Europa Star Première 5-19

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ALPINE EAGLE

QUEL FUTUR?

S'inspirant d'une montre à succès des années 70, Chopard lance une ambitieuse nouvelle collection complète de montres de sport. DR

Europa Star a lancé un vaste panel pour tenter de répondre aux questions existentielles qui se posent aujourd'hui à l'horlogerie. Extraits. Pages 8 à 20

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EUROPA STAR PREMIERE LE JOURNAL DE L’ÉCOSYSTÈME HORLOGER SUISSE

NO 5/19 (Vol.21) DÉCEMBRE 2019 | 12.00 CHF/€ | EUROPASTAR.CH

ISSN 2297-4008

ÉDITORIAL

L’horlogerie à l’âge de la complexité numérique par

Serge Maillard

Tout vient du numérique, qui bouleverse fondamentalement notre quotidien et notre essence même d’Homo sapiens. Vus à cette échelle, les bouleversements qui touchent actuellement l’horlogerie, une industrie vieille de 400 ans, peuvent sembler microscopiques. Mais à notre échelle de «microscope horloger», que nous portons depuis quatre générations sur cette industrie, ces changements paraissent immenses! Et ils s’accélèrent à une vitesse exponentielle. Commençons par la distribution, totalement bouleversée depuis l’arrivée du numérique. Contrairement aux réseaux bien huilés d’autrefois, elle est une jungle dont personne n’aperçoit vraiment le bout. Les ventes en ligne ont surtout été favorables au marché secondaire (la montre ayant la particularité d’avoir une durée de vie longue) et à l’écoulement des invendus (marché gris), mais aussi à la contrefaçon. Les possibilités d’achat d’une montre sont aujourd’hui si nombreuses que tout le monde se perd dans cette complexité: pre-owned ou neuf, en ligne ou en boutique, chez un revendeur agréé ou non, et tant d’autres interrogations. Cela prendra du temps pour que la Toile s’organise. Aujourd’hui, le prix de revente détermine de plus en plus la cote réelle des montres. Cela induit un autre effet frappant du bouleversement numérique: la polarisation croissante

entre les gagnants et les perdants de l’industrie. La montre en tant qu’objet est elle aussi fondamentalement transformée: après une période de doute sur son impact, la montre connectée s’affirme désormais au vu et au su de tous comme la montre standard du quotidien (comme la Swatch a pu l’être dans les années 1980 et 1990). Cela bien sûr seulement si la connexion reste au poignet et ne se déplace pas à l’avenir par exemple vers les yeux, à travers les lunettes connectées sur l’être humain «augmenté»… Qu’est-ce que cela laisse à l’industrie horlogère suisse? Des réflexions fondamentales et des choix stratégiques difficiles face à la complexité croissante des canaux de vente et des habitudes de consommation à l’âge numérique. Mais aussi, par effet de contraste avec la rapide obsolescence de tout objet numérique, une fascination croissante pour la montre mécanique suisse «originelle» et authentique, vue comme un marqueur de personnalité individuelle. Cela se traduit par des volumes généraux en baisse, un prix moyen en hausse à l’exportation et une tendance chez tous les acteurs à monter en gamme et à se concentrer sur des modèles mécaniques. Les réseaux numériques, censés rendre notre vie plus «fluide» et plus simple, font exactement l’inverse: notre vie quotidienne est à la fois plus rapide et plus complexe. L’horlogerie n’échappe pas à ce bouleversement «ontologique».

Carl F. Bucherer Le temps de l’horlogerie durable TÊTE D’AFFICHE

Avec le nouveau modèle Patravi ScubaTec Black Manta Special Edition, Carl F. Bucherer poursuit son soutien à l'association caritative Manta Trust, déjà présenté il y a exactement deux ans en couverture d’Europa Star. La marque va plus loin cette fois, puisque le bracelet en caoutchouc de la montre est lui-même constitué à partir de... bouteilles en plastique recyclées. Sur le plan esthétique, le nouveau modèle prouve également qu'il est possible d'être durable et attractif. Présentation. (Lire en page 4)

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HISTOIRE

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De Bulova à Omega: 50 ans d’aventure lunaire Il est aujourd’hui courant d’associer l’épopée de la conquête spatiale avec la Speedmaster d’Omega, la seule montre portée sur la Lune, insiste la manufacture de Swatch Group dans sa communication. Les archives d’Europa Star permettent de nuancer le propos et de montrer quand et comment Omega s’est approprié l’image de l’horloger partenaire de la NASA, essentiellement au détriment de l’entreprise américaine Bulova. par

Pierre-Yves Donzé,

professeur à l’Université d’Osaka

Durant les années 1960, la conquête spatiale n’est pas liée à une relation unique entre Omega et la NASA. Cette dernière utilise des montres fabriquées par plusieurs entreprises horlogères. Toutes insistent dans leurs publicités sur deux éléments essentiels: la sévérité du processus de sélection par l’agence américaine et l’exploit technique réalisé par la montre suisse. C’est par exemple le cas de Breitling, dont une montre équipe l’astronaute ayant

tourné trois fois autour de la Terre en 1962. La manufacture genevoise affirme ainsi que son chronomètre «fonctionna à la perfection, bien que les conditions, en particulier l’absence de pesanteur, fussent tout à fait inhabituelles pour une montre.» L’Observatoire cantonal de Neuchâtel lui-même fournit la NASA en horloges atomiques au milieu de la décennie. Mais surtout, c’est Bulova qui met en scène sa collaboration au programme spatial américain dans sa communication: «La confiance témoignée par la NASA à la fa-

Omega Speedmaster Apollo 11 50ème anniversaire édition limitée

brique Bulova et aux dispositifs dérivant de la montre électronique Accutron est une nouvelle preuve du fait que, dans le domaine de la mécanique de précision, certaines fabriques d'horlogerie atteignent actuellement les sommets de la perfection technique» (1966). La manufacture américaine présente dans sa communication, durant toute la seconde partie des années 1960, des astronautes américains recevant leur Bulova Accutron. Elle affirme également haut et fort sa participation au voyage sur la Lune après 1969, ses mouvements de montres

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et instruments de précision étant utilisés pour de nombreux équipements. La présence de Bulova aux côtés de la NASA s’explique assurément par l’engagement de cette entreprise dans des travaux de recherches dans le domaine de la défense, de l’électronique et de l’aérospatial après la Seconde Guerre mondiale. Dirigée par un ancien général, elle est proche des milieux militaires et gouvernementaux. Tandis que Bulova communique sur sa collaboration avec la NASA, Omega apparaît en 1969 comme le fournisseur de chronographes aux

astronautes. A leur retour sur terre, Edwin Aldrin et Neil Armstrong portent des montres Omega lors de leur première conférence de presse. Ils racontent quelques anecdotes liées à ces objets – comme le maintien du réglage sur l’heure de Houston – qui régalent les journalistes et sont diffusées dans la presse spécialisée. Comprenant l’intérêt qu’il y a à renforcer la collaboration avec les astronautes et la NASA, Omega s’engage pleinement, au début des années 1970, dans le positionnement de sa Speedmaster comme la montre portée sur la Lune. D’autant que Bulova subit des difficultés managériales et financières importantes qui finissent par emporter l’entreprise à la fin de la décennie. Le champ est alors libre pour les communicants d’Omega, qui réécrivent l’histoire en leur faveur. D’ailleurs, en 1980, lorsque la manufacture biennoise rachète l’entreprise qui assurait sa distribution aux Etats-Unis, c’est un ancien astronaute, Thomas Stafford, qui est nommé au poste de président du conseil d’administration. Depuis les années 1980, la participation à l’aventure lunaire est, avec le chronométrage des Jeux Olympiques, au cœur de la communication d’Omega.

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Carl F. Bucherer Le temps de l’horlogerie durable

La lutte pour la préservation de l'environnement va bien au-delà de l'industrie horlogère. Le changement climatique a, comme nous l'avons vu cette année, poussé des millions de personnes à manifester dans la rue, inquiètes pour leur avenir face au «stress» croissant que semble connaître la planète. Les géants de l'industrie alimentaire, de la mode ou de l'automobile essaient tous de promouvoir un visage plus soucieux de l’environnement, sous la pression des consommateurs. Si de nombreuses marques horlogères s'attaquent également à ce problème, certaines se sont montrées plus «durables» que d'autres dans ce domaine. Carl F. Bucherer est l'une de celles-ci: il y a plus de sept ans, la marque a commencé à soutenir la fondation caritative Manta Trust, basée au RoyaumeUni, qui se consacre à la conserva-

tion des raies manta depuis 2011. Aujourd'hui, elle est active dans plus de 20 pays afin de préserver l'écosystème marin et l'habitat de ces animaux à travers le monde. Il y a deux ans, nous nous sommes déjà associés à Carl F. Bucherer pour créer la première couverture «environnementale» de notre histoire, représentant des raies manta nageant autour du modèle Patravi ScubaTec Manta Trust Limited Edition. Les 188 montres produites à l'époque présentaient toutes une gravure différente sur le dos, ce qui faisait de chacune d’elles une pièce unique. Nous avions alors saisi l’occasion pour interviewer Guy Stevens, le directeur de Manta Trust, et d'en apprendre davantage sur les mesures concrètes prises par l’association pour préserver les raies manta, des animaux populaires mais au mode de vie fragile.

PATRAVI SCUBATEC BLACK MANTA SPECIAL EDITION NUMÉRO DE RÉFÉRENCE: 00.10632.28.33.99 MOUVEMENT: automatique, calibre CFB 1950.1, chronomètre (COSC), diamètre 26,2 mm, hauteur 4,6 mm, 25 rubis, réserve de marche de 38 h FONCTIONS: date, heures, minutes et secondes BOÎTIER: titane, traitement DLC, lunette tournante en unidirectionnelle en titane/céramique, valve à hélium automatique, couronne vissée, glace saphir antireflet sur les deux faces, étanche jusqu’à 500 m (50 bars), diamètre 44,6 mm, hauteur 13,45 mm CADRAN noir orné de silhouettes de raies manta BRACELET en caoutchouc en PET recyclé avec boucle déployante de plongée en titane avec revêtement DLC

Le modèle Patravi ScubaTec Black Manta Special Edition Deux ans plus tard, la question de la préservation de l'environnement est certainement encore plus aiguë. Et Carl F. Bucherer va encore plus loin dans son engagement cette année, car le temps presse pour l'avenir des océans. Avec la nouvelle Patravi Scubatec Black Manta Special Edition certifiée COSC, la marque reprend son partenariat de longue date avec le Manta Trust, cette fois autour d’une espèce particulièrement rare: la raie manta noire. Cette fois-ci, il ne s'agit pas seulement d'un soutien financier: le garde-temps lui-même est constitué pour partie de matériaux recyclés. La montre de plongée n'est ainsi pas seulement dédiée aux océans, elle «incarne» aussi une voie possible de la préservation. La doublure en tissu du bracelet en caoutchouc naturel de ce modèle, terminé par une surpiqûre couleur bronze, est composée intégralement de bouteilles de plastique recyclées repêchées en mer Méditerranée.

Pour chaque bracelet, cette pièce en textile nécessite l’équivalent de 30 bouteilles, qui sont transformées en un fil solide. Le tissu est fabriqué en Italie, ce qui garantit en outre un acheminement sur des trajets courts. Chaque année, plusieurs milliers de tonnes de déchets de plastique se déversent dans les océans – une grave menace qui pèse sur notre écosystème et appelle une réflexion profonde. Dans une approche cohérente de la protection de l'environnement, Carl F. Bucherer «unit» de la sorte plusieurs causes: la montre elle-même démontre comment le recyclage peut être utilisé dans l'industrie, tandis qu'une partie des revenus va à la protection d'une espèce menacée qui souffre précisément de ces déchets. Une sorte de cercle vertueux, donc. Comme Guy Stevens l'explique: «Grâce au soutien de Carl F. Bucherer, cette année, MantaTrust peut mener un projet de recherche palpitant visant à mieux connaître les habitudes de déplacement et le comportement des raies manta de la péninsule du Yucatán. En développant nos connaissances sur cette espèce peu étudiée, nous pourrons mettre en place des mesures de protection locales plus efficaces.» >


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À propos de Manta Trust Cette organisation à but non lucratif agit depuis 2011 pour la raie manta, une espèce rare. Manta Trust intervient dans plus de 20 pays pour la survie de cette espèce menacée, au travers notamment de projets engagés et d’un infatigable travail d’éducation. Son objectif est de préserver durablement et à long terme l’écosystème marin et l’habitat de la raie manta. Pour y parvenir, l’organisation travaille avec une équipe internationale de chercheurs, scientifiques, protecteurs de la nature, pédagogues et experts des médias sur des projets de recherche, d’enseignement et de coopération. Au fil du temps, Carl F. Bucherer s’est engagée à de multiples reprises, en sponsorisant des émetteurs satellites permettant de suivre les déplacements des raies manta, ou en finançant des films de vulgarisation. Ensemble, les partenaires espèrent apporter une contribution durable à la protection de cette espèce fascinante.

Certifié COSC, revêtu DLC et prêt à l'emploi Après la première édition de Baselworld cette année, le Patravi ScubaTec Black Manta Special Edition est maintenant disponible dans le monde entier depuis septembre 2019. Contrairement au modèle lancé il y a deux ans, cette édition est illimitée. Le modèle en édition non limitée Black Manta allie un style sportif et élégant à la robustesse d’un gardetemps aux fonctions pratiques, étanche jusqu’à 50 bar (500 m). Son boîtier en titane de 44,6 mm, une nouveauté chez Carl F. Bucherer, présente un revêtement DLC dont le noir apporte un contraste aux élé-

ments de couleur bronze – clin d’œil aux montres de plongée historiques. Les index et aiguilles, dotés d’un revêtement Super-LumiNova, encadrent les silhouettes de deux raies manta sur le cadran noir. La lunette tournante unidirectionnelle en céramique permet de régler les temps de plongée, une fonction assurant la sécurité du plongeur, à l’instar de la valve à hélium automatique. Le fond de boîte en titane avec revêtement DLC est orné d’une estampe détaillée d’une raie manta noire Dans le cœur de la montre, le calibre automatique CFB 1950.1 bat avec une réserve de marche de 38 heures. Sa précision extraordinaire est officiellement certifiée par l’institution indépendante Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres (COSC): chaque modèle s’accompagne d’un certificat individuel.


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L'audacieuse durabilité de Carl F. Bucherer Le Patravi ScubaTec Black Manta Special Edition n'est pas seulement un symbole de durabilité, il contribue aussi activement à la conservation des océans et à l'utilisation responsable de nos ressources. Il montre de nouvelles façons d'aborder ce sujet important pour l'industrie horlogère. En tant qu'entreprise, Carl F. Bucherer a également fait preuve de durabilité dans ses habitudes de travail au fil des ans. Nous pouvons en témoigner, étant partenaire de la marque depuis de nombreuses années. Les marques horlogères les plus performantes sont récompensées pour leur continuité et leur fiabilité dans le traitement des partenaires de

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longue date (et nous sommes là depuis plus de 90 ans): cela n'a jamais été aussi évident qu'aujourd'hui! Le développement durable englobe de nombreux aspects: économiques, sociaux, environnementaux et, en fin de compte, humains... Le nouveau garde-temps présenté par Carl F. Bucherer prouve également qu'un design audacieux et séduisant n’est pas antinomique à des processus durables, à un moment où de nombreuses marques se demandent comment intégrer de nouvelles façons de produire. Une anecdote révélatrice sur ce point, pour finir: la Patravi ScubaTec Black Manta Special Edition a également servi d'inspiration pour la montre que l'on pouvait voir au poignet de Sylvester Stallone dans le «Rambo - Last Blood». Les héros les plus emblématiques évoluent aussi avec leur temps!

La montre que Sylvester Stallone porte dans le film «Rambo - Last Blood» est un modèle unique de la collection ScubaTec de Carl F. Bucherer. Identifiez-vous les traits de ressemblance avec la nouvelle Black Manta Special Edition?


DOSSIER FUTUR

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QUEL FUTUR?

L'HORLOGERIE FACE AUX NOUVEAUX DÉFIS UN VASTE PANEL Dossier établi par Pierre

et

Serge Maillard

«NOUS DEVONS RÉINVENTER LA SWATCH DU XXIÈME SIÈCLE»

Europa Star a sélectionné six défis d'importance qui bouleversent fondamentalement l’actualité et surtout le futur de l’industrie horlogère. Une quarantaine d’acteurs auxquels nous avons soumis six questions y ont répondu. Certaines tendances ressortent clairement, mais on note aussi des voix discordantes. Ensemble, nos interlocuteurs de tous horizons offrent un tableau pertinent du paysage horloger actuel.

«VERS UNE POLARISATION GÉNÉRALE DU MARCHÉ...»

«NOUS DEVONS SUPPRIMER LES ERREURS DE LA NOUVELLE LOI SWISSNESS»

PRE-OWNED Comment expliquez-vous la croissance des ventes de montres «Certified Pre-Owned» par les marques elles-mêmes, mais aussi par certains gros détaillants (ex. Bucherer), au-delà des plateformes «traditionnelles», telles que WatchBox, Crown & Caliber ou Watchfinder? OPPORTUNITÉS Est-il possible d’accroître encore l’audience de la montre mécanique suisse auprès de nouvelles clientèles dans le monde? La question se pose d’autant plus que la Chine a été plus ou moins conquise et ralentit, et qu’en l’absence d’autres «Chine» potentielles, les volumes de production et d’exportation baissent très sensiblement. HAUT DE GAMME A plus longue échéance, imaginez-vous que l’industrie horlogère suisse puisse vivre exclusivement de son offre de haut de gamme?

dr

Frank Müller, The Bridge To Luxury

«NOUS NE SOMMES QU'AU DÉBUT DE NOTRE CONQUÊTE DE LA CHINE»

Ronnie Bernheim, Mondaine

Julien Tornare, Zenith

ENTRÉE DE GAMME Quel futur entrevoyez-vous pour la part la plus abordable de l’offre horlogère suisse (en-dessous de 1'000 $) face à la domination grandissante d’Apple Watch dans ce segment?

DISTRIBUTION Comment entrevoyez-vous l’évolution de la distribution horlogère? Il semble que pour l’instant il règne une complexité grandissante entre les différents canaux. Quelles places à votre avis occuperont respectivement le détaillant traditionnel, les plateformes de vente en ligne et les ventes directes au consommateur?

