n s t r u c t i o n d’ u n q u e s t i o n n e m e n t…
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- L a c o n s t r u c t i o n d’ u n e o p i n i o n…
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Un brin d’histoire Etude du toit à travers deux cultures différentes : la Chine et le Maroc
- L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation
27 - 34
La ville générique Déterritorialisation et reterritorialisation
- R e n o u e r a v e c l a c u l t u r e : le monde de demain
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L’architecture sans architecte Un regard extérieur
-Conclusion
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-Bibliographie
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L a c o n s t r u c t i o n d’ u n q u e s t i o n n e m e n t...
Depuis ma tendre enfance, le monde de la modélisation et de la conception me plaisait à travers certains jeux vidéos, la question de l’esthétique, du design, de l ’organisation des espaces se posait, j’avais une certaine volonté de créer la plus belle et grande maison qu’il soit. Ces jeux ont alors fait émerger en moi l’idée de tourner mon futur vers un métier qui touche ce domaine d’esthétisme et de conception d’espace. Mon approche de l’architecture s’est ensuite démarquée par l’observation du monde dans lequel nous vivons grâce aux nombreux voyages que j’ai eu la chance de réaliser. J’ai vécu pendant les plus jeunes années de ma vie 2 ans sur l’île paradisiaque de Mayotte, puis, un peu plus tard c’est pendant mes 3 années passée en Guyane Française que j’ai fait ma transition de l’école primaire au collège. Ces trois années m’ont permis de visiter un bon nombre de pays et d’îles voisines, comme la frontière brésilienne, le Suriname, la Guadeloupe et ainsi que la Martinique. La fin de ses trois ans de vie sous les tropiques me ramènent en France, dans la petite ville de Nîmes, qui constitue mon dernier déménagement à l’échelle mondiale. Depuis, j’ai pu visiter l’ouest des Etats-Unis, en passant de Los Angeles à Las Vegas, jusqu’à San Francisco, l’Italie grâce à plusieurs échanges de correspondance scolaire, la Suisse-Allemande à travers Zurich, ville où réside de la famille, l’Espagne, le Portugal et dernièrement la Tunisie. Mes origines du coté paternel m’ont aussi fait découvrir la belle île de la Réunion. Au cours de tout ses voyages, j’ai alors été en contact avec des cultures différentes, des personnalités différentes, des modes de vie changeants, des habitations nouvelles et j’ai pu comparer la pauvreté et la richesse qui finalement se traduisait parfois par une pauvreté de tout et une richesse de rien. C’est je pense, à ce moment là que la question de la culture s’est frayée un chemin dans mon esprit. Ma décision pour les études d’architecture s’est confirmée par l’approche multidisciplinaire du métier. Je me décrirai, en toute modestie, comme étant une personne curieuse, avec l’envie d’en apprendre toujours plus, le désir de vouloir tout 11
L a c o n s t r u c t i o n d’ u n q u e s t i o n n e m e n t...
savoir. L’architecture était alors pour moi le métier qui combinais tous les métiers, avec en prime le privilège d’une grande carrière et d’une notoriété remarquable, voilà l’image que j’en avais en tête. J’ai donc orienté mes études vers une filière STI2D ( Sciences et Techniques de l’Industrie et du Développement Durable) qui a alors renforcé mon désir de rentrer en école d’architecture. J’ai alors commencé mes études à l’ENSAM en ayant aucunes connaissances spécifiques sur le sujet, mais en ayant la plus grande motivation à vouloir apprendre. Je ne cacherai pas que mon premier semestre était le plus compliqué, je ne m’attendais pas à un tel niveau de demandes. J’ai du alors faire face à des épreuves qui m’ont orientées vers des périodes de doutes et de questionnements face à ses études, mais j’ai toujours réussi avec le soutient de ma famille, et à ma plus grande satisfaction, à me remettre les idées au clair, à faire le vide, et à retomber toujours sur la même envie d’architecture. Au cours des deux dernières années, j’ai réussi à m’assouplir, comme une pierre brute que l’on polie, mes projets qui n’avaient de finalités qu’a répondre aux consignes, sont devenus petit à petit plus doux et plus attentifs à mes volontés, mes goûts et à l’environnement, portant plus d’importance à certains traits de l’architecture quant à l’approche sociologique. Différents cours magistraux m’ont passionnés, comme la Sociologie, mais surtout Espace Critique avec Mr L.Dousson, que je qualifierai de remarquable à travers ses cours, sa personnalité les faisaient vivre et tout devenait alors logique dans ses propos. Ses cours m’ont appris la façon d’appréhender le monde actuel, les comportements des gens, et ses critiques m’ont permises d’en faire moi aussi. J’ai ressenti les cours de Mr L. Viala comme un complément, car ils ont permis, pour moi, de révéler la complexité d’une culture associée à une ville. A tout cela s’ajoutait les différents cours comme Composer, ou encore La pensée du projet, qui parfois transmettaient des «normes» «basics» de l’architecture. Ces cours m’ont surtout permis de me poser des 12
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questions parallèles; Qui sommes nous pour définir la normalité? Pourquoi un système est-il plus efficace qu’un autre ? Et en quoi? Qui peut en juger? Qui détient la vérité? Ma seule conclusion était en réalité personne. C’est pourquoi je me suis posée la question de pourquoi reproduisait-on les mêmes schémas architecturaux dans le monde? Parce qu’ils avaient découvert une architecture qui fonctionne ici, alors pour quelles raisons allait- elle fonctionner là-bas? Je n’en doute pas que de nombreuses études et recherches ont été faites, mais dans tout cela, il me semble que la question de la culture à été omise quelque part. Car nous sommes tous égaux mais tellement différents. Alors l’architecture à des fins de mise à égalité, nous rend tous communs et nous fait, quelque part, oublier qui nous sommes vraiment.
