Vers une architecture des Tiers-Lieux ?

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Étienne Kirsch / M2/ ENSAPVS

Vers une architecture des tiers-lieux ?_ Nouvelles pratiques pour nouvelles formes d’espaces collectifs

Février 2018 DE5 : Territoires de l’Architecture Mémoire de master réalisé sous la direction de Caroline Rozenholc


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«It is a room that a person can only enter when they have real need of it. Sometimes it is there, and sometimes it is not, but when it appears, it is always equipped for the seeker’s needs.» Harry Potter and the Chamber of Secrets, J.K Rowling

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Remerciements_

Merci, ou plutôt «Dank u wel» à madame Lara Schrijver, pour m’avoir lancé sur la piste des tiers-lieux. La sérendipité a du bon. Merci à madame Caroline Rozenholc pour avoir dirigé ce mémoire et mis un peu d’ordre dans mes raisonnements. Merci à Françoise Noyon, ma mère, pour avoir relu et corrigé les textes. Merci aux personnels de tous les établissements m’ayant accueilli pour mieux les étudier. Merci aux camarades du Calbo pour le soutien moral et l’échange d’informations scientifiques et administratives. Merci à Frédéric Borel, même si beaucoup de choses sont à revoir dans l’école on a au moins de supers tiers-lieux étudiants.

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Introduction_

Ce travail sur les tiers-lieux trouve son origine dans un cours

de recherche à l’université d’Anvers qui avait pour objet les espaces communs. Dans le cadre de ce cours, j’ai exploré les parentés entre lieux de création artistiques communautaires, du squat aux ateliers institutionnalisés, ainsi que les nouveaux lieux de travail connus sous le nom d’espaces de coworking. De manière involontaire j’explorais le domaine des tiers-lieux. Ne me rendant compte du chemin parcouru vers ce concept qu’à la fin de ce semestre anversois, j’ai décidé de poursuivre le travail commencé dans le mémoire que vous vous apprêtez à lire. Or, ce que j’avais appréhendé alors ressortait essentiellement du domaine sociologique. Étant attiré par la dimension urbanistique du sujet, je me suis lancé dans une recherche des écrits déjà existants pour finalement trouver qu’un mémoire traitant des tiers-lieux dans leur dimension urbaine a déjà été écrit par un étudiant de l’ENSAMLV1. Par quel angle aborder le thème proposé ? Recouvrant tout une gamme de lieux allant de l’espace de coworking au FabLab, les tiers-lieux ont fait et font l’objet de très nombreuses études sociologiques et géographiques depuis la fin des années 1980. Les recherches d’Oldenburg, Soja ou Babbha en témoignent. Bien que de plus de plus compris et manié par la société civile et les institutions, le terme restent cependant sujet à méconnaissance ou mauvaise interprétation de la part de certains architectes établis ou en formation. Cela est souvent dû à un manque d’informations en lien avec le domaine de l’architecture sur le sujet. Il est apparu, par exemple, qu’au cours d’une discussion avec mes camarades étudiants que le concept de tiers-lieu était interprété à l’aune de celle de Tiers-Paysage chère à Gilles Clément, rendant ainsi une image de lieu délaissé par l’humain. Les différentes interprétations du concept de tiers-lieu sortant de ces discussions avec un public pourtant averti amènent à plusieurs interroger plusieurs enjeux : non seulement l’identification de celui-ci en typologie architecturale mais aussi, par la configuration sociale qui est visé dans le tiers-lieu, la conception du lieu collectif en architecture. Il est donc question de définir le tiers-lieu en termes architecturaux, c’est-à-dire en bâtir une typologie architecturale afin d’en identifier les caractères et pouvoir par la suite le recréer.

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1 :DE ROBILLARD P. (2015) Mutualisons Babel ! Les tiers-lieux de travail, mythes et réalité dans le Grand-Paris. ENSAMLV


D’autant plus qu’il est possible de trouver des tiers-lieux à proximité de l’ENSAPVS tels que le FabLab se trouvant sur le campus des Grands Moulins Paris-Diderot ou le coworking ESS’Pace juste derrière l’école, il devient pressant en tant qu’étudiant et local de se familiariser avec ce type de lieu amené à se développer et évoluer. L’accomplissement de cet objectif dans le mémoire se fera en plusieurs étapes. Il conviendra dans un premier temps de s’attacher à une analyse théorique des notions et enjeux présentés. Le tiers-lieu étant avant tout une concept socio-géographique, il apparaît d’abord utile de procéder à une analyse philologique afin de clairement cerner le concept employé pour définir l’espace étudié. La construction lexicale du terme, qui comme précédemment évoqué peut être source de mauvaise interprétation, sera d’abord analysée afin d’en saisir les caractéristiques et enjeux. Ceux-ci seront nécessaires afin de mieux comprendre par la suite l’évolution du terme, qui sera étudiée au regard des recherches sociologiques et géographiques. Ces investigations et l’aide de concepts sociologiques et géographiques adjuvants permettront la formulation d’une

définition théorique synthétique.

Dans un second temps sera menée une étude de cas afin de caractériser architecturalement le tiers-lieu. La définition théorique déduite en première partie de mémoire sera utilisée pour construire une méthodologie d’analyse appliqués sur les lieux choisis pour leur nature affichée de tiers-lieu : FabLab et espaces de coworking. La grille d’analyse s’intéressera non seulement aux caractéristiques spatiales : unité, fragmentation...etc, mais aussi à l’ambiance créée par le lieu afin d’étudier le lien avec les valeurs qu’il porte vues en première partie. L’étude de cas qui s’en suit comportera donc non seulement des retours de terrain écrits mais aussi graphiques sous forme de plans et de photographies afin de saisir le plus de caractéristiques possibles. Les résultats de ces études seront enfin regroupés et croisés afin de synthétiser une définitio

n architecturale du tiers-lieu.

Le dernier temps du mémoire sera consacré aux enjeux amenés par la définition architecturale précédemment établie. Bien que se rattachant à une définition précise et une identité affichée, est-il possible de retrouver des du tiers-lieu dans d’autres types lieux présentant des caractéristiques similaires ? Pour répondre à cette question, sera effectuée une analyse utilisant la même méthodologie établie en première partie et aura pour objet un lieu familier des étudiants de l’ENSAPVS : l’atelier.

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Sommaire_

Introduction - p.6 I : Parlez-vous tiers-lieu ? - p.10 Enquête philologique De la place publique au tiers-lieu : petit historique du collectif en ville Formulation d’une définition théorique

II : Quelle typologie architecturale ?_ p.34 Élaboration d’une méthode d’analyse Études de cas Formulation d’une typologie architecturale

III : Tiers-lieux cachés ?_ p.64 Comparaison avec les ateliers de l’ENSAPVS

Conclusion_ p.72

Bibliographie_ p.74 Annexes_ p.78

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I : Parlez-vous tiers-lieu ?_ Enquête philologique_

Comme évoqué en introduction, le terme tiers-lieu peut porter

à confusion. En effet, selon la personne qui fait sa connaissance, l’utilisation des deux mots polysémiques tiers et lieu dans sa construction peut le rendre sujet à plusieurs interprétations. Il convient donc d’enquêter sur leurs propriétés lexicales en partant d’abord de définitions sociologiques disponibles pour mieux cerner et comprendre l’impact des mots utilisés et les enjeux de leur combinaison. L’enquête philologique ainsi menée s’inspire et s’appuie en grande partie sur celle menée par Antoine Burret dans sa thèse Étude de la configuration en Tiers-Lieu : la repolitisation par le service.2 mais se démarquera aussi de celle-ci par des apports historiographiques.

3 : OLDENBURG, R. (2005). The great good place: cafés, coffee shops, bookstores, bars, hair salons, and other hangouts at the heart of a community. Philadelphia, Da Capo Press. 4 : CUILLERAI M., Le Tiersespace : une pensée de l’émancipation ? , Acta fabula, vol. 11, n° 1, Autour de l’oeuvre d’Homi K. Bhabha

6 : SOJA, E. W. (2014). Thirdspace: journeys to Los Angeles and other real-andimagined places. Malden, Blackwell.

Tiers-lieu est une traduction directe de Thirdplace; concept développé par le sociologue américain Ray Oldenburg3 pour désigner le lieu autre que le domicile, premier lieu, et le travail, deuxième lieu. Sa traduction littérale peut aussi s’écrire troisième lieu

mais,

sous l’influence d’une certaine forme d’un particularisme lexical francophone, la forme la plus utilisée est restée tiers-lieu . Celui-ci désigne à un environnement où s’effectuent des rencontres informelles, des échanges et où se forme une certaine sociabilité de proximité autre que familiale ou professionnelle. Oldenburg prend pour exemple les cafés et les pubs, espaces sociaux faisant le lien entre les quartiers mono-fonctionnels typiques des villes américaines7. Le Thirdplace est intimement lié à la théorie socio-linguistique du Thirdspace. Le chercheur en littérature et spécialiste en études postcoloniales Homi K. Bhabha parle dans son livre Les Lieux de la Culture4de celui-ci comme un espace d’interaction créé lorsque deux cultures ou plus sont confrontées l’une à l’autre, espace «[...]dans lequel les différences culturelles s’articulent et produisent les constructions imaginées de l’identité nationale et culturelle.»5 Les cultures seraient en constante évolution quand elles interagissent entre elles.

Ce concept présente

certains liens de parentés au Thirdspace développé par le géographe l’addition au

Firstspace, l’espace

physique et pratiqué, et au Secondspace, l’espace des représentations

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Universite de Lyon, .

5 : Ibid.

Tiers ou troisième ?

Edward W. Soja6. Il provient de

2 : BURRET A. (2017) Etude de la conguration en Tiers-Lieu : la repolitisation par le service. Sociologie.


7 : WINNICOTT, D. W. (2015). Jeu et réalité: l’espace potentiel. Paris, Gallimard.

liées aux héritages historiques et culturels, il en résulte un Thirdspace

8 : Définition du mot «troisième» : http://www. larousse.fr/dictionnaires/ francais/troisième/ 79884

ainsi la subjectivité propre pour arriver à une nouvelle forme d’objectivité

9 : Définition du mot «tiers» : http://www.larousse.fr/ dictionnaires/francais/ tiers/78041 10 : SIMMEL, G. (1980). The metropolis and mental life. Urban Place and Process. 19-30.

où l’individu se projette toujours dans la position de l’autre, dépassant et un renouveau perpétuel de la perception spatiale. Cette vision du Thirdspace se fait plus universelle que celle de Babbha. Un concept similaire est avancé en matière psychanalytique par Donald Winnicott7 avec l’espace potentiel, aussi connu sous les noms d’aire transitionnelle ou troisième aire. Là où la première aire correspond à la psyché intérieure de l’enfant et la deuxième aire à ce qu’il exprime, la troisième aire serait un espace de création collective créé lorsque deux enfants ou plus se mettent à jouer ensemble. Bien qu’il soit intéressant de remarquer que la traduction troisième plutôt que tiers et pousse à s’interroger sur le choix terminologique opéré pour traduire le mot anglais third pouvant autant signifier tiers que troisième; il reste crucial d’interroger la nature du préfixe utilisé.

Fig. 1 : Représentation graphique du tiers-espace : espace de représentation virtuel formé par l’interaction entre plusieurs individus.

Le mot troisième en tant qu’adjectif est défini par le Larousse comme «Qui occupe un rang marqué par le chiffre trois» ou «Qui occupe un rang marqué par le chiffre trois»8 . Pour le mot tiers, les définitions données par le dictionnaire Larousse sont de deux natures différentes : «Chaque partie d’un tout divisé en trois parties égales» et «Personne étrangère au groupe considéré»9. Ces définitions indiquent d’emblée une double signification de ce mot, le plaçant à la fois à l’intérieur d’un tout mais aussi à l’extérieur. Cependant, bien que différentes elles n’entrent pas forcément en conflit et ne crééent donc pas de dichotomie mais plutôt une certaine ambiguïté. Cette double nature est justifiée par Georg Simmel10 en définissant le tiers comme la propriété d’une troisième entité interférant dans un groupe déjà formé par deux entités différentes. Au final, le mot tiers est plus souvent retenu dans les traductions car sous-entendant plus facilement une relation trialectique lorsque troisième peut sous-entendre une série d’entités plus nombreuses. On retrouve les propriétés du tiers dans de multiples exemples

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historiques. Parmi les situations où le mot est utilisé en tant qu’additif lexical figurent le Tiers-État sous l’Ancien Régime11. Désignant le pan de la société française ne faisant partie ni de la noblesse ni du clergé, ce terme renvoie au corps travailleur; le troisième ordre issu de la féodalité. Il est intéressant de noter que contrairement à la noblesse ou le clergé qui sont structurellement hiérarchisés (systèmes de titres) se rapportant à une autorité suprême, le Roi ou le Pape, et ce sur tout le royaume; le Tiers-État obéit des logiques internes plus conjoncturelles : par exemple le niveau de richesse; et beaucoup plus localisées et

11 : Définition du «Tiers-État» : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/tiers_%C3%A9tat/97286 12 : Définiton du «TiersMonde» : https://www.monde-diplomatique.fr/index/pays/tiersmonde 13 : CLÉMENT, G. (2016). Manifeste du Tiers paysage. Saint Germain sur Ille, Editions du commun.

de marchands propres à chaque ville. La logique du tiers ambigu peut

14 : BURRET A. (2017) Etude de la conguration en Tiers-Lieu : la repolitisation par le service. Sociologie. Universite de Lyon . p.29

s’appliquer à des dimensions planétaires, c’est le cas avec l’invention

15 : Ibid. p.38

diverses : c’est le cas des communautés de métiers ou corporations

de notion de Tiers-Monde

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en 1952 par Alfred Sauvy pour désigner

les pays en voie de développement et occupant majoritairement neutre dans le conflit politique majeur du XXème siècle à savoir la Guerre Froide. A noter cependant que cette neutralité est revendiquée par un groupe de nations lors de la conférence de Bandoung en 1955. Dans

ces

deux

exemples

le

tiers

intervient

comme

entité

propre cherchant à accomplir ses objectifs quitte à entrer en conflit avec les deux entités déjà présentes dans le groupe. Un

autre

exemple

plus

contemporain

vient

du

paysagiste

Gilles Clément qui formule ainsi le concept de Tiers-Paysage

:

« Le Tiers-Paysage –fragment indécidé du Jardin Planétaire- désigne la somme des espaces où l’homme abandonne l’évolution du paysage à la seule nature. »13 Le Tiers apparaît ici comme une entité délaissée et fonctionnant selon ses propres modalités sans l’action d’une entité extérieure bien qu’en ayant été créée par une. Le sociologue Antoine Burret fait lui la synthèse suivante du tiers : «Le tiers est médiateur, sa fonction est en quelque sorte de lier les individus malgré ou par leurs antagonismes. D’unifier un ensemble hétérogène dans un récit commun.»14 Sont donc observés ici trois aspects du tiers : son unité propre; sa vindication et sa capacité à unir. Néanmoins ces propriétés relèvent encore du concept social alors que l’usage du mot lieu implique une certaine situation dans l’espace; Antoine Burret justifie même «[...] le terme tiers-lieu implique un espace circonscrit. Le tiers-lieu est un tiers-espace situé.»15. La compréhension spatialisée du tiers devient nécessaire et Burret l’explique par des exemples littéraires de lieux tiers servant soit de lieu à la limite d’un monde, c’est le cas dans le corpus homérique; soit d’un lieu intermédiaire entre deux autres, comme dans les écrits de voyages; soit d’un lieu servant à la réunion de deux entités

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16 : Ibid. p.14 17. : Définition du mot «espace» : http://www. larousse.fr/dictionnaires/ francais/espace/31013

ou plus, c’est le cas des jardins dans la littérature romantique16.

Le lieu comme ancrage spatial

18 : Définition du mot «lieu» : http://www.larousse.fr/ dictionnaires/francais/lieu_ lieux/47076

Qu’en-est il du second composant, le lieu ?

19 : Ibid.p.30

géographie et il semble peu pertinent d’en restituer l’intégralité ici.

