Rapport de PFE - Étienne Kirsch / Paul Rognon

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TRANS / MUTATIONS

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OUVRIR . FRANCHIR . AUGMENTER

Étienne kirsch Paul rognon

ENSA PVS 2017.2018

de 6 - Transformations

trans / FORMER l’eXISTANT RAPPORT DE PFE RÉALISÉ sous la direction de marc benard


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Remerciements Nous souhaitons remercier l’ensemble de l’équipe enseignante de cette unité de projet : Marc Benard, Lila Bonneau, Jean-François Coignoux, Xavie Dousson, Vesselina Letchova-Carcelero, Guillaume Meigneux et Olivier Perrier pour le suivi, les retours, les évènements et l’organisation de l’enseignement. Leur application, patience et rigueur ont été des plus bénéfiques en cette année de Projet de Fin d’Études. Nos remerciements vont aussi aux représentants de l’APHP et de l’université Paris-Diderot pour nous avoir fait visiter les sites et fourni une grande quantité de documents sans lesquels ce travail n’aurait pu avoir lieu. Nous remercions aussi l’intégralité des intervenants invités par nos professeurs pour leurs retours sur nos projets et les connaissances qu’ils nous ont apportées. Enfin, nous ne pouvons oublier nos proches : amis, famille, camarades d’ateliers. Merci à vous.

En vous souhaitant bonne lecture. Etienne Kirsch & Paul Rognon


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SOMMAIRE


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Introduction

Partie 1 : Harmoniser Chapitre 1 : Tramer pour coloniser Chapitre 2 : La réticulation comme langage commun

Partie 2 : Réguler Chapitre 3 : Traduction architecturale de la trame urbaine Chapitre 4 : Le module comme outil constructif polyvalent

Partie 3: Appliquer/Confronter Chapitre 5 : Rencontre du troisième type

Conclusion

Bibliographie

Sauf indication contraire, tous les documents ont été produits par les auteurs.


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INTRODUCTION


Cavernes du CHU - Photographie


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INTRODUCTION

Introduction Le projet de fin d’études démarra par le choix du site dans lequel intervenir. Le premier site visité fut l’hôpital Beaujon; colosse de briques au coeur de Clichy. Celui-ci impressionne par sa taille et son esthétique aux accents américains du début du XXème siècle, renvoyant une impression très cinématographique. Cette forte impression a laissé un sentiment d’interdit face à l’édifice, de limitation projectuelle car intimidant tant par sa morphologie que sa symbolique dans le paysage clichois. Le second site arpenté fut l’hôpital Bichat-Claude Bernard; ensemble hétéroclite de bâtiments du XXème siècle dominé par sa gigantesque tour hospitalière cruciforme. L’approche est d’abord légèrement déroutante, commençant à la sortie du métro au croisement entre boulevard Ney et avenue de la Porte de Saint-Ouen pour venir s’infiltrer au coeur de l’îlot urbain constitué par le complexe hospitalier; sa visite, des entrailles labyrinthiques du socle au sommet de la tour du CHU Bichat, en passant micro-quartier de la partie Claude Bernard a révélé un fort potentiel urbain et architectural plein de contrastes par rapport à l’hôpital Beaujon.


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Beaujon, le colosse de briques - Photographie

Bichat-Bernard, le microcosme hospitalier - Photographie


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INTRODUCTION

Lecture d’un site complexe : le bastion sur l’entre-deux Le complexe hospitalier Bichat-Bernard se trouve être dans une situation urbaine exceptionnelle. Il se trouve en effet sur la ceinture parisienne entre les boulevards des Maréchaux et périphérique, portion de ville obéissant quasiment uniquement à sa propre logique; différente du Paris haussmannien et de la banlieue audonienne qui la jouxtent. Michel Corajoud invite d’ailleurs à “Explorer les limites, les outrepasser. Tout projet sur le territoire devrait commencer par une remise en cause de l’apparente légitimité des limites convenues pour une opération, par le refus de laisser le paysage se fragmenter en multiples « terrains d’actions » aveugles les uns aux autres.”1 Des enjeux urbains apparaissent donc lorsque l’on croise les voies majeures qui bordent le site : Maréchaux, périphérique, avenue de St-Ouen mais aussi possible mail piétonnier dans la ceinture parisienne. Outre leurs croisements, il faut aussi s’intéresser aux statuts des voies en elles-mêmes, amenées à évoluer sont l’impulsion des aménagements dont elles font ou feront l’objet comme la prolongation du T3 sur la portion nord des Maréchaux; mais aussi des phénomènes conjecturaux comme la disparition progressive du moteur thermique d’ici à 2030. Si certaines voies sont aujourd’hui de formidables liaisons territoriales pour le site, c’est le cas du boulevard Ney ou de l’avenue de la Porte de St-Ouen couvrant la ligne 13; le boulevard périphérique constitue actuellement une véritable frontière physique entre Paris et sa banlieue, devenue problématique à l’heure des projets de continuité urbaine tels que celui du GrandParis qui pour l’heure l’accomplit majoritairement dans le domaine administratif.

