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Chanel

Avec sa Première Squelette Camélia et son Calibre 2, Chanel fusionne à merveille forme et fonction. Page 8

EUROPA STAR PREMIERE LE JOURNAL DE L’ÉCOSYSTÈME HORLOGER SUISSE

NO 1/18 (Vol.20) JANVIER 2018 | 7.00 CHF € | EUROPASTAR.CH

ISSN 2297-4008

ÉDITORIAL

Notre cap pour 2018 par

Serge Maillard

DR

Toutes les industries sont transformées par la digitalisation. Celle des médias autant voire plus que l’horlogerie! Les moments de transition, de changements d’époque, exigent de l’audace dans la décision mais aussi de la finesse dans l’exécution. Europa Star a la chance de pouvoir s’appuyer sur des valeurs fortes, intangibles, qui ne s’achètent pas mais se construisent patiemment: la valeur ajoutée éditoriale, la pertinence voire l’impertinence, l’indépendance, la famille, la transmission, un certain regard sur l’horlogerie... Dans un

puisque le «concept» même d’édition papier, qui semblait incontournable, est désormais sans cesse mis au défi du changement. Notre nouvelle signature, «Time. Business», reflète bien quant à elle notre identité: la couverture d’une industrie qui a fait de la maîtrise du temps son activité principale. Elle nous inspire plus fortement que jamais! En 2018, nous célébrons les 20 ans (déjà!) de nos sites web, qui drainent quelque 750'000 visiteurs uniques par mois. A cette occasion, nous revoyons complètement le design de nos plateformes en anglais, chinois,

L'endroit au monde où il est le plus aisé de perdre l'heure exacte.

Voyages, voyages… Edition globale Europa Star Time.Business (en anglais), et le nouveau site www.europastar.ch (en français)

univers médiatique de plus en plus confus, mélangeant communication et information, ces valeurs d’indépendance et de liberté sont très clairement ancrées en nous. Les canaux de diffusion, eux, se diversifient. Ils s’enrichissent en nombre... mais il ne faudrait pas pour autant qu’ils s’appauvrissent en qualité des contenus! 2017 a été marquée par la célébration des 90 ans de nos magazines print, dont la nouvelle formule a rencontré un fort succès! Le papier reste notre core business, l’arbre sur lequel peuvent pousser de nouveaux fruits. Après nos cinq éditions ou Chapitres anniversaires, nous faisons encore évoluer notre maquette cette année, forts de notre expérience, avec un seul cahier très maniable, ultra-pointu tant dans son design que ses contenus, dont le «cœur» est constitué des pages Business, pour ce numéro un tour du monde des grands et petits marchés horlogers de notre planète. Un magazine se doit d’évoluer en accord avec son époque,

espagnol, russe... et à présent aussi en français, sur europastar.ch. Nous entendons trouver la formule idéale entre le réel et le virtuel, à travers nos meilleurs articles issus du print et des articles dédiés au web, qu’il s’agisse de Fast news, de notre Carnet de route ou encore d’une sélection des meilleures vidéos horlogères. Last but not least, nous diversifions nos activités en lançant un nouveau pôle de consulting éditorial horloger: des services sur mesure pour l’industrie et ses acteurs, du rédactionnel à la conception de magazines ou publications spécialisées. Dans une branche qui se fonde sur sa légitimité historique, le «temps long» dans lequel nous nous inscrivons pourra, nous l’espérons, inspirer plusieurs de ses figures. Répondre sans cesse aux évolutions de court terme, mais garder le cap sur le long terme. C’est en cela qu’éditeurs et horlogers devraient se rejoindre!

Montre à heure universelle ou GMT au poignet, nous vous emmenons à travers les fuseaux qui découpent notre planète, observer ce qui se passe en Chine, à Dubaï, à Paris ou sur une plage de Dakar, partons faire un petit trekking ou, au contraire, allons nous prélasser dans le dernier palace construit par un horloger. Sans oublier de vous dévoiler quelques-unes des montres qui font aujourd'hui l'actualité dans les luxueux salons du SIHH. Bon voyage. PUBLICITÉ

F A I R E U N G R A N D V O YA G E N ’ A J A M A I S P R I S A U S S I P E U D E T E M P S . . . J I VA H I L L R E S O R T H Ô T E L – R E S TAU R A N T à 10 minutes de l’aéroport de Genève

S PA

S É M I N A I R E S –

G O L F

Route d’Harée, 01170 Crozet, France | +33 (0)4 50 28 48 48 | www.jivahill.com


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SIHH: poser les bases du salon horloger du 21ème siècle Le business des salons horlogers est en train de vivre l’une de ses plus grandes mutations. Après la disparition de plusieurs foires régionales et les bouleversements que vit la grand-messe de Baselworld, il est temps de revoir le principe même du salon horloger. A ce titre, l’une des plus grandes réussites de 2017 a sans conteste été la Dubai Watch Week. Pourquoi? Parce qu’elle intégrait la notion culturelle globale de l’horlogerie, celle qui parlera aux aficionados comme aux retailers, dans un univers horloger où les frontières se brouillent de plus en plus dès lors que l’on se pose la question de l’influence de ses parties prenantes. Il ne suffit plus de proposer aux marques un stand et des vitrines. Le SIHH a annoncé plusieurs décisions qui dessinent les premiers contours des salons horlogers de style nouveau, face aux exigences de plus en plus fortes tant des exposants que des participants. Parmi cellesci, un nouvel Auditorium propose un programme composé de présentations de produits, interviews de CEO, interventions d’experts, tables rondes; des petits studios mobiles White Box sont à disposition pour faciliter les prises de vues; on peut également s’immerger dans des expériences de réalité virtuelle horlogère... Quelques signaux qui indiquent le début du changement. Car il ne faut pas se leurrer: nous n’en sommes guère qu’au début! Si le contexte change donc fortement, ne serait-ce d’ailleurs que sur l’agencement des stands (et du centre médias!) avec l’arrivée de nouvelles marques, les «stars» du show restent les créations horlogères... Nous en proposons ici un premier aperçu, forcément limité mais que nous compléterons au fil de l’année, notamment via un grand numéro visuel en septembre prochain.

Par ailleurs, nous lançons à l’occasion du SIHH nos tous nouveaux sites web, dont une version en français que vous retrouverez sous europastar.ch. Nous dynamisons également nos pages Instagram et Facebook sur le terrain des réseaux sociaux. Vous pourrez y consulter quotidiennement une couverture originale et en continu des nouveautés du SIHH! (SM)

EXPOSANTS SIHH 2018 MAISONS HISTORIQUES

A.Lange & Söhne, Audemars Piguet, Baume & Mercier, Cartier, Girard-Perregaux, Greubel Forsey, Hermès, IWC, Jaeger-LeCoultre, Montblanc, Panerai, Parmigiani Fleurier, Piaget, Richard Mille, Roger Dubuis, Ulysse Nardin, Vacheron Constantin, Van Cleef & Arpels

CARRÉ DES HORLOGERS

Armin Strom, Christophe Claret, Chronométrie Ferdinand Berthoud, DeWitt, Élégante by F.P.Journe, Grönefeld, H. Moser & Cie, Hautlence, HYT, Kari Voutilainen, Laurent Ferrier, MB&F, Ressence, Romain Gauthier, RJ-Romain Jerome, Speake-Marin, Urwerk

HAUTLENCE VORTEX GAMMA MAGMA De la lave, elle possède la couleur et, surtout, la force. Le modèle Vortex Gamma Magma a une beauté brute, une force hypnotisante. L’esthétique puissante de son boîtier, composée d’angles et de facettes, est soulignée par le filet de couleur noir qui court le long de ses arrêtes. Hautlence décline le HLLightColor, matériau composite révolutionnaire emprunté à l’industrie automobile et l’aérospatiale, qui peut adopter n’importe quelle couleur, dans ses moindres nuances, et propose un écrin haut en couleurs pour le calibre manufacture HL2.0. Chargé de particules de nanotubes de céramiques, le HLLightColor possède une résistance et des propriétés identiques à un métal horloger tout en étant quatre fois plus léger que le titane. Il permet des finitions extrêmement complexes, alternant surfaces brossées, polies et sablées.

GREUBEL FORSEY NANO FOUDROYANTE EWT Depuis plus de dix ans, l’EWT Laboratory – le laboratoire expérimental de Greubel Forsey – œuvre à repousser les limites de la mécanique horlogère, et c’est particulièrement probant pour le domaine de la Mechanical Nano. Grâce à ce concept novateur et suite au récent dépôt du brevet N°: EP 3 220 207 A1, Greubel Forsey dévoile la première Nano Foudroyante EWT. L’affichage de l’indication Nano Foudroyante EWT, visible à l’intérieur du boîtier, est assuré par une mini aiguille. Sa lecture est facilitée par un système optique avec un grossissement de 23 fois. Par rapport à un mécanisme de foudroyante traditionnel, la Nano Foudroyante EWT consomme 1’800 fois moins d’énergie, et le volume occupé par cette dernière est réduit de 96 %.


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25 ANS DE ROYAL OAK OFFSHORE

GIRARD-PERREGAUX NÉO-TOURBILLON SOUS TROIS PONTS SQUELETTE En dévoilant pour la première fois une version squelettée de son Néo-Tourbillon sous Trois Ponts, Girard-Perregaux se livre à un nouvel exercice d'architecture horlogère. Le modèle est traversé de ponts élancés, noirs, et cintrés. Leurs courbes et ajourages structurent le regard et soutiennent une structure mécanique d'une incroyable finesse. Les masses en suspension, éthérées, sont improbables tant le niveau de transparence de ce calibre, pourtant complexe, est élevé. Tendus comme des câbles au-dessus d'un précipice, les ponts du calibre squeletté renvoient à l'architecture des grands ouvrages d'art. Le Viaduc de Millau pour sa portée, le pont Mohammed VI de Rabat pour la forme ajourée et sensuelle de ses pylônes, l'Oversteek Bruk pour l'équilibre fin qui s'en dégage.

2018 marque le quart de siècle de la Royal Oak Offshore, lancée par Audemars Piguet en 1993. Pas moins de 120 références du modèle de 42 mm ont été présentées depuis lors, dans des matériaux comme l’acier, le titane, l’or ou le platine. A l’occasion de cet anniversaire, Audemars Piguet introduit trois nouvelles versions de la montre de sport chic: une réédition du chronographe automatique Royal Oak Offshore originel, ainsi que deux réinterprétations ultra-contemporaines, munies d’un tourbillon et proposées en acier ou en or rose 18 carats. Chaque série est limitée à 50 pièces. Ces modèles contiennent un mouvement entièrement repensé et développé exclusivement pour l’occasion. La couronne et les poussoirs sont désormais en céramique, au lieu du métal ou du caoutchouc. Surtout, la nouvelle montre Royal Oak Offshore Tourbillon Chronograph introduit un tout nouveau cadran construit comme une pièce d’architecture contemporaine, avec une esthétique très audacieuse... qui marquera les esprits!

RICHARD MILLE RM 07-01 CÉRAMIQUE NOIRE SERTIE A travers ce mariage inédit du diamant et de la céramique noire, Richard Mille témoigne de sa volonté de faire évoluer les propositions de la marque en direction des femmes curieuses de technicité autant que d’esthétique. A ses exceptionnelles qualités de rigidité et de protection contre les rayures, la céramique noire TZP ajoute un grain fin assurant une finition parfaite de son rendu mat. Ce dernier est obtenu au terme d’un long et délicat processus d’usinage et de microbillage tandis que la mise en valeur des formes complexes de la lunette et du fond du boîtier exigent l’art du finisseur qui en polit les angles à la main. Produites séparément, et polies avec soin pour garantir un toucher homogène, des griffes en or rouge enchâssées dans les multiples mises-en-pierre d’un diamètre de 0,25 mm accueillent et maintiennent les diamants déposés par le sertisseur. Taillés brillant, ils ont été sélectionnés pour leur pureté exceptionnelle. Noir abyssal de la céramique et éclat des diamants se mettent ainsi mutuellement en valeur.


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DEWITT ACADEMIA ENDLESS DRIVE L’Academia Endless Drive dévoile un design original, avec une vis sans fin comme pièce maîtresse de son cadran, une référence à la mécanique automobile, territoire d’inspiration préféré de Jérôme de Witt. Le dispositif de réarmage confère à la vis hélicoïdale un mouvement inhabituel, celle-ci étant reliée au système de remontage de la réserve de marche. Plus précisément, la pièce dispose de deux degrés de liberté. Au fur et à mesure que la réserve de marche de cinquante-neuf heures diminue, la vis tourne sur elle-même. Lors du réarmage du barillet, elle coulisse sur son axe longitudinal. Les équipes de la manufacture ont adapté le mouvement automatique de base DeWitt 5050 entièrement développé, fabriqué et assemblé à la main, afin de donner vie à une pièce à l’allure très surprenante.

IWC: COLLECTION ANNIVERSAIRE 150 ANS

H. MOSER & CIE: L’ESSENCE DU TOURBILLON

A l’occasion de ses 150 ans, IWC lève le voile sur une collection anniversaire spéciale, comprenant au total 27 pièces en édition limitée provenant des familles Portugieser, Portofino, Montres d’Aviateur et Da Vinci. À cette occasion, IWC présente pour la première fois une montre-bracelet à affichage digital des heures et des minutes, utilisé dès 1884 sur les montres de poche Pallweber. Toutes les montres de la collection anniversaire se caractérisent par des cadrans blancs ou bleus: les montres avec un cadran blanc ont des aiguilles bleuies et celles avec un cadran bleu, quant à elles, ont des aiguilles rhodiées. Les premiers modèles Portugieser, référence IW325, datant de 1939, ont été la source d’inspiration pour les cadrans imprimés. Toutes les montres de la collection sont présentées avec des bracelets en alligator noir. Chaque modèle est en outre orné du médaillon anniversaire «150 Years» sous forme de médaillon ou de gravure.

H. Moser & Cie. aime mélanger les genres et surprendre, rendre le traditionnel sexy. Avec le Endeavour Tourbillon Concept, la marque entend extraire l’essence de ce mécanisme complexe ayant une portée à la fois technique et esthétique. L’approche minimaliste, propre à la manufacture de Schaffhouse, accentue l’impact visuel du tourbillon en l’associant à la simplicité épurée de ses cadrans fumés dans leur version Concept, sans logo ni index. Le Endeavour Tourbillon Concept, réécriture moderne du tourbillon, invite à une immersion totale dans l’univers de l’élégance...



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HERMÈS CAPE COD La montre Cape Cod est née en 1991 de l’esprit impertinent d’Henri d’Origny. Lui, à qui l’on avait demandé d’imaginer une montre carrée, mais qui les préfère rectangle. A partir d’une idée un peu folle – couper en deux l’iconique motif «Chaîne d’Ancre» – il osa mélanger les formes. Carrée dans un rectangle, la montre Cape Cod est magnifiée par son bracelet double tour. Il procure à la montre un niveau supplémentaire d’originalité, d’audace. Toujours ludique et quelque chose de différent. Cape Cod s’enrichit de nouvelles versions. La première d’entre elles inclut un cadran rhodié, poli jusqu’à lui donner un effet miroir, et recouvert d’une précieuse laque translucide. Elle est disponible en deux versions, Grand et Petit Modèle, avec un bracelet milanais à simple ou double tour. Deux autres versions voient également le jour, en Grand Modèle uniquement, à bracelet simple ou double tour, de couleur étoupe ou bleu de Malte. Le cadran du premier est traité or noir tandis que celui du second est laqué bleu.

PIAGET ALTIPLANO ULTIMATE AUTOMATIC Trois ans après le lancement de la révolutionnaire montre mécanique à remontage manuel la plus fine du monde à cette époque, Piaget réaffirme sa passion du défi avec la montre Altiplano Ultimate Automatic et ses 4.30 mm d’épaisseur. Mouvement et boîtier ne font qu’un dans ce modèle dont les tolérances ont été poussées à leur paroxysme, établissant un nouveau record en la matière, celui de la montre automatique la plus fine du monde. CARTIER LIBRE! La collection Cartier Libre est née du désir de jouer avec les montres de forme de la Maison. Etirées, resserrées, fantasmées, elles se transforment au gré d’une liberté débridée. Avec Cartier Libre, la figure de la collectionneuse en horlogerie apparaît chez Cartier... Des formes inédites apparaissent, écho à la montre Baignoire ou à la montre Crash. Les proportions sont chahutées, les volumes s’amplifient, les lignes se prolongent. Jeux d’extravagance, matières précieuses et contrastes chromatiques, ultra-féminité et dessin essentiel, l’exercice invite à bousculer le vocabulaire de la Maison.

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JAEGER-LECOULTRE REVERSO TRIBUTE DUOFACE SUR BRACELET CASA FAGLIANO En 2018, Jaeger-LeCoultre poursuit son partenariat avec la Casa Fagliano, célèbre bottier argentin. Une Reverso Tribute Duoface est éditée en série limitée à 100 pièces sur un bracelet en cuir cordovan bicolore. Entreprise familiale exerçant depuis 1892, la Casa Fagliano travaille un cuir doux et souple réputé pour sa grande résistance, dans le respect d’une tradition ancestrale. Pour la Reverso Tribute Duoface, c’est un bracelet bicolore qui a été confectionné, mariant un marron clair à un brun plus foncé sur le rabat, ourlé et surpiqué ton sur ton de part et d’autre des godrons du cadran.

VACHERON CONSTANTIN OVERSEAS DUAL TIME Dédiée aux voyageurs, la montre Overseas Dual Time affiche un design typé, expression d’une Haute Horlogerie au service de la praticité. Lunette à six pans inspirée de l’emblématique croix de Malte, mouvements manufacture conçus pour un usage facilité, masse oscillante ornée d’une rose des vents, interchangeabilité des bracelets... Cette montre Overseas Dual Time rejoint l’équipée, avec une complication prisée des globe-trotters: son nouveau mouvement à remontage automatique, calibre Vacheron Constantin 5110 DT, fruit de plusieurs années de développement, offre la lecture simultanée de deux fuseaux horaires par aiguilles coaxiales.