20 : DE LA SOUDIÈRE M., & BROCHOT A. (2010). Pourquoi le lieu ? in

Cependant, il est possible de partir des indices utilisés précédemment

Communications. PERSEE. p.11

La question du lieu constitue tout un pan de la recherche actuelle en

pour commencer à qualifier le lieu utilisé dans tiers-lieu . Quel est d’abord sa différence entre lui et l’espace, termes marquant précédemment la différence entre les multiples concepts avancés ? Parmi les différentes définitions d’espace proposées par le Larousse figure celle d’ «étendue, surface, région»

et celle, mathématique, d’

«ensemble des points dont la position est définie par trois coordonnées»17. La première définition figure une notion de limite assez vague tandis que les mathématiques obéissent à une localisation rigoureuse grâce des coordonnées x, y et z. Cependant la première définition de lieu donnée par le Larousse reprend aussi des caractéristiques de localisation : «Situation spatiale de quelque chose, de quelqu’un permettant de le localiser, de déterminer une direction, une trajectoire». La seconde, en revanche, le spécifie plus et amorce sa définition géographique : «Endroit, localité, édifice, local, etc., considérés du point de vue de leur affectation ou de ce qui s’y passe». Le lieu correspondrait ainsi à une portion d’espace porteuse d’événements. En l’occurrence, l’évocation par Burreta pour définir le lieu d’un « espace circonscrit » peut renvoyer directement à des notions employées par Aline Brochot et Martin de la Soudière pour définir le lieu20 : « espaces clairement circonscrits » relatifs à un évènement ou encore relatif à une notion de centralité où le lieu est un « territoire clôturé, circonscrit, comme découpé dans l’étendue : une enceinte monastique, par exemple, ou encore le jardin, le hortus latin, désignant étymologiquement un espace clos, une séparation donc. » . Le lieu fait donc sa propre unité spatiale grâce en séparant du reste de l’espace présent. Cette notion renvoie à la propriété d’unité du tiers précédemment explicitée. Bien que la circonscription de l’espace donne la propriété spatiale principale du lieu, elle est associée à une propriété renvoyant à la signification et l’usage; Oldenburg explique par exemple que le tierslieu correspond premièrement à un lieu d’échange social; une de ses

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fonctions. Brochot et de la Soudière propose que le sens du lieu puisse être lié à son histoire, le lieu pouvant ainsi se faire «commémoratif». Bernard Debarbieux pousse le concept plus loin en incluant le lieu dans un topologie sociale et symbolique, concept avancé par Phlippe Bonnin21; ainsi « sa signification s’inscrit dans un système d’équivalences et de dépendances impliquant d’autres lieux [...] »22. Cette propriété du lieu peut renvoyer à l’aspect précédemment dégagé

21 : BONNIN P. (2010) Pour une topologie sociale. Communications. PERSEE. 22 : DEBARBIEUX B. (1995). Le lieu, le territoire et trois figures de rhétorique. Espace Géographique. PERSEE. p.3 23 :Définition du mot «ambiance» : http://www. larousse.fr/dictionnaires/ francais/ambiance/2711 24 : BARTHE-DELOIZY, F., KAZIG, R., & MASSON, D. (2015). L’ambiance comme concept de la géographie culturelle francophone. Géographie Et Cultures. p.215-232.

Fig. 2 : Représentation graphique du concept de lieu en tant que portion d’espace délimitée

Fig. 3 : Représentation graphique de la caractérisation des lieux par leur mise en réseau.

du vindication du tiers. Enfin, le lieu bénéficie d’une caractéristique qualifiant subtilement l’espace qu’il contient : l’ambiance. Le Larousse définit l’ambiance des manières suivante : «Ensemble des caractères définissant le contexte dans lequel se trouve quelqu’un, un groupe ; climat, atmosphère / Contexte de gaieté, d’entrain ou de désordre / Constitution et propriétés du milieu dans lequel se déroule une opération ; ensemble des conditions thermométriques et hygrométriques d’un local.»23 Apparaissent ici plusieurs dimensions liées à la polysémie du terme. Damien Masson et Rainer Kazig les analysent à l’aune de ses acceptions francophones dans L’ambiance comme concept de la géographie culturelle francophone24. et dénotent que «Dans le monde francophone cette notion trouve surtout

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25 : Ibid. p.216

sa place au sein du champ de la recherche architecturale et urbaine»25.

26 : Ibid. p.218

Cette place est explicitée par «[...] l’approche de Jean-Paul Thibaud [qui]

27 : Ibid. p.219

consiste à comprendre l’ambiance à l’endroit de son potentiel d’articulation des usages et du corps et de l’espace vécu, qui se manifeste, pour lui, dans les quatre dimensions suivantes : son indivisibilité, son immédiateté, son omniprésence et sa diffusion (Thibaud, 2002). Ces dimensions insistent sur le caractère global, immanent et subjectif de l’ambiance, sur sa capacité à toucher le corps avant la conscience et à véhiculer de l’affect et du sens. On peut retenir de ces modalités de compréhension des ambiances une appréhension localiste et située de ces dernières.»26 Ils poursuivent en mettant l’ambiance à «l’interface de trois espaces - ou plans - de manifestation : sensibles, sociaux et construits (Amphoux, 1994)»a Le dégagement de ces premières propriétés permet la mise en place de la première pointe exploratoire sur des enjeux : à quoi correspond tiers-lieu aujourd’hui ? Quelle a été son évolution ? De quoi et qui est-il constitué ?

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De la place publique au tiers-lieu :

La formulation du de Ray Oldenburg comme lieu de sociabilité

entre mondes professionnel et domestique donne un large palette de lieux à explorer, mais pas forcément pertinents compte tenu de la vision contemporaine du tiers-lieu. Pour mieux cerner l’objet étudié il conviendra de procéder à une analyse historique, remonter chronologiquement l’évolution des lieux assimilables au Thirdplace depuis l’Antiquité pour mieux arriver aux tiers-lieux contemporains, du moins dans le monde occidental.

Aux origines : la place publique Le premier lieu venant à l’esprit en invoquant les qualités de tierslieu d’Oldenburg reste la place publique. Présente dans toutes les villes occidentales contemporaines, son présent statut tient beaucoup à son ancêtre de hellénique. L’agora présent dans la polis grecque peut être présenté comme un premier instigateur du tiers-lieu dans l’espace urbain. Cette place publique occupe un rôle prédominant dans l’organisation spatiale de la cité car autour d’elles s’organisent les principales institutions publiques et religieux; s’y déroulent aussi des évènements comme le Conseil de la ville. Vitruve décrit l’agora dans le Livre V de son traité De architectura de la façon suivante : «Les places publiques grecques sont carrées, et ont tout alentour de doubles et amples portiques dont les colonnes sont serrées les unes contres autres, et soutiennent des architraves de pierre ou de marbre avec des galeries de haut.»28 La description du dispositif architectural délimitant la place s’inscrit dans la continuité de la vision du lieu comme portion d’espace délimité vue précédemment. Ces extraits du traité de Vitruve sont contenus dans l’introduction de L’art de bâtir les villes - l’urbanisme selon ses fondements artistiques de Camillo Sitte, lequel les articulent immédiatement, et toujours par les écrits de Vitruve, avec sa variante italiote qu’est le forum latin. A noter que l’accès et l’usage de l’agora grecque est limité aux seuls citoyens, selon c’est-à- dire ayant le statut légal en vigueur (être mâle, âgé de dixhuit ans révolus, avoir fait son service militaire de deux ans, être libre et issu de parents eux-aussi citoyens29).

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28 : SITTE, C., CHOAY, F., & WIECZOREK, D. (1980). L’art de bâtir les villes: l’urbanisme selon ses fondements artistiques. [S.l.], L’Equerre. p.6 29 : https://fr.wikipedia.org/ wiki/Citoyenneté #Grèce_ antique ( 16/12/17)


La mise en place progressive de régimes aristocratiques puis monarchiques dans le monde occidental opéra un changement de lieu des prises de décisions publiques, passant d’un lieu physiquement ouvert, comme le forum ou l’agora, à fermé, comme c’est le cas de quasi tous les lieux de débat législatif dans nos société occidentales aujourd’hui.

Fig. 4 : Le Forum Civil de Pompéi tel que figuré dans L’art de bâtir les villes .(p.2)

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Transformations des places et de leurs valeurs Cependant, les fonctions de sociabilité peuvent se retrouver vers une variante de l’agora ou forum en place depuis l’Antiquité, à savoir la place du marché. Il est intéressant de remarquer que l’externalité du marché, à savoir la fonction de sociabilité, est généré à la fois par sa fonction : c’est un lieu d’échanges marchands; mais aussi sa situation centrale dans la ville30 la plaçant au cœur des flux de circulations. La conjugaison de ces deux facteurs permet l’accès à ce lieu à peu ou prou n’importe quel individu, quelque soit sa classe sociale, son sexe ou son âge. La modernisation des transports et plus particulièrement l’avènement des transports motorisés individuels ont peu à peu réduit l’espace, l’accès et en conséquence l’importance sociale des places dans la ville, Sitte s’en navrant déjà au début du XXème siècle : «Ainsi, la signification des places dégagées au centre des villes (forum ou place du marché) est devenue essentiellement différente. Aujourd’hui, ces places ne servent plus que rarement aux fêtes populaires, et la vie de tous les jours s’en éloigne davantage.» 31 . Cependant, sous l’impulsion de consultations publiques, les municipalités s’intéressent de plus à rendre aux places publiques leurs vertus sociales en remettant le piéton comme primo usager de celles-ci, un des exemples les plus célèbres étant le réaménagement de la Place de la République à Paris entre 2010 et 2013 par l’agence TVK.

Fig.5 : La place de la République à Paris après transformation. (Photo : Agence TVK)

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30 : SITTE, C., CHOAY, F., & WIECZOREK, D. (1980). L’art de bâtir les villes: l’urbanisme selon ses fondements artistiques. [S.l.], L’Equerre. p.12 31 : Ibid. p.4


32 : http://econoclaste.org.free. fr/econoclaste/?page_id=26 (19/12/17)

En regardant les places publiques comme lieu (en tant que concept),

33 : https://fr.wikipedia.org/ wiki/Caf%C3%A9_%28%C3%A9tablissement%29 (19/12/17)

historique, c’est le cas de la Bastille; ou culturelle : République et Nation

il apparaît que la place peut porter une signification particulière : font souvent office de points de départ ou d’arrivée et de rassemblement pour les manifestations parisiennes. Cependant, la place publique est essentiellement un support primaire de la vie urbain et a un statut de bien collectif : un «bien dont la production et la consommation ne peuvent être divisées entre individus ni faire l’objet d’appropriation individuelle (exemple une route).»a. Ces lieux n’offrent aucun service direct, juste de l’espace disponible à quiconque le respecte. Les services sont dispensés soit par les utilisateurs mêmes de la place ou dans lieux qui lui sont adjacents.

Les lieux de restauration comme espaces de socialisation Parmi ces lieux adjacents figurent, outre les commerces et autres institutions, notamment les restaurants, bars et cafés. Alors que les deux premiers sont descendants de la taverne romaine, le dernier voit son origine dans le Moyen-Orient du XVIème siècle33. Quelque soit la nature exacte des services qu’ils fournissent : repas, boissons alcoolisées ou non, cafés... ceux-ci sont pensés comme des lieux de socialisation ou la consommation du contenu d’une assiette, d’une tasse ou d’un verre est surtout prétexte à la rencontre et la discussion. Le développement des cafés dans les villes européennes comme lieux majeurs de socialisation se fait dans le courant du XVIIIème siècle, en parallèle du développement des salons littéraires, définis par le Larousse

Fig.6 : Café vénitien du XIXème siècle (peinture de Samuel Melton Fisher, 1889)

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comme «Réunion[s] de personnalités des lettres, des arts et de la politique qui, en particulier aux XVIIe et XVIIIe s., se tenait chez une femme distinguée et où l’on discutait de littérature, de philosophie, de politique, etc.»34 .Bien que les cafés furent aussi des lieux de rencontre importants dans la sphère intellectuelle, il est pertinent de noter leur disposition dans la ville par rapport aux salons littéraires : là où les premiers s’établissent sur rue, donc en contact direct avec l’espace public; les seconds s’établissent dans les maisonnées, donc un espace privé, et sont temporaires : le temps d’une journée, après-midi ou soirée par exemple, mais peuvent avoir lieu à intervalles réguliers alors que l’établissement de restauration est théoriquement permanent bien qu’astreint à des horaires d’ouverture Ces particularités vont de paire avec les stratégies spatiales employées : le salon est un espace clos, alors que le café est relativement ouvert selon la météo pouvant jusqu’à installer une terrasse sur rue aux beaux jours. De plus, étant un espace complètement privé, le salon nécessite une invitation pour pouvoir y accéder alors que le café est ouvert à tous et ne nécessite que l’achat d’une consommation pour pouvoir y séjourner; dans la limite de ses capacités le café, bar ou restaurant peut être aussi considéré comme un bien collectif.

Internet comme outil de transformation des lieux urbains : du café à l’espace de cotravail/coworking Les cafés ont eu leur rôle dans la démocratisation de l’accès à Internet à partir du milieu des années 1990 avec les cybercafés. Bien que ceux-ci soit à l’origine uniquement consacrés à l’accès au net et diverses activités informatiques, sont aussi développés des services de restauration au sein de ces cafés. Le rassemblement de clients en ces endroits en fait de véritables lieux de socialisation. Au détour des années 2010, la diffusion des ordinateurs personnels, des téléphones intelligents et des réseaux sans fil délocalisent un peu plus l’accès à internet; qui est désormais disponible hors des domiciles, bureaux et bien sûr cybercafé. Celui-ci arrive dans les cafés, bars et certains restaurants. Certaines chaînes comme MacDonald et Starbucks en font même des arguments de vente pour accueillir de potentiels clients dans leurs enseignes. Le développement de l’informatique portable et de l’internet sans fil a fortement modifié les conditions de travail du secteur tertiaire, rendant beaucoup de tâches exécutables à n’importe quel endroit ou heure de la journée ou de la nuit; une simple connexion internet ADSL suffisant à envoyer, partager ou télécharger des données en quelques secondes ou

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34 : Définition de «salon» http://www.larousse.fr/ dictionnaires/francais/salon/70719


35 : DESBOIS, C. (2014). Le coworking : un mode de travail né de la crise ? L’exemple de Berlin. Allemagne D’aujourd’hui. n°210, p.102.

minutes. Cette délocalisation du travail rendu possible par le progrès

36 : Ibid.

la fin des années 1970 avec la création d’espaces de travail à louer pour

37 : Ibid. p 105

organiser des réunions ou bénéficier de bureaux temporaires dans des

38 : Ibid. p 105

business centres par la firme australienne ServCorp35. Les années 1990

39 : BURRET A., DURRIAUX Y. (2017). Le Manifeste des Tiers-Lieux http://movilab.org/index. php?title=Le_manifeste_des_ Tiers_Lieux ( 16/10/17)

et la multiplication de start-ups liées à la bulle internet ont encouragé

technologique a engendré l’émergence d’un nouveau phénomène : le télétravail. Un épiphénomène de nomadisme du travail s’était produit à

le phénomène. D’abord souvent associé au travail à domicile, il s’est peu à peu déplacé dans les lieux publics où les connexions internet sont devenus facilement disponibles grâce au système WLAN (Wireless Local Area Network, plus connu en France sous le terme Wi-fi). Les raisons qui ont poussé le télétravail hors des domiciles sont la recherche d’un environnement de travail proche de celui d’un bureau avec toutes les aménités les accompagnant, parmi lesquelles la possibilité de tisser des liens sociaux avec d’autres utilisateurs de ces lieux. Cependant, jusqu’à la fin des années 2000, aucune solution répondant à ces besoins n’est disponible. En conséquence, les cafés proposant des connexions internet sont devenus des points de repère pour

travailleurs du numérique indépendants. Catherine Desbois

renseigne dans son article «Le coworking : un mode de travail né de la crise ?»36 que les premiers lieux à s’inscrire dans cette tendance sont les cafés Sankt-Oberholz37 à Berlin, ce qui a conduit en 2006 à la création de la Bohème Digitale, communauté informelle de celles et ceux qui sont aux antipodes du coworking (cotravail en français); terme que la sociologue Catherine Desbois associe à une pratique spatiale : «L’espace de coworking est un lieu convivial que des travailleurs indépendants ou non

peuvent louer de manière flexible dans le temps et dans l’espace

pour travailler avec les nouvelles technologies de l’information et de la télécommunication dans un but créatif et accéder à des services aux côtés d’autres personnes susceptibles de collaborer.»38 . Aujourd’hui, les espaces de coworking sont considérés comme des tiers-lieux, le concept se trouvant même au coeur du chapitre sur le travail écrit dans le Manifeste des Tiers-Lieux39 écrit par Yoann Durriaux et Antoine Burret : « Le Tiers-Lieu est un cadre de confiance où des individus hétérogènes se réunissent pour travailler et explorer des solutions dans une posture de coworking.». Selon Desbois, le phénomène majeur qui a fait décollé le coworking en Europe serait la crise financière puis économique de 2008-2009 : «La période 2010-2012 montre, en réaction à la crise de 2009, une moindre confiance des salariés en un système économique fondé sur les grandes entreprises et les banques, un regain

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de précarité pour des salariés contraints au travail partiel ou intérimaire, de sorte que certains cherchent une nouvelle voie en créant leur propre emploi ; les espaces de coworking leur offrent un environnement de travail alliant innovation, flexibilité et faible coût, ce qui explique leur succès alors.»40 Si l’aspect économique est facilement expliqué, quelle serait la raison sociologique à devenir coworker ? Une

réponse

à

cette

objectifs

architecturaux

lieu,

savoir

à

la

question visés

peut

dans

qualification

du

la

amener

à

conception

commun

dans

un du

des tiers-

l’espace.

