AVANT-PROPOS
FOREWORD
30 ANS D’AVANCE PAR BY HÉLÈNE PESKINE ARCHITECTE URBANISTE EN CHEF DE L’ÉTAT, SECRÉTAIRE PERMANENTE DU PLAN URBANISME CONSTRUCTION ARCHITECTURE (PUCA) STATE CHIEF ARCHITECT AND URBANIST, PERMANENT SECRETARY FOR THE PLAN FOR URBANISM, CONSTRUCTION AND ARCHITECTURE.
Depuis 30 ans, le concours Europan s’adresse aux jeunes professionnels de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage, pour créer un dialogue singulier avec les collectivités territoriales autour de projets innovants et fédérateurs. Ce concours est d’abord une démarche. Elle cristallise la rencontre d’une jeune maîtrise d’œuvre pleine de promesses et d’une maîtrise d’ouvrage ambitieuse, généreuse, autour des enjeux d’aménagement durable des villes et des territoires. Dans une grande diversité de situations urbaines, les villes engagées dans Europan attendent des réponses aux défis auxquelles elles sont confrontées : lutte contre le dérèglement climatique, accueil et solidarité, résilience économique, préservation du patrimoine bâti et paysager, évolution des modes de vie, intégration des nouvelles technologies, partage des ressources, risques naturels et industriels, implication des habitants... Participer à ce concours, c’est prendre le risque d’être bousculé dans ses certitudes, et d’expérimenter sur la forme et sur le fond. Le dialogue et l’écoute qu’implique la démarche sur le temps long deux ans par session puis le temps des études ultérieures - renforcent les projets et assoient les convictions. Le Plan urbanisme construction architecture soutient depuis vingt ans, dans la continuité du Plan construction et de son Programme Architecture Nouvelle (PAN), les réalisations expérimentales qui font progresser ensemble les professionnels de la ville et de la construction. Le concours Europan a été créé pour stimuler ces expérimentations, en ouvrant la voie vers la commande à de jeunes diplômés, en France et en Europe. Je suis très heureuse de constater que la fraîcheur des propositions est toujours au rendez-vous, de même que l’enthousiasme des élus locaux qui participent au concours. Le thème des villes productives choisi pour la session 14 a ainsi suscité des réponses très originales, autour des nouveaux modèles économiques urbains, en ouvrant la voie à une hybridation inédite des fonctions urbaines, agricoles, industrielles et paysagères. Europan, 30 ans d’avance ?
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30 YEARS AHEAD OF ITS TIME For 30 years, Europan has been aimed at young professionals in architecture, urban planning and landscape design, to create a unique dialogue with regional authorities on innovative and unifying projects. This competition is first and foremost an approach. It crystallises the meeting between young, promising designers and ambitious, generous, contracting authorities around the challenges of sustainable city and country planning. In a greatly diverse urban fabric, the towns engaging with Europan expect solutions to issues they face every day: fighting climate change, inclusion and solidarity, economic resilience, conserving heritage buildings and preserving landscape, adapting to changing lifestyles, bringing in new technologies, sharing resources, considering natural and industrial risks, fostering inhabitants’ participation… To take part in this competition is to be willing to have one’s certainties shaken up, to experiment both in content and form. The dialogue and attentiveness, which the process implies over a long period of time – two years per session, then the time of follow-up studies – reinforce projects and further establish beliefs. In the continuity of its programme for new architecture and for twenty years now, the Plan for Urbanism, Construction and Architecture has been supporting experimental projects that help local representatives and construction professionals to progress together. The Europan competition was created to stimulate these experimentations, by opening the way to commissions for young graduates, in France and in Europe. I am very pleased to note there is still freshness in the proposals as well as enthusiasm from the local representatives participating in the competition. The productive cities theme, chosen for the fourteenth session, has thus prompted very original responses about new economic urban models, by blazing a trail for an unprecedented hybridation of urban, agricultural, industrial and landscape functions. Europan, thirty years ahead of its time?
EUROPAN PERSPECTIVES
PERSPECTIVES
DES IDÉES À MATURITÉ ?
MATURE PERSPECTIVES?
Lorsque l’État se trouva soudain, au terme des années 68, en mal de repères pour évaluer et garantir la qualité des architectes qu’il faisait travailler sur ses deniers, il mit en place une série de concours et de formules promotionnelles. Parmi eux, l’ancêtre d’Europan, le Programme Architecture Nouvelle (1972), bien nommé PAN. PAN, PAN, le Prix de Rome ! Avec un mot d’ordre appelé à mobiliser : des idées à la réalisation. Aucun architecte n’y résista et tous passèrent par là, de Jean Nouvel à Christian de Portzamparc sans oublier Henri Ciriani et Roland Castro.
In the aftermath of 1968, when the government found itself short of ways to evaluate and guarantee the quality of the architects it employed, it set up a series of competitions and promotional processes. Among these was the PAN, the Programme Architecture Nouvelle (1972), Europan’s ancestor, which quickly went on to replace the Prix de Rome. The name of the game meant to rally the troops was: from ideas to realisation. It was too good for architects to resist and they all gave into it, from Jean Nouvel to Christian de Portzamparc, not forgetting Henri Ciriani and Roland Castro.
PAR BY JEAN-LOUIS VIOLEAU 2
“Il se dessine
clairement une « école » Europan. Elle demeure plus que jamais un passeport, un guide et un label, le gage d’une « qualité » reconnue par l’État et les collectivités. A Europan ‘school’ is in evidence. Europan, remains more than ever a passport, a guide and a label, in short, a guarantee of quality that is recognised by the State and local authorities.
”
Passée cette phase de reconstruction, l’année 1989 sonna l’heure de l’élargissement européen du concours et l’on comprend facilement comment, les murs chutant, il y eut concordance des temps. Trente ans plus tard, où en sommes-nous ? Depuis les Nicolas Michelin, Jean-Patrice Calori, Pierre Gautier et Tania Concko, Nicole Garo et Marc Boixel, Catherine Rannou et Isabelle Devin, Béal & Blanckaert, Lanoire & Courrian, Philippon & Kalt, Pietro Cremonini, François Defrain, Armand Nouvet, Gilles Delalex, TVK, DLW et j’en passe, les générations s’y trouvent désormais sérieusement empilées. Intellectuels, parisiens, européens S’il n’y a pas à proprement parler de « condition » de lauréat d’Europan, il s’en dessine en revanche des expériences, des vies ou plutôt des trajectoires avec leurs lignes de forces et de continuité, leurs points de fracture et leurs bifurcations. Dans notre bilan des 20 premières années du concours, en 2008, les lauréats avaient en moyenne hérité de leur première commande à 30 ans tout juste, avec au mitan une séquence très dense entre 1999 et 2001. Les agences s’étaient en général montées dans la foulée.
Past this phase of reconstruction, the year 1989 marked the time when the competition was opened to European applicants; it’s easy to understand how, with walls and boundaries disappearing, it moved with the times. Thirty years later, where are we? Since the time of Nicolas Michelin, Jean-Patrice Calori, Pierre Gautier and Tania Concko, Nicole Garo and Marc Boixel, Catherine Rannou and Isabelle Devin, Béal & Blanckaert, Lanoire & Courrian, Philippon & Kalt, Pietro Cremonini, François Defrain, Armand Nouvet, Gilles Delalex, TVK, DLW, to name but a few, generation after generation of architects have piled up, very much forming a solid list of names. Intellectual, Parisian, European Strictly speaking, there is no specific Europan laureate ‘type’. On the other hand, it is determined by experiences, lives or rather career paths with their continuous, key elements, their points of rupture and their bifurcations. In our 2008 appraisal of the first 20 years of the competition, on average the laureates were barely 30 when they obtained their first commission. The middle of this period, from 1999 to 2001, was marked by very intense activity. In general, architecture offices were set up in the wake of this.
3 PERSPECTIVES PERSPECTIVES
La plupart étaient d’abord passés par des écoles parisiennes, avec déjà un séjour à l’étranger, de préférence en Europe. « L’aventure européenne » avait pu alors revêtir un « vrai » sens pour eux, entre mur de Berlin et référendum pour le traité de Maastricht. Un sens probablement plus palpable, immédiatement perceptible, bien plus sensible et concret qu’il ne l’a été ensuite au fur et à mesure de la succession des sessions. Lors de notre enquête, les deux-tiers d’entre eux enseignaient déjà. Si l’on souhaite tracer les grands traits d’une identité collective caractérisant ce groupe contrasté, sinon disparate, c’est certainement par là qu’il faut commencer, par ce lien entre pratique, enseignement, écriture et théorie, cette articulation entre savoir, savoir-faire, pensée et projet, avec le trait pertinent de ce « second métier » d’enseignant.
Most of these architects had been through Paris schools first, including work experience abroad, preferably in Europe. ‘The European adventure’ then took on a very real meaning for them – between the Berlin Wall and the Maastricht referendum. A meaning probably made more tangible, more immediately perceptible, noticeable and concrete than it ever would be thereafter, session after session. At the time of our survey, two thirds of the architects were already teaching. If one wanted to draw the main features characterising this diverse, not to say disparate group, this is probably a good place to start: with the link between practice, teaching, writing and theory; the junction between knowledge, know-how, thinking and project; and the ever-relevant element of teaching as ‘second profession’. Moving into action?
Passage à l’acte ? Être lauréat du PAN dans les années 1970 et 1980, c’était une commande assurée, pas toujours sur le site du concours mais quelque part en tout cas, une opération de logements sociaux de taille raisonnable, mettons entre 20 et 30, en partenariat avec l’un des nombreux offices ou SA d’HLM qui comptaient parmi le « club » des maîtres d’ouvrage partenaires du concours piloté par le Ministère. La décentralisation installée, ce lien s’effiloche au fil des sessions, et par son caractère multinational, Europan rebat les cartes. Même si nous n’en étions pas encore à la VEFA généralisée, loin de là, par en haut (scènes nationales) et par en bas (localement), les maîtres d’ouvrage prennent leurs distances progressivement. Maintenu à bout de bras sur les premières sessions, ce fil qui reliait le concours à la construction est aujourd’hui devenu ténu. Il suffit par exemple de s’attarder sur le parcours particulièrement combatif qu’aura mené ces dernières années l’Atelier Georges. Lauréat dès 2011 (Europan 11) - associé à Laetita Lafont - sur les 105 hectares de la (future) ZAC de la gare au sud de Savenay, nœud ferroviaire aux portes de l’estuaire de la Loire et à cheval sur le Sillon de Bretagne. Le collectif post-estudiantin se crée dans la foulée pour gravir péniblement le chemin de la concertation. Bravant les phases successives de procrastinations diverses et variées, l’Atelier Georges ne lâche pas la bride, animant moult réunions publiques fidèlement chroniquées par L’Écho de la presqu’île, Ouest-France et Presse Océan. Un mandat de maîtrise d’œuvre urbaine lui a bien été confié(il a été confié à Laetitia Lafont, mandataire, qui s’est associée à l’Atelier Georges), mais les risques d’inondation auront peut-être bien raison de ce « Savenay II ». Enfin soyons rassurés, après un siècle et demi d’existence (la gare entra en service en 1857), un accès sud vient d’être ouvert : la SNCF ayant bien mis près de deux ans pour prolonger son souterrain, il ne faut jamais désespérer. Mais loin de se décourager, l’Atelier Georges postule à nouveau pour la session suivante du concours, la 12e, plus près de chez eux cette fois-ci – ils se sont installés dans le XXe arrondissement de Paris – sur le site de Saclay. Bingo, lauréats à nouveau en 2013 ! Laetitia Lafont a entre-temps lâché les associés de l’Atelier Georges Thibault Barbier, Aurélien Delchet, Mathieu Delorme, Thomas Nouailler et Yvan Okotnikoff. La plupart ont étudié ou travaillé au sein de structures qui sont toujours restées proches du « réseau » Europan, de l’agence Obras (Marc Bigarnet et Frédéric Bonnet avaient été lauréats en 1994 à Alicante) aux DSA d’architecteurbaniste de l’ENSA Paris-Belleville et l’ENSAVT de Marne-la-Vallée.
Being a PAN laureate in the 1970s and 1980s meant a sure commission; not always on the site presented for the competition itself, but somewhere at any rate. For instance, a social housing project of decent size, say between 20 and 30 apartments, in partnership with one of the numerous social housing authorities or landlords, part of the ‘club’ of clients who were partners of the competition under the auspices of the Ministry of Culture. Once decentralisation was implemented, this link became more tenuous with each new session, but thanks to its multinational character, Europan was able to up its game. Even if we were very far from the now common phenomenon of sales prior to completion of construction, you could see that, from top (nationally) to ground (locally), housing authorities gradually distanced themselves. Sustained by the first sessions alone, the link that connected the competition with construction is very tenuous today. You only need to examine the particularly combative career path which Atelier Georges has been on over the past few years: Europan 11 laureate in 2011, with Laetitia Lafont, for the 105-hectare site of the future urban development zone south of Savenay train station – a railway junction situated at the mouth of the Loire estuary and across the Sillon de Bretagne – the post-university collective set up his practice straight after winning the award, and set off on the painful ascending path of consultations. Braving delay after delay for many and various reasons, Atelier George didn’t give up and ran a series of public consultations instead, faithfully reported in the local press. They were indeed commissioned to manage an urban project (in fact, the commission was given to Laetitia Lafont, in partnership with Atelier Georges), but the risk of flooding might eventually sink ‘Savenay II’. Reassuringly however, it’s worth noting that, 150 years after the station was built, in 1857, the south-side access has now been opened; the SNCF (French national railway company) having taken nearly two years to extend its underground tunnel. Where there’s a will, there’s a way. Not easily discouraged, Atelier Georges went on to submit a new project for the 12th session of the competition, closer to home this time – they had settled in Paris’ 20th arrondissement – right on the Saclay site. Bingo: in 2013, they won again. Meanwhile, Laetitia Laffont had moved away from Atelier Georges’ partners Thibault Barbier, Aurélien Delchet, Mathieu Delorme, Thomas Nouailler and Yvan Okotnikoff. Most of them had either studied or worked in organisations that had strong ties with the Europan ‘network’, from the Obras office (1994 laureates Marc Bigarnet and Frédéric Bonnet) to the DSA urban planners and architects of the ENSA (École Nationale Supérieure d’Architecture) of Paris-Belleville and the ENSAVT of Marne-la-Vallée.
4 PERSPECTIVES PERSPECTIVES
À bonne école, ils prennent acte qu’aujourd’hui « la ville déborde très largement ses concepteurs » pour définir « la ville-campus comme un cadre de négociations permanentes », « puisque rien ne se fait seul », « puisque rien n’est certain », « puisque rien n’est uniquement humain ». Lauréat du Palmarès des Jeunes Urbanistes en 2014, le collectif se présente désormais comme une « plateforme pluridisciplinaire d’échanges permanents autour de la fabrication de la ville et des territoires ». Il en profite donc pour postuler une troisième fois à l’occasion d’Europan 13. Carton plein : leur OUvroir de LIeux Potentiels leur permet d’être à nouveau distingués, « cités », fin 2015 - et encore plus près de chez eux - à Montreuil, une évidence puisque c’est là « où foisonnent les initiatives et où la ville se construit collectivement ». Cette expérience de construction collective, l’Atelier Geroges la réinvestit désormais un peu partout en France, par exemple à Nantes, dans la région de ses premiers pas « en solo », pour la reconversion résidentielle des vastes emprises (1 700 logements y sont annoncés) de l’ancienne Caserne Mellinet, au cœur de la ville. Aux côtés des aînés chevronnés de l’atelier TGTFP des frères Treuttel (eux-mêmes lauréats du PAN 11 en 1979, pour la reconstruction de villas à Gagny) et avec Stéphane Pourrier, ils y animent la phase de concertation avec le collectif Bellastock et assureront la maîtrise d’œuvre des espaces publics du nouveau quartier. Si l’on ajoute que plusieurs membres, fidèles ou permanents, de l’Atelier Georges avaient déjà individuellement participé aux sessions 9 et 10 d’Europan, il se dessine clairement au fil de cette trajectoire une « école » Europan. Certes, elle n’ouvre plus directement vers la maîtrise d’œuvre, surtout si l’on considère la maîtrise d’œuvre architecturale, mais elle demeure peut-être plus que jamais un passeport, un guide et un label, quelque chose comme un ouvroir potentiel, bref le gage d’une « qualité » (toujours) reconnue par l’Etat et les collectivités. Une forme de reconnaissance, pour emprunter le concept du sociologue allemand Axel Honneth, où le rapport pratique à soi se constitue dans un rapport à autrui : être lauréat de ce prix permet en effet de se constituer un « réseau », dit plus trivialement se faire connaître, et chaque architecte HMOnp sait aujourd’hui qu’elle/ il est tenu de s’en constituer un si elle/il souhaite un jour exercer « en son nom propre ». Ce concours demeure donc un accélérateur de carrière, mais à l’image de la société dans son ensemble : celle-ci n’est plus aussi clairement balisée qu’elle ne l’avait été pour nos aînés. Et pour reprendre le thème de la 12e session d’Europan, la ville adaptable, les jeunes, et bien, ils s’adaptent ! Jean-Louis Violeau est un sociologue français, spécialiste du champ architectural. Ses travaux portent sur le logement et ses usages et sur l’histoire récente de l’architecture. Il est l’auteur, avec Juliette Pommier, de l’ouvrage Notre histoire, Europan à vingt ans. Sociologie des architectes lauréats du concours Europan, publié en 2007 aux éditions Archibooks.
