La réhabilitation de la piscine abandonnée de Luminy

Page 1


La Réhabilitation de la Piscine abandonnée de Luminy

Comment raviver un équipement patrimonial du XXème siècle en adéquation avec la diversité des enjeux actuels?

Rapport de PFE

Domaine d’Etudes : FAIRE

Directeur d’Etudes : Géraldine Viellepeau

De Aizpurua Eva ENSA Paris val de Seine 4 juillet 2024

Avant - propos

Cette dernière année d’étude en architecture nous à donné l’opportunité de nous révéler à travers le projet. Il me semble qu’à ce moment de notre parcours nous avons identifié plus précisément ce qui nous anime en architecture et sommes fiers et enthousiastes de le partager. Je pense que les projets choisis à cette occasion sont souvent motivés par une sensibilité personnelle, que ce soit par un thème, un lieu, ou autre. Pour ma part le choix du site est le prisme de trois motivations personnelles : d’abord le choix d’une réhabilitation. Le travail sur l’existant est une véritable investigation que je trouve particulierement passionnante à mener, et interressante à traiter lorsqu’il

s’agit de faire communiquer un passé (l’existant) avec un futur (le projet) sans dénaturer le site en question. Ensuite le statut du centre aquatique d’une part et de site urbex d’autre part. N’ayant jamais eu l’occasion d’étudier un tel équipement durant mes 5 années d’architecture, j’étais curieuse d’apprendre sur ces infrastrucrtures et leur fonctionnement. Enfin la localisation. Le cadre méditerranéen est pour moi un environnement qui m’inspire par sa qualité de vie. Ayant eu la chance de baigner dans cet environnement durant ma scolarité, j’ai souhaité y trouver un site. Travailler sur ce lieu m’y a transportée et m’ a tenu en haleine sans jamais me lasser.

production personnelle : collage des usages passées ( la halle du bassin ludique)

Remerciements

Ce rapport est le fruit d’une année de travail de recherche et d’échanges. Je tiens donc à exprimer ma gratitude envers toutes les personnes qui ont contribué à la réussite de ce projet. Je remercie Géraldine Viellepeau, ma directrice d’études, pour son encadrement assidu et structuré. Je suis également reconnaissant envers Antoine Vigier-Kholer, Antoine Barjon, et Mihai Buse, qui ont enrichi notre supervision durant la seconde partie de l’année

Ce travail a été une véritable chasse au trésor et m’a permis de rencontrer des personnes touchées de près ou de loin par la situation de la piscine et engagées dans sa réhabilitation. Je suis reconnaissante envers ces personnes qui m’ont partagé leur intérêt pour la piscine, m’offrant une lecture authentique et approfondie sur le bâtiment et son histoire. La piscine de Luminy, patrimoine abandonné bien connu à Marseille, suscite des tensions en raison des nombreux acteurs intéressés par sa réhabilitation. Je suis très reconnaissante envers ces personnes de m’avoir permis d’aller aussi loin dans la compréhension de mon site.

production personnelle : collage des usages passées ( les gradins, la bassin olympique)

Un grand merci à Carla, résidente marseillaise rencontrée lors d’une de mes visites, qui m’a accueillie avec bienveillance et émotion et a guidé ma visite du bâtiment. Merci à M. Julien Guiramand, de Samarande Avocats à Marseille, grâce à qui j’ai pu accéder aux archives de la plaine sportive et aux documents historiques de René Egger par dérogation personnelle. Merci à Dominique Cornaert, enseignant à l’ENSA Paris Val de Seine pour ses conseils techniques et merci à Arnaud Bouet et Pietro, architectes chez BVL Architecture pour le partage de documents officiels sur l’existant et l’Atelier RK.

Je remercie Léo et mes parents pour leur soutien constant moral et physique hors du cadre scolaire, car ce contexte est à tort parfois mis un peu trop de coté, et tout particulièrement ma mère pour son accompagnement et ses conseils sur divers points de mon travail.

Enfin je remercie énormément Evane, Pauline, et mes amis de l’atelier, qui ont fait de mes années de master les plus belles années d’études que je pouvais imaginer.

production personnelle : carte de la ville de marseille

Sommaire

1.La

b.

Introduction

La piscine de Luminy, édifiée dans les années 1960 par l’architecte René Egger, est un symbole marquant de l’architecture moderniste en plein cœur des calanques de Marseille. Fermée depuis 2009 pour des travaux de désamiantage, cette infrastructure emblématique est aujourd’hui à l’abandon, en attente d’une réhabilitation qui pourrait redonner vie à ce patrimoine exceptionnel.

Le projet de réhabilitation de la piscine de Luminy s’inscrit dans un contexte de forte demande en équipements aquatiques à Marseille, une ville où le nombre de piscines par habitant reste largement insuffisant par

rapport à d’autres grandes villes françaises. Ce projet vise non seulement à restaurer un édifice historique, mais aussi à répondre aux besoins contemporains en termes de loisirs, de sport et de bien-être des résidents. La réhabilitation de la piscine de Luminy n’est pas seulement un projet de restauration, mais aussi une opportunité de redonner vie en créant un lieu où passé et présent se rencontrent pour offrir aux marseillais un équipement à la hauteur de leurs attentes et de leur histoire. La réhabilitation de cette piscine patrimoniale pose d’une part des défis techniques et architecturaux majeurs mais renvoie aussi à

des enjeux technologiques modernes permettant l’efficacité énergétique et la durabilité de ce bâtiment. Ce rapport explore la recherche d’un équilibre juste entre la préservation des éléments distinctifs de la conception originale d’un bâtiment patrimonial et la prise en compte de son habitabilité sans que cela soit au dépend de celle de la Terre. Par ailleurs, le projet vise à répondre aux normes actuelles de sécurité, d’accessibilité et de confort, tout en offrant une diversité d’activités adaptées à une clientèle variée.

