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MIDI LIBRE MONTPELLIER MARDI 9 AVRIL 2013 LE CHIFFRE 90
ARTDEVILLE MERCREDI 10 AVRIL 2013 DOUBLEMENT DE L’A9 : LE VERITABLE ENJEU
Doublement de l’A9 : le véritable enjeu • Un périphérique et des projets immobiliers • La confirmation du ministre des Transports • L’autre solution de l’économiste Nicolas Bouzou • Exemple : la voie créative tracée au Mas Rouge. Par Fabrice Massé
Au pied du Corum, le 27 mars dernier, artdeville a interrogé vingt personnes au hasard, de tout âge et de toutes conditions : « Savez-vous qu’il se crée un périphérique autour de Montpellier ? » La réponse fut unanime : « Non, je ne suis pas au courant. » Aucune n’avait entendu parler du grand projet d’infrastructure routière planifié par les collectivités locales depuis de longues années. Ce mini-sondage, réalisé certes hors des canons de l’expertise, donne néanmoins une idée stupéfiante sur l’état de la démocratie locale. Alors que la majorité des élus locaux se tournent aujourd’hui vers l’Etat pour obtenir ses ultimes financements, le projet de périphérique autour de Montpellier n’existe simplement pas auprès de ses futurs utilisateurs potentiels ! Treize personnes, toutes montpelliéraines, savent toutefois que l’A9 devrait être doublée. Après avoir « vendu » abusivement le doublement de l’A9 pour des questions de sécurité (chicxulub n° 31), ce déficit démocratique serait-il néanmoins pourvoyeur d’emplois ; cacherait-on la vérité aux Montpelliérains pour leur bien ? Le ministre des Transports a pourtant lui-même confirmé le projet à artdeville. Venu le 15 mars dernier à la demande de Jean-Pierre Moure, président de Montpellier-Agglomération, M. Cuvillier répondait à ces quelques questions : Le financement par l’Etat d’un périphérique autour de Montpellier n’est-il pas contradictoire avec celui de la LGV (ligne à grande vitesse dont l’Etat peine à assurer le financement dans la région) ? Pourquoi ? Lorsque vous êtes dans une voiture, vous n’êtes pas dans un train. Le contournement peut avoir une utilité en terme de désengorgement. Je sais qu’il y a une politique de développement durable dans cette agglomération, dans cette ville – une politique très poussée, qui est d’ailleurs un exemple depuis longtemps. Donc, il est normal d’accompagner aussi des infrastructures qui, si elles s’avèrent nécessaires, sont à la fois d’un enjeu local mais aussi… Si elles s’avèrent nécessaires ? Ce n’est pas sûr ? Ce sont des projets qui méritent… C’est le sens de ma présence. Et de ma présence non pas quelques heures, mais je suis arrivé hier soir, je prends le temps de rencontrer tout le monde ; je prends le temps de visiter, et d’apprécier les projets dans leur utilité et dans leur priorité.
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Donc rien n’est encore fait ? Nous y travaillons ; rien n’est fait. Vous savez ce sont des chantiers qui sont importants. On parle bien d’un périphérique ? Oui, oui, je vous réponds sur le périphérique. Je vous réponds sur un projet qui est d’environ 200 millions d’euros. Donc, ce n’est pas rien. Si M. Cuvillier est peut-être le premier à valider le terme de périphérique, l’adjoint à l’Urbanisme de Montpellier, Michaël Delafosse, avait déjà décrit à artdevillle (chicxulub n° 37) « la volonté de créer une rocade qui soit un anneau de distribution à l’échelle de l’agglo ». Aucune communication officielle, semble-t-il, n’évoque de projet en ces termes. Il est question du doublement de l’A9, de la transformation de l’A9 actuelle en rocade, des contournements est, ouest et nord, ce qui constitue en effet une entité circulaire globale autour de Montpellier. Mais jamais n’apparaît explicitement le terme de « périphérique » désignant cette infrastructure comme une entité. Ou plutôt si. Bernardo Secchi l’utilisait très récemment. L’urbaniste du cabinet Secchi&Vigano, chargé par la municipalité de concevoir la ville à l’horizon 2040, expliquait dans le dernier artdeville qu’il était résolument opposé à ce type d’infrastructure routière : « Non, non. Le périphérique a toujours mal fonctionné. » Confirmant l’existence du projet, il expliquait que ces infrastructures sont « des catastrophes ». Les chiffres circulent et donnent le tournis Autre information, M. Cuvillier valide un montant qui fait polémique : 200 millions d’euros. Un éclaircissement bienvenu autour de ces chiffres dont la