1 : CORAJOUD, M. « Le projet de paysage : lettre aux étudiants », , p. 44 in Le Jardinier, L’Artiste et l’Ingénieur (dir. J-L. BRISSON) Les Éditions de l’Imprimeur, 2000


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Bichat-Bernard aujourd’hui, le bastion sur l’entre-deux - Plan


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Situation et rayonnement envisagĂŠ du site dans le Grand Paris - Carte


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Futur possible du boulevard Périphérique ? - Collage


INTRODUCTION

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Pendant de la complexité urbaine dans lequel il se présente, on observe à Bichat-Claude Bernard une certaine complexité architecturale. En effet, l’hôpital est une agrégat de typologies architecturales hospitalières : pavillons, tour, dalle, patios... Le riche patrimoine témoigne de l’évolution de l’architecture hospitalière du siècle dernier. Il peut être cependant difficile de s’y repérer sans être familier du lieu. Bien que la tour du CHU et la cheminée de la chaufferie constituent de très bons signaux paysagers, la vision au niveau du sol se trouve être peu claire. Composite, hétéroclite, altéré, vaste, labyrinthique, parfois incohérent; les qualificatifs pour décrire le lieu abondent, mais ne sont pas forcément positifs à son égard. Si la première visite à Bichat est effrayante, la seconde est intrigante puis une certaine familiarité s’installe à la troisième. Et pourtant. Si lors de la première visite, il est difficile de comprendre Bichat et d’en saisir l’organisation, nous avons immédiatement saisi certains des principaux enjeux de cet ensemble de 8 hectares de la Porte de Saint-Ouen. Si le manque de cohérence de l’ensemble se devine aisément, un examen un peu plus poussé permet de déceler la vétusté généralisée de quasiment tous les édifices, l’enclavement des espaces et le manque de lumière naturelle au coeur des grandes épaisseurs, notamment dans le socle-dalle technique du CHU Bichat; mais aussi les limitations techniques de certains édifices du site, comme les pavillons en forme de H du SSI et du Bâtiment des Maladies Infectieuses, malgré le fort symbole patrimonial qu’ils renvoient.


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Aujourd’hui : le géant en son domaine - Axonométrie


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INTRODUCTION

Quelles visées projectuelles ? Ouvrir, clarifier, augmenter. Pour mieux orienter les actions projetée et leur donner sens; nous avons décidé de créer un contexte prospectif dans lequel s’insère le projet. Celui-ci part de la cession de l’hôpital Bichat-Bernard par l’APHP à la mairie du Grand-Paris en 2025. Cette dernière décide, en accord avec le Ministère de l’Éducation Supérieure et de la Recherche, d’installer une nouvelle université polytechnique dans les locaux rénovés de l’ancienne faculté de médecine Bichat pour pallier aux défaillances du campus de Saclay et développer l’offre universitaire dans le nord de Paris en transformant un site existant plutôt qu’en bâtissant sur des terrains libres; ce dans un soucis de densification et de préservation de l’environnement urbain. Dans un paradigme de réduction des transports dotés de moteurs thermiques et d’amélioration des circulations douces dans le Grand-Paris, l’accent serait aussi mis sur la mise en place de connexions physiques entre Paris intra-muros et ses quartiers adjacents, passant ainsi l’infrastructure routière progressivement réduite du boulevard périphérique.