Ainsi, afin d’adresser les problématiques historiques, architecturales, techniques et socio-économiques de cette réhabilitation, ce rapport de Projet de Fin d’Études remonte dans le temps pour comprendre l’identité du lieu et son histoire, ensuite il pose les enjeux qui cristallisent le site encore aujourd’hui pour enfin proposer des solutions innovantes et transformer la piscine de Luminy en un centre aquatique moderne et attractif, capable de servir les besoins de la communauté tout en valorisant un riche héritage.

Calanques de Morgiou

1.La piscine de Luminy, un site remarquable en déshérence

a.

Un équipement remarquable dans l’ensemble universitaire de René Egger.

Après la Seconde Guerre mondiale, la mairie récupère le domaine de Luminy pour y construire un hôpital, finalement implanté ailleurs. En 1961, le maire de l’époque Gaston Defferre choisit René Egger pour concevoir un nouveau campus universitaire sur 100 hectares du domaine de Luminy. Pour se faire Le campus se contruite autour de 2 axes : Nord-Sud et EstOuest, et conserve l’accessibilité du lieu par la voie d’origine au Nord.

En 1966, le campus ouvre ses portes aux étudiants avec des amphithéâtres, une bibliothèque, et un restaurant universitaire. Cependant, en 1972, seulement 1000 étudiants fréquentent le campus au lieu des 9000 prévus. Le ministre de l’Éducation Nationale, Olivier Guichard, juge le site surdimensionné et gèle les travaux, réduisant les fonds alloués. Certains bâtiments restent inachevés jusqu’en 1993.

Malgré les contraintes budgétaires, l’université continue de se développer. En 1985, une association vise à faire de Luminy un technopôle.

Entre 1980 et 1990, la protection du domaine s’accroît, et le Parc National des Calanques est créé en 2012. Le campus se densifie et remporte un appel à projet d’État pour moderniser ses installations, créant Aix-Marseille Université.

René Egger, grand bâtisseur de Marseille après-guerre, a réalisé de nombreux bâtiments dont des écoles, lycées, la faculté de Saint-Jérôme, et le campus de Luminy. Ses commandes d’État prestigieuses constituent l’essentiel de son œuvre. Le plan de Luminy projeté en 1961 par Egger prévoyait une densité bâtie deux fois supérieure à l’actuelle, avec une autoroute reliant Mazargues au campus, de nombreux parkings, et une place centrale avec commerces. Il envisageait aussi des entreprises en périphérie, un théâtre de plein air, une zone constructible, une tour et un grand stade.

figure 1 - Plan du campus déssiné par René Egger en 1966

figure 2 - Au temps de Gaston Defferre , Couverture du périodique municipal d’informations de Marseille en mai 1973 pour annoncer l’inauguration et le lancement du centre aquatique

Le campus, conçu en béton armé par les mêmes entreprises, présente deux styles distincts de part et d’autre de l’axe principal. À l’Est, le campus scientifique, implanté sur les anciennes terres cultivées de la propriété Fabre, adopte un plan libre autour du parc de la bastide. À l’Ouest, une écriture plus méditerranéenne suit la topographie du site, avec un terrain de sport et une piscine, non réalisés.

À partir de 1965, René Egger conçoit la piscine du campus de Luminy avec Jacques Berthelot et Christian Pichoux. Le projet comprend deux phases : la piscine et, plus tard, les terrains et vestiaires à l’est, ainsi qu’un gymnase au nord, jamais réalisé. Inaugurée en 1973 par le maire Gaston Defferre, la piscine, à la pointe du design, pouvait accueillir 1686 baigneurst, avec 136 cabines à change rapide, 672 casiers automatiques, 1014 vestiaires porte-habits, et 2 vestiaires collectifs de 40 usagers. Les gradins quant à eux, pouvaient accueillir jusqu‘à 470 personnes.

figure 3 - localisation de l’équipement de la piscine à Marseille, 9ème arrondissement, quartier Redon à Luminy

b. Des prinicpes de composition architecturale et paysagère lisibles

Luminy est une situation privilégiée par sa localisation. A l’écart de la ville, en immersion dans le coeur protégé des calanques, le domaine est isolé dans un cirque collinaire naturel. Grâce à son passé agricole, Luminy est densement pleuplé par la faune et la flore méditéranéenne. Le soir le domaine assiste à un véritable spectacle de la nature, baigné dans les lueurs oranges du soleil couchant. Le nom du domaine n’est pas anodin, il tient l’origine de son nom du latin «lumen» c’est à dire «lumière». En effet les villes méditéranéennes sont connues pour leurs soirées réchauffées par la lumière orangée du soleil rasant. La piscine est installé au départ de chemins de grandes randonnées, ouvrant la voie vers les calanques de Sormiou, Morgiou et Sugiton, en passant par le Mont de Luminy, le col de Morgiou, le col des Escourtines. Porte d’entrée vers les calanques, l’équipement én béton s’adosse à la topograpie montante par un socle et des jeux de plateaux. Architecturalement le projet tient son originalité par l’assemblage d’élément distinctifs. Depuis un socle béton épais se dégagent les différents