Having been in such good hands, they duly noted that nowadays, “the city goes well beyond the scope envisaged by its designers”, in order to define “the campus-city as a framework for constant negotiations” – “since everything is created by the many”, “since nothing is certain”, “since nothing is exclusively human”. Laureate of the French Young Urban Planners Award in 2014, the collective now presents itself as a “multi-disciplinary platform of exchange around the building of cities and the wider area”. While on a roll, they submitted their third proposal to Europan 13 – with tremendous success: their OUvroir de LIeux POtentiels saw them stand out again, and being commended, at the end of 2015 in Montreuil (nearer their office still) – an obvious location since it’s in Montreuil that “initiatives proliferate and the city is being built collectively”. Atelier Georges has been re-investing this experience of the collective in other parts of the country, for example in Nantes (where they took their first ‘solo’ steps) with the residential conversion of the vast site (1,700 flats announced) that housed the former Mellinet barracks, right in the centre of town. Together with their experienced elders, the Treuttel brothers of Atelier TGTFP (themselves PAN 11 laureate in 1979, for the renovation of villas in Gagny) and Stéphane Pourrier, Atelier Georges ran the consulting phase with the Bellastock collective, and project-managed the new district’s public spaces. Taking into account that several members of Atelier Georges, either regular or permanent, had already individually taken part in Eupopan’s 9th and 10th sessions, a Europan ‘school’ is in evidence. Indeed, although it may no longer give direct access to project management Europan remains perhaps more than ever a passport, a guide and a label, something like a potential ‘opener’, in short, a guarantee of quality that is (always) recognised by the State and local authorities. It is, to use German sociologist Axel Honneth’s concept, a form of recognition, where the practical connexion with oneself is constructed through the connexion to others: to win this award enables the laureate to build up a network, in other words to make themselves known. Today, each HMOnp architect knows that he/she is required to do this if they want to make a name for themselves one day. This competition therefore remains a catalyst for architects’ careers; but one that reflects society as a whole, the latter no longer being as clearly delineated as it was for our predecessors. To echo the theme of the 12th edition – the adaptable city – well, the young generation will adapt! Jean-Louis Violeau is a French sociologist, specialist of the architectural field. His work focuses on housing and its uses and the recent history of architecture. He is the author, with Juliette Pommier, of the book Notre histoire, Europan à vingt ans. Sociologie des architectes lauréats du concours Europan, published in 2007 by Archibooks.
5 PERSPECTIVES PERSPECTIVES
REGARDS CROISÉS
CROSSED VIEWS
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EUROPAN, TREMPLIN VERS LA COMMANDE ?
EUROPAN: A SPRINGBOARD TOWARDS COMMISSION?
Europan a été pensé pour permettre à de jeunes architectes d’accéder à la commande. Trente ans plus tard, ce concours a gagné une dimension européenne mais perdu son caractère purement architectural pour verser davantage dans l’urbanisme. Cette évolution a-t-elle modifié l’esprit d’Europan ? Est-il encore, de fait, un moyen d’accéder à la commande ? Entretien avec Alain Maugard, président d’Europan France, Léa Hommage, paysagiste et Olivier Méheux, architecte, respectivement lauréats du concours en 2013 et 1994.
Europan was thought up as a way of allowing young architects to get commissioned. Thirty years later, this competition has gained a European scale but lost its purely architectural nature, sliding rather into urban planning. Has this evolution altered the spirit of Europan? Is it still, de facto, a real way of getting a project commissioned? Interview with Europan France president Alain Maugard, and with landscape designer Léa Hommage and architect Olivier Méheux, respective laureates of the competition in 2013 and 1994.
PAR BY JEAN-PHILIPPE HUGRON 6
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L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI :
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Alain Maugard, vous êtes à l’origine du PAN. Pourquoi cette initiative ? ALAIN MAUGARD : Le Programme Architecture
Nouvelle avait pour ambition de renouveler l’architecture en cassant la politique des modèles et en renouvelant les architectes. Il y avait des mandarins en place, notamment des Grands Prix de Rome, qui dictaient leur manière de faire. Nous voulions pour notre part rompre avec cette répétitivité imposée. Nous étions peut être même gagnés par une forme de jeunisme ! Quoi qu’il en soit, le PAN devait être le moyen de faire connaître une jeune génération afin que les maîtrises d’ouvrage les contactent... pour leur passer commande. AA : En somme, il s’agissait d’offrir à de jeunes concepteurs le moyen d’accéder à la maîtrise d’œuvre. Léa Hommage vous êtes paysagiste et vous, Olivier Méheux, architecte. Pourquoi avez-vous participé à Europan ? Aviez-vous en tête d’accéder à la commande ? OLIVIER MÉHEUX : C’était en 1994. Nous étions
1 – Résidence sociale « Les Chaudronniers », Mulhouse. Conception par TOA architectes (Thierry Maire, Olivier Méheux et Alain Oesch, Christelle Besseyre-Gayaud, Pascal Thomas). Projet mentionné à Europan 3. “Les Chaudronniers” social residence, in Mulhouse. Design by TOA architectes (Thierry Maire, Olivier Méheux and Alain Oesch, Christelle Besseyre-Gayaud, Pascal Thomas). Europan 3 runner-up. 2 / 3 – Maquette du projet « Le soleil se lève à l’ouest ». Conception par Thierry Maire, Olivier Méheux et Alain Oesch avec Francis Dufour, futurs associés de TOA architectes, agence créée grâce à la commande faisant suite au concours. Projet mentionné à Europan 3. Model of “Le soleil se lève à l’ouest” project. Design by Thierry Maire, Olivier Méheux and Alain Oesch with Francis Dufour, future partners of TOA architectes, office created thanks to the commission following the competition. Europan 3 runner-up.
alors trois amis qui avaient obtenu leur diplôme et qui avaient l’habitude de travailler ensemble. Nous nous sommes inscrits à Europan pour nous amuser, pour développer notre pratique et construire nos propres références… mais aussi, peut-être, de manière inavouée, pour nous encourager à monter notre agence. Toutefois, à aucun moment, nous ne pensions accéder immédiatement à la commande.
LÉA HOMMAGE : Il en va de même pour nous. L’accès à la commande n’a pas motivé notre participation. Nous avons également pris la décision de faire Europan au moment où nous débutions notre activité. Nous voulions avant tout nous confronter à un site et à un sujet auquel une jeune agence n’accède pas d’emblée. Europan était aussi pour nous un outil de réflexion sinon l’occasion d’un projet fondateur. Nous nous en sommes servi comme d’un laboratoire. C’était un moment privilégié pour questionner la commande mais aussi mettre en place des outils adéquats.
7 REGARDS CROISÉS CROSSED VIEWS
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI:
Alain Maugard, you are one of the PAN’s instigators. Why this initiative? ALAIN MAUGARD: The Programme Architecture Nouvelle had the ambition of renewing architecture by breaking away from the models approach and bringing in new architects. There were established mandarins, notably the Grand Prix de Rome laureates, who were dictating their way of doing things. As for us, we wanted to break from this imposed repetitiveness. We were perhaps even caught up in a kind of fascination for youth! Whatever the reason, the programme aimed at making the next generation known, so that clients would contact them… in order to give them a commission. AA: In short, it was to offer young designers a way to reach project management. Léa Hommage, you are a landscape designer, and you, Olivier Méheux, an architect. Why did you take part in Europan? Did you wish to be offered a commission? OLIVIER MÉHEUX: It was in 1994. We were three friends who had graduated and were used to working together. We signed up to Europan for fun, to develop our experience and make a reputation for ourselves… but also, perhaps, in an unacknowledged way, to encourage ourselves to set up an office. However at no point did we think we’d get an immediate commission. LÉA HOMMAGE: It was the same for us. Getting a
commission wasn’t what motivated our participation. We too made the decision to apply to Europan at a time when we were starting out in our careers. Above all we wanted to tackle a site and a subject not immediately accessible to a young office. Besides being the opportunity to design a pioneer project, for us Europan was also an instrument for reflection. We used it as a laboratory, it was a very special time that enabled us to consider and question the brief but also to put the right tools in place.
AA : Olivier Méheux, vous avez été désigné lauréat en 1994 et vous avez pu, en conséquence, construire votre projet architectural. La plus jeune génération de lauréats, dont Léa Hommage, n’a pas toujours eu la possibilité de voir ses projets se concrétiser. Faut-il alors accuser la dimension urbaine et territoriale du concours de rendre inexécutables les plans proposés à cette échelle ? OM : La commande a énormément évolué en 25 ans et les architectes travaillent de plus en plus en phase pré-opérationnelle sur des projets urbains. Il faut aussi souligner que la loi MOP a, d’une certaine façon, bouleversé les habitudes, en orientant de fait les suites directes possibles du concours Europan de la commande architecturale vers les études urbaines. AM : Il est certain que nous sommes passés de la
commande architecturale à l’étude urbaine. Ce déplacement est lié à notre volonté d’amener les architectes là où se trouve « l’intelligence » de la commande et, aujourd’hui, le centre de gravité de la commande, c’est la question urbaine. J’ai cependant pleinement conscience que le temps long d’un projet urbain soumet toute proposition aux évolutions politiques des villes avec lesquelles nous travaillons. Il faut donc avoir à l’esprit que les projets soumis dans le cadre d’Europan sont des projets dynamiques, des « projets-processus ».
AA : Ceci étant dit, un projet urbain n’a-t-il pas
moins de visibilité qu’un projet architectural ?
AM : Le monde de l’architecture se regarde de
manière un peu trop nombriliste alors que la société change radicalement. Les projets urbains sont aujourd’hui bien plus pertinents à l’échelle du changement de société et Europan a vraisemblablement une longueur d’avance. En outre la visibilité d’un projet dépend aussi de la capacité de chaque équipe à faire comprendre et partager ses idées.
OM : Si l’échelle de l’architecture est théoriquement
plus visible, la commande architecturale est aujourd’hui de moins en moins perceptible, de par le déficit de foncier disponible et un marché de plus en plus resserré. En ciblant la ville, Europan permet de mêler toutes les échelles, du grand territoire jusqu’au périmètre opérationnel. Cela permet en outre de fonder une réflexion d’autant plus précise et pertinente qu’elle croise ville et architecture.
AA : Si Europan se veut un tremplin vers la commande, pourquoi ne pas appeler les participants à davantage de réalisme économique ? AM : Ah, l’économie ! Notre point faible, pour
certains. Europan est et doit rester un concours imaginatif. Il faut accepter des propositions qui décoiffent. Trop souvent les maires qui nous contactent arrivent avec des idées toutes faites. Europan les bousculent pour les faire monter en gamme. Aussi, nous réclamons des participants un peu d’insolence… mais avec une dose de réalisme.
AA: Olivier Méheux, you were made laureate
in 1994 and, as a result, you had the opportunity to build your architectural project. This opportunity has not always been given to the younger generation of laureates, including Léa Hommage. Should the urban and territorial scale of the competition be held responsible for making the proposed plans impossible to complete? OM: Project commission has evolved hugely in 25 years
and architects spend more and more time working on the pre-operational phase of urban projects. We also need to highlight that the French public building procurement law has, in a way, shaken up habits, by directing de facto the possible results of the Europan competition from architectural project commission towards urban studies.
AM: We have certainly passed from architectural
commission to urban study. This shift is related to our wish to lead architects to the most interesting commissions. Today, the centre of gravity of a commission is the urban issue. I am, however, fully aware that the long-term nature of an urban project subjects any proposal to political changes in the city councils with which we work. So, you need to bear in mind that projects submitted to Europan are dynamic, work-in-progress projects.
AA: This said, doesn’t an urban project stand out less than an architectural project? AM: The architecture world is rather naval-gazing,
whereas society is changing radically. Urban projects are much more pertinent today as far as social change is concerned, and in all likelihood Europan has a head start on this. What’s more, the visibility of a project also depends on the ability of teams to make themselves understood and to share their ideas.
OM: If the scale of architecture is theoretically more
visible, architectural project commission is less and less obvious, due to a real estate deficit and an ever more straitened market. By focusing on cities, Europan can be involved in everything, from the wider surroundings to the operational perimeter. This also enables critical thinking that is all the more precise and relevant for bringing together architecture and the city.
AA: If Europan wants to be a springboard to project commission, why not call out for more economic realism from applicants? AM: Ah, the economy! Our weak point, according to some. Europan is, and must remain, an imaginative competition. We need to accept proposals that shake things up. All too often mayors who contact us turn up with firm preconceptions. Europan pushes them to up their game. We also call for a little insolence from our applicants… but with a measure of realism.
8 REGARDS CROISÉS CROSSED VIEWS
1 / 2 – Résidence sociale « Les Chaudronniers », Mulhouse. Conception par TOA architectes. Projet mentionné à Europan 3. “Les Chaudronniers” social residence, in Mulhouse. Design by TOA architectes. Europan 3 runner-up.
“Les projets
soumis dans le cadre d’Europan sont des projets dynamiques, des « projetsprocessus ». Projects submitted to Europan are dynamic, work-in-progress projects.
”
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9 REGARDS CROISÉS CROSSED VIEWS
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1 – Projet « Franges Pionnières ». Conception par Anne-Laure Marchal, Sébastien Deldique, Mathieu Delmas et Léa Hommage. Projet lauréat Europan 12 à Vichy Val d’Allier. Travail paysager par les vues et les séquences d’ambiances tenant compte des ressources qualités existantes. «Franges Pionnières” project. Design by Anne-Laure Marchal, Sébastien Deldique, Mathieu Delmas and Léa Hommage. Europan 12 winning project in Vichy Val d’Allier. Work on the landscape via the existing sequences and ambiences, considering the existing resources. 2 – Recherche d’un déploiement spatial et programmatique optimal sur le site. Research for an optimal spatial and programmatic layout on-site.
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10 REGARDS CROISÉS CROSSED VIEWS
LH : Nous travaillons aujourd’hui avec une économie de moyens. La question économique est même, à mes yeux, une thématique générationnelle... Nous ne savons donc pas faire autre chose que des projets réalistes. Ce qui n’empêche ni l’ambition ni l’inattendu, c’est même tout l’intérêt de l’exercice ! OM : Le réalisme de la proposition doit être l’ADN
d’Europan s’il s’agit d’un concours d’idées suivi de réalisations. Pour autant, la question économique n’est pas un critère de jugement. Lors des jurys, nous recherchons l’innovation, et notamment celle qui interroge justement les modèles économiques voire réglementaires et qui, plus largement, aborde la question de la gouvernance. AM : Europan permet la souplesse et la créativité
que n’offre aucun concours en maîtrise d’œuvre. Qui plus est, un projet devient, après le concours, un support de réflexions nouvelles et au final, il devient une co-construction entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre. Europan est une démarche qui tourne le dos au séquentiel et s’ouvre au collaboratif. Cela se joue entre la ville, les équipes lauréates et les habitants ; c’est une forme de réalisme.
AA : Réinventer Paris, Inventons la Métropole du Grand Paris, Imagine Angers, Dessinemoi Toulouse… Ces appels à projets urbains innovants ne font-ils pas de l’ombre à Europan ? AM : Beaucoup estiment que Réinventer Paris
a doublé Europan. Si le terme « réinventer » est intéressant, la méthode me semble beaucoup moins fine, beaucoup moins aboutie que celle que nous proposons depuis trente ans. La ville est un bien public or tous ces appels à projets contribuent, à mes yeux, à l’émergence d’un nouveau zoning sous domination opérationnelle privée. Europan n’est pas une réponse ponctuelle à un sujet local, c’est la mise en place d’une vision globale.
“Europan n’est pas
une réponse ponctuelle à un sujet local, c’est la mise en place d’une vision globale. Europan isn’t a one-off response to a local topic; it is the implementation of a global vision.
”
OM : Les appels à projets de type « Réinventer » semblent effectivement très inspirés par les problématiques initiées par Europan, mais la présence d’un opérateur privé en tant que porteur d’opération privilégie un projet opérationnel qui demeure souvent bridé dans l’engagement des expérimentations et des aspect innovants. Europan est totalement différent dans ses attentes et composantes du fait de la libre composition des équipes et de sa procédure qui valorise les innovations et la recherche des idées.
11 REGARDS CROISÉS CROSSED VIEWS
LH: Today we work with limited means. The
economic issue is really, in my opinion, specific to our generation… So we aren’t able to do anything except realist projects. That doesn’t prevent either ambition or the unexpected – it’s really the whole point of the exercise.
OM: The realism of proposals must be Europan’s hallmark if it’s to be a competition of ideas that are then carried out. As far as I know, the economic aspect isn’t one of the judges’ criteria. In the panel, we are looking for innovation, and in particular that which interrogates economic models and even regulations, and which, more generally, tackles the question of governance. AM: Europan allows a subtlety and creativity that
no other traditional competition offers. What’s more, after the competition, a project becomes a medium for new reflection and in the end it becomes a co-construction process between clients and project management. Europan is an approach that turns its back on the sequential and is open to the collaborative. This plays out between the city, the winning teams and inhabitants; a form of realism in itself. AA: ‘Réinventer Paris’, ‘Inventons la Métropole du Grand Paris’, ‘Imagine Angers’, ‘Dessine-moi Toulouse’… Don’t these regional and city calls for innovative projects cast their shadow over Europan? AM: Many believe that ‘Réinventer Paris’ has overtaken
Europan. If the term ‘reinvent’ is an interesting one, the method seems much less acute, much less rounded than the one that we have been offering for thirty years. The city is public property yet all these projects contribute, in my opinion, to the emergence of a new zoning dominated, at an operational level, by the private sector. Europan isn’t a one-off response to a local topic; it is the implementation of a global vision.
OM: The ‘Reinventing’-like calls for projects effectively seem to be very much inspired by the issues taken up by Europan, but the presence of a developer as project manager leads to a project restricted in engaging in experimenting and innovative aspects. Europan is completely different in its expectations and components, due to the free composition of the teams and its procedure, which values innovation and the investigation of ideas.
AA : La fabrique urbaine tend néanmoins à être
AA: The urban fabric nonetheless tends more and more to be in the hands of private stakeholders. Shouldn’t Europan integrate this element? Shouldn’t the teams include a private player in their considerations?
LH : La question s’est posée pour notre projet
dont l’abandon est certes lié à un changement politique mais aussi à l’acquisition des terrains ayant fait l’objet du concours Europan par un seul et unique acteur économique. Ce dernier n’avait pas nécessité à allotir le terrain d’étude. De fait, cette nouvelle donnée remettait en cause des éléments fondateurs du programme.
LH: The question was raised for our project, the abandoning of which was certainly linked to a policy change but also to the acquisition of the area that was the object of the Europan competition by a single stakeholder. The latter was under no obligation to allocate the area in question. As a result, this new element challenged the foundational parts of the programme.
AM : Nous cherchons toujours à associer des forces
AM: We still look to to work with with the private
de plus en plus aux mains d’acteurs privés. Europan ne devrait-il pas intégrer cette dimension ? Les équipes ne devraient-elles pas associer une maîtrise d’ouvrage privée dans leur réflexion ?
économiques privées. Europan porte avant tout un idéal collaboratif qui doit amplement participer à l’évolution des maîtrises d’ouvrage publiques mais aussi privées.
OM : Qu’une équipe veuille s’associer avec un
jeune promoteur, pourquoi pas ? Mais devoir s’associer impérativement avec un opérateur privé ne semble pas conforme à l’esprit du concours Europan. Cette association pourrait rendre l’innovation plus difficile. Il est important qu’Europan conserve sa dimension de concours d’idées portée par des concepteurs. Néanmoins, la participation des acteurs privés en amont dans la procédure du concours, en relation avec les villes et les sites pour mieux structurer les attentes et la demande, doit être encouragée si l’on veut favoriser les suites données au concours.