Contraste entre les Arènes de Nîmes et le Musée de la romanité Photo du site a-ticket-to-ride.com
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L a c o n s t r u c t i o n d’ u n q u e s t i o n n e m e n t...
Mon choix d’une réflexion portée sur le toit m’est venue de par l’arrivée aérienne dans les différents pays que j’ai visité. En effet, en regardant à travers le hublot, mes yeux se posent d’abords sur la topographie du terrain, puis sur les couleurs et la végétation, et ils finissent enfin leur course par regarder les toits des habitations. C’est ainsi que je peux déterminer les différentes zones du lieu, ainsi, les toits définissent pour moi le niveau d’évolution attribué à certains quartier. Il serait alors le reflet d’une nouvelle architecture ou bien dans le cas contraire, le reflet d’une architecture persistante dans le temps, donc reflet de la culture du lieu. Afin de se construire une opinion et d’en apprendre un peu plus sur le sujet, il est évident que des recherches doivent être faites, et c’est à travers internet, les livres, les relations sociales (...) que j’ai puisé mes connaissances…
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L a c o n s t r u c t i o n d’ u n e o p i n i o n ... Un brin d’histoire… Avant toutes choses, il est essentiel de définir ce qu’est un toit. Etymologiquement, le mot toit provient du latin tectum du verbe tegere qui signifie couvrir, plusieurs mots s’en rapprochant définissent tectoris “qui sert à couvrir”, tectarium “couvercle”. Sur internet, selon le plus grand moteur de recherche (wikipedia), il est définit comme étant
“la
surface ou la couverture cou-
vrant la partie supérieure d’un édifice, permettant de protéger son intérieur contre les intempéries et l’humidité.” Dans le Larousse, on
peut lire qu’il prend une forme de lieu, d’habitat, de refuge “chercher un toit”. Finalement, un toit est tout cela, mais il peut être bien plus encore. Afin de le comprendre, il faut remonter quelques temps en arrière. Il faut prendre en compte au cours de l’évolution temporelle qui va être faite, l’évolution des technologies, du niveau de vie, ainsi que de la créativité architecturale. En Europe, c’est pendant la préhistoire que les premiers toits sont apparus avec les habitats nomades et sédentaires. Les hommes préhistoriques dont le seul but était de vivre ou plutôt survivre, se construisaient des refuges afin de se protéger des dangers extérieurs comme les animaux,et les intempéries par exemple. Par manque de savoir faire et ne pouvant pas se déplacer très loin pour certains, ils construisaient leurs refuges avec ce qu’ils trouvaient à proximité, le plus souvent des peaux de bêtes, des ossements, du bois, de la paille(…). A cette époque, on ne faisait pas de distinction entre les murs et le toit, le toit est l’habitat, c’est un unique et même objet qui a un usage précis, la protection. Au cours de l’Antiquité, on ressent le besoin d’améliorer le confort des habitats, et de mieux se protéger des intempéries et des dangers extérieurs. L’habitat prend la forme d’un espace privé, beaucoup plus fermé que celui de la Préhistoire. On voit apparaitre la brique, la pierre et les tuiles sur les toits 16
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romains,ainsi que la paille et le bois pour les toits gaulois. On utilise toujours le matériaux de proximité. On distingue désormais les murs et le toit, on a deux objets différents, dont le but est toujours la protection des habitants. On peut aussi soulever le fait que l’utilisation des matériaux locaux vient marquer la culture d’un lieu, d’une population, d’un temps.