programmes. Ces émergences singulières et autonomes suivent une logique structurelle de portiques béton qui orientent les vues Est-Ouest. En effet la piscine est installé entre la crête des escampons à l’Est et a une vue dégagé vers le vallon ricard à l’Ouest, la structure guide notre regard vers ces collines. La halle du bassin ludique est couverte par 12 paires de portiques trois pieds pour une double fonction : franchissement de 14m pour couvrir le bassin ludique et maintien de la coursive au niveau 2. Dans cette structure l’architecte a déjà réfléchi à l’emplacement des systèmes techniques (réseau électriques, ventilation, chauffage et écoulement des eaux, récupération des eaux de pluie en toiture) dans l’épaisseur des paires de portiques (2m). En partie basse de la retombée des portiques, est coulée la toiture en béton armé, dessinant la forme nervurée de la halle du bassin couverte. Cette halle est donc une structure légère dans laquelle le béton est travaillé avec finesse La seconde structure béton forme le pavillon d’accueil, la deuxième émergence singulière. Au rez de chaussé, 4 voiles

figure 4 - photo de BVL architecte

béton forment le logement de la gardienne et donnent sur les bassins d’éveil. Sur une trame carré 3,68m x 3,68m, 4 poteaux bétons soutiennent le plancher de la cafétéria jusqu’à la toiture. Celle-ci portée en son centre donne l’impression d’être suspendue aux portiques qui coiffent le pavillon. Le socle regroupe les espaces servants, à savoir les galeries techniques, les locaux de chaufferie et traitement des eaux, les locaux du personnel et les vestiaires. Dans les galeries techniques s’enchaînent les voiles bétons tous les 1,18m qui soutiennent la dalle haute du socle et définissent l’emprise du bassin à ce même niveau. Les vestiaires sont tenus par une structure tramée de 3m x 4m et symétrique (hommes / femmes) et supportent le solarium, une surdalle plus épaisse laissant place à des jardinières et des assises en extérieur. Ce schéma structurel des vestiaires permet d’agencer le cheminement intrinsèque propre à ces équipements : la logique des pieds chaussés et non chaussés.

Pour finir, 2 axes de circulation articulent ces volumes, soit par traversée , soit par accrochage. La composition de ces émergences béton met en avant l’horizontalité de la dalle depuis laquelle ils émergent. Ce large plateau d’espaces extérieurs installe un effet de nappe au coeur des calanques et devient un véritable belvédère et permet d’apprécier la vue dans l’eau ou sur les plages. D’après cette analyse structurelle de l’équipement, celui-ci est composé d’un socle qui marque une horizontalité et d’éléments autonomes qui viennent s’y atteler et tenir un programme.

un sol épais des émergences

des cavités

2 axes prinicpaux de circulation une adhérence à la topographie existante

figure 5 - shemas conceptes de la composition existante

regles de construction marquées

figure 6- plan rez de chaussé

figure 7 - plan niveau 1

c. Etat des lieux d’un site à l’abandon

La piscine fait partie du projet universitaire d’ensemble proposé en 1966 et le bâtiment est inauguré en 1973. 35 ans plus tard le bâtiment est, comme la majorité des bâtiments érigés au XXeme siècle, soumis à des travaux de désamiantage. Le site est alors contraint de fermer ses portes en mars 2009. Dans un premier temps, la mairie de Marseille annonce 4 ans de travaux et évoque une réouverture avant la fin 2013. Il s’agit alors d’enclencher “ une réhabilitation totale pour améliorer la sécurité, le confort et l’accueil des usagers.” Cependant aucune réouverture n’aura lieu. En 2015, un rapport, financé par la municipalité, recommande la conversion du site en un «centre d’excellence sportive». Un an plus tard, en 2016, le projet de construction d’une piscine à Euroméditerranée, associé à la rénovation de celle de Luminy, est adopté par la mairie. Cela suscite un regain d’espoir mais le processus s’avère être un défi complexe. Une partie du terrain prévu à Euroméditerranée est située dans une zone sujette aux inondations. Le projet stagne, entraînant avec lui la rénovation potentielle

de Luminy. Les deux projets étaient étroitement liés : Euroméditerranée, supposé être plus rentable, offrait la possibilité de compenser les déficits du projet Luminy, notamment en envisageant un développement immobilier complémentaire à la piscine. En 2018, Luminy refait surface dans l’actualité avec plusieurs appels d’offres lancés par la municipalité pour les travaux de réhabilitation. Le site de la piscine fait partie d’un concours de concessions auquel plusieurs agences ont répondu. C’est le cas de BVL architecture et APMA architecture. Malheureusement ces appels à projet sont sans suite et aucune agence n’a été retenue lauréate (ni indemnisée) à ce jour. A Marseille, chaque nouveau mandat municipal est vu comme un nouvel espoir et remet la piscine au coeur des débats. Les élus successifs s’expriment à ce sujet avec des stratégies diverses pour impulser sa réhabilitation. En 2020 « Réhabiliter la piscine de Luminy » fait partie des promesses de Lionel Royer-Perreaut, maire des 9e et 10e arrondissements de Marseille. Le 26 mai 2022 Sébastien Jibrayel, adjoint à la mairie