“Europan porte
AA : Dans ces conditions, peut-on encore
un idéal collaboratif qui doit amplement participer à l’évolution des maîtrises d’ouvrage publiques mais aussi privées. Europan’s model is a collaborative one that means significant participation in the development of public projects, but also private ones.
”
considérer Europan comme un tremplin vers la commande ? LH : C’est un tremplin indéniable à la commande mais peut-être pas à la commande directe. Ce concours d’idées permet à toute agence lauréate de mettre en avant une première référence reconnue. Europan offre également un crédit auprès des maîtrises d’ouvrage publiques. Alors, oui, même dans ces conditions, Europan est un véritable tremplin. OM : Il y a vingt-cinq ans, il aurait été étrange de gagner un concours sans rien construire ensuite. Les temps sont désormais différents. Aujourd’hui, Europan permet à des idées d’être reconnues pour leur qualité mais aussi d’être exposées, publiées, et largement diffusées. C’est une vitrine de choix. AM : À partir du moment où Europan est passé dans
le champ de l’urbain, il a fait de l’architecte, de l’urbaniste ou du paysagiste un apporteur d’idées pouvant témoigner de sa capacité de création et d’innovation. Europan est un tremplin mais n’est-il pas important de reconnaître qu’il est également un concours qui, aujourd’hui, préfigure déjà les métiers de demain ?
sector. Above all, Europan’s model is a collaborative one that means significant participation in the development of public projects, but also private ones.
OM: If a team wants to link up with a young developer,
why not? But to have to associate imperatively with a private operator doesn’t seem to conform to the spirit of the Europan competition. This association might make innovation more difficult. It is important that Europan preserves its nature of a competition for ideas from designers. However, the participation of private stakeholders down the line during the competition, alongside the city councils and the sites so as to best organise expectations and demand, must be encouraged if we want to foster follow-ups to the competition.
AA: Under these circumstances, can Europan
still be considered as a springboard towards commission?
LH: It is undeniably a springboard to commission, but perhaps not direct commission. This competition provides any office that wins with a reputable first reference. Europan also gives credit in the eyes of public commissioners. So, yes, even under these circumstances, Europan is an excellent springboard. OM: Twenty-five years ago it would have been strange
to win a competition without building anything afterwards. But these are different times. Today, Europan allows ideas to be recognised for their quality, but also to be exhibited, published and widely broadcast. It’s a perfect showcase.
AM: From the moment that Europan moved into the
field of urbanism, it turned the architect, the urban planner or the landscape designer into the bearer of ideas, able to show their creative ability and innovation potential. Europan is a springboard, but it’s important to recognise that it’s also a competition that, today, prefigures the professions of tomorrow.
12 REGARDS CROISÉS CROSSED VIEWS
1
2
1 – Projet « Franges Pionnières ». Conception par Anne-Laure Marchal, Sébastien Deldique, Mathieu Delmas et Léa Hommage. Projet lauréat Europan 12 à Vichy Val d’Allier. Réinvestissement progressif des murs par de nouvelles constructions. ‘Franges Pionnières’ project. Design by Anne-Laure Marchal, Sébastien Deldique, Mathieu Delmas and Léa Hommage. Europan 12 winning project in Vichy Val d’Allier. Gradual occupation of the walls by new constructions.
2 – Travail sur l’évolution par étapes d’un des anciens bâtiments industriels. Work on the gradual evolution of one of the old industrial buildings.
13 REGARDS CROISÉS CROSSED VIEWS
INTRODUCTION
INTRODUCTION
LA VILLE PRODUCTIVE OU L’APPEL AU FLOU Des villes moyennes sur le déclin. Des ensembles immobiliers privés en voie de paupérisation. Des zones d’activités injuriant les entrées de ville... La liste des tourments urbains est longue et les doléances s’accumulent aux portes des édiles.
Medium-sized cities on the decline; private housing complexes deteriorating; unsightly zones of activity on the outskirts of cities… The list of urban evils is a long one, and so is the list of grievances reaching the desks of town councillors.
Europan sonne dans ces circonstances comme un espoir et la ville productive comme un thème plus que jamais d’actualité. Les propositions inventives de cette quatorzième session laissent même présager l’avènement de nouveaux moyens pour transformer la donne. Parmi eux, l’agriculture urbaine et son rôle social se retrouvent en bonne place, tout comme le paysage et ses moyens frugaux de transformation radicale. Qui plus est, la mobilisation d’outils fonciers alternatifs ou encore la mise à contribution des réseaux sociaux permet d’entrevoir plus avant la possibilité de changements rapides. Encore faut-il le courage politique pour les mettre en œuvre.
In this climate, Europan represents something like a hope, and the productive city is more topical a theme than ever. Inventive proposals for this fourteenth session prefigure even the advent of new ways to change things. Urban farming and its social function are at the top of the list, so is landscape and its economical means of achieving radical transformation. What is more, encouraging alternative real estate solutions or taking advantage of social networks, allows more than ever the possibility for rapid change. But we still need the political courage to implement this.
Quoi qu’il en soit, toutes ces propositions montrent que la ville productive se joue davantage à l’échelle du territoire qu’à celle de l’architecture. L’exercice appelle cependant leur délicate imbrication en vue de trouver le parfait équilibre. Aussi, parmi les mots-clefs mobilisés, celui de mixité est le plus abondamment employé et couronne un vocabulaire fait de « porosité », de « contamination », d’« hybridation » et autre « perméabilité ». Tous ces termes appellent, in fine, à davantage de flou tant dans la commande que dans la réponse.
Nevertheless, all of these proposals show that the productive city is more about the area itself than the architecture, even as the delicate exercise of interconnecting both to find the perfect balance is required. One of the most frequently used keywords, therefore, is mixed-use, an umbrella term for the lexical field comprising ‘porosity’, ‘contamination’, ‘hybridation’, and ‘permeability’, among other such terms. In fine, all of these terms tend towards the notion of blurred lines, as much in the brief as in the response to it. Perhaps they are a further denunciation of programming that has become too stringent by dint of rigorous specifications in pages and pages of spreadsheets.
PAR BY JEAN-PHILIPPE HUGRON 14
Peut-être dénoncent-ils une programmation devenue trop stricte à force de cahier des charges rigoureux dont les pages sont noircies de tableaux Excel ? La ville productive invite donc à prendre en compte une part d’incertitude tant et si bien que la réponse n’est plus un schéma directeur mais un processus avec, de surcroît, des phases de tests comme pour se prémunir d’irrémédiables erreurs. En conséquence, bon nombre de propositions s’évertuent à n’offrir aucune solution figée – et peut-être cette situation justifie-t-elle un désamour latent à l’égard de l’architecture ? – pas plus qu’elles ne versent dans un urbanisme autoritaire. Entre les lignes, d’aucuns découvrent alors le portrait d’une jeune génération particulièrement fidèle aux idéaux de la réversibilité et du réemploi. En toute logique, elle trace avec la plus grande appétence des figures circulaires comme autant de circuits courts. Peut-être, face à ces images séduisantes, les élus abandonneront leurs coûteux sens giratoires pour adopter d’autres rondeurs, ces cycles autrement plus vertueux à même de porter l’essence d’une nouvelle ville productive… qui, espérons-le, sera toute en urbanités.
Thus the productive city means taking into account a certain amount of uncertainty, so much so that the response no longer is an overall strategy or masterplan but a process including test phases, as though to ward off irreversible errors. Consequently, a good number of proposals strive not to offer any fixed solution at all – and perhaps this situation justifies a latent dislike of architecture – so as not to fall into an authoritarian form of urbanism. Between the lines, then, some have discovered a young generation that is wedded to the ideals of sustainability in reversible architecture and reuse. Logically, they trace, with great appetite, circular configurations comparable to so many local distribution networks. It may be that, presented with these attractive images, local councillors will finally forsake their costly roundabouts and adopt another kind of circularity: cycles that are much more virtuous and able to bring about the essence of a new productive city which – here’s to hope – will be as urbane as it is urban.
THE PRODUCTIVE CITY’S BLURRED LINES 15 INTRODUCTION INTRODUCTION
LA FIN THE END DU OF ZONING ZONING ANALYSE
ANALYSIS
PAR BY JEAN-PHILIPPE HUGRON 16
La ville productive laisse un goût étrange. L’esprit esquisse les contours de quartiers généralement monofonctionnels, sinon de terribles zones d’activités. Ces espaces de production signent un paysage ingrat désormais résumé sous une appellation aussi brutale que provocante : la « France moche ». L’héritage moderniste de la séparation des fonctions connue sous l’effrayant barbarisme de « zoning » est accusé des pires maux en plus de montrer aujourd’hui des signes de déclin qui appellent un renouveau de la pensée urbaine.
The productive city leaves a sort of strange aftertaste. The mind sketches the outlines of generally mono-functional areas, not to say terrible-looking zones of activity. These production spaces form the portrait of an unsightly landscape, known today as ‘la France moche’ (ugly France), a rather brutal and provocative nickname. The modernist legacy of separating functions, known as ‘zoning’ (a frightful barbarism to French ears), is accused of the worst evils, and is showing signs of decay, which calls for a new way of thinking about urban matters.
17 L A FIN DU ZONING THE END OF ZONING
La fin du zoning invite donc, à partir d’une situation existante, à imaginer des « processus d’hybridations » et d’« invasions spatiales », sinon des « stratégies de diversification ».
Europan, en prenant à bras le corps cette notion de ville productive, interroge donc la pertinence de cette division mais cherche également à rompre avec la fatalité d’une organisation urbaine caractérisée par sa profonde laideur. De nombreux participants – pour ne pas dire la totalité – ont en conséquence érigé la mixité en vertu fondamentale. Pour signer la fin du zoning, les participants – qu’ils soient architectes, paysagistes ou urbanistes – enrichissent ces territoires de fonctions nouvelles. Pour autant, si certains vont jusqu’à détruire partiellement pour placer entre hangars et usines quelques équipements, voire des logements, de nombreuses propositions font d’un inventaire des ressources la condition d’une ville recouvrée. Cet exercice permet la révélation de qualités souvent méconnues ; ces territoires présentent en effet une structure efficace en plus d’être parfaitement desservis via réseaux et infrastructures. Cette prévenance permet d’éviter l’écueil moderne de la table rase. La fin du zoning invite donc, à partir d’une situation existante, à imaginer des « processus d’hybridations » et d’« invasions spatiales », sinon des « stratégies de diversification ».
Europan, by tackling head on the notion of the productive city, thus examines the pertinence of this division, but also seeks to break with the fatality of an urban organisation characterised by its utter unsightliness. Numerous participants – if not all of them – have consequently elected mixed-use as the fundamental virtue. To mark the end of zoning, participants – including architects, landscape designers or urban planners – have endowed these areas with new functions. Yet, while some go as far as partially destroying in order to set up facilities, and even housing, between warehouses and factories, numerous proposals prefer to draw an inventory of resources as the proviso for a rehabilitated city. The exercise can reveal qualities that are often little known; indeed these districts and areas show an efficient structure, as well as being well connected to networks and infrastructure. This considerate approach saves one from the modern pitfall of tabula rasa. Taking existing layouts and buildings as springboards for the imagination, participants are thus inspired to envisage the end of zoning through ‘hybridation processes’, ‘spatial invasions’, or ‘diversification strategies’. This is fine as long as there is space. Many projects consider the vacant interstices between factories and supermarkets.
18 L A FIN DU ZONING THE END OF ZONING
Encore faut-il de l’espace. Bien des projets analysent les interstices laissés vacants entre usines et hypermarchés. D’autres vont plus loin et abordent la question des « sols » souvent réduits à l’état de support. Il y a donc des propositions « germinatives » qui font la part belle aux activités agricoles et à la permaculture. Elles signent l’apogée d’une économie circulaire, ce fantasme qui tente de bouleverser bien des réflexes contemporains, dont la consommation de masse. D’autres encore font du paysage une solution frugale à même de faire évoluer ces zones d’activités en les intégrant dans de vastes perspectives urbaines qui autoriseraient leur contamination progressive par la ville-centre. Donner des qualités paysagères à ces espaces permet également de leur conférer une attractivité que des zones d’activités minérales n’ont généralement pas. In fine, la fin du zoning réclame un urbanisme différent et une architecture adaptée mais elle exige surtout un changement profond d’attitude à l’égard du territoire. Plusieurs projets font ainsi du passage de l’hyperconsommation à une consommation raisonnée et contrôlée du territoire un préalable essentiel à l’avènement d’une nouvelle ville productive mixte. Pour ce faire, il s’agit de penser l’évolution et la mise jour des documents d’urbanisme et, plus largement, de contrôler la pression foncière d’un territoire. La coexistence d’activités relève avant tout d’un volontarisme politique qui requiert, entre autre, une régulation attentive des prix de l’immobilier. Bref, de l’audace et du courage !
Others go further still, and deal with the issue of ‘soils’ that are so often reduced to mere ground support. There are ‘germinative’ proposals that give prominence to agricultural activities and to permaculture. They mark the culmination of a circular economy, this fantasy that attempts to subvert so many contemporary impulses, including mass consumption. Still others strive to turn the landscape into a frugal means capable of transforming these zones of activity by integrating them into wide, open vistas, which would permit their gradual absorption into the city centre. Endowing these spaces with landscaped parks or gardens adds an attractive, lively quality, which is largely absent from mineral, inert zones of activity. In fine, the end of zoning requires a different kind of urban plan and an appropriate architecture, but above all it requires a deep change of attitude towards the land. Thus, in several projects, the transition from hyper-consumption to controlled and reasoned consumption of the land is an essential prerequisite for the advent of the mixed, productive city. To achieve this, it is necessary to think through the evolution and updating of urban planning documents and, more broadly, to control real estate pressure. The coexistence of activities is first of all dependent on political willpower, which requires, among other things, attentive regulation of housing prices. In short, boldness and courage!
Taking existing layouts and buildings as springboards for the imagination, participants are thus inspired to envisage the end of zoning through ‘hybridation processes’, ‘spatial invasions’, or ‘diversification strategies’. 19 L A FIN DU ZONING THE END OF ZONING
ENTRETIEN
INTERVIEW
LE PAYSAGE CONTRE LES MAUX DU ZONING
THE LANDSCAPE AS RELIEF FROM ZONING
Le zoning, fils d’une modernité parfois caricaturale et excessive, est aujourd’hui un mal urbain qu’il paraît difficile de soigner d’autant plus que la ville productive réclame parfois des espaces spécialisés. Clara Loukkal, urbaniste et paysagiste, et Benoît Barnoud, architecte et paysagiste, tous deux fondateurs de l’agence Altitude 35, défendent, pour créer continuités et diversité, une approche frugale et... géographique.
Zoning is heir to a modernity that is at times caricatural and excessive. Today it is an urban disease, which seems all the more difficult to cure now that productive cities sometimes require specialised spaces. In order to create continuity and diversity, urban planner and landscape designer Clara Loukkal, and architect and landscape designer Benoît Barnoud, the founders of Altitude 35, advocate an approach that is both frugal and… geographical.
AVEC WITH CLARA LOUKKAL ET AND BENOÎT BARNOUD PAR BY JEAN-PHILIPPE HUGRON 20
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI:
What are your thoughts on zoning? L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI :
Quelle est votre position face au zoning ? CLARA LOUKKAL & BENOÎT BARNOUD : La politique urbaine d’après-guerre a conduit à une hyper-spécialisation des quartiers avec laquelle il faut aujourd’hui composer. Les politiques de zoning alors mises en place ont tout de même permis de répondre rapidement à la croissance des villes. Il s’agit aujourd’hui d’accompagner ces territoires monofonctionnels vers plus d’ouverture et de mixité. Nous croyons à la vertu du paysage pour décloisonner ces espaces. AA : Dans quelle mesure le paysage peut-il contrarier cette inertie ?
Projet « Jurassic Parks ». Conception par Altitude 35 (Clara Loukkal et Benoît Barnoud). Projet lauréat Europan 14 à Besançon. Imbrication des stratégies économique et géographique par l’inventaire au niveau macro du parc sauvage et du parc technologique du Jura. “Jurassic Parks” project. Design by Altitude 35 (Clara Loukkal and Benoît Barnoud). Europan 14 winning project in Besançon. Intertwining of economic and geographic strategies through the inventory of the Jura region natural and technological resources, at macro level.
CL & BB : Nous sommes paysagistes mais aussi urbanistes et architectes. Notre expertise s’applique aussi bien à l’échelle de la parcelle qu’à celle plus vaste du territoire. Cette question de l’échelle est fondamentale. L’échelle d’un paysage est celle de la géographie avec sa structure géologique et ses cours d’eaux structurants. On comprend que cette unité de territoire déborde de l’échelle des secteurs issus du zoning. Le paysage est transversal par essence. La continuité du chemin de l’eau et des lignes de crêtes transcendent les périmètres administratifs.
21 L A FIN DU ZONING THE END OF ZONING
CLARA LOUKKAL & BENOÎT BAROUD: Post-war urban policies have led to hyper-specialised city areas, which we now need to come to terms with. Nevertheless, the policies put in place were able to respond rapidly to the needs of expanding cities. Today, our aim is to accompany these mono-functional areas in a more open and diverse direction. We believe in the virtue of landscape to de-compartmentalise such spaces. AA: Is landscape design really able to combat this malaise? CL & BB: We are landscape designers but also urban planners and architects. We can work on small-scale as well as large-scale projects. This question of scale is key. In terms of landscape, it relates to geography, the geological structure of the landscape and the waterways that shape it. So, you can see that land, as a whole, is more than the districts derived from zoning. By definition, landscape is transversal. The continuity of waterways and ridge lines transcends administrative boundaries. The hollows of a thalweg or the bank of a river are nature’s hyphens, which act as a guideline. Finally, the notion of landscape cannot be limited to planimetry. The feeling of isolation or separation in certain sites can be overcome by opening vistas onto the horizon.