«QU'ON LE VEUILLE OU NON, L'INDUSTRIE HORLOGÈRE SUISSE EST DEVENUE UNE OLIGARCHIE»

Jean-Claude Biver, LVMH

NOS QUESTIONS

POLARISATION Il y a un grand fossé, une grande polarisation, entre d’un côté le succès hégémonique de Rolex, Patek Philippe et quelques rares autres au sommet de la pyramide mécanique, et de l’autre l’Apple Watch en passe de devenir la nouvelle montre de référence quotidienne du XXIème siècle. Que reste-t-il aux acteurs qui se trouvent entre ces deux pôles?

Jean-Christophe Babin, Bulgari

«LE SEGMENT HAUT DE GAMME NE PEUT PAS EXISTER SANS TOUT LE RESTE DE L'INDUSTRIE» Andreas Leibundgut, Delma

(…)

«L'OBSESSION ENVERS LE MARCHÉ CHINOIS PÉNALISE LE RESTE DU MARCHÉ HORLOGER»

(…)

Andrew Block, Second Time Partners

«LA COMPLEXITÉ EST LA NOUVELLE NORMALITÉ» Vijesh Rajan, Favre-Leuba

«LES MARQUES SUISSES ONT LAISSÉ UN TROP GRAND ESPACE AUX SITES WEB GÉNÉRIQUES»

«LES MARQUES COMMENCENT SEULEMENT À COMPRENDRE LES MÉCANISME DU E-COMMERCE» Stéphane Waser, Maurice Lacroix

Mario Peserico, Eberhard & Co

(…)

«CHAQUE SEMAINE JE VOIS DES PROPRIÉTAIRES DE MONTRES DE PRESTIGE SE TOURNER VERS LES MONTRES CONNECTÉES» Max Büsser, MB&F


DOSSIER FUTUR

EUROPA STAR PREMIÈRE | 9

DÉCOUVREZ LES COMMENTAIRES EXHAUSTIFS DE TOUS LES INTERVENANTS DE NOTRE PANEL DANS NOTRE ÉDITION INTERNATIONALE EN ANGLAIS

EUROPA STAR GLOBAL 5/19

(…)

«LE SERVICE APRÈSVENTE EST AUJOURD'HUI TOTALEMENT NÉGLIGÉ» Christophe Musy, Mauron Musy

«LES SUISSES DEVRAIENT ÊTRE NOS MEILLEURS AMBASSADEURS, MAIS LA PLUPART NE CONNAISSENT RIEN AUX MONTRES» Yvan Arpa, Artya

«VOUS CRÉEZ UNE COMMUNAUTÉ DE FIDÈLES, PAS SEULEMENT D’ACHETEURS» Olivier R. Müller, LuxeConsult

Fred Levin, Troverie

«LA MONTRE CONNECTÉE DEVIENT UN INSTRUMENT AU SERVICE DE LA SANTÉ» René Weber, Vontobel

(…)

«LES MILLENIALS ET LE CROWFUNDING OUVRENT DE NOUVELLES VOIES PROMETTEUSES» Thierry Huron, Mercury Project

«COMME LA CLIENTÈLE N'EST PLUS EN EXPANSION, TOUT LE MONDE SE TOURNE VERS LA VENTE EN DIRECT»

(…)

«TOUS LES PRODUITS QUI SE VENDENT SUR UNE IMAGE DÉVELOPPENT RAPIDEMENT LEUR PROPRE MARCHÉ PRE-OWNED»

Thomas Baillod, Mercari Academy

«NOUS SOMMES PRÊTS À BOULEVERSER LE MARCHÉ DU PRE-OWNED» Odilo Lamprecht, Bucherer

«NOUS ÉTIONS NÉGLIGÉS, PUIS CRAINTS, MAIS DÉSORMAIS LES CHOSES CHANGENT ENFIN» Philipp Man, Chronext

«AUJOURD’HUI LES PRIX DU MARCHÉ CHANGENT BIEN PLUS RAPIDEMENT»

«CERTAINS GROUPES AJUSTENT LEURS PROGRAMMES DE BONUS POUR QUE LES MANAGERS ARRÊTENT DE SUR-LIVRER LES VENDEURS»

«CE QU'IL MANQUAIT, C'ÉTAIT UN LIEN CRÉDIBLE ENTRE LA DEMANDE ET L'OFFRE»

Tim Stracke, Chrono24

Joachim Ziegler, Les Ambassadeurs

«CE N'EST PAS SEULEMENT L'APPLE WATCH: L'IPHONE EST UN FORT COMPÉTITEUR POUR CEUX QUI VISENT LES MILLENIALS» Georges Brunet, ZRC

Paul Altieri, Bob’s Watches

(…)

«NOUS UTILISONS TOUTE LA FORCE DES OUTILS DE TRACKING ET DU BIG DATA» Susanne Hurni,WatchBox Switzerland


DOSSIER FUTUR

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La stratégie de la niche

Un entretien avec Manuel Emch un accessoire. Un accessoire statutaire et émotionnel qui dit beaucoup sur vous et raconte des histoires. Et puis, dans un monde technologique aux évolutions si rapides, l’homme se sent déstabilisé. L’objet anachronique qu’est la montre traditionnelle, «faite main», a quelque chose de rassurant, apporte une forme de stabilité dans un monde mouvant à grande vitesse. Elle est un produit émotionnel. Et, preuve supplémentaire qu’elle continue à attirer fortement, il suffit de voir le nombre d’initiatives, de lancements de nouvelles marques, notamment via un Kickstarter. Il y aura beaucoup d'échecs, mais il y a de la place pour la vision, l’innovation, la créativité. A condition d’être honnête, transparent et courageux.»

Dans son parcours, Manuel Emch a fait revivre, pendant 9 ans, la marque Jaquet Droz en tant que PDG et directeur artistique. Pendant ses années au Swatch Group, il a aussi été membre de la direction élargie du groupe et de la direction de Swatch. Il a ensuite redynamisé pendant 7 ans RJ-Romain Jérôme pour en faire une marque disruptive. Il est désormais consultant indépendant auprès de diverses marques, notamment Louis Erard - lire en page 16. Propos recueillis par Pierre Maillard

A propos de la grande polarisation entre d’un côté les «booming four» et de l’autre Apple «Que reste-t-il aux acteurs qui se situent entre ce marteau et cet enclume? Quel espace entre les «booming four», soit Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet, Ricahrd Mille, quelques marques du moyen de gamme et à l’autre pôle Apple? Aux USA, pour la première fois, le digital et dépassé l’analogique, le soft a dépassé le hard. Ça avance à marche forcée. Mais que les Suisses ne se plaignent pas. Ceux qui auraient pu faire face il y a dix ans ne l’ont pas fait – je pense avant tout à Swatch -, et maintenant il est trop tard. Est-ce un manque de vision? De la suffisance? Ironiquement, Swatch qui a déjà sauvé l’horlogerie suisse une première fois en créant un concept en rupture et en avance sur son temps n'a pas réitéré le geste. Elle n'a pas su innover et elle est donc une des grandes perdantes.»

Sur la prise de risque «Il manque à l’horlogerie suisse une culture de la prise de risque. Une

culture non pas managériale mais entrepreneuriale. Le train Apple est passé. Se battre sur une technologie sans en avoir ni les compétences ni les outils technologiques est perdu d’avance. Ce n’est pas une vision pessimiste mais tout simplement réaliste. La bataille est terminée, il convient de se remettre en question profondément. Il faut oser des choses différentes. Il faut faire des choix et prendre des risques. Dans le segment moyen, et bien au-delà, toutes les marques qui n’ont pas un positionnement clair et assumé sont perdantes. Comme me le disait un de mes mentors, ‘Pour construire, il faut d’abord déconstruire’.»

Sur le succès du vintage et du pre-owned «L’horlogerie suisse a longtemps été sourde et la porte d’accès aux nouvelles montres est devenue de plus en plus inatteignable pour beaucoup. D’un côté on a créé du désir et de l’autre on a mis l’objet hors de portée. Alors, le client a trouvé une solution dans le vintage où il pouvait trouver des montres historiques, émotionnelles, fiables techniquement, à des prix bien moins chers tout en représentant un investissement. Les marques y ont vu une opportunité de revenu important, et ont monté leurs départements preowned poursaisir ce marché. C’est un peu paradoxal car ce sont souvent ces mêmes marques qui ont provoqué cette situation.»

Sur le délitement du tissu horloger «La période est difficile et, sans doute et à regret, il y aura des dégâts dans l’emploi – pas tout de suite mas ça va progressivement s’éroder -, la formation, mais aussi le tissu industriel, donc la créativité elle-même. Et sans elle, impossible de s’en sortir. Le risque est grand d’une perte ainsi des savoir-faire. Mais le pire serait de s’y résigner. Il faut repenser tout le modèle, penser de manière iconoclaste car demain, la polarisation va encore grandir. Nous sommes face, bien au-delà de la seule horlogerie, à une large transition impossible à parer.»

L’horlogerie est-elle passée de mode? «Dire de l’horlogerie qu’elle est passée de mode est exagéré. La poursuite de ses succès repose sur un constat: la montre mécanique n’est plus seulement un instrument mais

A propos de la stratégie de la niche Collectionneur d'art contemporain, Manuel Emch a collaboré avec de nombreux artistes. Ici une montre Skull créée par l'artiste suisse John Armleder pour RJ Romain Jérôme alors dirigée par Manuel Emch.

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«Les grands groupes sont désormais pilotés par des logiques avant tout financières. Il n’y a plus de asset de vision, de courage et de confrontation. J’ai tout appris d’un vrai entrepreneur, qui bousculait les conventions, avait de l'audace, qui osait (ndlr Nicolas G. Hayek). Le futur de la créativité repose désormais entre les mains des petites structures. Elle passe par des propositions qui ne cherchent pas le plus petit commun dénominateur pour tenter de plaire au plus grand nombre mais qui se distinguent par leur créativité et leur audace. Il n’existe pas de formule miracle du succès. Il faut prendre le risque d'oser, d'innover. Avoir un regard iconoclaste. Se différencier. Ne pas avoir peur de la niche, bien au contraire. Tout ce qui restera dans l’entre-deux, tout ce qui est de l’eau tiède est condamné. Alors, vive la niche. Vive la différence.»


DOSSIER FUTUR

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«Quoiqu’il arrive, il restera l’horlogerie, la vraie» Un entretien avec Guy Sémon Physicien, mathématicien et homme de terrain, Guy Sémon est sans doute une des têtes chercheuses les plus brillantes de l’horlogerie. On lui doit notamment la mise au point de la V4 de TAG Heuer, les chronographes précis au 1/1’000e puis au 5/10’000e de seconde, la TAG Heuer Connected, la création de nouveaux échappements révolutionnaires, comme le Pendulum ou, plus récemment, le régulateur à lame de la Defy de Zenith, ou encore, le spiral en nanotubes de carbone, pour ne citer que quelques exemples.

«Le quartz, c’est Kodak. Et la mécanique, la peinture» «L’évolution de l’horlogerie suisse? Elle tient en quelques chiffres: en 2010, la Suisse produisait 30 millions de montres dont 4 millions de montres mécaniques. En 2018, elle n’en produit plus que 21 millions, dont 8 millions de mécaniques. Le quartz a reculé d’un tiers en 8 ans, et ce n’est pas fini. Autre comparaison: en 2000, 85% de la valeur de l’horlogerie suisse se répartissait entre 15 marques. En 2018, 85% de la valeur se répartit entre 7 marques, qu’on estime ainsi: Rolex à 7 milliards, Cartier à 4 milliards (mais avec la joaillerie), Tissot et Longines à 3 milliards à eux deux, Omega à 2,5 milliards, Patek Philippe à 1,5 milliard et Audemars Piguet à 1 milliard. Soit 19 milliards au total. Les plus gros ont continué à accélérer, les autres ont désormais pris trop de retard. Et autre constat: toutes les marques dont les prix sont en-dessous de 4'000 francs perdent du terrain. On peut faire une comparaison: disons que le quartz, c’est Kodak. Et la mécanique la peinture. Kodak n’a pas pris le virage numérique et plus personne ne connaît ce nom qui était hégémonique et qu’on trouvait partout dans le monde. La peinture n’a pas eu à prendre ce virage et non seulement elle existe toujours mais elle atteint aujourd’hui des prix jamais vus.»

«Trop tard pour se reconnecter» «On a lancé la montre connectée TAG Heuer en 2015, c’était le bon moment. On en a vendu 120'000 en

trois ans, une opération très profitable en terme d’image, une belle opération marketing. Il y avait deux choses à ne pas louper: une incarnation horlogère, à travers un habillage digne de ce nom, et le Made in Switzerland. Avec le nouveau Swiss Made à 60%, il faut développer les logiciels en Suisse. Mais c’est impossible. La montre connectée fait

«A ces fantasmes, je réponds par une image: pour se déplacer, les Romains avaient des chars, avec des roues et un plateau. La traction animale a disparu au profit du moteur mais nous nous déplaçons toujours sur un plateau muni de roues.» Guy Sémon

partie d’un écosystème global et cet écosystème est totalement dominé par Apple. Il est trop tard désormais. Il ne reste que deux acteurs majeurs: Apple pour le côté lifestyle et Garmin pour le côté sportif. On oublie le Swiss Made connecté.»

Le poignet, simple transition pour la connexion? «Beaucoup disent maintenant que la connectée au poignet ce n’est que transitoire et qu’elle va migrer vers d’autres supports, voire s’hybrider physiquement. A ces fantasmes, je réponds par une image: pour se déplacer, les Romains avaient des chars, avec des roues et un plateau. La traction animale a disparu au

Le régulateur à lame mis au point par Guy Sémon et ses équipes de chercheurs est une véritable révolution horlogère, implémentée pour la première fois dans une montre Defy de Zenith.

profit du moteur mais nous nous déplaçons toujours sur un plateau muni de roues.»

«Trop de managers méconnaissent le terrain» «Le nouvel encadrement des grands groupes est désormais majoritairement composé d’experts en tableaux Excel et en présentations PowerPoint. Mais le terrain réel leur est devenu terra incognita. Une zone blanche. Quand j’étais directeur de TAG Heuer, j’allais régulièrement vendre moi-même incognito dans

les magasins. Rien de tel pour comprendre ce qui motive réellement les consommateurs. Aujourd’hui, ceux qui ont vraiment besoin d’une montre se raréfient systématiquement car l’heure est partout. Il ne restera bientôt que trois ou quatre catégories: ceux qui cherchent un cadeau à faire à l’occasion d’un événement particulier, et ça concerne tous les prix; les amateurs qui sont ignorants mais pleins d’argent à dépenser et qui privilégient le «bling bling» ou ce qui leur semble à la mode; les amateurs éclairés et les aficionados mais qui sont une population restreinte; et enfin les véritables collectionneurs, qui ne sont que quelques poignées.

La concentration sur quelques marques est forte car une très large part de la consommation va vers ce qui est déjà connu. La part moutonnière est dominante, notamment en Chine mais pas seulement.»

«La vraie horlogerie restera» «Quoiqu’il arrive, il restera l’horlogerie, la vraie, celle qui mélange intelligence des doigts et celle de l’esprit. Il y aura toujours des amateurs de choses qui incarnent ce que nous sommes et ce qui nous caractérise, l’intelligence et le temps. C’est pour cela que j’ai envie de créer encore et encore.»

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Une enseigne lumineuse un rayonnement 24/7 Crédit photo : Demir Sonmez

Propos recueillis par Pierre Maillard

+41 (0)22 343 02 02 info@force-promotion.ch

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DOSSIER FUTUR

12 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Une longueur d’avance

Un entretien avec Peter Stas, Frédérique Constant, Alpina & MMT Dans le même temps, à l’autre pôle, vous vendez chez Frédérique Constant un Quantième Perpétuel pour 3'850.- CHF. Un prix jamais vu pour cette complication horlogère.