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Ouvertures : repenser le présent, imaginer l’avenir - Axonométrie


INTRODUCTION

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Concrètement, l’opération de transformation du site serait divisée en trois secteurs chacune déléguée à un maître d’œuvre différent. Le premier concerne la faculté de médecine et sa rénovation, dont le traitement sera volontairement laissé de côté dans le cadre du PFE. Le deuxième se focalise sur la moitié nord du site par rapport à la rue Henri Huchard et est traitée dans ce projet par Paul Rognon, se concentrant sur l’ouverture au-delà du boulevard périphérique et aux évènements liés sur, ainsi que de part et d’autre de celui-ci; notamment dans le parc Edouard Vaillant à Saint-Ouen. Enfin, le troisième, traité par Étienne Kirsch, concerne la partie au sud de la rue Henri Huchard, c’est-à-dire la partie Claude Bernard du complexe hospitalier, qui deviendrait le second hémisphère de la faculté en proposant des espaces de travaux pratiques, d’expérimentation, mais aussi des services universitaires et des espaces d’exposition ouverts au public.


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Diviser pour mieux régner - Axonométrie


INTRODUCTION

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Les potentiels et enjeux relevés lors des premières visites et analyses du site ont mené à des intuitions fondamentales servant d’objectifs de projet. Premièrement, ouvrir le site et opérer des franchissements urbains : sur un axe nord-sud entre le boulevard des Maréchaux et SaintOuen avec la possible colonisation d’un boulevard périphérique à l’heure actuelle inhospitalier; mais aussi sur un axe est-ouest reprenant le tracé interrompu de la rue Henri Huchard pour jeter les bases d’un mail piétonnier. Deuxièmement, en rationaliser l’organisation pour obtenir un ensemble urbain clair et facile à parcourir ainsi que remettre en cohérence l’architecture qui s’y trouve pour pouvoir y lire une certaine unité. Ce point est en effet soulevé par Martin Steinmann dans la Forme Forte : «L’être humain a besoin de simplicité et de clarté pour s’orienter,d’unité pour fonctionner correctement, et de diversité pour être stimulé. Or, « ces besoins sont mieux satisfaits par certaines structures que par d’autres»2 L’unité architecturale devient donc la condition sine qua none du troisième objectif projectuel, à savoir l’augmentation des capacités des édifices conservés, la densification du site par l’extension de l’existant ainsi que la création de nouveaux bâtiments. Comment alors atteindre ces objectifs dans le projet ? Comment transmuter Bichat-Bernard ?

2 : STEINMANN M. « La Forme Forte, vers une architecture en deçà des signes.», p189 in Forme Forte, Écrits 1972-2002, éd. Birkhauser, 2003, Bâle. NDA : Steinmann cite le théoricien de l’art Rudolf Arnheim.


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Préparer le terrain : démolitions et restructurations envisagées - Axonométrie


PARTIE 1 : HARMONISER


Réfraction réticulée - Photographie


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PARTIE 1 : Harmoniser

Chapitre 1 : Tramer pour coloniser Établir une méthode de travail Les objectifs d’ouverture et d’augmentation du site sont sous-tendus par celui de clarification urbaine et architecturale. Est envisageable dans ce cadre une approche architecturale la plus unitaire possible dans son écriture, et ce dans un but de clarté de lecture par rapport à l’existant présent, l’action entreprise ici s’approche d’une forme de colonisation cherchant à unifier sous son égide les différents éléments présents sur le territoire. Ceci implique la formulation d’une méthode de travail simple et adaptable aux différents milieux composant le site. Nous avons donc effectué quelques recherches sur les stratégies urbaines employées lors de colonisations. La trame comme outil de planification Les premières lignes spatiales servant à orienter nos réflexions sont la rue Henri Huchard et l’axe nord-sud traversant le site à partir de l’entrée historique située sur le boulevard Ney. En se référant à l’arpentage romain, ceux-ci représenteraient respectivement les cardo et decumanus du site. Issus de l’organisation viaire et bâtie existante sur le site, ils offrent un angle de référence régulier utile à l’objectif de clarification urbaine et permet de rationaliser les interventions projetées dans un soucis d’efficacité. De plus, ils permettent de définir des lignes viaires secondaires au sein du site, jetant ainsi les bases des espaces publics et des accès. Cependant, et comme dans les actions entreprises à Paris sous l’autorité du baron Haussmann, les passages et espaces définis par ces axes dans le site impliquent des percées ponctuelles voire des démolitions de bâtiments pour faire correspondre trame projetée et trame existante.