A. LANGE & SÖHNE 1815 «HOMAGE TO WALTER LANGE» En mémoire du fondateur de l’entreprise Walter Lange décédé en janvier 2017, A. Lange & Söhne agrandit la famille de montres 1815 avec une complication inhabituelle: la 1815 «Homage to Walter Lange» est dotée d’une seconde sautante pouvant être arrêtée – une fonction qui remonte à une invention mise au point par Ferdinand Adolph Lange il y a 150 ans et qui permet une mesure exacte de la plus petite unité de temps. La 1815 avec seconde sautante incarne la quintessence de la montre selon Walter Lange: réduite à l’essentiel extérieurement, elle convainc intérieurement au moyen d’un élément en particulier – une complication simple mais passionnante sur le plan technique. A noter également la production d’une pièce unique: une 1815 «Homage to Walter Lange» au cadran en émail noir serti dans un boîtier en acier. Elle sera vendue aux enchères en 2018 à des fins caritatives.


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Montre Première Squelette Camélia

Quand esthétique et technique ne font qu’un

Par Pierre Maillard

Quand en 1987 Chanel se lance dans l’horlogerie, avec la bien-nommée montre Première, les grands horlogers traditionnels regardent cette initiative avec hauteur et un vague dédain. Certes, la maison Chanel est prestigieuse et le nom qu’elle porte est reconnu dans le monde entier, mais l’horlogerie n’est-elle pas, à leurs yeux tout du moins, le pré-carré historique et réservé des grandes maisons suisses? On ne s’improvise pas «horloger» ainsi… Trente ans plus tard, force est de constater que l’horlogerie selon Chanel a acquis – ou plus exactement conquis – ses pleines lettres de noblesse. En attestent notamment les quatre Grand Prix d’Horlogerie de Genève reçus en 2012 pour la Chanel Tourbillon Volant qui emporte le prix de la montre féminine, puis en 2013, dans la catégorie Artistic Crafts, c’est au tour de la Mademoiselle Privé Camélia Brodé, en 2016 celui de la Secret Watch «Signature Grenat» dans la catégorie montre joaillerie, et enfin cette année, en 2017, la Montre Première Squelette Camélia remporte le prix de la montre féminine. Quatre prix qui reflètent parfaitement l’étendue que couvre désormais l’horlogerie Chanel: une alliance particulière, rigoureusement tenue au fil de collections très maîtrisées, entre une esthétique épurée, essentielle, retenue, aux codes distincts et affirmés, et une approche horlogère exigeante qui lui a permis d’en maîtriser graduellement les métiers et les savoir-faire spécifiques.

Chemin vers la Haute Horlogerie En 1987, quand Chanel se lance dans l’horlogerie, d’emblée la Maison collabore étroitement avec l’entreprise G&F Châtelain, une manufacture d’habillage renommée située à La Chaux-de-Fonds. Entreprise experte dans la boîte, le bracelet et le sertissage, c’est dès lors là que naissent toutes les montres Chanel. En 1993, pas supplémentaire, Chanel acquiert G&F Châtelain SA, tout en lui conservant raison sociale, ensemble des activités et autonomie. De là, Chanel va poursuivre son chemin horloger. La collaboration entre le Studio de Création de Chanel à Paris, un département dédié au sein de G&F Châtelain et des collaborations expertes externes avec horlogers et artisans reconnus va s’intensifier et s’approfondir. Deux premiers mouvements vont ainsi voir le jour: en 2005, le calibre Chanel 05T1 est une première mondiale, avec une platine de céramique, noire ou blanche unique en horlogerie; et en 2008, en collaboration avec la manufacture historique Audemars Piguet, Chanel présente la J12 3125, dont le Calibre 3125, dérivé du Calibre 3120 de la manufacture, est équipé d’un rotor en céramique noire – une première horlogère.

Pas supplémentaire, en 2010 s’ouvre une collaboration avec Renaud et Papi, maîtres-horlogers spécialisés dans les pièces compliquées. Elle va permettre à Chanel de franchir encore une marche vers la Haute Horlogerie. Cette année-là, Chanel sort en effet une montre dont le mouvement si particulier va fortement marquer les esprits: la Chanel J12 Rétrograde Mystérieuse. C’est un calibre très complexe et totalement inédit, qui combine tourbillon, affichage digital des minutes et aiguille des minutes rétrogrades. Pourquoi deux affichages distincts des minutes? Car un obstacle se dresse dans la course naturelle de l’aiguille des minutes tout autour du cadran: une inédite couronne verticale rétractable située à 3h l’empêche de passer et l’oblige à rétrograder. Et pendant ce temps, alors qu’elle fait le tour du cadran à l’inverse pour venir recommencer sa course de l’autre côté de l’obstacle, l’affichage digital se charge d’afficher les minutes écoulées. Du jamais vu. Une vraie prouesse horlogère. Deux ans plus tard, en 2012, toujours en collaboration avec Renaud et Papi, Chanel présente un autre mouvement, le Chanel TVC 12. C’est un mouvement à tourbillon volant dont la cage est travaillée en forme de camélia et qui va apparaître cette année-là dans la Première Tourbillon Volant Camélia, remportant aussitôt un Grand Prix d’Horlogerie de Genève dans la catégorie montres pour femmes. Le même mouvement à tourbillon volant sera ensuite décliné dans la J12 Tourbillon Volant Comète puis en version squelettée, dans la J12 et dans la Première Tourbillon Openwork Camélia.

Calibres in-house Mais dès 2011, Chanel a pris la décision de passer à la vitesse encore supérieure en développant ses propres mouvements propriétaires, conçus intégralement en interne. Pour y parvenir, un département spécifique dédié à la Haute Horlogerie a été créé au sein de G&F Châtelain. Et en 2016 en sort le premier mouvement Chanel in-house, le Calibre 1. On pourrait en parler comme d’un manifeste. Imaginée et dessinée par le Studio de Création Horlogerie, la montre Monsieur de Chanel étonne aussi bien esthétiquement et graphiquement par la disposition particulière de son affichage qu’au niveau de son mouvement. Le Calibre 1 combine en effet heure sautante et minute rétrograde instantanée. Une double complication horlogère qui, finement exploitée et transposée formellement donne à la montre Monsieur une allure unique, pour employer un mot-fétiche de Chanel. Techniquement comme esthétiquement, le Calibre 1 inaugure les nouvelles avenues horlogères qui s’ouvrent désormais à Chanel. En 2017, le Calibre 2 vient le confirmer avec la Montre Première Squelette Camélia.


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Chanel J12 RMT

Monsieur de Chanel, Calibre 1


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MONTRE PREMIÈRE SQUELETTE CAMÉLIA – CALIBRE 2 Mouvement mécanique à remontage manuel affichant les heures et les minutes. Train de rouage étagé formant les pétales du camélia. Mécanismes dessinés et disposés de manière à ne laisser apparaître que la forme de la fleur, visible à la fois côté cadran et côté fond. Composants entièrement décorés afin d'être aussi bien visibles à l'endroit qu'à l'envers. Réserve de marche de 48 heures. 107 composants. 21 rubis. Fréquence de 28 800 alternances / heure (4Hz). Balancier à inertie variable. Barillet à bride fixe, couple de ressort environ 420 g.mm. Système antichoc en protection du balancier. Dimensions du mouvement: longueur 27.80 mm; largeur 23.30mm; épaisseur: 5,4 mm. Dimension du boîtier: diamètre 40 mm; épaisseur 10.66 mm.


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Edition numérotée. Boîte en or blanc 18K (28,5 x 37 mm) sertie de 92 diamants taille brillant. Aiguilles serties de 17 diamants taille brillant. Lunette en or blanc 18K sertie de 104 diamants taille brillant et 4 diamants taille baguette. Couronne en or blanc 18K sertie de 24 diamants taille brillant. Bracelet en satin noir avec un fermoir en or blanc 18K serti de 30 diamants taille brillant. Poids total diamants: 5,53 carats. Edition numérotée. Boîte en or blanc 18K (28,5 x 37 mm) sertie de 47 diamants taille baguette. Squelette camélia serti de 246 diamants taille brillant. Lunette en or blanc 18K sertie de 42 diamants taille baguette et 52 diamants taille brillant. Couronne en or blanc 18K sertie de 16 diamants taille baguette et 11 diamants taille brillant. Bracelet en satin noir avec un fermoir en or blanc 18K serti de 30 diamants taille brillant. Mouvement mécanique avec remontage manuel (48 heures de réserve de marche). Poids total diamants: 7,82 carats. Edition limitée à 12 pièces. Boîte en or blanc 18K (28,5 x 37 mm) sertie de 47 diamants taille baguette. Squelette camélia serti de 246 diamants taille brillant. Lunette en or blanc 18K sertie de 42 diamants taille baguette et 52 diamants taille brillant. Couronne en or blanc 18K sertie de 16 diamants taille baguette et 11 diamants taille brillant. Bracelet en or blanc 18K serti de 282 diamants taille baguette et fermoir en or blanc 18K serti de 254 diamants taille brillant. Poids total diamants: 22,66 carats.

Un mouvement qui dessine un camélia Parler d’adéquation entre forme et fonction est souvent devenu un cliché trop facilement utilisé. Mais ici, avec la Montre Première Squelette Camélia et son Calibre 2, difficile de trouver plus étroite imbrication entre les fonctions mécaniques et les formes qu’elles prennent pour créer de concert… une fleur qui dit le temps. Montre-camélia poétique, pure, tridimensionnelle, vibrante, elle semble ne faire qu'un avec son mouvement. La technique est ici totalement mise au service de l’esthétique. Et de fait, tous les éléments du mécanisme ont été conçus, pensés et disposés de façon à dessiner la forme du camélia, à s’effacer pour ne laisser voir que son tracé, ne signalant sa présence que par son balancier-spiral qui vibre délicatement au coeur de la fleur. Le Calibre 2 est donc un mouvement conçu spécifiquement pour et dédié uniquement à la Montre Première Squelette Camélia, avec laquelle il fait littéralement corps. Si le motif emblématique du camélia – fleur de prédilection de Mademoiselle – s’est naturellement

et aussitôt imposé, notamment après le succès de la Première Tourbillon Volant Camélia avec sa cage de tourbillon en forme de camélia, trois ans ont été nécessaires pour concevoir, développer, construire, fiabiliser, assembler ce «mouvement-fleur», pourrait-on dire.

constructeurs ont dû recalculer toute la chaîne cinématique, arranger, disposer, styliser tous les composants en les étageant de façon à composer un mouvement en forme de camélia tridimensionnel.

Difficile de trouver plus étroite imbrication entre les fonctions mécaniques et les formes qu’elles prennent pour créer de concert… une fleur qui dit le temps.

A sa façon, le Calibre 2 marque l’aboutissement d’une démarche de pureté, de simplicité, d’alchimie entre forme et fonction qui est ici totalement accomplie. La Montre Première Squelette Camélia est une complication horlogère en soi, qui plus est unique, mais la montre apparaît comme une évidence, d’une simplicité et d’une lisibilité parfaite. Son mouvement est littéralement son cadran mais elle offre une parfaite lisibilité et une totale simplicité d’usage. La stylisation de son architecture florale intensément féminine est soulignée par le jeu de contrastes entre ombres et lumières, le noir intense du calibre – ou son éclat de diamants – dessinant ses pétales dans l’encadrement d’un lumineux boîtier d’or blanc 18 carats. Un soin extrême a été apporté à la fabrication et à la décoration de chacun de ses composants minutieusement

Car il ne s’agit pas seulement, comme dans le squelettage traditionnel, d’ajourer ponts, platines voire rouages. Ici, il a fallu repenser et redessiner tous les composants, les architecturer et les faire interagir tout en tenant compte étroitement des contraintes techniques et des impératifs esthétiques. Le train de rouages étagé prend la forme même du camélia et de la disposition de ses pétales. Endroit comme envers, on ne perçoit que le dessin de la fleur. Pour y parvenir, les horlogers de Chanel et ses

Un aboutissement

terminés: satinage circulaire, anglage diamant, polissage, rhodiage, traitements ADLC (Amorphous Diamond Like Carbon)… et sertissage. Plusieurs versions de la Montre Première Squelette Camélia coexistent, toutes taillées dans de l’or blanc 18 carats et toutes serties à un degré plus ou moins exhaustif, qu’il s’agisse du boîtier, de la platine squelettée, de la couronne, des aiguilles, du fermoir, voire du bracelet intégralement serti dans la version la plus prestigieuse (en édition limitée de 12 pièces). Sertir la platine représente en soi un exploit technique. Car à tout moment, le sertisseur prend le risque de la déformer, et donc de la rendre inopérante car sa parfaite planéité est indispensable à son bon fonctionnement. Tâche suprêmement délicate, exigeant une minutie et un dosage fin de l’effort pour ne pas altérer sa fonction mécanique! Pour Chanel, un des enjeux majeurs de la Montre Première Squelette Camélia, au-delà de l’exploit horloger que représente la forme de son mouvement, et de son esthétique parfaitement identitaire, est de démontrer son excellence horlogère qui doit se lire dans la perfection de tous les détails. Non seulement dans les détails techniques du mouve-

ment lui-même, dans le façonnage et la composition de ses rouages, dans l’audace de ses ponts, dans la qualité de ses finitions, mais aussi dans son habillage, dans le choix des matériaux, dans le jeu de leurs contrastes, jusqu’au poinçon du Lion – signe astrologique de Mademoiselle et symbole de la Haute Horlogerie Chanel – gravé au laser sur la surface de la couronne sur le mouvement. Avec son deuxième mouvement intégralement in-house, Chanel, 30 ans après ses débuts avec la Première, marque une étape essentielle de son singulier chemin en Haute Horlogerie. Et comme avec la J12, Chanel démontre aussi, au-delà des différentes performances et démonstrations techniques, que ses modèles emblématiques ont une pertinence, une modernité et un attrait que le temps n’érode pas. Bien au contraire: que le temps magnifie. A l’image de la montre Première dont le dessin du boîtier reprend la forme du lieu totémique de la Maison, la Place Vendôme. Une place qui fut, rappelons-le au passage, dessinée en 1699 par Mansart, le grand architecte de Versailles qui ne pouvait pas imaginer qu’un jour, la forme si rigoureuse de sa place deviendrait celle d’une prestigieuse montre.


MARQUES

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Bulgari, l’aventure hôtelière

La marque italienne a inauguré en décembre 2017 un nouvel hôtel spectaculaire, tout de légèreté et d’épure, sur une île artificielle à Dubaï. On aurait pu croire que Louis Vuitton – dont l’univers est celui du voyage – s'emparerait du thème hôtelier avant Bulgari. Mais au sein du groupe LVMH, c’est bien la maison romaine qui a entamé le chantier de la diversification vers l’hospitalité, alors que l’«expérience» est en train de surpasser «l’objet» dans le luxe.

Dubaï est une ville qui s’étend sur la mer. Et Bulgari y participe. Avec son partenaire local Meraas, la marque italienne a créé une île artificielle... en forme d’hippocampe, pour y implanter son nouvel hôtel de luxe, un mois après avoir ouvert une nouvelle enseigne à Pékin le mois dernier. Si l’hôtellerie Bulgari a débuté dès 2001 sous l’ère Trappani, le président actuel Jean-Christophe Babin lui a donné une nouvelle ampleur. Elle compte aujourd’hui des établissements à Milan, Londres, Bali et à présent Pékin et Dubaï. «L’idée est de créer une petite communauté à l’esprit italien à Dubaï, explique Silvio Ursini, Managing Director Bvlgari Hotels. La marina de 50 places dispose d’une promenade piétonne et de six restaurants.» L’hôtel, qui a ouvert ses portes officiellement le 7 décembre, compte 101 chambres et 20 villas de luxe. Juste à côté, 173 appartements et 15 villas sont proposées à la vente (dont les penthouses les plus chers de Dubaï). L’ensemble compte une seule boutique... Bulgari bien sûr – qui vient compléter les deux autres

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Par Serge Maillard, dubai

que la marque a déjà ouvertes dans la ville émiratie. Pour les propriétés, il faudra débourser en moyenne 1,5 million d’euros pour l’achat de base, auquel il convient d’ajouter 1 million par pièce. L’avantage? La ville d’un côté, la plage de l’autre. Le meilleur des deux mondes, donc. L’hôtel, qui s’inspire du monde de la mer et de la délicatesse du corail, affiche un design tout en transparence et en clarté, à la pureté presque scandinave ou japonaise (c’est le même designer qui a œuvré sur tous les hô-

tels de la marque à travers le monde). «Nous ne voulions pas reproduire les 1001 nuits, nous appliquons un design contemporain italien!, souligne Silvio Ursini. Nous ne faisons pas un hôtel arabe à Dubaï ou un hôtel chinois à Pékin, même si nous ajoutons des touches symboliques du lieu.» Le projet de Dubaï a démarré il y a huit ans. La marque s’est associée à Ritz-Carlton pour la gestion opérationnelle de ses hôtels à travers le monde. «Ils ont l’expérience de l’hôtellerie, alors que c’est un domaine re-

lativement nouveau pour nous. Nous aurons bientôt de nouveaux établissements à Shanghai et Moscou. Nous avons mis 15 ans pour avoir 5 hôtels, à présent il y a une forte accélération et nous en ajouterons probablement une dizaine d’ici à 2022.» Quid du cross-selling? «C’est un phénomène qui s’avère pertinent en particulier à Milan et Londres. Ces projets servent cependant d’abord notre image de marque globale. Nous sommes du reste bénéficiaires et ne le faisons pas à fond perdu!» Il faut d’ailleurs noter que rares sont les

marques du luxe (mode, joaillerie, horlogerie) ayant ouvert leurs propres hôtels. Si Louis Vuitton édite des guides touristiques City Guides, elle n’a pas encore franchi le pas. Armani dispose d’hôtels à Dubaï et à Milan, Versace à Dubaï également et en Australie. Les enseignes italiennes sont donc précurseuses. Du côté des horlogers suisses, il faut mentionner encore Chopard qui a racheté l’Hôtel de Vendôme à Paris et Audemars Piguet qui a la volonté d’ouvrir un hôtel de luxe dans la Vallée de Joux...