8 - Extrait d’un périodique marseillais « open provence» au sujet de la piscine de Luminy en 1973

figure

chargé des sports, évoque lors d’une interview sur le plateau BFMTV l’aspect financier de ces travaux (20 à 30 millions d’euros après des études de faisabilité) et propose un démarchage auprès de collectivités pour obtenir ces financements. Ces derniers ne manquent pas de montrer leur indignation face à ce manque de considération de la part de l’Etat vis-à-vis de ce bâtiment. Le 21 janvier 2024, la municipalité lance une consultation auprès d’entreprises pour mener les chantiers de reconstruction des piscines Nord et Luminy pour un coût total de 76 millions d’euros. Ces entreprises sont candidates à la réalisation des deux projets avec à la clé un contrat de concession de 23 ans.

A l’heure actuelle complètement désossé, la piscine fait l’objet de soirées sauvages et sert de support d’expression des artistes graffeurs de la région. Face à l’appropriation illégale de différents acteurs, l’état de l’équipement est très critique : tagg, revêtements de surfaces arrachés, vitrages et serruries cassées , faux plafonds et cloisons tombées, fond des bassins

encombré, végétation qui reprend ses droits.

Fermée depuis 2008 pour amiante, non-conformité aux normes de sécurité, et vétusté, la piscine est laissée à l’abandon malgré une ouverture annoncée en 2013. Autrefois un lieu populaire de baignade et de détente pour les résidents, l’abandon de ce bâtiment chargé d’histoire est une honte pour la ville de Marseille et ses habitants qui l’ont fréquentée. Aujourd’hui le site continu de se dégrader, cristallisé et pris au piège par des enjeux financiers et politique, tandis que les Marseillais ne cessent de pétitionner pour sa réouverture.

figure 9 - Au temps de Sebastien Jibrayel, extrait d’un journal marseillais au sujet des stratégie de financement qui ont échoué pour la réhbilitation de la piscine

figure 10 - photos état des lieux avril 2024

figure 11 - photos état des lieux avril 2024

figure 12 - photos état des lieux avril 2024

le vallon ricard vu depuis la piscine

2. Enjeux et actualités d’un héritage moderne

a. Un équipement territorial obsolète

La conception de la piscine de luminy en 1970 renvoie à une époque climatique et environnementale différente de celle d’aujourd’hui. Plus généralement, cette période laisse son empreinte sur la construction du parc aquatique français et porte de lourdes répercussions aujourd’hui. En effet, le parc aquatique souffre d’une obsolescence générale de ses centres aquatiques, et ce, à cause de trois facteurs majeurs : économique, énergétique et environnemental. Mais comment expliquer une vétusté soudaine et massive de ces infrastructures ?

Le parc aquatique français est composé à plus de 37% de piscines construites avant 1975. Cela s’explique par un événement historique qui remonte à 1968 lors des Jeux Olympiques au Mexique. Les épreuves de nage des Jeux Olympiques ont mis en lumière les lacunes des français sur le plan aquatique. Honteux de ces résultats, le gouvernement Français a lancé le plan des 1000 piscines, un programme national de construction de piscines en masse. Entre 1968 et 1975 ce plan de construction de

centres aquatiques maille le territoire et marque une décennie pendant laquelle la France connaît une hausse de bassins mis en service avec 1785 bassins et participe à 28% (un record) à la construction du parc aquatique français. 49 ans plus tard, la conscience environnementale a évolué et ces équipements sont attendus sur de nouveaux critères. Les équipements concernés par cette période de construction constituent une majeure partie du parc aquatique français et doivent moderniser leur structure.

Sur le plan économique : l’entretien de ces équipements est coûteux et les prix des entrées ne couvrent pas ces frais. Ils sont de véritables gouffres financiers impossibles à rentabiliser. Sur le plan énergétique : la consommation émise par ces structures pour chauffer les locaux, l’air et les volumes d’eau est colossale. Sur le plan environnemental : la quantité d’eau régulièrement changée et le traitement de celle-ci par produits chimiques dont l’utilisation n’est plus conseillée, sont pointés du doigt.

En prenant en compte ces facteurs, ces équipements doivent être rénovés

et la qualité de leurs locaux et l’efficacité énergétique de leurs bâtiments doivent être repensés. Cela passe par une amélioration de l’isolation, une mise à jour des normes sanitaires, normes PMR, la sécurité, le confort des usagers etc… Cette modernisation représente un investissement financier important, c’est pourquoi dans certains cas il est plus intéressant de fermer des équipements ou de les ouvrir seulement les mois chauds dans l’année. Pour finir, l’évolution de la demande des usagers a elle aussi évolué. Là où autrefois la nage était à des fins de compétition, la diversité d’activités proposées au sein de ces équipements attire aujourd’hui plus largement. L’apprentissage de la nage n’est plus une fin en soi, les consommateurs apprécient d’y aller pour le loisir, la détente ou la pratique de différents sports dans l’eau. Les centres aquatiques attrayants sont ceux qui proposent des activités variées et innovantes en adéquation avec la demande. Pour se démarquer, pour attirer une clientèle plus mais aussi pour assurer un soutient finan-

cier à l’année, les centre aquatiques fonctionnent de nos jours avec des programmes de bien être sec ( salle de sport, salle de fitness) et/ou des programme de bien être humide ( jacuzzis, saunas, hamman, soins corporels, douches sensorielles).