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Lignes de repère - Axonométrie


PARTIE 1 : Harmoniser

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Cette orientation choisie permet une première trame spatiale de l’intervention menée mais aide peu à la définition constructive de l’intervention car ne définissant pas de mesures finies. Il manque donc à l’ensemble une unité de mesure permettant de fixer précisément les dimensions des dispositifs urbains et architecturaux dans le site. Les plans urbains coloniaux se basent par principalement sur des mesures corporelles comme l’empan, la coudée, le pied ou le pas; par exemple un côté de place coloniale portugaise se calcule avec une unité de base de 500 empans pour des raisons pratiques (circulations des foules et des véhicules notamment) mais aussi esthétiques et typologiques car la place accueille divers bâtiments publics tels que les églises.3 Ces stratégies exogènes sont élaborées pour des terrains vides ou presques de constructions alors que l’intervention ici pratiquée se fait dans un site bâti. Sur quelle mesure étalonner la trame projetée ? Rappelons que le complexe hospitalier Bichat-Claude Bernard est composé de plusieurs typologies différentes issues de plusieurs époques et modes constructifs. En résulte une diversité des trames structurelles présentes. Le choix a donc été fait de trouver un dénominateur commun basé sur une partie de la trame des poteaux du socle du CHU de Bichat dont l’entraxe fait 6,70m et l’épaisseur des bâtiments du XXe siècle de Claude Bernard construits en majorité en façades porteuses (8 à 10m). Nous avons donc obtenu une unité carrée de 6,30m x 6,30m adaptable permettant de commencer à travailler la constitution des interventions sur le site mais aussi sur son environnement immédiat. En effet, l’un des avantages de la trame est de faciliter l’appréhension géométrique d’un territoire par la pose d’une forme régulière. Dans notre cas, le territoire à coloniser serait le boulevard périphérique et ses abords côté Saint-Ouen.

3 : FERNANDES, J. M. . « L’ Inde et le sud du Brésil: plans de l’urbanisme portugais au XVIIIe siècle.» in La Ville Régulière : Modèles et Tracés, (dir. Xavier Malverti, Pierre Pinon) éd. Picard, Paris, 1997


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Ce qui se trame à Bichat - Axonométrie


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PARTIE 1 : Harmoniser

Chapitre 2 : La réticulation comme langage commun De la pertinence de la trame ajoutée dans un site bâti : un support virtuel du projet La trame réticulée est ici considérée comme support virtuel du projet, permettant la mise en place de lignes guides. Cependant, il s’agit ici de détourner certaines propriétés de la grille. Koolhaas parle ainsi du “plan typique” américain comme d’une invention “neutre”; “sans qualité”, “degré zéro de l’architecture”, auquel Lucan ajoute que la seule fonction de son programme est de “laisser ses occupants exister”4 . A l’échelle urbaine, le “plan typique” forme une ”condition” plutôt qu’un “lieu”. La critique de la grille est ici acerbe, mais elle met en valeur des caractéristiques pouvant se révéler utiles dans la situation de projet présente, c’est-à-dire l’intervention dans un environnement bâti existant. Est reproché au système de trame réticulée une nature trop artificielle et coupée de l’environnement dans laquelle elle s’insère, à l’instar d’un carroyage archéologique qui reste en suspens au-dessus du terrain qu’il découpe. En l’inscrivant directement dans le territoire, il s’agit aussi de transformer la trame en une base de tissu cicatriciel entre le parcellaire post-agricole audonien, le périphérique, la ceinture parisienne et enfin le Paris haussmannien. Cette trame neutre servirait de franchissement aux différentes singularités et tissus urbain à la manière d’une réparation de textile par l’ajout d’un élément supplémentaire liant les parties séparées.

4 : LUCAN, J. Composition, non-composition: architecture et théories, XIXe-XXe siècles. pp 457-459 Lausanne, 2017, Presses polytechniques et universitaires romandes.