MARQUES

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Longines: les vertus de la stabilité

Par Serge Maillard, pékin

En fouillant les archives de 90 ans d’Europa Star, trois noms en particulier reviennent constamment depuis les années 1920: Rolex, Zenith et Longines. Walter von Känel, le président de Longines qui ne manie pas la langue de bois (et c’est tant mieux, mais trop rare!), l’a rejointe il y a plus de quarante ans. La marque de St-Imier fêtait en 2017 ses 185 ans. Elle a été pionnière en Chine, où elle est présente depuis un siècle et demi... et dont les habitants constituent de loin sa plus grande clientèle. Quoi de plus naturel, dès lors, que de fêter cet anniversaire à Beijing? Europa Star était de la partie. En arrivant à l’aéroport de la capitale chinoise, on s’amuse à chercher la première marque horlogère dont on croisera le regard. Réponse: une horloge Longines. La marque est incontournable ici. Les boutiques la proposant se retrouvent presque chaque 100 mètres sur l’artère commerciale du centre-ville. Pourtant, en Suisse, la marque est plutôt low-profile, alors que ses concurrents de moindre taille (Longines dépasse depuis plusieurs années la barre du milliard de chiffre d’affaires) n’hésitent pas à sortir l’artillerie lourde à la moindre nouveauté, d’autant plus si celle-ci fait preuve d’un peu d’exubérance stylistique. Car Longines est surtout restée ultra-classique dans son style, une force de référence pour la «première belle montre». A l’inverse, ses concurrents directs ont fortement louvoyé – pour le pire et pour le meilleur – ces dix dernières an-

nées. Aujourd’hui, TAG Heuer ou Montblanc proposent non seulement de la smartwatch, mais aussi du tourbillon, étendant leur palette vers le haut et vers le bas, alors que Longines est restée stricte sur son positionnement prix de 1'500 à 3'000 francs. Maurice Lacroix a pour sa part voulu monter en gamme et a perdu beaucoup de terrain sur son marché historique allemand. Quant à Frédérique Constant, challenger dans l’ultra-classicisme du «luxe abordable», elle est en train d’être intégrée au sein du groupe Citizen. Elle aussi a d’ailleurs lancé sa montre connectée, un produit qui semble heurter les oreilles de Walter von Känel lorsqu’on aborde la question... «Cela fait trois ans que je répète que je n’irai pas dans la montre connectée, sous ma présidence en tout cas! Pour l’instant, cela ressemble beaucoup trop à du bricolage, lorsque les Suisses veulent s’y mettre. Même si cela peut avoir un effet marketing certain...» Conservatrice, la marque? «Je ne me considère pas comme quelqu’un de conservateur mais de consistant», tient à préciser Walter von Känel lorsqu’on mentionne cet aspect. Le terme est certes devenu mal connoté. Soit. Traditionnel? Les Chinois restent en tout cas friands de montres mécaniques, rappelle le chef de Longines – cellesci représentent 90% des ventes de la marque dans le pays. Ils sont également friands de modèles proposés en «pair watches» – 60% des ventes. «Notre marque est perçue pour avoir le meilleur rapport qualité-prix sur le segment 1’500-3'000 francs, pour être une marque légitime et pas un

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Comme un paquebot avançant à vitesse lente mais sûre, la quatrième marque mondiale – sous-médiatisée en Occident par rapport à son poids réel sur le marché – s’est construite un empire en Chine. C’est là qu’elle fêtait son 185ème anniversaire, avec des lignes classiques et un rapport qualité-prix qui continuent de toucher un très large public. Conservatrice? Son patron de longue date, Walter von Känel, connu aussi comme le «Chef», la préfère consistante!

A l'inverse de ses concurrents qui ont étendu leur palette vers le haut et vers le bas, Longines est restée stricte sur son positionnement: de 1’500.à 3'000.- francs. nouveau venu du fashion, et pour son style classique ainsi que son élégance», poursuit l’imperturbable von Känel. Equilibrée, la marque l’est aussi dans sa répartition des modèles pour hommes et pour femme: elle vend ainsi plus de 50% de modèles féminins. Pour rester dans sa cohérence de l’accessibilité classique, Longines est sortie au fil des ans à la fois du sponsoring de la Formule 1 trop élitiste et du cyclisme trop populaire pour se concentrer sur des sports qui lui

correspondent – l’élégance et la tradition à l’état pur – comme l’équitation, le tennis et le ski alpin. Elle fait d’ailleurs appel à des ambassadeurs qui ne sont ni trash ni (trop) posh mais bien sous tous rapports, comme Kate Winslet ou Simon Baker en Occident. Et en Chine, des personnalités locales, par «respect». Des comédiennes qui font tout de même pleurer les gens d’émotion lorsqu’elles apparaissent sur scène, mais sont inconnues en Occident. Historiquement très bien ancrée dans l’Empire du Milieu, la marque a toujours soigné ses relations avec le gouvernement central – gage de longévité. La clientèle se rajeunit en Chine. Dès lors, outre les ambassadeurs, la marque vient de se lancer sur la plateforme géante de e-commerce chinoise T-Mall afin de séduire ces nouvelles générations. «Ils ont une vraie efficacité quand il s’agit d’établir le profil de leurs consommateurs grâce aux données qu’ils re-

cueillent, souligne Walter von Känel. Ils pourraient donner des leçons aux services de renseignement, en terme d’analyse de l’information!» Un premier pas dans la «jungle» du digital, qui est en train de mettre toute l’industrie sens dessus dessous. Après tout, le patron de Longines revendique son accent sur les volumes, à 1,5 million d’unités par an alors que nombre de ses concurrents suisses s’en tiennent à quelques dizaines de milliers de modèles... Et internet est la nouvelle plateforme du «mass consuming». Présentée à Pékin, la nouvelle collection Record, toute de sobriété, affiche quant à elle la particularité d’être entièrement certifiée COSC. C’est cela, Longines: avancer par petites touches en s’étendant autour d’un axe central clair. Sans retournement de situation, calmement. La marque est aussi Swiss made dans ses valeurs. Des valeurs sûres. Pas de révolutions: des évolutions.

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MARQUES

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Omega, un outil de production futuriste

Par Pierre-Yves Schmid, eurotec

Né de l’imagination de l’architecte japonais Shigeru Ban, connu pour son goût pour les techniques non conventionnelles (on lui doit notamment la fameuse église en carton de Kobe, la Metal Shutter House de New York ou encore le Centre Pompidou de Metz), le nouveau bâtiment est un écrin de technologie destiné à accueillir les processus d’assemblage, de test et de contrôle qualité des montres. A l’heure de l’inauguration, Nick Hayek, CEO de Swatch Group, ne cachait pas son enthousiasme: «Omega produit des montres sur ce site historique, au coeur de Bienne, depuis 1882. Omega a toujours été pionnière en matière d’innovation et d’excellence dans l’industrie horlogère suisse et dans le monde. Ce superbe nouvel édifice est un témoignage supplémentaire de l’investissement de longue date de la marque dans les nouvelles technologies, les nouvelles méthodes de production, mais également dans ses propres collaborateurs.» Le Conseiller fédéral Johann SchneiderAmman a quant à lui rappelé l’engagement de la famille Hayek en faveur de l’horlogerie et salué la mémoire de Nicolas Hayek, «un homme né à Beyrouth qui a toujours davantage cru en la Suisse que les Suisses euxmêmes».

Un investissement de plus de 150 millions Au cœur de sa nouvelle manufacture, Omega a installé un système de stockage entièrement automatisé. Long de 27 mètres pour 14 mètres de haut, ce stock contient plus de 30’000 cartons remplis des compo-

sants nécessaires à la fabrication des montres. Ses deux ascenseurs verticaux se déplaçant à 4 mètres par seconde assurent une cadence de 1’400 opérations à l’heure. Pour éviter tout risque d’incendie, le niveau d’oxygène de ce local a été volontairement réduit à 15,2%. Seules deux personnes spécialement formées et au bénéfice d’un certificat médical sont ainsi autorisées à pénétrer dans cet espace. D’autres technologies de pointe ont été mises en place pour assurer une efficacité maximale. Bras et systèmes robotisés sont ainsi utilisés pour les tests Master Chronometer. Pour les humains, le transport et la préparation des montres sont des tâches monotones et chronophages. Omega a donc entièrement programmé ces grands bras pour s’en charger. En mesurant, photographiant, remontant, déplaçant et retournant les montres, ces robots offrent non seulement un niveau de production constant mais garantissent également une ligne de montage parfaite sans temps mort. L’identification et le conditionnement final des montres sont aussi réalisés par des bras robotisés et des systèmes de lecture s’assurent que chaque montre sortant de la ligne de montage est livrée avec le certificat et la garantie qui lui reviennent. La gravure au laser, qui donne à chaque montre une identité unique, est un exemple de plus du haut degré de technologie de la manufacture. La manufacture abrite également au troisième étage un laboratoire METAS équipé de toutes les installations pour la réalisation des huit tests METAS nécessaires pour l’obtention de la certification Master Chronometer. C’est là que se trouvent également de puissants aimants qui soumettent les montres à un champ magnétique de 15’000 gauss et qui permettent à la marque de certi-

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Développement durable La nouvelle manufacture repose sur un ingénieux concept articulé autour de la climatisation et de la consommation d’énergie. Trois principes directeurs ont été appliqués pour obtenir un rendement énergétique maximal. En premier lieu, les techniques d’isolation choisies per-

tème offre également l’avantage du recyclage, les dégagements de chaleur issus des processus de production étant redirigés vers d’autres zones telles que le système de préchauffage de l’eau chaude sanitaire par exemple. L’utilisation de sources d’énergie renouvelables constitue le troisième point de développement durable de la manufacture. Pompage des eaux souterraines, panneaux à rayonnement et modules photovoltaïques assurent l’intégralité de la fourniture en énergie du bâtiment. Les micro-onduleurs développés par Belenos, filiale du Swatch Group, ont été utilisés en première mon-

Aeschlimann, président et CEO d’Omega: «Nous enregistrons une croissance à deux chiffres dans nos boutiques en propre depuis environ douze mois.» Faisant allusion aux propos tenus quelques instants auparavant par Nick Hayek qui s’opposait à ceux qui considèrent l’industrie horlogère comme moribonde, Raynald Aeschlimann a déclaré: «L’horlogerie se porte bien, Omega très bien.» Soit, mais n’y a-t-il pas tout de même un risque de surcapacité de production? Le CEO d’Omega est catégorique. «Même si notre nouvelle manufacture nous permettra de passer d’une production actuelle

diale. Installés derrière les panneaux solaires, ces éléments sont directement connectés au réseau électrique pour lequel ils convertissent le courant solaire direct en courant alternatif renouvelable utilisé dans le bâtiment. A bien des égards, les différentes techniques choisies vont au-delà des contraintes imposées par le code de la construction suisse.

de 450’000 montres par an à 700’000 unités, elle a surtout été créée pour permettre à notre marque d’évoluer. Ce n’est en aucun cas un geste marketing, nous devions juste nous remettre dans la perspective d’une marque mondiale.» Avec actuellement 350 collaborateurs et l’engagement prévu de nouvelles personnes, Omega a le vent en poupe. Aussi positif que cela soit, cela représente un défi conséquent, comme le confirme Raynald Aeschlimann: «Grandir passe par l’innovation mais nous devons parallèlement veiller à ce que celle-ci ne nous coupe pas de nos clients existants. Nous y travaillons notamment avec la refonte de plusieurs de nos modèles emblématiques.»

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La marque-phare du Swatch Group a inauguré sa nouvelle manufacture à Bienne. Ce bâtiment futuriste lui permet d’écrire un nouveau chapitre de son histoire sur le site même où l’entreprise Louis Brandt & Fils, devenue Omega par la suite, s’était installée en 1882.

fier que ses montres répondent aux standards les plus exigeants de l’industrie horlogère en termes de précision, performance et résistance antimagnétique.

mettent de réduire la consommation électrique du système de chauffage. Des pare-soleil très efficaces équipent chaque fenêtre et s’adaptent à la trajectoire du soleil et à l’orientation de la façade. L’éclairage intérieur est assuré par des ampoules LED, ce qui permet une réduction de la puissance installée, de la consommation d’électricité et de la dissipation de la chaleur à l’intérieur du bâtiment. Le second axe d’optimisation a poussé les concepteurs à installer des systèmes à rayonnement pour la climatisation générale. Chauffage et refroidissement du bâtiment sont ainsi réalisés avec un rendement maximal, les températures de refroidissement étant élevées et celles de chauffage étant basses. Ce sys-

Paré pour affronter la croissance Cet écrin technologique doit désormais permettre au groupe de répondre à une demande en croissance régulière, notamment en Chine, aux Etats-Unis et en Europe. Raynald


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SUR LES MARCHÉS

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Chine: l’horizon s’éclaircit Le marché horloger du géant de l’Extrême-Orient devrait peser 10 milliards d’euros d’ici à 2020. La ruée sur la Chine est loin d’être finie... Ou plutôt la ruée des Chinois dans le monde, car ils sont de plus en plus nombreux à privilégier les achats à l’étranger. Via de nouvelles pratiques surprenantes, comme le «dai gao» ou agents commissionnés. Par Julie Laulusa mazars, shanghai

Contrairement à ce que l’on peut croire, la vente de montres traditionnelles en Chine continentale reste relativement stable: on a ainsi enregistré une croissance de l’ordre de 2% entre 2015 et 2016. Si l’on prend en compte l’inflation qui se monte de 3% à 4%, nous sommes donc vraiment dans une situation de stabilité. Si l’on enlève l’inflation, le marché de la montre traditionnelle est en légère décroissance. La taille de ce marché est de l’ordre de 8,5 milliards d’euros. Même si la difficulté en Chine, c’est que tout le monde n’a pas les mêmes chiffres!

dans ces trois zones; aujourd’hui, elles ne pèsent plus que pour 23% de leurs achats horlogers. Les Chinois achètent aujourd’hui davantage en Chine continentale, qui reste stable avec environ un tiers des achats. Ce qui augmente, ce sont donc les achats en dehors de Chine continentale, Hong Kong, Macao ou

duits, y compris dans des boutiques officielles, il y a quelques années encore. Cela ne se produit plus vraiment mais a marqué l’esprit des Chinois. Le troisième facteur est le choix des produits, ainsi qu’un meilleur service. Aujourd’hui se pose aussi la question du e-commerce. Néanmoins, 84% des Chinois préfèrent toujours acheter en boutique que sur internet, tout simplement parce qu’il y a une meilleure garantie et qu’ils peuvent essayer le modèle, mais aussi parce qu’ils ont peur qu’il manque le service après-vente sur internet. Ce point du service prend de l’importance. Il faut cependant noter parallèlement qu’une majorité de ces 84% estiment qu’ils pourront un jour acheter une montre sur internet. Mais pas un produit très onéreux: la plupart ne souhaitent pas dépasser les 7'000 RMB, soit moins de 1'000 euros. La grosse problématique en Chine reste vraiment la méfiance sur l’authenticité pour des achats plus chers. C’est cette barrière que les marques doivent surpasser. A ce moment-là, si le tracking et la garantie du produit sont vraiment efficaces, les Chinois seront convaincus d’acheter en ligne.

une commission à la clé. Dès lors, ce sont eux qui prennent les risques à la douane, pas le client final... Il y a quelques semaines, je me trouvais dans un grand magasin à Paris et j’ai croisé au moins dix personnes qui utilisaient leur téléphone pour filmer en détail une robe, un sac, des bijoux ou une montre, avant des les envoyer à leurs clients via WeChat pour que ceux-ci se décident quant à un achat ou non. Les vendeurs des grands magasins les laissent faire, car ce sont de bons acheteurs... Les douanes chinoises ont imposé des contrôles plus stricts et depuis avril 2015 tout achat supérieur à 10'000 RMB (environ 1'300 euros) est soumis à une taxe de 60%. Mais justement, avec ce système, ce n’est pas le client final qui passe

Orientations sur le haut de gamme

Hong Kong ne leur suffit plus Ce qu’il faut aussi souligner, c’est que les Chinois achètent de moins en moins à Hong Kong, Macao et Taiwan. La baisse est constante depuis 2015. A l’époque, les Chinois achetaient un tiers de leurs montres

Photographie: Laurent Baillet

D’ici à 2020, on prévoit toutefois que le marché horloger atteindra les 10 milliards d’euros, avec une croissance annuelle de 4% à 5%. Ce qui est intéressant, c’est d’observer où et pourquoi on achète des montres traditionnelles: entre 2014 et 2016, les montres comptent pour 50% des dépenses en produits de luxe chez les Chinois! Chez les hommes, ce taux monte même à 71%... La montre reste donc un objet extrêmement fort en Chine, avec un potentiel de croissance très important chez les femmes. Le pouvoir d’achat des Chinois continue d’augmenter et s’oriente sur toutes sortes de produits de luxe. Parallèlement, le prix moyen des montres qu’achètent les Chinois ne cesse d’augmenter également. On estime aujourd’hui que le segment horloger haut de gamme ne constitue que le 1% des ventes en termes de volumes, contre 14% pour le milieu de gamme et 85% pour l’entrée de gamme. D’ici à 2020, la quote-part du haut de gamme devrait monter à 3%, celui du milieu de gamme à 22%...

Quid de la montre de seconde main?

Taiwan. Ils représentent aujourd’hui 45% du total! En effet, les Chinois voyagent de plus en plus. Chaque année, le nombre de pays requérant un visa diminue. Il est donc plus aisé de se déplacer dans le monde. Ce n’est pas qu’ils veuillent acheter des montres à l’étranger, c’est juste qu’ils voyagent plus...

la douane... Si quelqu’un se fait attraper à plusieurs reprises, il devra rembourser. Au début les contrôles étaient vraiment systématiques en 2015, mais cela a causé des queues énormes à l’aéroport. Par conséquent, les douaniers sont passés à un système de contrôles par échantillonnage ou aléatoires.

Des chargés d’affaires armés de caméras

Pourquoi acheter des montres à l’étranger?

Par ailleurs, un nouveau phénomène est en train d’exploser: celui du dai gao. Vous pouvez commander auprès de «chargés d’affaires» des produits de luxe à un prix moindre qu’en Chine. Ces personnes voyagent partout dans le monde, se rendent dans les boutiques et envoient les images des produits à leurs clients, qui les mandateront pour leur achat, avec

Il y a trois facteurs explicatifs. C’est d’abord le prix plus intéressant: selon une étude, plus de 86% des Chinois décident d’achats à l’étranger sur ce critère. C’est ensuite la question de l’authenticité des produits, lorsqu’on achète une montre très haut de gamme. En Chine, il y a eu un certain nombre de scandales sur l’authenticité des pro-

De manière générale, le marché est plus ouvert à Hong Kong, où l’on trouve plus de magasins de seconde main qu’en Chine continentale, ainsi qu’en Europe, où il y a aujourd’hui une multitude de sites internet de seconde main. Le problème en Chine continentale, c’est qu’il n’y a pas d’intermédiaires sur le marché de seconde main pour garantir le produit: tout se fait pour l’heure de particulier à particulier sur des sites comme Taobao. Par ailleurs, la montre est un objet acheté pour le statut social en Chine, ou pour des célébrations, il reste donc une forme de réticence à acquérir pour ces occasions des produits de seconde main, qui n’ont pas une bonne image. Les consommateurs veulent le dernier modèle, celui qui est à la mode! Aujourd’hui, 80% de montres de marque sont achetées par des millenials, dont une majorité par ceux qui ont entre 20 et 30 ans et un tiers entre 30 et 40 ans. Ils sont très sensibles aux phénomènes de mode.