La connectée? C’est 12% du chiffre d’affaires de Frédérique Constant et 35% d’Alpina. Avec la création de MMT, Peter Stas a pris une longueur d’avance dans la smartwatch. Et ce n’est pas fini. Mais ça ne l’empêche pas de proposer aussi un Quantième Perpétuel à un prix étonnant. Un grand écart? Non, une convergence. Propos recueillis par Pierre Maillard

Europa Star: En quoi la montre connectée représente-t-elle un danger pour l’industrie horlogère suisse? Peter Stas: A mon sens, et je l’avais déjà dit il y a trois ans lors du lancement de MMT (Manufacture Modules Technologies SA), si l’industrie horlogère suisse ne s’implique pas dans la montre connectée, elle va irrémédiablement accuser une baisse de plus en plus importante de ses ventes. Pour Frédérique Constant, la montre connectée représente déjà 12% de son chiffre d’affaires, et 35% chez Alpina. L’année prochaine, nous introduirons de nouvelles technologies qui vont encore renforcer ces pourcentages. A mon avis, et on le constate déjà sans que les statistiques officielles ne le démontrent encore, les montres au-dessus de 1'000.- CHF seront aussi touchées. La cannibalisation est progressive et va même affecter les marques du haut de gamme. Le retard est-il rattrapable? Une autre raison pour cette progression à mes yeux inévitable - et c’est là aussi une chance pour l’industrie – est que l’aspect santé va prendre une importance grandissante, surtout auprès d’un public au-dessus de 55 ans. Les algorithmes sont déjà développés mais pas encore implémentés. Mais graduellement, la montre connectée avec fonctions «santé» va devenir une pièce indispensable. Apple va y venir, mais le premier qui offrira de véritables solutions efficaces et fiables va remporter la mise. On parle là de millions de pièces par année. Le Swiss Made a une sérieuse carte à jouer dans ce domaine car il s’accompagne non seulement d’un savoir-faire dans l’habillage – pourquoi une montre «santé» resterait-elle moche? - mais est aussi synonyme de rassurante fiabilité et de qualité. Preuve que le monde médical s’y intéresse vivement, nous sommes en discussion avec des assurances maladie en Allemagne pour des

Le marché est difficile, pour tout le monde. Il faut proposer des pièces innovantes, de forte valeur prix/ qualité. C’est plus important que jamais. En l’occurrence, c’est une série limitée pour notre 30ème anniversaire. Il y a tout un public de collectionneurs que ça intéresse fortement. C’est du haut de gamme mécanique à un prix abordable. A l’autre pôle, on voit que la montre connectée elle aussi monte en gamme. Les collections Garmin Marq, par exemple, s’affichent entre €2'000 et €3'000. Le connecté grimpe dans «notre coin». Dans ce que l’horlogerie suisse pensait être son pré carré. Et les marques de la montre connectée sont de plus en plus réactives. C’est malheureux, mais le quartz est touché de plein fouet. On trouve aussi des Garmin à €200.-, de quoi faire sérieusement hésiter le jeune homme. A la place de certains, je me ferais beaucoup de souci. Mais avec la Swissness, la qualité induite, le savoir-faire, l’horlogerie suisse peut et doit encore rencontrer plein succès.

montres qu’elles aimeraient acheter directement pour pouvoir les proposer à leurs assurés. C’est un marché potentiellement énorme. Aujourd’hui, on produit déjà, Chine comprise, environ 150 millions de montres connectées par an. Il n’y aura pas de retour en arrière. Un véritable «élément de langage» qu’on entend de plus en plus dans la bouche de responsables horlogers est de dire que la montre connectée portée au poignet n’est que transitoire. Que ses fonctions vont migrer ailleurs…? Migrer? Oui, la connexion va s’intégrer aux vêtements, aux lunettes… Ça va aussi venir mais, après 4 ans d’expérience, je peux vous dire qu’obtenir des mesures fiables avec une montre au poignet, un emplacement pourtant idéal, est déjà une tâche difficile. Et puis, dans une montre, même si c’est un tout petit objet, on a singulièrement de la place, l’espace pour y mettre une batterie fiable, un écran sous un véritable cadran, un module mécanique et un module électronique… Tout ça est possible dans une boîte de montre et, d’ailleurs, nous allons sortir une montre connectée Dame de 36 mm. Mais dans des lunettes, ce n’est pas possible, il n’y a pas l’espace suffisant, c’est trop petit, comment y loger une pile digne de ce nom, et pas très fiable. On peut aussi imaginer l’oreille, mais là à nouveau, c’est trop petit, trop fragile. Il faut réfléchir différemment. Aujourd’hui 95% des montres connectées sont encore des espèces de boîtes noires. Mais avec MMT, nous proposons d’autres solutions, avec des pièces comportant de vrais cadrans, de vraies aiguilles. Je peux vous dire que le nombre de marques qui s’y intéressent, et parmi les plus importantes, ne cesse de grandir. Comment expliquez-vous que vous soyez une des rares marques suisses à avoir vraiment investi ainsi dans ce domaine? Sans doute est-ce parce que je viens d’ailleurs. Au Pays-Bas, j’ai travaillé pendant 8 ans chez Philips, ce qui

«La cannibalisation est progressive et va même affecter les marques du haut de gamme.» Peter Stas m’a donné certaines connaissances, en électronique notamment. Et puis je me suis lancé en horlogerie, en Hollande, en pleine crise du quartz. J’ai aussi étudié le phénomène de la Swatch, dans le cadre de l’Harvard Business School, et je me souviens que Nicolas Hayek disait alors que pour avoir du succès, l’horlogerie suisse devait être forte dans tous les secteurs, du haut au bas de gamme. C’est une leçon qui vaut toujours. Et il manque une culture du risque. Quand il y a opportunité, il a aussi toujours risque. Mais je sens que le ton change. J’ai récemment parlé avec 5 ou 6 CEO d’entreprises importantes et ai pu constater que la discussion est désormais différente, ils sont plus ouverts… Pourtant dès le début notre porte était ouverte. MMT est devenue ma priorité et celle de ma femme Aletta. Nous allons nous y consacrer de façon centrale.

AlpinerX Mike Goulian Edition


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EUROPA STAR PREMIÈRE | 13

«On forme des opérateurs CNC mais on ne sait plus utiliser une simple lime» Un entretien avec Stephen Forsey Greubel Forsey a tout récemment présenté sa pièce Hand Made 1. Comme son nom l’indique, cette montre d’exception a été presque intégralement (à 95%) réalisée à la main. A cette occasion, Europa Star a rencontré Stephen Forsey qui nous a fait part du constant effort de Greubel Forsey pour la préservation des savoir-faire. Une préoccupation qui vise paradoxalement à assurer le futur.

est en train de sortir de la société de l’image, du marketing et cette évolution concerne tous les produits. Au «tout-connecté» répond un désir grandissant de se déconnecter et de retrouver le réel. Est-ce au nom de cette «authenticité» que vous vous êtes lancés dans la réalisation de la Hand Made 1? Notre grand avantage est que Robert Greubel et moi ne sommes pas dans une démarche produit commerciale. Notre motivation est ailleurs. Notre passion, c’est la création, les métiers, les savoir-faire, les gens. Nous tenons avant tout à préserver notre liberté créative et donc à nous compromettre le moins possible. Dans cet esprit, nous ne travaillons pas avec un cahier des charges préalable. Nous nous lançons dans des projets inconnus, sans savoir combien de temps ça nous prendra. Nous nous posons des défis et tentons de les résoudre un après l’autre. Faire une montre intégralement à la main est aujourd’hui un sacré défi. Pourquoi se passer des CNC, par exemple?

Hand Made 1

Propos recueillis par Pierre Maillard

Europa Star: On pensait le très haut de gamme épargné par les tumultes et les disruptions qui agitent aujourd’hui l’horlogerie suisse et la contraignent à repenser ses bases. Tel n’est pas le cas? Stephen Forsey: Ce n’est pas parce que nous sommes situés au haut de l’échelle que nous serions immunisés contre l’air du temps. Nous ne sommes pas sur une île. Nous sommes dans l’horlogerie, qui est un tout.

L’arrivée de la montre connectée n’a pourtant aucune incidence directe sur vous… Je pense que c’est juste un passage technologique, que la technologie va poursuivre son évolution et que ce qu’on appelle aujourd’hui la «montre» connectée – en fait ce n’est pas une montre, c’est un terminal – va devenir tout à fait autre chose et, sans doute, finir par quitter le poignet qu’elle occupe aujourd’hui au détriment de la montre traditionnelle. Et puis, par ailleurs, l’ensemble de la société évolue vers plus d’authenticité. On

Le risque de perte de savoir-faire est très préoccupant. Aujourd’hui, on forme moins et moins bien. C’est une vraie inquiétude et un problème complexe. Certaines écoles d’horlogerie ne procurent plus de formations pratiques, il n’y a plus de «montre d’école». On forme des opérateurs CNC mais on ne sait plus utiliser une simple lime. Les écoles sont au service de l’industrie et l’industrie a d’autres besoins que de former des horlogers complets. On peut comprendre qu’ils ne veulent pas former de futurs chômeurs, Mais nous pensons qu’il est très important, pour le long terme, de perpétuer les savoir-faire traditionnels. Ceci dit, ce n’est pas simple, ça demande beaucoup d’efforts et très peu, parmi les grands, soutiennent ces initiatives. Or, pour retrouver les savoir-faire, il est indispensable de revenir à la main. L’embryon de la Hand Made 1 est à trouver dans le projet «Naissance d’une montre»? Oui, «Naissance d’une montre», menée avec la Fondation Time Aeon et, notamment, Philippe Dufour a été le stimulant de départ pour ce projet. Onze montres ont été ainsi réalisées, avec toutes sortes de collaborations dont une école d’horlogerie finlandaise, et, grâce à cette démarche, nous avons recréé une véritable communauté horlogère. La vente aux en-

chères à 1,5 million de CHF de la première montre, acquise par un collectionneur chinois, a montré que l’intérêt pour une telle démarche était fort. Cette montre était à 70%, 75% faite main. Nous voulions de notre côté aller plus loin, passer à 95%. Aujourd’hui, seuls 5 composants sur 308 ne sont pas faits main: le verre saphir, les barrettes du bracelet, le ressort de barillet, les joints et les pierres. Notre idée est d’en faire une référence, un benchmark de la montre faite main. D’ailleurs nous ne la signons pas Swiss Made mais Hand Made ! Cependant, industrialiser veut aussi souvent dire atteindre une plus grande et constante fiabilité. Dès le départ, notre exigence a été de garantir la même fiabilité qu’à tous notre autres produits, la même précision des composants. Ceci dit, l’approche de la fabrication d’une pièce est totalement différente. Par exemple, nous travaillons avec une vieille pointeuse 3 axes guidée à la main et nous parvenons à des tolérances identiques, de l’ordre de 2 microns. Mais si on prend une semaine pour bien régler une CNC, après ça roule tout seul Tandis que là, il nous faut 2 semaines en-

«Aujourd’hui, seuls 5 composants sur 308 ne sont pas faits main: le verre saphir, les barrettes du bracelet, le ressort de barillet, les joints et les pierres.» Stephen Forsey tières pour faire une seule platine, et pour en réaliser trois nous partons avec un lot de 6. Au total, une montre intégralement faite main, ce sont 6'000 heures de travail, 3 années/homme. Votre travail est exemplaire, mais ce n’est pas là un modèle pour la perpétuation de l’horlogerie suisse! Evidemment. Nous allons pouvoir faire une à deux montres à la main par année. Mais comme je vous l’ai dit, nous voulons aussi établir une référence et, surtout, nous espérons que les savoir-faire continueront ainsi à être transmis et à rester vivants. Et ça, pensons-nous, est une contribution essentielle, vitale même pour la poursuite de la belle horlogerie suisse.


DOSSIER FUTUR

14 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Ice-Watch: alliance stratégique avec Citizen ajouter un nouveau message écologique pour faire face aux défis de demain. Notre force face à la concurrence et aux nouveaux acteurs est d’avoir déjà une marque solide et des réseaux de distribution bien établis, par rapport aux marques qui ne dépendent que des réseaux sociaux.

La marque belge devient le distributeur exclusif de la marque japonaise sur les marchés français et belge. Mais la relation va au-delà de cet accord et recouvre plusieurs facettes, tant industrielles que commerciales. Rencontre avec Jean-Pierre Lutgen, fondateur de Ice-Watch. Propos recueillis par Serge Maillard

ron 900 points de vente en France et 6’000 dans le monde.

En quoi consiste votre rapprochement avec Citizen?

Où se situent les principaux marchés d’Ice-Watch?

Nous avons déjà l’intégralité de nos modèles équipés de calibres Miyota (Citizen), qui sont pour moi les meilleurs mouvements quartz du monde pour l’entrée de gamme. De plus nous devenons désormais les distributeurs de Citizen sur les marchés français et belge. Nos liens sont toujours plus étroits et vont aussi aboutir en avril prochain à un projet très ambitieux. Nous gardons la surprise pour Baselworld.

En Europe. Le pays le plus fort est la France, devant la Belgique, les PaysBas, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ou encore la Pologne. Nous avons également une présence au Japon et en Asie du Sud-Est. La marque n’est pas développée aux Etats-Unis, où la montre en plastique n’a jamais vraiment pris et où nous faisons face à des acteurs géants comme Fossil ou Timex qui produisent des modèles à prix extrêmement bas sur une grosse distribution de type Walmart. Comment vous positionnez-vous sur le marché français?

«Nos liens avec Citizen sont toujours plus étroits et vont aussi aboutir en avril prochain à un projet très ambitieux. Nous gardons la surprise pour Baselworld.» Jean-Pierre Lutgen Devenir distributeur, c’est un nouveau métier pour vous? Excepté la France et la Belgique, où nous jouons «à domicile», nous n’avons jamais voulu distribuer nousmêmes nos produits. En Allemagne nous avons par exemple un nouveau partenaire, ILG Germany GmbH, une filiale du Groupe ILG. Entre 2000 et 2011, il y a eu une décennie où l’on devait ouvrir des points de vente à grande vitesse et partout pour répondre à la forte concurrence sur notre créneau de la montre colorée en plastique abordable, qui était alors très en vogue. La marque a atteint son «pic» en 2011-2012. Aujourd’hui, sur la montre en plastique entrée de gamme, il ne reste que trois acteurs majeurs: Ice-Watch, Swatch et Casio. Nous avons envi-

Si l’on regarde le tableau des marques évoluant à moins de 1’000 euros en sell-out, Ice-Watch se classe cinquième en valeur et deuxième en nombre d’unités vendues. Sur cette gamme de prix, les volumes généraux sont en baisse, mais cela est compensé par une augmentation du prix de vente moyen. Quelles sont vos performances actuelles en France? J’espère que nous serons d’ici la fin de l’année la première marque vendue en France en nombre d’unités, dans le segment de la montre à moins de 1’000 euros. Notre gamme va dès 59 euros jusqu’à 169 euros. En valeur, nous sommes restés stables l’an dernier à plus de 5% de part de marché du segment sous les 1’000 euros. Si l’on isole la catégorie de 50 à 99 euros, nous devenons la première marque, avec 16% de parts de marché. Il y a de nouvelles marques qui nous copient, mais elles font peu de volumes. Par ailleurs, nous avons beaucoup plus de ventes de montres féminines que masculines et nous voulons augmenter notre positionnement sur la montre masculine. Qui sont vos principaux concurrents? Sur notre créneau, il y a trois catégories de marques. D’abord, les nouveaux acteurs comme Cluse ou Daniel Wellington, dont le destin dépend des réseaux sociaux. Ensuite, les marques fashion sous licence

C’est là aussi qu’intervient le partenariat avec Citizen… Gardons encore un peu le secret sur notre collaboration. Concrètement pour aboutir à ce nouveau message, nous allons aussi repenser notre supply chain pour intégrer des éléments plus écologiques! On passe sur un autre axe, où la compétition est différente. Un groupe parmi notre centaine d’employés est aussi en train d’évaluer comment nous pouvons être plus écologique dans notre mode d’opération et réduire notre empreinte carbone.

«Ice-Watch n’a jamais voulu se lancer dans la montre connectée. Notre gamme de prix ne nous le permet pas, la marge opérationnelle serait trop faible et nous ne disposons pas de la technologie comme Michael Kors, Guess, Diesel, logique rapide des montres connec- et du savoir-faire.» Hugo Boss ou Tommy Hilfiger, dont le destin horloger dépend de la situation de leur «marque-mère». Enfin, on trouve les marques purement horlogères, comme Casio, Seiko, Swatch, Festina, Pierre Lannier, Tissot, Fossil ou Ice-Watch. Ce sont les marques les plus stables, même sur le créneau de l’entrée de gamme, car nous ne dépendons pas des réseaux sociaux ni des fluctuations d’une maison-mère. Il ne faut pas non plus oublier que nos concurrents sont également des produits non horlogers: les achats «impulsifs» aux alentours de 100 euros... Partout, en Chine, en Europe ou aux Etats-Unis, on voit l’Apple Watch. Quelles mesures prenez-vous pour ne pas vous faire dépasser? C’est sûr que c’est la «folie» de la smartwatch en ce moment! IceWatch n’a jamais voulu se lancer dans la montre connectée pour plusieurs raisons. D’une part, notre gamme de prix ne nous le permet pas: nous évoluons jusqu’à 169 euros, or les montres connectées sont plus chères. Par ailleurs, la marge opérationnelle serait trop faible sans bénéficier d’une distribution directe. Enfin, nous ne disposons pas de la technologie et du savoir-faire. Citizen nous a certes proposé un projet conjoint avec Fossil mais la question de l’obsolescence techno-

tées nous y a fait renoncer.

Alors, quel positionnement pour Ice-Watch afin d’assurer l’avenir de la marque? Mon point de vue est que derrière toute marque, il y a un message et une fonction. Si vous n’avez pas de message, vous êtes mort. Du côté de la fonction, la montre connectée nous met hors course, car elle est autonome et multifonctionnelle. Demain on utilisera sa montre connectée pour pouvoir tout faire. C’est un outil génial! Le message derrière cela, c’est de montrer qu’on est à jour technologiquement, actif et sportif. Il n’empêche qu’il reste d’autres messages que l’on peut faire passer. Que ce soit dans le très haut de gamme ou le fashion, la montre reste l’un des seuls objets permettant de révéler une partie de sa personnalité et de faire passer des messages. Donc à nous de créer de nouveaux messages ou des messages différents. Quel sera donc votre nouveau message? Notre message dès l’an prochain ne portera pas sur l’électronique ou la performance technologique, mais sur l’écologie. Au départ, le message d’Ice-Watch, c’était la couleur, le côté abordable, la famille, l’ouverture au monde, la musique... Nous allons

En attendant, cette année, vous avez surtout développé vos lignes en métal. Oui. On avait déjà tenté de le faire dans le passé, mais on ne s’était pas positionné sur le bon prix ni sur le bon design. Aujourd’hui, avec un prix allant de 109 à 169 euros, un mouvement Miyota et des pierres Swarovski, on offre un produit de bonne qualité. Cela nous permet d’entrer sur un nouveau créneau, qui représente 80% du marché, où la compétition est différente. Le plastique reste minoritaire dans l’industrie. Vous avez produit des designs à lunettes bicolores que l’on voit beaucoup sur le marché… C’est un design iconique, on le retrouve chez des dizaines de marques. On a d’ailleurs démarré en 20062007 sur ce design avec la fameuse ICE forever. Quand on n’a pas d’argent, on va acheter une petite gouache et dix ans après on achètera une belle huile: notre produit est un clin d’œil au luxe, le début d’une histoire, d’une envie, entre une montre et un amateur qui continuera ses achats vers le luxe suivant l’évolution de ses moyens.


#t heo rig in a l #un limited #illum in a tion

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DOSSIER FUTUR

16 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Comment Louis Erard opère sa mue De l’entrée de gamme de la montre mécanique à l’entrée de gamme dans l’excellence horlogère, c’est en résumé tout le parcours de Louis Erard depuis 2004. Alain Spinedi nous détaille les raisons et les effets de la crise multiforme qui touche les marques mécaniques suisses de premier prix, et explique comment la stratégie de la marque s’adapte aux nouvelles donnes. par

Pierre Maillard

Pilotée depuis 2004 par Alain Spinedi, la stratégie de Louis Erard était au départ considérée comme innovante et astucieuse, avec son positionnement clairement situé à «l’entrée de gamme de la montre mécanique suisse». Pendant les dix ans qui ont suivi, ce positionnement a porté ses fruits, la marque écoulant jusqu’à 20'000 montres par an.