Le creux d’un talweg ou la rive d’un fleuve sont des traits d’union naturels sur lesquels il faut s’appuyer. Pour finir, la question du paysage ne peut se limiter à une vision planimétrique. Le sentiment de cloisonnement ressenti sur certains sites peut être dépassé par une mise en tension des lointains. AA : Si la mise en relation entre les « zones »
est une première étape, comment abordez-vous la question de la diversification des activités ? CL & BB : Sans prétendre aux compétences des
programmistes, nous pensons qu’il s’agit là d’une affaire de stratégie. L’option de diversification des fonctions au coeur d’un quartier, parfois à marche forcée, ne doit pas être envisagée comme l’unique solution. Dans certaines situations, il peut être plus pertinent d’envisager le retournement de ces quartiers auto-centrés sur leurs franges. Chaque quartier est voisin d’un autre et nous pensons que leur devenir se joue sur leurs limites. Elles sont le lieu d’une articulation entre deux fonctions qui peuvent, à cet endroit précis, s’entremêler naturellement et s’imbriquer pour donner corps à une nouvelle mixité. Pour ce faire, le traitement de l’espace public est de prime importance. AA : Comment pensez-vous, en conséquence,
cet espace public ?
CL & BB : En la matière, nous avons probablement
“Les limites sont le lieu
d’une articulation entre deux fonctions qui peuvent, à cet endroit précis, s’entremêler naturellement et s’imbriquer pour donner corps à une nouvelle mixité. The boundaries act as joints between two functions that can, in that exact space, intermingle in a natural way and lock into each other to form a new, diversified space.
”
une approche à rebrousse-poil de certaines pratiques actuelles. La surdétermination des espaces publics par une approche uniquement centrée sur l’usage conduit à des espaces à la mode mais très vite obsolètes. De la même manière que la somme des programmes ne crée pas la ville, l’addition des usages n’est pas une condition suffisante pour « faire » espace public. Dans nos projets, nous essayons de tendre vers des espaces publics polyvalents. Par exemple, les parcs ont historiquement une dimension productive. Il s’agit donc à la fois de lieux de loisirs, d’espaces de représentation et d’un système productif générant sa propre économie. Les techniques hydrauliques, forestières et agricoles produisent des richesses qui financent la gestion des parcs et participent de leur esthétique. Cette façon de faire peut être réinterprétée aujourd’hui. Nous élaborons des dispositifs reposant sur des principes simples, souvent low-tech, en croisant les enjeux fonciers, économiques et géographiques.
AA: If an initial stage consists of placing ‘zones’ in relation to each other, how do you approach the question of diversification of activities? CL & BB: We think this is a question of strategy, although we don’t pretend to be program managers. Diversifying functions at the heart of an area, sometimes by force, need not be seen as the only solution. In certain cases, it may be more relevant to shift the focus of these areas from their centres to their outskirts. Each area adjoins another, so we think that their future lies in their boundaries. They act as joints between two functions that can, in that exact space, intermingle in a natural way and lock into each other to form a new, diversified space. In order to achieve this, the development of public spaces is of the utmost importance. AA: So then, how do you envisage
that public space?
CL & BB: Our approach probably goes against the
grain of most current practices. The over-specialisation of public spaces through an approach focusing exclusively on uses leads to fashionable spaces that are soon obsolete. In the same way that the sum of projects doesn’t create a city, the juxtaposition of multiple uses is not enough to create public spaces. Our projects tend towards polyvalent public spaces. For instance: historically, parks have always had a productive dimension. They combine leisure, performing spaces, and a productive system generating its own economy. Hydraulic, woodland and agricultural systems produce riches that finance park management and contribute to their aesthetic value. This tradition can be re-interpreted today. We put together plans that are based on simple, often low-tech principles, through strategic overlapping of real estate, economic and geographic elements.
22 L A FIN DU ZONING THE END OF ZONING
“De la même manière
que la somme des programmes ne crée pas la ville, l’addition des usages n’est pas une condition suffisante pour « faire » espace public. In the same way that the sum of projects doesn’t create a city, the juxtaposition of multiple uses is not enough to create public spaces.
”
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1 / 2 / 3 – Le site de Besançon proposé à la session 14 d’Europan : le campus universitaire de la Bouloie et la technopole TEMIS (1 et 3) entre le centre historique (2) et le grand paysage jurassien. The site proposed for Europan 14 in Besançon: the Bouloie university campus and the TEMIS technopole (1 and 3) between the historical centre of the city (2) and the Jura region landscape.
23 L A FIN DU ZONING THE END OF ZONING
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1 /2/ 3 – Le site de Besançon proposé à la session 14 d’Europan : (1) la voie des Montboucons, rocade nord, (2) résidence universitaire du campus de la Bouloie, (3) le parc de l’observatoire historique. The site proposed for Europan 14 in Besançon: (1) the Montboucons avenue, North ring road, (2) the Bouloie university campus, (3) the historical observatory park.
4 / 5 – Projet « Jurassic Parks ». Conception par Altitude 35 (Clara Loukkal et Benoît Barnoud). Projet lauréat Europan 14 à Besançon. Micro-mécanique du projet : articulation du « Jurassic track » et du « Jurassic trail », deux trajectoires appuyées sur la topographie du site, se croisant au niveau de l’observatoire. “Jurassic Parks” project. Design by Altitude 35 (Clara Loukkal and Benoît Barnoud). Europan 14 winning project in Besançon. Micro-mechanics of the project: articulation of the “Jurassic track” and the “Jurassic trail”, two trajectories rooted on the site’s topography, intersecting at the observatory.
6 – Nano-mécanique du projet : stratégies de transformation des espaces publics par décloisonnement des espaces et ouverture du campus sur la ville. Nano-mechanics of the project: public spaces transformation strategies by opening up the spaces and the campus onto the city.
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FOCUS
FOCUS
LA THÉORIE DU VER DE TERRE
THE EARTHWORM THEORY
Lumbricus terrestris, autrement dit lombric ou ver de terre. Il serait la meilleure arme contre le zoning ! Du moins à en croire le Collectif CARLOS qui mise sur cet invertébré pour transformer la ville, plus exactement pour « réorganiser les échanges » et « gommer les limites traditionnellement établies entre espaces urbains et milieux vivants ». Que peut donc faire ce visqueux hermaphrodite ? Et qui est-il pour bouleverser nos territoires et transformer nos zones d’activités ? « Il est un ingénieur des sols », répondent paysagistes et architectes. « Il en modifie la porosité, favorise l’infiltration de l’eau et la pénétration des racines. Garant de la fertilité, il participe à la régulation hydrique et climatique de la ville », poursuivent-ils. In fine, tout n’est que métaphore. Perforer, infiltrer, combiner seraient autant d’activités réjouissantes pour un ver mais aussi pour un collectif audacieux. Par ce biais, il s’agit de mettre l’angle sur une ressource abondante déjà présente : le sol, dont notre civilisation contemporaine ne fait malheureusement que le support de ses activités. À Amiens, dans la zone de Montières, le Collectif CARLOS ambitionne d’en faire un organisme vivant, « acteur d’un réseau d’infrastructures productives ». « Notre projet vise ainsi à recréer des continuités spatiales et métaboliques productives entre la ville et son territoire, sollicitant acteurs humains et non humains. Il propose un urbanisme conçu à partir d’espaces ouverts, de cycles et de ressources. Notre approche permet de restaurer des continuités productives soutenables entre les milieux vivants, les infrastructures et la société civile. » En outre, ces plans trouvent plus de sens encore dans le croisement des échelles, de la zone d’activité au département, de la ville au territoire. Le Collectif CARLOS imagine par conséquent une nouvelle composition urbaine articulée autour de grands bassins et de canaux mais aussi d’une pépinière et de terrains mis en culture. Le tout se résume en quelques verbes bien sentis : restructurer, décompacter, relier, diversifier, redimensionner et, bien entendu, comme un ver, infiltrer !
Apparently Lumbricus terrestris, otherwise known as the earthworm, may be the most powerful weapon against zoning – at least according to the Collectif CARLOS, which is relying on the invertebrate to transform the city, or rather, to “reorganise exchanges” and “erase traditional boundaries between urban spaces and the natural environment”. So, what can we expect from the viscous hermaphrodite, and who is it to revolutionise our regions and transform our zones of activity? “A soil engineer”, is the architects’ and landscape designers’ answer. “It modifies the soil’s porosity, fosters water ingress and root penetration. A guarantor of fertility, it participates in the hydric and climatic regulation of the city,” they add. In fine, all is but a metaphor. Perforating, infiltrating and combining are cheering activities for an earthworm and a daring collective alike. It is a way of reframing a rich resource that is already there: the soil, which our contemporary civilisation unfortunately only uses to support its activities. In Amiens, in the district of Montières, the Collectif CARLOS aims to turn the area into a living organism, “a player in a network of productive infrastructures”. “Our goal is thus to recreate a spatial and metabolic continuity between the city and its land, by calling on human and non-human contribution. The project for urban planning is based on open spaces, open cycles and resources. Our approach allows the restoration of sustainable productive continuity between the natural environment, the infrastructure and civil society.” These plans become even more meaningful as scales intersect, from the specific zone of activity to the district, from the city to the wider region. The Collectif CARLOS consequently imagined a new urban layout organised around large ponds and canals, as well as a tree nursery and cultivated plots of land. The whole thing is summed up by an apposite group of verbs: restructuring, de-compacting, linking, diversifying, re-scaling and, of course, like an earthworm, infiltrating.
CULTIVATING THE CITY AMIENS (80) Équipe lauréate : Collectif CARLOS Adèle Ribuot Agnès Jacquin Laura Castagne Charlotte Rozier Antoine Gabillon Cléo Borzykowski
1 – Temps 1, restructurer : régénération et reconversion progressive des sols en terre fertile par bioremédiation. Phase 1, restructuring: gradual regeneration of soils into fertile soil by bioremediation. 2 – Temps 2, installer : nouveau type d’infrastructure urbaine intégrant la gestion de biomasse et de traitement des eaux dans un espace public quotidien. Phase 2, installation: new type of urban infrastructure integrating management of biomass and water treatment in an everyday life public space. 3 – Temps 3, consolider : développement négocié d’un cadre foncier pour générer un réseau d’espaces publics et une mixité entre production et habitat. Phase 3, consolidation: negotiated development of a land framework to generate a network of public spaces and mixity between production and housing.
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POSITIVE LOOPS ANGERS (49) Équipe lauréate : Solenne Sari Pierric Amella Florian Camani Mathilde Luguet
1 – La superposition des boucles sur le territoire : végétation productive, ressources et recyclage, valorisation du foncier, infrastructure capable, fret, partage, mixité. The superposition of loops on the territory: productive vegetation, resources and recycling, valuation of land, capable infrastructure, freight, sharing, mixed-uses. 2 – Le principe des boucles productives. The principle of productive loops. 3 – Recherche typologique d’infrastructures capables, basées sur une structure primaire adaptable. Typological research of capable infrastructures, based on a primary adaptable structure.
FOCUS
FOCUS
DES RONDS POUR LA VILLE PRODUCTIVE !
VIRTUOUS CIRCLES
Boucler ses fins de mois, boucler la boucle… ce champ lexical intarissable pourrait désormais s’enrichir d’une nouvelle expression : « boucler la ville ». Solenne Sari, Pierric Amella, Florian Camani et Mathilde Luguet envisagent en effet de manipuler cycles et circuits car la ville productive serait avant tout question d’économie circulaire. À Angers, cette équipe pluridisciplinaire propose de s’inspirer des théories du réemploi pour imaginer l’avenir d’une zone d’activités sur le déclin. « Notre ambition est en effet de permettre à ce site vieillissant d’évoluer d’un modèle d’urbanisme et de production linéaires vers un modèle circulaire et positif qui permette sa régénération dans le temps », expliquent-ils. Pour donner plus de dynamisme à cette approche originale, l’équipe anglicise volontiers son vocabulaire et préfère ainsi tracer sur ses plans des « positive loops ». Au nombre de quatre, ces boucles portent respectivement sur l’économie du recyclage et du réemploi de matériaux de construction, l’exploitation d’une végétation productive au sein même de la zone d’activités, la valorisation du foncier par l’optimisation des délaissés de voiries et enfin la construction de structures capables de superposer plusieurs activités et d’accueillir plusieurs usages dans le temps. « Chacune de ces boucles se définit à la fois par une stratégie à long terme mais aussi par des actions à court terme qui permettent notamment de tester ou préfigurer les usages à venir », préviennent-ils. « Nous pensons de cette façon une transformation progressive et propice à un urbanisme temporaire. En substance, nous pensons faciliter à court terme les connexions et impulser des transformations du cadre de vie à l’aide d’aménagements piétons, d’expérimentations de pépinières productives, de maisons de projets et d’événements fédérateurs. À moyen terme, l’arrivée de l’échangeur autoroutier autorise le dessin d’espaces publics nouveaux. Enfin, à plus long terme, nous imaginons densifier ce qui deviendrait alors une nouvelle entrée de ville », résument-ils.
29 L A FIN DU ZONING THE END OF ZONING
Coming full circle, keeping in the loop… this endless semantic field can now be enriched with the expression “looping the city”. Solenne Sari, Pierric Amella, Florian Camani and Mathilde Luguet are envisaging the manipulation of production cycles and circuits, for the would-be productive city is above all a matter of circular economy. In Angers, this multi-disciplinary team proposes to draw from the theories of adaptive re-use to envisage the future of a dying zone of activity. “Our ambition is indeed to give this ageing site the opportunity to evolve from a certain urban planning and linear production model, towards a circular and positive model that would enable its regeneration over time,” they explain. In order to strengthen this original approach, the team happily anglicises its vocabulary, thus preferring to trace “positive loops” on its plans. There are four loops in total, concerning: the recycling economy and reuse of building material; utilising productive vegetation within the zone of activity; development of real estate through better use of abandoned by-roads; and finally, building structures enabling the superimposition of several activities and the accommodation of several uses at the same time. “Each of these loops is defined by a long-term strategy, but also by short-term actions, which notably allow the testing and foreshadowing of future uses,” they explain. “This way, we’re planning a gradual transformation, conducive to a temporary urban plan. In essence, we think that, in the short term, we will facilitate connections and prompt transformations of the natural environment thanks to the organisation of pedestrian space, experimental productive tree nurseries, project houses and unifying events. In the medium term, the advent of the motorway interchange allows the design of new public spaces. Finally, in the more distant future, we envisage densifying what would then become a new entrance to the city,” they sum up.
CARTE BLANCHE
CARTE BLANCHE
PRODUIRE EN VILLE, AU PLUS PRÈS DE CHEZ SOI La construction de quartiers métropolitains habitants et productifs Comme l’a souligné Mark Brearley à propos de Londres, lorsqu’il était en charge de Design for London, think tank du Grand Londres, « the city is eating itself, it’s no good ». La ville contemporaine a peu à peu externalisé toutes ses fonctions de production en grande périphérie. Ce cycle n’est plus vertueux puisqu’il paralyse aujourd’hui notre capacité à mettre en oeuvre la ville contemporaine telle que nous la désirons collectivement : une ville mixte, solidaire, active, créative, stimulante, plus juste, pleine d’opportunités pour tous. Il s’agit d’inverser cette tendance en cessant de considérer l’habitant seulement comme un consommateur mais en le prenant aussi pour ce qu’il est : un agent producteur. Pour cela, la ville doit réintégrer de nouveaux espaces de production, pensés pour l’économie d’aujourd’hui et étroitement articulés aux services, aux équipements et aux logements. > DJAMEL KLOUCHE, Architecte urbaniste, co-fondateur de l’AUC en 1996 avec François Decoster et Caroline Poulin, enseignant à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles. Architect and urban planner, co-founder of the AUC office in 1996, with François Decoster and Caroline Poulin, associate professor at the Versailles School of Architecture.
La ville contemporaine est une matière vivante, travaillée en permanence par des forces contradictoires : la solidarité et la compétition, l’hyperproductivité et la gestion raisonnée des ressources, l’immédiat et le prospectif… Elle doit être capable d’accueillir aussi bien le siège social d’une compagnie internationale qu’un back-office, une société de services, une startup ou un atelier de création/production. À la différence des logiques d’entreprises classiques, les entrepreneurs de la nouvelle économie productive adoptent des logiques de projet, d’équipes, de groupements ponctuels ou de collectifs peu institutionnalisés. Ils cherchent des localisations dans le tissu urbain, dans des locaux adaptables, flexibles, et surtout à des loyers largement inférieurs aux produits tertiaires classiques indexés sur le marché dit « normal ». Des expériences sont en train d’émerger ici ou là ; elles restent trop silencieuses. Bruxelles fait de la production en ville son ADN futur en inscrivant clairement cet objectif dans les documents d’urbanisme. Nous avons aussi participé à une réflexion dans le cadre de la Biennale de Rotterdam 2016 sur la thématique des next economy, pour imaginer
comment mettre à contribution l’hypertrophie des infrastructures portuaires au service d’une ville productive valorisant une économie de production plus archaïque à côté de celle, plus automatisée, du port. Nous avions proposé dans le projet urbain du « Territoire de la création », lieu emblématique du Grand Paris, d’obliger toute opération à produire un pourcentage substantiel de surfaces adaptées et réservées à des activités de production et de création (flexibilité, modularité, services associés) à des loyers très compétitifs permettant d’offrir une alternative au tertiaire classique devenu trop onéreux pour les producteurs du XXe siècle. Cette règle vise aussi à garantir la production de quartiers mixtes où habitants, actifs et citoyens de passage partagent des espaces communs. Nous voudrions, ici, énoncer une proposition qui nous semble très actuelle : l’avènement de la « métropole productive », ou comment réconcilier l’habitat et l’activité économique dans un même espace, au coeur de la métropole. La modernité nous a poussés vers un urbanisme de zoning où chaque fonction urbaine devait trouver un environnement optimisé pour se développer, le tout au détriment des échanges féconds et riches issus de la proximité de différences. On trouve dans les métropoles européennes de nombreux espaces, avec des grandes étendues, des infrastructures abondantes, des programmes vastes et généreux à la fois, où l’on doit chercher aujourd’hui une forme de développement articulé aux nouvelles attentes sociétales et économiques. La « métropole productive » serait cet espace qui, sans nier les qualités des espaces dont nous avons hérité, ouvrirait la voie à une organisation territoriale inédite où peuvent se mêler des conditions de travail et d’activités productives de tout genre (tertiaire, artisanat, production, logistique, commerces) dans un espace urbain résilient, accueillant et ouvert. Des quartiers métropolitains productifs qui donnent une place réelle et juste aux activités productives en ville et où métropole habitante et métropole productive dessinent de nouvelles alliances spatiales s’incarnant dans des projets locaux ambitieux. Des quartiers métropolitains productifs qui permettent l’émergence de typologies architecturales résolument contemporaines, faisant de la mixité sociale et fonctionnelle une condition nécessaire au vivreensemble. Des quartiers métropolitains productifs qui permettent de faire émerger des nouvelles proximités entre actifs et résidents, entre connaissance et production, entre espace public et espace commun. Des quartiers métropolitains productifs misant réellement sur la co-production des actants dans l’urbain. La ville productive est un espace hybride, un espace de différences, un espace où chaque partie est augmentée, où la somme des différences fait l’attractivité. C’est aussi vers ce concept innovant que nos villes doivent s’orienter, à l’heure où l’emploi est au coeur des préoccupations de tous.