Photo des maisons à colombage en Alsace, référence au Moyen-âge Graphicobsession
C’est au Moyen-Age, qu’une nouvelle notion est prise en compte, le culte et l’Eglise, on est un peu plus attentif aux croyances et l’habitat va le refléter. La maison du riche est en pierre avec un toit résistant et lourd, et celle du paysan est en bois, paille avec un toit léger en charpente bois recouvert de chaume. Il est composé de deux pentes, avec un sommet qui pointe vers le ciel, faisant référence aux croyances, en effet, il traduisait le besoin de se rapprocher des dieux. Le toit définit ici le culte, une habitude de vie, donc la culture propre au lieu, à la population, au temps. Au dessus de la charpente, le culte, la protection, mais un dessus implique automatiquement un dessous. Ce 17
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dessous était très souvent habité, il servait d’espace de stockage, de récoltes, de grenier, une histoire s’y installait. Les choix ne se faisait pas toujours par matériaux de proximité ou croyances, mais aussi par la politique. A cause des nombreux incendies liés aux habitations en bois par exemple, on devait remplacer le matériaux, par ordre des rois. Mais les rois font aussi partis de la culture d’un lieu, donc leur décision reste le reflet de leur culture. Bien qu’il réponde toujours à l’usage de la protection, le toit devient ici un connecteur entre la terre et le ciel, tout en se créant une histoire. Par la suite, le toit va conserver sa pente de la Renaissance jusqu’au monde contemporain, explorants divers matériaux et diverses formes tout en essayant de garder les spécialités locales, techniques de construction, couleurs, usages, significations de chaque régions, pays…
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Etude du toit à travers deux cultures différentes : la Chine et le Maroc Pour essayer de comprendre au mieux et de cerner comment une architecture peut être le reflet d’une culture à travers un temps, et quels facteurs permettent de définir l’affirmation d’une culture, objets, couleur, significations, techniques (…), nous allons prendre deux exemples d’architecture bien différentes à travers deux cultures elles aussi différentes, celle de la Chine et celle du Maroc. L’architecture chinoise a pour caractéristique fondamentale de combiner des formes rectangulaires en variant leur tailles et leurs positions suivant l’importance de leurs usages, afin d’obtenir un ensemble dont chaque composant reste clairement distinct, c’est un assemblage d’éléments qui forment un tout. Aujourd’hui, l’aspect architectural et urbain de la Chine se métamorphose à vive allure au dépens des dernières traces de l’architecture traditionnelle de l’époque Ming et Qing encore visibles et au dépens de l’architecture des minorités, celle du Tibet, les yourtes (…). La maison traditionnelle appelée Siheyruan persiste dans le temps comme le reflet de leur culture. Mais aujourd’hui, de nombreux quartier de ses maisons sont rasés pour laisser place à la construction de grandes barres d’immeubles malgré la résistance de quelques groupes d’habitants de ces quartiers. Il y a donc quelque part une destruction de la culture. En effet, le Siheyuan est une cour carrée fermée et entourée de maison sur trois ou quatres cotés, c’est un lieu de vie intégré directement à la culture chinoise puisque sa structure est organisée selon le statut social et familiale des personnes et offre une grande intimité de l’extérieur. Le plus grand complexe Siheyuan au monde est la Cité Interdite. Entrée en 1987 au patrimoine mondial de la culture par l’UNESCO, on qualifie ce palais royal d’un chef d’oeuvre exceptionnel de l’architecture ancienne représentant le meilleur exemple de l’habitat traditionnel chinois, c’est le plus grand et le mieux conservé. Mais la première chose qui apparait dans notre esprit 19
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quand on parle d’architecture chinoise, ce sont les toits incurvés élancés qui surplombs les constructions traditionnelles. Pour l’architecture traditionnelle chinoise, la toiture est un élément caractéristique, gracieux, en saillie et parfois sur plusieurs rangées avec des avants toits recourbés, reposant sur des colonnes en bois espacées à des intervalles bien précises. Les toits présentent des différences de types et de forme qui permettent de hiérarchiser les espaces. Beaucoup de significations peuvent être données quant à la raison de la courbure des avants toits, souvent importants ils peuvent se justifier sur le plan fonctionnel par le besoin d’évacuer le plus loins possible les eaux de pluie et de se protéger des rayons du soleil; sur le plan esthétique elles peuvent s’apparenter aux ailes déployées d’un phénix ou bien ces remontées en courbes concaves donnent l’impression d’un toit flottant dans les airs, il a une signification de légèreté. Positionné sur les avants toits, le dragon à cornes appelé “shenlong” a une définition spirituelle, il enverrai le vent et la pluie afin de repousser les orages et les incendies. Les sous toits sont formés de caissons qui servent à l’isolation des salles, c’est à ce niveau que l’art et la décoration polychrome s’est exprimée. Les tuiles constituent le dernier élément significatif de la toiture, elles alternes entre concave et convexe, et sont en terre cuite émaillée et coloré. Pour finir, chaque couleurs et décorations obéissent à une réglementation basée sur un système traditionnel de rang et de catégorie, par exemple, le jaune symbolise la terre, et la terre représente le centre de l’univers, l’utilisation de cette couleur pour les toitures signifie l’autorité centralisée de l’empereur sur l’empire. Après ces recherches, on peut constater que le toit à travers l’architecture chinoise n’est pas qu’un simple objet de protection contre les intempéries ou les éléments extérieurs pour les occupants, mais il est un objet de valeur, débordant d’histoire vécues et d’histoires à raconter. Il occupe une grande place à la fois à l’époque en définissant les catégories sociales, en étant un support d’art et devenant lui même une oeuvre d’art, 20
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Plan d’un Siheyuan traditionnel chinois redessiné à l’encre de chine 1 - porte principale 2 - chambres pour les fonctionnaires 3 -cour extérieure 4 - porte secondaire 5 -cour principale 6 -chambre pour le plus jeune fils 7 -chambre du fils ainé 8 -chambre pour les proprietaires 9 - chambre pour les servantes 21
10 - chambre pour la fille
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et à la fois aujourd’hui en attirant le regard des touristes de par sa forme originale pleine de vie et regorgeante de mystères. Le Maroc est considéré en ce qui concerne son patrimoine architectural, comme étant l’un des plus riche. L’architecture puisant ses racines dans l’art hispano-mauresque, présente une diversité et une variété qui réside dans la multitude d’influence qu’a connu le Maroc au cours de l’histoire. Elle est considéré comme un art, elle est raffinée et très ornementale, mais elle reflète surtout l’histoire riche en évènements du pays. Où trouves-t-on vraiment cette architecture qui reflète l’histoire du pays? C’est au coeur de la médina de Fès, à travers les habitats traditionnels que nous allons nous pencher. Que signifie la médina? A l’époque, avant la création de grands ensembles et de villes nouvelles, la médina désignais la ville, mais aujourd’hui elle définit la partie ancienne d’une ville par opposition aux quartier modernes de type européen; employé au Maghreb, en Espagne, ou encore en Afrique de l’ouest et de l’est; la signification du terme s’est restreinte à la notion de ville historique ou traditionnelle.
