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4.3. Economie

Le canton de Vaud, avec ses territoires limitrophes, constitue l’une des régions économiques les plus globalisées au monde. Son dynamisme se manifeste, en comparaison internationale, par une production annuelle de richesse élevée, une création de nouveaux emplois soutenue et une bonne résistance en cas de crise économique. Ce dynamisme est tel qu’il n’appelle pas de grands changements en soi. Toutefois, il ne tient pas du miracle et repose sur une alchimie à cultiver.

4.3.1. Contrecoups économiques de la pandémie du Covid-19 et crises conjoncturelles à venir Si la crise sanitaire n’est pas finie à ce jour, il est certain que de nombreuses activités économiques ont souffert et souffrent encore de ses répercussions économiques. C’est le cas notamment pour la restauration, l’évènementiel de loisirs, culturel ou sportif et l’hôtellerie. A ce jour, un grand nombre d’indépendant·e·s ainsi que d’entreprises ou d’organisations ont vu leurs réserves fondre ou leurs dettes augmenter. Cela risque de se traduire, à terme, par une perte de dynamisme, faute d’investissements pour se développer ou pour rester concurrentiel, surtout dans un contexte économique marqué par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cela pourrait également conduire à des faillites, en particulier pour les activités faisant face à une demande qui resterait durablement inférieure à l’offre. Ainsi, lorsque la pandémie sera passée, un enjeu pour les collectivités publiques vaudoises sera de déterminer si elles souhaitent (ou non) soutenir les activités dont la convalescence pourrait prendre plusieurs années. D’ici là, les autorités resteront confrontées à l’enjeu du soutien à l’économie au gré de l’évolution de la pandémie et de ses contrecoups économiques. A plus long terme, l’économie vaudoise vivra d’autres périodes de mauvaise conjoncture. D’ailleurs, de nombreux économistes alertent sur le niveau actuellement très élevé de la dette globale (publique et privée) et des risques d’inflation incontrôlée (suite aux injections massives de liquidité pour stimuler le système financier) dans le monde, qui pourraient, à terme, aboutir à une crise économique majeure (FMI, 2022). Ainsi, les collectivités publiques du pays pourraient à nouveau être appelées à intervenir, en mobilisant des moyens importants pour soutenir l’économie comme elles l’ont fait lors de la crise financière mondiale en 2008 et le font depuis le début de la pandémie. Dans un tel contexte, disposer d’une marge de manœuvre afin de pouvoir intervenir à l’avenir constitue un enjeu pour les collectivités et institutions publiques helvétiques. Dans un avenir proche, cette question ne constitue pas un enjeu pressant, ni pour le canton de Vaud, ni pour la Suisse, puisque le niveau d’endettement y est resté particulièrement bas en comparaison internationale. Toutefois, le besoin de préserver une marge d’intervention pourrait s’intensifier, si des crises sévères se multiplient.

4.3.2. Conditions-cadres dont accès aux marchés et à la main-d’œuvre étrangère La Suisse et le canton de Vaud suivent une politique économique d’essence plutôt libérale: il y est, par exemple, laissé une place importante aux conventions collectives passées entre syndicats et patronat pour réglementer le droit du travail. Les collectivités publiques jouent toutefois un rôle central, puisqu’elles fixent et réglementent le cadre de la sphère marchande. Elles interviennent aussi directement dans la vie économique via les prestations qu’elles délivrent ou les subventions qu’elles octroient. En comparaison internationale, l’intervention des collectivités publiques apparaît comme modérée, le secteur public présentant des dépenses, des recettes et des dettes plutôt basses par rapport au PIB (OCDE, 2021). Dans ce contexte, les autorités publiques s’attachent à assurer des «conditions-cadres» favorables, permettant au secteur privé de se développer. Cette notion est assez vaste et s’étend de la stabilité et la prévisibilité des affaires à une fiscalité concurrentielle, en passant par la mise à disposition d’infrastructures de mobilité et de communication performantes. Parmi les facteurs relevant des conditions-cadres, deux questions sont particulièrement discutées actuellement, à savoir l’accès au marché de l’Union européenne (UE) et l’accès à la main-d’œuvre étrangère: - La question européenne est importante pour le développement de l’économie suisse, puisqu’elle gagne près d’un franc sur deux via ses exportations de biens et services, majoritairement vers l’Europe (plus de deux tiers). En plus d’être son principal débouché, l’accès au marché européen permet aux entreprises du pays d’atteindre les volumes suffisants pour produire des biens et services concurrentiels, le marché helvétique étant trop petit.