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PRODUCTION IN THE CITY, A PROJECT CLOSE TO HOME The construction of living and productive metropolitan areas As Professor Mark Brearley put it when he was leading the Greater London think tank Design for London, “the city is eating itself, it’s no good.” Little by little, cities have been moving all of their production functions to their outskirts. This is no longer a productive cycle since it paralyses our capacity to set up the contemporary city such as we collectively want it: mixed, united, active, creative, stimulating, fairer, and rich in opportunities for all. It is all about bucking the trend, first by considering inhabitants as the productive agents they are, not just consumers. To do this, cities need to embrace new spaces of production, thought out for today’s economy, and tightly connected to services, amenities and residential space/housing. The contemporary city is a living organism constantly shaped by opposing forces: solidarity vs competition, hyper-productivity vs controled management of resources, the immediate vs the prospective… It needs to be able to take in the headquarters of an international company as much as a back-office, medium to small businesses, or a creation/production studio. Contrary to the classic corporate logic, entrepreneurs of the new productive economy lead projects, teams and groups, or unestablished collectives using a punctual approach. They seek spaces located within the urban fabric; adaptable, flexible, and above all affordable premises that are much below rent prices of classic tertiary products indexed on the so-called ‘normal’ market. Some experiments are seeing the light of day; but they are still relatively quiet. Brussels has made production in the city its hallmark for the future by inscribing this objective clearly in urban planning documents. Within the framework of the Rotterdam Biennale 2016 we took part in a debate about tomorrow’s economy, envisionning ways of making the hypertrophy of port infrastructures contribute to the productive city, adding value to a more archaic production economy, right next to the port’s more automated one. For the urban project “Territoire de la création”, an emblematic location of the Greater Paris, we had proposed that any real estate operation should yield a substantial percentage of
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space adapted to and reserved for production or creative activities (flexibility, modularity, associated services) at very low rent prices, thus affording the tertiary sector with a viable alternative to classic tertiary solutions, which are too costly for today’s producers. This rule also aims to guarantee the production of mixed areas where permanent, active and temporary residents share communal spaces. Here, we should like to develop a proposal that we think is very ‘of the moment’: the advent of the ‘productive metropolis’, or how to combine residential space/housing and economic activity in one same space, at the heart of the city. Modernity pushed us towards an urbanism of zoning, where each urban function had to find an optimised environment in order to develop itself, at the detriment of fertile exchanges that stem from wide differences coexisting side by side. Certain European cities feature a great number of large spaces, infrastructures and programmes that are both large and generous, where today one needs to seek a form of development that responds to new social and economical expectations. The ‘productive metropolis’ would be a space which, without negating the qualities of the sites we have inherited, would open the way to a brand new organisation of the land, where work and productive activities of all kind (tertiary, artisanal, production, logistics, trade) may co-exist within a resilient, welcoming and open urban space. Metropolitan productive districts would: allow the emergence of markedly contemporary architectural typologies, making social and functional mixity a necessary condition to living together; allow the emergence of new connections, between active population and residents, knowledge and production, public and communal space; relying on all agents’ co-production of the urban fabric. The productive city is a hybrid space, a space of differences, a space where each part is augmented by another, where the sum of these differences is what creates attractiveness. It is towards the prism of this innovating and markedly contemporary concept that our cities’ wider areas need to evolve, at a time when employment lies at the heart of each and everyone’s preoccupations.
ANALYSE
ANALYSIS
QUELLE WHAT URBANITÉ URBANITY POUR FOR LES THE VILLES PRODUCTIVE PRODUCTIVES CITIES ? PAR BY JEAN-PHILIPPE HUGRON
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L’urbanité ? « La manière civile des anciens Romains ». Mais encore ? « Une politesse fine et délicate, manières dans lesquelles entrent beaucoup d’affabilité naturelle et d’usage du monde. Synonyme : civilité, courtoisie, politesse ; antonyme : grossièreté, rusticité, vulgarité ». Sans oublier bien sûr, urbanité : « caractère de ce qui fait une ville. » Rendre urbaine la ville productive répond donc d’un double objectif : lui ôter toute trivialité et lui donner une allure citadine. La précision est d’autant plus importante que les
Urbanity: ‘the civilised manner of the ancient Romans’; or better yet, ‘refined courtesy or politeness; suave manners characterised by a great deal of natural affability and worldliness. Synonym: civility, courtesy, politeness. Antonym: coarseness, simplicity, rudeness.’ And not forgetting of course, urbanity: ‘the quality or state of being urbane.’ Making the productive city into an urbane space thus meets a dual objective: stripping it from all triviality to give it a slick city look. Precision matters all the more that strategies vary.
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PRODUCTIVE CITIES AND URBANITY
stratégies diffèrent. S’agit-il d’évoquer l’introduction d’activités laborieuses en centre-ville ou bien de transformer toutes zones industrielles périphériques en quartiers mixtes ? Les deux ! À ceci près que l’époque actuelle réclame pour les villes moyennes le retour rapide d’activités économiques en cœur de ville. Du nord au sud, d’est en ouest, la problématique fait rage alors que de nombreuses localités affrontent un déclin vertigineux. Pour y remédier, il s’agit de développer un urbanisme désirable afin de « vivre et travailler au cœur de la ville ». Il est en ce sens question de concilier services de proximité, qualité résidentielle et nouvelles activités. Encore faut-il pour cela imaginer un équilibre territorial à grande échelle et faire de ces entités urbaines moyennes un lieu de régulation du trop-plein métropolitain. L’enjeu est éminemment politique et invite à une nouvelle forme de décentralisation… cette fois-ci régionale. Cet objectif invite également, à l’échelle locale, à imaginer un processus de régénération à partir des ressources présentes, du « déjà-là » composé d’un patrimoine remarquable mais aussi d’une structure urbaine efficace. Parmi les qualités de ces centres, « l’hyperproximité » désormais recherchée pour valoriser les échanges, autorise la création de quartiers productifs urbains, vivants et mixtes. Les activités qu’architectes et urbanistes souhaitent alors développer ne relèvent pas d’industries lourdes mais bel et bien d’espaces de production ou de prototypage, de Fab Lab, de ressourceries, d’ateliers d’artisans, de fermes urbaines qui tous servent à la valorisation de savoir-faire locaux.
Are we speaking about introducing labourintensive activities in the city centre or of transforming all surrounding industrial zones into mixed areas? Both. This said, today’s medium-sized towns are crying out for the speedy return of economic activity in their centres. From North to South, East to West, it is a raging problem, at a time when countless local councils are facing a vertiginous decline. A desirable urban plan needs to be developed so that people may ‘live and work at the heart of the city.’ Consequently, combining local services, quality housing and new activities is under discussion. Yet for this to become a reality, one needs to envisage a land-wide balance on a much broader scale, turning these medium-sized urban entities into places that regulate the excess of the metropolis. The stakes are eminently political and call for a new form of centralisation, one that is… regional. This objective also calls for, this time at local level, a process of regeneration based on existing resources, comprising noteworthy heritage elements but also an efficient urban structure. Among the qualities of theses centres, the now sought-after ‘hyper-proximity’ enhances the ease of exchange and allows the creation of productive districts that are urban, lively and mixed. Thus the activities which architects and urban planners wish to develop are not to do with heavy industry but with production and prototyping spaces, Fab Lab, local used-goods outlets and upcycling centres, artisanal workshops, urban farms, all of which serve to enhance local know-how. These plans usually call for the creation of a social and economical ecosystem that even goes as far as mobilising parts of the cultural sector, which helps to propagate these activities for the benefit of the public.
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PRODUCTIVE CITIES AND URBANITY
La ville productive se fait ainsi le laboratoire théorique pour la réactivation des villes moyennes. The productive city becomes the theoretical laboratory for the rejuvenation of medium-sized cities.
Ces plans invitent généralement à la création d’un éco-système social et économique allant même jusqu’à mobiliser les secteurs de la culture, lesquels permettent la diffusion de ces activités au public. Ces intentions sont, sur le papier, parfaitement cohérentes et convaincantes. Pour les rendre plausibles, il s’agit cependant de transformer la ville sur elle-même et de jouer, entre autres, des espaces interstitiels pour en faire, par exemple, des mini-parkings silos. La ville-centre, en souffrant benoîtement du rêve suburbain, doit s’adapter au confort réclamé par tous. Aussi, il convient d’imaginer les aménités nécessaires pour conférer à ces quartiers souvent denses un tant soit peu d’attractivité. De nombreuses propositions misent, par ailleurs, sur l’espace public. Les outils offerts par l’urbanisme temporaire permettent une appropriation nouvelle en plus d’autoriser des phases de tests. Dans un paysage urbain revalorisé, de nouvelles pratiques urbaines peuvent émerger. La ville productive se fait ainsi le laboratoire théorique pour la réactivation des villes moyennes à l’heure où le débat sur leur avenir s’impose brusquement.
On paper, these intentions are perfectly coherent and convincing. For them to be plausible however, the city needs to be transformed within and of itself, and, among other things, it needs to play with interstitial spaces; to turn them into silos mini-parking lots, for example. The city centre, by suffering from the suburban dream, must adapt to the idea of comfort for, and expected by all. And so, it is right to think about the amenities required to lend even the slightest amount of attractiveness to these often dense areas. To this end, numerous proposals bet on public spaces. In addition, the tools offered by temporary urban planning allow for a new appropriation and permit new test phases. In a rehabilitated urban landscape, new urban practices can thus emerge. This way, the productive city becomes the theoretical laboratory for the rejuvenation of medium-sized cities, at a time when the debate about their future has suddenly reared its head.
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PRODUCTIVE CITIES AND URBANITY
ENTRETIEN
INTERVIEW
LA VILLE PRODUCTIVE, AVENIR DES VILLES MOYENNES ?
THE PRODUCTIVE CITY: MEDIUMSIZED CITY OF TOMORROW?
Le défi est grand pour dynamiser les villes moyennes qui, depuis quelques années, perdent de leur superbe. Pour enrayer ce phénomène, les principes de la ville productive sonnent comme la clé d’un développement nouveau et vertueux des centres anciens. Entretien avec Pierre Mathonier, maire de la ville d’Aurillac (Cantal).
Medium-sized cities have been losing their lustre for the past few years and revitalising them is a big challenge. To halt the decline, the principles of the productive city sound like the key to a new, virtuous development of historical city centres. Jean-Philippe Hugron interviewed Pierre Mathonier, the mayor of the city of Aurillac, located in the Auvergne-Rhône-Alpes region.
AVEC WITH PIERRE MATHONIER PAR BY JEAN-PHILIPPE HUGRON 36
“La ville productive
telle que portée par Europan pose donc, avant tout, la question de l’intégration des activités économiques à l’espace urbain. The productive city as advocated by Europan poses the question of how to integrate economic activities into the urban space.
”
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI :
What urban challenges does a city like Aurillac face today?
PIERRE MATHONIER : Comme toutes les villes moyennes, Aurillac voit son centre se dépeupler et se paupériser. En marge de son cœur historique, des friches urbaines se constituent progressivement alors que l’agglomération poursuit son extension. C’est donc la colonne vertébrale de la ville qui doit être repensée. Il s’agit d’aborder la transformation de sites autrefois dédiés à la production, de penser la création d’espaces publics attractifs et d’imaginer l’intégration d’activités nouvelles en ville.
PIERRE MATHONIER: Like all medium-sized towns,
AA : Que vous inspire le thème porté par
Projet « Le Grand parc - la Jordanne entre en Ville ». Conception par Simon Gabillard, Héloïse Bouju et Mercè Pagès, avec Manon Bouju, Louis Bassigny, Manuel Hennin et Clément Berthollet. Projet lauréat Europan 14 à Aurillac. Le panorama du Grand parc vu depuis l’hyper-centre, continuité de la structure paysagère. “Le Grand parc - la Jordanne entre en ville” project. Design by Simon Gabillard, Héloïse Bouju and Mercè Pagès, with Manon Bouju, Louis Bassigny, Manuel Hennin and Clément Berthollet. Europan 14 winning project, in Aurillac. The Grand parc landscape seen from the hyper-centre, continuity of the landscape structure.
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI:
Quels sont aujourd’hui les enjeux urbains d’une ville comme Aurillac ?
Europan, à savoir : les villes productives ? PM : La ville productive appelle la coprésence de
fonctions diverses ; cette coexistence existe déjà à l’échelle du territoire d’Aurillac mais elle a engendré la formation d’une ville aux rythmes pendulaires, où les trajets quotidiens sont en moyenne d’une heure et demie. La ville productive telle que portée par Europan implique au contraire d’habiter près de son lieu de travail et d’éviter ces mouvements quotidiens de population. Elle pose donc, avant tout, la question de l’intégration des activités économiques à l’espace urbain.
Aurillac’s centre is becoming depopulated and impoverished. Urban wasteland has been spreading on the fringes of its historical centre, while the conurbation continues to expand. Therefore, we need to re-think the backbone of the city. This means transforming sites that were formerly focused on production, thinking about the creation of attractive public spaces and integrating new activities into the city. AA: What do you make of the Europan-led theme of the productive cities? PM: The productive city calls on the coexistence of
diverse functions; this already exists in and around the Aurillac region but it has led to a city with a “pendular” rhythm, where daily commuting times average an hour and a half. Contrarily, the productive city as advocated by Europan, entails living near your workplace and avoiding such daily movement of people. Above all it poses the question of how to integrate economic activities into the urban space.
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PRODUCTIVE CITIES AND URBANITY
AA : Le sujet porte-t-il aussi, pour vous,
AA: For you, is this about urbanising these zones of activity?
PM : Nos zones d’activités ont toutes été conçues en périphérie d’Aurillac. Ce sont des espaces qui posent aujourd’hui la question de leur intégration paysagère. Nous n’en sommes donc pas encore à celle de la mixité fonctionnelle. Cependant, si nous voulons économiser le territoire, il nous faudra à terme penser ces questions dans la cadre d’une approche durable.
PM: Our zones of activity were all designed to be
AA : Comment appréhendez-vous, en tant qu’élu,
approach this notion of ‘production’?
sur l’urbanité des zones d’activités ?
“Nous devons, avant tout, « produire » du sens.
We must first and foremost generate meaning.
”
cette notion de « production » ?
PM : Ce qui était productif il y a dix ou quinze ans
ne l’est plus aujourd’hui. Il y a des évolutions importantes et majeures. Aussi, j’estime que personne ne sait réellement ce que ce sera la production dans deux décennies. Il faut donc, en tant qu’élu, laisser la porte ouverte à toutes formes d’évolution. Nous tenons également à prendre en compte la « production culturelle » et les activités patrimoniales artisanales qui en découlent. Penser la ville productive ne consiste certainement pas à créer de vastes fonderies en centre-ville ! Nous devons, avant tout, « produire » du sens.
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on the outskirts of Aurillac. How to integrate these spaces into the landscape is the big question. So, functional mixity is yet another matter. However, if we want to conserve the land, over time we will need to think through these issues from the perspective of a sustainable approach.
AA: As elected representative, how do you
PM: What was productive ten or fifteen years ago no longer is today. There have been important and major developments. In my view, nobody really knows what production will entail in two decades from now. As mayor, you need to leave the door open to all possible forms of change. We are also keen to take ‘cultural production’ into account and the artisanal heritage activities deriving from it. Envisioning the productive city certainly is not about creating smelting plants in the city-centre! We must first and foremost generate meaning.
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PRODUCTIVE CITIES AND URBANITY
“Il n’y a pas de ville productive sans espace public de qualité. There is no productive city without quality public spaces.
”
AA : Comment pensez-vous donc intégrer de nouvelles activités productives en ville ?
AA: So how do you envisage integrating new
PM : Dans le cadre du concours Europan, nous
PM: In the framework of Europan, we identified
avons identifié plusieurs sites : une ancienne usine à gaz qui est amenée à devenir une future friche urbaine, les berges de la Jordanne et une vaste esplanade qui, si elle accueillait autrefois les foires de la ville, est aujourd’hui utilisée comme parking. Elle constitue le premier contact que tout visiteur arrivant depuis la gare a désormais avec le centre-ville… un champ de 500 voitures ! Nous avons donc choisi ces sites stratégiques pour les offrir à la réflexion de jeunes architectes, urbanistes et paysagistes car nous devons penser une manière nouvelle d’utiliser ces espaces afin de réduire la logique actuelle de consommation foncière et d’extension de la ville. Cette croissance sans limites constitue un coût important pour une municipalité car elle nécessite des investissements conséquents en terme d’infrastructures. Il nous appartient donc de penser désormais la densification de la ville ou encore sa reconstruction sur elle-même.
AA : Comment pensez-vous aborder, dans ces circonstances, la question de l’espace public ? PM : C’est un sujet essentiel. L’espace public assure
la rencontre des personnes, des idées mais aussi des fonctions. Il n’y a pas de ville productive sans espace public de qualité. Nous travaillons en ce sens à la réappropriation des berges de la Jordanne par les Aurillacois. Nous pensons la ville comme un réseau d’échanges qui invite à ne jamais se replier sur soi.
AA : Quelles suites donnerez-vous à Europan ? PM : Nous avions d’abord envisagé notre parti-
cipation au concours Europan comme le moyen d’enrichir la réflexion des élus. Puis nous avons invité les Aurillacois à donner leur avis. Un vote citoyen a été mis en place. Son résultat est plus ou moins identique à la synthèse que nous avons réalisé avec le jury constitué par Europan. Nous avons alors décidé de réunir les trois lauréats qui ont accepté de faire équipe commune. Nous entrons ensemble dans une nouvelle phase de réflexion mais, cette fois-ci, la ville sera un peu plus directive dans ses attentes.
productive activities into the city?
several sites: a former gasworks factory which would soon become an urban wasteland, the banks of the Jordanne river, and a vast esplanade that used to host the town’s fairs but is today a parking lot. This is the first thing visitors see when they come out of the train station: a field of 500 cars. So these strategic sites were chosen as projects to be offered to young architects, urban planners and landscape designers, because we need to think of a new way of utilising these spaces in order to counter the current logic of financially exploiting land value and of urban expansion. This limitless growth creates major expenditure for the council as it requires a significant investment in infrastructure. Therefore we must think of ways to redensify the city or, better still, to rebuild it from the existing urban fabric. AA: With this framework, how do you intend
to approach the question of public space?