Photo de la médina de Fès au Maroc 10thingstosee.com
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On comprend alors ici, que la médina reste le reflet de la culture marocaine à travers le temps, et qu’elle cherche à s’affirmer face aux nouvelles villes qui se sont juxtaposées à elle. Dans la ville de Fès, l’art et l’architecture marocaine se sont construits au travers d’une succession de rivalité et de conflits, elle possède d’ailleurs la plus grande médina au monde, et en conséquence du patrimoine et du savoir faire qu’elle abrite l’UNESCO la classe au patrimoine mondial. La médina est rythmé par une grande mixité d’activités humaine, elle forme un espace où viennent cohabiter les fonctions résidentielles, économiques, sociale et culturelle, et son ouverture au monde extérieur par ses échanges avec le monde rural et son activité marchande développée, la soutienne et la font survivre à travers le temps. On peut définir la médina comme une véritable prouesse architecturale inventée au moyen-âge, elle possède des concepts favorables à l’environnement, dont l’architecte et urbaniste Marc Gossé en a témoigné, je cite :
“Les grands principes du développement durable y sont présents (…), un écosystème subtil et abouti entre nature et urbanisation, une capacité d’adaptation étonnante de la morphologie et des typologies architecturales, une économie d’énergie par la limitation de la mobilité polluante des automobiles et la densité du bâti, un processus participatif et une gestion conviviale des espaces urbains, des système de solidarité et une pratique à l’égalité des statuts entre personnes et représentation symboliques spatiales, qui tous ne demandent qu’a être encouragés, réactivés ou réinterprétés, contre un modèle urbain “générique” porté par l’ultralibéralisme moderniste mondialisé, qui génère la destruction de l’environnement, du lien social et de la diversité culturelle.” Ici, Marc Gossé appuie sur le fait que la médina soit un procédé architectural qui fonctionne et sur plusieurs plans, son propos est comme une plaidoirie, un 23
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appel au secours, face à cette mondialisation qu’il cite “destructrice” envers la culture maghrébine et l’histoire retenue dans la médina. Au coeur de la médina se développe une architecture vernaculaire , le Riad, qui est la maison traditionnelle marocaine. Dans la tradition arabe, le Riad est un jardin clos, et c’est autour de celui-ci que se développe les différentes parties de la maison.
cour
RDC
terrasse
Etage Plan de la maison traditionnelle marocaine, le riad, redessiné à l’aquarelle 24
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Contrairement aux formes courbées des toits des maisons traditionnelles chinoises, les toits des riads sont eux plats, laissant à l’extérieur une image d’une façade plane, de forme carrée. Cette simplicité de façade sans ouvertures vers l’extérieur vient créer un contraste avec l’intérieur qui lui est chargé en décorations et semble très ouvert vers l’extérieur. Les nombreux étages du riad débouchent sur un lieu différent, la toiture. Le toit est ouvert et aménagé en terrasse de plein ciel, donnant sur les autres toits et l’environnement urbain, il devient ici un véritable lieu de vie, une pièce à part entière qui a une charge symbolique. C’est un lieu très fréquenté où l’on peut se réunir en famille, organiser des fêtes, se détendre, cet espace offre le plus souvent un cadre calme propice au repos. Il peut également servir d’espace de stockage. Il constitue en plus de la protection de l’habitat, un lieu à habiter, praticable, qui vient contraster avec l’aspect fermé que renvoie la façade, on peut le considérer comme étant l’élément le plus important de la maison.
A travers ces deux recherches, on peut constater que la signification du toit dans la culture chinoise est bien différente de celle de la culture marocaine, et portent toutes deux une grande charge significative dans la vie des habitants de l’époque. On peut constater aussi qu’aujourd’hui ces deux formes d’architectures essaie de survivre face au temps et aux avancées technologiques qui s’amplifient et prennent de plus en plus d’espace. On peut donc en conclure que les différentes formes d’architecture traditionnelles dans chaque pays pour chaque cultures suivent le même combat contre cette mondialisation.