Où en est la campagne anti-corruption? En octobre dernier a été nommé le nouvel exécutif, c’est-à-dire les sept membres du comité permanent. La campagne anti-corrup-

tion va certainement continuer. On note tout de même beaucoup d’évolutions depuis que cette campagne a été lancée il y a quatre ans. Les gens ont toujours le droit d’aller faire des parties de golf ou de dîner dans des restaurants de luxe mais ne peuvent plus y inviter de hauts fonctionnaires. La campagne ne va pas être plus virulente, on entre plutôt dans une période de normalisation. Par ailleurs, les sociétés horlogères ont déjà adapté leurs produits à cette nouvelle réalité. Le problème était que jusqu’en 2013, la clientèle chinoise achetait des montres très onéreuses en priorité dans le but de faire des cadeaux. Dès lors qu’on achète des montres pour soi-même ou pour sa famille, ce ne sont plus les mêmes types d’achats... Pendant deux ans, les boutiques ont dû adapter leurs stocks aux nouveaux comportements des consommateurs. On entre à présent dans une période normalisée, où les stocks ont été adaptés aux nouveaux goûts des acheteurs. Dès lors, les ventes seront forcément moins impactées par les effets de la lutte anti-corruption. La plupart des consommateurs cherchent à présent des montres en-dessous de 50'000 RMB (6'500 euros) en Chine continentale. Les achats plus onéreux sont réalisés hors de Chine.

Esquisse du futur du marché horloger en Chine Le marché chinois est porteur car il y a une vraie adoration des montres, pour ce qu’elles représentent en terme de statut et de lifestyle. Et tout ce qui touche au symbole est très ancré: cela ne s’aurait s’effacer en cinq ans. Au contraire, il demeure un très fort potentiel pour les montres mécaniques traditionnelles. Les montres d’exception, de collection, ne sont pas menacées. Le seul segment qui pourrait être pénalisé aujourd’hui est celui de la montre traditionnelle entrée et milieu de gamme, sous l’effet de l’arrivée des nouveaux acteurs de la montre connectée. Celle-ci n’attire pas que des jeunes ou des sportifs, mais aussi des seniors, parce que ces produits permettent de relever des données utiles à leur santé (en 2030, 30% de la population chinoise aura plus de 60 ans, tout en conservant un pouvoir d’achat important). Le marché du futur que je vois, donc, repose sur une montre qui ne sert plus uniquement à donner l’heure, mais qu’on choisit soit comme symbole statutaire, en ce qui concerne les modèles classiques, soit pour les données qu’elle permet de capter, en ce qui concerne les modèles connectés. Pour subsister, une marque horlogère doit créer du symbole... ou de la technologie.


SUR LES MARCHÉS

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«Dubaï est devenue une marque en soi» comme à Dubaï. L’un des modèles les plus connus de l’histoire des ventes est d’ailleurs la Daytona ornée de l’emblème des Emirats arabes unis, commissionnée par la famille royale auprès de Rolex.

La troisième édition de la Dubai Watch Week a sans conteste été un succès, alors que le monde des salons horlogers est dans la tourmente. Elle s’inscrit dans une stratégie mise en place de manière subtile par le détaillant historique du Moyen-Orient, Ahmed Seddiqi & Sons. L’occasion de faire un point sur le marché horloger aux Emirats arabes unis.

En novembre dernier se tenait la troisième édition de la Dubai Watch Week. Une foire qui, outre les marques qu’elle expose, possède un vrai luxe: celui du temps. Le temps de découvrir, de dialoguer, dans un environnement serein. Car le salon se veut davantage culturel que commercial. Logique, puisqu’il est organisé par le détaillant le plus prestigieux du Moyen-Orient, Ahmed Seddiqi & Sons, fondé à la fin des années 1940 et employant aujourd’hui plus de 800 personnes dans un dense réseau de plus de 70 boutiques aux Emirats arabes unis, représentant presque autant de marques de prestige. Ce n’est donc pas la foire d’empoigne pour trouver un nouveau représentant... et du coup on a le temps! Ce véritable campus horloger intègre également deux caractéristiques qui font cruellement défaut aux autres événements du type à travers le monde: un riche programme de conférences et d’ateliers, ainsi que l’intégration du pôle vintage de l’horlogerie, en forte croissance, y compris dans les pays du Golfe. Christie’s possédait ainsi son propre pavillon lors du salon. «Nous avons lancé les enchères à Dubaï en 2006, explique son responsable horlogerie Stéphane Von Bueren. Ce n’était pas joué d’avance de vendre des montres de deuxième main ici... Cela prend du temps. Nous avons commencé par des montres modernes mais petit à petit le vintage prend aussi de l’importance.» «J’étais surpris lorsque j’ai assisté aux premières ventes aux enchères ici à Dubaï de voir à quel point un certain nombre de personnes dans l’assistance étaient découragées parce que les montres étaient «usées», ajoute Ali Khadra, de Canvas Magazine. Mais c’est justement ce qui les rend attachantes, ce n’est pas comme une vieille robe, on n’achète pas juste une pierre ou un mécanisme mais de l’histoire.» La «maturité» horlogère grandit à Dubaï, observe Melika Yazdjerdi, responsable du marketing et de la communication chez Ahmed Seddiqi & Sons et directrice de l’événement. Historiquement, les familles royales du Moyen-Orient ont commissionné un grand nombre

de pièces à des maisons suisses, dont on peut toujours voir un certain nombre aujourd’hui au Patek Philippe Museum de Genève. «Les collectionneurs ne s’intéressent pas seulement aux montres les plus onéreuses, mais aussi à des modèles et des mouvements très spécifiques. Notre rôle et notre raison d’être ont toujours été de contribuer à éduquer les locaux à l’art horloger.» Et surtout, alors que les marques comme leurs représentants tendent à la concentration et que les rachats se sont multipliés, le détaillant est toujours géré comme une grande famille, au sens propre et figuré... Qui de mieux, justement, pour évoquer la situation du marché aux Emirats arabes unis qu’un membre de la famille? Entretien avec Mohammed Abdulmagied Seddiqi, représentant de la troisième génération au sein de la Seddiqi Holding, dont il est le Chief Commercial Officer.

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Par Serge Maillard, dubai

Certains détaillants de renom sont sortis de leur marché national, comme Wempe ou Bucherer. N’envisagez-vous pas de vous étendre dans d’autres pays du Golfe?

Mohammed Abdulmagied Seddiqi, Chief Commercial Officer, Seddiqi Holding

les routes, l’aéroport, pour encourager le business et le tourisme et faire de Dubaï un hub de tout le Moyen-Orient. C’est un «package complet» qui attire beaucoup de monde et de capitaux, y compris vers l’horlogerie. Nous accompagnons cette croissance.

nouveau mall d’ici 2020, toujours dans la même ville, à l’occasion de l’Exposition universelle. Celui-ci accueillera... plus de 4'750 boutiques! Le modèle de la boutique monobrand, du shop-in-shop, a-t-il définitivement gagné sur le multibrand dans la région?

Justement d’où viennent vos clients?

Ce serait trop radical que de l’affirmer. Il est vrai que les boutiques monobrand représentent actuellement 70% de notre distribution. Nous avons commencé par du multibrand dans les années 1950 mais nous avons ouvert des boutiques monobrand dès les années 1970, à commencer par Chopard. Le plupart se trouvent dans des centres commerciaux. C’est en effet l’une des raisons principales pour lesquelles on trouve davantage de boutiques monobrand qu’en Europe: il y a beaucoup plus de centres commerciaux à Dubaï et donc de shop-in-shop.

Notre clientèle est à 50% locale et à 50% étrangère, car Dubaï attire des touristes venus d’Europe, de Russie ou encore d’Extrême-Orient. C’est un bon mix.

Quel regard portez-vous sur l’année 2017 pour le marché horloger aux Emirats arabes unis? Les exportations de montres suisses y sont en baisse pour la deuxième année consécutive...

L’un de vos concurrents principaux dans la région est le distributeur Rivoli, aujourd’hui en mains du Swatch Group. Comment avezvous pallié l'interruption de la collaboration avec le géant suisse?

2017 a été une année compliquée, avec l’instabilité géopolitique persistante au Moyen-Orient. J’espère que la situation va s’améliorer. Mais même face à ce contexte, nous continuons nos investissements pour poursuivre notre développement. Quoi qu’il arrive, Dubaï restera le hub régional. Ce n’est pas une réputation qui s’est construite en deux ans, même si le développement a été très rapide. Aujourd’hui, Dubaï est devenu une destination et une marque reconnue à l’international. Nous en bénéficions.

Notre portfolio est toujours riche et varié. Aujourd’hui, nous représentons plus de 60 marques, pour tous les budgets et tous les goûts. Après tout, nous commençons avec les montres fashion et des marques comme Guess ou Armani; nous avons de la montre connectée – TAG Heuer a même sorti une édition dédiée à Dubaï de sa Connected; et nous représentons les marques de prestige depuis plus de six décennies à travers Ahmed Seddiqi & Sons - la plus ancienne et plus importante unité de Seddiqi Holding, en ce qui concerne Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet, Chopard. Ces dernières sont indépendantes, souvent toujours familiales, ce qui nous rapproche naturellement d’elles. Par ailleurs, la «nouvelle» marque qui a le plus percé ces quinze dernières années est sans hésiter Richard Mille. Et nous continuons d’ajouter régulièrement de nouvelles marques à notre portfolio. La dernière en date est Bell & Ross.

Avec le recul, que pouvez-vous dire de l’évolution de ce marché aux Emirats arabes unis cette dernière décennie? On est frappé par la densité horlogère qu’on y trouve aujourd’hui. Le marché horloger a beaucoup changé ces dix dernières années, principalement parce que le pays s’est développé sous l’impulsion de la famille régente. Ils ont encouragé les investissements à Dubai et fortement développé l’infrastructure,

Dubaï compte déjà aujourd’hui le plus grand centre commercial du monde – qui sera surpassé par un

Quid de la vente en ligne? Aux Emirats arabes unis, nous ne voyons pas une croissance forte des ventes en ligne des montres de luxe, contrairement aux Etats-Unis peutêtre. Nous considérons néanmoins le e-commerce pour les plus petites marques dans notre portfolio. Nous allons lancer des initiatives en ce sens mais pour les autres, le «touch and feel» reste très important dans la région, tout comme la relation personnelle que nous nouons avec nos clients depuis des générations. Et la montre vintage? Nous-mêmes ne sommes pas encore présents dans la vente de modèles vintage mais nous envisageons d’avoir à terme un magasin dédié. Il faut souligner que les gens sont de plus en plus conscients des opportunités offertes en horlogerie par les maisons de ventes. Des Emiratis participent déjà à des ventes à Genève, New York ou Hong Kong, tout

Pour le moment nous nous concentrons sur notre présence aux Emirats arabes unis car il y a encore beaucoup à faire. Ahmed Seddiqi & Sons est la partie la plus importante de Seddiqi Holding, mais nous sommes aussi actifs dans le service après-vente, les produits de beauté et surtout l’immobilier à Dubaï. Par ailleurs, vu la manière dont nous fonctionnons, cela signifierait de trouver un membre de la famille désireux de s’établir à l’étranger pour diriger cette succursale... Parlons de votre fonctionnement, précisément. La famille Seddiqi s’est aujourd’hui tellement étendue que vous avez mis en place une structure de sélection «impartiale» à l’interne! Comment cela marchet-il? Nous sommes aujourd’hui sept représentants de la troisième génération. La famille grandit mais pas tout le monde se destine à l’horlogerie, il faut être qualifié pour entrer dans le business. Nous avons à présent introduit un livret de famille pour essayer de poursuivre l’entreprise sur les générations suivantes. Si les membres de la famille veulent rejoindre la société, ils doivent avoir au moins cinq ans d’expérience, pas forcément uniquement en horlogerie, mais tout de même la passion des montres. Et les membres de la famille ne peuvent pas être impliqués dans le processus de recrutement d’autres membres de la famille. Nous nous critiquons parfois les uns les autres mais pour le bien de la société! Nous incluons aussi des personnes qui ne sont pas membres de la famille pour avoir une diversité d’idées. Comment vous est venue l’idée de créer la Dubai Watch Week? Et quel est le but recherché via cet événement? Il y a 11 ans, j’ai assisté à un événement horloger à Singapour et cela m’a donné l’idée de lancer un salon à visée purement éducative. La Dubai Watch Week est davantage un salon culturel que commercial. Plus nous éduquons de gens à la belle horlogerie, plus nous en profiterons, en étant au cœur de cet écosystème horloger au MoyenOrient, un environnement fertile pour l’horlogerie.


SUR LES MARCHÉS

18 | EUROPA STAR PREMIÈRE

La France, pas encore optimiste des mois: le secteur cesse de trembler, à défaut de retrouver réellement des couleurs. Pour preuve, nombre de détaillants de taille moyenne mettent encore la clé sous la porte. D'autres encore perdent, bon gré mal gré, mais mal gré surtout, des marques majeures.

Après un bon démarrage, la France horlogère devrait finir 2017 dans la morosité. Le climat des affaires est dominé par la géopolitique, et des disparités croissantes entre grands et moyens acteurs, entre la province et Paris. Par David Chokron, paris

En 1992, la Reine d'Angleterre avait fait le buzz en parlant, sans en saisir toutes les conséquences, d'annus horribilis. Bien conscients du double sens, les acteurs de l'horlogerie française se gardent bien d'employer le terme pour 2017. Mais il colle assez bien à l’humeur des mois qui viennent de s’écouler. «La première moitié de l'année avait bien démarré, mais après l’été, cela s'est inversé», explique Benjamin Cymerman, directeur général du

Inégalités

détaillant Heurgon, à Paris. Presque à égalité avec le cru désastreux 2016, 2017 est une mauvaise année pour le commerce horloger de l'Hexagone. Les statistiques d'exportations horlogères suisses convergent avec les études du comité Francéclat, l'interprofessionnelle HBJO française. Les quelques pour-cent de baisse supplémentaire sont mitigés, par contre, par l'entrevue d'une fin de crise annoncée par certains indicateurs. Reprise de la croissance dans la zone euro, retour des clients asiatiques, absence d'attentat majeur depuis

Le marché français se révèle plus que jamais bicéphale. D'un côté, le pays reste la première destination mondiale du tourisme, avec sa capitale comme fer de lance et la Côte d’Azur comme soutien. «Nous comptons majoritairement une clientèle étrangère, et celle des pays du MoyenOrient se porte plutôt bien. Or, elle est très acheteuse de montres serties et de joaillerie», précise Benjamin Cymerman. Et bien qu’il reste difficile de dissocier montre et bi-

jou chez nombre de détaillants, «la joaillerie nous sauve». En parallèle, les grands points de vente s'agrandissent, ou poussent leur avantage. Des leaders comme Arije et Dubail continuent à s'étendre, tandis que le géant Bucherer, arrivé il y a quatre ans sur le territoire, reste en pertes structurelles. La course à l'investissement est une manière de se positionner pour le futur, mais sur un modèle de distribution de plus en plus remis en question par la modification des comportements client.

Modération De l’autre côté, la clientèle locale a des habitudes certes moins dispendieuses que les acheteurs de la place Vendôme et autres localisations ultraluxe, mais qui soutiennent un réseau dense de détaillants de moyenne taille maillant le territoire. Et que l'on

a tendance à négliger lorsque l'on se concentre sur les dix marques les plus prestigieuses, souvent absentes des centres urbains de second rang. «Le panier moyen de nos acheteurs a durablement baissé, poursuit Benjamin Cymerman. Ils demandent des pièces moins chères, moins de grandes complications, plus d'acier. Et c'est ce que les marques lancent.» Sachant que ce type de pièces représente le choix de référence des villes de moyenne taille, elles devraient s'en sortir à moindre mal. Il faut dire que la province n'a pas pris goût à cette drogue dure, dont le marché mondial vit encore une cure de désintoxication: les clients chinois touchés par la fièvre acheteuse. «Leur comportement aussi a changé. Ils achètent des pièces moins chères, moins ostentatoires, plus de valeurs sûres...» Après l'incurie en 2016, la curée en 2017, la cure continuera donc en 2018.

LES 30 PREMIERS MARCHÉS HORLOGERS DE LA SUISSE Exportations de montres suisses par importance (janvier-novembre 2017, en millions de francs) HONG KONG

2,288.7

7

SINGAPOUR

1,018

13

ARABIE SAOUDITE

299.2

19

AUSTRALIE

183.0

25 TURQUIE

123.6

2

ÉTATS-UNIS

1,888.1

8

ALLEMAGNE

1,001.2

14

TAÏWAN

283.1

20 PORTUGAL

148.9

26

BELGIQUE

107.6

3

CHINE

1,379.8

9

FRANCE

895.2

15

AUTRICHE

276.9

21

CANADA

148.8

27

INDE

104.2

4

ROYAUME-UNI

1,196.9

10

EMIRATS ARABES UNIS

802.4

16

PAYS-BAS

251.7

22

RUSSIE

141.7

28

SUÈDE

96.4

5

JAPON

1,123.6

11

CORÉE DU SUD

638.8

17

THAÏLANDE

232.5

QATAR

23

133.6

29

BAHREÏN

91.5

6

ITALIE

1,098.2

12

ESPAGNE

411.3

18

MEXIQUE

183.3

24

KOWEÏT

128.8

30 MALAISIE

82.6

Source: Fédération de l'industrie horlogère suisse

1


SUR LES MARCHÉS

EUROPA STAR PREMIÈRE | 19

Au chevet de l’horlogerie sénégalaise Qu'il semble bien loin le temps où l'on pouvait acheter à Dakar Rolex, Longines ou Omega… Désormais, il n'y a plus que des marques japonaises ou des chinoiseries «tombées du camion».