véritable destination était jusqu’ici plutôt floue. Attribués par Europe Ecologie – Les Verts à « l’adaptation des voies actuelles (créations de sorties nouvelles notamment) » après la mise en fonction de l’A9 bis, ces 200 millions financeront en fait également les contournements est et ouest qui manquent au bouclage de la ville par cette ceinture de rocades. Comme le précisait le préfet du Languedoc-Roussillon dans un communiqué : « La requalification environnementale de l’actuel itinéraire ayant vocation à devenir le futur boulevard urbain […] a d’ores et déjà été programmée pour un coût total de 63 M€ HT ». Reste 140 M€ attribués au périf. Ou 160 M€ selon La Lettre M citant le président de Montpellier-Agglo, Jean-Pierre Moure, qui feront donc l’objet de l’arbitrage ministériel. 63 M€ hors taxes, cette précision rappelle que la planification de l’A9 bis rapportera plusieurs millions aux caisses de l’Etat selon le taux de TVA applicable. En ce contexte de crise, une des motivations de cette réalisation ? Car 800 M€ HT pour les travaux de l’A9 bis elle-même, entièrement pris en charge par les Autoroute du Sud de la France (ASF – Groupe Vinci), c’est environ 100 M€ que l’Etat empochera. D’où le choix de l’option longue de 25 km plutôt que celle de 8 km, au moindre impact environnemental ? Ce même raisonnement vaut également pour les vastes programmes immobiliers qu’alimenteront ces périphériques et autoroute. Francis Vennat, le directeur de l’INSEE Languedoc-Roussillon, le rappelait lors d’une conférence sur l’avenir économique de notre territoire, organisée au Corum par la Chambre de commerce et d’industrie de Montpellier, mi-mars, l’urbanisation se développe principalement « autour des axes autoroutiers, mais ça, ce n’est pas un scoop. » On comprend néanmoins mieux l’enjeu de ces infrastructures pour les collectivités locales. En terme d’impôts locaux, c’est une manne colossale. 30 000 logements pour le seul projet urbain OZ représentent environ 72 M€/an ! La pénurie de logements et notamment de logements sociaux reste certes une réalité. La solution « très simple » selon Nicolas Bouzou
ARTDEVILLE MERCREDI 10 AVRIL 2013 DOUBLEMENT DE L’A9 : LE VERITABLE ENJEU
Avec un taux de chômage qui atteint des records, périphérique et doublement de l’A9 seront-ils en tout cas pourvoyeurs d’emplois, comme les promoteurs de ces projets le certifient ? Pas si sûr, affirmait l’économiste Nicolas Bouzou lors d’une conférence sur l’avenir économique de notre territoire, organisée par la Chambre de commerce et d’industrie de Montpellier mi-mars. « Je ne vais pas être politiquement correct », prévenait-il. Puis, s’adressant aux élus et acteurs économiques avec lui à la tribune : « Vous ne pensez pas sérieusement que ça crée le moindre emploi ? », les questionnait-il, parlant du doublement de l’A9. Alors que l’animateur du débat, Pierre Paul Castelli répondait à leur place « Si, si. 1 500 ici et 5 000 là ! », Nicolas Bouzou répliqua : « Alors vous n’êtes pas obligé de les croire. » Peu avant, il expliquait que si la région s’était développée notamment grâce au secteur de la construction « plutôt mieux qu’ailleurs », l’environnement économique avait changé et que l’agroalimentaire devenait ici un marché porteur. Il conclut son propos en préconisant une « solution très simple » selon lui, qui passerait par l’attractivité du territoire auprès de la « classe créative* ». Citant l’économiste Richard Florida, il expliqua combien attirer – et surtout retenir – ces concepteurs de la ville était « très important » pour créer des emplois. Or « ces gens-là, c’est des bobos comme moi, ils se déplacent à vélo ». Et nourrissent parfois des projets agricoles (lire ci-après). Wikipédia rappelle que dans The Rise of the Creative Class (2002), Richard Florida cite le PDG de HewlettPackard, Carley Fiorina, s’adressant aux maires des grandes villes : « Keep your tax incentives and highway interchanges, we will go where the highly skilled people are. » Autrement dit : gardez vos incitations fiscales et vos carrefours autoroutiers, nous irons là où se trouvent les talents. Un point de vue partagé par Nicolas Bouzou. Avant de monter à la tribune, il avait confié à artdeville : « Vous ne croyez pas que ces 800 millions d’euros de l’autoroute seraient plus utiles injectés dans le soutien aux créateurs d’entreprises locaux ? » La voie créative tracée au mas Rouge Ce