PM: It’s an essential point. Public space ensures not only the meeting of people, but of ideas and functions, too. There is no productive city without quality public spaces. To this end, we are working towards a re-appropriation of the banks of the Jordanne by the inhabitants of Aurillac. We are thinking about the city as an exchange network that would prevent people from becoming isolated. AA: What do you envisage after Europan? PM: We first considered our participation in Europan
as a way of enriching the local representatives’ thinking. Then we invited the inhabitants of Aurillac to give their opinion. A citizen vote was set up. Its result was more or less identical to the synthesis we had produced with the Europan jury. We then decided to bring together three laureates who agreed to work as a team. We are entering a new phase of collective thinking, but this time the town will be a little more upfront regarding its expectations.
1 / 2 / 4 – Le site d’Aurillac proposé à la session 14 d’Europan : une friche aux portes du centre historique (1 et 2), et des parkings publics (4). The site proposed for Europan 14 in Aurillac: an industrial wasteland on the city centre’s edge (1 and 2) and public car parks (4). 3 – Vue sur les paysages du Cantal. View on the Cantal landscape.
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1 – Projet « Le Grand parc - la Jordanne entre en Ville ». Conception par Simon Gabillard, Héloïse Bouju et Mercè Pagès, avec Manon Bouju, Louis Bassigny, Manuel Hennin et Clément Berthollet. Projet lauréat Europan 14 à Aurillac. Création d’espaces hybrides et aimables entre hyper-centre et extérieur de ville. “Le Grand parc - la Jordanne entre en ville” project. Design by Simon Gabillard, Héloïse Bouju and Mercè Pagès, with Manon Bouju, Louis Bassigny, Manuel Hennin and Clément Berthollet. Europan 14 winning project, in Aurillac. Creation of hybrid and pleasant spaces between the hyper-centre and the outskirts of the city.
2 – Projet « Panoplie ». Conception par Vivien Gimenez, Bertrand Robuchon et Maxime Lefranc. Projet mentionné Europan 14 à Aurillac. Recherche de typologie réversibles : du silo à l’îlot urbain, des ateliers au quartier vivant. “Panoplie” project. Design by Vivien Gimenez, Bertrand Robuchon and Maxime Lefranc. Europan 14 runner-up in Aurillac. Research on reversible typologies: from the silo to the urban block, from the workshops to the lively district. 3 – Projet « Panoplie ». La transformation du parking du Gravier avec l’ajout d’un opéra urbain. “Panoplie” project. The Gravier car park transformation, with the addition of an urban opera house.
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LA FOURMILIÈRE TOULOUSE (31) Mention spéciale : Studio Héno Arnaud Jouanchicot Hélène Grosdidier
1 – « La Fourmilière » ou la capacité des villes à se construire sur elles-mêmes. “The Anthill” or the ability of the cities to build up on themselves. 2 / 3 – La vie de quartier est en place ! Les fourmis ont construit les structures pérennes. L’espace public y est valorisé et permet des mobilités douces favorisant les déplacements autres que motorisés. Les toitures rénovées sont investies pour produire de l’énergie, et connectées à la smart grid toulousaine existante. The neighbourhood life is on! Ants have built lasting structures. Public space is enhanced, allowing soft mobility to encourage alternatives to motorized journeys. Renovated roofs are used to produce energy, and they are connected to the existing smart grid in Toulouse.
FOCUS
FOCUS
POUR OUBLIER LA TÔLE ONDULÉE
WAVING GOODBYE TO CORRUGATED IRON
Donner un tantinet d’urbanité à une zone d’activités, quelle gageure ! La « France moche » semble depuis quelques années une fatalité que rien ne peut entraver. Sauf peut-être l’espoir d’architectes audacieux. Ainsi, Arnaud Jouanchicot et Hélène Grosdidier, associés fondateurs du Studio Héno, proposent dans leur projet intitulé « la Fourmilière » de transformer, à Toulouse, ces vastes espaces commerciaux en véritables quartiers de ville. Pour cela, le duo mise sur les qualités de ces ensembles décriés qu’ils présentent pourtant comme « les nouvelles places de marché » : faible densité, faible hauteur de constructions, architectures modulables, foncier viabilisé et parfaitement équipé. « Toutes ces caractéristiques en font des espaces propices à la transformation et l’intensification », assurent-ils. Toutefois, il faut le concours d’édiles éclairés en plus d’une forte volonté politique. « La conciliation entre logements et entrepôts résulte d’abord d’une révision des documents d’urbanisme. Les PLU doivent désormais autoriser la construction de logements dans ces zones. Un redécoupage foncier doit être aussi encouragé par la ville afin de pouvoir engager un processus de densification », poursuivent-ils. Il en va, en conséquence, d’un véritable urbanisme d’incitation, voire de valorisation, foncière qui appelle toujours plus de souplesse dans les contrats entre bailleurs, commerçants, habitants et travailleurs. Au maître d’œuvre, ensuite, d’agir pour rendre désirables ces adresses en s’interrogeant, sans faux semblants, sur l’esthétique même de la ville productive. « Nous croyons dur comme fer à l’appropriation des lieux de travail comme vecteur d’attractivité, mais, pour ce faire, il faut aussi les habiter. Retrouver un équilibre commerçant / habitant est, en ce sens, essentiel pour que la ville puisse se redessiner et montrer un visage divers et complémentaire où chacun peut se projeter. Et, s’il y a projection, alors c’est gagné, la tôle ondulée peut être oubliée ! ».
Giving even the slightest touch of urbanity to a zone of activities is no picnic! For the past few years, France seems to be destined to remain “la France moche” (ugly France). The last hope may come from some daring architects. Thus, Arnaud Jouanchicot and Hélène Grosdidier, the founding partners of Studio Héno, have set up “La Fourmilière” (the anthill), a project aiming to transform vast commercial spaces in Toulouse into proper city districts. The duo is relying on the actual qualities of these much denigrated areas, which they nevertheless present as “new marketplaces”: low density, medium height, modular architectures, in developed and fully serviced sites. “These characteristics make the space suitable for transformation and intensification,” they declare. Yet a strong political willpower alone isn’t enough, and enlightened town councillors need to give their support as well. “The combining of housing and warehouses is first the result of updating urban planning records. The Local Urbanism Plan must now authorise the construction of housing in these zones. In order to start this process of densification, the council also needs to encourage land rezoning,” they add. Consequently, what is at stake is a true urbanism that is an incentive for, and even a valorisation of property; an urbanism that always calls on more flexibility in contracts between landlords, shop owners, residents and workers. It is then up to the project manager to render these locations desirable, and to ask direct questions about the productive city’s aesthetics. “We strongly believe that appropriating workplaces creates appeal, but to do this, we also need living space. To find the balance between shopkeepers and inhabitants again is thus essential, so that the city may be redesigned and show a diverse and complementary face to which each and everyone can relate. If this works, we’ve won, and we can wave goodbye to corrugated iron!”
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TOUJOURS PLUS VERT !
EVER GREENER!
Freespace ? « Freezone », répondent David Palussière et Camille Tréchot-Jasnault, architectes, qui détournent l’intitulé de la Biennale d’Architecture de Venise 2018 pour mieux aborder le problème des zones d’activités. Alors que la tentation serait de détruire ou de densifier ces territoires en les diversifiant, le duo préfère développer et enrichir ces espaces. « Nous souhaitons offrir des qualités autres qu’une nouvelle urbanité. Ces zones sont des lieux à part, tiers, bigarrés », assurent-ils. Aussi, pour le quartier Saint-Serge Nord à Angers, ils proposent la mise en place de « permacultures urbaines », autrement dit de travailler l’espace naturel. « La permaculture nous enseigne que les sols doivent être vivants pour être productifs ; les marges, les noues, les haies sont des lieux de biodiversité indispensables », affirment-ils. Le mot d’ordre est donc la fertilisation des sols voire leur « ensauvagement ». « Nous envisageons la diversification de la faune et la flore par une forme de laisserfaire encadré », expliquent-ils. En somme, ils en appellent à « l’envahissement des interstices improductifs » et à la valorisation du paysage végétal ainsi que des échelles douces. De cette proposition découle un décloisonnement des espaces productifs du domaine privé vers le domaine public. En outre, David Palussière et Camille TréchotJasnault œuvrent, par analogie, sur le patrimoine bâti. « Plutôt que de construire d’autres bâtiments, nous proposons des possibilités de division de hangars et d’entrepôts. Nous voulons ainsi ajouter, ici aussi, de la diversité à l’existant : des lieux de résidence, d’activités, de fêtes, de production énergétique. Bref, un écosystème vivant et varié, un espace de liberté qui n’est pas en concurrence avec la ville-centre mais en complémentarité. »
Freespace? “Freezone,” reply architects David Palussière and Camille Tréchot-Jasnault, who have misappropriated the title of the Venice Architecture Biennale 2018 to better broach the matter of “zones of activities”. When it would be tempting to destroy or to densify these areas by diversifying them, the duo prefers to develop and enrich the space: “We wish to bring new qualities, other than that of a new urbanity. These zones are separate, third-party, multicoloured places,” they assert. And so, for the Saint-Serge Nord area in Angers, they propose to set up an “urban permaculture”, in other words, to work with the natural environment. “Permaculture teaches us that the soil needs to be alive to be productive; the margins, the ditches, the hedges are essential places of biodiversity,” they add. The way forward is therefore ground fertilisation and, even, “rewilding”. “We envisage the diversification of the fauna and flora via a form of controlled laisser-faire,” they state. To sum up, they advocate “invading unproductive interstices”, enhancing the vegetal landscape as well as gentle interventions. From this proposal derives a breaking down of barriers, with productive spaces moving from the private sector into the public domain. Moreover, and in comparison, David Palussière and Camille Tréchot-Jasnault’s work favours heritage building. “More than constructing new buildings, we offer the possibility of dividing up warehouses and depots. In doing so we mean to add, here too, diversity to the existing, namely living spaces, spaces for activities, celebrations, dynamic production. In short, a living and varied ecosystem, a space of freedom that does not compete with the city-centre but complements it.”
PERMACULTURES URBAINES ANGERS (49) Mention spéciale : David Palussière Camille Tréchot-Jasnault
1 – Vision d’une zone commerciale douce. Vision of a soft commercial area. 2 – Principes d’une permaculture urbaine : densification et diversification. Principles of an urban permaculture: densification and diversification.
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LES AGENTS DE LA PRODUCTIVITÉ
Dès l’Antiquité, les théories de l’architecture ont placé le lieu au cœur du projet. Dans toute culture, l’intelligence et le respect du lieu (ce Locus défini en 1966 par Aldo Rossi dans L’architettura della città comme « le rapport à la fois particulier et universel qui existe entre une situation locale donnée et les constructions qui s’y trouvent »), son histoire, sa géographie, son climat, son environnement légal, culturel et matériel mènent à des espaces publics productifs : les territoires du travail, du culte, de la vie collective. Pour questionner un lieu, les architectes ne se sont jamais cantonnés à leur discipline, mais ils ont puisé dans d’autres, envisageant cette tâche comme une exploration de long cours. Avec la naissance du fonctionnalisme en 1933, les intentions réformistes du Bauhaus ont été détournées et ont abouti à un « style international », d’essence colonialiste. Initiée en France, cette doctrine a conquis non seulement l’Occident de l’après-guerre mais aussi, et de façon plus tragique encore, le monde qui se « développait » alors à vive allure. Pendant de longues et tristes années, les racines autres et multiples de l’architecture, qui confèrent sa qualité à un lieu, ont été arrachées. Puis, en 1967, Giorgio Grassi réouvrit le … débat, à travers le combat « rationaliste » italien qui visait à les réhabiliter : « Le projet se conçoit dans l’abstraction et doit se vérifier dans le contexte. »
> JANA REVEDIN Architecte PhD, chercheur, professeur d’architecture et d’urbanisme. En 2006, elle a créé le Global Award for Sustainable Architecture. Architect PhD in architectural and urban sciences, full professor of architecture and urbanism. In 2006, she founded the Global Award for Sustainable Architecture.
L’industrialisation avait mis fin à un équilibre séculaire entre l’homo faber et son lieu de vie. Remplacés par des machines, les individus étaient devenus passifs plutôt qu’actifs dans le travail, la vie collective, la politique. Un bouleversement sociétal qualifié plus tard « d’aliénation » par Hannah Arendt. La croyance fordiste que « le temps, c’est de l’argent » avait supprimé la notion de fabrication individuelle, de travail bien fait comme fin en soi, et avait conduit à une crise profonde des humanités et de la pensée politique dès le début du XX e siècle. Cette crise avait contribué à provoquer l’invention des sciences humaines modernes : psychologie, sociologie et anthropologie. Dans les années 1910, le sociologue Max Weber avait redéfini la place de l’homme dans les villes en pleine expansion, en affirmant que la qualité urbaine ne dépendait pas de la taille ou de la densité, mais de la mixité sociale. Son confrère Ferdinand Tönnies avait exploré les effets des trois échelles de communauté humaine (la famille, le voisinage et les communautés électorales) sur la productivité, et il en avait conclu qu’il n’était pas possible « d’imposer » celle-ci politiquement, d’en haut, ni de la « dessiner » architecturalement dans des schémas de tabula rasa. Au contraire, elle ne pouvait progresser que depuis la base, via un simple instrument : l’union des volontés humaines. Les « en communs » furent ainsi repensés sur une conviction commune, il faut « juste les dessiner », comme nous y incite aujourd’hui
Bruno Latour. Mais c’est Henri Lefebvre qui, dès la fin des années 1960, lança cet appel à un « droit à la ville », avec plus de succès sans doute dans le « Nouveau monde » que chez lui : « De même que la pression économique de la base peut modifier la production de plus-value, de même une pression ancrée dans la pratique spatiale modifie à elle seule la distribution de cette plus-value. C’est pourquoi la pression d’en bas doit affronter l’État dans son rôle d’organisateur de l’espace », écrivait-il dans La Production de l’espace en 1974. Dans l’école du Bauhaus, l’architecture n’était pas enseignée par des architectes. Autodidacte rebelle, Walter Gropius inventa une pédagogie à « opera aperta », en oeuvre ouverte, longtemps avant qu’elle ne soit définie par Umberto Eco en 1962. Dans l’esprit de Vitruve, il cherchait à « ramener les gens à la construction, à les faire construire ensemble » en nourrissant l’architecture, et une jeune génération de courageux apprentis, par une connaissance holistique des sciences, des arts et des métiers. Sa vision de la profession comme « un service à la société » était une réponse naturelle à l’esprit réactionnaire d’avant 1914 où les Beaux-Arts réduisaient les architectes à être des “artistes”, indépendamment de toute considération politique ou sociale. Mais Gropius n’était pas seul. Sa vision d’un « projet innovant et de conditions de vie adéquates pour tous » reposait sur le soutien de ses pairs dans un mouvement réformateur qui, outre l’architecture, avait conquis les arts, les techniques et les humanités. Mais au-delà de ce changement de paradigme sociétal, la vraie innovation du Bauhaus fut l’application des découvertes de l’anthropologie à la recherche et à la pédagogie. Tandis que les autres concepteurs demandaient depuis toujours aux habitants de quoi ils avaient besoin, le Bauhaus au contraire leur demandait : « Quels sont vos points forts et comment pourraiton en tirer parti ? » Ce simple recadrage transformait la nature de l’engagement des architectes et cela changeait tout car les gens (avec leurs métiers, l’état de leurs savoir-faire artisanaux ou industriels, leurs réseaux commerciaux) étaient considérés comme des atouts et non pas comme des problèmes. La productivité sociale, économique, culturelle et écologique du lieu découlait simplement de l’implication des bons acteurs. Aujourd’hui, de nombreuses questions inédites attendent des réponses : l’urbanisation, la globalisation, l’informatisation, et, par conséquent, la démocratisation des outils de fabrication qui pourraient entraîner la disparition de notre profession. Cherchant à faire face à ces enjeux majeurs, deux questions se rejoignent : à quel genre de « communautés de vie » aspirons-nous et comment réunir les qualités du lieu avec les qualités de sa fabrication de façon à les rendre possible ?
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CARTE BLANCHE
AGENTS OF PRODUCTIVITY Since Antiquity, architectural theory has put place at the heart of design. In every culture, the understanding and respect of place – as in the Locus defined in 1966 by Aldo Rossi in L’architettura della città as “the singular but universal relation between a local situation and the constructions found in that site” – its history, geography, climate, legal, cultural and material truth leads to productive public spaces: the realms of work, worship and communal life. In addressing place, architects never acted in silo but understood their task as one of lifelong exploration, inspired by other disciplines. With the birth of Functionalism in 1933, the reforming aims of the Modern Movement were twisted into a colonialist “International Style”. Initially tested in France, this doctrine conquered not only the post-war West but also, even more tragically, the fast growing “developing” world. For long, gloomy years, architecture’s many roots in the quality of place were ripped out. Then, in 1967, Giorgio Grassi masterfully resumed the Italian “rationalist” battle for their reappraisal: “The project is conceived in the abstract and proved in the context.” Industrialization had brought the millenarian osmosis between man and place to an end. Displaced by machines, individuals had become passive rather than active in their work, community life and policies. A societal shift that Hannah Arendt called “alienation”. The Fordist belief that “time is money” had ended the notion of individual making, thus of doing a job well for its own sake, and had led to a deep crisis, followed by the necessary invention of psychology, sociology and anthropology. In the 1910s, sociologist Max Weber had redefined man’s position in rapidly growing cities, affirming that urban quality resulted not from density or size but social mix. His colleague Ferdinand Tönnies had explored the effect of the three scales of human community – family, neighbourhood and elective communities – on productivity, concluding that this was neither politically “imposable” from above nor architecturally “designable” in tabula rasa masterplans. Rather, it grew from below via a simple tool: the unity of human will. The “commons” were thus created by common conviction and “just to be designed” as Bruno Latour still urges today. Henri Lefebvre elaborated this call in the late 1960s by advocating “the right to the city” – probably with more success in the “New World” than at home: “Just as economic pressure from the base can modify
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CARTE BLANCHE
the production of surplus value, so can pressure grounded in spatial practice modify, alone, the distribution of that surplus value. Hence, pressure from below must confront the state in its role as organiser of space,” he wrote in The Production of Space in 1974. At the Bauhaus, architecture was not taught by architects. A self-made talent, Walter Gropius, invented “open work” teaching long before it was defined by Umberto Eco in 1962. In the spirit of Vitruvius he sought “to bring people back to the building, to make them build together” by nourishing architecture – and a young generation of courageous apprentices – with a holistic knowledge of science, arts and crafts. His view of the profession as “a service to society” was a natural response to the reactionary, pre-1914 Zeitgeist in which the Beaux-Arts reduced architects to selfreferential artists, free of any political or social position. But Gropius was not alone. His vision of “innovative design and adequate living conditions for all” required the support of his peers in a reform movement that, besides architecture, had conquered the arts, crafts and humanities. But besides this societal paradigm change, the Bauhaus’ true innovation was the application of anthropologists’ findings to design research and pedagogy. While other planners had always asked inhabitants what support they needed, the Bauhaus asked: “what are your strengths and what would help you to improve them?” This simple reframing altered the nature of engagement of architects and the results were transformative because people – together with their making, their crafts and industries, their commercial and marketing networks – were treated as assets rather than problems. Social, economic, cultural and ecological productivity of place was simply created by engaging with the right actors. Many new questions need answers: urbanisation, globalisation and digitalisation - and, hence, the democratisation of making tools which could even extinguish our profession. As we search for ways of addressing these major issues, two questions seem to come close: which kind of “life communities” are we really striving for and how do we merge the qualities of place with the qualities of making in order to realise them?