Sur les plages de Dakar rincées par l’Atlantique, le temps est ambulant. Il se déplace entre les touristes occidentaux alanguis sur le sable de Yoff ou les galets des Mamelles. Son colporteur sénégalais, parfois guinéen, a les bras chargés de Hublot, de Rolex ou de Breitling, qu’il jure «tombées du camion». Des imitations vendues entre 5'000 et 10'000 francs CFA (9 et 18 dollars). Un tarif modique pour le client roué à l’art de la négociation. Mais pour les horlogers locaux comme la maison Darwiche, ces «chinoiseries», ainsi que Randa Darwiche les nomme, ont un coût bien plus élevé. «C’est une concurrence qui a saturé le marché depuis 2010 et a blessé notre activité, s’agace la patronne de l’«Horlogerie du Sénégal». On en trouve sur tous les étals de la capitale, dans les rues, sur les plages, c’est une catastrophe. Ces montres durent quelques mois. Certains nous les apportent à réparer mais il n’y a rien à faire car à l’intérieur tout est en plastique. On n’a même pas plaisir à changer la pile.» Voilà deux ans et demi que Randa a repris l’horlogerie familiale qui a pignon sur une des artères commerçantes les plus fréquentées de Dakar, l’avenue Lamine Gueye. L’intérieur est encore plaqué de lambris anciens. Des autocollants de Raymond Weil et Yema jaunissent sur le comptoir. Un souvenir du bon vieux temps où les prestigieuses marques suisses et françaises trouvaient encore acheteurs dans la capitale sénégalaise. «Cette époque est révolue», souffle Huguette, la mère de Randa. Elle était là dans les années 1950 quand le magasin proposait du beau stock importé: Rolex, Longines, Omega, Lip, Cupillard, Universal, Breitling. Depuis dix ans, il n’y a plus que du japonais en vitrine. Des Casio et des Seiko. Alors Huguette garde ces autocollants comme mémoire d’une période faste où Mohamed Darwiche, son mari et fondateur de la boutique, faisait venir des Breitling pour l’armée de l’air sénégalaise. Randa se rappelle des voyages dans la vallée du Doubs avec son père lorsqu’elle était enfant pour aller chercher des pendules ODO. «Nous allions jusqu’à Morteau pour faire du réassort, raconte-t-elle. Puis à La Chaux-de-Fonds on achetait des pièces de tous les calibres pour les réparations.» Une passion qui l’a conduite à travailler dix ans pour Breitling Canada.

Dans les années 1980, l’Horlogerie du Sénégal employait trois horlogers à plein temps qui réparaient 18 montres par jour. Aujourd’hui le volume a fortement diminué. «On ne répare que dix montres par semaine et on n’en vend qu’une dizaine par mois, avance Randa. Enfin, on ne répare plus vraiment, on change les moteurs, les piles et les bracelets.» Comme à l’international, le secteur

ment ou de pile. «Nous travaillons avec les mouvements Felsa, ISA, ETA, Miyota, quand on arrive à se les fournir, explique Samir Arzouni qui a effectué en 2006 une formation d’un an à l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) de Besançon. Le problème est que les maisons horlogères prestigieuses ont restreint l’accès à certaines pièces. Il faut désormais être attitré chez eux et avoir suivi une formation spécifique pour obtenir les mouvements. Cela nous a poussé vers le moyen de gamme. Ainsi avec Fossil et Lannier nous utilisons des mouvements japonais ou chinois qu’il coûte moins cher de changer entièrement plutôt que de réparer.»

5'000 montres par année, confie-telle. Mais nous n’avons jamais atteint ce nombre. Et depuis quelques années nous sommes passés de 2'000 pièces à 1’200. Même si j’ai environ 200 clients réguliers, le Sénégal reste un pays pauvre et je n’ai pas beaucoup d’espoir en l’avenir. Impossible de faire une étude de marché comme en Europe, ici nous devons tenter d’innover sans aucune assurance de succès. Le risque est important.» Même son de cloche défaitiste chez la famille Darwiche. «A terme, je pense que l’horlogerie est une activité qui va s’éteindre en Afrique, confie Randa. L’école d’horlogerie sénégalaise a fermé il y a des années déjà. Ibrahima Gueye, le premier horloger noir africain qui pouvait

vendons des Fossil, des Casio et des Pierre Lannier.» Des montres qui vont de 15 euros à quelques centaines, pas plus. «Les petits prix, ce sont les dames qui achètent. Elle aiment bien le plaqué, le doré. La tendance ces dernières années, c’était les grosses montres, mais ça diminue un peu, les gens suivent ce qui se fait à l’international, explique Samir. Aujourd’hui, on reçoit une clientèle très diverse majoritairement sénégalaise, parfois étrangère. Ce qui nous maintient, c’est que la montre fait partie de l’habillement au Sénégal. C’est un bijou, un réflexe que les gens ont préservé… même s’il s’agit trop souvent de chinoiseries bling bling pas chères.» Dans son atelier, cette famille, issue des vagues d’immigration libanaises des années 1950, comme c’est le cas de la majorité des horlogers au Sénégal, forme toujours quelques jeunes. Mais l’art minutieux de la mécanique horlogère a laissé place au simple remplacement de mouve-

Se diversifier pour survivre

axer un balancier, a aujourd’hui 90 ans. C’est une légende, un passionné qui a toujours son échoppe à cinquante mètres d’ici. Un des derniers connaisseurs. Aujourd’hui, quand on parle de Parmigiani, les gens pensent que c’est un fromage.» Avec l’exode rural des années 1990, de nombreux paysans du bassin arachidier sénégalais sont venus tenter leur chance à la capitale. «Ils sont devenus commerçants et ont vendu toutes les babioles possibles et imaginables, tonne-t-elle. Désormais c’est la montre d’imitation, la chinoiserie qui tue l’artisanat local.» En remontant l’avenue Lamine Gueye, à quelques pas des horlogeries, difficile de manquer le vaste bâtiment qui couve le marché Sandaga, le temple du «tout se vend, tout s’achète». Devant des étals dégorgeant de colifichets, il n’est pas rare de se faire tirer le coude. Un jeune élancé fera alors briller une Rolex poids plume en nous glissant à l’oreille, «10 euros la montre tombée du camion».

Photographie: Matteo Maillard

Par Matteo Maillard, dakar

signe comme principal responsable de la chute de l’activité les frais de douane excessivement élevés. «Les taxes d’importation se montent à 50 % du prix des montres, des pièces, des piles, des mécanismes, se plaint Samir Arzouni, petit-fils du fondateur de cette enseigne de référence. Nous sommes obligés de vendre deux fois plus cher que sur le marché européen, appuie-t-il. C’est pour cela que nous avons dû nous rabattre sur du moyen et du bas de gamme. Car les riches Sénégalais préfèrent acheter leurs montres de luxe dans les Duty Free ou lorsqu’ils voyagent à l’étranger.» Des belles Omega, Rolex et Rado que son grand-père vendait en vitrine, son père a dû faire table rase. «Aujourd’hui nous

horloger sénégalais a fait les frais de perturbations successives. La crise du quartz dans les années 1980, puis l’arrivée des imitations chinoises et des téléphones portables. «La veille du Ramadan on avait des ampoules aux doigts tellement on remontait les réveils, raconte-t-elle. Mais depuis dix ans, les gens utilisent le réveil de leur téléphone. Alors que les chiffres de l’horlogerie en Europe et aux Etats-Unis sont en croissance, en Afrique, voilà vingt ans que nous sommes en décroissance.» Une responsabilité qu’elle impute à l’éclatement de la classe moyenne et la polarisation des inégalités qui ont tiré le pouvoir d’achat des Africains vers le bas.

La faute aux frais de douane A vingt mètres de là, dans l’horlogerie Gambetta, la plus ancienne du Sénégal, la famille Arzouni dé-

Afin de survivre, les horlogers sénégalais ont dû se diversifier. Certains se sont mis aux transferts d’argent, d’autres comme Randa ont choisi de vendre des huiles essentielles et des piles de télécommandes de voitures. Quant à Samir, il prévoit de se mettre à la vente de smartphones et d’objets connectés, faisant la part belle à l’expression: If you can’t beat them, join them. 300 mètres plus haut sur l’avenue Lamine Gueye, Time Shop est le seul magasin de montres à perdurer dans le moyen de gamme en ne faisant que de l’horlogerie. Revendeur officiel de Swatch, de Tissot et de Festina depuis treize ans, Diana Chirazi sa patronne est une habituée de la foire de Bâle. Elle a prévu de s’y rendre cette année afin d’apporter de nouvelles marques au marché africain. «Quand j’ai débuté avec ma soeur, j’avais pour objectif de vendre


MONTRES DE VOYAGE

20 | EUROPA STAR PREMIÈRE

LES HEURES VOYAGEUSES Par Pierre Maillard

Les horlogers n’ont pas eu besoin d’attendre Einstein pour comprendre intuitivement que temps et espace sont intimement liés, comme les deux faces d’une même pièce de monnaie. Leur art est né de l’observation spatiale, du déplacement régulier des corps célestes dans l’espace cosmique, du retour des saisons, de l’alternance du jour et de la nuit, et de notre horloge biologique naturellement adaptée à ce cycle jour-nuit. De ces observations spatio-temporelles, les premiers astronomes ont découpé le temps en «compartiments», en «tranches» de pure convention devenues universellement nos 24 heures, chaque heure

divisée en 60 minutes, chaque minute divisée à son tour en 60 secondes. Tant que l’homme était sédentaire ou voyageait à pied, voire à cheval, il se basait tout naturellement sur l’heure locale «vraie» rencontrée au fil de son chemin, déterminée à partir du midi et de l’observation du ciel. Avec l’invention de l’horlogerie mécanique, on a commencé à privilégier un «temps moyen» artificiel, un «temps équinoxial» établi d’après la moyenne des jours solaires bien que, comme on le sait, la durée du jour et de la nuit n’est égale qu’aux équinoxes de printemps et d’automne. Comme le dit Lucien Baillaud, auteur de l’étude Les chemins de fer et l’heure légale: «On ne pouvait pas de-

mander aux horlogers de construire des horloges à vitesse variable selon les époques de l’année.» Fort bien. Mais ces heures locales, pour rationnelles qu’elles étaient, variaient donc selon les longitudes et n’étaient «utiles» que pour le sédentaire. Avec le développement des transports et des communications de plus en plus rapides, l’empilement des heures locales différentes sur une même longitude devenait embarrassante. «Il fallait prendre conscience des inconvénients des heures locales, inventer un temps à valeur géographiquement plus étendue, poursuivre au plan national puis international l’uniformisation de l’heure, imaginer une «heure standard», trouver les moyens pratiques d’obtenir cette uniformisation, convaincre

de son opportunité les personnalités-clés et passer à la réalisation.» Vaste programme, à la fois national, politique et international. La standardisation internationale de l’heure à travers le globe terrestre découpé désormais en «fuseaux horaires» (avec son cortège d’aberrations géopolitiques) a ouvert à l’horlogerie de nouveaux champs exploratoires: comment indiquer sur un seul mécanisme les heures du monde entier? Ou, tout au moins, deux heures différentes, celle du voyage et celle de la «maison»? Comme on va le voir dans ce Portfolio consacré aux heures voyageuses, les réponses ont été diverses. Mais elles marquent toute une époque que le développement de l’électronique et, aujourd’hui, de la montre «connec-

tée» a balayée: le temps où l’horlogerie régnante était un véritable instrument indispensable au voyageur – par route, rail, mer puis par les airs – ou à celui qui voulait télégraphier puis téléphoner ou télexer à l’autre bout du monde. Aujourd’hui, il est certes plus simple de consulter son smartphone. Mais la beauté et l’ingéniosité mécanique de l’objet horloger, et singulièrement de la montre à heure universelle, persistent à nous séduire. En nous offrant graphiquement une vue immédiate et synthétique de toutes les heures de notre globe suspendu dans le cosmos, la montre nous relie au mystère de nos existences étroitement dépendantes de cette alternance des jours et des nuits.

Géopolitique des heures universelles

DR

IVAN YURIN, «WORLD CLOCK» Conçue au XIXème siècle par le pendulier russe Ivan Yurin, cette étonnante horloge arbore de très nombreux cadrans (67) indiquant l'heure à travers l'ancien Empire russe, y compris l'heure de villes et de zones aujourd'hui disparues. Elle est exposée au Peterhof Palace de Saint-Pétersbourg.

Fin XIXème, découper le monde en tranches, fût-ce seulement temporelles, posa d’emblée de sérieux problèmes entre nations et entre empires prétendant chacun que le soleil ne s’y couchait jamais. Un vrai casse-tête géopolitique que de par-

venir à sceller d’un commun accord cette harmonisation universelle des tranches horaires devenue nécessaire au trafic mécanisé, au rail, à la télégraphie, aux voyages, à l’échange et au commerce entre tous. L’horlogerie s’est ainsi vue propulsée à la tête de la

première phase de la mondialisation en construction. Car c’est elle, avec sa maîtrise mécanique des durées, qui avait la solution. Ne l’avait-elle pas déjà démontré deux siècles auparavant en assurant grâce à sa précision la maîtrise des mers aux Anglais!

Mais si nations, républiques, royaumes, principautés, confettis et empires du XIXème siècle parvinrent pourtant relativement facilement à se mettre d’accord sur la façon de répartir les parts du gâteau des 24 heures, c’est que sur cette question, pour une fois, les politiques cédèrent le pas aux cheminots. Quand dans les années 1880, on constate que coexistent aux Etats-Unis 49 différents horaires officiels des chemins de fer, les autorités se disent qu’il faut faire quelque chose pour simplifier tout ça. C’est par ailleurs chose déjà faite en Angleterre qui a normalisé son horaire dès 1840. En 1883, le «temps ferroviaire» normalisé entre en vigueur aux EtatsUnis. Pour autant de raisons pratiques que scientifiques, il s’aligne sur le méridien de Greenwich, alors qu’il aurait pu s’aligner sur celui de Washington. Se régler sur Londres?

LISTE DES FUSEAUX HORAIRES DÉCALÉS PAR RAPPORT AUX HEURES PLEINES (GMT pour référence) - 9 h 30: Polynésie: les îles Marquises | - 4 h 30: Venezuela (depuis 2007) | - 3 h 30: Canada: Terre-Neuve-et-Labrador | + 3 h 30: Iran + 4 h 30: Afghanistan | + 5 h 30: Inde et Sri Lanka | + 5 h 45: Népal | + 6 h 30: îles Coco; Myanmar (Birmanie) + 8 h 45: Australie-Occidentale (Central Western Time) | + 9 h 30: Australie-Méridionale; (Australian Central Standard Time) + 10 h 30: Australie: île Lord Howe | + 11 h 30: Iles Norfolk (Norfolk Time: NFT) | + 12 h 45: Iles Chatham (Nouvelle-Zélande)

Un affront à la souveraineté que les politiques seuls n’auraient jamais accepté sans la pression des cheminots, pour les «pratiques», et des horlogers, pour les «scientifiques». Une année plus tard, en octobre 1884, le Président américain d’alors, Chester A. Arthur ouvre l’International Meridian Conference qui va se mettre d’accord en trois semaines sur l’adoption d’un système horaire universel – qui concernera pour commencer seulement 25 pays (la France attendra 1898 pour se ranger derrière le panache britannique de Greenwich – sans pour autant le nommer par son nom). Cette conférence se révèlera une véritable aubaine pour l’horlogerie. Elle qui fournissait déjà les cheminots et marins en chronomètres de précision allait désormais pouvoir équiper voyageurs, commerçants, télégraphistes et globe-trotters. (PM)


MONTRES DE VOYAGE Géopolitique des cadrans Par Jean-Philippe Arm, patek philippe magazine

«Nombre d’États ont changé de fuseau pour des raisons politiques ou économiques, de manière temporaire ou durable, et les cadrans ont souvent reflété ces modifications. Pas toujours. Les Heures du monde n’ont pas suivi le chassé-croisé et l’imbroglio des heures d’été depuis leur introduction dans les zones tempérées au début du XXème siècle déjà… L’apparition ou la disparition de villes symbolisant un fuseau témoigne de leur prestige, de leur rôle réel à un moment donné. Un autre facteur explique la présence parfois insolite d’un nom qui n’évoque à priori pas grand-chose pour le commun des mortels. C’est tout simplement l’extrême modicité du choix. Le cas le plus touchant à nos yeux est celui de la Géorgie du Sud. Longtemps l’archipel des Açores a symbolisé le fuseau GMT-2 jusqu’au jour où le port d’attache du précieux anticyclone a choisi GMT-1 pour réduire le décalage avec le Portugal et le continent. Du coup une place était

vacante, mais dans le grand vide de l’océan Atlantique les candidats potentiels n’étaient pas légion. Hormis une île brésilienne au large de Recife, Fernando de Noronha, il n’y avait guère au bout de nulle part que l’archipel de la Géorgie du Sud et des Îles Sandwich du Sud, territoires britanniques administrés depuis les Malouines et revendiqués par les Argentins. Les Islas Georgia del Sur sont situées à quelque 1300 km au sud-est des Malouines. Quoi qu'il en soit, la reine Elizabeth II y compte une trentaine de sujets, une garnison militaire, une station scientifique et surtout des milliers de manchots. Durant le court été austral, des croisières spécialisées y font de brèves escales avant d’aller frôler l’Antarctique. Au bout du compte, on a compris que le nombre de personnes directement concernées par l’heure de la Géorgie du Sud est infiniment moins important que celui des amateurs de montres à heure universelle qui ont découvert son nom sur un cadran. Faudrait-il l’abandonner au profit d’une ville brésilienne ou argentine du fuseau voisin UTC-3 en jouant sur leur heure d’été? Un prototype aperçu à Baselworld affichait

EUROPA STAR PREMIÈRE | 21

ainsi Saõ Paulo… Patek Philippe y a bien songé, mais y a renoncé: autant ouvrir la boîte de Pandore. Un autre cas, celui de l’atoll Midway, lui fait écho aux antipodes, dans le nord de l’océan Pacifique. Devenu aujourd’hui un sanctuaire marin, il fut une base aéronavale américaine utilisée officiellement jusqu’à la guerre du Vietnam, puis secrètement jusqu’à la fin de la guerre froide. Ces îles furent au coeur d’une bataille navale décisive en 1942, rendue célèbre par le cinéma, la littérature et la bande dessinée. C’est ainsi que les îles Midway et ses albatros ont remplacé les Samoa pour illustrer le fuseau UTC-11, une tranche du Pacifique qui ne compte pratiquement pas d’autres terres émergées. Et l’on pourrait poursuivre ainsi, de cadran en cadran, un stimulant voyage dans l’espace et le temps, sans quitter son fauteuil. Voyez par exemple en 1939, avec deux montres Patek Philippe. Sur la Réf. 1415 trois villes représentent le fuseau GMT, Londres, Paris et Alger, tandis que le fuseau GMT +1 propose Oslo, Genève et Rome. Sur la Réf. 1416 de la fin de la même année Londres et Paris figurent toujours pour GMT, mais c’est Berlin et Le Cap qui sont privilégiés pour GMT +1.»