Pour augmenter la fréquentation et favoriser la fidélisation les centres aquatique obsolètes choisissent la divesification lors de leur transformation

L’obsolescence du parc aquatique français est un phénomène multifactoriel qui nécessite une approche globale pour être résolu, combinant investissements, innovation, adaptation aux attentes de la clientèle et conformité réglementaire.

100K à 200K

200K à 500K

500K à 1M

figure 13 - analyse cartographique : densité de population par agglomération

Paris
Golfe de Gascogne
Mer Méditérranée
La Manche + D’1M

- de 15K

entre 25K et 30K entre 20K et 25K entre 15K et 20K + de 30K

figure 14 - analyse cartographique : ratio habitants /piscines

Golfe de Gascogne
Mer Méditérranée
La Manche

b. Un paradoxe marseillais

«La mer est partout, mais les enfants savent moins bien nager qu’ailleurs. Près d’un élève marseillais sur deux ne sait pas nager à l’entrée du collège, contre un sur dix dans le pays. Pour cause : le manque criant de piscines. Des parents optent pour des structures privées, pour 20 euros l’heure de natation. Et certains doivent tout réapprendre» *

Le déficit de piscines à Marseille est un problème bien connu qui affecte les habitants de cette ville méditerranéenne, surtout pendant les mois chauds. Pour plusieurs raisons l’accessibilité des piscines aux résidents marseillais est très limitée. D’abord le nombre de structures disponibles dans la ville. Avec 15 piscines publiques pour 880 000 habitants, la cité phocéenne est la ville française la moins bien équipée en centres aquatiques. Ce manque est particulièrement notable par rapport à d’autres grandes villes françaises. Marseille et Paris , les deux villes les plus denses de France ont un ratio respectif de 1 piscine pour 58 000 habitants et 1 piscine pour 55 000 habitants. Tandis qu’à Lyon ou Toulouse ce ratio est divisé par 2 donc nettement

plus accessible avec respectivement 1 piscine pour 21 500 habitants et 1 piscine pour 22 200 habitants. Depuis 2018 la ville de Marseille est pointé du doigt et pour cause : il y a en moyenne en France 25m2 de bassin pour mille habitants, à Marseille c’est 5 fois moins, soit 4,5m2 de bassin pour 1000 habitants. Autre point, l’état des installations disponibles. Comme vu précédemment, le parc aquatique français est composé à plus de 38% de piscines construites avant les années 1970. Plusieurs de ces piscines existantes sont vieillissantes et ont dû fermer temporairement pour des travaux. C’est le cas des piscines Vallier, Saint-Charles et Bonneveine, pour des raisons d’entretien, de rénovations, modernisation, non respect de normes diverses, réduisant encore

* extrait de l’article « Sport : Marseille souffre du manque de piscines» publié le 29/05/2023 22:06 sur francetvinfos.fr

Piscine abandonnée de René Egger Piscines publiques

figure 15 - analyse cartographique : répartition des centres aquatiques à Marseille

l’offre disponible. Cet accès limité fait de Marseille un territoire à risque sur la plan de la sécurité en mer car le déficit de piscine prive l’accès à l’apprentissage de la nage aux jeunes enfants. Avec 57 km de côte et 21 plages, la cité phocéenne attend chaque été un peu plus de deux millions de baigneurs, touristes et locaux sur son littoral. Si les littoraux attirent, ils présentent aussi un énorme danger : celui de la noyade. Comme toutes les villes côtières, Marseille est confronté à ce risque et en 2021 la région PACA tenait le record de noyade… Pour des raisons de santé, l’activité physique et sportive participe au bien-être des habitants. Or la surcharge ou le manque d’établissements prive certaines populations d’activités aquatiques, et les empêchent de se divertir et de prendre soin de leur santé mentale. Pour des raisons sociales, la disparité de ces équipements creuse les inégalités sociales au sein de la ville. Les quartiers défavorisés de Marseille sont souvent les plus touchés par ce manque d’infrastructures sportives, renforçant les inégalités sociales. Enfin, pour des raisons d’inclusion

sur la scène sportive à l’échelle du monde, la ville de Marseille rencontre des difficultés à entraîner ses athlètes. Rendre inaccessible l’accès à certaines structures provoque la saturation de celles qui sont en activité et donc une mauvaise gestion de ces structures, et l ’incapacité à répondre à la demande de tous les usagers : résidents, saisonniers, scolaires, retraités…La surcharge de ces équipements ne permet pas une bonne gestion d’affluence et cela met en difficulté les clubs sportifs qui ne parviennent pas à obtenir des créneaux horaires suffisants pour s’entraîner. Pour regagner des m2 de bassins la ville de Marseille aimerait rénover les bassins fermés en l’occurence un centre au Nord ainsi que celui de Luminy au Sud, hors la réhabilitation de ces équipements est estimée respectivement à 15 millions d’euros et 30 millions d’euros..