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L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation La ville générique Comme expliqué dans l’avant-propos, la mondialisation rythmée par les avancées scientifiques et technologiques, implique de grandes transformations sur le plan social, économique, architectural et bien d’autres encore. L’ouverture au monde à permis l’apprentissage de cultures différentes qui ont fait évoluer certaines cultures et ainsi de suite, les échanges de données ont permis de créer une base de données beaucoup plus grande offrant la possibilité d’améliorer beaucoup de choses, les échanges commerciaux ont étendus le champs de l’art, des goûts, des couleurs, des matériaux(…). Notre regard face au monde a évolué, nos habitudes ont changé, notre façon de vivre, de manger, de penser, d’acheter et même d’habiter ont changé aussi. Cette possibilité de tout échanger, de tout connaitre à entrainé une uniformisation des savoirs faire, de la population, des pays… Si on se penche sur le cas de la Chine, la société moderne, à entrainé l’évolution de la population. En effet, la structure sociale et familiale n’est plus la même, la population ne suis plus forcément les règles traditionnelles imposées auparavant, de ce fait, la maison traditionnelle chinoise Siheyuan ne correspond plus à la nécessité du peuple chinois en cause d’espace limité, du manque d’accessoires, d’enfermement vis à vis de l’extérieur(…), tout cela à fait que le Siheyuan est de moins en moins adapté à la vie moderne. On cherche alors à construire autrement, et ses habitats traditionnels disparaissent de jour en jour dans la ville de béton moderne, laissant place à de nouvelles construction qui n’ont rien à voir avec les traditions. Du coté du Maroc, la mondialisation ou le simple développement des pays anciennement colonisés remet en question les modes de production traditionnel, des biens et des services et en conséquence le tissu traditionnel des médinas. La construction de nouvelles villes à leurs cotés a entrainé leur redéfinition, elles se définissent alors comme étant les anciennes villes. La prise de 27
L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation conscience de la nécessitée de les sauvegarder est récente. En effet la médina peut jouer un rôle très important dans la revitalisation des arts et des traditions qui ont modelé un artisanat de grande qualité, mais celui-ci est en cours de disparition et uniquement tourné vers le tourisme. Tout comme la Chine, on construit autrement. Ces nouvelles formes de ville en développement sont appelées les villes génériques.
Illustration de la ville générique dreamstime.com
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L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation L’architecte théoricien et urbaniste néerlandais Rem Koolhaas pose le problème de l’homogénéisation des villes à travers la mondialisation et l’urbanisation dans son texte La ville générique datant de 1994, je cite :
“La ville générique est la ville libérée de l’asservissement
au centre, débarrassée de la camisole de force de l’identité. La ville générique rompt avec le cycle destructeur de la dépendance; elle n’est rien d’autre que le reflet des nécessités du moment et des capacités présentes, c’est la ville sans histoire; suffisamment grande pour abriter tout le monde, accomodante, elle ne demande pas d’entretient. Lorsqu’elle devient trop petite, il lui suffit de s’étendre. Elle est superficielle comme un studio de Hollywood, elle peut se refaire une identité tous les matins.”
Dans son analyse de la ville générique, il développe plusieurs points, elle serai fractale de par ses répétitions à l’infini de modèles structurels élémentaire, multiraciale de par le fait que l’on puisse trouver une diversité de cultures dans la ville, comme des temples au milieu des barres de béton, des dragons sur les grandes artères et des bouddhas dans le centre d’affaires. Mais trop de cultures mélangées font oublier la culture initiale du lieu. Il nous laisse entendre qu’elle serai l’apothéose du questionnaire à choix multiple toutes les cases seraient cochées, à elle seule elle serait une anthologie de toutes les options. Cette ville est vue par Rem Koolhaas comme un produit de consommation que l’on peut jeter facilement, il la dénonce comme “moyen actuel” pour qu’elle puisse évoluer sans contraintes, elle ne répond alors qu’a une offre et une demande, et sa perpétuelle mutation lui en fait oublier son identité.
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L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation
Photo d’un rooftop d’appartement à Manhattan, NYC Manhattanscout.com
Depuis toujours, l’expansion des villes s’est faite à l’horizontale en gagnant de la superficie de jour en jour. Mais aujourd’hui, on commence à arriver aux limites, on manque de place, alors on tourne l’expansion en construisant sur les toits.
“La ville générique abandonne l’horizontal pour le vertical, le gratte ciel semble appelé à y devenir la typologie ultime et définitive. Il a absorbé tout le reste, il peut se dresser partout, les tours ne sont plus côte à côte, mais ainsi séparée qu’elles n’ont plus d’interaction. La densité dans l’isolement : voilà l’idéal.” 30
L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation Les toits deviennent un véritable terrain à bâtir, on fait monter les maisons en étages, on trouves des espaces public appelés rooftops où on y trouve des restaurants, des bars, des terrasses, des clubs privés(…). Le toit de la ville générique est un lieu, il prend une dimension importante car il est considéré comme l’avenir de l’expansion de la ville.