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Terrain d’entente - Plan


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PARTIE 1 : Harmoniser

Mise en place d’une grammaire géométrique La réticulation offre une logique efficace, si elle est bien entendue mesurée et adaptée aux situations rencontrées. Elle permet néanmoins de lier toute l’intervention urbaine par un même langage qui se distingue de l’existant. Sa neutralité la rend aussi protéiforme et lui donne la propriété de propagation, comme dans les villes romaines ou américaines, et exacerbée dans la “Non-Stop City” d’Archizoom ou le “Monument Continu” de Superstudio. Elle donne en effet des règles spatiales simples d’application pour construire dans un milieu encore hostile; ce qui est particulièrement intéressant sur le front nord de Bichat où des moyens de franchissement et de colonisation sont à chercher. Il s’avère aussi Bichat-Bernard est hétérogène au moins dans les typologies qui y siègent et leur disposition dans le site, sans encore parler des différentes matérialités. En outre, l’ensemble fait déjà lieu. La neutralité de la trame réticulée et la “condition” qu’elle implique permet non seulement de rationaliser l’organisation spatiale présente mais aussi de mettre à profit la “surface neutre” qu’elle produit pour mettre en valeur le patrimoine conservée sur le site par contraste entre monotonie et exception; stratégie employée par Haussmann pour révéler monuments et édifices publics. Comme le résume Lucan : “ Le neutre définit donc un fond par rapport auquel les activités peuvent se développer.”5 Le langage commun à tous le site peut se transformer en dialecte selon les situations et les usages rencontrées; en définitive se moduler pour mieux transformer l’existant et non pas l’annuler pour systématiquement créer exnihilo. De même, cette modulation permet d’éviter certains écueils liés à la répétition systémique et éviter ainsi le phénomène de “surface neutre”.


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Canvas pour Bichat - Collage


PARTIE 2 MODULER


Tramer / dĂŠtramer - Photographie des auteurs


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PARTIE 2 : Moduler

Chapitre 3 : Traduction architecturale de la trame urbaine Transcrire le système planifié par le module Jusqu’ici la trame répond pour la majeure partie à des considérations urbaines, et quand elle répond à des considérations architecturales elle ne reste encore qu’un support virtuel, une abstraction encore peu perceptible à hauteur d’œil humain si ce n’est pour les espaces créés par celle-ci, places et voies engendrées par la pose de la trame sur le site et de l’application qui s’en suit. Il est alors proposé de signifier la trame employée pour aller au bout de la démarche et signifier clairement l’intervention dans le site. La traduction architectonique de la trame réticulé passerait donc par un module, une unité de mesure du projet architecturale. En se basant sur la trame définie précédemment, la version basique ferait une dimension de 6,3m par 6,3m correspondant ainsi à une maille standard de notre trame. L’instauration d’un module permet une facilité de lecture : Léon Battista Alberti utilise par exemple des arcades à intervalles réguliers dans l’église Santa Maria della Novella à Florence ou au Temple Malatesta de Rimini pour donner une vision géométrique claire des édifices construits, signifiant la méthode de conception employée. Sont également notables les travaux effectués par les Smythson sur l’Economist Building ou ceux de Albert & Cassan le campus de Jussieu avec la mise en valeur du tramage planificateur à travers le traitement du sol, de la structure ou des façades pour signifier l’identité des éléments ajoutés par rapport au contexte. Ceci implique donc une cohérence du langage architectural utilisé pour harmoniser au mieux la lecture des dispositifs architecturaux proposés sur le site.


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Campus de Jussieu : lire la mesure - Photographie


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PARTIE 2 : Moduler

Jouer sur les règles établies La trame définit un cadre géométrique à l’intervention, mais ne contribue pas en elle-même à la création d’un cadre spatial. Dans l’approche choisie, le croisement entre adaptation à l’existant couplée à la réponse à des intentions programmatiques et urbaines crée la spatialité du projet. Ce module permettra aussi de garder l’ensemble de l’intervention cohérent, dans le cas où l’élément ajouté sur le site se décale de la trame et plus particulièrement quand il s’agit de travailler directement sur un édifice existant. Des extensions de bâtiments basées sur les mêmes orientations et mesures que celles de la trame choisie sont ainsi imaginables pour planifier le site, bien qu’il résulte de l’adaptation à l’existant un léger décalage par rapport à la trame d’implantation. Chaque action peut s’inscrire dans un module entier, multiplié ou subdivisé pour répondre au mieux à chaque besoin rencontré à la manière des tatamis (91x182cm) dont le dessin forme les pièces de la maisonnée nippone.