La Martine

La Castellane

Saint Joseph

Busserine

Frais Vallon

Saint Charles

Louis Armand Vallier

La Granière

Cercle des Nageurs

Pont de Vivaux

René Magnac

Desautel

Bonneveine

Pointe Rouge

Bombardière

Luminy

25m x 10m

25m x m

25m x m

25m x 10m

25m x 10m

25m x 12.5m

25m x 10m

25m x 15m; 15m x 8m

25m x 12.5m

25m; 25m; 50m

25m x 10m

25m x 15m

25m x 10m

25m x 10m

25m x 12.5m; 12.5m x 8m

25m x 10m

25m x 15m;50m x 21m; 16m x 16m

figure 16 - tableau analytique : centres aquatiques à Marseille

c. La plaine sportive du campus de Luminy, une situation remarquable

Luminy est un quartier dans le 9ème arrondissement de Marseille qui accueille un campus universitaire de 19 000 étudiants et 1400 personnes employées. Ce fragment de Marseille de 94 hectares n’échappe pas à la problématique de l’accès aux centres aquatiques. Situé au cœur du parc des calanques, Luminy plonge le campus universitaire dans un cadre de vie en immersion. Accessible par une voie seulement ( D559) et à 40 min de voiture du centre ville, cette situation excentrée nécessite d’avoir un minimum d’autonomie pour les étudiants qui y vivent 10 mois dans l’année. Les établissements présents sur le campus proposent une diversité de domaines d’enseignements allant de la maternelle aux études supérieures, des laboratoires de recherche, des centres de conférences, des résidences étudiantes et des équipements sportifs. L’organisation du campus est marquée au nord par la présence des structures d’enseignements et de recherche, au sud les établissements pour la vie de campus, et, de manière excentrée, au nord-ouest du campus, la plaine sportive. Elle regroupe de

façon condensée les différentes activités sportives mises à disposition des étudiants : stade d’athlétisme, club de tennis , club de pelote basque et la piscine municipale de René Egger. Sans surprise, cet équipement souffre comme les piscines publiques du reste de la ville, de la mauvaise gestion du parc aquatique et prive les étudiants d’une plaine sportive complète. En plus d’une vie étudiante animée, le domaine de Luminy attire les sportifs et accueille divers activités dans le Parc Naturel et ses calanques : course à pieds, radonnée, escalade, balades à cheval, ou encore voile, canöé kayak, padel et plongée sous- marine.

figure 17 - Plan du campus de Luminy 2024

Coeur terrestre

Parc National des Calanques

figure 18 - Chemins de Grandes Randonnées

Site des Jeux Olympique La Marina 2024
Auberges de jeunesses

d. Un héritage moderne, entre permanence et obsolescence

Patrimoine du XXème siècle, le complexe aquatique construit en 1973 témoigne d‘une époque, d‘un architecte et d‘un savoir-faire. Aujourd‘hui laissé à l‘abandon, son état se dégrade de jour en jour et met en péril tout son héritage, à la fois structurel et historique. La réhabilitation de l‘édifice présente alors l‘opportunité d‘un renouveau, celui de valoriser et réinvestir une richesse oubliée. Cette occasion de renouveau permet de définir les éléments patrimoniaux nécessaires à protéger , conserver et mettre en valeur. René Egger marque la ville de Marseille par ses divers projets. Fidèle bâtisseur de la ville de la cité phocéenne, il était très discret, au point de vivre aujourd’hui dans l’ombre de son coéquipier Fernand Pouillon. Fruit de son travail, le bâtiment doit témoigner de son investissement pour Marseille durant sa période de vie active. René Egger a bâti la piscine de luminy mais il est aussi l’auteur de L’Hôpital Nord de Marseille : Un grand complexe hospitalier caractérisé par son usage de béton brut et sa conception fonctionnelle, La Faculté des Sciences de Luminy :

Un projet universitaire où l’intégration au site naturel et la flexibilité des espaces sont évidentes, Le Lycée Thiers à Marseille : Une réhabilitation et une extension moderniste d’un établissement scolaire historique ou encore l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille (elle aussi dans le campus de Luminy).

Ses travaux disposent de caractéristiques architecturales communes relevant de la main d’Egger comme : l’utilisation de la pierre massive ou d’autres matériaux modernes tels que le béton armé et le verre, la conception de volumes simples et épurés pour accueillir des fonctions claires. En ce sens, certains éléments singuliers au sein du projet de la piscine se retrouvent dans d’autres réalisations d’Egger à savoir la frise béton de l’entrée, aussi présente sur le site de l’ENSA Marseille, qui témoigne d’un savoir faire de l’époque, le modèle du portique en béton armé apprécié pour sa rapidité de mise en oeuvre et des portées conséquentes permettant de générer des espaces généreux, comme dans le hall de Timone, ou en-

core le dessin très rythmé de la façade de la halle, qui génère une façade répétitive très tramée comme la façade de l’école primaire de l’abbé d’épée.

Autre élément qui se retrouve dans les travaux d’Egger, le rapport à la lumière naturelle. L’architecte utilisait de grandes baies vitrées et des dispositifs architecturaux pour maximiser l’entrée de lumière dans les espaces intérieurs comme en témoigne largement la halle de la piscine.