Fort heureusement, une réponse peut être apportée à l’aune d’une grille

Fig.6 : Un Café Sankt-Oberholz à Berlin (Photo : Café St_Oberholz)

de lecture sociale fournie par l’ouvrage Gemeinschaft und Gesellschaft41 de Ferdinand Tönnies. Celui-ci pose d’abord deux concepts de volontés: la Wesenwille, ou volonté spirituelle correspondant à la recherche de sens, de vérité par rapport à soi-même se traduisant dans la spontanéité ; et la Kürwille, volonté rationnelle, réfléchie et issue d’un choix. Ces deux courants sont à la source de types de groupes d’individus selon Tönnies. Premièrement la Gemeinschaft, terme traduit en français par communauté et faisant référence au type d’organisation où les liens entre les individus se font organiquement et les règles sont fixées tacitement autour de valeurs et d’images communes symbolisant un certain idéal. Les actions au sein de la Gemeinschaft se font principalement par la Wesenwille car répondant précisément au désir d’atteindre cet idéal commun. C’est par exemple le cas d’une communauté de paroissiens ou d’un squat d’artistes. L’outre-passement des règles est jugé et sanctionné par les membres du groupe eux-mêmes. Spatialement

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40 : DESBOIS, C. (2014). Le coworking : un mode de travail né de la crise ? L’exemple de Berlin. Allemagne D’aujourd’hui. n°210, p.106 41 : TÖNNIES, F., & HARRIS, J. (2005). Community and civil society. Cambridge, Cambridge University Press


parlant, la Gemeinschaft renverrait à la proximité induite dans un village. La seconde catégorie définie par Tönnies est la Gesellschaft, terme traduit par société. Ici les règles sont établies arbitrairement et consultables car écrites, de même que les liens entre individus sont structurés et soumis aux règles édictées précédemment. Tout manquement aux règles est l’occasion d’un procès opposant les partis engagés sous l’arbitrage d’un tiers. Le modèle de Gesellschaft peut se retrouver dans la majorité des sociétés urbaines contemporaines où chacun est soumis à la loi et subira un procès en cas de manquement; ou dans des modèles d’entreprise où les rapports entre individus sont réglés par une hiérarchie correspondant à des postes établis avec des rapports de supériorité, d’infériorité et de différence ou complémentarité entre les uns et les autres. Les actions entreprises dans la Gesellschaft sont davantage motivées par la Kürwille : il s’agit de rationaliser au maximum les actes entrepris et d’arriver à un maximum d’efficience. Les motivations économiques y sont plus ainsi plus prépondérantes que les motivations culturelles. Prise spatialement, la Gesellschaft correspond plus à la ville qu’au village étant donné que plusieurs communautés peuvent y vivre, formant ainsi un système de relations complexes et nécessitant un système de régulation neutre et commun. Bien évidemment les deux types ne sont pas étanches et absolus, tout comme les deux concepts de volonté; il est tout à fait possible de retrouver des caractéristiques de chaque dans les individus et groupes étudiés. Desbois explicite dans son article un «portrait-robot du coworker» : «D’après un article de Foertsch publié le 1/2/201219, il s’agit de citadins de villes dépassant le million d’habitants (54 %), âgés de 34 ans en moyenne ; les deux tiers sont des hommes ; trois quarts des utilisateurs ont une formation universitaire et gagnent bien leur vie. Avant de venir dans les espaces de coworking, ils travaillaient chez eux (58 %), ou dans des bureaux traditionnels (22 %), ou dans des cafés (4 %). En plus de fréquenter les espaces de coworking, neuf sur dix travaillent ailleurs. Le lieu choisi est alors le domicile (80 %), les bureaux traditionnels (20 %), ou les cafés (14 %). La moitié d’entre eux utilise occasionnellement le cybercafé pour y travailler. 60 % des membres des espaces de coworking viennent 3 à 4 jours par semaine, 30 % sont là 5 jours par semaine. La moitié d’entre eux opte pour un accès 24 h/24. Le trajet moyen entre le domicile et l’espace de coworking dure 22 minutes et s’effectue pour un tiers en transports en commun, pour un tiers en voiture, pour un tiers à vélo et à pied. Nous remarquons que le profil dessiné par cette enquête est assez homogène, mais ne fait pas

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apparaître les profils mixtes de salariés d’entreprise travaillant partiellement

42 : Ibid. p.106

en espaces de coworking.»

43 : https://coop.tierslieux.net/ tiers-lieux/typologies-definition/ (16/01/18)

42

Se dessine dans les caractéristiques

obtenues une mutation des intérêts entre communauté et société : le coworking offre un cadre de travail structuré en terme d’architecture et d’ambiance car différent de la familiarité singulière du domicile mais varie du bureau car les liens entre individus ne sont pas assujettis à un contrat, contrairement au monde de l’entreprise traditionnel. Les caractéristiques du café comme l’usage collectif du lieu y est clairement percevable, mais au contraire de celui-ci la fonction de restauration n’est pas l’argument principal d’utilisation de l’espace. En revanche, le partage des savoirs et compétences est très encouragé. C’est un tierslieu dit «de travail». Quels seraient donc les autres types de tiers-lieu ?

Hackerspace, makerspace, FabLab : fabrication du commun et fabrication collective Le site de la Coopérative des Tiers-Lieux43 en propose plusieurs

Fig.7 : Coworkshop, Paris 10ème

catégories

du cotravail au hackerspace en passant par le FabLab et

divers lieux collaboratifs. L’espace de cotravail ayant été expliqué précédemment (et fera l’objet d’une étude cas par la suite), seront d’abord étudiés les hackerspaces, makerspaces et FabLab. Le hackerspace est défini comme «un tiers-lieu où des gens avec un intérêt commun (souvent autour de l’informatique, de la technologie, des sciences, des arts...) peuvent se rencontrer et collaborer. Les Hackerspaces peuvent être vus comme des laboratoires communautaires ouverts où des gens (les hackers) peuvent

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44 : https://fr.wikipedia.org/ wiki/Hackerspace (17/01/18) 45 : https://fr.wikipedia.org/ wiki/C-base (17/01/18) 46 : Définition de «hacker» http://www.larousse.fr/ dictionnaires/francais/hacker/38812 47 et 48 : HIMANEN, P., TORVALDS, L., & CASTELLS, M. (2001). L’éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information. Paris, Exils. 49 : MADELEINE B., (2018) «Growth Hacker», l’activateur de croissance. Le Monde Campus. http://www.lemonde.fr/ campus/article/2018/01/07/ growth-hacker-l-activateur-de-croissance_5238519_4401467.html (17/01/18) 50 : EUDES Y. ,(2009) Biohackers : les bricoleurs d’ADN. Le Monde 2. http://www.lemonde.fr/lemonde-2/article/2009/09/04/ biohackers-les-bricoleurs-d-adn_1235563_1004868. html (17/01/2018)

partager ressources et savoir.»44 Historiquement, le premier hackerspace serait la C-Base de Berlin, créée en 199545 . Le terme hacker est issu de l’informatique pour premièrement désigner une «Personne qui, par jeu, goût du défi ou souci de notoriété, cherche à contourner les protections d’un logiciel, à s’introduire frauduleusement dans un système ou un réseau informatique.»46 ; les hackers sont différenciés par leurs «chapeaux» : «black hat» correspond à un motif et un modus operandi malveillant, quasiment toujours illégaux; tandis que «white hat» désigne un individu bien intentionné adhérant à l’éthique hacker47. Entre les deux se situe le «grey hat»; obéissant plus ou moins à l’éthique hacker. Cette dernière a été formalisée par le philosophe finnois Pekka Himanen dans le livre L’Éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information48 paru en 2001. Celui-ci donne trois pôles à l’éthique hacker qu’il oppose à l’éthique protestante définie par Max Weber. Le premier concerne le travail : là où celui-ci est effectué dans le protestantisme par nécessité, le hacker agit par jeu, par passion. La comparaison avec les Wesenwille et Kürwille est ici évidente, le hacker agissant par le premier type de volonté. Le deuxième pôle tourne autour de l’argent; là où le protestant cherche son profit, le hacker, agissant par passion, se tourne vers la production d’un savoir ou d’un outil ouvert et libre, que d’autres individus pourront aussi profiter et modifier. Le rapport à l’altérité mène au troisième pôle : le réseau; celui-ci s’organise chez les hackers sans hiérarchie, donc sans autorité supérieure, car basé sur la coopération directe plus ou moins temporaire. Cette éthique hacker est aux origines de l’éthique des tiers-lieux et présuppose des stratégies spatiales dans les hackerspaces : espace(s) commun(s), pas de hiérarchie. Cependant, le terme peut se retrouver usurpé par certaines nouvelles professions comme les growth hackers ou hackers de croissance; informaticiens dont le but est d’augmenter les prospects et profits d’une entreprise49 ; ce qui est donc contraire à l’éthique hacker. On remarque donc aujourd’hui que le terme hacker ne s’applique plus seulement qu’à l’informatique et est souvent associé à un individu travaillant dans un domaine précis avec des méthodes non conventionnelles. Ainsi il est possible de trouver des hackers dans des domaines comme la biologie : le journaliste Yves Eudes décrit dans son article «Bio-hackers : les bricoleurs d’ADN»50 la transformation d’un hangar en un hackerspace, pourvu d’équipements techniques mais aussi de meubles plus «domestiques» comme des canapés, un bar

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ou une cuisine. Les hackers habituels de ce lieu y reçoivent des biohackers, biologistes professionnels menant dans leur temps libre leurs propres recherches expériences, toujours suivant l’éthique hacker mais aussi le mouvement Do-It-Yourself (DIY, Fais-le Toi-même) promouvant la participation de l’utilisateur dans la production de l’objet ou du savoir. Partant

de ce principe sont nés les makerspaces qui sont définis

comme «tiers-lieu de type atelier de fabrication numérique, évolution du hackerspace, ouvert au public et mettant à disposition des machines-outils et machines-outils à commande numérique habituellement réservées à des professionnels dans un but de prototypage rapide ou de production à petite échelle.»51. Ils représentent une évolution du hackerspace, lié au domaine virtuel, vers le domaine matériel. Leur création suit deux besoins : la mise en commun des coûts liés à l’achat et l’entretien de matériel de fabrication et de réparation tels que des imprimantes 3D, des fraiseuses à commande numérique ou plus simplement des établis, paillasses ou outils traditionnels; mais aussi la mise en commun des compétences et des savoirs, encourageant là encore l’apprentissage par le partage direct entre utilisateurs du lieu. Cette philosophie vient enrichir l’éthique hacker déjà suivie pour créer la culture maker (ou culture du faire) basée sur des valeurs de partage, création et invention par le jeu52. Les makerspaces peuvent aussi devenir des Fab Labs. Ce terme, contraction de Fabrication Laboratory, a été inventé par le physicien et informaticien du Massuchetts Institute of Technology (MIT) Neil Gershenfeld, créateur du premier Fab Lab en 2001 au MIT53. Un Fab Lab correspond à un makerspace s’inscrivant dans le réseau international des Fab Lab, adhérant à sa charte, possédant un inventaire minimum de matériel et utilisant le système informatique libre et ouvert Fab Modules pour faire fonctionner les machines à commande numérique54. De nombreux autres types de tiers-lieux existent et il serait chronophage de tous les lister ici. Il est cependant judicieux de se pencher sur les caractéristiques communes retrouvées dans chaque type étudié afin d’en tirer une base théorique nécessaire à l’analyse architecturale.

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51 : https://fr.wikipedia.org/ wiki/Makerspace (17/01/18) 52 : Ibid. 53 : https://fr.wikipedia.org/ wiki/Fab_lab 54 : http://carrefour-numerique.cite-sciences.fr/fablab/ wiki/doku.php?id=charte (17/01/18)


Fig.8 :Le hackerspace Noisebridge (Photo issu du fil twitter @Noisebridge, 06/09/17)

Fig.9 : L’atelier métal du makerspace ICI Montreuil (Photo : Julien Dominguez)

Fig.10 : Le Carrefour Numérique, Fablab de la Cité des Sciences (Photo : http://www.cite-sciences.fr)

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Formulation d’une définition théorique_ Une première

définition

sociologique doublée d’une lecture

géographique du tiers-lieu permettra de distiller une première définition conceptuelle afin de mieux préparer la définition architecturale du tiers-lieu.

La configuration en tiers-lieu comme objectif social Au regard des informations collectées dans l’étude des différentes typologies apparaissent des caractéristiques communes. Antoine Burret en fait l’objet de sa thèse en parlant de «configuration en TiersLieu»55. La configuration sociale à une notion du sociologue Norbert Elias correspondant à «l’ensemble des tensions et relations des personnes constituant un groupe [...] changeant en permanence mais restant dans le cadre d’une figure globale.»56. Elle est assimilable à une structure dynamique définie et définissant les relations entre plusieurs entités dans un groupe. Burret donne ainsi une définition conceptuelle du tierslieu de la manière suivante : «une configuration sociale où la rencontre entre des entités individuées engage intentionnellement à la conception de représentations communes.»57 Ici, la rencontre suggère la notion de lieu, c’est-à-dire un point précis dans l’espace où plusieurs individus se trouvent présents; la raison à l’origine du mouvement de ceux-ci vers ce lieu est une certaine intention; une volonté d’arriver à un certain objectif. La proposition de «conception de représentations communes» permet de caractériser cette volonté au regard des investigations menées dans les chapitres précédents; en l’occurrence le rééquilibrage entre Wesenwille et Kürwille des individus prenant part à la rencontre. La Wesenwille se trouve être à l’origine d’un désir de réalisation d’un idéal tandis que la Kürwille motive le désir d’un milieu structuré, donc tenant de la Gesellschaft et pourvu en aménités permettant la réalisation de l’idéal visé. Les idéaux personnels se confondent en représentations communes et permettent la formation d’une communauté autour de celles-ci, ce qui coïncide avec le principe de Gemeinschaft. De plus, le modèle de tiers-espace pensé par peut aussi appuyer cette définition par sa capacité de conception d’idées et de projets communs par la rencontre d’entités au départ différentes. La configuration révèle ainsi un système dynamique utilisant des ressources, les individus en présence avec leurs compétences et des forces pour atteindre un objectif de conception de représentation communes. Cet objectif n’est

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55 : BURRET A. (2017) Etude de la conguration en Tiers-Lieu : la repolitisation par le service. Sociologie. Universite de Lyon, .