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L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation Déterritorialisation / Reterritorialisation
Déconstruction - Andrew Holder
Aujourd’hui, la ville est faite de flux de circulation, tout est en mouvements, en agitation, elle se développe avec une grande rapidité en effaçant et en détruisant jours après jours les dernières traces d’une époque, d’une tradition, d’une culture. On détruit et on reconstruit, mais le fait t-on vraiment en appliquant la définition propre de l’architecture comme expliquée dans l’avant-propos? 32
L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation Il y a un phénomène de déterritorialisation en détruisant les bâtiments existants, ce qui efface la culture présente, l’histoire du lieu, du bâti, en oubliantpas d’éliminer les valeurs qui vont avec(…) et de reterritorialisation quand on reconstruit sur le même lieu auparavant habité, on y trace de nouvelles lignes, un nouvel usage qui racontera une histoire qui sera sûrement dans le plus grand des cas différente. En effet, les architectes en charge de la reterritorialisation du lieu vont se baser sur l’environnement, les vues, l’ensoleillement, le voisinage,la végétation, les usages à définir, les clients (…), mais ils ne se baseront pas forcément sur la culture et l’histoire qui était présente avant, non pas qu’ils en aient pas envie, mais bien souvent car ils ne la connaissent pas. Il faut dire qu’avec la mondialisation, les architectes proviennent de tous les coins du monde en quête d’afficher leur nom sur une construction s’exposant dans un pays différent du leur. Des questions peuvent alors se poser : Comment l’architecte pourrait-il apprendre la culture d’un pays? Quel type d’expérience pourrait-on lui faire vivre pour qu’il puisse bien construire à la place de ce qui a été déconstruit? Il s’agit de devoir apprendre la culture de l’autre, avoir un regard différent, pratiquer une immersion dans le pays, éléments qui ne sont, dans le plus grand cas, pas pratiqués. Comment pourrait-on au mieux respecter la culture du lieu afin d’obtenir un bâtiment durable dans le temps, non produit de consommation qui répond à une simple demande? Dans cette critique de l’architecture moderne ressort la nécessité de créer un nouveau type d’architecture capable de travailler avec une communauté et les contraintes de l’habitat informel. Dans son allocution du 3 Juin 1976, au forum non gouvernemental de la conférence de Vancouver, Hassan Fathy, architecte égyptien, a esquissé le portrait robot de l’architecte au pied nu, il commente: 33
L e b o u l e v e r s e m e n t d e s c u l t u r e s : l’arrivée de la mondialisation
“L’architecte
est
un
missionnaire,
nous
devons
créer
une
classe d’architecte qui avant de rechercher un profit, s’occuperons en priorité d’aider les familles à faible revenus à construire leur propre abri”
Mais as-t-on vraiment besoin d’un architecte pour construire un abri? Pour renouer avec la culture?
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R e n o u e r a v e c l a c u l t u r e : le monde de demain L’architecture sans architecte Par définition, l’architecte est un technicien spécialisé dans la conception des bâtiments. Il répond aux besoins de son client, il traduit en plan une réflexion sur l’espace, la lumière, les volumes et les matériaux, puis conduit le chantier. Il est considéré comme étant un professionnel de haut niveau ayant de larges connaissances, mais qui s’appuie tout de mêmes sur des spécialistes pour détailler son projet. Les savoirs de l’architectes sont suscités fréquemment aujourd’hui afin de réaliser n’importe quelle construction. Mais l’histoire récente de l’architecture et de l’aménagement à peut être engendré la fausse impression que seul l’architecte et l’urbaniste sont capables d’aménager l’espace bâti, pourtant pendant des millénaires l’homme a su s’en passer… Encore aujourd’hui on retrouve des espaces bâtis par la main de l’homme, sans l’aide de la conception de l’architecte, le bidonville. Le bidonville est un lieu d’urbanité, de gestation urbaine, son architecture non codifié possédant une trame singulière devraient servir de base à l’architecte et à l’urbaniste. C’est un endroit qui se construit petit à petit avec le temps, grâce à ce que les habitants trouvent, apparenté à un lieu recyclé, mais plein de culture et débordant d’histoire. Un contraste se créer alors entre l’architecture urbaine issue de l’oeuvre individuelle de l’architecte, souvent sans grande recherches de restaurer la culture, et l’architecture urbaine crée par la communauté qui celle-ci est riche en culture. La théorie proposée par Hassan Fathy renvoie à l’architecture vernaculaire, puisque faire un abri pour une famille à faible revenu, incite à construire sans artifices, simplement, à se focaliser sur les réels besoins du client. Afin de pousser cette réflexion sur l’architecture vernaculaire, cette façon de construire simplement sans artifices, et les réels besoins des clients, j’ai décidé d’aller chercher plus loins que des exemples tirés de livres, de l’ordinateur et des dires d’architectes, je suis allée chercher le contact humain. 36
R e n o u e r a v e c l a c u l t u r e : le monde de demain
Photo du bidonville de Mumbai en Inde Radio-canada.ca
J’ai tout d’abord demandé à plusieurs personnes d’âge, et de profession différentes, de me dessiner une maison, car leur regard à l’égard de la maison pourrait être d’une valeur objective, primitive.
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Profession : retraité de l’armée, économat des armés Age : 54 ans Origine : Réunion
Profession : étudiant en architecture Age : 20 ans Origine : Sud de la France 38
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Profession : auxiliaire de vie Age : 48 ans Origine : Sud de la France
Profession : retraité de l’armée, gérant de lavomatique Age : 63 ans Origine : Egypte 39
R e n o u e r a v e c l a c u l t u r e : le monde de demain Cette expérience m’a permise de constater que les dessins différaient en fonction de la culture de la personne, de son expérience de vie, de sa façon de voir le monde(…). Un étudiant en architecture, étonnement représente la maison simplement avec un toit en pente et d’une manière plane, sans environnement alors que sa vision de la maison devrait être beaucoup développée, plus recherchée, ici la maison s’apparente au dessin d’un enfant. Les personnes plus âgées ancrent la maison dans un environnement qui lui donne un contexte, la maison devient un objet posé quelque part, avec une vie autour, on distingue comment on y entre, et même comment on gare sa voiture. On y retrouve toujours les éléments murs, fenêtres et toit. On constate par ailleurs que c’est le toit qui diffère le plus dans les dessins. On voit cette différence surtout entre le dessin de mon oncle égyptien et celui de l’étudiant français. C’est ici que le toit vient alors marquer la culture d’un pays. Puis je me suis alors demandé comment certaines personnes voyaient le toit, quelle place lui accordaient-ils? Quels souvenirs en avaient-ils? Et ce qu’ils pensaient de la mondialisation? J’ai alors questionné plusieurs personnes afin d’avoir un regard extérieur.