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Concrétiser la trame - Axonométrie


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PARTIE 2 : Moduler

Chapitre 4 : Le module comme outil constructif polyvalent Rendre les intentions concrètes

Les objectifs projectuels d’ouverture, de clarification et d’augmentation se transforment tout au long du processus de projet en gestes architecturaux; dont la réticulation évoquée dans la partie précédente. Bien entendu, d’autres gestes l’accompagnent, notamment les franchissements nécessaires à la poursuite de l’objectif d’augmentation. On en distingue ici deux types : ceux à effectuer audessus d’un vide pour coloniser un territoire tout en laissant le sol libre, ce qui est notamment envisagé sur le boulevard périphérique au nord du site; et ceux à effectuer au-dessus d’un plein , c’est-à-dire un bâtiment existant, de manière à lui fournir une augmentation quasi indépendante. Ces gestes présupposent donc des systèmes structurels capables de fonctionner sur de grandes dimensions et avec une incidence au sol minimale. Les espaces créés par les gestes entrepris doivent aussi se montrer adaptables aux différents besoins programmatiques : promenades, ateliers, espaces de rencontre… le système constructif utilisé doit permettre une adaptation des parois en fonction; une différence entre structure et remplissage. Au vu des intentions formulées, le projet se baserait donc principalement sur un système constructif en poteaux et poutres visibles afin de donner à voir les modules mis en place. De plus, les nombreux franchissements envisagés orientent vers des solutions permettant de grandes portées avec un minimum d’appui au sol.


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MatĂŠrialisation modulaire - AxonomĂŠtrie


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Franchir Bichat et crĂŠer au-delĂ - Coupe et collage


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Franchir Claude Bernard et crĂŠer par-dessus - Coupe et collage


PARTIE 3 : APPLIQUER / CONFRONTER


100 filets - Photographie des auteurs


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PARTIE 3 : Appliquer / Confronter

Chapitre 5 : Rencontre du troisième type Trame stérile ? Comme énoncé en première partie, la pose d’une trame orthogonale sur un territoire dans le but d’y réguler l’implantation d’activités et de constructions humaines est une méthode de planification urbaine utilisée depuis l’Antiquité. Ce n’est cependant pas le seul mode disponible pour implanter ou modifier la ville sur un terrain donné. La comparaison avec d’autres méthodes laissant la part belle à une approche artistique plutôt que fonctionnelle, comme la trame, a mené à une forte critique du tramage urbain de la part d’auteurs comme Camillo Sitte. Celui-ci fait dans son livre “L’art de bâtir les villes : L’urbanisme selon ses fondements artistiques”6 la promotion de plans d’aménagement urbains sur mesure, pour chaque situation rencontrée, en suivant cependant certaines règles de composition mais en privilégiant toujours les rapports visuels et les ambiances pour arriver à un état dit “pittoresque”; fustigeant ainsi les méthodes plus globales et systématiques comme celui de la Groszstadt de son contemporain et compatriote Otto Wagner, reprochant une nature trop artificielle et mathématique négligeant les rapports visuels, instaurant trop de répétitivité et se révélant peu adaptée aux différents contextes environnementaux. La trame urbaine rendrait-elle forcément le territoire stérile, vierge de tout événement urbain car les effaçant dans sa rigueur géométrique ? La grille devient-elle obligatoirement une “surface neutre” ?

6 : SITTE, C. L’Art de bâtir les villes: l’urbanisme selon ses fondements artistiques. Vienne, 1903 Réédition au Seuil Paris, 1996 Traduction : WIECZOREK, D Direction : CHOAY, F.


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Rencontres entre exogène et endogène, simple et complexe Un des enjeux lié à l’application d’une grille urbaine sur un territoire provient de la différence de nature entre les deux. La trame est une construction humaine exogène réglée mathématiquement et laissant peu de place au hasard car réglée selon des variables définies et simples alors que la topographie sur laquelle elle s’inscrit est endogène au territoire, organique dans sa fabrication car obéissant à un nombre de variables considérable.Elle est donc plus complexe qu’une simple trame orthogonale. Dans le cas où la topographie est relativement régulière, plate, la pose d’une trame orthogonale ne crée des événements qu’en plan, suivant les différents éléments présents sur le terrain : c’est par exemple le cas de la ville américaine de Savannah dans l’État de Géorgie fondé par le général James Oglethorpe en 1733. Située à l’embouchure de la rivière Savannah sur une relief très plat, la grille urbaine définissant les voiries et le parcellaire n’est contrainte que par la présence de la rivière. Un réseau orthogonal de rues est donc construit par des voies perpendiculaires et parallèles à cette dernière. Le relief est finalement créé artificiellement par l’implantation de bâtiments et aménagements de volumes pleins et vides au sein de cette trame.