Alain Spinedi

Apparemment, ce nouveau mot d’ordre de «l’entrée de gamme de l’excellence horlogère» semble effectivement trouver bon accueil auprès de la distribution. Mais cette stratégie a commencé à être graduellement mise à mal. En cause, plusieurs facteurs concomitants. Parmi ceux-ci, le premier, selon Alain Spinedi, est l’augmentation des prix décidée par ETA. Un seul exemple: le prix d’un mouvement Valjoux est passé rapidement de 150 à 300 francs. Une augmentation non seulement difficile à répercuter pour des pièces d’entrée de gamme mécanique mais aussi procurant au Swatch Group un avantage concurrentiel évident. Dans le même temps, le franc suisse prenait l’ascenseur, renchérissant mécaniquement le prix des pièces. A ces éléments extérieurs s’ajoutent aussi des erreurs internes, ce qu’Alain Spinedi admet volontiers. Ainsi la décision de rompre avec la stratégie initiale du tout mécanique, en introduisant des montres Dame quartz puis en commen-

çant à produire des pièces Homme quartz. Pour conséquence, si le prix moyen a pu être abaissé, nulle création de valeur ni forte augmentation en volume ne sont venues s’ajouter. Selon ses propres dires, «la marque s’est ainsi appauvrie, dans tous les sens du terme».

Le poids de la distribution Parallèlement, la distribution a commencé à subir des changements qui se sont avérés radicaux. Dans le monde entier, et pour des raisons différentes, la distribution traditionnelle a disparu. En Suisse, par exemple, marché sur lequel Louis Erard réalise 1/3 de son chiffre d’affaires, le maillage des petites villes (les clients-détaillants B et C, comme on le dit dans le jargon) s’est détricoté au fil des fermetures de petits magasins multimarques. Cessations d’activité sans reprise, fermetures face à la concurrence conjointe des villes, des centres commerciaux et à la montée du e-commerce, changements sociétaux. Peu à peu, toutes les petites villes sont tombées. En Asie, en Malaisie par exemple, ce sont les ouvertures successives de boutiques en nom propre, de malls de plus en plus hégémoniques, qui ont fait passer la marque de 13 points de vente à seulement 6. «Avec toute la question des stocks à gérer, retardant l’entrée de nouvelles pièces sur le marché», souligne Alain Spinedi.

Et la pomme, en plus A tout ceci, l’arrivée de la montre connectée, tout principalement sa version «haut de gamme» hégémonique, l’Apple Watch, a donné un coup de balai supplémentaire. Lucide, Alain Spinedi se pose la question: «Pour quelqu’un de la classe moyenne, aujourd’hui, qu’estce qui vaut mieux? Ne serait-ce pas une bonne idée d’apparaître dans le coup en portant une Apple au poignet plutôt qu’une montre mécanique somme toute obsolète?» Et d’insister: «Il y a un changement profond dans les modes de consommation. Louis Erard était fondé

Louis Erard Le Régulateur, revisité par Alain Silberstein

sur un choix rationnel, de prix, de qualité de beau design. Le client en avait ‘pour son argent. Mais on n’est plus dans le rationnel. On est dans l’émotionnel, disent-ils tous. Désormais, il faut entourer le produit de toute une histoire. Il ne suffit plus à lui-même. Il faut se glisser dans les réseaux sociaux pour y raconter des histoires, toutes sortes d’histoires. On a d’ailleurs raconté une histoire avec le club de football Leeds United, en mettant un peu de poussière de leur stade sur un cadran. Résultat? Zéro pièce vendue. Donc ce tournant, je ne dirai pas qu’on l’a raté, on a décidé de ne pas le prendre. Au prix de la terre du stade, ils préféraient aller boire des bières ou s’acheter une fois une Apple», finit-il en souriant.

Un nouveau concept «Avec Manuel Emch, (lire entretien en p. 10) nous avons initié une démarche plus affinée, qui nous

semble bien prendre. Manuel a repris toutes les bases de Louis Erard, et au premier plan le Régulateur, signe distinctif particulier de la marque. Tout ce qui était en-dessous de 1'200 francs a été sorti des collections. Le nombre de références est passé de 300 environ à une cinquantaine. Il n’y a plus aucun quartz et la collection est intégralement Homme, à l’exception d’une seule pièce Dame, la plus chère de notre gamme, à 4'000 francs.» Alain Spinedi précise la stratégie mise en place: «Notre offre se redéfinit comme étant l’entrée de gamme de l’excellence horlogère. Elle vise une clientèle A. Et pour ce faire, le produit doit être affiné, sa décoration plus poussée, sans exagération toutefois. Car à part quelques pièces particulières, aucune n’excèdera les 4'000 francs, le prix moyen s’étageant entre 1'200 et 3'500 francs. Nous revenons ainsi avec une collection limitée, une niche assumée. Des beaux produits de belle qualité, identifiables, un design reconnaissable.»

La croissance est terminée Comme il l’explique, à ses yeux, «la croissance horlogère telle qu’on l’a connue est tout simplement terminée. Et il n’y aura pas de sitôt de nouvelle Chine, qui d’ailleurs s’est sérieusement calmée. Alors, il faut choisir sa voie, s’y tenir. Revenir sur les marchés matures. Il faut à nouveau susciter l’envie, en le faisant par le produit. C’est le bon moment pour implémenter notre nouvelle stratégie.» Apparemment, ce nouveau mot d’ordre de «l’entrée de gamme de l’excellence horlogère» semble effectivement trouver bon accueil auprès de la distribution. Si Louis Erard a décidé de fermer certains marchés, d’autres reviennent ou de belles portes jusqu’alors fermées s’ouvrent. La stratégie de la «niche» (avec un objectif de 10'000 pièces) semble porter ses fruits.


DOSSIER FUTUR

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Swatch: un nouveau siège exceptionnel et beaucoup d’interrogations Le sublime «serpent» dessiné par l’architecte japonais Shigeru Ban pour Swatch a mis plus de huit ans à sortir de terre pour se dérouler sur la ville de Bienne. Il se déploie au moment où les ventes de la montre qui en son temps a «sauvé l’horlogerie suisse» piquent sérieusement du nez. Contribuera-t-il à leur redressement? par

Pierre Maillard

Le nouveau siège de Swatch est un bâtiment exceptionnel. Lors de l’inauguration, l’architecte japonais Shigeru Ban, récipiendaire du Pritzker Prize 2014 (le Nobel de l’architecture), insistait sur son histoire déjà longue avec le Swatch Group, pour lequel il a conçu l’emblématique bâtiment du groupe à Tokyo Ginza dès 2004, et l’intense collaboration indispensable pour parvenir à édifier un tel objet. On veut bien le croire sur paroles car le bâtiment – peut-on encore l’appeler ainsi? – est d’une grande beauté et offre des ambiances de travail exceptionnelles tout en singularisant architecturalement l’image décalée de la Swatch. Il englobe extérieur et intérieur dans une large forme reptilienne dont la tête vient se poser sur un second bâtiment, plus bas, abritant les musées Omega et Swatch. Les lignes architecturales tissent un ensemble organique. L’animal de 240 m de long et jusqu’à 35 m de largeur doit sa forme ondulante et courbe à une ossature de croisil-

lons de bois. Un grillage constitué de 4’600 poutres, avec chacune sa forme et son positionnement exact, modélisées une à une en 3D. Et si le bois a été choisi plutôt que le béton ou l’acier, c’est pour de nombreuses raisons - souci de durabilité et d’écologie, qualités phoniques, chaleur, «suissitude» - mais c’est aussi parce que le bois permet des découpes de grande précision, une telle structure devant être ajustée au millimètre malgré ses dimensions. La façade, toujours si l’on peut dire, de cette forme singulière et pourtant presque immédiatement familière, est constituée essentiellement de 2’800 éléments en nids d’abeille, dont les alvéoles opaques, translucides ou transparentes forment comme la peau écaillée d’un reptile légendaire. Certains de ces éléments s’ouvrent (en cas de fumée), d’autres, translucides, sont en forme de coussinets gonflés d’air, voire de verre transparent. Ici ou là surgit un balcon (pour les fumeurs). L’intérieur, quant à lui, constitué de plusieurs plateaux décalés, offre un paysage à la fois doux et vertigineux. On s’y sent comme absor-

bé dans un immense et vaste cocon de bois. Les open spaces, répartis en 4 étages ouverts sur 25’000 m2, sans solution de continuité entre les différentes fonctions créatives, organisationnelles, techniques, logistiques, offrent des espaces de travail immenses et pourtant chaleureux et diversifés. L’acoustique, favorisée par la présence du bois, semble excellente et permet des discussions feutrées à l’intérieur même de cet espace pourtant largement ouvert.

Enfin, le serpent lui-même vient poser sa tête sur un autre bâtiment, également dessiné par Shigeru Ban, la Cité du Temps. Il abrite le musée Omega au premier étage, le musée Swatch au deuxième étage et le Nicolas G. Hayek Conference Hall au quatrième étage, en forme d’ellipse et qui peut recevoir jusqu’à 400 personnes («exclusivement réservé au Swatch Group», précise le communiqué officiel).

Le serpent dans des eaux troublées Le paradoxe veut que cette inauguration d’un formidable bâtiment dont la construction a été décidée il y a presque dix ans intervient au moment même où la Swatch est en sérieuse phase de repli. A l’époque du concours, remporté en 2011 peu après le tsunami comme l’a rappelé Shigeru Ban lui-même, le Swatch Group battait tous ses records de vente en franchissant pour la première fois la barre de 7 milliards de francs suisses, une hausse de près de 11% par rapport à l’année précédente. Tel n’est plus le cas. Le chiffre d’affaires du premier semestre 2019 est en baisse de près de 4% et, quant à la Swatch elle-même, les estimations varient mais toutes pointent dans le même sens. Pour la Radio Télévision Suisse, Swatch aurait vendu entre 3 à 7 millions de montres en 2018 (une fourchette variant du simple au double...), contre 15 à 20 millions à son époque la plus glorieuse. Nick Hayek le reconnaît lui-même: «La marque Swatch elle seule ne

fait pas de brillants profits. Mais à l’intérieur du groupe, par ses commandes, notamment en micro-piles ou en micro-processeurs, elle crée du profit chez Renata ou chez EMMarin. Si l’on consolide tout ça, alors oui, la Swatch est profitable.» Nick Hayek met en cause aussi différents facteurs contribuant à cette baisse d’engouement pour la facétieuse montre d’entrée de gamme. Il n’écarte plus d’un revers de la main la menace de la montre connectée, qui s’impose graduellement mais très sûrement, répétant en passant que très prochainement Tissot aura ses fonctions connectées, via un OS maison. Mais il met en avant pêlemêle le délitement de la distribution, en soulignant que la Swatch est passée de 8’500 points de vente dans le monde en 2016 à moins de 5’000 aujourd’hui et que le e-commerce ne compense pas encore cette perte de points de vente physiques de près de 40%. Le serpent portera-t-il bonheur à la petite montre de plastique? Contribuera-t-il à ce que les projecteurs la poussent à nouveau à l’avant-scène? Certes un bâtiment ne peut pas tout ni suffire à renverser la vapeur. Mais, comme on l’a vu à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, le Rolex Learning Center, lui aussi sorte de «paysage de l’intérieur» aux formes organiques construit par d’autres Japonais (l’agence SANAA), a fortement contribué à rehausser l’école vers un plus haut niveau de reconnaissance internationale. Le serpent est symbole de régénérescence. L’avenir dira si ses pouvoirs auront agi.


DOSSIER FUTUR

18 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Hamilton: «Nous profitons à fond de la tendance du vintage» Alors que la montre connectée est visible absolument partout aux Etats-Unis, le plus américain des horloger suisses, Hamilton, connaît un fort regain de popularité dans le pays, surtout auprès de jeunes générations. Elle récolte les fruits d’une stratégie de long terme dont elle n’a pas dévié, autour de la montre mécanique abordable, d’inspiration vintage et pionnière dans le e-commerce, tout en bénéficiant du soutien industriel du Swatch Group. par

Serge Maillard

Depuis une année, Europa Star a inauguré une nouvelle présence aux Etats-Unis, permettant de mieux couvrir ce marché-clé (relire notre grand reportage de mars 2019 à ce sujet). L’Amérique est en train de redevenir la destination numéro un des exportations horlogères suisses dans le monde, dépassant Hong Kong en proie à l’incertitude géopolitique. Dans le même temps, on observe dans le pays un fort regain d’intérêt pour l’horlogerie mécanique de style vintage, cela alors même que l’Apple Watch ou la Fitbit sont visibles partout – lors d’un «état des lieux» de terrain, nous avons dénombré au moins l’un de ces modèles à chaque rangée d’un vol WashingtonDetroit récemment.

«Il faut faire attention, car on voit beaucoup de vintage galvaudé aujourd’hui. Des marques récentes qui font du vintage, cela n’a pas de sens.» Sylvain Dolla Pour Hamilton, une marque suisse aux racines américaines (propriété du Swatch Group, elle est née à Lancaster en Pennsylvanie en 1892), les étoiles sont en train de s’aligner. Très présente au cinéma, elle a depuis dix ans mis en place une stratégie autour de l’horlogerie méca-

nique abordable, sur un créneau entre 500 et 1'500 dollars, inspirée par des modèles de son riche passé américain, qu’il s’agisse de la Ventura d’Elvis Presley ou de la Khaki Field. Elle a aussi fortement misé sur les ventes en ligne, qui explosent dans le pays. Aujourd’hui, les Etats-Unis sont redevenus son marché numéro un, au coude-à-coude avec le Japon et l’Italie.

Le direct-toconsumer à 30% de croissance «Les réinterprétations de modèles iconiques avec une touche inspirée du passé sont quelque chose que nous avons toujours fait, souligne Sylvain Dolla, le CEO de Hamilton. Aujourd’hui, c’est dans l’air du temps mais nous ne le faisons ni davantage ni moins qu’avant. Nous bénéficions de la tendance d’un certain retour aux sources en matière de design, surtout auprès des jeunes générations. Par exemple la collection Khaki Field marche très bien comme cadeau de remise de diplômes aux Etats-Unis. La relance de la Boulton aux Etats-Unis s’annonce prometteuse.» Depuis près d’une décennie, Hamilton n’a pas dévié de sa ligne directrice, qui commence par la visibilité via le cinéma. Ses premières collaborations avec Hollywood ont débuté en 1932. Aujourd’hui, elles touchent tant le devant de la scène – cette année, on a pu voir la Ventura dans le nouvel opus Men in Black ou la Khaki Field Chrono dans la série Jack Ryan, ainsi que le lancement d’une version grand public de la Murph vue dans Interstellar – que les coulisses, via des collaborations avec des guildes de costumiers, des prix pour régisseurs ou des écoles de cinéma. «Nous avons gagné énormément de parts de marché en 2019 aux Etats-Unis, poursuit Sylvain Dolla. La combinaison entre visibilité au cinéma, esprit américain, mouve-

Khaki Pilot Pioneer Mechanical

ment mécanique, prix abordable et tendance vintage est gagnante. Le canal du direct-to-consumer numérique y est à +30% en comparaison annuelle. Par ailleurs nos grands partenaires ont réalisé de bonnes performances en ligne.»

Refus de rallier la montée en gamme généralisée La marque réalise malgré tout toujours 80% de ses ventes en boutique. Si le nombre de points de vente était double aux Etats-Unis il y a dix ans, Hamilton réalisait la moitié du chiffre d’affaires actuel,

confie le CEO: «Le travail de fond a été de se recentrer sur 360 points de vente performants, que ce soit des horlogers indépendants ou des chaînes régionales, ainsi que de développer la boutique en ligne.» La marque bénéficie aussi de sa stabilité au niveau des prix, alors que l’industrie a pris un ascenseur «stratosphérique» depuis le début du millénaire. «Le prix moyen n’a bougé que… d’un franc cette année, à 900 francs. Une montée en gamme me ferait peur: la gamme entre 500 et 1'500 francs offre un gros potentiel car il y a justement très peu de marques qui proposent aujourd’hui du mécanique à ce prix-là. Le quartz est secondaire, il représente environ 20% de nos volumes.» Avec

Chrono-Matic 50 Auto Chrono

ETA en soutien au sein du groupe, Hamilton a misé massivement sur le développement de calibres mécaniques et introduit également le spiral en silicium pour ses chronographes ainsi que le NivachronTM pour les mouvements trois aiguilles. Sylvain Dolla annonce pour l’an prochain une «nouvelle ligne pilote très contemporaine et moderne». Et en même temps, une «édition limitée d’une pièce révolutionnaire de l’histoire de l’horlogerie que nous avons retravaillée». Pour lui, l’essentiel est de travailler les deux axes en parallèle: «Il faut faire attention, car on voit beaucoup de vintage galvaudé aujourd’hui. Des marques récentes qui font du vintage, cela n’a pas de sens. Nous ne suivons pas la tendance.»


DOSSIER FUTUR

EUROPA STAR PREMIÈRE | 19

Armin Strom, Haute Horlogerie plus abordable Dans une démonstration de force pour son 10ème anniversaire, la marque horlogère indépendante gagne les sommets de la Haute Horlogerie avec le concept de résonance associé à une répétition minutes. Mais elle ne veut pas pour autant s’en tenir à des prix supersoniques et vise à offrir à l’avenir des produits artisanaux plus abordables, à l’image de la nouvelle Gravity Equal Force. Nous avons rencontré Serge Michel, le cofondateur d’Armin Strom. par

Serge Maillard

Quelles ont été les étapes les plus importantes pour la marque après dix ans d’existence? Nous célébrons en réalité les dix ans de notre premier calibre maison. Nous avions déjà repris en 2007 la succession de l’atelier de M. Armin Strom, qui fabriquait et vendait ses montres dans son village de Burgdorf, mais avec des calibres tiers. Après cette reprise, nous avons déménagé à Bienne. En 2009 à Baselworld nous avons finalement présenté notre première montre équipée d’un calibre manufacture. C’est cette étape, sans doute la plus importante de notre histoire, que nous célébrons aujourd’hui: le choix d’une indépendance assumée et forte. Un autre jalon primordial a été l’introduction d’un mouvement à

résonance en 2016. Quelle était la logique derrière cette innovation? Entre 2009 et 2016, avec mon associé Claude Greisler, nous avons développé un portfolio assez complet mais somme toute assez traditionnel de calibres maisons à complication. Il nous fallait trouver quelque chose d’unique. Et le développement de la résonance a été la piste que nous avons choisie. D’autres horlogers ont cependant aussi développé cette technologie et certains puristes ont critiqué l’utilisation du terme «résonance» en raison de la présence de ponts fixes… Oui, nous avons été attaqués, de manière assez «dirigée» par la concurrence. Mais je crois qu’aujourd’hui le débat est clos: le CSEM, qui fait autorité en la matière, a validé le concept de résonance avec la connexion physique de deux éléments.

