PALESTINE CARNET DE VOYAGE
PALESTINE CARNET DE VOYAGE Dessins et textes Jorge Lopez Foncea Traduction Marie Madelein Tereau / EugĂŠnie Morin
2008
« un astre passa à l’horizon il déclinait, déclinait ma chemise était prise entre le feu et le vent mes yeux scrutaient des dessins sur le sable et mon père avait dit une fois : Celui qui n’a pas de patrie ne peut prétendre à une sépulture et il m’a déconseillé le voyage.» Mahmoud Darwich « Rien qu’une autre année »
Note liminaire
Ces dessins et ces textes ont été réalisés au cours de divers séjours passés à Bethléem, Palestine, durant les années 2004 et 2005. J’ai eu alors l’occasion de travailler dans le cadre d’un projet de sauvegarde du patrimoine architectural de Bethléem coordonné par l’Ecole d’Architecture de Paris Belleville et le Center for the Cultural Heritage Protection, organisme palestinien qui s’occupe de la défense du patrimoine culturel et qui joue un rôle particulièrement important et difficile dans les territoires occupés. C’est justement en partant de la réflexion sur le patrimoine que j’ai eu, plus tard, l’idée de récupérer ces notes pour en faire un cahier de voyages. En fait il s’agit plutôt d’un brouillon, d’une représentation inachevée, d’un chantier en construction, comme la réalité même de l’état palestinien. En complément, j’ai voulu inclure aussi quelques dessins de mes visites dans les pays voisins : la Jordanie et l’Egypte. Non seulement parce qu’ils constituent le contexte immédiat de ce chantier - en le délimitant ils nous aident à mieux le définir - mais surtout parce qu’il s’agit des seuls pays de la région que l’on puisse visiter, à condition bien sûr de ne pas avoir le tampon de la douane israélienne sur le passeport... ce qui n’est pas évident dans la mesure où c’est là le seul moyen d’entrer en Palestine.
Chantier n.m. 1. TECH ; Pièce en bois, de pierre, etc., servant de support. – Spécial. Chacune des pièces de bois qui supportent un tonneau. 2. Lieu où l’on entrepose des matériaux de construction, du bois de chauffage, etc. 3. Lieu où s’effectue la construction (ou la démolition) d’un ouvrage, d’un bâtiment. Chantier d’un immeuble en construction. Chantier interdit au public. – Chantier naval, où sont construits les navires. – MINES Lieu d’abattage du minéral. > Fig. Mettre un ouvrage en chantier, sur le chantier, le commencer. 4. Fig. fam. Lieu où règne le désordre.
Cos Az-Arrara, BethĂŠem.
Dire Bethléem
Bethléem vient de Beit Lehem qui en arabe veut littéralement dire « la maison de la viande ». Toutefois, en hébreu, lehem signifie « pain ». On pourrait facilement passer outre cette distinction; mais entre une boucherie et une boulangerie, un choix s’impose, sans quoi on risque de tomber dans un facheux malentendu. Le genre de malentendu qui pourrait peut être expliquer l’attitude de l’armée israélienne pendant le siège de l’église de la nativité qui dura quarante jours entre les mois d’avril et mai 2002. La ville fut alors inondée par une tempête de plomb. Chars et balles allaient et venaient, traversant les fenêtres, les murs et les corps, qui – défiant la tempête et le couvre feu – mouraient noyés dans l’ouragan. Pendant ce temps, l’église de la Nativité naviguait, et ce durant quarante nuits, narguant le déluge de plomb. En fin de compte, une boucherie c’est pas une boulangerie.
MosquĂŠe Al Jezzar, Akka.
Mémoire des noms
Al Madbase : c’est ainsi qu’on appelle l’accès nord-est au centre historique de la ville. Il est pourtant placé sur la rue Paul VI, appelé de la sorte depuis que le Pape, il y a trente ans déjà, descendit des cieux à bord d’un boeing pour visiter la sainte localité. Néanmoins tout le monde connaît le lieu sous le nom d’ Al Madbase, qui est l’un des clans les plus anciens de Bethléem. Al Madbase c’est plus précisément le trajet qui part de Bab al Zqaq carrefour où passe la route conduisant à Jérusalem - pour aboutir à l’Eglise Luthérienne, plutôt connue sous le nom de Daar Adnadoue. A mi-chemin se trouve la «gare routière», installée dans un vague élargissement de la rue et sur les fondations d’un ancien bâtiment en ruines devenu parking. Ici convergent, suivant d’étroites ruelles et de longues files, tous les taxis collectifs des environs: entièrement jaunes, chacun avec ses trois rangées de sièges, sur le capot un logo rond chromé et en lettres métalliques un nom familier : Mercedes Benz. Curieusement cet endroit est appelé le « Cinéma », car c’est précisément là que s’érigeait, il y a encore très peu de
Escaliers Dabdoub, BethlĂŠem.