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Savannah : rencontre du premier type - Plan historique de 1856 , New Georgia Encyclopedia


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Savannah : rencontre du premier type - Photo par drone (Felix Mizioznikov, 2016)


PARTIE 3 : Appliquer / Confronter

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Mais que se passe-t-il lorsque la grille urbaine, relativement simple dans sa nature, rencontre une topographie complexe ? L’architecte française Florence Lipsky observe cette confrontation dans son livre “San Francisco : la grille sur les collines”7. La première partie explore la grille américaine et les mécanismes sousjacents à sa création et son implantation.En deuxième partie, Lipsky effectue une exploration historique critique des différentes trames utilisées à San Francisco, depuis sa formation à partir d’un presidio à son état contemporain en passant par les différentes catastrophes qui ont modelée la ville (séismes, incendies…). La troisième partie, qui partage son nom avec le titre du livre, s’intéresse aux événements créés par l’interaction entre la trame et le relief accidenté de la ville californienne, s’étendant sur quarante-deux collines. Par l’étude de cinq quartiers sont analysés les différents dispositifs urbains déployés lors de la confrontation entre trame régulière et fort dénivelé catégorisés en “déformations”, “cassures” ou “renoncements”. Sont ainsi mis au jour une multitude d’événements urbains contournant, passant outre ou tirant parti du terrain : tunnels, escaliers, points de vue, jardins en pente...etc Il apparaît donc ici que la trame orthogonale n’est pas forcément porteuse d’homogénéité complète et peut présenter, à l’instar des modes d’urbanisme défendus par Sitte, des événements pittoresques grâce à l’interaction entre celle-ci et l’environnement sur lequel elle est appliquée.

7 : LIPSKY, F., & SCHOCH, C. . «San Francisco, la grille sur les collines = The Grid meets the Hills.» Marseille, 1999 éd. Parenthèses.


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La Grille sur les Collines AxonomĂŠtrie Florence Lipsky


CONCLUSION


Porte Ney- Photographie des auteurs


CONCLUSION

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Le complexe hospitalier Bichat-Claude Bernard s’est révélé être un lieu d’intervention complexe tant par la grande diversité architecturale qui y est présente que son organisation interne ainsi que la situation urbaine dans lequel il se trouve. La découverte du site par son parcours et sa documentation a formé quelques intuitions fondatrices pour le projet à élaborer : ouvrir l’ilôt, le clarifier, franchir ses limites, augmenter son potentiel. Celles-ci se sont transformées en objectifs à poursuivre tels que le franchissement du périphérique; l’augmentation d’édifices passant pour obsolètes ou l’unification de l’intervention architecturale sur le site. Ces intentions ont poussé à la création d’une méthodologie efficace et adaptable, et par ricochet à la réflexion sur la pertinence de celle-ci vis-à-vis de la nature du site et de l’intervention y étant entreprise. Il a en effet été choisi d’employer une trame orthogonale servant à la fois d’outil de planification mais aussi de conception grâce au module tridimensionnel qui en découle; choix pouvant paraître peu subtil dans un projet de transformation des éléments architecturaux présents sur un site. Cependant, à travers les différentes étapes de projet ainsi que la réflexion menée en parallèle sur la méthode employée il a été possible d’en montrer la pertinence dans la situation donnée en nuançant l’approche rigide induite par la grille par son application à l’existant créant divers évènements et par sa modulation répondant à divers besoins et volontés; le tout en facilitant l’unité du langage architectural de l’intervention par rapport à l’existant. Le contraste ainsi créé permettant une lecture claire de l’ensemble urbain transformé. Il s’agit donc de proposer un ensemble cohérent d’actions sur le site et son environnement, un projet architectural et urbain transformant l’actuel complexe hospitalier Bichat-Claude Bernard en un futur campus universitaire; une proposition alternative et résiliente ancré dans le Grand-Paris.