Serge Michel et Claude Greisler, le duo à la tête d’Armin Strom.

La résonance a dans un premier temps été associée à un dual time. Et pour ses dix ans, à une répétition minute… Ce sont nos vrais «chefs d’œuvre»! Concernant la pièce anniversaire, nous en produisons dix avec un objectif qui n’était pas simplement technique mais aussi esthétique: comment laisser un bel espace à ces deux complications? Vous avez aussi lancé en 2017 un configurateur permettant d’aller assez loin dans la personnalisation des montres proposées. Quel en est le bilan? Ce système nous a permis de toucher une nouvelle génération d’acheteurs, avec la notion de «construire» son garde-temps, un objet qui vous ressemble. C’est aussi un outil ludique idéal pour découvrir la marque, il a donc également une portée marketing intéressante.

tissé un vaste réseau de détaillants indépendants. Le seul groupe avec lequel nous travaillons aujourd’hui est Watches of Switzerland aux Etats-Unis. L’industrie horlogère suisse est fortement bouleversée aujourd’hui: les grandes marques semblent de plus en plus fortes et vu la poussée de la montre connectée sur le bas de la pyramide, la branche se «replie» de plus en plus sur les valeurs sûres et le prix moyen augmente. Je n’ai pas cette impression que les grandes marques «capteraient» tout au final. Au contraire, je pense que des marques indépendantes comme Armin Strom gagnent du terrain.

Quand vous avez repris la compagnie de M. Strom il y a dix ans, celui-ci ne faisait que de la vente directe. Quels ont été les premiers détaillants à vous soutenir?

«C’est cette étape, sans doute la plus importante de notre histoire, que nous célébrons aujourd’hui: le choix d’une indépendance assumée et forte.»

Aux Etats-Unis, c’était la boutique David Orgell sur la côte Ouest. En Suisse, une petite boutique spécialisée dans les marques indépendantes. De manière générale, nous avons construit notre réseau de distribution autour de détaillants indépendants et non de groupes. En Asie du Sud-Est par exemple, nous avons

Nous offrons une belle alternative à des détaillants qui parfois perdent leurs partenaires historiques et accordent plus de visibilité et d’espace pour des marques indépendantes. C’est aussi le fruit d’une éducation toujours plus grande et d’une information toujours plus importante,

avec de vrais passionnés d’une horlogerie différente à travers le monde. Mais cela a un prix…. Oui! Et justement nous voulons agir en ce sens. Je ne crois pas que l’on puisse simplement dire: d’un côté il y a l’abordable, qui est connecté et standardisé, et de l’autre l’indépendance, l’artisanat mécanique, mais qui est hyper cher. Les montres connectées affectent certainement les montres à quartz et automatiques qui se situent au même niveau de prix. Mais il serait faux de pousser toujours plus haut les prix, par réaction. Où voyez-vous Armin Strom dans dix ans? Nous croyons fermement à des propositions de montres plus abordables de la part de marques indépendantes. Il y a tout un marché de passionnés de montres indépendantes mais qui n’ont pas les moyens de se les acheter. C’est un marché très prometteur que nous voulons conquérir. Nous présentons un nouveau modèle avec un prix d’entrée inférieur à ce que nous pratiquions jusqu’à présent, à 16’900 francs (voir la Gravity Equal Force ci-dessous). Nous augmenterons peut-être un peu nos volumes de production (un peu moins de 400 montres produites cette année, ndlr), mais nous n’irons pas à 4’000 montres! Avec le produit que nous avons, le marketing est aussi de plus en plus important, pour bien expliquer l’originalité de ce que nous faisons.

Armin Strom Gravity Equal Force


DOSSIER FUTUR

20 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Il est minuit moins cinq par

Qlocktwo

Pierre Maillard

Les horloges s’affolent, leurs aiguilles tournent dans tous les sens. Le temps semble désormais compté ou, plus exactement, le décompte «final» semble enclenché. De quoi parlons-nous? De l’état de la planète bien évidemment, de la santé de notre seule maison menacée par l’accélération de sa destruction progressive et des drames et catastrophes d’ampleur inégalée qui vont inévitablement s’ensuivre. «Il est minuit moins cinq», il ne nous reste que très peu de temps pour tenter de renverser le cours des choses, pour mettre fin à l’hubris de notre aveugle civilisation dévoreuse et destructrice, en train de manger la branche sur laquelle elle pensait vainement reposer pour toujours. Seule une remise en cause fondamentale et profonde de notre mode de vie et de nos habitudes, de notre féroce appétit de consommation,

de notre propre confort pourra, peut-être, nous épargner le pire. Cette impression qu’il est minuit moins cinq touche à tous les aspects de notre présent: la démocratie rongée par les inégalités croissantes, l’économie aveugle et dématérialisée, la société déchirée entre les intérêts particuliers, la technologie en roue libre vers une déshumanisation progressive, la dévitalisation de la démocratie, l’effondrement des espèces. Et dans ce tableau guère réjouissant, notre petit secteur, l’horlogerie, ne fait pas exception. Pour elle aussi il est minuit moins cinq. Certes, il ne s’agit pas là d’une catastrophe écologique mais d’une série de disruptions qui chamboulent presque tous les paramètres sur lesquels son modèle s’était développé depuis une bonne trentaine d’années, soit depuis la «renaissance» de l’horlogerie mécanique. Ces «disruptions» touchent autant au produit – avec l’arrivée de la montre connectée qui rebat les cartes dans l’entrée et le moyen de gamme – qu’aux changements sociologiques et de consommation – avec les millenials qui privilégient le vintage et le «pre-owned» -, aux formes de la

distribution – avec le e-commerce mondialisé – ou encore aux bouleversements des marchés – avec notamment le fort ralentissement de la Chine,– à un certain épuisement créatif du moyen de gamme et à une polarisation croissante entre le haut du panier et tout le sans parler même de la poussée des marques Kickstarter surgies de nulle part et qui grignotent de précieuses parts de marchés. Autant de problématiques et d’obstacles à surmonter que nous explorons très en détail dans le numéro spécial d’Europa Star consacré au Futur(s) de l’horlogerie, et pour lequel nous avons interviewé nombre d’acteurs du secteur, responsables de marques, distributeurs, analystes. Mais comme pour la planète, le pire serait de ne rien faire, de mettre la tête sous le sable et d’attendre – vainement – que «ça passe». Face aux dangers qui s’accumulent et aux transformations devenues impératives, la peur est mauvaise conseillère et c’est l’imagination qui doit prendre le pouvoir. Il est minuit moins cinq. Et minuit pourra encore être une fête ou peutêtre une catastrophe.

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LANCEMENT

22 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Chopard: l’envol de l’Alpine Eagle Lancer une nouvelle collection est toujours un exercice délicat. Avec l’Alpine Eagle inspirée d’une montre de 1980 - Chopard entend élargir encore son offre dans le domaine dit «sport chic». Une opération d’envergure, pour une montre intégralement conçue et produite en interne. par

Pierre Maillard

En 1980, Karl-Friedrich Scheufele a 22 ans. Il vient d’intégrer la maison familiale et propose à son père, Karl Scheufele, son premier projet horloger: lancer une montre sportive et en acier. Une proposition dans l’air du temps d’alors, mais tout à fait inattendue pour la Maison jusqu’alors spécialiste de montres or et or et diamants. Il va lui falloir se bagarrer et insister pour imposer son idée.

nement dans l’air du temps. Son acier semble devenu précieux mais, étanche tout en restant chic, elle peut se porter en bien des circonstances, en dévalant les pentes de l’Engadine comme en s’appuyant au bar de l’hôtel. Mais au-delà de ses caractéristiques esthétiques, dont les 4 paires de vis qui maintiennent sa lunette ou ses déclinaisons bicolores en vogue des les années 80, la St. Moritz ouvre aussi un nouvel espace de commu-

Piz Roseg

Son idée, il la nomme St. Moritz, du nom de cette station de ski suisse huppée de la vallée de l’Engadine, non loin de Davos, royaume des sports d’hiver - ski, ski de fond, bobsleigh en glace naturelle (pour l’instant...), patinoire olympique extérieure, lac gelé pour courses de chevaux sur neige, polo, cricket... Deux fois ville olympique, St. Moritz est le comble du «sport chic».

50’000 pièces vendues en 15 ans Inattendue de la part du Chopard d’alors, la montre étonne avec son bracelet métallique intégré et fait un carton. «50’000 pièces vendues en 15 ans», nous précise Karl-Friedrich Scheufele. Pour Chopard, la St. Moritz est «la première montre en acier mais un acier travaillé comme de l’or - et la première montre étanche». La montre, comme l’avait pressenti Karl-Friedrich Scheufele, est plei-

nication à la marque et lui offre l’opportunité de s’élargir à une autre génération, à une frange de clientèle plus sportive, plus jeune aussi, au-delà de son image bijoutière et joaillière d’alors.

Une histoire de génération qui se répète L’aventure de la St. Moritz durera donc 15 ans. La collection prendra fin avec le tournant du siècle qui s’approche. Le fameux air du temps a changé de cours. Entretemps, elle aura fortement contribué à affermir la position de Chopard et son intégration progressive des métiers de l’horlogerie. Vingt ans ont passé et la St. Moritz repose en paix quand la nouvelle génération la redécouvre. En l’occurrence, c’est Karl-Fritz, fils de Karl-Friedrich et petit-fils de Karl,

qui la ressort des tiroirs. Comme son père en son temps, il va devoir à son tour sortir toutes ses armes de conviction pour l’emporter, sûr de son propre flair à sentir l’air de son propre temps. Dans cet effort de conviction, il trouve un allié de poids en la personne de son grand-père. A tous deux, ils finissent par convaincre Karl-Friedrich que redessiner la St. Moritz est une excellente idée. «Pas besoin d’inventer un quelconque storytelling, c’est là la véritable histoire, insiste Karl-Friedrich Scheufele. Sauf que redessiner est bien plus difficile que de partir d’une page blanche. En l’occurrence, je voulais travailler le design de la montre en lien étroit avec la montagne, la nature, la Suisse. Je voulais m’inspirer le plus possible de la nature elle-même, travailler sur les reflets de l’acier, comme ceux des glaciers, construire un bracelet intégré qui semblerait fait de rochers encastrés... Et c’est bel et bien en montagne que son nom - son inspiration - m’est venu: Alpine Eagle, en référence à cet animal splendide en voie de disparition progressive. Faire de son iris le cadran, de ses plumes les aiguilles...»

Cohérence du design Une silhouette épurée et parfaitement contemporaine, un boîtier rond flanqué de deux excroissances qui protègent sa couronne gravée d’une rose des vents, une lunette également ronde, ponctuée des huit vis caractéristiques disposées deux à deux qui signent sa filiation d’avec la St. Moritz tout en garantissant une étanchéité à 100 m... Un cadran texturé d’un motif rayonnant bleu ou gris galvanique, qui évoque l’iris de l’aigle et des aiguilles, recouvertes de Super-LumiNova® Grade X1 pour une parfaite lisibilité nocturne, qui s’inspirent de son plumage. Ce boîtier est solidaire d’un bracelet en chute, composé de maillons uniques en forme de lingot, surmontés au centre d’une coiffe en relief. Les surfaces planes satinées vertical, les chanfreins polis, renvoient des jeux de lumière froide entre éclats et mats, qui évoquent la minéralité des Alpes.

«Redessiner est bien plus difficile que de partir d’une page blanche.»

La collection Alpine Eagle se décline en dix références en acier, or, bi-matière ou or et diamants, dans des modèles unisexes de deux tailles différentes: 41 mm et 36 mm de diamètre. Selon la taille du boîtier, deux mouvements automatiques distincts ont été intégralement et spécifiquement développés et produits dans les ateliers de Chopard. Respectivement de 28,8 mm et de 20,8 mm de diamètre, tous deux certifiés chronomètre COSC (un seul autre mouvement de taille Dame que celui de Chopard est certifié COSC), performants et peaufinés, ils affichent respectivement une réserve de marche de 60 heures pour le modèle 42 mm et de 42 heures pour le modèle 36 mm. Un fond saphir permet de les découvrir.

Le Lucent Steel A223 La matière dans laquelle sont taillés le boîtier et le bracelet parfaitement intégrés de l’Alpine Eagle est un acier bien particulier, le Lucent Steel A223. Cet acier exclusif à Chopard, qui a demandé 11 ans de développement, est issu d’un très complexe processus de fonte et de refonte. Cette deuxième fonte permet d’enlever la plupart des impuretés du métal qui est non seulement hypoallergénique et aux propriétés comparables à celles de l’acier chirurgical, mais aussi d’une dureté d’aigle (223 Vickers contre les 150 Vickers de l’acier standard 316L) qui le rend 50% plus résistant à l’abrasion que les aciers classiques. Et du coup bien plus difficile à travailler. Mais sa structure cristalline est d’une telle pureté que sa brillance et son intense luminosité en font une matière aussi précieuse que l’or, à la différence que ses jeux de reflets brillants et mats évoquent plutôt l’Alpe granitique, refuge de l’aigle.

Développement durable «Quelque 70% de l’acier utilisé est d’origine recyclée et 100% des résidus sont recyclés après production», explique Karl-Friedrich Scheufele, qui insiste sur ce point. Chopard, depuis quelques années déjà fait figure de pionnier en ce domaine et a sans cesse approfondi son engagement envers un développement durable et un approvisionnement éthique. La société est d’ailleurs membre de l’organisation Responsible Steel et 100% de l’or utilisé par la Maison est éthique et traçable. Chopard est par ailleurs à l’initiative de la Swiss Better Gold Association. En ce qui concerne plus spécifiquement l’Alpine Eagle, Chopard, qui faisait partie depuis 2001 de l’Alp Initiative créée par feu l’Aga Khan, est à l’initiative de la nouvelle Eagle Wings Foundation, dont le but est non seulement de réintroduire l’aigle dans les Alpes mais aussi de sensibiliser à toutes les autres menaces, notamment climatiques, qui mettent en péril cet écosystème unique. Première action qui est lancée dès ce mois d’octobre, l’Eagle Race, qui consiste à lâcher dans les Alpes des aigles munis d’une petit caméra. Cet «oeil» du rapace sera combiné avec un autre «oeil», satellitaire, afin d’affiner la connaissance de ce milieu naturel.

Quelques chiffres L’Alpine Eagle est vendue au prix de € 12’800 pour les modèles Homme et dès € 10’000 pour les modèles Dame. Chopard espère écouler entre 3’000 à 4’000 pièces par an, dans 300 points de vente sélectionnés dont la moitié de boutiques monomarque. Soit au total environ 1/3 de son réseau de vente. Un réseau de 900 points de vente qui a été réduit de 160 points de vente ces deux dernières années et qui devrait au final ne compter plus que 800 points de vente, tous genres confondus. Karl-Friedrich Scheufele, qui ne communique pas le chiffre d’affaires de la maison familiale (estimé à plus de 650 millions de francs suisses) a annoncé avoir produit 75’000 montres en 2018.


LANCEMENT

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VITRINES 2.0

24 | EUROPA STAR PREMIÈRE

«Les boutiques horlogères font la même chose depuis 70 ans!» par

«Pour ne rien changer, il faut tout changer»: c’est ce qu’aime à dire Xavier Dietlin dont l’ambition est de renouveler de fond en comble la présentation des montres mécaniques de prestige. Il nous a ouvert ses ateliers pour revoir ensemble quelques-unes de ses innovations majeures dont la fameuse Raptor.

Pierre Maillard

La Raptor dernière génération

«Les boutiques horlogères font la même chose depuis 70 ans. Comment voulez-vous intéresser la nouvelle génération avec des montres sous cloche ou alignées côte à côte! Il faut capter les gens, les amuser, leur enseigner ce qu’est l’horlogerie, leur transmettre ses valeurs mais avec joie, émotion, surprise et spectacle. Une montre n’est pas un ordinateur. C’est un objet extraordinaire qu’il faut mettre en scène.» Xavier Dietlin est intarissable et d’un enthousiasme plus que contagieux, épidémique. Comme il le clame haut et fort, et comme il le démontre concrètement, il faut changer la façon passive dont les montres sont présentées. «Ce n’est pas qu’une question de décor. Il ne suffit pas d’ajouter des éléments décoratifs aussi beaux soientils, poursuit-il. Le design seul n’y suffit pas, il a ses limites. Il faut créer de l’interactivité. Le client ne doit plus être passif devant une montre sous cloche, il doit pouvoir interagir avec elle.»

Le déclic de la Raptor Qui se ressemble s’assemble, dit le proverbe. Nul doute, donc, que la rencontre entre Xavier Dietlin et Jean-Claude Biver, tous deux dotés d’une même formidable énergie, ait provoqué l’étincelle qui allait mettre le feu aux poudres.

La Raptor: aussitôt qu’on s’en approche, la montre disparaît en un éclair à l’intérieur du socle. Nous sommes en 2005. Xavier Dietlin, après une carrière de footballeur professionnel interrompue sur blessure, a rejoint l’entreprise familiale de construction métallique créée en 1854. Avec son père, il a déjà participé à un concours de vitrines lancé par Cartier. «Nous n’avons pas gagné, explique Xavier Dietlin, mais le milieu de l’horlogerie m’a tout de suite séduit.» En 2003, il a créé sa première vitrine pour François-Paul Journe: «Elle s’appelle Archange et reste encore ultra-actuelle aujourd’hui, intemporelle et puissante 16 ans après sa création.» Mais c’est encore une vitrine traditionnelle, une «mise sous cloche». En 2005, donc, il rencontre JeanClaude Biver. «Je veux quelque chose qu’on n’a jamais vu», réclame ce dernier avec sa véhémence cou-

tumière. Xavier se gratte la tête. «Et si on ôtait la cloche?» Bien que, selon son propre aveu, il ne soit pas un geek, il va imaginer puis mettre au point avec ses équipes la Raptor. Le principe: la montre est debout sur son socle, à l’air libre, à portée de main pour la toucher. Mais aussitôt qu’on s’en approche, elle disparaît en un éclair à l’intérieur du socle, puis réapparaît comme timidement pour se remettre en place. Du jamais vu, effectivement. Biver est enchanté et enthousiaste. Il en commande aussitôt 200 exemplaires. La saga Dietlin démarre et, dès lors, les inventions vont se succéder à un rythme étourdissant.