56 : Termes clés de la sociologie de Norbert Elias , Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 106, no. 2, 2010, pp. 29-36. 57 : BURRET A. (2017) Etude de la conguration en Tiers-Lieu : la repolitisation par le service. Sociologie. Universite de Lyon, p.238


58 : BURRET A., DURRIAUX Y. (2017). Le Manifeste des Tiers-Lieux http://movilab.org/index. php?title=Le_manifeste_des_ Tiers_Lieux ( 16/10/17) 59 : DEBARBIEUX B. (1995). Le lieu, le territoire et trois figures de rhétorique. Espace Géographique. PERSEE.

pas définie dans la mesure où, tout comme la configuration en tierslieu, il est dynamique. Pour conserver cette dynamique est employé un système de conciergerie propre à chaque tiers-lieu. La conciergerie est définie par le Movilab comme le «processus d’accueil et d’animation d’un Tiers Lieux»58 et plus précisément la gestion des interactions entre utilisateurs du tiers-lieu afin de favoriser l’émergence de projets collectifs par exemple; les ou les personnes en charge de la conciergerie peuvent aussi offrir un service ou des biens consommables aux utilisateurs du tiers-lieu pour mieux servir la configuration sociale visée. Outre un cadre social et économique, il apparaît que cet objectif se poursuit aussi dans un certain cadre philosophique : l’éthique hacker, la culture maker ou encore la charte des FabLab. Pour donner un dénominateur commun à tous, Antoine Burret et Yoann Duriaux ont rédigé le Manifeste des Tiers-Lieuxa. Ce document, disponible en ligne, s’organise en dix points : Collectif, Espace, Travail, Organisation, Langage, Numérique, Gouvernance, Services, Financements et Prospective. Cependant seuls deux points, sur les dix établis, tissent un lien avec des enjeux de spatialité et la dimension locative lié au projet de tiers-lieu. Les explorer peut fournir un début de réponse architecturale et urbaine approfondie à l’idéal social porté dans le manifeste.

Le lieu comme support de projet Le tout premier point du manifeste, le Collectif, se voit défini de la manière suivante : «Le Tiers-Lieu est un bien commun révélé, délimité, entretenu par et avec un collectif.». Tout d’abord, l’attribut de «bien commun» peut s’interpréter comme une figure de rhétorique du lieu développée par Bernard Bebarbieux dans Le lieu, le territoire et trois figures de rhétorique59. L’expression figure de rhétorique est ici entendue comme moyen de signification du «territoire et la collectivité sociale qui l’érige». Il s’agit en l’occurrence du lieu de condensation : «[...] lieux tout à fait spécifiques, construits et identifiés par une société qui se donne à voir à travers eux, qui les utilise pour se parler d’elle-même, se raconter son histoire et ancrer ses valeurs [...]»; cette première proposition coïncide directement avec la définition conceptuelle du tiers-lieu fournie par Burret, à savoir «la conception de représentations communes». En outre, Debarbieux poursuit : « ce sont des formes d’expression du système de valeurs que se donne une société par le biais de son territoire; ce sont aussi les cadres d’expériences individuelles qui procurent au sujet le sentiment

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d’agir sur la forme et de participer activement à sa symbolisation. Autrement dit, la synecdoque porte ici simultanément sur le spatial (le territoire s’impose dans le lieu) et sur le social (la collectivité s’impose à l’individu). Le lieu de condensation n’est tel qu’à condition qu’un individu y éprouve le sentiment d’une commune appartenance avec le groupe qui établit ou entretient la signification symbolique de ce lieu.» Le tiers-lieu amenant à la rencontre revêt donc une fonction de condensateur social. Il serait alors

signifié dans le territoire où il s’inscrit, ce qui pose des enjeux

de représentation et d’interface avec son territoire. Pour justement se différencier du territoire dans lequel il s’inscrit, le tiers-lieu se trouve «délimité» , et de ce fait s’instaure une échelle de «centralité» décrite Aline Brochot et Martin de la Soudière60 , permettant ainsi la rencontre entre différents individus. Ces premières considérations donnent des informations géographiques sur le tiers-lieu, le manifeste permet par le point Espace de les approfondir : «Sur un territoire identifié, le Tiers-Lieu est une interface ouverte et indépendante permettant l’interconnexion ainsi que le partage de biens et de savoirs.». La première proposition «Sur un territoire identifié» pose la question du territoire dans lequel se délimite le tiers-lieu. Cependant, une réponse est apportée par Burret et Durriaux dans le paragraphe suivant l’introduction ce point du manifeste : « La forme sous laquelle le Tiers-Lieu se matérialise dépend du collectif qui le porte et du territoire qui l’accueille. [...] Ainsi, si certaines structures se constituent entièrement autour du Tiers-Lieu, il est également possible de le limiter à une portion d’un espace. Une université, une mairie, une entreprise ou tout espace délimité peut intégrer à ses composantes spécifiques un Tiers-Lieu. De la même manière, une pépinière d’entreprise, une co-propriété, un restaurant où mêmes certains espaces publics peuvent se constituer comme Tiers-Lieu.»61 Ce modèle d’implantation polyvalent renvoie directement au concept de tiers-lieu formulé par Oldenburg correspondant à tout lieu hors monde professionnel et domicile où la socialisation peut s’effectuer. De plus, il est montré que l’attribut de tiers permet l’implantation au sein d’un ensemble déjà constitué. L’attribut de tiers est souligné à travers la nature «d’interface ouverte et indépendante». L’ouverture sous-entend un espace accessible à tous et une certaine flexibilité d’espace pour adapter le lieu à différentes fonctions; tout en donnant la contrepartie matérielle et le support au tiers-espace voulant être instauré dans l’objectif de configuration sociale sous la forme d’un espace ouvert propice au dialogue, propriété retrouvée dans l’agora antique. Cette flexibilité se trouve être une force tant elle permet l’accueil

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60 : BROCHOT A. , DE LA SOUDIÈRE M. , (2010). Pourquoi le lieu ? in Communications. PERSEE. http://www.persee.fr/web/ revues/home/prescript/ article/comm_05888018_2010_num_87_1_2616. 61 : BURRET A., DURRIAUX Y. (2017). Le Manifeste des Tiers-Lieux http://movilab.org/index. php?title=Le_manifeste_des_ Tiers_Lieux consultée le 16/10/17


d’activités et d’événements divers mais aussi un enjeu de caractérisation de l’espace, qui doit se faire par d’autres moyens que la spatialité seule pour garantir le caractère «révélé» du tiers-lieu dans le territoire, mais aussi l’ambiance dont l’expérience est faite dans le lieu.

Synthèse de la première partie : vers une définition théorique du tiers-lieu contemporain Les informations récoltées et les réflexions menées ont apporté sur la table plusieurs éléments pour qualifier le tiers-lieu tant dans sa dimension sociale que géographique. Pour mieux en distiller une définition théorique qui servira de base à l’analyse architecturale, une synthèse des éléments présentement à disposition s’impose. Le concept de tiers-lieu semble constitué de deux composants majeurs complémentaires bien que de natures différentes : une configuration sociale précise rattachée un lieu, un espace délimité pour marquer sa différence avec l’espace public. Est observée entre les deux une relation symbiotique tant l’un est nécessaire à l’existence de l’autre : sans lieu adapté pas de rencontre donc pas de configuration sociale et sans configuration sociale pas de lieu. Cependant, il est remarqué que la création du lieu ou de la configuration sociale est motivée par une volonté univoque, caractérisée par une forme de désir d’accomplissement spirituel en communauté et nommée par Ferdinand Tönnies «Wesenwille». En effet, le but de la configuration sociale en tiers-lieu étant le rassemblement autour d’un champ disciplinaire, d’un environnement ou d’un service, pour créer une communauté partageant des valeurs communes et permettant la collaboration entre individus de manière ponctuelle ou dans la durée mais créant par leurs interactions un tiers-espace, c’est-à-dire un espace virtuel de partage des représentations facilitant l’apprentissage mutuel. Ce modèle de communauté est un hybride entre ce que Tönnies appelle Gemeinschaft(la communauté), groupe d’individus formée et autogéré de façon organique; et Gesellschaft, société réglée et mécaniquement organisée. Cette deuxième forme sociale correspond à une volonté de structure et de rationalité appelée Kürwille. Le tiers-lieu donne non seulement un cadre officiel d’activité comme le montre la transition du café à l’espace de coworking, mais est aussi régi philosophiquement par un texte relatif à sa nature : charte des FabLab , Manifeste des TiersLieux, éthique hacker...etc. Pour garantir l’intégrité et l’activité du tiers-

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lieu et de sa communauté est mise en place une conciergerie gérée ou non par les utilisateurs eux-mêmes fournissant services et biens consommables, ainsi que s’occupant de l’administration et du bon fonctionnement du lieu en question.Le tiers-lieu, ainsi plus ou moins institutionnalisé, ne ressort ni complètement du domaine professionnel, ni de l’espace de loisir, ni du domicile; comme défini par Ray Oldenburg. Cette nature hybride lui donne cette qualité de tiers. De même, bien qu’accueillant des usages et des individus différents; et devant donc répondre à des impératifs de flexibilité, d’ouverture et de visibilité, le tiers-lieu peut être défini par un édifice indépendant ou au contraire se rattacher à un édifice existant. En étant le support d’un service et d’une activité commune, le tiers-lieu retisse du collectif dans la ville. Au regard de la synthèse : le tiers-lieu peut-être ainsi défini de la manière suivante : « Lieu ouvert et flexible , favorisant à travers la pratique d’une certaine activité la collaboration entre individus dans le but de partager compétences et savoirs.» Cette définition reste cependant théorique et n’aborde que partiellement les enjeux spatiaux et architecturaux de l’objet étudié, ceux-ci feront donc l’étude d’une analyse dans la partie à suivre.

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II : Quelle typologie architecturale ?_ Après avoir élaboré une définition théorique du tiers-lieu et commencé à cerner les enjeux liées à sa dimension locative, il s’agira dans cette partie de définir ce qui caractérise un tiers-lieu en termes d’architecture par l’analyse d’objets d’études situés dans une même aire géographique, à savoir le 13ème arrondissement de Paris. La formalisation des critères d’analyse se fera grâce à l’élaboration d’une méthode donc chaque élément sera explicité. Les informations récupérées dans l’analyse seront ensuite recoupées et interprétées à l’aune des connaissances acquises dans la première partie pour formuler une typologie architecturale du tiers-lieu, pendant de la définition théorique énoncée précédemment.

Élaboration d’une méthode d’analyse_ L’objectif du tiers-lieu a été identifié par sa configuration sociale visée et les moyens mis en place pour y parvenir. Bien que certaines questions liées à ses dimensions locative et spatiale aient trouvé réponse dans l’analyse théorique menée précédemment, de nombreuses autres restent en suspens. Il s’agit donc ici de trouver les moyens architecturaux supportant le projet social lié au tiers-lieu. Grâce aux recherches poursuivies en première partie, trois grands domaines d’analyse peuvent être énoncés.

Interface : Il a été établi que la définition du lieu passe par la délimitation d’un espace. Cette limite n’est pas neutre ni uniforme : c’est une interface entre le lieu et le territoire dans lequel celui-ci est ancré. Cette interface constitue donc le premier point d’analyse architecturale et l’étudier permettra de saisir les enjeux liés à l’ouverture et la visibilité du lieu. Y sont rattachées trois items : - Approche : Quelle est la caractérisation extérieure du tiers-lieu ? Repose-t-elle sur des moyens architecturaux (jeu de façade, relief...) ou figuratifs (logo, écriteau, panneau...) ?

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1 : Exemple de note de bas de page mais plutôt sur le côté.

- Accès : Comment s’effectue l’accès au tiers-lieu ? S’effectue-t-il depuis l’espace public ? Est-il caché ou révélé ? - Entrée : Comment traverse-t-on la limite ? Comment se déroule la séquence d’entrée ?

Spatialité et architectonique : Ce point s’intéresse à la constitution de l’espace du lieu c’est-àdire la spatialité ainsi que les moyens employés pour la définir : l’architectonique. Il s’agit plus précisément de caractériser l’espace étudié ainsi que la structure et la matérialité mise à l’œuvre dans le lieu analysé. L’examen de ces points doit permettre de comprendre quels sont les mécanismes employés pour donner un environnement au type d’activité mis en avant par le tiers-lieu. Il permettra aussi de tester la contribution d’une conception spatiale particulière à la configuration sociale visée, notamment par la flexibilité de l’espace et la facilitation

du dialogue entre individus.

Dans ce cadre, les question suivantes seront explorées : - Unité spatiale : L’espace pratiqué est-il unitaire ou fragmenté ? - Divisions : Des divisions sont-elles présentes dans l’organisation spatiale ? Sont-elles physiques ou virtuelles ? Si physiques : transparentes ou opaque ? Sont-elles présentes su r un plan horizontal ou vertical ? - Infra-lieux : Peut-on lire des lieux dans le lieu pratiqué ? - Tectonique : Quelle type de structure est employée ? Quelle est la mesure de la trame structurelle ? De quelle nature est la matérialité présente (matériau,couleurs, textures...) ? 35


- Dimensionnement : Quelle est la superficie du lieu ? Quelle est la distance entre deux façades ? Quelle est la hauteur sous plafond ? - Aménagement : Quels dispositifs sont utilisés et de quelle manière ?

Ambiance : Plus qu’analyser l’architecture elle-même, il s’agit ici d’en analyser ses conséquences sur la perception du lieu par son utilisateur et par rapport à l’objectif social visé. En conséquence, les points suivants seront étudiés : - Lumière : Quelle type de lumière ? Quelle chaleur et quelle intensité ? - Acoustique : Quelle est l’ambiance sonore générale du lieu ? Y’a-t-il des ambiances spécifiques ?

Données complémentaires : En complément des champs d’analyse énoncés seront ajoutés des photographies, plans schématiques et informations diverses sur les lieux étudiés pour mieux comprendre les mécanismes architecturaux à l’oeuvre.

Synthèse : Pour chaque étude de cas sera effectuée une synthèse des critères étudiés pour en tirer des liens entre architecture et caractère de tierslieu.

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Études de cas_ Les lieux choisis comme objets d’étude sont tous situés dans le 13ème arrondissement de Paris. Tout d’abord la définition d’une aire géographique facilement identifiable est pratique, de plus cet arrondissement présente des typologies urbaines et architecturales variées : du tissu haussmanien à l’ouest jusqu’aux bâtiments îlots contemporains de la ZAC Paris Rive Gauche en passant par l’urbanisme sur dalle et les grands ensembles des Olympiades. 62 : Définiton d’ «Économie sociale et Solidaire» : https://www.economie. gouv.fr/cedef/economie-sociale-et-solidaire (20/01/18) 63 : Informations du site https://www.esspace.coop/ consulté le 20/01/18

ESS’pace : Le premier lieu choisi est l’ESS’pace. Il est domicilié au 15, rue JeanAntoine de Baïf, en plein quartier étudiant. Il est en effet implanté au sein du bâtiment Lavoisier du campus de l’université Paris VII et en face de l’ENSAPVS. L’acronyme «ESS» dans le nom du lieu correspond à «Écononomie Sociale et Solidaire»62. En effet le lieu est un projet de la coopérative Solidarité Étudiante et vise à développer l’entrepreneuriat social et solidaire chez les étudiants et jeunes actifs en fournissant un espace de coworking abordable aux étudiants et donner un cadre de libre expression et de réunion dans le quartier63. L’ESS’pace propose ainsi un bar-restaurant ainsi qu’un espace de coworking. Ce lieu a été ouvert en juillet 2017 et est l’aboutissement d’un processus commencé en 2014 suite à l’appel à candidatures pour la création d’espaces de coworking étudiant (vœu du Budget Participatif de la Ville de Paris en 2014). Le local a été trouvé dans le bâtiment Lavoisier, conçu par l’agence XTU, et les travaux ont été planifiés et conçus par l’agence ACB architectes. Interface : - Approche : La distinction du lieu par rapport à l’édifice dans lequel il s’insère se fait par sa volumétrie en saillie et son jeu de façade différent des autres parties construites présentes. Un système de mur-rideau rend sa façade complètement transparente et encore plus visible de nuit lorsque l’éclairage intérieur est utilisé; d’autant plus que le contraste révèle une différence d’activités avec les laboratoires en partie supérieure de l’édifice. Aucun signe figuratif n’indique la présence du tiers-lieu.