Cette situation est porteuse de deux enjeux pour la prospérité de l’économie du pays, et donc vaudoise. D’une part, il s’agit de préserver l’accès au marché européen, dont la proximité géographique et culturelle en fait un partenaire incontournable. D’autre part, il s’agit de cultiver les relations directes avec les autres régions du monde, afin de diversifier les débouchés, réduire la dépendance à l’Europe et bénéficier de dynamiques économiques plus soutenues. Les autorités vaudoises y concourent en faisant valoir leur voix à l’échelle nationale, par des missions de promotion économique ou par des informations diffusées auprès des entreprises et du public. - Depuis des années et hors des périodes de crises économiques aiguës, les entreprises du pays signalent que la pénurie de maind’œuvre constitue le principal obstacle au développement de leurs activités. A l’avenir, cette question sera d’autant plus vive que la population active vaudoise diminuerait sans un apport migratoire ou frontalier. Ce besoin de main-d’œuvre étrangère devrait même être vif dans les domaines informatiques et de santé, deux branches qui présentent déjà des signes de pénurie de personnel. Si la politique migratoire relève du débat national, les autorités vaudoises ne sont pas démunies de marge de manœuvre. Déjà aujourd’hui, elles accompagnent les entreprises dans les démarches administratives découlant du recrutement de personnes étrangères ou font valoir les besoins de l’économie vaudoise auprès de la Confédération. Par ailleurs, elles exercent aussi une influence plus indirecte via leurs politiques, dont celles fiscales ou du logement.

4.3.3. Innovation technologique Pour l’économie suisse et vaudoise, qui sont axées sur l’exportation de produits et services à haute valeur ajoutée, l’innovation est primordiale pour rester compétitive puisque les coûts de production dans le pays sont élevés et les matières premières rares. Actuellement, la Suisse figure parmi les pays les plus innovants et compétitif au monde (IMD, 2021), en particulier grâce à son système de formation et de recherche dense et de qualité, ainsi qu’à sa capacité de recruter une main-d’œuvre pointue à l’étranger.

A ce jour toutefois, la dynamique de la recherche scientifique du pays risque d’être ralentie, car la Suisse n’est plus directement associée au programme de recherche de l’UE, suite à l’abandon de l’accord-cadre en 2021. Or, ce programme, le plus doté au monde (95 milliards d’euros entre 2021 et 2027) était jusque-là la principale source publique de financement de la recherche et de l’innovation des entreprises suisses. Conscients de l’apport essentiel de ce financement, le Conseil fédéral et le Parlement négocient avec l’Europe pour réactiver ce partenariat. A l’échelle cantonale, les autorités agissent en allouant notamment des moyens financiers à la formation, la recherche ou à l’encouragement de l’innovation. Cette action concerne aussi bien la création de start-ups que les start-ups qui passent dans une phase de scaleup (lorsque le principal défi n’est plus de rechercher un modèle d’affaires, mais de croître).