WILLIS & COMPANY, WORLD-CLOCK (1929–1935) Cette horloge a été conçue pour montrer facilement l'heure à travers le monde. La roue centrale est utilisée pour montrer l'heure. A la place d'une aiguille, c'est le cadran luimême qui tourne. Le cadran est divisé en lignes radiales qui permettent de lire l'heure d'une autre zone: une fois repérée la zone ou le pays sur le cadran extérieur, on suit la ligne qui rejoint le cadran intérieur. Un deuxième cadran plus petit est utilisé pour indiquer les minutes de chaque heure qui, à part quelques exceptions (voir encadré au bas de la page précédente) restent identiques d'une zone à l'autre. En rouge figurent les pays qui ont adopté l'heure d'été.

Cartographie des heures universelles Le choix de la représentation cartographique figurant sur nombre de cadrans de montres à Heure Universelle reflète aussi la vision géopolitique que l’on a du monde. Comme on le sait, transposer les courbes du globe terrestre sur une surface plane fait appel à ce que l’on appelle une «projection». Au cours de l’histoire, nombre de projections ont été proposées qui toutes ont leurs avantages et leurs défauts. Impossible dans le cadre de cet article d’en dresser la liste exhaustive – il y en a des dizaines – mais citons quelques unes de ces projections les plus usitées.

La PROJECTION DE GALL-PETERS, beaucoup plus récente (imaginée en 1855, mise au point en 1973), respecte quant à elle la taille des différentes régions du monde mais ne conserve pas les angles. L’Afrique y est donc bien 14 fois plus grande que le Groenland mais par contre les formes des continents et des pays ne respectent pas la géographie et apparaissent allongées. Derrière cette projection se trouve aussi un point de vue géopolitique que Arno Peters explicite clairement: «Comme une grande partie du monde technologiquement sous-développée se trouve près de l'équateur, ces pays apparaissent plus petits sur une projection Mercator et donc semblent moins importants.» Avec la projection de Peters, chaque nation peut y retrouver ses dimensions correctes. Un raisonnement repris par de nombreux organismes éducatifs et religieux, conduisant à l'adoption de la Projection de Peters par plusieurs de ces organismes.

La plus connue et la plus fréquemment figurée sur les cadrans horlogers est la PROJECTION DE MERCATOR. Conçue par Gerardus Mercator en 1569, «elle s’est imposée comme la planisphère standard dans la monde grâce à sa précision pour les voyages marins». En effet, elle est dite «conforme» car elle conserve les formes et les angles et permet donc aux marins de reporter directement sur la carte les angles mesurés au compas. Mais elle déforme les distances (car celles-ci varient avec la latitude) et ne respecte pas les surfaces. La projection de Mercator augmente de plus en plus les tailles des régions en fonction de leur distance de l'équateur. Ainsi, sur une projection de Mercator, le Groenland semble plus grand que toute l’Amérique du Sud, alors qu’il est huit fois plus petit, ou que l’Afrique qui est quatorze fois plus étendue. D’autre part, on ne peut pas y représenter les pôles. La plupart du temps, l’Europe y figure au centre exact, reflet d’un temps ou ce continent prétendait être au «centre du monde» d’où il rayonnait sur ses conquêtes et ses empires.

Datant de 1745, la PROJECTION DE CASSINI est principalement adaptée à la cartographie nord-sud à grande échelle. Elle conserve ainsi l’échelle le long du méridien central et de toutes les lignes qui lui sont parallèles, mais elle est ni équivalente ni conforme. Si la distorsion de forme et de surface est nulle au niveau du méridien central, elle augmente à mesure que l’on s’en éloigne.

Mise au point par Thalès au VIe siècle av. J.-C., la PROJECTION GNOMONIQUE est la plus ancienne connue. Projection dite «azimutale», elle transforme les grands cercles de la sphère en lignes droites. Le trajet le plus court entre deux points de la sphère est donc identique sur la carte. Elle est donc utile à la navigation en indiquant le trajet le plus court. Cette projection utilise le centre de la terre comme point de perspective, la distorsion de forme et de surface s’accentue à partir de ce centre choisi. Elle est utilisée notamment pour les cartes de navigation des régions polaires ou équatoriales.


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Everywhere de Krayon «Universal Sunrise Sunset» Cette montre est un défi. Elle est née d’un rêve: revenir à la source du temps, à ce soleil dont le lever et le coucher en bat la mesure, et créer un mouvement mécanique qui puisse «tout simplement» permettre de lire l’heure réelle du lever et du coucher du soleil en tous points du globe! Un calculateur mécanique universel de l’heure exacte du lever et du coucher du soleil n’avait encore jamais été réalisé en horlogerie mécanique. Qui plus est, logé dans les quelques petits centimètres cubes du boîtier d’une montre de poignet. Un «rêve» en effet, que Rémi Maillat, jeune mathématicien et horloger, vient de concrétiser avec l’équipe de Krayon, son bureau de créations horlogères sis à La Chaux-de-Fonds. Pour parvenir à ce résultat, la montre Everywhere combine les cinq paramètres qui influent sur le calcul du lever et du coucher du soleil: les coordonnées de la longitude et la latitude qui permettent de déterminer géographiquement un endroit sur Terre, le fuseau horaire UTC, ainsi que la date et le mois. Grâce à une seule simple couronne, combinée avec un poussoir situé

sur le côté du boîtier qui permet de choisir le réglage souhaité, l’utilisateur peut ajuster chacun de ces paramètres à volonté et découvrir ainsi l’heure exacte de l’apparition et de la disparition du soleil, à l’endroit de son choix et le jour qu’il souhaite! «L’heure se lit sur le pourtour du cadran, grâce à une flèche bleue sur une échelle 24 heures qui indique également depuis combien de temps le soleil s’est levé, explique Rémi Maillat. La grande aiguille centrale pointe quant à elle les minutes. Un compteur sur la moitié supérieure du cadran permet de connaître la longitude comprise entre +/- 180°, grâce à la plus longue aiguille. Celle plus petite indique le fuseau horaire UTC et évolue par demi-crans, afin de s’adapter à tous les fuseaux en usage dans le monde (donc aussi aux demi-heures

de quelques rares fuseaux, voir liste en page 20). Si nécessaire, l’indication DST (Daylight Saving Time ou Summer Time) permet de corriger l’heure pour l’adapter à l’heure d’été. Au centre du cadran principal, sur la gauche, une première petite aiguille indique la latitude, de + à – 60°, alors que l’autre aiguille pointe le paramétrage sélectionné – date, latitude, longitude ou UTC. Enfin, sur la moitié inférieure du cadran, un compteur affiche le jour et le mois.» Le calibre USS (pour Universal Sunrise Sunset) qui anime l’Everywhere comporte 595 composants, tous conçus et réalisés spécifiquement, qui tiennent dans un boîtier d’une épaisseur de 6,5 mm. Au cœur du mécanisme se loge une équation du temps qui n’est pas affichée mais qui est nécessaire aux différents calculs, d’autant plus complexes que leurs résultats sont opposés, comme le lever et le coucher du soleil. Pour y parvenir, le mécanisme, protégé par trois brevets principaux, comporte 4 différentiels, 84 mobiles et 145 composants de rouage. Doté d’une réserve de marche de 72 heures, battant à une fréquence de 3Hz, c’est un automatique équipé d’un micro-rotor.

Sur le cadran, un cercle de terre claire permet de visualiser la longueur du jour. Un cercle plus foncé symbolise la nuit et leurs deux points de rencontre indiquent le lever et le coucher du soleil dont la course est indiquée par une aiguille bleue. Au fil des saisons et

des points du globe, la longueur du jour s’allonge ou se rétrécit. Ce qui devient visiblement perceptible. Une magnifique performance mathématique, horlogère et philosophique, pourrait-on dire, qui nous rappelle que c’est le Soleil qui écrit nos horaires. (PM)

Vacheron Constantin, les 37 fuseaux horaires de la Patrimony Traditionnelle Heures du Monde Avec ses Heures Universelles, Patek Philippe a choisi la plus grande lisibilité et axé ses efforts sur la simplicité d’usage, au détriment cependant d’afficher tous les fuseaux horaires dont le nombre total en réalité n’est pas de 24 mais de 37. Car il faut compter aussi avec les demi-heures, voire avec les quart d’heures (voir le tableau des fuseaux à demi-heure et à quart d’heure, page 20). Autre acteur majeur des montres à heure universelle, Vacheron Constantin propose une approche différente avec sa montre Traditionnelle heures du monde (World-Time) sortie en 2011 qui, elle, affiche bel et bien les 37 zones horaires différentes qui au total se partagent les 24 heures. Cette montre ne provient pas de «nulle part». En 1932 déjà Vacheron Constantin présente une première montre de poche munie d’un «mécanisme d’heure internationale», conçu également par Louis Cottier. Entre 1936 et les années 1940, de nombreux modèles se succèdent, avec cadran à 30 et 31 villes (référence 3650 et 3638), voire avec 67 localités, dont

l’heure d’été et d’hiver de Paris, affichées sur des pendulettes à cadran mobile (1937–1938). A partir des années 1940, Vacheron Constantin attribue la référence 4414 au modèle heure internationale avec cadran de 41 villes et division du disque mobile des 24h pour le jour et la nuit. Puis un nouveau chapitre de l’heure universelle s’écrit pour Vacheron Constantin dès 1957 avec la présentation de sa première montre-bracelet à heures internationales, la référence 6213, commande d’un dignitaire égyptien. Elle sera la première d’une longue série.

Demi-heure, quart… Comment parvenir à afficher 37 zones horaires dans un cercle de 24 heures? La Patrimony Traditionnelle Heures du Monde s’affiche sur trois cadrans: un cadran en saphir avec un dégradé jour/nuit, un cadran en métal avec une carte type «Projection de Lambert» et une bague de minute-

rie en métal. On peut y lire l’heure de toutes les régions du monde simultanément. Tout en visionnant l’indication jour/nuit sur la mappemonde centrale. Battant à une fréquence de 4 Hz (28'800 alternances/heure) pour une réserve de marche d’environ 40 heures, le calibre 2460 W T, à remontage automatique, affiche les indications heures, minutes, seconde centrale et Heures du Monde. Le réglage de toutes les indications s’opère par la couronne, ce qui rend l’utilisation de cette montre technique particulièrement aisée. Trois cercles concentriques superposés sur la même bague sont nécessaires pour pouvoir figurer les 37 zones horaires différentes. La lecture en devient certes un peu moins aisée qu’avec les traditionnelles 24 zones. Mais, facilité d’usage, tous ces réglages s’opèrent avec la seule couronne. Breveté, estampillé Poinçon de Genève, le Calibre 2460 WT est muni d’un «stop seconde» pour un réglage plus précis grâce à l’arrêt de la ronde des secondes. (PM)


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Louis Cottier et Patek Philippe L’heure universelle a été décrétée en 1884 mais il aura fallu attendre 1931 pour qu’un horloger suisse, Louis Cottier, crée un mouvement inédit, capable d’indiquer les heures des 24 fuseaux horaires. Son innovation: une lunette tournante sur laquelle sont inscrits les noms des principales villes ou lieux des différents fuseaux. Il propose son invention au bijoutier-joail-

Référence 1415/1 HU de 1937 en or jaune. Une des premières montres bracelet à Heure Universelle de Patek Philippe avec disque des heures et indication jour/nuit tournant et villes décalquées sur cadran.

lier Baszanger, alors fort connu, sous la forme d’une montre gousset. Les grandes marques horlogères s’intéressent aussitôt à cette nouveauté et Patek Philippe, Vacheron Constantin, Rolex ou encore Agassiz lui en commandent. L’époque est au développement rapide des liaisons aériennes et téléphoniques internationales et les horlogers suisses sont désormais convaincus que le ré-

Référence 605 HU en or jaune de 1936/1937. Une des premières montres de poche Patek Philippe avec Heure Universelle.

Référence 5110 HU G en or gris datant de 2000. Première montre Patek Philippe à Heure Universelle avec le poussoir à 10h permettant le réglage du disque des villes par simple pression, Ce système permet de garder la précision de la montre à contrario des montres avec deux couronnes. Il s’agit de la première montre universelle avec fonction Travel Time (désengagement de l’aiguille des heures selon le même système que les Travel Time mais sans seconde aiguille des heures). Cadran avec centre guilloché.

partition des différents fuseaux horaires est enfin devenue pérenne. Ils peuvent donc se lancer dans la fabrication de ces montres. Dans les années qui suivent cette première, Louis Cottier va multiplier les variations sur le thème de l’Heure Universelle: il crée un mouvement rectangulaire (1937), puis une petite montre féminine (1938), y ajoute un chronographe (1940),

Référence 515 HU de 1937 en or rose. Une des premières montres bracelet à Heure Universelle de Patek Philippe avec disque des heures tournant et villes décalquées sur cadran.

En l’an 2000, Patek Philippe sort la Référence 5110, équipée du nouveau Calibre 240 extra-plat qui réinterprète l’Heure Universelle de Cottier. L’idée est avant tout de faciliter l’usage de la montre et d’en améliorer la visibilité. La nouvelle interprétation de l’Heure Universelle permet d’indiquer en permanence l’heure locale et l’heure des 23 autres fuseaux horaires. Divisé en trois, le cadran central indique l’heure locale par aiguilles heure et minute; le premier disque intérieur indique les 24 heures et le second disque extérieur porte le nom des villes. Au fur et à mesure de l’avancement de l’heure locale, le disque intérieur 24h se déplace permettant de suivre «l’avancée» de midi à travers les fuseaux horaires. Quelle que soit l’heure locale, il est ainsi possible de lire instantanément l’heure du jour ou de la nuit sous le nom des 24 villes. Le voyageur peut changer son fuseau horaire de référence d’une simple pression sur un bouton-poussoir, sans affecter aucunement la précision de la montre: l’aiguille des heures avance d’une heure par pression et, en même temps, le disque des 24h et celui des villes se déplacent d’une gradation dans le sens antihoraire sans affecter la précision de la minute. Une opération d’une grande simplicité pour l’utilisateur mais qui se cache dans un complexe système breveté de débrayage, composé d’une étoile des heures à 12

Référence 1415/1 HU de 1940 en or jaune. Montre à heure universelle et chronographe. Cadran avec échelle pulsométrique, disque des heures tournant et villes décalquées sur la lunette.

ajoute une deuxième couronne et simplifie le maniement (1950) et ne cesse d’imaginer d’autres solutions d’affichage, telle une montre dotée d’un seul mouvement animant deux cadrans, ou encore une montre indiquant l’heure d’un deuxième fuseau horaire avec l’appoint d’une troisième aiguille… A la date de sa mort, en 1966 à Carouge, une petite ville jouxtant Genève, Louis

La célèbre référence 1415 P-H-U est une montrebracelet en platine «Heure Universelle» datant de 1946 qui indique 41 villes, pays ou régions C’est le 3e record mondial de cotation pour les montres-bracelets, vendue pour 6,6 mio CHF en 2002.

Cottier a imaginé et créé 455 mouvements différents! Parmi les maisons horlogères qui se sont très tôt intéressées aux créations de Louis Cottier, Patek Philippe occupe une place à part. Développant une relation étroite avec le génial horloger, la manufacture genevoise sortira des dizaines de références différentes d’Heure Universelle dès 1937. En voici un aperçu.

Référence 1415 HU de 1948 en or rose. Une des premières montres bracelet Patek Philippe à Heure Universelle à présenter un cadran en émail cloisonné.

Référence 2523 HU de 1953/1954 en or jaune. Une des premières montres Patek Philippe à intégrer une seconde couronne à 9h. Cette dernière permettant le réglage du disque des villes. Cadran en émail cloisonné.

dents, de son sautoir et de son ressort de rappel tous deux solidaires de la roue des heures. Depuis ce développement de l’Heure Universelle, Patek Philippe a sorti régulièrement de nouvelles références, notamment pour Dames et, comme dans l’exemple tout récent de la Référence 5531, l’adjonction au mécanisme d’une répétition minutes qui a pour particularité de sonner l’heure locale. (PM)

Sortie en 2014, le Référence 7175 pour dame, à Heure Universelle avec Phase de lune centrale.

Référence 5531 en or rose de 2017. C’est la première montre Patek Philippe à offrir l’association d’une répétition minutes et d’une heure universelle. Particularité unique, elle sonne l’heure locale grâce à un mécanisme breveté.


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Zulu time

LONGINES, LINDBERGH ANGLE HORAIRE 90ÈME ANNIVERSAIRE En 2017, Longines célébrait le 90ème anniversaire du premier vol transatlantique en solo sans escale réalisé par Charles Lindbergh et chronométré par l’horloger suisse. A cette occasion, la marque a présenté une édition numérotée et limitée à 90 exemplaires de sa montre à angle horaire, conçue alors en partenariat avec le célèbre aviateur suite à ce vol historique. Cette pièce en titane et acier abrite un calibre automatique L699 dans un boîtier de 47,5 mm de diamètre. Le cadran argenté brossé affiche l’heure grâce à une minuterie «chemin de fer» et des chiffres romains peints, ainsi qu’une échelle 180° servant au calcul de la longitude. La synchronisation de la seconde sur un signal horaire radiodiffusé s’effectue à l’aide du cadran rotatif noir galvanique en son centre, tandis que la lunette tournante en acier PVD noir permet de tenir compte de la variation quotidienne de l’équation du temps. Un bracelet en cuir brun de type aviateur, doté d’une rallonge afin de pouvoir fixer la montre sur une grosse veste de pilote, complète cette pièce.