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- Accès : L’entrée se fait par une porte double indiquée par un creux dans la façade. Elle n’est pas exctement située sur la rue Jean-Antoine de Baïf mais plutôt sur une voie de desserte, en face de la façade nord de l’ENSAPVS, amenée à devenir une rue à part entière dans le projet urbain adjacent pour le quartier Bruneseau. - Entrée : On arrive directement dans l’espace consacré au bar-restaurant. On accède à l’espace de coworking, situé à l’étage supérieur se fait par une porte simple située dans un angle, laquelle permet de déboucher sur une antichambre où sont présents un escalier et un ascenseur. Un deuxième espace servant d’antichambre se trouve à l’étage, puis passé celui-ci on entre dans l’espace de coworking. Spatialité et architectonique : - Unité spatiale : Le lieu et clairement divisé en deux parties indépendantes : le coworking à l’étage et le bar au RDC. Là où ce dernier forme un espace clairement uni; l’espace de coworking se démarque par une fragmentation spatiale. : Outre la division évidente entre étages; l’espace de coworking est divisé en plusieurs pièces : au centre l’espace principal de travail; sur son côté est se trouve une bande de bureaux fermés par des parois vitrées donnant sur l’espace principal et par des cloisons opaques entre eux. Sur le côté ouest se trouve une salle de réunion fermée par une paroi vitrée. Enfin, une kitchenette est isolée de l’espace principal au sud par une paroi épaisse sous la forme d’un grand meuble à casiers. Quant au bar au RDC, il contraste par l’unité de la salle (par opposition aux cuisines, espaces de service et sanitaires). - Tectonique : La structure est constituée de piliers et murs porteurs reliés par des poutres en béton. La structure porte sur environ 7m dans le sens de la largeur; et 2 à 6m dans le sens de la longueur. Face à la profusion de matériaux en revêtement à l’étage du bar; (carrelage noir et carreaux de béton stylisés aux murs; tôle ondulée, sol en ciment enduit), l’espace de coworking se démarque par la sobriété qui y règne : le sol est en parquet flottant pour atténuer les bruits de pas tandis que tous les murs sont recouverts de plâtre lisse peint en blanc. A noter qu’aucun faux-plafond n’a été mis à l’oeuvre, laissant ainsi tous les réseaux (chauffage, air, eau, électricité) apparents.

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Fig.12 : Signalisation de l’ESS’pace (Photo de l’auteur)

Fig.13 : Entrée de l’ESS’pace (Idem)

Bureau

Salle de réunion

Espace principal

Bureau

1er étage

Bar-Restaurant

Rez-de-chaussée Fig.14 : Plans schématiques de l’ESS’pace

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- Dimensionnement : Le bar recouvre une superficie d’environ 100m² tandis que le coworking se répartit sur 200m². Le lieu ne compte qu’une façade, orientée au nord-est. La largeur du lieu, de son mur arrière à la façade, est d’environ 10m. La hauteur sous plafond au rez-de-chaussée est de 4m environ tandis qu’elle tend vers 3,20m au 1er étage. - Aménagement : La partie bar-restaurant propose un mobilier finalement assez conforme à sa fonction : des tables et chaises hautes; quelques tables en bois vieilli; des tables basses accompagnées de banquettes appuyées au murs. La majorité des tables sont collectives et il est possible de s’asseoir au comptoir. L’espace de coworking présente quant à lui des tables rectangulaires collectives dans son espace central, suivant un modèle de plateau ouvert permettant la communication entre les utilisateurs, à noter la présence de prises électriques multiples incrustées dans le sol. Un grand meuble à casiers verrouillables traverse l’espace pour isoler une petite cuisine. Les bureaux fermés sont plus classiques avec des tables pourvues de postes informatiques fixes et d’écrans de télévision au murs à des fins de présentations collectives. Enfin, la salle de réunion est fournie de grandes tables disposées en de façon à laisser un vide central, orienté vers un écran de projection souple. L’ESS’pace propose un accès internet par l’intermédiaire d’un réseau sans fil Wifi ou par cordon RJ45 dont les prises sont adjacentes aux prises électriques. Ambiance : - Lumière : La seule façade étant orientée au nord-est, la lumière solaire ne pénètre l’espace que le matin. Le reste de la lumière est donc fourni par des dispositifs lumineux. La lumière du nord est froide comparée à la lumière solaire, sa température est d’environ 4200 K (Kelvin). Néanmoins, elle reste relativement inchangée tout au long de la journée, c’est pourquoi elle est plébiscitée dans les lieux de travail car elle se trouve indirecte et douce. Cependant, elle est peu intense, d’où l’utilisation de lumières artificielles à environ 4000K (proche de la lumière ambiante extérieure)dans l’espace de coworking. A l’étage inférieur, une lumière plus chaude est recherchée, menant donc à l’utilisation d’ampoules à la température de couleur se situant aux alentours de 3200K.

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Fig.15 : «Antichambre» de l’espace de coworking (Photo de l’auteur)

Fig.17 : Relation à l’extérieur (Idem)

Fig.16 : Kitchenette inclue

Fig.18 : Espace principal vers bureaux isolés (Idem)

Fig.19 : Espace principal vers salle de réunion (Idem)

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- Acoustique : L’ambiance sonore de l’espace de coworking est très calme, notamment grâce à l’utilisation de matériaux phoniques absorbants au sol. Le cloisonnement des bureaux et de l’espace de réunion indique une volonté de ne pas perturber l’espace principal. L’ambiance du bar est elle plus changeante en fonction de la fréquentation et des évènements, cependant, et comme à l’étage supérieure, il y a peu de réverbération malgré la dimension de l’espace. Synthèse : Le premier aspect évident de l’ESS’pace est sa division claire des fonctions par étage : la restauration et le loisir au rez-de-chaussée et le travail numérique au premier étage. Suivent en plus des codes architecturaux logiques pour chacune des fonctions, comme par exemple la neutralisation des couleurs et des sons dans l’espace de coworking afin de permettre une meilleure concentration. Cependant, il est à remarquer ques les deux espaces suivent la logique du concept de tiers-lieu en proposant des dispositifs favorisant la socialisation et la collaboration spontanée comme les tables collectives plutôt qu’individuelles. Par ailleurs, il est à noter que certaines personnes apprécient aussi l’espace bar-restaurant pour y travailler avec le même outil que dans l’espace de coworking, à savoir l’ordinateur portable.

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Fig.21 : Bar-restaurant de l’ESS’pace (Photo de l’auteur)

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L’Anticafé Olympiades : Anticafé est une franchise d’établissements basés sur le même principe que les Ziferblat. Ce concept, inventé par l’écrivain russe Ivan Mitin et signifiant «cadran», consiste à tarifer la consommation de temps plutôt que de services ou de biens dans un établissement proposant, outre des services de restauration, des jeux de plateau ou électroniques, des espaces de réunion ou de travail; le tout dans un cadre imitant une atmosphère domestique et encourageant à la socialisation64. Mitin fonde ainsi le premier Ziferblat en 2011 à Moscou et le développe dans d’autres grandes villes de Russie et pays ex-soviétiques. En France, le concept est repris par Leonid Goncharov65 qui ouvre ainsi le premier Anticafé à Paris en 2013, rue Quincampoix. L’Anticafé Olympiades ouvre ses portes à l’automne 2014 au sein du Campus Cluster Paris Innovation situé au 59 rue Nationale, sur la dalle du quartier des Olympiades. Ce lieu réunit des écoles de management, de communication et d’informatique ainsi qu’un «cluster» d’entreprises; le but étant de tirer parti des synergies pouvant s’effectuer entre étudiants et entrepreneurs ainsi que faciliter les projets étudiants. L’Anticafé Olympiades offre ainsi un lieu de rencontre entre les mondes étudiants et professionnels. Interface : - Approche : Le lieu est implanté au sein d’un édifice comprenant plusieurs entités; ce faisant, aucune différence architecturale ne le distingue depuis l’extérieur. Une signalétique est mise en oeuvre pour présenter et orienter le visiteur vers les différentes parties du Campus. - Accès : Il faut d’abord entrer à l’intérieur du Campus Cluster pour pouvoir y parvenir : une fois passé le sas d’entrée de ce dernier, un hall d’accueil et prolongé par un vestibule par une rue intérieure. L’entrée de l’Anticafé se trouve directement sur la droite du hall en entrant. La seule indication de la présence de l’Anticafé, mis à part la transparence donnant sur le lieu en lui-même, se trouve être un tableau indiquant son programme hebdomadaire et journalier. - Entrée : On entre à travers une paroi vitrée percée d’une double porte vitrée donnant sur un espace d’accueil pourvu de barrières servant à contenir une file d’attente vers le comptoir d’accueil.

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64 : https://en.wikipedia.org/ wiki/Anti-café et https://en.wikipedia.org/wiki/Ziferblat 65 : https://www.anticafe.eu/ about-us


Fig.22 et 23 : Entrée du Campus Cluster Paris Innovation (Photo de l’auteur)

Fig.25 : Vue depuis l’Anticafé sur la rue intérieure et la terrasse (Photo de l’auteur)

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Spatialité et architectonique : - Unité spatiale : L’Anticafé Olympiades se répartit sur un seul niveau avec une salle principale à laquelle s’ajoute deux salles auxiliaires et une terrasse. - Divisions et infra-lieux : Trois zones peuvent y être distinguées : la grande salle, les salles auxiliaires et la terrasse. La grande salle comprend l’espace d’accueil ainsi qu’un comptoir pour le service des aliments et boissons; l’espace principal où sont disposés chaises, tables et bibliothèques servant à contenir cet espace; un fab-lab cloisonné et percés de fenêtres est également accessible. L’accès à la terrasse se fait par cette grande salle. La terrasse compte une partie sous serre et une parie à l’air libre. La grande salle dessert aussi deux autres salles par un couloir. Ces deux salles sont cloisonnées mais communiquent par des portes. - Tectonique : La structure utilisée est basée sur un système de murs et de poteaux en béton dont la trame régulière mesure environ 6m. Les murs et cloisons sont recouverts de plâtre peint en blanc tandis que le sol est recouvert de carrelage en schiste ou de plaques de linoléum gris; les deux matériaux étant faciles d’entretien et le deuxième doté de bonnes capacités d’absorption acoustique. La serre de la terrasse est en verre monté sur une structure en acier tandis que le sol est un lattis de bois posé sur une couche de substrat ou de terre (comme l’indique la présence d’arbres et d’arbustes). Bien que les réseaux soient apparents au plafond, on remarque l’utilisation de panneaux acoustiques les recouvrants partiellement pour mieux lutter contre l’effet de réverbération lié au béton nu constituant la sous-face des planchers. - Dimensionnement : D’après sa page internet, l’Anticafé Olympiades propose environ 190 m² d’espace intérieur praticable par l’utilisateur avec 120m² dans la grande salle et 70 pour les salles auxiliaires. Le lieu présente uniquement des espaces mono-orientés, donc avec une façade extérieure continue, la profondeur des espaces varie donc entre 8 et 16m. La hauteur sous plafond est d’environ 3m.

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Terrasse

Espace principal

Salle annexe Accueil/ Self

Salle annexe

Administration

Fig.26 : Plan schématique de l’Anticafé

N

Fig.27 : Espace principal contenant FabLab et comptoir d’accueil (Photo : Anticafé)

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- Aménagement :

Le mobilier est largement composé de tables

collectives; on trouve cependant dans toutes les salles des canapés; fauteuils et tables basses. Des étagères fournies de livres en libres services sont utilisées pour délimiter des espaces plus restreints dans la grande salle. Il est à noter une certaine de volonté de diversification du mobilier dans ses formes et couleurs pour mieux coller à une ambiance domestique dont les Anticafés font la promotion. Ambiance : - Lumière : la lumière naturelle de la grande salle provient majoritairement d’un patio situé au nord, fournissant une lumière neutre et peu pénétrante. Bien que les salles auxiliaires soient quant à elles situées sur une façade orientée à l’est, la profondeur des espaces dans le lieu requiert une forte utilisation de lumière artificielle, qui est à environ 3200K dans tous les espaces de l’Anticafé; la diffusion de la lumière est extrêmement soignée par l’utilisation de dalles lumineuses ou abat-jours qui produisent une lumière diffuse de manière à ce que l’utilisateur ne reçoive pas de lumière directe en permanence. - Acoustique : Mise à part une musique d’ambiance dans l’espace d’accueil, la plupart des espaces sont très calmes. L’utilisation de cloisonnements par des bibliothèques permet des conversations qui ne dérangent pas les autres utilisateurs tandis que les dalles acoustiques au plafond et le revêtement au sol absorbent les réverbérations et les bruits de pas.

Synthèse : L’Anticafé propose non seulement une hybridation des fonctions du café-restaurant et du bureau mais aussi de leurs ambiances dans un subtil équilibre étudié autour de l’aménagement spatial, du mobilier mis en place et des matériaux à l’oeuvre. Cet exemple montre que ,sur la simple base d’un service offert selon une règle tarifaire particulière et d’une proposition conceptuelle d’ambiance, il devient possible de donner la qualité de tiers-lieu à un type d’établissement extrêmement répandu tel que le café.

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Fig.28 : Salle annexe (Photo de l’auteur)

Fig.29 : Terrasse attenante (Photo : Anticafé)

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Le FabLab Paris-Diderot : Le Service Commun de Ressources Informatiques et Technologiques (ou Script) de l’Université Paris Diderot a ouvert en octobre 2016 un Fablab66 dans le but de mieux s’ancrer dans les développements technologiques actuels ainsi que de développer des collaborations entre chercheurs, étudiants et citoyens. Celui-ci se trouve au sein du campus des Grands Moulins, dans le 13e arrondissement parisien, et plus précisément au quatrième étage du bâtiment dit «Halle aux Farines». Ce dernier a été édifié en 1950 par Denis Honegger et reconverti en 2006 par Nicolas Michellin67 pour accueillir les locaux universitaires. Interface : - Approche : Le lieu occupe deux salles à l’intérieur même du bâtiment. De l’extérieur il est donc impossible de connaître sa présence par des moyens architecturaux. J’ai moi-même découvert l’existence du FabLab par l’intermédiaire d’un flyer disponible à l’ESS’pace. Cependant, il est indiqué par des éléments signalétiques dans le bâtiment et plus particulièrement devant son emplacement. Sans ces éléments il serait impossible de le distinguer des autres salles de cours. - Accès : Le lieu est ouvert aux étudiants, professeurs et chercheurs dans le cadre de cours et travaux pratiques ou de recherche en matinée. L’après-midi, le lieu devient ouvert à tous avec une thématique spécifique à chaque jour de la semaine : numérique, DIY, électronique, logiciels libres; le vendredi les entreprises peuvent louer les locaux. Le lieu est réparti en deux salles adjacentes, chacune ayant sa porte donnant sur le couloir de distribution est de l’étage. - Entrée : On entre directement dans l’une ou l’autre des salles du lieu. Cependant, l’accès usuel se fait par la salle de droite servant de «lobby».