ET WHAT L’ARCHIABOUT TECTURE ? ARCHITECTURE? ANALYSE
ANALYSIS
PAR BY JEAN-PHILIPPE HUGRON
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Europan a, depuis quelques années, acquis une dimension largement urbaine, voire territoriale, qui invite les urbanistes à faire montre de leur talent, mais aussi architectes et paysagistes à travailler une échelle de projet inédite. Aussi stimulant soit le concours, l’architecture, en perdant son statut d’objet, ne relève plus que de grands principes constructifs. D’autant plus que la ville productive semble n’inspirer que peu d’équipes à trouver des solutions architecturales complètes aux problèmes posés par les différentes municipalités engagées dans la procédure.
For several years now, Europan’s focus has been on the urban, if not the wider area, which encourages not only urban planners to showcase their talents, but also architects and landscape designers to shape an unprecedented scope of projects. As stimulating as the competition may be, architecture has lost his status of object and only relates to key constructive principles. All the more so because the productive city appears to inspire just a small number of teams to propose full architectural solutions to the problems raised by the various town councils involved in the process.
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PRODUCTIVE CITIES AND ARCHITECTURE
Rares sont donc les projets à se saisir de la question typo morphologique à bras le corps. Ils préfèrent se retrancher derrière des interventions ponctuelles, plutôt classiques. Il est même, à l’observation des projets, surprenant de constater combien la jeune génération, dès qu’il s’agit d’aborder la possibilité d’une construction nouvelle, semble entièrement sclérosée ! Sans doute est-elle tétanisée par la tyrannie réglementaire que ses aînés s’évertuent à dénoncer en vain. Peut-être est-elle aussi (trop) convaincue des bienfaits d’une économie du réemploi qui vire parfois, poussée à l’extrême, à une nouvelle forme de patrimonialisation. En effet, bien des projets approchent l’angle architectural par l’analyse de l’existant. La ville productive étant pour l’heure incarnée principalement par les zones d’activités périphériques, elle n’offre que des hangars et, au mieux, quelques anciennes fabriques au charme désuet. L’attitude est alors simple ; elle cible souvent la transformation de ces ensembles car, dans ce contexte, la démolition se fait le terme le plus honni. Au mieux parle-t-on de « déconstruction partielle » qui rend l’attitude autrement moins brutale. Il faut donc partir de l’existant, composer avec et, qui plus est, s’en réjouir ! Il y a toutefois de quoi s’enthousiasmer : ces structures industrielles sont en effet parfaitement malléables ! Mieux, elles offrent des qualités qu’aucune construction nouvelle ne peut raisonnablement offrir dans un contexte normatif et réglementaire autoritaire.
Rare, therefore, are the projects that tackle head on the question of type and form, instead taking refuge in more specific, more classic solutions. Looking at some of the projects, it is surprising to arrive at the conclusion that the younger generation appears entirely sclerotic when confronted with the possibility of a new build. Doubtless they feel paralysed by the tyranny of regulations their predecessors try in vain to reject. Maybe, too, they are over confident of the benefits of the concept of reuse, which, at its most extreme, tends towards a new form of heritage. In practice, many projects approach the architectural question by examining the existing context. Since, for the moment, the productive city is embodied by the zones of activity located on its outskirts, it offers warehouses and, at most, some quaint old factory buildings. The response is therefore simple: it focuses on the development of such complexes because under these circumstances, demolition is a taboo word. At most we’re talking ‘partial demolition’, which softens the blow. So, one needs to start from what is already there and make the most of it! There are numerous reasons to be enthusiastic: these industrial structures are perfectly flexible. Better still, they offer advantages that no other new building can reasonably offer in an environment with strict standards and regulations.
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L’architecture se montre plus libre dès lors qu’elle s’inscrit entre les murs de briques d’une ancienne usine ou les façades en tôle d’un entrepôt. Ces édifices deviennent de prodigieuses « machines urbaines », des « super-bâtiments » sinon des « mégastructures » portant jusqu’aux germes d’un « urbanisme d’intérieur ».
The architect has greater freedom once he/she operates within the brick walls of a former factory or the sheet-metal façade of a warehouse. These buildings become monumental ‘urban machines’, ‘super buildings’, ‘mega structures’ even, sprouting from the roots of an ‘interior urbanism’.
D’autres postures témoignent de cette distance prise face à l’acte de bâtir ; les solutions en conséquence se font de plus en plus virtuelles et se révèlent éloignées des matériaux usuels de l’architecte. Des applications ou quelques services digitaux tendent ainsi à créer la ville productive sans bâti ni construction ! Le propos se montre d’autant plus passionnant qu’il participe à l’émergence de nouvelles activités permettant, entre autre, la revitalisation de quartiers entiers, pourtant sur un déclin que beaucoup jugent irrémédiable.
Other approaches confirm this distance taken from construction; consequently, the solutions become more and more virtual as they stray further from the architect’s usual means. And so, various applications and digital services tend to create the productive city with neither bricks nor mortar. The discussion is all the more fascinating now with the emergence of new activities that allow the rejuvenation of entire areas that were formerly in decline and considered beyond help.
Faut-il alors voir dans cette pudeur à l’égard de l’acte de bâtir la fin annoncée d’une profession ? Probablement pas. Depuis des années, Europan, par ses dimensions les plus audacieuses et innovantes, a produit les outils les plus efficaces pour aborder la question urbaine. Le concours porte donc en lui, aujourd’hui, un changement et, plus avant, la renaissance nécessaire d’un métier.
Does this cautiousness of building herald the end of a profession? Probably not. For years, thanks to its bold, innovative drive, Europan has been producing the most efficient solutions in response to the urban challenge. Today, the competition brings about change and carries the muchneeded rebirth of a profession. Depuis des années, Europan a produit les outils les plus efficaces pour aborder la question urbaine. For years, Europan has been producing the most efficient solutions in response to the urban challenge.
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ENTRETIEN
INTERVIEW
POUR UNE IN FAVOUR OF VÉRITABLE A TRUE MIXITY MIXITÉ D’USAGE OF USES Chacun son entrée, chacun son hall… la mixité est aujourd’hui, pour des raisons normatives et parfois culturelles, davantage un bon mot qu’une réalité architecturale. Rosalie Robert et Pauline Percheron, architectes, proposent d’aller plus loin et de bousculer les mentalités en mêlant au sein d’un même bâtiment, bureaux, logements… et activités productives. Comment ? En rendant des hangars désirables !
Each to their entrance, each to their hall... Today mixity is, for normative and sometimes cultural reasons, more of a wisecrack than an architectural reality. Architects Rosalie Robert and Pauline Percheron suggest going further, and shaking up mentalities by mixing together in one building offices, housing… and productive activities. How? By making warehouses appealing!
AVEC WITH ROSALIE ROBERT ET AND PAULINE PERCHERON PAR BY JEAN-PHILIPPE HUGRON 52
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI :
Pourquoi avoir choisi de mêler dans une même construction activités productives et logements ? ROSALIE ROBERT & PAULINE PERCHERON :
Projet « Bègles et les machines urbaines ». Conception par Rosalie Robert et Pauline Percheron. Projet mentionné Europan 14 à Bègles. Le bâtiment-machine : assemblage d’architectures potentielles. “Bègles et les machines urbaines” project. Design by Rosalie Robert and Pauline Percheron. Europan 14 runner-up, in Bègles. The machine-building: potential architectures assembly.
Notre société change autant que ses formes bâties. Travail et loisir ne sont, par ailleurs, plus aussi segmentés qu’autrefois. Dans ce contexte, nous percevons la mixité d’usages comme le moyen évident de répondre à ces évolutions mais aussi comme la possibilité de limiter considérablement les déplacements automobiles au sein d’un territoire, et de porter une vision plus durable de son aménagement. Cette approche est également intimement liée à notre projet Europan. Nous devions imaginer à cette occasion la transformation d’un site industriel marqué par de grandes emprises bâties. Nous voulions, pour ce faire, intensifier l’identité de ce quartier en manipulant davantage l’architecture que l’urbanisme. Notre ambition était de rompre avec ce mouvement régulier faisant de la délocalisation des activités productives la condition sine qua non de l’extension urbaine. La conservation d’une économie sur son site et, plus largement, la préservation de sa mémoire nous paraissaient deux enjeux importants. Ce sont les lignes directrices de notre projet.
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI:
Why have you chosen to mix productive activities and housing in the same building? ROSALIE ROBERT & PAULINE PERCHERON:
Our society is changing as much as the forms it builds. What’s more, work and leisure are no longer divided as much as in the past. In this context, we see mixity of uses as the obvious way of responding to these developments, offering the possibility of considerably limiting the use of cars within the area, and enabling a vision of more sustainable construction. This approach is also closely linked to our Europan project. In that case we had to consider the transformation of an industrial site characterised by large built-up areas. To achieve this, we wanted to reinforce the identity of the area, by focusing more on architecture than on the urban aspect. Our aim was to break away from the usual practice that makes the delocalisation of productive activities the sine qua non of urban growth. Keeping an economic activity on its site and, more generally, preserving its memory, seem to us two important concerns. These are the guiding principles of our project.
“La conservation
d’une économie sur son site et, plus largement, la préservation de sa mémoire nous paraissaient deux enjeux importants. Keeping an economic activity on its site and, more generally, preserving its memory, seem to us two important concerns.
”
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AA : Pourquoi privilégier l’architecture dans votre
AA: Why favouring architecture
RR & PP : Nous avons parcouru, avec un regard d’architecte, cette zone d’activités située en marge de la ville de Bègles, sur les bords de la Garonne. Nous avons été marquées par les volumes hors normes de constructions souvent opaques, toutes tournées vers elles-mêmes. L’espace urbain qui les entoure s’en retrouve d’ailleurs atypique. Cette macro-échelle de « bâtiments-machines » nous est apparue, dans ces circonstances, être le moyen le plus pertinent de travailler une mixité fonctionnelle inhabituelle. En d’autres termes, nous voulions faire entrer la mixité d’usages et les interactions propres à la ville dans ces bâtiments productifs.
RR & PP: With an architect’s eye, we looked over this
approche ?
“Nous souhaitons
que les industries soient certes moins polluantes mais également beaucoup plus ouvertes qu’elles ne le sont sur la ville et qu’elles deviennent, à leur manière, de véritables espaces pédagogiques. We hope for the industries to be less polluting, but also much more open towards the town than they currently are and to become, in their way, pedagogical spaces.
AA : De quelle manière approchez-vous la recon-
version de ce patrimoine sans qualités apparentes ?
”
RR & PP : Nous ne dirions pas de ce patrimoine qu’il est sans qualités. Il permet de proposer des capacités de volumes et d’architecture rares. Nous les approchons comme de véritables mégastructures dont l’évolution dans le temps est possible. Nous cherchons ainsi à démontrer les spécificités de ce patrimoine bâti. Ce sont parfois des ouvrages d’art présentant de grandes portées et des volumes exceptionnels. Certains ont une beauté structurelle qu’il serait intéressant de mettre en valeur. Aussi, l’échelle de ces constructions nous invite à travailler la superstructure et le hors norme. Nous avons emprunté notre logique à Lacaton & Vassal.
in your approach?
business zone situated on the edge of the commune of Bègles, on the banks of the Garonne river. We were struck by the exceptionally large volumes of often windowless constructions, all facing each other. The surrounding urban space is also atypical. On a macro level, these ‘machine-buildings’ seemed to us, under these circumstances, the best way to handle an unusual mixity of functions. In other words, we wanted to introduce a mixity of uses and interactions relevant to the town in these productive buildings.
AA: How do you approach the conversion
of these heritage buildings that have no obvious qualities?
RR & PP: We wouldn’t say that such buildings are without qualities. They allow us to make proposals for unique construction volumes and architecture. We approach them like absolute mega-structures which can evolve over time. As such, we’re looking to remove the particular features of the existing construction. These are sometimes engineering works, having wide spans and exceptional volume. Some have a structural beauty which would be interesting to accentuate. Additionally, the scale of these constructions encourages us to work with the superstructure and the out-of-the-ordinary. We have followed the example of Lacaton & Vassal.
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PRODUCTIVE CITIES AND ARCHITECTURE
AA : C’est-à-dire ?
AA: Which is to say?
RR & PP : Plus que de chercher à concevoir a priori un objet fini, ce projet vise avant tout la mise en place d’un potentiel et d’une technicité offerts à des usages différents. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur nos manières d’occuper un lieu, en se détachant des standards actuels de la construction.
RR & PP: Rather than trying to conceive a priori a finished object, this project aims above all to establish a potential and technique open to different uses. It’s also an opportunity to ask ourselves how we occupy a space, by freeing ourselves from the current construction standards.
AA : Comment pensez-vous pouvoir mêler des
potentially noisy, and even polluting – and housing?
activités productives potentiellement bruyantes, voire polluantes, et des logements ? RR & PP : Le logement s’adapte à l’industrie
autant que l’industrie s’adapte au logement. Cette proximité les force à revoir leurs standards et à évoluer. Nous y voyons également le moyen d’améliorer les performances écologiques de ces constructions. Nous souhaitons aussi que les industries soient certes moins polluantes mais également beaucoup plus ouvertes qu’elles ne le sont sur la ville et qu’elles deviennent, à leur manière, de véritables espaces pédagogiques. AA : Comment rendre désirable l’habitat au sein d’une zone d’activités ? RR & PP : Nous misons sur l’aspect hors normes
de ces constructions ; elles offrent des volumes considérables. Comme nombre d’architectes, nous apprécions souvent les reconversions de bâtiments industriels. Nous y trouvons un espace de liberté bienvenu au sein d’un paysage bâti souvent figé. Alors, pourquoi ne pas s’emparer de ce potentiel pour une construction neuve ?
AA : Avez-vous d’ores et déjà à l’esprit
des exemples qui orientent votre réflexion ? RR & PP : Nous regardons avec attention des projets parisiens, notamment ceux développés par la SNCF ou la RATP. Ce sont des ensembles immobiliers nouveaux qui superposent des sites de maintenance et des logements. Nous y voyons la démonstration que cette cohabitation est possible. Nous aimons également citer le fameux parking d’Herzog & de Meuron à Miami, dans lequel il y a aussi quelques logements. Ces exemples sont l’illustration d’un espace de liberté où fonctions et activités sont moins segmentées. Enfin, Le Corbusier, avec sa Machine à Habiter, montrait la capacité de ces bâtiments à l’échelle imposante à accueillir des espaces collectifs, que l’on peut rêver en espaces publics d’un genre inhabituel. AA : Ne réactualisez-vous pas, in fine, les propositions d’Archigram ?
1 / 2 – Le site de Bègles proposé à la session 14 d’Europan : la papeterie et Coliposte, situés le long de la Garonne. The site proposed for Europan 14 in Bègles: the paper mill and Coliposte, located on the banks of the Garonne river.
AA: How can you mix productive activities –
RR & PP: Housing adapts to industry just as much
as industry adapts to housing. This proximity forces them to review their standards and to evolve. Here we can also see ways to improve the ecological performances of these constructions. We hope too for the industries to be less polluting, but also much more open towards the town than they currently are and to become, in their way, pedagogical spaces.
AA: How can you make housing appealing
within a zone of activity?
RR & PP: We are counting on the unusual aspect of
these constructions; the considerable volumes that they offer. Like many architects, we often appreciate the conversion of industrial buildings. There is a space for freedom there, within an often-rigid built-up landscape. So why not seize this potential for a new construction? AA: Do you already have examples in mind
that guide your thought processes?
RR & PP: We follow Parisian projects carefully, in
particular those developed by the SNCF or RATP. These are building complexes that put maintenance sites and housing one on top of the other. This shows that such cohabitation is possible. We also like to reference the famous car park in Miami by Herzog & de Meuron, in which there is also some housing. These examples illustrate a kind of freedom where function and activity are less divided. Finally, Le Corbusier, with his Machine for Living, showed the capacity of these megastructures to host collective spaces, that we can dream becoming public spaces of an unfamiliar kind.
AA: Are you not reviving, in fine, the proposals
of Archigram?
RR & PP: Archigram, of course! We are both a bit retro
but we realise now the degree to which such utopic proposals are timeless. And the most sustainable thing, in our opinion, is… timelessness!
RR & PP : Archigram, évidemment ! Nous sommes
toutes les deux un peu « rétro » mais nous réalisons aujourd’hui combien il y a dans ces propositions utopiques quelque chose d’atemporel et... l’atemporel est, à nos yeux, le plus durable !
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1 – Projet « Bègles et les machines urbaines ». Conception par Rosalie Robert et Pauline Percheron. Projet mentionné Europan 14 à Bègles. Les bâtiments-machines ont des façades transparentes, donnant à voir ce que la ville produit, ce qui permet de remettre la production à sa juste place dans la vie urbaine. “Bègles et les machines urbaines” project. Design by Rosalie Robert and Pauline Percheron. Europan 14 runner-up, in Bègles. The machines-buildings offer transparent façades, allowing to see what the city produces in order to replace production at its rightful place in the urban life. 2 – Le secteur Bègles-Garonne en 2050 ? Une frange productive entre le Delta vert, le centre de Bordeaux et les quartiers résidentiels de Bègles. The Bègles-Garonne area in 2050? A productive fringe between the green Delta, Bordeaux’s city centre and Bègles’ residential districts.