Un tour dans le labo Il faut faire un tour par le «labo» dans lequel Xavier Dietlin conserve toutes ses inventions pour se rendre compte réellement de la radicalité avec laquelle il a transformé la présentation des montres. La seule liste de ses clients donne d’ailleurs le tournis: Audemars Piguet, Bulgari, Blancpain, Breguet, Cartier, Chanel, F.P. Journe, Greubel Forsey, Hermès, Hublot, IWC, Jaquet Droz, MB&F, Omega, Panerai, Patek Philippe, Roger Dubuis, TAG Heuer, Ulysse Nardin, Urwerk, Zenith.... Sans compter des expositions comme celles du Grand Prix d’Horlogerie de Genève, de la Fédération Horlogère Suisse, d’Only Watch, ou encore le nouveau Musée Omega à Bienne, le musée Archéologique d’Athènes et le MoMA avec l’artiste français Philippe Parreno. Ou éga-

lement, hors horlogerie, MercedesBenz, Sicpa, Nestlé et Philip Morris.

De la vitrinesculpture à la Dream Box Après la Raptor conçue pour Hublot (qui en est à sa troisième génération et, désormais, c’est un robot animé sur un écran qui reçoit entre ses bras mécaniques la montre qui a disparu de la surface) les inventions de ce prestidigitateur se sont succédées. En 2010, Nicolas Hayek est conquis par le Pulsograph, réservé à Breguet. Une «vitrine» qui permet d’amplifier le son naturel d’une montre en captant les vibrations transmises par la couronne. Le son est ensuite diffusé par un soundboard en bois de résonance âgé de 350 ans provenant de la forêt du Risoud au Brassus. Aucun micro n’est utilisé, d’où un son d’une grande pureté et d’un naturel inégalé. C’est ainsi la première fois qu’une vitrine émet le son naturel de la montre. Autre exemple, en 2012 apparaît la Gravity. La montre flotte tout simplement dans le vide. Bluffant! Ceci dit, cette installation montre bien les ressources diverses dont se nourrit Xavier Dietlin. Ici, la montre flotte grâce à des procédés utilisant des miroirs, développés dès la fin du XIXème siècle. Mais ces procédés de prestidigitateur et de magicien - tel Robert Houdin, connu par ailleurs pour avoir inventé la pendule mystérieuse - se combinent avec hologrammes et projections vidéo.


VITRINES 2.0

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Magic Box pour Omega

Maître-mot: interactivité La Raptor, en jouant avec la présence physique de la montre, apparemment dépourvue de protection, a donné le la. Dès lors, Xavier Dietlin a toujours joué en combinant trois éléments essentiels: présence physique de la montre, éléments holographiques ou vidéo et interactivité. En d’autres termes, la montre n’est pas seulement là pour elle-même, mais elle dévoile en même temps des éléments de son mouvement, de sa fonctionnalité de son histoire, de son univers. A la grande différence des vitrines-décors traditionnelles, c’est de la montre ellemême et du jeu interactif avec elle que naissent les informations complémentaires à son sujet. Les combinaisons entre ces différents éléments sont d’une étonnante richesse. Tel un musicien, Xavier Dietlin joue avec ces composantes en fonction précise de l’univers et de la demande de chaque marque. Mais, par excellence, l’interactivité qui implique du mouvement, de l’action, est difficile voire impossible à photographier.

Gros programme

Quoi de plus attirant qu’une boîte fermée? Ultime malice sortie de son sac, la Magic Box. Un écrin qui joue avec la fermeture plutôt que sur l’ouverture. La montre - le trésor - n’est pas visible, enfermée dans son écrin scel-

lé. Mais quoi de plus attirant qu’une boîte fermée? Un geste de la main, et elle s’ouvre. Automatiquement, le regard s’aiguise et observe la découverte avec une attention redoublée. Jouant sur la frustration, la boîte fermée crée du désir. Comme tout bon magicien, Xavier Dietlin reste très pragmatique. «Le

Romanel Valley Arrière-arrière petit-fils de ferronnier d’art (un de ses aïeux a réalisé les escaliers métalliques des coursives de la Gare d’Orsay de Paris, devenue musée depuis), installé à Romanel, près de Lausanne, Xavier est un homme de terrain. Il est fier, à raison, de déclarer: «Tout ce qui sort de chez nous est fait dans les dix kilomètres alentour. La somme de compétences que l’on trouve sur le petit territoire de la Suisse romande est extraordinaire. Seul exemple, à vol d’oiseau il y a l’EPFL, une des plus importants viviers d’innovation au monde. Mais nous autres, petits Suisses, sommes des timides qui ne savent pas se vendre. Nous n’osons pas assez affirmer notre créativité. Et pourtant, ici c’est Romanel Valley.»

61e saison 2019 - 2020

Les Concerts

Perpétuellement en ébullition, Xavier Dietlin nous emmène ensuite dans son labo le plus secret. Interdiction de photographier quoi que ce soit car tous ces projets sont encore en évaluation et destinés à être préemptés par telle ou telle marque. Mais, officiellement, autorisation nous est accordée d’en parler.

«Le maître-mot de la prochaine génération de vitrines est le iPad. Sans câble, par induction, un iPad peut interagir avec une montre réelle, nous explique-t-il. Du coup, le lien avec une vidéo, par exemple, ou des vidéos, devient lui aussi totalement interactif. Le spectateur devient acteur. C’est lui qui décide ce qu’il veut voir.» Mieux encore, Xavier a imaginé monter des iPads sur des tiges mobiles. Du coup, c’est non seulement l’image sur l’écran qui bouge, mais le support de l’image bouge lui-même, composant, décomposant, recomposant des images globales. Imaginez, par exemple, un groupe d’iPads sur leurs tiges qui forment et déforment un éventail ou un cercle ou une hélice. Les iPads mis en communication l’un avec l’autre, font naître des assemblages d’images sans cesse changeants. Le tout pouvant être piloté par le spectateur. Les possibilités de combinaisons semblent infinies. «Même Apple n’y a pas pensé», ose Xavier Dietlin.

Cette Magic Box, comme toutes les autres innovations de son labo, il ne sait pas encore qui va miser dessus. Mais vu son programme de présentations, tout le monde va défiler, de Rolex à Patek Philippe en passant par Richemont, LVMH, Swatch, les indépendants, les détaillants et, pour faire bonne mesure, les deux grandes écoles d’art de Suisse romande, la HEAD et l’ECAL, sans oublier les Business School. Pour autant, Xavier Dietlin n’a nulle intention de grossir. Ni de capitaliser outre mesure. Quinze personnes travaillent dans son atelier et c’est très bien ainsi. Ses vitrines sont-elles chères? «Oui, certainement. Mais aucune ne res-

semble à une autre. Toutes sont exclusives et comportent quelque chose d’inédit. Ce n’est que du sur-mesure, et donc en petites quantités. Voire en pièce unique.»

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Labo secret

«Même Apple n’y a pas pensé.»

problème que j’ai encore, dit-il ouvertement, c’est que je peux l’ouvrir et la fermer quelques centaines de fois mais pas encore des milliers de fois. Et comme tout le monde voudra l’ouvrir, il va falloir le garantir.»

J. S. BACH

de Lutry (au temple) DIMANCHE 3 NOVEMBRE 2019, 17h00

Requiem de W.A. Mozart Ensemble Orlando Fribourg Direction : Laurent Gendre

DIMANCHE 24 NOVEMBRE 2019, 17h00

Finghin Collins, piano Kristóf Baráti, violon Máté Szücs, alto István Várdai, cello Programme : Les Quatuors de Mozart KV 478 et 493

DIMANCHE 15 DÉCEMBRE 2019, 17h00

Messe en Si min. BWV 232 de J.S. Bach Kammerorchester Basel / Camerata Vocale Freiburg in Breisgau Solistes : Nuria Rial, Tim Mead, Christoph Prégardien Direction : Winfried Toll

DIMANCHE 19 JANVIER 2020, 17h00

Jordi Savall et l’Ensemble Hespèrion XXI Programme : « Folias & Canarios »

DIMANCHE 16 FÉVRIER 2020, 17h00

Orchestre de Chambre de Genève Estelle Revaz, violoncelle Programme : Intégrale des concertos de violoncelle de C.P.E. Bach

DIMANCHE 15 MARS 2020, 17h00

Hommage à la grande claveciniste Christiane Jaccottet disparue il y a 20 ans Ensemble Estro Armonico (HEM) Solistes: Jovanka Marville, Béatrice Martin, Giorgio Tabacco, clavecinistes Programme : J.S. Bach : concertos à 2 et 3 clavecins

DIMANCHE DES RAMEAUX 5 AVRIL 2020, 17h00

Requiem de J.Ch. Bach La Chapelle Vocale de Lausanne Direction : Gonzalo Martinez

VENTE DE BILLETS : Achat en ligne www.monbillet.ch | Offices du tourisme Gare CFF Lausanne et Ouchy (terminus métro) | « Chez Pinpin » (M. Karabulut) • Grand-Rue 7 • 1095 Lutry • +41 21 791 42 04 | A l’entrée du Temple dès 16h. RÉSERVATIONS : « Point I » Quai Gustave Doret • 1095 Lutry • Tél. + fax: +41 21 791 47 65 INFORMATIONS : tél.: +41 21 616 92 09 • http://concerts-bach.lutry.ch


À TRAVERS NOS ARCHIVES

26 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Doxa Sub: du temps de la montre-instrument Europa Star 1967

On use et abuse du mot «icône». Mais la Doxa Sub fait assurément partie de cette élite. Première montre de plongée à la fois professionnelle et grand public, première montre à cadran orange, première montre à afficher les temps de décompression sur lunette tournante unidirectionnelle, première montre commerciale à introduire la valve à hélium... par

Pierre Maillard

Années 1960, l’époque glorieuse de la montre-instrument. Après l’oignon de poche des chefs de gare qui, en permettant notamment la coordination des convois, a accompagné la grande épopée de la première industrialisation, la montre de poignet va se révéler être un instrument indispensable au service de bien des avancées technologiques. Les années 1950 puis les années 1960 voient l’apothéose de la montre-instrument, devenue l’obligée de nombre de professionnels sur terre, dans les airs et, bientôt, sous la mer. En 1959, Jacques Cousteau dépose le brevet d’un appareillage qui va littéralement ouvrir les profondeurs de la mer, d’abord aux professionnels puis à tout un chacun. La plongée avec bouteilles devient la nouvelle aventure. Or, si une montre est alors bien utile au quotidien, elle devient indispensable sous l’eau. Les horlogers voient un nouveau champ d’exploration s’ouvrir à eux. Au début des années 1960, des marques ont déjà pris de l’avance dans le domaine de la plongée professionnelle, notamment Blancpain, avec sa Fifty Fathoms de 1953 (étanche à 50 brasses, mesure britannique correspondant à environ 91,5 mètres), Rolex avec sa Submariner datant de la même année (étanche à 100 mètres), ZRC et sa Grands Fonds 300, sortie en 1964 et considérée comme la première montre étanche à 300 m, ou Seiko avec sa Diver’s automatique étanche à 150 m, lancée en 1965. Au total, en 1964, Europa Star dressait déjà une liste comprenant 35 montres de plongée de marques différentes.

Introduction de la valve à hélium

et dont la couleur est le fruit de recherches minutieuses, elle est dotée de larges index et de fortes aiguilles lumineuses et elle est d’une dimension imposante de 45 x 45 mm, équipée d’un ETA automatique 2472 réparable dans le monde entier. Elle a été conçue «scientifiquement» et se veut un parfait outil professionnel mais vendu à prix abordable et destiné aussi à tous les amateurs.

Une démarche scientifique Lancée à la Foire de Bâle de 1967, la montre fait grand bruit. La décision de la développer a été prise par Doxa dès 1964 et initiée par Urs Eschle, le directeur commercial de la marque. Pour y parvenir, celui-ci a mis sur pied une équipe composée d’horlogers de Doxa (qui, à l’époque, est forte de 150 employés) et de plongeurs professionnels renommés. Parmi ceux-ci, un plongeur français du nom de Claude Wesly, proche du Commandant Jacques Cousteau qui va jouer un rôle important dans le succès de la Doxa Sub. La page publiée cette même année 1967 par Doxa dans Europa Star détaille avec précision toutes les spécifications techniques et les innovations de la nouvelle montre de plongée: boîtier, couronne, lunette tournante et sa double échelle,

exemplaires - avec cadran orange - qui seront vendues sous le nom de «The US Divers Doxa».

cadran, aiguilles, mouvement automatique avec date, bracelet en acier ajustable. La marque tient à faire savoir qu’elle a travaillé de façon rigoureuse et scientifique. Et si elle se nomme Sub 300T, c’est pour le Tritium qui recouvre ses index et ses aiguilles en très importantes quantités afin de donner la plus grande luminescence. On dit que c’est le cadran qui contient le plus de tritium parmi toutes les montres. (Le document évoque du tritium «non radioactif» mais ce matériau l’est, en fait, et sera interdit dès 2003, remplacé par du Luminova. Le nom de la montre conservera néanmoins son emblématique T, mais pour Taucher, qui signifie plongeur en allemand).

Le coup de pouce décisif de Cousteau Pour tester la montre, le plongeur Claude Wesly recommande à Urs Eschle de s’adresser à Jacques Cousteau. Or, à l’époque, celui-ci est le président de la US Divers Company, basée en Californie, et considérée comme le fournisseur de matériel de plongée le plus avancé de son temps. Convaincue par les qualités exceptionnelles de la Sub 300, la Compagnie en commande 4’000

Rapidement, de très nombreuses variantes de la Sub 300T vont se succéder. Une des premières (et des plus importantes) est l’introduction dès fin 1968 de la Sub 300T Conquistador. En effet, avec la Conquistador, Doxa introduit une innovation importante, la valve à hélium. Développée conjointement avec Rolex, la valve à hélium, devenue aujourd’hui un dispositif courant dans toute montre de plongée digne de ce nom, permet d’évacuer les molécules d’hélium qui, plus petites que celles de l’oxygène ou du nitrogène, peuvent pénétrer à l’intérieur du boîtier et, sous la pression sous-marine, déloger par poussée le verre de la montre. La valve permet de les évacuer, garantissant ainsi un fonctionnement parfait de la montre dans les condition de haute pression sous-marine. (Très précisément, la valve à hélium n’est vraiment utile que dans le cas de plongées professionnelles à très grandes profondeurs, utilisant un mélange gazeux comportant de l’hélium et passant par un séjour obligatoire dans un caisson de décompression. C’est pour ceux-ci que la valve à hélium a été mise au point. En pratique, pour les plongeurs de loisir évoluant à des profondeurs moindres n’obligeant pas à passer par un caisson de décompression, on peut s’en passer sans danger pour la montre, à condition de bien respecter les limites d’étanchéité de celle-ci.) La même année, Doxa introduit également un modèle pour femme, étanche à 200 m, qui connaîtra un beau succès sous le nom de Sub Coraline. Dès lors, on ne comptera plus les différentes versions qui vont apparaître au fil de la décennie suivante, pour la plupart en éditions limitées. Il serait trop long de toutes les énumé-

La Doxa Sub, à la fois pro et grand public En 1967, Doxa va cependant frapper un grand coup avec sa Sub 300. Elle est non seulement étanche à 300 mètres et équipée d’une lunette tournante unidirectionnelle basée sur la table de l’US Navy Air Dive de façon à calculer au plus près les temps de décompression, mais elle arbore aussi un cadran orange offrant une lisibilité exceptionnelle

Sub 300T Professionnal US Divers La Sub 300 Conquistador avec cadran argent et valve à hélium.


Doxa Sub 200 T.Graph acier La Dox Sub 300 T dans Europa Star en 1972.

Europa Star n° 2/1984

2019: «Mettre tout l’accent sur la fameuse et mythique Sub» rer ici, mais mentionnons quelques modèles parmi les plus marquants: les Sub 600T et 750T, résistantes comme leur nom l’indique à 650 mètres et 700 mètres, la Searambler, la Diving Star, la Sharkhunter, ou encore une version chronographe avec la Sub200 T-Graph.

Fusion puis rachat Dès 1969, Doxa est englobée dans un groupe qui réunit trois marques (Cyma, Ernest Borel et Doxa), au sein Synchron SA Fabriques Horlogères Réunies, détenue par Chronos Holding SA. Mais l’horlogerie suisse sera bientôt en plein marasme avec l’arrivée du quartz qui bouleverse les hiérarchies. En 1978, Aubry Frères rachète Doxa. Le nouveau propriétaire relance alors la Sub en essayant de l’adapter au goût du jour. Il tntroduiz des modèles quartz, lance les Sub 600T, 750T, 1000T. Stylistiquement, la Sub n’a pas varié en 10 ans. Aubry Frères re-travaille son design, adapte la forme de son boîtier et de sa lunette. Les modèles vont se multiplier, mécaniques et quartz. Du coup, l’identité de la Sub se dissout. Et l’époque n’est plus à la «montre-instrument». La vague fashion est passée par là.

Nouvelle ère En 1997, Doxa est reprise par la famille Jenny, «active dans l’horlogerie depuis quatre générations». Dès 2002, la Sub va être relancée. Elle n’est plus tout à fait la même, tout en conservant toutes ses qualités instrumentales. Mais, comme Malcolm Lakin le décrit à l’époque pour Europa Star, son design s’est adouci, ses courbes sont plus douces, elle se coule dans le goût de l’époque.