Enfin, le rapport au site est une des préoccupations d’Egger pour laquelle il était reconnu : le souci de l’intégration harmonieuse de ses bâtiments dans leur environnement. Egger cherchait souvent à créer une continuité entre l’intérieur et l’extérieur. Véritable porte d’entrée vers les ca-

lanques, la piscine est le fruit d’un travail d’insertion paysagère indéniable. Pour ce faire, le coéquipier de Pouillon travaille l’adhérence à la topographie par l’installation dans un fond de scène dans sa composition. Par le choix d’une structure transversale, l’équipement génère et oriente des vues vers le grand paysage. A l’ouest, la halle est adossée au terrain naturel et propose des ouvertures plus larges vers la pinède. A l’Est notre regard porte sur l’horizon vallonné plus lointain et est dégagé par les émergences plus basses du complexe. Sur le socle horizontal, les bassins s’installent dans le sens des lignes de topographie existante et ont eux aussi une vue dégagée. Le plateau horizontal de la dalle qui accueille les différents bassins est un véritable belvédère au coeur de la pinède.

figure 19 - La fresque béton (en haut) et le mur à motifs années 1970 (en bas)

3. Conserver, adapter pour réactiver et transmettre

Les enjeux et problématiques vus précédemment poussent à réfléchir à l’avenir de ces bâtiments ainsi qu’à des nouvelles formes de consommation et d’usage de la piscine. Ainsi, que pensons-nous des modèles de piscine traditionnels qui perdurent aujourd’hui ? Face au prix de l’énergie et à l’impact de la consommation énergétique sur l’environnement, que sommes-nous prêts à changer dans nos modes de vie pour continuer à pratiquer la “nage en boite” confortablement? Quel plan de relance imaginer pour un centre aquatique du XXème en prenant en compte la

dimension patrimoniale ? En partant des constats propres à la ville de Marseille, il est difficile d’imaginer comme solution une ouverture partielle de l’équipement abandonné dans les calanques. Comme évoqué précédemment, ouvrir un nouvel équipement pour l’activer seulement aux périodes des meilleures affluences (à savoir : période estivale et saisons touristiques) serait priver les marseillais d’une diversité de bassins supplémentaires le reste de l’année alors qu’ils souffrent déjà du manque d’équipements.

figure 20 - coupe shématique : logique ascensionnelle depuis l’entrée de la piscine vers les bassins et le paysage

a. Valoriser un héritage architectural et paysager

Dans sa composition le projet est plutôt avant-gardiste et il présente aujourd’hui un potentiel hyper contemporain, celui de la diversité des activités au sein même de l’équipement. Pour faire projet sur un existant, il est important de cerner les dispositifs mis en place pour ne pas dénaturer la logique héritée. Dans ces principes de composition, le bâtiment est régi par des logiques architecturales évidentes précédemment analysées dont on imagine mal s’affranchir. L’entrée de l’édifice, marquée par la fresque béton, se fait par le rez-dechaussée du socle servant. Dans un tel projet les vestiaires sont un endroit clé du programme, la porte d’entrée de l’équipement. L’accès aux bassins est une véritable scénographie. Tous les bassins sont au niveau supérieur donc l’accès depuis les vestiaires est une véritable balade architecturale. Cette logique ascensionnelle de l’entrée jusqu’aux bassins mérite d’être conservée et mise en valeur en plus

d’être remise aux normes. Grâce à sa structure voiles et poteaux béton centrale, le plot de cafétéria offre une vue panoramique en bandeau vers la pinède sans entraver la vue du bâtiment à l’arrière, la halle. Le bassin olympique et le bassin ludique sont installés dans le sens de la topographie et les portiques de la halle et de la cafétéria dans une logique de franchissement transversale Est-Ouest. Les portiques de la halle du bassin ludiques s’ouvrent vers la pinède et les murs Nord - Sud sont tapissés de motifs des années 1970. Chaque côté du bassin est travaillé, avec des vues généreuses vers l’extérieur et la fraîcheur retenue en été, la baignade en intérieur est rendue qualitative et agréable. Dans chaque situation les vues vers le paysage sont réfléchies : cadrées, orientées, surélevées, chacune de ces stratégies permet une immersion totale qualitative dans la pinède et mérite d’être maintenue dans les réflexions de projet.

b. Optimiser et diversifier les usages

La rentabilité financière est une problématique majeure pour les centres aquatiques. La fermeture partielle de ces établissements pendant certaines périodes de l’année peut être une stratégie pour gérer les coûts et maximiser l’efficacité opérationnelle. Hors, dans une ville comme Marseille, fermer temporairement un centre aquatique continuerait à priver certains résidents marseillais de l’accès à la nage, issue difficile à considérer. La transformation de la piscine de Luminy remet en question ce scénario dans le but de trouver une alternative pour rendre un tel bâtiment efficace toute l’année. La piscine de René Egger est représentative de la problématique de Marseille mais sa situation la démarque des piscines du reste de la ville. Excentrée du centre ville et enclavée dans le cirque collinaire de Luminy, on peut se poser la question de l’identité des usagers qui la fréquenteraient sur le temps d’une année. Il est évident que la piscine de Luminy n’accueille pas le même public que la piscine Saint Charles ou la Piscine Frais Vallon. En revanche l’équipement est bâti dans un ensemble uni-

versitaire fréquenté 10 mois dans l’année , traversé par des chemins de Grandes randonnées qui arpentent le coeur terrestre des calanques de Marseille à Cassis. Enfin, au vu des saturations des piscines de la ville, sa réouverture permettrait de désengorger ces équipements aquatiques.