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R e n o u e r a v e c l a c u l t u r e : le monde de demain
Un regard extérieur
“Pour moi le toit est la protection de la maison, donc indispensable.
Je pense qu’aujourd’hui le toit doit s’adapter à l’environnement, par exemple dans le sud de la France, je vois mal un toit en ardoise sur une belle bastide. Celui que je préfère est en tuile caractéristique des bastides du sud. La mondialisation pour moi influence grandement les styles de vie (…)’’ Victoria, 20 ans, école de commerce
‘‘Le toit est l’un des éléments les plus important dans un bâtiment
avec les murs. Les différentes formes appartiennent à des régions en particulier (ex, Bretagne = ardoise). La mondialisation a ses coté positifs en découvrant de nouvelles cultures, de nouvelles façons de vivre, les échanges internationaux, mais tout cela peut aussi avoir un coté négatif(…)’’ Fabio, 18 ans, réserviste à la légion
‘‘C’est un moyen de protéger les habitations ou autres des intempé-
ries. Il m’évoque deux souvenirs “mince on a coincé le ballon sur le toit” et la beauté parfois vu en hauteur de certains villages. Les différentes formes peuvent être un moyen de les rendre plus pratique ou plus jolis (…) ils montrent généralement la culture du pays. La mondialisation, d’un coté c’est bien parce que ça nous permet de pouvoir avoir tout réuni dans un seul pays, mais d’un autre coté je trouve que ça casse un peu la culture de base (…)’’ Laura, 19 ans, étude en diététique 41
R e n o u e r a v e c l a c u l t u r e : le monde de demain
‘‘Pour moi les toits c’est la liberté, j’assimile le toit à la sécurité, par
rapport à l’expression “avoir un toit au dessus de sa tête” je trouve que tout prend son importance quand tu réalises que tout le monde n’a pas cette chance d’en avoir un qui te protège et t’abrite. Je trouve que la mondialisation fait perdre le charme des techniques de construction locales comme les toits en lauze qu’on voit ici dans la région. Le savoir faire se perd, tout devient pareil, on fait des toits plats et moches (genre béton), parce qu’au niveau économique c’est certainement plus pratique pour construire vite et en masse. Cela correspond à la demande qui ne cesse d’augmenter du fait de la croissance démographique.’’ Emma, 20 ans, étudiante en droit
‘‘Le toit est selon certaines expression synonyme de logement “ avoir
un toit sur la tête” “chercher un toit”. Le toit me rappelle des périodes de ma vie, mon enfance en normandie avec les toits de chaume (cultivé en normandie), les toits décorés de lambrequins pendant mes vacances à la réunion, les toits en tôle avec d’immenses paraboles pendant mes 3 années passée à Mayotte. Le toit est le reflet d’une région, d’une société, d’un niveau de vie. Il prend une place protectrice face au danger de l’extérieur et également de miroir, de reflet de l’identité face à l’extérieur. La mondialisation est pour moi négative car l’uniformisation fait perdre l’identité, des individus, d’un pays’’ Isabelle, 48 ans, auxiliaire de vie
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‘‘Il m’évoque des moments positifs, à la fois mon enfance car ma chambre est située sous le toit dont sa charpente est apparente, mais aussi des voyages à travers lesquels j’ai pu admirer de magnifiques vues sur l’ensemble des villes. Ou encore des soirées sur les rooftops marseillais. (...) on l’efface par exemple avec les grattes ciels ou encore les nouvelles villas, on cherche à cacher le toit en quelque sorte au profits des façades.(...)c’est l’élément qui caractérise l’image du foyer, de la maison, à en voir les dessins que font les enfants d’une maison. Je pense qu’aujourd’hui tout s’uniformise. Cependant à l’échelle d’une ville je pense que le toit plat est une bonne solution pour acquérir de l’espace public ou des jardins privé alors que les toits en pente sont plus adapté à la campagne où l’espace public ou jardin possède un large espace au sol. La mondialisation ouvre la possibilité sur beaucoup de choses, on ne reste pas fermé sur notre pays cependant il y a une part de normalisation, d’uniformisation et de robotisation qui est déplaisante, l’originalité en devient un défaut et beaucoup de cultures se perdent.’’ Fiona, 20 ans, étudiante en architecture
‘‘Il est essentiel au développement de l’humain car sans lui, il ne peut y avoir de stabilité et d’équilibre dans le foyer. Il constitue le dernier
élément de construction d’une maison et c’est celui qui nous abrite le mieux des éléments extérieurs (pluie neige tempête). Le toit est pour moi synonyme de réussite, d’aboutissement d’une vie, d’un projet de construction d’une famille. Il est essentiel d’avoir un toit pour fonder une famille.’’