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SOURCES

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SOURCES


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Silence savant - Photographie


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SOURCES

Bibliographie BALLARD, J. G., MAUMÉJEAN, X. (2014). La trilogie de béton. Paris, Gallimard. BRAYER, M.-A. (2013). Architectures expérimentales, 1950-2012 : collection du FRAC Centre. CHOPPIN, J., DELON, N. (2014). Matière grise: Matériaux/Réemploi/Architecture. Paris, Pavillon de l’Arsenal. CORAJOUD, M. (2000) «Le projet de paysage : lettre aux étudiants» in Le jardinier, l’artiste et l’ingénieur. Besançon, Éditions de l’Imprimeur. FERNANDES, J. M. (1997) « L’ Inde et le sud du Brésil: plans de l’urbanisme portugais au XVIIIe siècle.» in La Ville Régulière : Modèles et Tracés, (dir. MALVERTI X., PINON P.) Paris, Éditions Picard. FRIEDMAN, Y., RAGON, M. (1978). L’Architecture de survie: où s’invente aujourd’hui le monde de demain. Paris, Casterman. GRAF, F. (2014). Histoire matérielle du bâti et projet de sauvegarde devenir de l’architecture moderne et contemporaine. Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes. KOOLHAAS, R. (2011). Junkspace: repenser radicalement l’espace urbain. Paris, Payot & Rivages.


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LIPSKY, F., SCHOCH, C. (1999) «San Francisco, la grille sur les collines = The Grid meets the Hills.» Marseille, éd. Parenthèses. LUCAN, J. (2012). Où va la ville aujourd’hui: formes urbaines et mixité. Paris, La Villette. LUCAN, J. (2017) Composition, non-composition: architecture et théories, XIXe-XXe siècles. Lausanne,, Presses polytechniques et universitaires romandes. MANGIN, D., GIRODO, M. (2016). Mangroves urbaines: du métro à la ville : Paris, Montréal, Singapour. MIGAYROU, F. (2002). Architecture radicale: Institut d’art contemporainIAC, Villeurbanne, du 12 janvier au 27 mai 2001. Villeurbanne, IAC. NICOLAS, F., QUERRIEN, G., (2017) «Transition énergétique/transition architecturale» in Archiscopie n°10 RAMBERT, F., COLOMBET, M., CARBONI, C. (2015). Un bâtiment, combien de vies ?: la transformation comme acte de création. [exposition, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 17 décembre 2014-28 septembre 2015]. Milan, Silvana editoriale. RIBOULET, P. (1989). Naissance d’un hôpital: journal de travail, mai-octobre 1980. Paris, Plon.


SOURCES

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SOURCES

Podcasts WALL STREET JOURNAL : The Future of Everything https://www.wsj.com/podcasts/browse/wsj-the-futureof-everything Projets architecturaux non construits BRANZI ANDREA, ARCHIZOOM (1979) Non stop city, SUPERSTUDIO (1975) SUPER SUPERSTUDIO, Monument Continu FRIEDMANN, YONA (1959-1970), Paris spatiale


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Références architecturales construites ALBERTI (XVème siècle) Tempio Malatesta, Rimini ALFONSO FEMIA ATELIER (2009-2015) Docks de la Joliette, Marseille A+SAMUELDELMAS (2014) Complexe hospitalier Broussais, Paris 14e ALBERT, CASSAN (1968) REICHEN & ROBERT, ARCHISTUDIO, AGENCE PERIPHERIQUES (2003) Campus de Jussieu, Paris 5e ANMA + ANTONINI DARMON (2001-2011) Halle aux Farines, Université PVII Diderot, Paris 13e ATELIER AUGUSTE PERRET (1945-1964) Reconstruction du centre-ville du Havre JO COENEN & CO ARCHITEKTEN (2007) Openbaar Public Library, Amsterdam JUNG ARCHITECTURES (2015) Magasins Généraux, Pantin LODS, DEPONDT et BEAUCLAIR, CHATILLON F. (1969 - 2017) Maison des Sciences de l’Homme, Paris, OMA (2009-2015), Timmerhuis, Rotterdam STUDIO MUOTO (2016), Lieu de Vie, Saclay SMITHSON A&P (1959-65), The Economist building, Londres




Bastion sur le fil séparant Paris de sa banlieue, le complexe hospitalier BichatClaude Bernard fait progressivement face à son obsolescence. Cet ilôt hétéroclite dans le paysage francilien fournit pourtant de formidables atouts pour bâtir le Grand Paris de demain. Comment tirer parti de sa richesse architecturale et de sa situation urbaine ? Par delà boulevard Périphérique et Maréchaux, entre nord et sud, Paris et sa banlieue, de grandes mutations sont à l’oeuvre Porte de Saint-Ouen. Ouvrir le site, s’affranchir des limites et augmenter l’existant : voici le récit des transmutations de Bichat.


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