temps, le cinéma de la ville. Comment se fait-il que ce lieu unique ait cédé sa place à une zone de stationnement ? Serait-ce encore les chars ? Pour une fois, ce n’est pas le cas. Deux versions circulent en ville et parviennent aux oreilles de celui qui daigne écouter. La première dit que la salle, la seule salle de cinéma de la ville, perdit son intérêt; plus personne n’y allant, elle fit faillite. La deuxième parle d’une bande d’imbéciles, fanatiques religieux de surcroît, qui auraient mis le feu au temple... Découvrez l’hérésie.
Khan Al-Omdan, Akka.
Mémoire du bide.
Les temps changent, les plaisirs disparaissent ou pire encore, sont proscrits. Mais pourtant, parmi tant de jouissances interdites, il en demeure une, toujours indéniable : le plaisir culinaire, échappant à toutes censures, appétissant, séducteur. Ça se passe plus ou moins comme ça. Tout d’abord vous êtes invité avec forces règles protocolaires, c’est-àdire : visite à domicile, salutations de rigueur, annonce formelle de l’heure et du jour. Puis, le moment arrivé, on vient vous chercher - ou plutôt vous enlever – et, avec tous les privilèges que vous octroie le statut de visiteur en Palestine (et l’obligation de les faire valoir), vous êtes conduit avec des soins infinis jusqu’à la résidence de votre hôte. On vous installe alors dans une salle, confortablement, très confortablement même. Le corps s’abandonne sur de moelleux fauteuils, se laisse caresser par le velours des coussins, bercer par la brise du ventilo. Au centre, on dispose progressivement sur les tables des apéritifs. Vous pouvez alors goûter les délicatesses les plus variés : humus (purée de pois chiche), babaganoush (sauce d’aubergines),
Herodion, BethlĂŠem.
labné (yaourt salé), zatar (une sorte de grain grillé et moulu), olives, poivrons piquants, tomates, et enfin cette sauce verte et fine dont j’ai oublié le nom mais non la saveur… le tout abondamment accompagné de pain, hobs ou pita. Et n’oubliez pas que ce pain est aussi l’instrument qui vous servira de fourchette, de cuillère et bien sûr de serviette! Bref, vous êtes comblé de délices et pendant un instant vous pensez que vous n’arriverez pas à tout savourer… Vous ignorez qu’il ne s’agit que d’un prélude. Vous voilà donc détendu. Librement vous allez avec votre main, de plat en plat, et vous souriez: un peu de ceci, un peu de cela. Puis, soudain, vous vous étirez, doucement, imperceptiblement, mesurant, considérant l’espace disponible qui vous reste encore entre les tripes. C’est alors que vous la voyez s’approcher, cette fumée nonchalante, émanant d’une énorme assiette ronde pleine de riz et de morceaux de poulet (maklube), immédiatement suivie d’une autre assiette, aussi énorme mais cette fois couverte de tranches de mouton (le redoutable mansaf). Le spectacle est rehaussé par une succession de plats débordants de salades aux couleurs vives. L’amphitryon saisit un poulet par les ailes, le découpe adroitement
Herodion, BethlĂŠem.
avec ses doigts et finalement en dépose une bouchée entre les lèvres de l’invité, c’est-à-dire vous. Délicieux. Vous dégustez encore plusieurs bouchées, toujours avec la main droite, avant de vous avouer vaincu, car c’est bien évidemment l’assiette qui vaincra. En revanche vous pouvez — si vous avez encore la force de vous tenir sur vos deux jambes — partir vous laver les doigts, en emportant un souvenir exquis sur le palais. Dans le salon suivant vous attendent d’autres fauteuils, aussi confortables que les précédents, et le café, et les pâtisseries, et le narguilé. Les assiettes, encore à demi pleines, sont remportées à la cuisine, où attendent les sœurs, celles qui ont tout préparé puis ont attendu en silence que le déjeuner des hommes finisse pour commencer le leur. A table, face aux invités, leur présence n’est pas consentie. Il n’y a pas de voile qui vaille: on les relègue sans appel dans la cuisine et vous ne les verrez qu’à l’arrivée et au moment du départ, lorsque le protocole le permet. Vous voilà donc de retour avec les hommes du clan au fumoir, avec les narguilés, les thés, les cafés : aromatiques et fumants, que l’on sert pour accompagner la conversation et commencer la digestion, avant que n’arrive l’heure du dîner.