ROLEX GMT On ne présente plus la Rolex GMT-Master II, ici dans sa version la plus récente, avec lunette tournante Cérachrom, spiral Parachrom, bracelet Oyster, couronne de remontoir Triplock, mouvement automatique 3186.

Aux côtés de l’Heure Universelle et de ses traditionnels 24 fuseaux, la montre GMT propose plus modestement l’affichage d’un second fuseau horaire, d’un second «repère». Car en effet, si l’heure légale est née de la nécessité de coordonner le trafic des chemins de fer, la fonction GMT est directement née du boom de l’aviation au cours des années 1950. Dans les années 1950, le nombre croissant d'avions traversant en tous sens les fuseaux horaires rend progressivement indispensable l’adoption d’une seule référence horaire valable pour chaque objet volant, en tout lieu, quelle que soit l'heure locale. En adoptant comme même référence horaire le Greenwich Mean Time (GMT) valable pour l'ensemble des avions, des aiguilleurs du ciel et des plans de vol, il devenait enfin possible de faire cesser nombre de confusions potentiellement lourdes de conséquences. C’est la naissance du fameux «zulu time». Une marque a d’emblée compris tout le potentiel de cette décision: Rolex. En collaboration avec la fameuse compagnie Pan Am, Rolex lance en 1954 la GMT Master, référence 6524, devenue la «mère» de toutes les montres GMT. Le principe est simple, le design ergonomique, la fonction très pratique, le réglage enfantin. Et elle a fait boule de neige.

Une quatrième aiguille luminescente, en forme de flèche immédiatement reconnaissable, fait le tour du cadran en 24 heures, qu’elle pointe sur une lunette tournante à 24 graduations. Elle se règle indépendamment par la couronne, en position 2. On règle la flèche sur l’heure de son lieu de départ – le zulu time pour les aviateurs, le home time pour leurs passagers – puis sans interférer sur les minutes et les secondes on règle l’aiguille des heures courantes (12h) sur le fuseau horaire que l’on parcourt ou vers celui de notre destination. Toutes les marques ou presque ont rapidement emboîté le pas. Breitling, qui avec sa Breitling Navitimer collabore déjà activement avec l’aviation et est déjà gardetemps officiel de l'Aircraft Owners and Pilots Association (AOPA), commence à sortir des modèles GMT au début des années 1960. Elle introduit la Chrono-Matic, qui combine double fuseau horaire à aiguille GMT et chronographe à remontage manuel.

En 1969, c’est au tour d’Omega de lancer ses Flightmaster, «pour les voyageurs intercontinentaux». Sept aiguilles de couleurs vives et contrastées, trois couronnes et deux poussoirs permettent d’activer un chronographe avec lunette tournante intérieure et de manipuler une aiguille GMT bleu vif en forme d’avion. Le tout se partage l’espace dans un gros boîtier de forme oblongue. Elle durera jusqu’au milieu des années 1970. Mais peu ou prou, toutes les marques horlogères s’y sont mises et on ne compte plus les modèles GMT ou ceux qui ont opté pour une autre configuration – mais les mêmes fonctions – qu’on distingue en les appelant «montre à deuxième fuseau horaire». Montres plus «civiles», mois «professionnelles», les montres à deuxième fuseau horaire permettent tous les types d’affichage et se départissent ainsi de l’esthétique sportive de la GMT. Elles sont à leur façon la version habillée du voyageur – ou du sédentaire tout aussi bien.

JAEGER-LECOULTRE, MASTER GEOGRAPHIC Modèle emblématique de la collection Master Control, la montre Geographic offre au voyageur une manière inédite de lire le deuxième fuseau horaire. L’ouverture sur le bas du cadran présente le nom de 24 villes du monde. Facilement réglable par la couronne fixée à 10 heures sur le boîtier, l’indicateur de ce second fuseau horaire est décoré d’un guilloché circulaire qui contraste avec les autres finitions du cadran. Dans son design à la couleur bleue pour signature, cette montre s’offre un air de fraîcheur tout en demeurant à la fois sobre et classique, dans la lignée de ses prédécesseurs.


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Quand la montre est encore un vrai instrument Il y a voyages et voyages… Les promeneurs, randonneurs, trekkeurs, alpinistes et autres explorateurs n’ont pas les mêmes besoins que les passagers jetlagués d’un vol intercontinental ou que les hommes d’affaires qui veulent joindre le monde entier au petit réveil. A pied, on avance lentement (en moyenne 4 à 5 km/heure) et on n’a que faire de l’heure universelle. Par contre, l’orientation, l’altitude, la température, la météo ou bien d’autres données s’avèrent bien utiles voire parfois nécessaires. Par Pierre Maillard

Breitling se targue ainsi d’avoir sauvé au moins une vie grâce au micro-émetteur de la Breitling Emergency d’un chasseur de grizzli perdu le long de la rivière Susitna, à 190 kilomètres d’Anchorage, Alaska. «Même si je venais à tout perdre, j’aurai toujours ma montre», a déclaré Mark Spencer qui, en hypothermie, serait parvenu à dévisser un bou-

chon de sécurité, déployer l’antenne principale, et activer le micro-émetteur de sa montre qui a aussitôt émis un signal de localisation d’urgence sur la fréquence internationale de détresse aéronautique 121,5 MHz. C’était en 2013. Comme quoi, les montres-instruments – ce qu’étaient véritablement les premières montres à Heure Universelle ou GMT – peuvent toujours être utiles.

LA T-TOUCH, COUTEAU SUISSE DE L’HORLOGERIE Les randonneurs ont tous leur couteau suisse dans la poche. La Tissot T-Touch remplit cette multifonction au poignet. On ignore si une T-Touch a déjà sauvé une vie, mais la liste de ses «lames» démontre l’étendue des services qu’elle peut rendre en toutes circonstances: Altimètre • Thermomètre • Alarme • Boussole • Météo par pression relative • Chronomètre • Dénivellomètre • Fuseau horaire • Calendrier Azimut • Météo par pression absolue • Temporisateur: compte à rebours… La T-Touch est née en 1999. C’est la première montre tactile, une technologie alors réservée aux «pavés tactiles» utilisés par les pros en informatique. Chaque touche sur l’écran attire une faible charge au point de contact sur l’écran tactile dit «capacitif» qui stocke les charges élec-

Première montre-bracelet au monde dotée d’une balise de détresse bi-fréquence intégrée (PLB/Personal Locator Beacon), l’Emergency permet à la fois de lancer l’alerte et d’orienter les opérations de localisation et de sauvetage. Calibre Breitling 76, un mouvement SuperQuartz™, électronique à quartz thermocompensé, affichage analogique et digital LCD 12h/24h, indicateur de fin de vie de la pile. Chronographe au 1/100 seconde, max. 23h59, 59,99 sec. Calendrier digital programmé pour 4 ans. Compte à rebours (timer), 2ème fuseau horaire, alarme réveil.

TISSOT SAILING-TOUCH

triques. Sur les bords de la glace, des circuits mesurent la charge et envoient les informations à un «contrôleur» qui les traite et les redistribue. Le tout est affiché à la fois par les trois aiguilles traditionnelles et par écran LCD sous la glace tactile. Une forme d’hybridation analogique et digitale mise au point par les ingénieurs d'Asulab à Marin qui «ont su adapter cette technologie ludique à l'horlogerie et réaliser ce procédé de lecture qui permet d'obtenir des informations qu'on ne pouvait pas avoir», avait déclaré François Thiébaud. Un montre «augmentée», à sa façon. Depuis, la T-Touch a très largement étendu son domaine et y a vu pousser un nombre étonnant de ramifications. Elle s’est d’abord transformée en Tissot Silen-T, au look classique, vibrant discrètement au bras de son porteur pour l’avertir qu’il est l’heure; puis la Tissot High-T, pour les USA, qui dès 2004 affichait par radiofréquences les breaking news, les résultats sportifs et la météo. Avec l’arrivée de la T-Touch Expert, Tissot se concentre à nouveau sur ses priorités sportives. L’Expert permet d’accéder simultanément à deux fonctions voisines, et donc de combiner les informations. Elle est aussi plus précise, plus robuste que son aînée. Et elle devient étanche à 100m. Sport par sport verra naître ainsi sa T-Touch spécialisée. Pour les plongeurs ce sera la Tissot Sea-Touch qui remplit tous les critères officiels de luminosité de résistance aux chocs, d’antimagnétisme, de dispositif de chronométrage intégré, de solidité du bracelet. Pour les navigateurs, c’est la Tissot SailingTouch, avec notamment ses prévi-

sions météo avec histogramme ou sa mesure de la vitesse sur une distance donnée. On pourrait multiplier les exemples. Mais c’est sans compter tous les modèles avec fonctions dédiées aux différentes activités et à nombre de sports ou d’activités. Une liste qu’il serait trop long d’énumérer ici. Mais la tactile sait aussi se faire plus urbaine, notamment dans sa version féminine, et se pare parfois même de diamants avec la Tissot T-Touch II. Elle lorgne aussi du côté des plus jeunes avec la Tissot T-Race Touch et ses 11 fonctions.

Le soleil se lève En 2014, Tissot introduit une nouvelle première mondiale: une montre tactile à énergie solaire. La T-Touch Expert Solar accumule 20 fonctions, dont un calendrier perpétuel avec jour et semaine, un double fuseau, deux alarmes sans compter la météo à pression relative, altimètre avec dénivellomètre, chronographe avec journal, boussole, azimut, compte à rebours, rétro-éclairage. Ne manque que le tire-bouchon du randonneur fatigué. L’écran LCD et la cellule solaire sont directement intégrés au cadran. Le panneau solaire lui-même est invisible, placé derrière le cadran. «Connectée» avant l’heure, pourrait-on dire de la T-Touch. Oui, mais totalement autonome, ne dépendant que d’elle même et entièrement consacrée à des fonctions qui sont de vrais instruments, directement utiles à l’activité de son porteur. C’est toute la différence. Et elle est essentielle.


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GPS, satellite, radio, connexion – les technologies de voyage embarquées dans la montre concentrent sur certaines fonctions comme l’ajustement du fuseau horaire, par rapport aux dizaines d’applications disponibles sur des montres connectées.» Pour les marques japonaises, la montre connectée pose donc un grand dilemme: comment garder une identité proprement horlogère et leurs caractéristiques historiques – notamment le recours à l’énergie solaire – tout en intégrant la révolution numérique? D’autant qu’elles sont sans doute réticentes à mettre une partie de leur avenir dans les mains de géants comme Apple ou Google, les deux maîtres de la connexion, elles qui se sont développées de manière organique sur le terreau fertile de la technologie japonaise.

Outre la Tissot T-Touch traitée dans ce dossier, ce sont les horlogers japonais qui se sont le plus distingués par l’intégration de technologies nouvelles sur la montre, notamment pour se repérer efficacement dans l’espace ou avoir en tout temps l’heure juste à son poignet, même en voyage... Mais c’était avant l’arrivée des smartwatches. Par Serge Maillard

Casio, Seiko et Citizen n’ont pas pour seule caractéristique commune d’être Japonais. Toutes ces marques ont aussi misé très tôt sur l’intégration de technologies multiples, dans la foulée de la révolution du quartz il y a près de 50 ans, pour faire de la montre un vrai... couteau suisse, paradoxalement! C’est d’abord leur exploration de l’écran digital ou LCD qui leur a permis de représenter sur un même écran une multitude de données, allant de l’altimètre au baromètre en passant par la température ou l’orientation. Le pilotage radio et satellite, voire atomique, des montres leur a permis d’offrir le temps juste presque pour l’éternité – à condition qu’aucune guerre interstellaire ne s’enclenche... Une durée de vie longue et à toute épreuve qu’ils ont enfin tenté de rendre autonome de la batterie traditionnelle obsolète grâce à l’utilisation de l’énergie solaire. Ces trois percées technologiques, souvent réalisées grâce à l’intégration de technologies issues d’autres industries – l’écran digital, le contrôle de l’heure à distance, la puissance du soleil – constituent les bases de l’horlogerie japonaise, ultra-perfor-

APPLE WATCH SERIES 3

mante, et lui ont permis de multiplier les fonctionnalités. Pour le voyageur ou le sportif, c’est fort pratique! Celui-ci peut compter sur sa montre résistante pour calculer la distance parcourue et son altitude, se repérer dans l’espace grâce au GPS, voire prendre des photos des merveilles qu’il découvre en chemin...

Le cas de la Casio Pro Trek

S’adapter à la nouvelle révolution Près de cinquante ans après la révolution du quartz, une nouvelle révolution, digitale celle-là, secoue le monde horloger. Le symbole en est sans conteste l’Apple Watch qui se veut à la fois sportive et design, tout-terrain donc. Etanche et réalisée entre autres en partenariat avec Nike et Hermès, la dernière ligne, la Series 3, a été présentée dans l’univers aquatique, celui du rêve, du voyage, de l’aventure, sous l’injonction «Sortez et n’emportez que votre montre»... Cette nouvelle mouture «détache» en effet la montre du téléphone pour la rendre autonome grâce aux seules données cellulaires, alors que beaucoup d’observateurs déçus la considéraient jusqu’alors comme un

CASIO PRO TREK SMART WSD-F20

simple doublon du téléphone que l’on avait en poche, via le Bluetooth. Les fonctions sont particulièrement axées autour de la mobilité de l’usager, qui peut téléphoner ou envoyer des messages avec sa montre, écouter de la musique, demander son itinéraire à Siri, recevoir des e-mail, afficher la distance et l’altitude grâce au GPS et à l’altimètre intégrés, mesurer ses objectifs de fitness ou son rythme cardiaque... Bref, faire se sa montre son nouveau coach, voire son nouveau tyran selon la maîtrise que l’on a de l’appareil! Cette multiplication des fonctionnalités interroge évidemment les horlogers japonais, qui étaient jusqu’alors les maîtres de la technologie intégrée à la montre. D’autant qu’Apple n’est pas seule à entrer dans le jeu: outre la Samsung récemment dessinée par le maître-horloger suisse Yvan Arpa, un acteur comme le spécialiste du GPS Garmin équipe déjà des millions de poignets de sportifs et d’amateurs d’aventures et de sensations fortes à travers le monde. Sans oublier que le géant horloger américain Fossil a déjà pris le pari de la connexion en décidant que la quasi-intégralité de sa production devra s’y mettre à terme. L’autre géant américain, Movado, s’y est aussi déployé très sérieusement. La montre connectée semble donc d’abord être le royaume des Américains, si l’on considère toutes les marques citées. Bien entendu, les Japonais conservent un avantage en terme de durée de vie de leur montre et de réserve de marche... Une Apple Watch ne tiendra guère plus longtemps que le smartphone dont elle est la cousine proche. Pour l’heure, les horlogers ja-

ponais se sont donc concentrés sur l’ajout d’une connexion Bluetooth sur leurs modèles analogiques. Mais leur recours à l’énergie solaire les «enferme» aussi dans un nombre de fonctionnalités limitées par rapport à la montre connectée. Ils proposent donc pour l’instant des solutions hybrides dont la principale caractéristique est la connexion Bluetooth qui permet au voyageur un réglage instantané du fuseau horaire sur sa montre grâce au lien établi entre sa montre et son téléphone.

Une question d’énergie Aujourd’hui à la tête de l’Horological Institute Japan, Etsuro Nakajima a travaillé durant 40 ans chez Casio. Il a tout vu: la conception de mouvements quartz digitaux, la première montre de course à intervalles, la première Pro Trek à altimètre, la première montre radio-contrôlée... et enfin l’arrivée du Bluetooth. «En 2007, nous avons commencé à discuter avec Nokia d’un projet de montre connectée grâce au Bluetooth Low Energy LE, le Wibree, se remémore-t-il. Mais le projet a pris du temps car le défi est celui de la consommation d’énergie et de la recharge. En 2012, la G-Shock GB5600 a été notre première montre Bluetooth.»
 La question de l’énergie reste centrale. Pour Etsuro Nakajima les marques japonaises sont trop concentrées sur la technologie solaire. «Ces montres n’ont pas assez d’énergie pour soutenir des applications complexes. C’est pour cela que les Japonais se

Au-delà des hybridations en cours qui voient l’adjonction de la connexion Bluetooth à leurs modèles analogiques, certains ont tout de même décidé de lancer parallèlement des montres totalement connectées avec écran LCD. C’est le cas de Casio et de sa nouvelle Smart Outdoor Watch, la Pro Trek WSD-F20, en réalité une réédition «full digital» d’un modèle GPS historique de la marque, qui fonctionne sur Android Wear. Ce modèle au diamètre imposant, (56.4 mm) d’une étanchéité de 50 mètres, intègre notamment des applications pour le trekking, la pêche, le cyclisme, les sports de glisse ou la natation; des fonctions comme le compas, le baromètre, l’altimètre, l’heure du lever et du coucher du soleil, ou encore des marées; et bien sûr, l’orientation dans l’espace grâce au GPS, sa fonction première qui peut également être utilisée en mode hors ligne, loin des sentiers battus... Cette tentative sur le marché de la montre connectée doit servir de test à Casio, pour déterminer d’un développement futur plus ambitieux sur ce créneau. A n’en pas douter, les conclusions de cette stratégie seront observées également avec intérêt par Seiko et Citizen, même si la ligne générale de l’année 2017 pour l’horlogerie japonaise résidait davantage dans la montée en gamme, via l’intégration de métiers d’art et de nouveaux matériaux dans la montre, plutôt que dans le développement de la montre connectée. L’horlogerie japonaise passera-t-elle à l’offensive, en proposant dans le sillage de la Pro Trek, outre des montres analogiques à énergie solaire et à fonction Bluetooth, des modèles connectés par données cellulaires et à recharge quotidienne? Les nouveautés de Baselworld donneront de premières indications.