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66 : https://script.univ-paris-diderot.fr/bienvenue-au-fablab-paris-diderot (02/02/18) 67 : http://www.anma.fr/fr/ projets/la-halle-aux-farines/ (02/02/18)


Fig.30 : La Halle aux Farines (Photo : Agence Nicolas Michellin & Associés)

Fig.31 et 32 : Entrée du FabLab (Photo de l’auteur) Fig.33: Flyer du FabLab (Photo de l’auteur)

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Spatialité et architectonique : - Unité spatiale : Comme énoncé précédemment, le lieu est découpé en deux salles séparées par une cloison : l’atelier et le lobby. Là où l’atelier est un espace complétement ouvert, le lobby l’est également mais demeure plus fragmenté en infra-lieux. - Divisions et infra-lieux : l’aménagement de l’espace du lobby est en effet plus complexe. L’ordonnancement du mobilier et l’aménagement créé ainsi des lieux spécifiques autour des différentes tables de réunion, mais aussi dans la petite cuisine séparée de l’entrée par une paroi épaisse et percée d’une fenêtre. L’atelier est séparé du lobby par une paroi solide pourvue de panneaux acoustiques. Celui-ci présente un espace unitaire. - Tectonique : La structure du bâtiment Halle aux Farines se base sur un système de murs porteurs et poutres en béton où l’enveloppe du bâtiment est porteuse; tandis que la majorité des cloisons sont en parpaings. Ce système peut se révéler très contraignant mais permet ici par l’utilisation d’éléments porteurs épais d’obtenir de grandes portées donc de grandes surfaces dégagées de tout points porteurs. Dans le FabLab, le sol est recouvert de linoléum gris facilitant l’entretien et absorbant les sons. Les parois de l’atelier ont été doublées d’un revêtement à absorption acoustique avec une couche de mousse recouverte de panneau percés. La cloison séparant avec le lobby de l’atelier suit la même logique et ce dans chaque pièce. Les parois restantes de l’atelier sont quant à elles soit en plâtre peint de couleur, soit recouverte de peinture de type «ardoise», c’est-à-dire un mélange de peinture acrylique et de ciment donnant une surface rugueuse et y rendant possible l’écriture à la craie. Les plafonds sont intégralement couverts de panneaux d’aggloméré plastique utilisés pour ses bonnes capacités acoustiques; recouvrant ainsi tous les réseaux. Les poutres restent néanmoins apparentes. - Dimensionnement : Chaque salle du FabLab mesure environ 8m par 6m; soit 36m² par salle et donc 72m² au total. La trame structurelle est de 6m de large par 8m de long. La hauteur sous-plafond est d’environ 2,80m.

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Atelier

Fig.34 : Plan schématique du FabLab Paris-Diderot

Lobby

N

Fig.35 : Lobby du FabLab (Photo de l’auteur)

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- Aménagement : L’atelier s’organise autour d’une table centrale autour de laquelle gravitent plusieurs paillasses et établis rangés contre les parois de la pièce. On peut y trouver des imprimantes 3D, une machine de découpe laser, des ordinateurs, des machines-outils et des outils manuels; ainsi que des rangements. On trouve dans le lobby trois grandes tables rondes ou rectangulaires; un coin cuisine pourvu d’un canapé mais aussi d’un piano droit. Les salles sont également pourvues en téléviseurs et écrans de projection. Ambiance : - Lumière : Les deux salles du FabLab sont orientées à l’ouest, permettant à une lumière solaire puissante et basse d’y pénétrer en fin de journée. Cependant, la petite taille des fenêtres en façade, la profondeur des salles et leur faible hauteur ne permet pas un très grand apport solaire. Les parois du lieu n’ont pas été pensées pour réfléchir la lumière. L’éclairage artificiel est donc requis pour pouvoir confortablement pratiquer le lieu. C’est le cas ici avec des lampes à gaz noble (argon, néon, xénon...) brillant à un température de couleur d’environ 4000K : assez neutre et faible pour travailler sans pour autant être trop froide. - Acoustique : L’utilisation de matériaux absorbant les ondes sonores et la faible hauteur sous plafond permet de contrôler très efficacement le volume sonore ambiant. La séparation des deux pièces permet de ne pas avoir trop de bruits agressifs, notamment venant des machines de l’atelier. Synthèse : Le FabLab Paris-Diderot montre l’importance de la délimitation des fonctions au sein d’un même lieu : l’espace de rencontre et de dialogue est ainsi clairement séparé de l’espace d’activité pour des raisons pratiques et de confort mais aussi de sécurité. Sa petite taille montre également qu’un tiers-lieu peut être inséré dans à peu près n’importe quel édifice et rester pertinent.

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Fig.36 et 37 : Atelier du FabLab (Photos de l’auteur)

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Synthèse globale : des caractéristiques architecturales du tiers-lieu L’étude menée permet de révéler plusieurs points intéressants utiles à l’élaboration d’une typologie architecturale, tant dans la caractérisation extérieure du tiers-lieu que dans sa spatialité. Interface : L’analyse des interfaces a révélé une nécessité de caractériser l’identité propre d’un tiers-lieu : celui-ci a un nom auquel se rattache une communauté. Et quand il y a peu ou pas de moyen d’identifier un tiers-lieu par des moyens architecturaux, ce qui arrive quand le lieu est inséré au sein d’un édifice ayant une identité forte (c’est-à-dire que l’on perçoit plus l’ensemble édifié que le lieu en particulier), l’identification se fait par des moyens figuratifs à plus ou moins grande échelle : du panneau à l’écriteau, au flyer...etc . L’aspect d’ouverture du lieu n’est pas explicitement représentée par son entrée, qui ne se distingue pas par sa monumentalité. Cependant, une certaine transparence dans l’interface (façade ou paroi de séparation du reste du bâtiment) est de mise surtout concernant les tiers-lieux donnant directement sur l’espace public. Spatialité et architectonique : Bien que l’objectif poursuivi dans un tiers-lieu est l’encouragement du dialogue et de la collaboration, on remarque que les espaces dédiés à la conversation peuvent être clairement séparés de l’espace consacré à l’activité pratiquée; c’est le cas notamment au FabLab Paris Diderot et de sa configuration hémisphérique ou à l’ESS’pace se divisant en deux étages, le coworking étant de plus subdivisé en plusieurs pièces. Le tiers-lieu nécessite une certaine flexibilité de son espace pour des questions d’aménagement et de circulation. De plus, il accueille en général au moins une dizaine d’utilisateurs et doit donc disposer de surfaces adéquates pour pouvoir se réunir et/ou disposer de matériel et de mobilier nécessaires à l’activité pratiquée. Cela signifie donc que la structure doit permettre de grande portées tout en occupant le moins d’espace possible. Cet objectif peut être accompli soit par structure filaire ou semi-filaire, comme c’est le cas de l’Anticafé Olympiades ou de l’ESS’pace; soit par une structure solide surdimensionnée comme c’est le cas du FabLab Paris Diderot. Les hauteurs sous plafond sont variables

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mais demeurent sujettes au programme de l’espace et à l’ambiance désirée: une plus grande hauteur sous plafond permet ainsi de faire passer plus de réseaux et donc augmente les possibilités techniques; mais augmente aussi les résonances sonores. Les matériaux de revêtement se révèlent tout aussi important car ils permettent de contrôler l’ambiance du lieu; il est à noter ici qu’une certaine importance est donnée à la gestion du son et la neutralisation des réverbérations par l’utilisation de matériaux acoustiquement absorbants. En outre, l’atmosphère visuelle est-elle aussi rendue neutre par l’utilisation de couleurs très claires sur la plupart des parois des espaces où sont pratiquées les activités, limitant ainsi les stimulations visuelles non désirées. Là où les éléments constructifs du lieu peuvent être rendus visuellement neutres, le mobilier semble être utilisée comme élément dictant l’ambiance du lieu : c’est le cas à l’Anticafé où le mobilier se caractérise par sa couleur et sa diversité dans un but de domestication de l’atmosphère du lieu. L’utilisation de mobiliers collectif semble aussi être de mise pour favoriser les échanges entre utilisateurs. Ambiance : Dans le domaine sonore, le but recherché dans le tiers-lieu est de fournir un espace suffisamment ouvert pour permettre l’organisation de plusieurs groupes d’utilisateurs tout en leur permettant de converser entre eux confortablement et sans gêner les autres. Ce contrôle acoustique passe donc par les choix de matériaux mis en oeuvre, la hauteur sous plafond et dans certains cas le cloisonnement des espaces. En ce qui concerne la lumière, on peut noter une certaine contradiction entre la hauteur sous-plafond régulée et la nécessité de larges surfaces; en effet de larges surfaces mènent à une grande profondeur d’espace et donc à une pénétration de la lumière solaire plus difficile sans hauteur sous plafond importante (en architecture, on estime à 45° l’angle moyen de pénétration de la lumière solaire). Ceci amène donc à l’utilisation de lumière artificielle. Dans un cadre de travail la plupart des dispositifs lumineux utilisés brillent à une température de couleur située en 3500K et 4000K, correspondant à peu près à celle de la lumière naturelle. Cela donne donc une lumière très blanche et neutre contrairement à celle plus chaude utilisée dans des espaces de restauration brillant autour des 3200K. Pour minimiser les ombres et les éclairages trop directs pouvant gêner, des moyens de diffusion de la lumière peuvent être utilisés, que ce soit sur les lampes ou sur les parois du lieu.

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Formulation d’un typologie architecturale_ Les informations récoltées en première partie de l’étude de cas menée permet à présent de formuler une première typologie architecturale des tiers-lieux. Bien sûr cette typologie n’est en aucun cas définitive peut s’enrichir par la suite avec d’autres études de cas. Néanmoins, il est possible de définir de grands types architecturaux supportant le projet de tiers-lieu.

Retour aux archétypes architecturaux Pour mieux placer le tiers-lieu dans la typologie architecturale générale il convient de revenir aux fondamentaux de celle-ci. Dans son cours de théorie de l’architecture donné en première année de licence de l’ENSAPVS , Simon Rodriguez-Pagès donne deux archétypes architecturaux desquels découlent par la suite les différents types d’édifice en architecture. Le Larousse définit un archétype comme suit : «Modèle original ou idéal sur lequel est fait un ouvrage, une œuvre.»68 et type : «Modèle idéal, défini par un ensemble de traits, de caractères essentiels»69 . Or, Rodriguez définit le type comme une idée, un regroupement de caractéristiques alors que le modèle se voit plus défini, figé, et peut se répéter tel quel. L’archétype apparaît alors comme idée originelle. Les deux archétypes architecturaux majeurs développés par Rodriguez sont la cour et le pavillon. La cour symbolise l’expression d’une communauté cherchant s’harmoniser, elle permet ainsi les liaisons et l’échange. Elle permet aussi de réunir des territoires et des populations normalement hétérogènes : le peuple et les instances de pouvoir sur la place publique par exemple; sa mécanique spatiale est donc centripète. Sa délimitation permet à l’Homme de contrôler son espace. D’une certaine façon c’est une excavation dans le territoire où elle s’inscrit. Le deuxième archétype formulé est le pavillon. Celui-ci se détache de son territoire pour mieux définir son individualité. Sa logique est centrifuge, il créée une discontinuité entre ce qui lui est interne et externe. Cependant, aucun édifice ou lieu ne reproduit strictement l’un ou l’autre archétype, il s»agit de toujours d’un mélange de caractéristiques. Comme expliqué dans la première partie, le tiers-lieu tient autant de la cour pour ses propriétés à lier espaces, fonctions et individus pour former une communauté; que du pavillon par sa propriété d’être révélé et singulier sur le territoire dans lequel il s’inscrit.

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68 : Définition d’ «archétype» http://www.larousse.fr/ dictionnaires/francais/ arch%C3%A9type/5034 69 :Définition de «type» http://www.larousse.fr/ dictionnaires/francais/ type/80365 (04/02/18)


Vers un archétype architectural : fondamentaux identifiés des tiers-lieux La définition théorique et les études de cas montrent que les tiers-lieux assument une double fonction : celle de proposer un espace d’activité où l’utilisateur est proactif et celle de favoriser la socialisation. Cependant, la configuration spatiale de ces deux fonctions varie et détermine le type de tiers-lieu en présence. En outre, une troisième constante des tiers-lieux est le système de conciergerie; pouvant être déterminé ou non par un espace servant.

Espace de socialisation : bar, lobby...

Espace d’activité : coworking, atelier...

Service de conciergerie

Fig.38 : Éléments fondamentaux du tiers-lieu

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Premier type : tiers-lieu unitaire Ce tiers-lieu mélange espace dédié à la socialisation entre les individus et espace dédié à l’activité en un seul espace. Ce type de tiers-lieu peut s’appliquer quand l’activité qui y est pratiquée ne présente pas de prérequis techniques particuliers. On y considère donc un espace unitaire mais pouvant s’aménager de façons à obtenir des infra-lieux : des tables de réunion, des alcôves...etc. Pour conserver un niveau sonore confortable il s’agira de mettre en oeuvre des matériaux absorbants et/ou des hauteurs sous plafond régulées pour éviter des effets de réverbération trop importants. L’exemple illustrant ce type serait ici l’Anticafé Olympiades.

ou

Fig.39 : Type unitaire : fusion entre socialisation et activité pratiquée

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Deuxième type : tiers-lieu disjoint Dans ce type de tiers-lieu, espaces de socialisation et d’activité sont clairement divisés. Cependant, l’espace de socialisation est ouvert même à l’utilisateur ne voulant pas prendre part à l’activité pratiquée dans le lieu. Cet espace est donc utilisé comme antichambre du lieu à la manière du lieu, entre l’interface et l’espace d’activité. Ce qui caractérise ce lieu est donc l’indépendance de chaque espace qui le composent. L’exemple de tiers-lieu pour illustrer ce type serait l’ESS’pace; où le rez-de-chaussée sert de bar alors que le deuxième étage est un espace de coworking.

Fig.40 : Type disjoint : coexistance et indépendances

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Troisième type : tiers-lieu bipolaire Ce type est similaire au tiers-lieu disjoint à la différence près que l’espace de socialisation n’est pas forcément pensé pour l’utilisateur ne voulant pas prendre part à l’activité du lieu. En effet, cet espace de socialisation est pensé comme étant support de l’activité et non indépendant de celle-ci; bien que l’on retrouve une séparation spatiale entre les deux. Ce type de tiers-lieu est donc caractérisé par l’interdépendance de ses espaces malgré leur séparation. L’exemple de ce type serait le FabLab de l’université Paris-Diderot où au sein d’un même lieu se trouvent un lobby où se retrouvent les utilisateurs du lieu et un atelier où ils pratiquent l’activité consacrée du tiers-lieu.

ou

Fig.40 : Type bipolaire : coexistance et interdépendance

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III : Tiers-lieux cachés ?_ A ce stade une définition théorique des tiers-lieux ainsi qu’une typologie architecturale s’y rattachant ont été établis. Ainsi a été défini le lieu comme un support de la configuration sociale propre au tiers-lieu. Mais est-ce que la configuration architecturale en tiers-lieu peut exister hors des projets de tiers-lieux définis, identifiés et revendiqués comme tels ? Pour répondre à cette question, il s’agira d’étudier un lieu présentant des caractéristiques sociales similaires à celles d’un tierslieu et d’en étudier son architecture selon la même méthodologie que celle utilisée pour les études de cas réalisées dans la deuxième partie de ce mémoire. Il s’agit en l’occurrence d’un type de lieu pratiqué au quotidien par la majorité des étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val-de-Seine : l’atelier.

Comparaison avec un atelier de l’ENSAPVS_ L’atelier d’architecture comme support d’enseignement Dans l’école, le lieu appelé «atelier» correspond aux salles de travail dévolues aux étudiants, parfois aussi utilisées pour les cours de projet par les professeurs. La notion d’atelier remonte à l’époque où l’architecture était enseignée au sein des Beaux-Arts dans une structure tant sociale que spatiale : l’atelier d’architecture. Celui-ci était organisé selon une hiérarchie stricte s’établissant verticalement du chef d’atelier au nouvel arrivant, ce denier se formait en travaillant auprès de ses aînés.

De l’atelier au groupe de projet architectural : situation actuelle à l’ENSAPVS Bien qu’il soit possible de retrouver des traces des Beaux-Arts dans certains groupes de projet aujourd’hui présents à l’école; le système des Unités Pédagogiques puis des ENSA a conduit a une modification du système pédagogique; notamment par l’anonymisation des groupes où sont enseigné le projet d’architecture; Certains étaient autrefois nommés selon leur chef d’atelier. C’est le cas des groupes 1,2,3,4, 5 et 6. D’autres groupes de projet ont été formés par la réunions d’anciens ateliers de l’École de Charenton et étaient nommés par des lettres; c’est le cas des groupes 7,8,9 et 10. Les groupes 11, 12 sont des «studios»

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ouverts créés à l’ouverture de l’école, plus de précisions sur le sujet par la suite. Enfin, les groupes 13 et 14 sont des groupes de projet eux-aussi créés à l’ouverture de l’école mais affichant un nom lié à un quartier plus ou moins récent de Paris : «La Défense» ou «Masséna».