MarchĂŠ de HĂŠbron.
Escarmouches
Ces derniers jours ont été plutôt agités. Hier même, l’armée israélienne a trouvé (aux dires des informations officielles) un arsenal qui aurait été caché dans l’église de la Sainte Famille de Bethléem. Hélas… il s’agissait de nos voisins d’en face. C’est pour cette raison que, lorsque nous sommes sortis le matin pour aller au boulot, il y avait, en face de notre porte, tant de jeeps et de camions blindés, tant de tirs et de curieux empêchant les bus de remonter jusqu’à la gare routière. Aujourd’hui, de retour du travail, je me suis trouvé nez à nez avec les mêmes uniformes, mais cette fois plutôt vers le souk, entre les ruelles étroites et sombres du centre historique. Je suppose qu’ils procédaient aux arrestations de rigueur, avec toute la brutalité qui leur est coutumière — car il faut leur faire peur à ces cinglés de Palestiniens, qui s’en vont, comme des fous, lancer des pierres sur chaque char qu’ils croisent sur leur chemin. Les escarmouches n’avaient pas
Porte de Damas, JĂŠrusalem.
encore commencé, mais les soldats, eux, avaient déjà rempli les rues de gaz lacrymogène. La voilà donc partie toute cette piétaille, la gueule cachée derrière des mouchoirs humidifiés, coupant et distribuant des oignons, pleurant et souriant tout à la fois, et cela sans jamais cesser de se remplir les poches de cailloux. Moi, bien sûr, j’ai fait demi-tour pour m’embarquer sur un autre chemin. Je n’ai rien à voir avec ces vielles tannées qui reviennent du marché les sacs pleins, et traversent les fusillades comme si de rien n’était. Nous, novices, nous contentons de regarder de loin. Je me suis donc placé sur une toiture-terrasse, ce qui reste le meilleur emplacement que puisse trouver celui dont l’intention n’est que d’observer. Regardez ! Madame, Monsieur, l’extrême habileté de ces gamins, experts en l’art de lancer des pierres, leur bras: une véritable catapulte. Ils reçoivent comme réponse des tirs de mitraille, des lacrymogènes et quelques grenades. Mais vous auriez dû les voir ces blindés, surgissant des ruelles sous une pluie de cailloux, que dis-je : un déluge. Bref, un jour comme les autres. Une fois les soldats partis, il faut courir sortir le poulet du four, aller poster les lettres avant que les bureaux ne ferment.
Zouk du coton, JĂŠrusalem.
Intact
Il s’appelle Goran, il est serbe et l’un des photographes les plus importants de l’agence Reuters en Palestine. Depuis vingt ans il n’y a pas une guerre dans les environs à laquelle il n’ait assisté, toujours en première file. Devant sa camera sont déjà passées les mitraillettes de Bosnie, de Croatie, de Serbie, d’Afghanistan, d’Israël, d’Iran et d’Irak… Ni les marines, ni les casques bleus n’ont manqué à l’appel. Cela faisait des lustres que Goran assistait aux massacres les plus divers, quand, un jour, son chef lui proposa de choisir une nouvelle destination. Quoi donc? Berlin ou Jérusalem? Il n’hésita pas une seconde. Aujourd’hui, assis devant sa bière, il réfléchit, le regard perdu dans l’horizon : « qu’est ce que j’aurais bien pu foutre à Berlin ? ».
Café à Tel Aviv. .
Presque trois ans sont passés, et à la manière insensée de conduire sa jeep, d’écouter de la musique, d’hurler au barman, on voit bien qu’il n’a pas l’ombre d’un regret. Nul n’est plus sage que celui qui se connaît. Il me présente ses photos, c’est un défilé d’images qui dure une dizaine de minutes. Je pense à ses yeux qui ont tant vu. Un intellectuel français dit jadis que l’image c’est ce dont on est exclu. L’image est — parce que nous n’y sommes pas, parce qu’elle nous est étrangère. Ses photos sont donc des images pour moi, mais pour Goran ce ne sont pas plutôt des souvenirs? Je l’observe siroter sa bière, il est mort de rire. Je réalise que pour lui aussi ce sont des images. Il ne s’agit plus de mémoires mais surtout de compositions, de jeux de contrastes, et de couleur, de cadrages, d’entités esthétiques mais non mnémoniques. Et parce que ce sont des images, Goran en est lui-même exclu. Comme quelqu’un qui sort s’acheter un paquet de clopes, il s’est promené dans les pires carnages de la région seulement pour être témoin des tueries du jour. Il est intact. Son apareil photographique c’est un bouclier qui l’éloigne, qui le protège de la réalité.