Dans un second temps nous avons vu que le modèle des centres aquatiques des années 1970 est obsolète et qu’un tel équipement ne peut plus fonctionner seul. Le choix d’une extension de programme s’impose et doit répondre à une fonction de locomotive financière à l’année. La notion de rentabilité financière appelle alors un principe d’optimisation d’usage et donc de mutualisation de programme pour une utilisation maximum de ce bâtiment. Ainsi une extension d’un programme mutualisable flexible à l’année parait être une solution qui participerait au financement de la piscine une partie de l’année.

affluence étudiante affluence scolaire affluence péris et extra scolaire affluence randonneurs calanques fermées

figure 21 - chronogramme : Fréquentation et moments d’affluence du site

c. Adopter une stratégie énergétique alternative

Face à l’obsolescence technique des centres aquatiques, comment réadapter ces équipements construits sous un autre régime énergétique et climatique pour les rendre efficaces au XXIe siècle ?

La réhabilitation d’un équipement dans une époque nécessite une approche holistique qui appelle des stratégies de modernisation technologique, d’efficacité énergétique et d’adaptation climatique. Bien sûr dans le cas d’un équipement béton des années 1970 cette approche se traduit d’abord par des reprises thermique du bâtiment. Revoir l’efficacité énergétique en définissant les pièces à isoler ou non participe à la prise de position sur le devenir du projet. Les stratégies d’interventions sur l’existant révèlent le parti pris sur les éléments de composition existants et sur la destination de l’équipement. Dans le cas de la piscine l’intention est de restituer les espaces intérieurs et d’assumer cette intériorité en les isolant, à savoir les vestiaires et la halle.

La gestion de l’eau dans un projet comme celui-ci est une question prépondérante pendant la réhabilitation. Considérant une contenance de 2 bassins ( ludique 12m x 25m et olympique 25m x 50m) sans compter les bassins d’éveil et les espaces de douches sanitaires, l’équipement doit garantir l’accès et entretenir 5 600m3 d’eau (5000m3 + 600m3) tous les jours. Les piscines traditionnelles sont consommatrices en eau pour plusieurs raisons, allant de l’évaporation à l’entretien, à savoir : le remplissage initial, le complément d’eau, les fuites structurelles, les pertes par éclaboussures, et enfin le nettoyage et entretien par vidange. Ces situations sont toutes des facteurs de pertes à deux échelles d’intervention. A petite échelle, les interventions sont minimes mais pas négligeables : installation de cuves pour la récupération d’eau de pluie, transformation du solarium en sol planté et offrir une toiture végétalisée aux vestiaires, limiter l’exposition des bassins au soleil par un système léger de recouvrement. A plus grande échelle, la gestion de l’eau concerne la consommation la plus

colossale à savoir celle de la vidange régulière pour l’entretien des bassins. Face au volume d’eau que cela mobilise, les alternatives à la régénération d’eau induisent un véritable travail à l’échelle du site ainsi qu’un travail de modélisation du paysage allant de la réutilisation des locaux techniques (pompe) au travail de désimperméabilisation des sols et notamment du parking.

Conclusion

La réhabilitation du centre aquatique de Luminy représente une opportunité unique de réactiver un équipement patrimonial du XXe siècle tout en répondant aux enjeux contemporains d’efficacité énergétique, d’accessibilité et de rentabilité. Inauguré en 1973, ce centre aquatique témoigne de l’architecture novatrice de René Egger, qui a su intégrer harmonieusement l’édifice dans le cadre naturel des calanques. Cependant, au fil des décennies, l’équipement a souffert de vétusté et d’abandon, exacerbés par des enjeux financiers et politiques complexes. Le projet de réhabilitation doit capitaliser sur les éléments distinctifs du bâtiment, tels que ses

portiques en béton et ses espaces ouverts offrant des vues panoramiques. La modernisation de la structure est essentielle pour répondre aux normes actuelles de sécurité, de confort et de rendement énergétique. Cela inclut une meilleure isolation, la mise à jour des systèmes de chauffage et de ventilation, ainsi que la gestion écologique des eaux. La fermeture partielle des centres aquatiques pour des raisons de rentabilité est une réalité fréquente. Cependant, à Marseille, cette approche est inadéquate en raison du déficit criant de piscines. La transformation de la piscine de Luminy inclut une requalification de l’équipement dans une dimension territoriale en

remplaçant le bassin olympique au centre du projet ainsi qu’une extension d’un programme mutualisé. Cette diversification des usages est une stratégie clé pour assurer la rentabilité financière et l’usage optimal du centre aquatique tout au long de l’année. Son utilisation est amélioréegrace à la variété de profils d’usagers, allant des sportifs aux saisonniers, sans exclure les résidents marseillais bien évidemment. En somme, réhabiliter le centre aquatique de Luminy ne consiste pas seulement à restaurer un bâtiment, mais également redonner vie à un patrimoine architectural et social, en l’adaptant aux contraintes environnementales et aussi besoins actuels des

Marseillais et en assurant une activité pérenne tout au long de l’année. Ces projets de transformation écologiques sont déjà mis en place en Europe notamment en Suisse, natural bath de Herzog et Demeuron, et commencent peu à peu à apparaître en France, piscine biologique réalisée en Dordogne par l’Atelier RK. Face à des questions prospectives de la durabilité de ces équipements, ces stratégies écologiques peuvent devenir des modèles de réadaptation réussie d’équipement patrimonial, conciliant mémoire historique et innovation contemporaine.

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.