L’atelier comme tiers-lieu ? A l’inverse des groupes 11 et 12, le reste des groupes de projets se distinguent par une certaine continuité pédagogique dûe à la connivence entre les professeurs qui animent ces groupes. En résulte ainsi une forme d’identité enseignée entre étudiants. Le groupe formé par des étudiants au sein d’un groupe de projets forge une sorte de communauté avec ses règles et coutumes propres. Est donc observable, comme dans les tiers-lieux, la rencontre entre modèles de Gemeinschaft et Gesellschaft ainsi que leurs motivations sous-jacentes Wesenwille et Kürwille. On peut cependant remarquer la redondance de certains systèmes entre chaque groupe de projet; le premier étant l’appropriation de l’espace de travail qui lui est assigné et sa transformation en un véritable lieu de vie. Le second système est un type de conciergerie appelée «la masse» correspondant à un ensemble de services et de directives rendus par un petit nombre d’étudiants élus au sein du groupe de projet. Ceux-ci peuvent ainsi organiser des évènements, la configuration du lieu de vie ou encore fournir des biens consommables à l’atelier. Le financement de la masse se fait par cotisation libre des étudiants de l’atelier. Par sa forme quasi non-officielle car nombre de règles sont tacites et non écrites; l’atelier tient plus de la Gemeinschaft que de la Gesellschaft. Cependant, ce système et ce lieu fournit un cadre spatial et social organisant et supportant les étudiants si ceux-ci y adhèrent de leur plein gré. L’entrée dans un atelier se fait en première année avec l’attribution d’un groupe de projet et l’étudiant y expérimente une double socialisation : une avec ses camarades de promotion et une autre avec les étudiants des promotions antérieures. C’est cette continuité entre année qui permet la viabilité de l’atelier en tant que lieu et structure, mais aussi le partage des compétences et des savoirs. L’atelier présente donc de nombreuses logiques présentes dans la configuration sociale en tiers-lieu sans pour autant se revendiquer comme lieu totalement ouvert, en effet viennent l’utiliser tout au plus les étudiants et les professeurs de l’école à de rares exceptions près. Sa configuration sociale similaire à celle du tiers-lieu s’expliqueraitelle par une similarité architecturale ?

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Étude de cas : l’atelier «Masséna» Le choix de ce lieu s’est fait pour raison personnelle, je le pratique de manière quasi quotidienne depuis que je suis entré à l’ENSAPVS. Ce lieu correspond à la salle de travail dédié au groupe de projet n°14 auparavant nommé «Masséna» et formé par Alain Pélissier. Ce qui est intéressant dans ce lieu est la reproduction de mécaniques sociales et spatiales normalement propres aux ateliers issus des Beaux-Arts; notamment la formation d’un genre de communauté. La salle de travail est ainsi devenue sous la gestion des générations successives d’utilisateurs un véritable lieu de vie. Cet exemple est donc valable pour les autres ateliers de l’ENSAPVS Interface : - Approche : l’atelier se répartit sur trois pièces du sixième étage de l’école. Ce faisant, il n’y aucun moyen architectural d’identifier le lieu depuis l’extérieur ou l’intérieur. Il existe cependant sur une baie vitrée donnant sur le couloir principal de l’étage un autocollant signalant la présence de l’atelier. - Accès et entrée : Il existe quatre entrées pour l’atelier. La première entrée se situe presque toute suite après l’ascenseur et donne sur la grande salle de l’atelier. Deux autres se situent dans un renfoncement du couloir peu après, l’une donnant sur la grande salle, l’autre sur une salle plus petite mais servant d’espace de vie, elle est donc considérée comme entrée principale. La dernière entrée concerne la salle 602. Toutes les entrées sont constituées de portes double avec tierce. Bien que le lieu soit majoritairement pratiqué par les étudiants du groupe de projet il est ouvert à tous. Spatialité et architectonique : - Unité spatiale : Le lieu est divisé en trois salles La première est une grande salle servant d’espace de travail et de salle de cours lors des séances de projet avec les professeurs. La seconde correspond d’avantage à un espace de vie pouvant aussi servir d’espace de travail et de cours lors des séances de projet. Enfin, une petite salle annexe appelée «Bocal» ou «Calbo» sert d’espace de travail réservé aux étudiants en Master 2.

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Fig.41 et 42: Entrée principale de l’atelier (Photo de l’auteur)

Fig.43 : Entrée du «Bocal» (Photo de l’auteur)

Fig.43 : De l’espace de vie sur le couloir central (Photo de l’auteur)

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- Divisions et infra-lieux : Chaque salle est séparée par une cloison. Une double porte relie la grande salle à l’espace de vie, tandis qu’une porte simple s’ouvre du Bocal vers ce dernier. Il est notable ici que les variations de hauteurs de plafond sont l’occasion de la création d’infralieux, c’est notamment le cas dans la grande salle et l’espace de vie. - Tectonique : la structure est constituée d’un système de murs porteurs et de piliers en béton. Toutes les parois verticales sont recouvertes de plâtre peint en blanc, les piliers sont également peints en blanc. Tous les réseaux sont dissimulés par des faux-plafonds percés pour augmenter leur absorption acoustique. Comme énoncé ci-dessus, ces faux-plafonds ne sont pas répartis uniformément ce qui donne des simple et doubles hauteurs dans l’atelier. Les cloisons sont en plâtre et les portes en bois. - Dimensionnement : les pièces font chacune environ 8m de large par 6m de profondeur. La hauteur sous plafond varie entre 2m30 et 3m, permettant ainsi une bonne pénétration de la lumière solaire. La surface totale du lieu avoisine les 150m² . - Aménagement : La grande salle bénéficie d’une table de grande surface formée par le rassemblement de plusieurs plateaux sur des tréteaux. Cette grande surface est nécessaire pour poser les maquettes lors des séances de projet. Tout autour de cette table sont rangées des chaises standard. Quelques tables hautes annexes sont aussi disponibles dans cette salle au cas où il manquerait de place à la grande table. La salle de vie bénéficie également d’un dispositif de grande table similaire, mais plus petit. On trouve aussi dans cette salle des tables hautes destinées au repas ainsi qu’une table basse fabriquée par les étudiants. Sont présents également un frigidaires, trois micro-ondes et des meubles de rangement contenant couverts mais aussi condiments pour les repas. On trouve enfin dans le «Bocal» un aménagement sous forme de tables divisés en bureaux individuels. Ambiance : - Lumière : L’espace de vie et la grande salle bénéficie d’une belle hauteur sous plafond et d’une orientation à l’ouest permettant un apport solaire conséquent. Cependant, l’éclairage artificiel reste très utilisé pour uniformiser l’atmosphère lumineuse du lieu. Celle-ci provient de

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Bocal

Grande salle

Espace de vie

N

Fig.44 : Plan schÊmatique de l’atelier

Fig.45 : Espace de vie / Salle principale

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lampes à néon pourvues de systèmes de diffusion de la lumière. De plus, certaines lampes sont placées de manière à éclairer indirectement pour ne pas perturber des tâches demandant de la précision comme la réalisation de maquettes ou de plans. - Acoustique : Le sol recouvert de linoléum absorbe peu les sons, la neutralisation de la réverbération se fait surtout par les faux plafonds percés. L’utilisation du bois, très efficace contre la propagation des bruits aériens, fait des portes de véritables frontières acoustiques. Synthèse : L’atelier est à la fois un lieu social et de travail. Sa présence au sein de l’école facilite les discussions entre étudiants et donc l’échange de compétences et de savoirs. Par ces aspects, on peut donc le qualifier de tiers-lieu. En le comparant à la typologie établie en deuxième partie , l’atelier serait de type unitaire tant les fonctions de socialisation et de travail se mélangent au sein des mêmes espaces. Mais, le «Bocal» pouvant être considéré comme réservé au travail (car les repas n’étant pas pris en son sein) , l’atelier peut aussi se rattacher au type bipolaire. En effet, c’est un espace qui est peu pratiqué par un public n’appartenant pas à l’ENSAPVS.

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Fig.46 :Perspective depuis la grande salle (Photo de l’auteur)

Fig.46 : Appropriation d’un infra-lieu donné par la topographie du plafond (Photo de l’auteur)

Fig.47:Salle annexe / Bocal / Calbo (Photo de l’auteur)

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Conclusion_ D’une documentation dense en géographie et sociologie il a été possible de tirer une définition synthétique du concept de tiers-lieu : « Lieu ouvert et flexible , favorisant à travers la pratique d’une certaine activité la collaboration entre individus dans le but de partager compétences et savoirs.» Les motivations sous-jacentes à la création et au fonctionnement d’un tiers-lieu ont été trouvées dans l’évolution historique des lieux formant des collectifs en ville, de la place publique à l’espace de coworking en passant par le café; ainsi que dans l’analyse des mécaniques sociales des tiers-lieu grâce au travaux de Ferdinand Tönnies et d’Antoine Burret, ce dernier proposant une définition du tiers-lieu comme configuration sociale. L’objectif devient alors de trouver la configuration architecturale liée à cette configuration spatiale. Les recherches sociologiques et géographiques menées en première partie ont aussi permis d’une part la construction d’une méthode d’analyse de tiers-lieux existants à travers des critères portant sur l’interface entre le lieu et son territoire, la spatialité et l’architectonique du lieu et enfin son ambiance; d’autre part la construction d’une base typologique par l’identification de ses trois composantes majeures : les espaces de socialisation et d’activité ainsi que le système de conciergerie. L’étude de cas menée grâce à la méthode d’analyse à permis de mieux cerner les différents grands types de tiers-lieux :

le type unitaire

caractérisé par la fusion spatiale de l’activité pratiquée et du support de socialisation, le type disjoint où sont espaces de socialisation et d’activité fonctionnent indépendamment et le type bipolaire où les espaces de socialisation et d’activité sont séparés mais dépendants l’un de l’autre. Pour vérifier la typologie établie, il a été proposé de la tester sur un espace présentant des caractéristiques sociologiques correspondant à celle d’un tiers-lieu, en l’occurrence un atelier de l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val-de-Seine. Il en ressort que deux types s’y superposent : unitaire et disjoint. Mais plus qu’une superposition de types, cette étude montrent l’interdépendance entre une configuration sociale précise et le type de lieu auquel elle se rattache, donc l’intérêt d’étudier les tiers-lieux par l’architecture.

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Partant de ce constat il deviendrait intéressant de mesurer le «degré de tiers-lieu» de façon précise non seulement dans les tiers-lieux «revendiqués» comme les espaces de coworking ou les hackerspaces mais aussi dans les cafés, bibliothèques et mêmes espaces publics. Un point d’investigation possible serait la vérification de l’application du Manifeste des Tiers-Lieux, notamment en ce qui concerne les questions d’ouverture tant spatiales que sociales des tiers-lieux à leur territoire. Cette recherche serait par la même occasion la possibilité d’enrichir la typologie architecturale des tiers-lieux commencée dans ce mémoire. Ce travail demanderait plus de temps pour non seulement étudier plus de cas sur le terrain mais aussi rechercher plus de sources bibliographiques afin d’améliorer la connaissance des tiers-lieux ainsi que d’affiner la méthode d’analyse et de formulation typologique.

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Bibliographie_ Ouvrages : FLORIDA, R. L. (2008). Cities and the creative class. New York, NY [u.a.], Routledge. HIMANEN, P., TORVALDS, L., & CASTELLS, M. (2001). L’éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information. Paris, Exils. OLDENBURG, R. (2005). The great good place: cafés, coffee shops, bookstores, bars, hair salons, and other hangouts at the heart of a community. Philadelphia, Da Capo Press. SOJA, E. W. (2014). Thirdspace: journeys to Los Angeles and other realand-imagined places. Malden, Blackwell. SIMMEL, G. (1980). The metropolis and mental life. Urban Place and Process. 19-30. SITTE, C., CHOAY, F., & WIECZOREK, D. (1980). L’art de bâtir les villes: l’urbanisme selon ses fondements artistiques. [S.l.], L’Equerre. TÖNNIES, F., & HARRIS, J. (2005). Community and civil society. Cambridge, Cambridge University Press WINNICOTT, D. W. (2015). Jeu et réalité: l’espace potentiel. Paris, Gallimard.

Thèse : BURRET A. (2017) Etude de la conguration en Tiers-Lieu : la repolitisation par le service. Sociologie. Universite de Lyon, .

Mémoire de master : DE ROBILLARD P. (2015) Mutualisons Babel ! Les tiers-lieux de travail, mythes et réalité dans le Grand-Paris. École Nationale Supérieure d’Architecture de Marne-la-Vallée

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Articles : BARTHE-DELOIZY, F., KAZIG, R., & MASSON, D. (2015). L’ambiance comme concept de la géographie culturelle francophone. Géographie Et Cultures. p.215-232. BONNIN P. (2010) Pour une topologie sociale. Communications. PERSEE. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ comm_0588-8018_2010_num_87_1_2619. BROCHOT A. , DE LA SOUDIÈRE M. , (2010). Pourquoi le lieu ? in Communications. PERSEE. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ comm_0588-8018_2010_num_87_1_2616. CUILLERAI M., Le Tiers-espace : une pensée de l’émancipation ? , Acta fabula, vol. 11, n° 1, Autour de l’oeuvre d’Homi K. Bhabha http://test.fabula.org/lodel/acta/document5451.php, page consultée le 28 décembre 2017. DEBARBIEUX B. (1995). Le lieu, le territoire et trois figures de rhétorique. Espace Géographique. PERSEE. http://www.persee.fr/doc/ spgeo_0046-2497_1995_num_24_2_3363. DESBOIS, C. (2014). Le coworking : un mode de travail né de la crise ? L’exemple de Berlin. Allemagne D’aujourd’hui. 210, 100. EUDES Y. ,(2009) Biohackers : les bricoleurs d’ADN. Le Monde 2. http://www.lemonde.fr/le-monde-2/article/2009/09/04/biohackers-les-bricoleurs-d-adn_1235563_1004868.html (17/01/2018) page consultée le 17/01/18 MADELEINE B., (2018) «Growth Hacker», l’activateur de croissance. Le Monde Campus. : http://www.lemonde.fr/campus/ article/2018/01/07/growth-hacker-l-activateur-decroissance_5238519_4401467.html page consultée le 17/01/18 Termes clés de la sociologie de Norbert Elias , Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 106, no. 2, (2010), pp. 29-36.

Manifestes : BURRET A., DURRIAUX Y. (2017). Le Manifeste des Tiers-Lieux http://movilab.org/index.php?title=Le_manifeste_des_Tiers_Lieux consultée le 16/10/17 CLÉMENT, G. (2016). Manifeste du Tiers paysage. Saint Germain sur Ille, Editions du commun.