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3 – Vivre dans une superstructure, c’est profiter de volumes exceptionnels avec une modularité d’espaces rare à Bordeaux. Living in a superstructure allows to benefit from exceptional volumes with a modularity of spaces that is hard to find in Bordeaux. 4 – La nouvelle place publique surplombe le tri des colis. The new public square overlooks the package-sorting terminal. 5 – L’espace au sol est libéré par la compacité des bâtiments-machines. L’espace interstitiel est colonisé par le Delta vert et retrouve un aspect de nature sauvage. The floor space is freed thanks to the compactness of the machine-buildings. The interstitial space is occupied by the green Delta and regain a wild nature look.
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FOCUS
FOCUS
ZONE D’ACTIVITÉS, PATRIMOINE... ÉCONOMIQUE
ZONES OF ACTIVITY: ASSETS FOR THE ECONOMY
Si la modernité a fait table rase de la ville ancienne, faut-il, dans un élan revanchard, en araser les fruits, notamment ces grandes zones monofonctionnelles dédiées aux activités industrielles et commerciales, pour repartir de zéro ? Dans le cadre de leur projet pour la ville de Guebwiller (Alsace), Meriem Chabani, Étienne Chobaux, John Edom et Maya Nemeta, associés de l’agence TXKL, répondent volontiers par la négative. Le quatuor pense en effet davantage aux vertus de la réhabilitation et de la restructuration. « Nous avons affaire à un véritable réservoir d’énergie grise, avec un grand nombre de structures saines. Le réemploi du patrimoine existant renforce par ailleurs l’attractivité de la zone en valorisant son identité. Il permet également de s’assurer du maintien d’une certaine qualité architecturale par le choix de matériaux, la générosité des espaces… qu’il est parfois difficile de retrouver en construction neuve. Notre projet conserve ainsi 98% des bâtiments en “dur”, et réutilise 60% des structures légères de type shed », expliquent-ils. Si la transformation architecturale est à l’œuvre, les architectes se refusent à toute forme de radicalité, y compris dans les usages et fonctions. « Nous considérons que l’industrie textile historique de Guebwiller n’est pas morte ; elle a simplement évolué dans sa forme », assurent-ils. Dès lors, il s’agit de conserver l’architecture d’une part et l’activité d’autre part. Il n’y a pour eux, dans cet objectif, aucune volonté de muséifier l’histoire industrielle du site. Leur projet ne ressemble ainsi en rien à ces « attitudes fétichistes qui auraient tendance à réduire la réhabilitation à une idolâtrie nostalgique ». Bonifiée, ouverte et généreuse, la ville productive est donc pleinement assumée et ce, même si « l’industrie fait peur », même si « l’argent est tabou » : « ce sont de puissants moteurs urbains dont architectes et urbanistes doivent désormais apprendre à s’emparer », concluent-ils.
Modernity may have annihilated ancient cities but do we have to give in to the revengeful impulse of doing away with modernity’s produce – notably large mono-functional zones dedicated to industrial and commercial activities – and start from scratch? In the context of their project for Guebwiller (Alsace region), Meriem Chabani, Étienne Chobaux, John Edom and Maya Nemeta, partners at TXKL office, happily answer “no”. Indeed, the four focus on the virtues of rehabilitation and reconstruction instead. “What we’re dealing with is a reservoir of embodied energy, and a great number of healthy structures. Reuse of existing buildings gives the zone an attractiveness by reinforcing its identity. It also ensures that a certain architectural quality is maintained, including materials, generous amounts of space, and so on, something that is sometimes difficult to find in new constructions. Our project thus keeps 98% of the bricks and mortar, and reuses 60% of light structures such as sheds,” they explain. Although architectural transformation does takes place, the work steers clear of radical change, including in terms of uses and functions. “We consider that Guebwiller’s historic textile industry isn’t dead but has simply changed shape,” they state. From then on, the challenge is about conserving the architecture on one hand, and the activity on the other. For them, this objective has nothing to do with a wish to turn the site’s industrial history into a museum. Thus their project is anything but the result of “fetishistic attitudes that rather tend to reduce rehabilitation to a certain nostalgic idolatry.” Enhanced, open and generous, the productive city is thus fully accepted, even though “the industry is scary”, even if “money is taboo”: “these are powerful urban driving forces, which architects and urban planners now need to learn how to harness,” they conclude.
ARTICULATIONS PRODUCTIVES GUEBWILLER (68) Équipe lauréate : TXKL Meriem Chabani Étienne Chobaux John Edom Maya Nemeta
1 – Transformer, découper, connecter, compléter, animer : de la zone industrielle au quartier productif. Transforming, cutting, connecting, complementing, animating: from the industrial area to the productive district. 2 – Le bloc éducatif des « petits du Florival » concentre des programmes d’apprentissage et de partage avec la création d’une école primaire, d’une maternelle et d’un centre de formation. The “Florival’s little ones” educative unit merges learning and sharing programmes through the creation of an elementary school, a kindergarten and a learning centre. 3 – Le projet consiste à aménager un espace d’exposition comme vitrine de l’activité industrielle passée et présente du site, auquel se rattache l’office de tourisme, ainsi que l’installation de pavillons temporaires sur le parvis pour promouvoir l’innovation textile. The project aims at developing an exhibition space to showcase the past and present industrial activity of the site, to which the tourist information office is attached, as well as the installation of temporary pavilions on the forecourt to promote textile innovation.
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COOPWORK GRIGNY RIS-ORANGIS (91) Équipe lauréate : YDEA Sebastian Morales Sotomayor Johana Salazar Diego Morales Elaine Sanchez
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DISPOSITIFS VIRTUELS POUR TRANSFORMATIONS RÉELLES
A VIRTUAL SYSTEM TO EFFECT REAL CHANGE
Et si la ville productive était un moyen de transformer les copropriétés privées en difficulté ? C’est en tout cas la proposition innovante que les urbanistes et les architectes réunis sous le nom de YDEA souhaitent développer dans le sud francilien, au sein de l’ensemble Grigny 2 qui montre, depuis quelques années, des signes de déclin. À partir d’une fine analyse de ce contexte, YDEA a imaginé un projet intitulé « Coopwork ». « Il s’agit d’une solution qui permet d’articuler le problème du chômage, l’existence d’une population jeune et la gestion d’une copropriété autour du numérique, afin de générer de nouvelles dynamiques productives », expliquent-ils. Le projet se situe ainsi à mi-chemin entre autogestion, vie associative et outils numériques. Il propose de créer un système circulaire avec, à la clé, la possibilité de formations professionnelles pour les habitants désireux de s’investir dans cette démarche. « Ce sont des activités qualifiées ou non, comme du jardinage, de l’entretien d’immeuble, du gardiennage ou encore des tâches administratives », précisent-ils. Pour fonctionner, ce dispositif repose sur un syndicat de copropriété coopératif ou privé. « Il devra prendre part à cette nouvelle dynamique qui permettra de baisser les charges de maintien, de régénérer l’environnement urbain en plus de favoriser l’insertion professionnelle. Toutes les missions données aux habitants seront virtuellement rémunérées et le paiement se fera par l’intermédiaire de “workpoints”, une sorte de cryptomonnaie », explique l’équipe.
L’application mobile permet aux usagers d’échanger des services et du travail, tels que l’entretien ou la rénovation des espaces privés ou communs de la copropriété, dans une logique d’entraide et de réduction des charges. The mobile app allows users to exchange services and work, such as the maintenance or renovation of private or common areas of the co-ownership, in a spirit of mutual aid and reduction of the expenses.
Ce projet s’accompagne, par ailleurs, d’opérations ponctuelles comprenant la réalisation d’un centre de formation technique, l’aménagement de locaux pour les associations, la création de nouveaux jardins partagés et la mise en place d’installations événementielles. « Coopwork » porte, à terme, les germes d’une économie de l’hyper proximité en reliant l’accès au travail à la réduction de la pauvreté, l’offre d’emplois peu qualifiés à la possibilité d’une qualification progressive. Un modèle à suivre.
What if the productive city was a way of transforming failing private joint-ownership property? At least, this is the innovative proposal that the urban planners and architects working under the name YDEA wish to develop South of Paris, in the Grigny 2 complex, which over the past few years appears to have been in decline. From a meticulous analysis of the situation, YDEA envisioned a project entitled ‘Coopwork’. “It’s a solution that would hinge unemployment in a young population and the management of joint-ownership property on digital technology in order to generate new productive dynamics,” they explain. The project thus is situated at the cross-section of self-management, community work and digital tools. It proposes the creation of a circular system, at the end of which is the possibility of professional training for residents wishing to be involved. “These activities that may or may not require qualifications range from gardening, cleaning and building maintenance, caretaking to administrative tasks,” they add. In order to work, this plan relies on a co-operative or a private association of property owners, “which will need to take part in this new dynamic to allow lower maintenance charges, to regenerate the urban environment and to create employment opportunities. All of the tasks assigned to the residents will include a virtual remuneration paid through ‘workpoints’, a kind of cryptocurrency,” the team explains. In addition, the project is assorted with localised civic engagement efforts, such as the implementation of a technical training centre, the fitting out of premises for community groups, the creation of new communal gardens and the setting up of events facilities. In the long run, ‘Coopwork’ will spark off a hyperlocal economy by linking access to employment with a reduction in poverty, and the offering of low-skilled jobs with the possibility of further advancement. A model to follow.
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CARTE BLANCHE
CARTE BLANCHE
DANS LES COULISSES DE LA VILLE
> KRISTIAAN BORRET Ingénieur civil et architecte, Bouwmeester maître architecte de la Région Bruxelles-Capitale depuis 2015. Civil engineer and architect, Bouwmeester of the BrusselsCapital Region since 2015.
Dans de nombreuses villes d’Europe, les terrains vagues de l’ère post-industrielle se sont vus transformés en nouveaux quartiers « véritablement » urbains. Pourtant, ces développements organisés sous la bannière d’une « ville mixte » sont, au final, moins mélangés que ce que nous pensions. En effet, en y regardant de plus près, on peut remarquer qu’une fonction a été systématiquement évincée : celle de l’économie (semi) industrielle. Ainsi, l’activité manufacturière a été délocalisée de nos centres-villes vers la périphérie, que ce soit vers les zones industrielles, en bordure de ville, ou à l’autre extrémité d’un monde globalisé. Aujourd’hui, une prise de conscience s’est opérée. Peut-être en avons-nous terminé avec une période urbanistique propre à l’ère post-industrielle. Pouvons-nous intégrer le fait que l’activité professionnelle d’une ville ne se limite pas à une économie « de cols blancs » mais comprend également des professions plus « sales » ? Ne retrouve-t-on pas aussi, dans les plaisirs urbains tels que ceux des bars, du shopping et des beaux projets architecturaux, un « monde caché », celui de la logistique, du recyclage et de la construction ? Nous devons apprendre à considérer les activités qui se déroulent dans les coulisses de la ville comme faisant partie intégrante de la vie urbaine, au même titre que ce qui se joue à l’avant-scène. Dans le domaine de l’architecture, cela crée de nouveaux défis. Au regard du XIX e siècle, de nombreux savoir-faire ont été perdus car, à cette époque, les usines, les logements des ouvriers ainsi que la maison du directeur étaient souvent dessinés par la même main. De leur côté, les aménageurs professionnels se spécialisent de plus en plus et le savoir-faire œuvrant à la mise en place de projets mixtes se voit limité. En revanche, nous aurions besoin de solutions inventives pour réconcilier habitations et entreprises dans un seul et même bâtiment ou quartier.
Par conséquent, nous ne devrions pas limiter l’attention que nous portons à la qualité du développement urbain aux secteurs familiers tels que le logement, les équipements sociaux ou l’espace public. Ne soyons pas aveugles aux programmes d’économie productive et de logistique, mais considérons-les comme un enjeu urbain hautement pertinent. Recherchons de nouvelles formes de collaboration entre privé et public, entre urbanité et industrie, entre architecte et chef d’entreprise. Les architectes manifestent en effet de plus en plus leur intérêt pour ces types de programmes. L’objectif sera de capter la créativité de bons architectes et de les appliquer à des programmes considérés comme utilitaires, afin de les intégrer de façon qualitative dans la vie quotidienne en ville. Si nous ne voulons pas que l’économie productive disparaisse du paysage urbain, nous devons inventer de nouvelles typologies qui la rendent compatible avec l’habitat et qui la connectent avec l’espace public de nos villes. Pour conclure, une dernière remarque, et non des moindres : à ce raisonnement vient s’ajouter une dimension symbolique. En effet, tout comme il importe que les enfants des villes sachent d’où vient le lait, ils doivent également savoir et comprendre que derrière un objet manufacturé se trouve un métier, qui mérite aussi de bénéficier d’une visibilité au sein de notre société urbaine. La production fait partie intégrante de notre quotidien. Elle doit être encouragée et conçue comme faisant partie du tissu urbain. Dans une ville qui se veut mixte, il faut célébrer la production.
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THE BEHIND-THE-SCENES CITY In numerous European cities, industrial wasteland from the post-industrial era have been transformed into new, ‘true’ urban districts. Yet, in the end, the developments organised under the ‘mixed city’ banner are less mixed than we thought. Indeed, when looking more closely, one notices that one function has been systematically pushed out: that of the (semi-) industrial economy. Manufacturing has thus been moved from our city centre to the fringes, either to industrial zones in the outskirts or to the other side of a globalised world.
“Ne soyons pas
aveugles aux programmes d’économie productive et de logistique, mais considérons-les comme un enjeu urbain hautement pertinent. We shouldn’t ignore productive economy and logistics programmes; let’s view them as a highly pertinent urban challenge instead.
”
Today, mentalities have changed. Perhaps the urbanistic phase of the post-industrial era is over. Can we assimilate the fact that professional activity in a city is not limited to the white collar economy but also includes ‘sweaty’ manual labour? Don’t urban leisures such as the café culture, bars, shopping and beautiful architectural projects, rely on a ‘hidden world’, that of the supply chain, of recycling and of construction? We must learn to consider what takes place behind the scenes as an integral part of urban life, just as much as what’s on stage. In the field of architecture, this creates new challenges. Compared to the nineteenth century, numerous know-hows have been lost, since at the time, factories, worker’s housing as well as the director’s house were often designed by the same hand. Today, developers and planners are more and more specialised; as a result, the know-how used for implementing mixed projects is more and more limited. Then again, we would need inventive solutions to bring together housing and companies in one and the same building or area.
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Therefore, our focus on urban development quality shouldn’t be restricted to familiar sectors such as housing, public equipment or public space. We shouldn’t ignore productive economy and logistics programmes; let’s view them as a highly pertinent urban challenge instead. Let’s seek new forms of collaboration between private and public sectors, between city life and industry, between architects and CEOs. Indeed, architects show more and more interest for these type of programmes. The objective will be to attract good, creative architects and to assign them to programmes considered as utilitarian, in order to integrate them qualitatively into the city’s daily life. If we want the productive economy to remain in the urban landscape, we must invent new typologies that make it compatible with housing and connect it with our cities’ public spaces. Last but not least: this logic includes a symbolic dimension. Indeed, just as city children need to know where milk comes from, they also need to know and understand that behind every manufactured object is a craft which also deserves to be visible/acknowleged within our urban society. Production is an integral part of our everyday life. It needs to be fostered and conceived of as being part of the urban fabric. In a city intending to be mixed, one needs to celebrate production.
OURS/CRÉDITS
COLOPHON/CREDITS
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CRÉDITS Patrick Tourneboeuf : Pp. 6, 9 TOA Architectes : P. 7 Anne-Laure Marchal, Sébastien Deldique, Mathieu Delmas et Léa Hommage : Pp. 10, 13 Altitude 35 – Europan France : Pp. 21, 25 Ville de Besançon - Europan France : Pp. 23 H, 23 BD, 24 Ville de Besançon - SM-PSI : P. 23 BG Collectif CARLOS – Europan France : P. 27 Positive loops – Europan France : P. 28 Le Grand Parc – Europan France : Pp. 37, 40 Ville d’Aurillac - Europan France : P. 38 Panoplie - Europan France : P. 41 Studio Héno – Europan France : P. 42 Permacultures Urbaines – Europan France : P. 45 Bègles et les machines urbaines – Europan France : Pp. 53, 56, 57 Ville de Bègles - Europan France : P. 54 TXKL – Europan France : P. 59 Ydea – Europan France : P. 60 REMERCIEMENTS Cette édition spéciale a été conçue en partenariat avec Europan France (Pierre Humbert, Isabelle Moulin, Octavie Steu et Louis Vitalis). Europan France tient à remercier pour leur collaboration l’équipe d’Europan Europe (Gautier Berlemont, Françoise Bonnat et Didier Rebois), toutes les équipes sélectionnées au concours sans lesquelles cette édition n’aurait pu voir le jour, les élus et les services techniques des collectivités qui ont placé leur confiance dans le concours Europan et dont la participation est aussi primordiale qu’enrichissante, ainsi que les experts qui accompagnent ces processus complexes de projets et de réalisations. Enfin, l’équipe d’Europan France souhaite remercier les parties prenantes du concours : Alain Maugard, président d’Europan France, Agnès Vince, directrice chargée de l’architecture à la direction générale des patrimoines du ministère de la Culture, Hélène Peskine, secrétaire permanente du PUCA et Francis Rambert, directeur de l’IFA. This special issue was designed in partnership with Europan France (Pierre Humbert, Isabelle Moulin, Octavie Steu and Louis Vitalis). Europan France wishes to thank -for their collaboration- the Europan Europe’s team (Gautier Berlemont, Françoise Bonnat and Didier Rebois), all the teams selected in the competition who made this special issue possible, the elected representatives and communities’ technical services who put their trust in the Europan competition, and whose participation is as essential as rewarding, as well as the experts who follow these complex projects processes. Finally, the Europan France’s team would like to thank the competition’s stakeholders: Alain Maugard, Europan France’s President, Agnès Vince, Director in charge of Architecture within the Ministry of Culture’s Department of Heritage, Hélène Peskine, Permanent Secretary for the Plan for Urbanism, Construction and Architecture, and Francis Rambert, Director of the French Institute of Architecture.
ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO Kristiaan Borret, Jean-Philippe Hugron Djamel Klouche, Hélène Peskine Jana Revedin, Jean-Louis Violeau
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