MONTRES DE VOYAGE / VINTAGE

EUROPA STAR PREMIÈRE | 27

Montres-outils de voyage Par Lorenzo Maillard, collectionneur

Voyager aujourd’hui ce n’est pas voyager hier. Il n’y a pas si longtemps, voyage et exploration pouvaient être perçus comme deux termes quasiment interchangeables. Aujourd'hui, il suffit de jeter un coup d’œil sur son smartphone pour accéder à l’heure universelle (qui plus est atomique), cliquer sur une app pour connaître la météo de sa destination ou simplement suivre les indications sur son GPS. Il y a 70 ans, «on faisait avec», avec le bon sens, l’instinct, un peu de matière grise, un peu de hasard et parfois mais plus rarement avec une montre. A l’heure du tout conditionné et de l’instantané, il est agréable de se rappeler de ces outils d’un temps qui laissent échapper un léger parfum d’aventure et de débrouillardise. Ces garde-temps, témoins d’une époque que je n'ai pas connue, titillent pour autant mon frêle appétit de découverte de millenial. Ici, le focus porte non pas sur les grands classiques de la montre de voyage mais plutôt sur quatre productions qui vont du pratique au saugrenu mais qui ont comme objectif commun de simplifier et d’accompagner de manière originale l’homme nomade.

voyager (les contrôles de sécurité des aéroports ne poseront pas de problèmes) et briller en société. Estimation: A cause de sa boîte chromée, il n’est pas facile de mettre la main sur une Sicura Safari en bon état. Compter entre 1’000 CHF et 2’000 CHF pour un exemplaire en bon état.

Dalil Muslim Watch Si l’on parle horlogerie et religion, on peut penser à la Datejust de JeanPaul II ou encore à la montre quartz

complication worldtime mais aussi et surtout les cinq différentes prières de la journée. En outre, au centre du cadran on peut apercevoir un compas qui, en plus d’indiquer le Nord, désigne aussi la direction de La Mecque afin de respecter les coutumes musulmanes de prière. Si son design est plutôt caractéristique des années 1970, il ne plaira sûrement pas à tout le monde; une version très inspirée d’une Rolex Datejust avec jubilee et lunette cannelée a aussi été introduite peu après. En bref, l’ultime garde-temps pour un pratiquant en déplacement.

logerie, un baromètre ainsi qu’un altimètre. Imaginée pour les explorateurs alpins et les aventuriers des pôles, la montre permet donc à son détenteur de non seulement déterminer l’altitude exacte à laquelle il se trouve mais aussi de calculer la pression atmosphérique. En combinant les deux fonctions, le voyageur/alpiniste/explorateur/météorologue peut prévoir, à court terme, les conditions météorologiques et ainsi éviter les situations périlleuses en milieu hostile. Ce dernier doit prêter attention aux brusques et significatives variations du baromètre qui, bien souvent, expriment l’approche d’une perturbation, d’une tempête ou encore d’un orage selon le mouvement et l’intensité du baromètre. En bref, un utilisateur aguerri et observateur pourra éviter

Sicura Safari

Dalil Muslim Watch

Favre-Leuba Bivouac

Glycine Airman

Sicura Safari Lorsque l’on pense à l’outil ultime pour nous accompagner dans nos périples, le couteau suisse vient en tête. Cet objet multitâche permet quasiment de tout faire… tout ou presque, en effet, car bien qu’étant suisse ce couteau omet une chose: donner l’heure. C’est là que Sicura entre en jeu. La marque qui sauva Breitling au début des années 1980 s’est forgée une réputation dans les années 1970 en créant des montres aussi pratiques qu’hors du commun et parfois même loufoques. La Sicura Safari, potentiellement trahie par son nom, cache dans son boîtier une lame et pas n’importe laquelle puisqu’elle est empruntée à la maison Victorinox. Digne d’un gadget de James Bond, ce garde-temps plutôt original pourra vous sauver dans certaines situations à risque, bien qu’il soit difficile d’imaginer couper un tronc d’arbre avec cette montre. L’absence de dent et de cran d’arrêt fait de cette lame un outil presque plus dissuasif que pratique. Quant à la robustesse de la montre, son mouvement à 17 rubis et à remontage manuel devrait faire l’affaire. En revanche, sa boîte chromée résistera moins bien aux conditions extrêmes en comparaison avec l’acier. Tout du moins, son look imposant et son caractère résolument 70’s lui confèrent une certaine prestance au poignet. Le parfait outil, pratique, discret pour

rudimentaire du pape François, mais aucune montre ne fut spécialement conçue dans le but précis de satisfaire des besoins religieux. Aucune? Pas exactement. Si vous êtes de foi musulmane, très pieux, souvent en voyage et vous avez un petit faible pour les garde-temps vintage, la Dalil Muslim est faite pour vous. Cette montre au design atypique et à l’utilité pour le moins hors du commun est à ma connaissance l’unique pièce mécanique d’époque à «complication religieuse» que l’on peut porter au poignet. De son vrai nom Dalil Monte-Carlo Muslim, cette montre du début des années 1970 utilise le mouvement automatique Swiss Made AS 2063 qui permet d’afficher l’heure, la date, une

Estimation: En fonction de sa condition, il est encore possible de trouver des exemplaires relativement abordables. 150 CHF à 400 CHF.

Favre-Leuba Bivouac On l’oublie souvent mais FavreLeuba, créée en 1737, est non seulement l’une des maisons horlogères les plus anciennes mais elle a aussi su marquer l’histoire à quelques reprises. En 1963, soit quasiment 10 ans après qu’Edmund Percival Hillary accomplit un exploit en gravissant l’Everest pour la première fois, Favre-Leuba sort la Bivouac, une montre unique en son genre qui intègre, pour la première fois en hor-

les colères potentiellement fatales de dame nature en se réfugiant dans la grotte d’un yéti ou dans la carcasse d’un bouquetin. Bien que complexe, la Bivouac arbore, notamment avec son bracelet acier d’origine, une esthétique sobre voir même élégante. Sa charmante lunette Bakélite, ses index en tritium et sa boîte acier sauront traduire à merveille les traits du temps et lui donner un charme quasiment mélancolique de l’époque où les montres étaient pensées avant tout comme des outils. Si le goût de l’aventure et du voyage est aujourd’hui aseptisé par le tropplein d’informations et de technologie, on pourra toujours se consoler en pensant à Michel Vaucher, guide de montagne et son complice, l’alpiniste

Walter Bonatti, évitant une tempête de neige grâce aux indications provenant de la Bivouac juste avant d’atteindre pour la première fois dans l’histoire la pointe Whymper des Grandes Jorasses par la face Nord. Estimation: Une Favre-Leuba Bivouac en bon état et d’origine vous coûtera entre 2'500 CHF et 3'500 CHF

Glycine Airman Si l’on évoque une marque horlogère qui arbore une couronne comme logo, si l’on ajoute que son modèle emblématique propose la fonction GMT au début des années 1950 et si l’on additionne le fait qu’elle fut originellement très appréciée par les pilotes, vous pensez sans doute à la Rolex GMT-Master et vous auriez raison. Mais une autre montre, introduite sur le marché une année avant la GMT-Master, coche toutes les cases: la Glycine Airman. Née d’une idée simple, loin des tracas du marketing, des groupes de réflexion et des développements coûteux, celle de répondre simplement aux désirs réalistes d’un pilote dans les années 1950, être automatique, étanche, avec un affichage de la date, un cadran et lunette 24 h. A l’inverse de la GMT-Master et de la Polerouter, Glycine saute l’étape du partenariat avec de prestigieuses compagnies aériennes (Pan-Am pour Rolex, SAS pour Universal Genève) et garde en tête l’idée d’avoir un garde-temps conçu pour les pilotes mais surtout d’une conception simple, robuste, et abordable, à tel point qu’elle séduira de nombreux hommes des corps d’armée, aussi bien les pilotes que les fantassins. L’Airman ne fut pas la première montre à utiliser une lunette 24 heures, en revanche, la marque déposa un brevet sur le verrouillage mécanique de cette dernière qui s’effectue en vissant le poussoir à 4h offrant une sécurité face aux à-coups ou chocs qui peuvent déréguler et donc fausser l’indication du deuxième fuseau horaire. Finalement, Glycine pensa même aux opérateurs militaires car elle ajouta un système unique en son genre pour stopper l’aiguille des secondes; une fois la couronne tirée, la trotteuse des secondes continue de tourner pour venir s’arrêter net à 12 heures, permettant ainsi une synchronisation extrêmement précise des montres que l’on soit un maniaque de la précision ou un soldat qui se coordonne à la seconde près avec ses frères d’armes avant l’assaut. Cette Airman, en plus d’être fonctionnelle, d’avoir une histoire à raconter et d’être restée au catalogue pendant plus de 40 ans, est simplement et esthétiquement belle. Son design est fait d’un subtil équilibre entre force, fonctionalité brute, pureté et finesse. Avec ses 36 mm, ses longues cornes et son boitîer fin, elle est pour le voyageur régulier la «tool watch» par excellence. Estimation: Nombreuses sont les versions d’Airman – un modèle authentique vous reviendra entre 600 CHF et 1'500 CHF en fonction de l’état.


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Patrick Pruniaux: de Apple à Ulysse Nardin Europa Star a eu la chance d’accueillir Patrick Pruniaux, nouveau CEO d’Ulysse Nardin, et surtout l’homme qui a contribué avec succès au lancement de l’Apple Watch. Bien entendu, le dialogue s’engage rapidement sur le digital. Avec un regard nuancé qui caractérise le patron sans doute le plus au fait des nouvelles technologies au sein de l’industrie horlogère, loin des positions radicales de certaines marques sur le «tout-au-web»... Peut-être faut-il justement aller dans la Silicon Valley, là où se conçoit notre avenir en ligne, pour nuancer son regard! Propos recueillis par Serge Maillard

Patrick Pruniaux a commencé sa carrière au sein de la compagnie Diageo pour la marque Guiness, avant de passer dans la partie Vins et Spiritueux de LVMH, puis de bifurquer sur l’horlogerie en rejoignant TAG Heuer au sein du même groupe. Il y a quatre ans, son départ en Californie pour accompagner le lancement de l’Apple Watch avait fait jaser et suscité les craintes d’un brain drain horloger de la part du géant de la Silicon Valley. Craintes qui se sont apaisées aujourd’hui. Le retour de Patrick Pruniaux dans une des marques les plus traditionnelles de l’horlogerie suisses, à la tête d’Ulysse Nardin, confirme à la fois les liens entre ces deux mondes et leurs différences fondamentales... Rencontre.

Un peu des deux! Pour ne rien vous cacher, il s’est passé quelque chose de plutôt rare dans le cadre d’une succession: une période de transition de trois semaines en compagnie de l’ancien CEO Patrick Hoffmann, ainsi que l’ancienne directrice marketing Susanne Hurni. Dans une société, il faut se familiariser aux chiffres, mais tout autant avec la culture interne. Même une semaine aurait déjà été un luxe, alors trois semaines... Patrick Hofmann a été très transparent sur l’état de la société et les évolutions qu’il avait envisagées pour elle.

L’OBJET Au poignet de Patrick Pruniaux, la nouvelle Freak présentée par Ulysse Nardin au SIHH 2018. En main, le livre de Joseph Kessel «Les Jours de l’aventure», une série de reportages de l’écrivain entre 1930 et 1936, de la mer Rouge au bord du Rhin. «Le journaliste m’intéresse plus que le romancier: ses reportages conservent toute leur puissance et leur actualité – c’est à cela que l’on reconnaît le journalisme de qualité, qui tient sur la durée.» La vie d’aventure de Kessel inspire Patrick Pruniaux, autour de valeurs comme la liberté, l’exploration, la nature, le grand air... des thèmes que l’on retrouvera sans doute tout au long de l’année chez Ulysse Nardin.

Quelle analyse faites-vous de l’état de la société?

main avec un niveau de passion que j’ai rarement vu. Il se rapproche de celui que j’ai connu chez Apple du reste. En principe, les employés ne partent pas de chez Apple. Je suis peut-être l’exception qui confirme la règle! Maintenant, il s’agit de relever de nouveaux défis et notamment d’accélérer la présence sur certains marchés-clés pour Ulysse Nardin.

C’est une société qui a des actifs incroyables, une qualité de manufacture exceptionnelle, des capacités d’innovation fortes, un capital hu-

Justement, votre marché-clé est historiquement la Russie. Par conséquent, vous avez vécu – avant même la forte baisse en Chine qu’ont ex-

périmentée vos confrères ces trois dernières années – une inversion rapide de la croissance sur votre propre marché-phare, avec la chute du rouble et les problèmes géopolitiques du début des années 2010 en Europe de l’Est... Une sorte de «précrise». Comment Ulysse Nardin a-t-elle fait face? C’est clair que l’impact de la crise russe a été fort. En même temps, Ulysse Nardin a eu un bon niveau de résilience. Nous avons la chance d’être une marque leader non seulement en Russie, mais dans toute la

Photographie Fabien Scotti

Vous êtes jeune, dynamique, très à l’aise sur les nouvelles technologies et à la tête d’une très ancienne et vénérable structure – au point qu’on aurait presque envie de vous surnommer le «Macron de l’horlogerie suisse»... Pour prolonger l’analogie, vous inscrivez-vous dans une politique de rupture ou de continuité chez Ulysse Nardin?

CEI, donc un bloc de plusieurs centaines de millions d’habitants. En cas de crise, cette force de marque donne une meilleure résilience. Nous avons une bonne distribution à Moscou et dans l’ensemble des pays de la CEI. Néanmoins, le besoin de diversification semble important pour Ulysse Nardin. Tout comme celui de rajeunir le public de la marque et son image... La marque est assez équilibrée en termes de débouchés. Je connaissais bien sûr la force d’Ulysse Nardin

en Russie mais elle est plus équilibrée que ce que l’on peut penser entre les Amériques, l’Europe (y compris la Russie) et l’Asie. Il y a néanmoins des marchés sur lesquels nous pourrions être beaucoup plus forts. C’est le cas des Etats-Unis en particulier, ainsi que de la Chine. Pour cela nous devons utiliser tous les canaux à disposition, en particulier en Chine, que ce soit les boutiques monomarques, les détaillants multimarques ou la présence en ligne. L’industrie horlogère dans son ensemble reste très traditionnelle dans sa distribution. On sent


ARCADE EUROPA STAR

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néanmoins les prémices du changement. Aujourd’hui tout le monde parle certes de «digitalisation» mais je ne suis pas sûr que ce soit le bon terme. Ce qui nous importe avant tout, c‘est l’engagement direct avec le consommateur. Nous pouvons garder des intermédiaires, mais nous devons parallèlement dialoguer directement avec nos clients. Le e-commerce est sur toutes les lèvres, mais aujourd’hui les ventes en ligne ne représentent qu’une part encore confidentielle des ventes totales. Le digital sert surtout à la notoriété... Et peut-être qu’il y n’a pas besoin de plus que cela! Je crois beaucoup à la façon de faire, à la qualité d’exécution. C’est ce qui peut faire la différence, comme je l’ai appris de mes précédentes expériences. Nous pouvons tout à fait conserver des canaux traditionnels de distribution, avec un canal en plus qui serait le digital et le e-commerce, même avec de faibles volumes, mais d’une façon telle que ce soit un accélérateur qui bénéficie aux ventes des acteurs traditionnels. On voit bien en Suisse que les consommateurs s’informent en ligne mais achètent en dur. En réalité, en revenant de Californie, je peux vous dire que cette distinction que nous faisons entre les différents canaux, physiques et virtuels, n’est plus pertinente. Il y n’a plus que le monde horloger qui en parle. On ne peut plus continuer à les opposer. Regardez la façon dont vous faites vos achats, la question du lieu où on l’achète devient progressivement accessoire. On cherche la simplicité, l’immédiateté, une expérience client de qualité, que ce soit sur un site ou via la boutique voisine.

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Il n’empêche que quand on parle d’acheter une Ulysse Nardin, ce n’est pas du même calibre que de réserver un billet en ligne pour Barcelone avec EasyJet! Mais les comportements ont déjà commencé à changer. Quand un client entre dans une boutique Ulysse Nardin en en sachant plus sur un modèle que le vendeur, il y a une bonne nouvelle – il connaît bien notre produit – mais un problème: est-ce qu’on leur donne la bonne expérience en magasin? Il y a une énorme évolution à mener à ce niveau-là pour toute l’industrie horlogère. Je considère toujours une expérience consommateur par rapport à la valeur qui est dépensée. Une des pires expériences que je puisse faire est souvent l’achat d’une voiture de luxe: si vous regardez le ratio entre l’argent que vous dépensez

MARINE TOURBILLON

et le traitement que vous recevez, c’est souvent catastrophique. A l’inverse, il peut vous arriver d’aller en librairie acheter un simple livre ou dans une boutique pour des capsules de café et d’y être beaucoup mieux reçu, avec un dialogue de plus haute qualité. Comment améliorer l’expérience horlogère en boutique, sur des produits chers, donc avec des attentes élevées? On peut le faire de manière très moderne. Il y a quelques années, quelqu’un m’a dit qu’il n’avait pas envie d’entrer dans une boutique de luxe, car c’était intimidant. Et pourtant il avait le pouvoir d’achat. L’habillement, la sécurité, le sas... Tout cela était rédhibitoire. Il faut travailler sur cet aspect, le côté «accueillant» des boutiques, y compris via la formation continue.

A travers votre parcours, vous illustrez à la fois la résilience de l’horlogerie mécanique traditionnelle dont nous venons de parler et la percée de l’Apple Watch. Que pouvez-vous nous dire de l’aventure de l’Apple Watch? D’abord, il s’en est vendu beaucoup. Les montres connectées sont un succès et ce succès va s’accroître à l’avenir. Si le CEO Tim Cook dit qu’Apple est à présent la première marque horlogère au monde, je peux vous dire qu’il a un bon niveau d’information. La marque domine un secteur en plein boom et elle est toujours en phase d’apprentissage. Parallèlement, je ressens un besoin croissant de déconnexion, qui va également s’accroître dans le futur... D’où également l’importance du thème de la liberté, de la nature que nous allons mettre en avant chez Ulysse Nardin.

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Et l'intégration de la connexion dans la montre de luxe? La jonction entre ces deux univers peutelle se faire? Apple a abandonné son modèle en or... Je connais bien le domaine, mais pour l’instant, je ne vois pas la valeur ajoutée de connecter une montre de luxe. Cela ne correspondrait pas à Ulysse Nardin, du moins. Il ne faut pas manquer un épisode: Apple a déjà gagné sur le terrain de la montre connectée. La question est plutôt pour les horlogers traditionnels: quelle est la proposition que je fais à mon client, avec sincérité, pour l’attirer sur mon produit? J’y crois pleinement, sinon je ne serais pas revenu en Suisse! Mais ce n’est pas en s’auto-convainquant que l’Apple Watch n’est pas un succès que les marques suisses pourront réussir. Mieux vaut l’admettre, et voir comment Apple convertit des millions de gens à porter des montres.

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