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Sites internet : Agence Nicolas Michellin & Associés : Projet de la Halle aux Farines http://www.anma.fr/fr/projets/la-halle-aux-farines/ (page consultée le 02/02/18) Anticafé : https://www.anticafe.eu/ (consulté le 21/01/18) Carrefour Numérique : Qu’est-ce qu’un FabLab ? http://carrefour-numerique.cite-sciences.fr/fablab/wiki/doku. php?id=charte (page consultée : le 17/01/18) La Coopérative des Tiers-Lieux : https://coop.tierslieux.net/tierslieux/typologies-definition/ (consulté le 16/01/18) ESS’pace : https://www.esspace.coop/ (consulté le 20/01/18) Script Paris-Diderot : le FabLab : https://script.univ-paris-diderot.fr/bienvenue-au-fablab-parisdiderot (page consultée le 02/02/18) Wikipédia : C-Base : https://fr.wikipedia.org/wiki/C-base (page consultée le 17/01/18) Anti-café : https://en.wikipedia.org/wiki/Anti-café (page consultée le 27/01/18) Ziferblat :https://en.wikipedia.org/wiki/Ziferblat (page consultée le 27/01/18)

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Définitions : Ambiance : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ambiance/2711 Archétype : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/archétype/5034 Bien collectif (ou bien commun) : http://econoclaste.org.free.fr/econoclaste/?page_id=26 (consulté le 19/12/17) Café (établissement) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Café_établissement consultée le 19/12/17 Citoyenneté : https://fr.wikipedia.org/wiki/Citoyenneté#Grèce_antique consultée le 16/12/17 Économie Sociale et Solidaire : https://www.economie.gouv.fr/cedef/economie-sociale-et-solidaire consultée le 20/01/18 Espace : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ espace/31013 FabLab : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fab_lab Hacker : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hacker/38812 Hackerspace : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hackerspace consultée le 17/01/18 Lieu : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/lieu_lieux/47076 Makerspace : https://fr.wikipedia.org/wiki/Makerspace consultée le 17/01/18 Salon : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/salon/70719 Tiers : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/tiers/78041 Tiers-État : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/tiers_état/97286 Tiers-monde : https://www.monde-diplomatique.fr/index/pays/tiersmonde Troisième : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/troisième/79884 Type : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/type/80365

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Annexes_

78


Portrait des tiers-lieux

jan

vie r 20 17

DE NOUVELLE-AQUITAINE

Étude menée en été/automne 2016 par le groupement SCIC Coopérative Tiers-Lieux / CRIJ / Prima Terra : 106 répondants

Types des espaces de travail partagés et collaboratifs

Qui gère et anime les tiers-lieux régionaux ?

Bien que le coworking domine dans le paysage, les ateliers et fablabs commencent à trouver leur place et se développent petit à petit en complémentarité. 7% des espaces proposent à la fois un accueil pour les activités tertiaires et artisanales. À noter que 24% des espaces sont dotés d’un jardin ou d’espaces verts.

Le modèle associatif est le portage privilégié des tiers-lieux en Nouvelle-Aquitaine bien loin devant le portage privé ou public seul. Nous notons la progression de portages mixtes entre privés et/ou privés-publics.

52%

associations entreprises privées

coworking

20%

(SAS, SARL, SA)

71%

collectivités

12%

groupement de privés

12%

(Communauté de communes ou SPL)

fablab / atelier

22%

hybride

7%

(SCOP, SCIC, mix association / privés)

publics-privés

(association / collectivités)

Le champ des activités des tiers-lieux ne s’arrête pas aux fonctions locatives puisque 92% d’entre eux proposent des activités annexes avec, en tête, la formation et le partage de savoirs, espace culturel ou de médiation suivis de près par des services de restauration. Existent également des activités de conciergerie (16%), de boutique (11%), de ressourcerie (9%), d’habitat (7,7%) et de médiation numérique (6%). On retrouve la richesse des tiers-lieux dans la diversité des activités qu’ils proposent.

domiciliation : 25% bar / café / restaurant : 34% espace culturel / médiation artistique : 40% formation / partage de savoirs : 51% accompagnement : 34% espaces de stockage : 23%

5%

Comment reconnaître un tiers-lieu ? La Région Nouvelle-Aquitaine reconnaît un tiers-lieu grâce à ces différents critères : • Ouverture à tous types de professionnels : tous statuts et tous secteurs d’activité • Flexible et abordable • Accès numérique • Accueil humain • Implication concrète des utilisateurs dans la conception, la gestion et l’animation de la vie quotidienne du tiers-lieu.

Des lieux abordables

Des lieux flexibles

Malgré la diversité des formules tarifaires, le coût d’un bureau ou d’un atelier est très faible. Les tiers-lieux ne cherchent pas à faire des bénéfices sur la location ou la mise à disposition de machines.

44% des lieux proposent une journée d’essai gratuite ; 17% proposent une phase gratuite de test de 3 jours.

Prix mensuel moyen utilisation à temps plein

127€ en rural

176€ en ville

3%

10%

engagement de 6 mois

engagement de 3 mois

13%

engagement d’un an

74%

aucun engagement dans le temps

Répartition géographique

Des lieux pour tous

5 18 3

9 7

2

65 8 11

73% des tiers-lieux accueillent tous secteurs d’activité ; les autres sont thématisés (numérique, ESS, fabrication seule)

94% des tiers-lieux accueillent tous statuts juridiques

5

Accueil et médiation entreprenariale : le 2ème métier des tiers-lieux

49%

des tiers-lieux salarient une personne ressource pour mettre en lien et développer des projets collectifs

env. 700

bénévoles s’activent dans les tiers-lieux de la région pour permettre à tous de travailler près de chez soi.

78%

des tiers-lieux voient leurs utilisateurs collaborer entre eux sur des projets. évènements ont été

env. organisés par les tiers-lieux 4500 depuis leur création sur les territoires.

retrouvez les tiers-lieux près de chez vous sur

tierslieux-nouvelle-aquitaine.fr

© 2017

9

6

La diversité des publics, des parcours et des activités est une richesse dans ces lieux. Ils favorisent les croisements et l’inattendu.

79


tiers-lieu ?

comment créer un !

?

Pratiques limitées

Pratiques spécifiques

Ok

no

La mise en commun et le croisement de ces données ont permis de découper la vie d’un tiers-lieu en six phases. ce parcours est conçu pour décliner les alternatives de développement à chaque étape de la conception d’un tiers-lieu, de l’amorçage à l’ancrage local en passant par l’animation de la communauté.

comme il existe autant de façons de faire que d’initiatives, nous avons souhaité présenter un regard sur leurs processus de création. cette proposition d’itinéraire est issue de retours d’expériences et de savoirs tacites collectés par La coopérative des tiers-Lieux auprès d’utilisateurs, de concierges et de gérants d’espaces.

Pratiques Pratiques dérivées fondamentales

Parcours

émotionnel

AmorçAge de l’initiative

Territoire rural

BieNv

SSuS Proce M-uP BoTTo

Ok

collectif d’utilisateurs

ce

eillAN

Ok

réseau de confiance

Motivations communes Lien social, mutualisation, conciliation des temps, collaboration, partage, expérimentation...

Tiers-lieu sTrucTuranT eT de proximiTé Le tiers-lieu rural fait référence à ce petit café de village, fermé l’année passée, qui permettait de faire des rencontres, créait du lien, donnait de l’information, du service… on y retrouve ses habitués et des gens de passage. Il maintient des actifs en milieu rural.

cette infographie sert de révélateur critique. en effet, les étapes clés sont ponctuées de réflexions illustrant les dérives, les écueils, les pratiques spécifiques et les principes fondamentaux qui gravitent autour de la création collective d’un tiers-lieu. ceci n’est pas un mode d’emploi mais un panorama des possibles.

communauTé

sarL, sas scI

Tiers-lieu de proximiTé

Ok

diMeN ouver SioN Ture

ce rNAN gouveoNTAle horiz

Indépendants, micro structures

Pour qui ?

artisans, artistes

chercheurs et porteurs de projet

entrepreneurs agiles, cadres itinérants

!

Espace de coworking

no

aide au lancement (politique numérique, innovation, ess, développement durable...) soutiens ponctuels (événements, partenariats...)

Atelier partagé

? quel lieu

Hackerspace Lieu déjà « programmé » (bureaux, ateliers...)

Lieu devenu « partagé » (gares sncF, bureaux de Poste...)

- CONTRA - CTUALI - SATION -

9 h-18 h (avec concierge)

À quelle heure ?

24/h 7/j (avec code d’accès)

no conventions avec les entreprises, les collectivités et les universités locales

Ok

ANimAtioN de la communauté

actions collectives avec les associations locales (amap, associations culturelles...)

ité crèche, garderie, école

Concierge accueillir, représenter, animer

Veilleur explorer, initier, contribuer

Facteur administrer, gérer, diffuser

Jardinier Faciliter, essaimer, anticiper

Ok

colunch

iNTel colle ligeNce cTive

Boîte aux lettres, domiciliation

s par

tagé

Lieu de retransmission teDx, mooc...

deS PrATiqueS

s

Bar, restaurant crèche, garderie

Formations pair à pair Galerie d’expositions ressourcerie commune think tank ateliers de fabrication participatifs Lieu relais amap Jardin partagé Habitat partagé

ANcrAge locAl du réseau

outils numériques partagés (appareil photo, traceur, imprimante 3D...)

appartenance aux communautés d’espaces locales, nationales et internationales

co-créaTion maillaGe TerriTorial

Partage et création collective de programme d’animations

Participation aux rencontres locales, nationales ou internationales dédiées aux pratiques collaboratives

réalisée par maxime arnaud, La coopérative des tiers-Lieux, juillet 2014 o6 79 56 08 20 / maxime@tierslieux.net sources accompagner le développement des tiers-lieux en aquitaine, marc Laclau, auDaP, décembre 2013 alléger la ville. Des stratégies de lieux partagés, marine albarede, thierry marcou, La Fing, août 2013 making space for others, Katy Jackson, adaptive Lab, février 2013 manifeste des tiers-Lieux opensource, Yoann Duriaux, antoine Burret, open scoP, décembre 2013

Ok

ArTic SPÉcifulATioN le Ter ique Avec riToir e

Ok

engagement pour un changement global vers une économie de la contribution au service du « mieux vivre ensemble »

Ne verS u iTioN TrANSTAle iÉ Soc

80

Workshop, barcamp conférences, ateliers, événements

conciergerie de services

Ser

hybriDAtioN

re culTu N du Bie uN M M co

crédits certains pictogrammes ont été réalisés par les contributeurs de the noun Project

? du lieu

ateliers thématiques, boîtes à idées

vice

Partage d’expériences et échange de bonnes pratiques

MuTuAliSATioN DeS moyeNS

Servic de Pro eS XiMiTÉ

ivANT lieu v rABle eT du

sensibilisation et médiation auprès des voisins

Dispositif de réservation et de facturation en ligne

Ok

Ok

!

Participation à la vie locale

écrans Parking Imprimante espaces détentes rétroprojecteur salle de jeux Imprimante 3D Douche

La vie

poSture Du coNcierge

e eSPAc SANS il u c Ac e

leS SerViceS À deuX PAS

La Poste, tabac, presse

Ok

quelS ÉquiPeMeNTS ?

ss ce 2e né marché, épicerie, supermarché

eSSAi iT grATu

9 h-18 h (avec concierge)/ 24/h 7/j (avec code d’accès)

Ok

ité

iPe de PriNc iliTÉ fleXiB

!

cooPÉrATioN eNtre eSpAceS

Ok

ss

Élevés 20-30 €/jour 300-400 €/mois

Diffusion des informations des autres espaces

ce

Bars, restaurants

Pas de concierge

recommandation des autres espaces

Accès

Ok Équil vie PriBre vie Pr o ivÉe

Moyens 15-20 €/jour 200-300 €/mois

Bureaux connexion internet accès handicapé cuisine partagée trousse secours salles de réunion extincteurs machine à café

1

cotisation association

? iPe de PriNc lAriTÉ Modu

re

geStioN de l’espace

- Amé - nage - ment -

selon la communauté initiale (pragmatisme, 10 m2/utilisateur tertiaire)

Lieu « reconquis » (bars, cinémas, friches industrielles, universités, espaces publics...)

À la carte Heure/demi-journée/ journée/semaine/mois

> espaces de vie collective > espaces de création > Isoloirs > espaces détentes > espaces vides

selon le potentiel avéré d’utilisateurs (prospection, avec étude des besoins)

Avec engagement trimestriel/semestriel/annuel

?

Facture

> Postes de travail (open space/bureaux fermés)

selon le potentiel estimé d’utilisateurs (intuition, sans étude des besoins)

Lieu « transformé » (ePn, télécentres, lieux de médiation...)

sans engagement Journée/semaine/mois

Bail précaire

de m22

DANS

créAtioN du lieu

Formules

Bas 10-15 €/jour 100-200 €/mois

Proce eXPÉr SSuS iMeNT Al

combien combien

télécentre

FabLab

convention de mise à disposition

?

Économie classique > Locations d’espaces (bureaux, salles, habitations...) > cotisations et adhésions > Formations, événements, ateliers extérieurs > Ventes de produits (bar, restaurant, FabLab...) Économie contributive > contributions utilisateurs (aménagement, temps...) > crowdfunding

mise à disposition des locaux

Gestion et animation du lieu

centre d’affaires

tarifs

Pas de statut

collectivité locale

Sources de financement

Pas d’intervention

eT T ’eSPriT PAS d iroNNeMeN d’eNv BorATif A l l co

ie S de v règle uNe coMM

association/ collectivité locale

rôle DeS AcTeurS PuBlicS

activation des services et des réseaux (communication transversale et décloisonnée)

colocation de bureaux

métiers de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage

public

mixTe

étudiants

ProTe de l’iN cTioN ciToy iTiATive eNNe

Ouvert à tous services aux entreprises Filière numérique Industries culturelles et créatives Innovation et développement durable métiers de l’artisanat et de l’art

chArT de vA e leurS

association/ collectif

?

Quel type de tiers-lieu ?

!

société privée

lANcemeNt du projet

colorAtioN du lieu

e de riSqu oSe SclÉr

privé

Tous types d’utilisateurs télétravailleurs salariés

association collectivité locale

?

es

ATioN AdAPTeSoiNS AuX B ATeurS uTiliS

?

Territoire urbain

juridique

rm

Tiers-lieu méTropoliTain Les tiers-lieux métropolitains ou urbains peuvent être thématisés par secteur d’activité, ils sont en perpétuel mouvement, de flux, d’allers-venues. Ils représentent une alternative durable, collective et intelligente à la pression foncière.

coopérative (scoP, scIc)

StAtut

Quel portage ?

Où ?

Territoire peri-urbain

No

Le tiers-lieu péri-urbain est un espace qui répond directement au besoin de désenclavement des grandes villes et à la diminution des flux pendulaires entre le domicile et le travail.

un tiers-lieu est l’expression d’aspirations individuelles et collectives réunies sur un même espace physique. une prise de conscience des enjeux environnementaux, un modèle économique contributif et un rapport horizontal à la production et à la consommation sont à la source des tiers-lieux. toutes les étapes de ces questionnements sont le signe d’un élan collectif vers une nouvelle forme d’engagement citoyen.

en parallèle, voire au sein même des tiers-lieux, les individus repensent ensemble tous les domaines de la vie de la cité : la nature, l’agriculture, le bien commun, l’éducation, le droit, la propriété, le travail, l’entrepreneuriat, l’innovation, le territoire, l’habitat, l’énergie, la diffusion et le partage de l’information et du savoir, le numérique, l’industrie et la politique.

« Les utopies, ce sont les emplacements sans lieu réel. » michel Foucault, 1984.

la coopérative

la coopérative des Tiers-lieux Lucile aigron / marie-Laure cuvelier 06 20 96 04 15 / 06 50 46 82 57 contact@tierslieux.net www.tierslieux.net

région aquitaine Délégation tIc / eugénie michardière 05 57 57 82 58 eugenie.michardiere@aquitaine.fr www.aquitaine.fr

licence creatives commons Infographie mise à disposition selon les termes Paternité - Pas d’utilisation commerciale - Partager à l’identique


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« Recouvrant tout une gamme de lieux allant de l’espace de coworking

au FabLab, les tiers-lieux ont fait et font l’objet de très nombreuses études sociologiques et géographiques depuis la fin des années 1980. Les recherches d’Oldenburg, Soja ou Babbha en témoignent. Bien que de plus de plus compris et manié par la société civile et les institutions, le terme restent cependant sujet à méconnaissance ou mauvaise interprétation de la part de certains architectes établis ou en formation. Cela est souvent dû à un manque d’informations en lien avec le domaine de l’architecture sur le sujet. Il est apparu, par exemple, qu’au cours d’une discussion avec mes camarades étudiants que le concept de tiers-lieu était interprété à l’aune de celle de Tiers-Paysage chère à Gilles Clément, rendant ainsi une image de lieu délaissé par l’humain. Les différentes interprétations du concept de tiers-lieu sortant de ces discussions avec un public pourtant averti amènent à plusieurs interroger plusieurs enjeux : non seulement l’identification de celui-ci en typologie architecturale mais aussi, par la configuration sociale qui est visé dans le tiers-lieu, la conception du lieu collectif en architecture. »

#Tiers-lieux #FabLab #Coworking #Hackerspace #Appropriation #Typologie


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