4.3.4. Mutations économiques de long terme Depuis les années 2010, l’appui au développement économique de l’Etat de Vaud cible les branches des sciences de la vie et de la santé, des technologies de l’informatique et du numérique, de l’industrie de précision, de l’industrie agroalimentaire et de la nutrition, de l’énergie et l’environnement ainsi que du sport. Par ailleurs, le canton dispose de fonds de soutien aux Alpes vaudoises, à l’innovation et à l’économie durable. A ce jour, la liste des secteurs ciblés n’appelle pas de mise à jour fondamentale, car elle tient compte de l’ensemble des tendances qui devraient durablement influencer la vie économique vaudoise (développement du numérique, réchauffement climatique, etc.). Par exemple, les sciences de la vie et de la santé seront portées par l’intérêt des individus pour leur bienêtre et par le vieillissement démographique qui se dessine à l’échelle planétaire. En plus de stimuler des activités spécifiques porteuses de croissance, la transition vers un système économique circulaire constitue un enjeu croissant pour nos sociétés. Le but est de passer d’un modèle qui consiste principalement à extraire, produire, consommer et jeter à un système d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des biens et services, vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources. Ce faisant, la Suisse, et par extension le canton de Vaud, pourraient gagner un avantage comparatif de long terme dans un contexte de rivalité grandissante pour l’usage des ressources naturelles et de lutte contre les dérèglements climatiques (Stucki & Wörter, 2021). Selon une enquête de ces auteurs, seules 10% des entreprises suisses réalisent une part importante de leur chiffre d’affaires dans une logique circulaire en Suisse. Ces résultats font ressortir trois leviers permettant de favoriser cette transition économique 1) une sensibilisation des entreprises sur le concept d’économie circulaire, 2) un appui financier pendant la période de transition et 3) un partage des savoir-faire. A cheval entre les deux premiers points, les collectivités publiques peuvent par exemple favoriser les démarches d’écologie industrielle, qui consistent à rassembler des activités complémentaires afin que les rejets de matières ou d’énergie puissent être utilisés par d’autres entreprises. Une telle démarche serait possible en appuyant, dans les zones industrielles existantes, des inventaires des flux et des relations partenariales.

4.3.5. Diversité du tissu économique et développement régional équilibré L’économie vaudoise peut être qualifiée d’équilibrée puisque sa structure n’est pas dominée par une ou deux branches particulières, contrairement à d’autres pays ou mêmes cantons. De même, si elle comprend des entreprises d’envergure mondiale et/ou leader sur leur marché, les grandes entreprises (plus de 200 emplois) ne regroupent que 18% des emplois du canton. Un tel équilibre a pour avantage d’éviter d’être frappé de plein fouet en cas d’effondrement d’un secteur dominant à la suite d’une crise (le tourisme, l’hôtellerie et la restauration depuis deux ans) ou de changements structurels importants (p. ex. la sidérurgie en Europe depuis la mondialisation). Cependant, un tissu diversifié est exposé à l’ensemble des difficultés sectorielles. Dans la mesure où le soutien financier du canton peut avoir pour effet à terme de préserver l’équilibre de son tissu économique ou au contraire de le concentrer selon les branches visées, la question de l’équilibre recherché constitue de fait un enjeu de cette politique publique. Enfin, un des objectifs de la politique économique cantonale est d’assurer un développement équilibré de ses régions économiques. Cet objectif est notamment motivé par la volonté de favoriser la cohésion cantonale et de réduire les déplacements pendulaires. Si l’avènement du télétravail semble plutôt devoir contribuer à l’équilibre du développement économique entre les régions vaudoises, cette question devrait rester un enjeu, car plusieurs évolutions sont porteuses de risques de déséquilibre. En particulier, les régions de montagnes, de moyenne et basse altitude ne pourront prochainement plus tabler sur les «sports d’hiver» à cause des effets du réchauffement climatique. Ces régions bénéficieront peut-être en revanche de l’engouement pour les vacances de proximité développé durant ces dernières années. De même, les activités agricoles et viticoles vont devoir adapter leurs cultures et pratiques aux changements climatiques, ainsi qu’aux nouvelles habitudes alimentaires (consommation bio et moins carnée). Le canton, par ses soutiens financiers, pourra décider d’accompagner, plus ou moins fortement, ces régions face aux changements de long terme qui se dessinent.

DIFFÉRENTS POINTS DE TENSION

• Faut-il miser sur un rapprochement avec l’Union européenne ou faut-il développer davantage les échanges avec d’autres régions du monde? • Les collectivités publiques devraient-elles intervenir davantage pour réussir les transitions numériques et écologiques au risque de soutenir des activités économiquement peu viables ou des régions moins dynamiques? • L’accès à la main-d’œuvre étrangère permet le développement économique et alimente la croissance démographique. Peut-elle conduire à un repli identitaire d’une partie de la population?

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