sont précisément ces « bobos » de la « classe créative » qui ont choisi de s’installer au Mas Rouge, entre Montpellier et Lattes. Corinne Lamberty, Aurélie Mexandeau, Olivier Gounon-dit-Ascain et Claire Atger, pour le dire tout net, en seraient même l’archétype si cette notion de « classe créative » ne leur déplaisait : son côté « sectaire ». Débarqués de Paris et attirés par « l’image dynamique de l’agglomération de Montpellier » en 1999, ils sont venus avec en tête le souvenir de leurs années d’études ici. Avec l’idée aussi de prolonger dans le Sud leurs expériences réussies à Evry-sur-Seine, notamment, dans la restauration de friches urbaines ; les deux principaux bâtisseurs de ces projets sont architectes – Corinne et Olivier. Après trois ans de repérages, leurs cœurs chavirent pour le domaine Fitzgerald du Mas Rouge et ses 13 ha attenants. Abandonnés depuis des lustres, un simple coup de peinture n’y suffira pas. Paradoxalement, c’est ce qui rend l’opération financièrement accessible. Autre problème, dissuasif celui-ci, le doublement de l’A9 qui anéantira l’ambiance bucolique des lieux. Après l’avis de la commission d’enquête publique de 2005, « défavorable à l’unanimité, ce qui très rare », souligne Olivier, le groupe d’amis est convaincu de pouvoir se lancer. « On avait confiance ; ce doublement est tellement absurde ! » Après l’achat, rien ne semble ébranler leur enthousiasme : dépôt de permis, travaux… Selon le principe, précurseur à l’époque, de l’autopromotion, trente lots sont constitués en ateliers-habitations, destinés à des travailleurs indépendants, artistes ou autres créateurs qui partagent les mêmes besoins… Et les mêmes envies : travailler et vivre dans un même lieu agréable et convivial. En trois ans, l’affaire est vite bouclée et le domaine Fitzgerald devient le havre de douze activités : un fabriquant de Kitesurfs, un photographe, deux peintres, un vidéaste… ont rejoint les architectes au Mas Rouge. Cent adultes et enfants y vivent aujourd’hui. Au final, le prix de revient au m2 pour chacun s’est fixé autour de 1 500 euros au lieu de 2 800 en ville. Un Joli coup ?
ARTDEVILLE MERCREDI 10 AVRIL 2013 DOUBLEMENT DE L’A9 : LE VERITABLE ENJEU
Pas si sûr. Pendant que l’équipe de copropriétaires récolte les premiers légumes bio de leur jardin partagé, finalise leur projet d’exploitation maraîchère solidaire (insertion par l’emploi avec l’association Le jardin de Cocagne), celui du doublement de l’A9 ressurgit. « Avec toutes ces épées de Damoclès qui nous menacent, on ne peut pas dire qu’on nous facilite la tâche ! », désespère Aurélie Mexandeau, directrice de l’union régionale des Scop et « heureuse » copropriétaire des lieux. Potentiellement cerné par les voies routières et autoroutières, le bien nommé Mas Rouge résiste. 60 % de ses terres agricoles sont vouées à disparaître. « On nous a culpabilisés, insultés sur l’aspect sécurité [de l’A9 bis], maintenant on veut nous condamner au nom de l’emploi ! », se désole Aurélie. « On n’arrive pas à faire comprendre combien l’opinion est manipulée », regrette-t-elle. Alors que les politiques nationale et locale sont à la promotion des « circuits courts » notamment pour l’agriculture, qu’un classement « Haute valeur paysagère » est censé protéger le site, que la création d’emplois est l’urgence absolue pour tous… « on sert d’argument sur toutes les plaquettes de promotion des programmes immobiliers qui anéantiront tout. » Aurélie, Olivier, Corinne, Claire, Maylis… sont consternés par le cynisme qu’ils observent. « On ne se bat pas pour avoir 4 euros de plus. » Le prix au m2 qu’on leur propose pourrait en effet doubler, rien ne semble pouvoir remplacer la perte de leur idéal, une vie meilleure pour tous. Artdeville a contacté la ville d’Evry-sur-Seine où Olivier Gounon-dit-Ascain, Corinne Lamberty et Claire Atger ont restauré plusieurs friches urbaines et où le chômage atteint également un record. Hasard ou résultat logique d’une politique attractive pour les « classes créatives » ? Le siège social de la Fnac, le siège administratif d’E. Leclerc et un département universitaire de Polytec sont sur le point de s’y implanter ; un service du ministère des Finances serait également en vue. •
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LA GAZETTE JEUDI 18 AVRIL 2013 COMMENT L’A9 VA ETRE TRANSFORMEE EN PERIPH’
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