Guillaume, 20 ans, école d’ingénieur
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‘‘Je considère le toit comme une protection extérieur, mais également un des piliers de l’isolation’’ Clément, 21 ans, expertise en bâtiment
Cette vision extérieure a permise de faire émerger beaucoup d’idée, d’appuyer certains points qui traitent l’architecture vis à vis de la mondialisation, de voir la pensée des gens qui est finalement pas si différente d’une personne à une autre, mais surtout de voir à quel point le sujet de la maison et du toit reste vaste est flou. En plus de toutes les significations qu’il renvoie ou les usages qu’il propose, le toit reste pour la majorité des personnes, un élément de protection. Il prendra une valeur différentes en fonction du vécu de la personne, de sa culture, du lieu (...), l’architecte en construisant le toit va alors lui aussi prendre part a sa pensée et dessiner le toit d’une manière différente, sans vraiment se soucier de la culture du pays déjà existante, car il sera influencé par sa propre façon de voir les choses.
Au yeux des gens, conserver une culture à travers les bâtiments, serait de conserver entre autre le matériaux local déjà utilisé pour la plupart des maisons, éviter les constructions de barres en béton au milieux de vieilles batisses. Il serait alors envisageable pour le futur, de savoir combiner prouesses technologiques et materiaux locaux, en y ajoutant le temps, qui permettra au fur et à mesure de créer une histoire pour en raconter une plus tard. Il s’agirai aussi de produire une culture adéquate au monde qui nous entoure, actuel, et qui pourrai resister à l’avenir.
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Beaucoup de thèses, de livres, de documents, d’articles, de reportages ont été créer pour confronter l’architecture, la mondialisation et la culture. Ce sujet d’étude en constitue un de plus. Je pourrai continuer à vous parler de ce vaste sujet, à rechercher encore et encore des exemples, à débattre sur la mondialisation, à explorer les différentes cultures et la significations de leurs toits, étudier l’évolution de la ville qui entraine les pertes de traditions, l’évolution sociale qui entraine le changement des cultures (…), mais on s’aperçoit qu’au final, le seul outil qui répondra à toutes ses question est le temps. Car c’est lui qui fait évoluer, les pensées, les vies, (…) au travers de la mondialisation. La culture se perd peu à peu pour laisser place à de nouvelles formes qui peut être se perdrons elle aussi par la suite, mais leur évolution constitue l’évolution de notre monde. Le toit, lui, qui essaie de rester le reflet de la culture, évolue d’une manière uniforme dans les pays touchés par la mondialisation, en effet, il est considéré important pour le futur de la ville moderne, les constructions qui vont alors émerger vont privilégier le fait de pouvoir construire en hauteur, plutôt que de refléter la culture d’un pays. Et c’est ainsi que la culture se perd au profit d’un monde nouveau.
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‘‘
Ce sujet d’étude m’a fait prendre conscience que l’architecte ne
doit pas seulement construire en fonction d’une demande, d’un besoin (...), mais aussi en fonction du monde qui l’entoure, des évènements marquants un pays, une ville, une nation... En tant qu’architecte de demain, il est, je pense, essentiel de prendre en compte les cultures propres à chaques lieux, afin de pouvoir permettre à l’avenir, de ne pas se noyer
’’
dans une ville de béton sans âme.
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B i b l i o g r a p h i e -Textes - Mashall McLuhan, 1968, War and peace in the global village, Gingko presse, 192 - Theodore Levitt, 1983, The globalization of markets, Division of research Harvard Business School, 29 - Robert Reich, 1993, L’économie mondialisée, Dunod, Dunod Masson Ho, 336 - Rem Koolhaas, 1994, La ville générique, traduit par Catherine Colet, 19 - Rem Koolhaas, Bruce Mau, 1997, S,M,L,XL, The monacelli press, THE MONACELLI P 1376
-Mémoire - Yann Barnet, 2002 2003, Bidonvilles et architectes, mémoire, P.G.Gerosa, Ecole d’architecture de Strasbourg, 25
-Articles - Isac Chiva, Françoise Dubost, 1990, L’architecture sans architecte : une esthétique involontaire?, Architecture rurale : question d’esthétique, pp. 9-38 - Brice Gruet, Au regard du sacré : lectures croisées de la médina de Fès, Itinéraire, 2012 2013, 153-167
-Travaux - Elodie Larousse et Marc Midavaine, 2007-2008, Rem Koolhaas la ville générique, théorie d’architecture : travaux dirigé.
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-Web - Riad JMYA, site de location de riad à Marrakech, Le patrimoine architectural marocain et la réhabilitation d’un riad traditionel, riad-jmya.com - Architecture marocaine, site sur l’architecture marocaine, archectmaroc.wordpress.com - Sami Sahli, 2013, Maison chinoise, 17 pages, https://fr.slideshare.net/Saamysaami/maison-chinoise - Maison traditionnelle chinoise : Siheyuan, https://maison-maison.com/maison-traditionnelle-chinoise/
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‘‘L'architecture ne sera plus l'art social, l'art collectif, l'art dominant. Le grand poème, le grand édifice, la grande Ïuvre de l'humanité ne
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se bâtira plus, elle s'imprimera
Victor Hugo
Hélène Esparon Yannick Hoffert R a p p o r t d’ é t u d e - S e m e s t r e 6 - 2 0 1 8