Réédition Doxa Sub 200T-Graph

Retour aux fondamentaux La roue tourne vite et, dès 2005-2006, la Sub revient à ses fondamentaux. Elle retrouve ses lignes originales, bien que subtilement transformées. C’est que la grande vague des montres vintage commence à déferler. L’heure au poignet étant devenue inutile, la nostalgie de l’époque dorée de la montre-instrument, de la

Doxa Sub 200

La nostalgie de l’époque dorée de la montreinstrument, de la montre faite pour un usage précis, de la montre accompagnée de véritables histoires, se fait toujours plus pressante. montre faite pour un usage précis, de la montre accompagnée de véritables histoires, se fait toujours plus pressante. La Sub, montre de légende (même si cette légende n’a alors qu’une petite quarantaine d’années), est prête pour retrouver le poignet des millenials qui commencent à imposer leurs goûts. Visiblement, le slogan «Nous avions découvert un nouveau monde» leur est directement adressé. En 2012, l’héritage de Cousteau et de la US Divers Company se fait encore sentir. La Sub de Doxa jouit toujours d’une réputation exceptionnelle aux Etats-Unis. A tel point que cette année-là, Romeo Jenny, CEO de Doxa, explique à Europa Star que la Sub est vendue prioritairement dans ce pays, et ce uniquement via internet.

2019. L’engouement pour le vintage atteint son pic et toutes les marques qui ont un patrimoine fouillent dans leur tiroir et ressortent des modèles datant de l’époque de la montre-instrument. Doxa n’est pas en reste avec sa Sub et «décide d’aller plus loin dans l’ADN de la marque et de mettre l’accent sur les fameuses et mythiques Sub». Pour bien marquer le retour en fanfare de l’icône, Doxa présente à Baselworld plusieurs pièces dont, en tête de liste, une réédition anniversaire de la Doxa Sub 200T-Graph née en 1969. Pour bien marquer le coup, cette «réinterprétation» se présente dans un boîtier or 18K, en édition limitée à seulement 13 exemplaires par ailleurs équipés de mouvements historiques d’origine Valjoux 7734 qui avaient été conservés dans les tiroirs depuis plus de 30 ans. Mais derrière ces pièces pour collectionneurs avertis, c’est à une vaste offensive Sub qu’il faut s’attendre. Doxa annonce en effet que «dorénavant tous les modèles iconiques Sub (les 42.5 mm et les 45 mm ainsi que les Sub 200) seront systématiquement disponibles en séries non-limitées dans les six couleurs - orange bien sûr, mais aussi jaune, bleu marine, turquoise, argenté et noir.» De quoi relancer la saga de la Sub.

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L'AGENDA

28 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Van Cleef & Arpels s’expose à Milan L’exposition «Van Cleef & Arpels: Time, Nature, Love» présente pour la première fois en Italie l’univers de la marque de Haute Joaillerie, au sein du Palazzo Reale de Milan, du 30 novembre 2019 au 23 février 2020. Plus de 400 bijoux, montres et objets précieux réalisés depuis la fondation de Van Cleef & Arpels en 1906 sont réunis.

par

Europa Star

Documents d’archives, dessins et gouachés – illustrant les premiers pas de la création – côtoient des pièces issues de la Collection Van Cleef & Arpels, ainsi que de prêts privés. Présentée par Comune di Milano Cultura et le Palazzo Reale, produite par Van Cleef & Arpels en collaboration avec la Fondation Cologni, l’exposition est placée sous le commissariat d’Alba Cappellieri, professeure en création de bijoux à l’École polytechnique de Milan et directrice du Musée du Bijou de Vicence. L’exposition se dévoile dans une scénographie contemporaine imaginée par la designer américaine Johanna Grawunder, qui fait dialoguer de façon audacieuse son décor avec l’Appartement des Princes et les Salles des Tapisseries. Dans ce cadre se succèdent les trois sections respectivement dédiées au Temps, à l’Amour et à la Nature. En perpétuel équilibre entre l’intemporel et l’éphémère, entre les traditions et les modes, l’art de la joaillerie entretient une relation complexe au temps. Le parcours illustre l’habileté de Van Cleef & Arpels à représenter pleinement un temps fragmenté comme celui du 20ème siècle et à incarner à la fois les valeurs éter-

nelles de la beauté et le pouvoir fugace de l’enchantement. En s’appuyant sur l’ouvrage d’Italo Calvino Six propositions pour le prochain millénaire, Alba Cappellieri a choisi des notions clés permettant d’interpréter les créations Van Cleef & Arpels et leur relation à la temporalité. La première section sur le Temps se déploie ainsi sur dix salles, dédiées à des caractéristiques emblématiques de la période. La première salle est consacrée à Paris, puis se succèdent l’Exotisme et les cinq valeurs de Calvino: Légèreté, Rapidité, Visibilité, Exactitude, Multiplicité. Les salles suivantes mettent ensuite en lumière les Croisements avec d’autres disciplines: la danse, la mode et l’architecture. Au cœur de l’exposition, la section sur l’Amour présente des créations – symboles et présents d’amour – qui ont exprimé la force des sentiments et accompagné certaines des romances les plus mythiques du 20ème siècle. Enfin, les trois dernières salles du parcours sont consacrées à la nature, avec la botanique, la faune et la flore. Elles donnent à découvrir un spectacle enchanteur où le savoir-faire artisanal de Van Cleef & Arpels et sa recherche d’harmonie se mêlent en un art véritable.

Entrée libre Milano, Palazzo Reale, Piazza Duomo 12 30 novembre 2019 au 23 février 2020 Lundi 14h30 – 19h30 Mardi, mercredi, vendredi et dimanche 9h30 – 19h30 Jeudi et samedi 9h30 – 22h30 Dernière entrée 1 heure avant la fermeture

L'AGENDA HORLOGER & JOAILLIER APPEL À CONTRIBUTIONS

Europa Star Première inaugure sa nouvelle section Agenda. Nous invitons toute marque de l’écosystème horloger et joaillier à nous transmettre ses événements ouverts au public. Nous sélectionnerons ensuite les rendezvous auxquels nous convierons le lectorat de notre publication, à travers une section dédiée dans chaque édition.

La prochaine édition d’Europa Star Première paraîtra en mars 2020. Pour une publication dans ce numéro, merci de communiquer avant le 31 janvier 2019 toute manifestation d’intérêt pour la communauté horlogère en vous adressant à Marianne Bechtel: mac@bab-consulting.com En vous remerciant de votre confiance.


PARALLÈLES

EUROPA STAR PREMIÈRE | 29

Caran d’Ache, compagnon de route des horlogers

Le Timegraph imaginé par Caran d’Ache, à mi-chemin entre Haute Horlogerie et «Haute Ecriture».

Durable, émotionnel et mondialisé: à l’heure de le décrire, le stylo de la société genevoise passerait presque pour une montre haut de gamme. Cela tombe bien: Caran d’Ache vient de créer un instrument d’écriture avec un calibre horloger mécanique. Présentation. Serge Maillard Marianne Bechtel

par et

Un objet «hybride» entre l’instrument d’écriture et la montre. C’est ainsi que se présente le Timegraph imaginé par Caran d’Ache: le premier stylo plume au monde dans lequel s’intègre une montre à mouvement mécanique. Chaque année, la société genevoise fondée en 1915 mobilise ses forces pour produire une création inspirée par le monde horloger. «Nous sommes garants de métiers d'art qui doivent continuer à exister en Suisse, souligne la présidente de Caran d’Ache Carole Hubscher, rencontrée à l’occasion de la présentation de Timegraph. L’innovation, le Swiss made, la précision ou encore la personnalisation: tout nous rapproche de l’univers horloger!» Le Timegraph constitue d’abord une prouesse technique, à mi-chemin entre Haute Horlogerie et «Haute Ecriture»: aboutissement de plus de deux ans de recherche et développement, il intègre un calibre à remontage manuel créé par Le Temps Manufacture SA à Fleurier, une manufacture horlogère suisse reconnue pour son expertise dans la haute précision. Les défis étaient nombreux: il s’agissait de transposer dans un corps de stylo aux dimensions standards un mouvement ultraplat, un verre saphir et un système de recharge unique, avec pompe à piston miniature. Soit pas moins de 145 composants dans un stylo aux courbes délicates entièrement recouvert d’un revêtement PVD noir. La pièce est disponible sur demande uniquement (son prix est de 40’000 francs) et se prête à plusieurs types de personnalisation, à travers l'émaillage, le sertissage ou encore la gravure miniature. «Comme les horlogers, nous faisons régulièrement appel à des experts du polissage, de la gravure, de la laque ou du sertissage, souligne Carole Hubscher. Caran d'Ache est par exemple la seule maison active dans les instruments d’écriture en Europe capable de maîtriser la laque de Chine. La sève, importée du Japon, est colorée par des chimistes avant d'être traitée par les maîtres-laqueurs. C’est une substance très allergène donc elle exige une expertise très particulière.»

Des écoles de dessin pour séduire les Chinois Entreprise familiale, Caran d’Ache emploie aujourd’hui 300 collaborateurs et possède 25 boutiques en Suisse et à l’international, plus de 120 shop-in-shops et est présente en ligne. Carole Hubscher précise: «Nos premiers marchés en Europe sont la Suisse, la France, l'Allemagne le Benelux et l'Italie. Nous exportons également nos créations aux EtatsUnis, en Chine ou encore au Japon.»

«L’innovation, le Swiss made, la précision ou encore la personnalisation: tout nous rapproche de l’univers horloger!» Comme le secteur horloger, le spécialiste des instruments d’écriture semble avoir trouvé un marché à fort potentiel en Extrême-Orient: «Il nous fallait trouver le bon moyen de permettre aux clients chinois d'appréhender la qualité de nos produits, poursuit la présidente de Caran d’Ache. Nous avons donc créé 20 écoles de dessin dans le pays, qui sont de petites échoppes ou l'on apprend avec nos produits à développer la créativité des enfants. La particularité de Caran d’Ache est que nous touchons tout le monde: toutes les générations, tous les âges, de l'enfant au retraité en passant par le collectionneur. Et l'instrument d'écriture est un cadeau symbolique, intemporel, «sans risque» pour celui qui l'offre.»

Mouvement mécanique ultraplat D’un diamètre de 15 mm pour une longueur de 151 mm fermé (contre 137,5 mm ouvert), le Timegraph se veut «objet d’art». Les 145 composants du stylo, dont le mouvement, sont ornés d’un revêtement palladium pour les éléments «métalliques», alors que le corps est en-

tièrement recouvert de PVD noir, plus contemporain. Un système de recharge unique a été développé pour remplir la pompe à piston miniature au mécanisme de remplissage externe, ainsi que des glaces saphir traitées antireflet laissant apparaître la finesse du bec de plume en or 18 carats poli à la main. Côté mouvement, Timegraph est doté d’une réserve de marche de 40h. Le calibre mécanique manufacturé par LTM SA est une prouesse en soi: utraplat et miniaturisé, il se

fond dans le corps du stylo pour afficher les heures et les minutes. Le verre saphir offre au regard le mécanisme, les 18 rubis, les terminaisons rhodiées, et une finition côtes de Genève. Un coffret laqué de noir permet de préserver et mettre en valeur l’édition d’exception Timegraph. A l’intérieur, un encrier complète cet instrument d’écriture hors du temps. Caran d’Ache a aussi considérablement développé sa présence digitale depuis dix ans. «Notre site connaît une forte croissance, mais

reste avant tout vitrine, explique Carole Hubscher. Nos clients le consultent pour se faire une idée des propositions, mais au moment de l'achat, ils viennent le plus souvent en boutique pour essayer et choisir. L'«humanisation» des relations client est un aspect très important de notre stratégie.» Comme ses consœurs horlogères, Caran d’Ache mise d’abord sur l’émotion, les souvenirs d’enfance ou encore la durabilité, en utilisant pour sa part la plume plutôt que l’aiguille.


ANNUAIRE DES MARQUES HORLOGÈRES EN SUISSE

30 | EUROPA STAR PREMIÈRE

HORLOGERIE-JOAILLERIE

MICROTECHNOLOGIES

MEDTECH

VICTORINOX SWISS ARMY Bienne www.victorinox.com VOGARD Nidau www.vogard.com W. GABUS Bienne www.wgabus.com ZEITWINKEL St-Imier www.zeitwinkel.ch FRIBOURG BULOVA Fribourg www.bulova.com CARBON 14 Givisiez www.carbon14.ch CECIL PURNELL Fribourg www.cecilpurnell.com GUEPARD Fribourg www.guepard.ch JO SIFFERT Fribourg www.josiffert.com LINDE WERDELIN Fribourg www.lindewerdelin.com MAURON & MUSY Saint-Aubin www.mauronmusy.com SAINT HONORE Fribourg www.sainthonore.com GENÈVE

16-19 JUIN 2020 PALEXPO GENÈVE PLUS DE

800

EXPOSANTS

20’000

VISITEURS PROFESSIONNELS W W W. E P H J. C H

ARGOVIE AIGNER Wallbach www.aignerworld.com CONTINENTAL Möhlin www.continental-watches.ch CRUISER Möhlin www.cruiser-watches.ch EVERSWISS Möhlin www.everswiss.ch HANOWA Wallbach www.hanowa.ch MONTEGA Busslingen www.montegauhren.ch POLICE Wallbach www.policelifestyle.com BÂLE CHARMEX Bubendorf www.charmex.ch DUBOIS & FILS Bâle www.duboisfils.ch EMKA Binningen www.emka-watches.com EMPORIO ARMANI (Fossil) Bâle www.armani.com FOSSIL (Fossil) Bâle www.fossil.com GROVANA Tenniken www.grovana.ch JAQUET&GIRARD Binningen www.jaquet-girard.com ORIS Hölstein www.oris.ch REVUE THOMMEN Tenniken www.revue-thommen.ch SWISS ALPINE MILITARY Tenniken www.swissalpinemilitary.com SWISSPACE Tenniken www.swisspace.it ZEITCENTRALE TIMM DELFS Bâle www.zeitzentrale.ch ZENO WATCH Bâle www.zeno-watch.ch

CODEX Bienne www.codexwatches.com CONCORD (Movado Group) Bienne www.concord.ch DAVIDOFF Bienne www.zinodavidoff.com DAVOSA Tramelan www.davosa.com DE BORTOLI Bienne www.debortoliwatches.com DELANCE Macolin www.delance.ch DELBANA Lengnau www.delbana-watches.ch DELMA Lengnau www.delma.ch DOXA Bienne www.doxa.ch EBEL (Movado Group) Bienne www.ebel.com EPOS Lengnau www.epos.ch FORMEX Lengnau www.formexwatch.com FRANK JUTZI Wichtrach www.frankjutzi.com GEORGE J VON BURG Brügg www.gjvb.com GEVRIL Tramelan www.gevrilgroup.com GIBERG Bienne www.giberg.com GLASHUTTE ORIGINAL (Swatch Group) Bienne www.glashuette-original.com GLYCINE Bienne www.glycine-watch.ch HALDIMANN Thun www.haldimann-horology.ch HAMILTON (Swatch Group) Bienne www.hamiltonwatch.com HERMES Bienne www.hermes.com HORAGE Bienne www.horage.com HUGO BOSS Bienne www.hugoboss.com HUGUENOT Bienne www.huguenot.com

BERNE A.B.ART Nidau www.abartwatches.com ANGULAR MOMENTUM Ittigen www.angularmomentum.com ANTIMA Bienne www.antima.ch ARMAND NICOLET Tramelan www.armandnicolet.com ARMIN STROM Bienne www.arminstrom.com ATLANTIC Lengnau www.atlantic-watches.ch AUGUSTE REYMOND Tramelan www.augustereymond.ch AZZARO La Neuveville www.azzaro-watch.com BALMAIN (Swatch Group) St-Imier www.balmainwatches.com BISSET Lengnau www.bisset.ch BOEGLI Bienne www.boegliwatch.ch

www.horotec.ch

BREMONT Bienne www.bremont.com CALVIN KLEIN (Swatch Group) Bienne www.calvinklein.com CANDINO (Festina Group) Bienne www.candino.com CATENA Corcelles www.montres-catena.com CENTURY Nidau www.century.ch CIMIER Bienne www.cimier.com CLARO WATCH Bienne www.clarowatch.com

INDUCTA Gwatt www.inducta.ch JAGUAR (Festina Group) Bienne www.jaguarwatches.ch JOVIAL Bienne www.jovial.ch L.LEROY Bienne www.montres-leroy.com LEON HATOT (Swatch Group) Corcelles www.leonhatot.com LONGINES (Swatch Group) St-Imier www.longines.com MARANELLO Bienne www.rotapmaranello.com MILLERET Bienne www.milleret.ch MILUS Bienne www.milus.com MOVADO (Movado Group) Bienne www.movado.com OMEGA (Swatch Group) Bienne www.omegawatches.com PERRELET (Festina Group) Bienne www.perrelet.com PIERCE Bienne www.pierce1883.com PIERRE JUNOD Bienne www.pierrejunod.com RADO (Swatch Group) Lengnau www.rado.com RODANIA Koeniz www.rodania.com ROVENTA-HENEX Bienne www.roventa-henex.com RSW La Neuveville www.rsw-swiss.com SCUDERIA FERRARI OROLOGI (Movado Group) Bienne www.store.ferrari.com SECULUS Bienne www.seculus.ch STROM Bienne www.stromwatch.ch STUHRLING ORIGINAL Bienne www.stuhrling.com SWATCH (Swatch Group) Bienne www.swatch.com SWISS TIME Bienne www.swisstimeintl.com TALLER Bienne www.tallerwatch.ch THOMAS PRESCHER T Ispach www.prescher.ch TRASER H3 Niederwangen www.traser.com UNION GLASHUTTE (Swatch Group) Bienne www. union-glashuette.com URBAN JÜRGENSEN Bienne www.ujs-chronometry.ch VASTO Tramelan www.vasto.ch

AKRIVIA Genève www.akrivia.com ALAIN PHILIPPE Genève www.alainphilippe.com ALFRED DUNHILL (Richemont) Genève www.dunhill.com ALPINA Plan-les-Ouates www.alpina-watches.com ALTANUS Genève www.altanus.com ANDERSEN GENEVE Genève www.andersen-geneve.ch ANTOINE PREZIUSO Arare www.antoine-preziuso.com AQUANAUTIC Genève www.aquanautic.com ARTYA Vésenaz www.artya.com ATELIERS DE MONACO Plan-Les-Ouates www.ateliers-demonaco.com BACKES & STRAUSS Genthod www.backesandstrauss.com BADOLLET Genève www.badollet.com

BAUME & MERCIER (Richemont) Bellevue www. baume-et-mercier.com BEDAT & Co. Genève www.bedat.com BERTOLUCCI Genève www.bertolucci-watches.com BLACK BELT Vésenaz www.blackbeltwatch.com BLACKSAND Genève www.blacksandgeneve.com BOGH-ART Genève www.bogh-art.com BOVET Plan-les-Ouates www.bovet.com BREVA Genève www.breva-watch.com CARTIER (Richemont) Genève www.cartier.com CHANEL Genève www.chanel.com CHARRIOL Genève www.charriol.com CHOPARD Meyrin www.chopard.com CLERC Genève www.clercwatches.com CVSTOS Genève www.cvstos.com CYRUS Plan-les-Ouates www.cyrus-watches.ch CZAPEK genève www.czapek.com DA VINDICE Genève www.davindice.com DANIEL ROTH (Bulgari) Meyrin www.danielroth.com DAVID VAN HEIM Carouge www.david-van-heim.com DE BETHUNE Genève www.debethune.ch DE BOUGAINVILLE Plan-les-Ouates www.debougainville.com DE GRISOGONO Plan-les-Ouates www.degrisogono.com DELACOUR Genève www.delacour.ch DELALOYE Carouge www.garde-temps.ch DEWITT Meyrin www.dewitt.ch EMILE CHOURIET Meyrin www.emile-chouriet.ch ENIGMA Genève www.gbenigma.com FLORIAN TRESLER SA Genève www.floriantresler.com F.P. JOURNE Genève www.fpjourne.com FABERGE Genève www.faberge.com FRANCK DUBARRY Genève www.franckdubarry.com FRANC VILA / Genève www.francvila.com FRANCK MULLER Genthod www.franckmuller.com FRED (LVMH) Genève www.fred.com FREDERIQUE CONSTANT Plan-les-Ouates www.frederique-constant.com GERALD GENTA (BULGARI) Meyrin www.geraldgenta.com GIO MONACO Genève www.giomonaco.com GRAFF Genève www.graffdiamonds.com GRECO GENEVE Plan-les-Ouates www.greco-watches.com GRENACHER Genève www.grenacher.com GVCHIANI Genève www.gvchiani.com HARRY WINSTON (Swatch Group) Plan-les-Ouates www.harrywinston.com HELFER Genève www.helferwatches.com HERITAGE Neuchâtel www.hwm-watch.com ICELINK Genève www.icelinkwatch.com IMPERIALI Genève www.imperiali-geneve.com JACOB & CO. Genève www.jacobandco.com LAURENT FERRIER Plan-les-Ouates www.laurentferrier.ch LE RHONE Satigny www.lerhone.com LEBEAUCOURALLY Genève www.lebeaucourally.com LEONARD Genève www.leonardwatches.com LOUIS VUITTON Genève www.louisvuitton.com M. STEPHANE Vésenaz www.m-stephane.com

MAGELLAN Genève www.magellanwatch.com MAREMONTI Genève www.maremontiwatch.ru MATHEY-TISSOT Genève www.mathey-tissot.net MB&F Genève www.mbandf.com MECCANICHE VELOCI Genève www.meccanicheveloci.ch MONTBLANC (Richemont) Versoix www.montblanc.com MONTRES AF&F SA Genève www.afavrefils.com MOYA Genève www.moyawatch.com MYKRONOZ Genthod www.mykronoz.com OGIVAL Genève www.ogival-watch.com PATEK PHILIPPE Plan-les-Ouates www.patek.com PIAGET (Richemont) Plan-les-Ouates www.piaget.com PIERRE KUNZ Genthod www.pierrekunzgeneve.com PILO & CO Carouge www.pilo-watches.com QUINTING Genève www.quinting-watches.com RALPH LAUREN Plan-les-Ouates www.ralphlauren.com RATEL Genève www.cyrilratel.com RAYMOND WEIL Genève www.raymond-weil.com RJ - ROMAIN JEROME Genève www.romainjerome.ch ROGER DUBUIS (Richemont) Meyrin www.rogerdubuis.com ROLEX Genève www.rolex.com SARCAR Vésenaz www.sarcar.com SNYPER Genève www.snyperwatches.com TF EST 1968 Carouge www.tfco.ch TUDOR Genève www.tudorwatch.com UNIVERSAL GENEVE Meyrin www.universal.ch URWERK Genève www.urwerk.com VACHERON CONSTANTIN (Richemont) Plan-les-Ouates www.vacheron-constantin.com VAN CLEEF & ARPELS (Richemont) Meyrin www.vancleefarpels.com VAN DER BAUWEDE Genève www.vdb.ch VENUS Genève www.montresvenus.com YESLAM Genève www.yeslam.ch

ARNOLD & SON La Chaux-de-Fonds www.arnoldandson.com AZIMUTH Neuchâtel www.azimuthwatch.com BALL WATCH La Chaux-de-Fonds www.ballwatch.com BIJOUMONTRE La Chaux-de-Fonds www.bijoumontre.com BLAULING Chézard-Saint-Martin www.blauling.com BOMBERG Neuchâtel www.bomberg.ch BOUCHERON (Kering) Cortaillod www.boucheron.com BULER La Chaux-de-Fonds www.buler.ch BULGARI (LVMH) Neuchâtel www.bulgari.com CATENA Corcelles www.montres-catena.com CERTINA (Swatch Group) Le Locle www.certina.com CHAMPS ÉLYSÉES Neuchâtel www.champselyseestimepieces.com CHATELAIN La Chaux-de-Fonds www.chatelain.ch CHRISTOPHE CLARET Le Locle www.christopheclaret.com CHRISTOPHE SCHAFFO La Brévine CHRONOGRAPHE SUISSE CIE La Chaux-de-Fonds www.chronographesuisse.ch CORONA WATCH Neuchâtel CORUM (Haidian) La Chaux-de-Fonds www.corum.ch DIOR HORLOGERIE (LVMH) La Chaux-de-Fonds www.dior.com DREYFUSS & CO La Chaux-de-Fonds www.dreyfussandco.com DUBEY & SCHALDENBRAND La Chaux-de-Fonds www.dubeywatch.com EBSA EMMANUEL BOUCHET SA Les Bayards www.emmanuelbouchet.com ELLICOTT 1738 La Chaux-de-Fonds www.ellicott.ch ENICAR La Chaux-de-Fonds www.enicar.com ETOILE Le Locle www.montres-etoile.ch FENDI Marin-Epagnier www.fendi.com FERDINAND BERTHOUD Fleurier www.ferdinandberthoud.ch FESTINA Bienne www.festina.com FLIK FLAK (Swatch Group) Cormondrèche JURA www.flikflak.com FREDERIC JOUVENOT La Chaux-de-Fonds AEROWATCH Saignelégier www.aerowatch.com www.fjouvenot.com ANDRE MOUCHE Fahy www.andremouche.swiss GAMIL WATCH La Chaux-de-Fonds AVIATOR Porrentruy www.aviatorwatch.ch GERGE Neuchâtel www.gergeswiss.com CATOREX Les Breuleux www.catorex.ch GIRARD-PERREGAUX (Kering) La Chaux-de-Fonds CLAUDE BERNARD Les Genevez www.girard-perregaux.com www.claudebernard.ch GRAHAM La Chaux-de-Fonds EDOX Les Genevez www.edox.ch www.graham-london.com ERNEST BOREL Le Noirmont www.ernestborel.ch GREUBEL FORSEY La Chaux-de-Fonds L'DUCHEN Saignelegier www.lduchen.com www.greubelforsey.com L'EPEE Delémont www.lepee-clock.ch GUCCI (Kering) Cortaillod www.gucciwatches.com LOUIS CHEVROLET Porrentruy HAUTLENCE (Melb Holding) La Chaux-de-Fonds www.louischevrolet.ch www.hautlence.com LOUIS ERARD Le Noirmont www.louiserard.ch HESJY Fleurier www.hesjy.ch LUNDIS BLEUS La Chaux-de-Fonds HOROSWISS La Chaux-de-Fonds www.lundis-bleus.com www.horoswiss.com MATTHEW NORMAN Delémont HYT Neuchâtel www.hytwatches.com www.matthew-norman.ch JAERMANN & STUBI Le Locle MAURICE LACROIX Saignelégier www.jaermann-stuebi.com www.mauricelacroix.com JAMES C. PELLATON Le Locle PAUL PICOT Le Noirmont www.paulpicot.ch www.jamespellaton.com JAQUET DROZ (Swatch Group) La Chaux-de-Fonds www.jaquet-droz.com JEAN D'EVE La Chaux-de-Fonds www.jeandeve.ch JEAN DUNAND Le Locle www.jeandunand.com JEANRICHARD (Kering) La Chaux-de-Fonds www.jeanrichard.com JULIEN COUDRAY 1518 Le Locle www.juliencoudray1518.ch JUVENIA La Chaux-de-Fonds www.juvenia.com KERBEDANZ Neuchâtel www.kerbedanz.com LOUIS MOINET Saint-Blaise www.louismoinet.com MAITRES DU TEMPS La Chaux-de-Fonds www.maitresdutemps.com MARATHON La Chaux-de-Fonds www.marathonwatch.com MARVIN Vaumarcus www.marvinwatches.com MCGONIGLE STEPHEN Neuchâtel www.mcgonigle.ie MCT Neuchâtel www.mctwatches.com METAL.CH Neuchâtel www.metalch.com RICHARD MILLE (Horométrie) Les Breuleux MIDO (Swatch Group) Le Locle www.mido.ch www.richardmille.com MOUAWAD Les Breuleux www.mouawad.com RUDIS SYLVA Les Bois www.rudissylva.com MUREX Le Locle www.murexwatch.com SWIZA Delémont www.swiza.ch OPTIMA Le Locle www.optimawatch.com VALGINE Les Breuleux www.jic.ch/valgine PANERAI (Richemont) Neuchâtel www.panerai.com VICENTERRA Boncourt www.vicenterra.ch PARMIGIANI FLEURIER Fleurier WENGER Delémont www.wenger.ch www.parmigiani.ch PIERRE THOMAS La Chaux-de-Fonds LUCERNE www.pierrethomas.ch RAIDOX Le Locle www.raidox.ch CARL F. BUCHERER Lucerne www.carl-f-bucherer.com RENLEY Neuchâtel www.renley.com CHRONOSWISS Lucerne www.chronoswiss.com RIBA MUREX Le Locle www.murexwatch.com OCHS UND JUNIOR Lucerne www.ochsundjunior.ch ROTARY La Chaux-de-Fonds SEQUENT Lucerne www.sequentwatch.com www.rotarywatches.com SCHWARZ-ETIENNE La Chaux-de-Fonds NEUCHÂTEL www.schwarz-etienne.ch SULTANA www.sultana.ch ACCORD WATCH La Chaux-de-Fonds RL_Eurotec-Bulletin_98x47_v1.pdf 1 La Chaux-de-Fonds 13.02.17 18:30 TAG HEUER (LVMH) La Chaux-de-Fonds www.accordwatch.com www.tagheuer.com ALEXIS GARIN Les Verrières www.alexisgarin.ch

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TAUCHMEISTER La Chaux-de-Fonds www.michel-perrenoud.ch TELOS La Chaux-de-Fonds www.teloswatch.ch TEMPVS COMPVTARE Neuchâtel www.tempvscompvtare.ch TISSOT (Swatch Group) Le Locle www.tissot.ch ULYSSE NARDIN (Kering) Le Locle www.ulysse-nardin.com VOUTILAINEN Môtiers www.voutilainen.ch VULCAIN Le Locle www.vulcain-watches.ch WAKMANN La Chaux-de-Fonds www.wakmann.ch WALTHAM Marin-Epagnier www.waltham.ch ZENITH (LVMH) Le Locle www.zenith-watches.com

BALCO WATCH Mendrisio www.balcowatch.ch BUCCELLATI Chiasso www.buccellati.com CANOPUS Magliaso www.amanzoni.com CUERVO Y SOBRINOS Capolago www.cuervoysobrinos.com DAMIANI Manno www.damiani.com DIANTUS Mendrisio DWISS Lugano www.dwiss.com EBERHARD Paradiso www.eberhard-co-watches.ch GUESS Bioggio www.guesswatches.com ORA Locarno www.oraswisswatch.com SALVATORE FERRAGAMO (Timex Group) Manno www.ferragamotimepieces.com SEA-GOD Chiasso www.sea-god.ch TENDENCE Lugano www.tendencewatches.com TIFFANY Chiasso www.tiffany.com TIMEX (Timex Group) Manno www.timexgroup.com VERSACE (Timex Group) Manno www.versace.com ZITURA WATCH Magliaso www.zitura.com THURGOVIE ANDREAS STREHLER Sirnach www.astrehler.ch HANHART Diessenhofen www.hanhart.com

OBWALD ALBERT RIELE Sarnen www.albertriele.ch ANTOINE MARTIN Alpnach www.antoinemartin.ch SCHAFFHOUSE A. LANGE & SOEHNE (Richemont) Schaffhouse www.lange-soehne.com H. MOSER & CIE (Melb Holding) Neuhausen am Rheinfall www.h-moser.com IWC (Richemont) Schaffhouse www.iwc.ch SCHWYTZ COINWATCH Pfäffikon www.coinwatch.ch LUMINOX Freienbach www.luminox.com MIRA Pfäffikon www.mirawatch.ch PHILIP ZEPTER Wollerau www.zepter.com SOLEURE ARLEA Wolfwil AUREMA Grenchen www.aurema.ch BREITLING Grenchen www.breitling.com CAT Solothurn www.catwatches.com COACH Grenchen www.coach.com COVER WATCHES Solothurn www.coverwatches.com CYCLOS Dornach www.cyclos-watch.ch ETERNA (Haidian) Grenchen www.eterna.ch FAVRE LEUBA Solothurn www.favre-leuba.com FORTIS Grenchen www.fortis-watches.com GENIE Lohn-Ammannsegg www.genieswiss.ch HARWOOD WATCH CO. Grenchen www.harwood-watches.com JOWISSA UHREN Bettlach www.jowissa-watches.com KIENZLE Egerkingen www.kienzleuhren.de MANJAZ Nidau www.manjaz.ch NORD ZEITMASCHINE Büsserach www.nord-zeitmaschine.ch PORSCHE DESIGN Grenchen www.porsche-design.com ROAMER Soleure www.roamer.ch SWISS MILITARY-HANOWA Solothurn www.swissmilitary.ch TITONI Grenchen www.titoni.ch ST. GALL LUNESA Sevelen www.lunesa.com TESSIN ADRIATICA Camorino www.adriaticawatches.ch ALFEX Manno www.alfex.com

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VALAIS WEST-END Leytron www.westendwatchco.ch VAUD ADRIANO VALENTE Lausanne www.adrianovalente.com ALAIN SAUSER CRÉATION Chamby www.alainsauser.ch ALFRED ROCHAT - AROLA Les Bioux www.arola-alfred-rochat.ch ANONIMO Chavannes-de-Bogis www.anonimo.com ARCADIA Versoix www.arcadiageneve.ch AUDEMARS PIGUET Le Brassus www.audemarspiguet.com BLANCPAIN (Swatch Group) Paudex www.blancpain.com BREGUET (Swatch Group) L'Abbaye www.breguet.com C3H5N3O9 Gand www.c3h5n3o9.com CHAUMET (LVMH) Nyon www.chaumet.com CHRISTIAN JACQUES Lausanne www.christian-jacques.com CLAUDE MEYLAN Le Pont www.claudemeylan.ch DE HAVILLAND Yverdon-les-bains www.dehavilland-watches.com DODICI Montreux www.dodici.ch EVILARD WATCH SA Aubonne www.evilard-watch.com FRERES ROCHAT (Automates) Le Brassus www.freres-rochat.com HD3 COMPLICATION Luins www.hd3complication.com HUBLOT (LVMH) Nyon www.hublot.com HYSEK Lussy-sur-Morges www.hysek.com JAEGER-LECOULTRE (Richemont) Le Sentier www.jaeger-lecoultre.com JANVIER Ste-Croix www.vianney-halter.com JORDI Nyon www.jordiwatches.com LOUIS GOLAY Lonay www.louisgolay.com MANUFACTURE ROYALE Vallorbe www.manufacture-royale.com MUSE St-Cergue www.muse-watches.com

PHILIPPE DUFOUR Le Sentier www.philippedufour.com PIERRE DEROCHE Le Lieu www.pierrederoche.com REBELLION Lonay www.rebellion-timepieces.com REUGE (automates) Sainte Croix www.reuge.com REVELATION Lully www.revelation-watches.ch ROD Lausanne www.rodwatches.ch ROMAIN GAUTHIER Le Sentier www.romaingauthier.com SLYDE Luins www.slyde.ch SPEAKE-MARIN Bursins www.speake-marin.com VALBRAY Lausanne www.valbray.ch VINCENT CALABRESE Morges www.vincent-calabrese.ch

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ZOUG DIETRICH Zoug www.dietrich-watches.com GC WATCHES (Timex Group) Zoug www.gcwatches.com RAM Cham www.ram-watches.ch RECONVILIER Zoug www.reconvilier.com ZURICH ALEXORA Zurich www.alexora.com BÓLIDO WATCH SÀRL Dübendorf www.bolido.rocks CAMEL ACTIVE Zurich www.mondaine.com CARL SUCHY Zurich www.carlsuchy.com CORNAVIN Zurich www.cornavin-watches.ch HELVETICA Zurich www.mondaine.com JUSTEX Zurich www.justex.ch LALIQUE Zollikerberg www.lalique.com LES MILLIONNAIRES Zurich www.millionnaires.ch M-WATCH Zurich www.mondaine.com MARC JENNI Zurich www.marcjenni.com MAURICE DE MAURIAC Zurich www.mauricedemauriac.ch MIKI ELETA (Pendules) Zurich www.eleta.ch MONDAINE Zurich www.mondaine.com MONTILIER Zurich www.montilier.com O&W Zurich www.chronotime.ch PAUL GERBER Zurich www.gerber-uhren.ch PHILIP STEIN Kilchberg www.philipstein.com SEVENFRIDAY Zurich www.sevenfriday.com SWAROVSKI Männedorf www.swarovski.com TORSO Zurich www.torsoswiss.ch URBACH Zurich www.urbach.ch WEINBECK Zurich www.weinbeck.ch WERENBACH Zurich www.werenbach.ch XEMEX Zurich www.xemex.ch ZASPERO Regensdorf www.zaspero.com

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