Quartier chrĂŠtien, JĂŠrusalem.
Knafe
Le knafe est… En fin d’après midi, quand le soleil a déjà disparu et nous a laissé une odeur d’été et de poussière dans l’air… comme un apéritif ou plutôt un digestif mais encore… On pourrait même le considérer comme un repas complet, car en effet il ne lui manque rien… alors, le knafe… C’est surtout a Fawanees, le boui-boui le plus réputé de Bethléem! Le knafe est doux, infiniment doux. Il n’est pas collant mais tendre, tiède, orange avec un léger goût d’automne. Le knafe est ...ou plutôt ils sont, car ils sont multiples et différents, mais tous avec le même fromage blanc, compact, exact. Et on le mange avec une fourchette, attention ! N’allez surtout pas mettre vos pattes dessus ! Il s’agit d’une véritable expérience. Qui ne peut s’accompagner qu’avec de l’eau claire et fraîche. Le knafe est incontournable, vous ne pouvez pas le manquer ! Allez-y, foncez dessus!
Porte de Damas, JĂŠrusalem.
Mariage
Le mariage, nous avait-on dit, commençait à 18 heures. Vraiment très tôt, on s’est dit. Le lendemain cependant on nous a confirmé qu’il fallait y être à dix sept heures trente. Et bien sûr, dans ces cas-là, le protocole est strict. Imaginez si la mariée arrivait, parée, glorieuse, majestueuse comme le paon, et que les invités -cette race affamée- n’étaient pas là! Pouvez-vous concevoir un tel affront? Donc, pour ne pas être en retard, nous nous sommes vêtus de nos meilleurs oripeaux et nous sommes présentés à cinq heures pile. Des cousins en costard qui s’étaient plantés devant la porte du local nous ont reçus. C’était bien le seul local de Bethléem réservé aux célébrations de mariages et par conséquent le meilleur. Peut être n’était-il pas aussi cossu que l’Ararat (célèbre «resto - boite - de - nuit», perché sur son superbe gratte-ciel abandonné), mais il restait tout de même un lieu très fréquenté. Quand tout le monde est forcé de se marier dans le même endroit par cause de bombardement des autes concurrants, croyez moi, ça devient assurément un des coins les plus couru de la ville. Et encore, il s’agissait là des deux uniques locaux que l’on pouvait louer en ayant pour
Quartier ArmĂŠnien, JĂŠrusalem.
seule intention de faire la fête. Fêter, c’est se souvenir. Se souvenir, c’est ne pas oublier. Nous fûmes installés à l’une des meilleures tables, juste derrière la balustrade avec une superbe vue sur le salon. En effet, la salle à manger présentait un plan plus élevé auquel on accédait par cinq marches: face à nous s’étendait la piste de danse. Capacité de la salle : 500 personnes, amis et parents, attablés. Discrètement, dans un coin de la piste, sur un podium, deux chaises blanches aménagées comme des trônes attendaient les mariés. Et tout au centre de la scène, le DJ escorté de deux énormes hauts parleurs. Très énormes, très hauts et surtout très parleurs. Les arènes s’écoulèrent lentement dans les sabliers en attendant la venue des mariés. Pendant ce temps, le DJ profita d’essais de son pour nous présenter l’intégrale de la production pop arabe. Les enfants jouaient sur la piste, les parents occupaient paresseusement les chaises, les indispensables techniciens édifiaient le gâteau, étage par étage, juste devant le podium blanc et encore vide. Il était bientôt six heures et le retard commençait à devenir suspect. C’est alors qu’ils apparurent, suivis d’une foule bruyante... et ce n’étaient que les plus proches parents! Ils s’avançaient en dansant, en suivant un parcours ba-
Port de Jaffa.
lisé. Le DJ montait progressivement le son des enceintes, le rythme prenait de l’ampleur et s’enflammait, ainsi que les torches installées le long du chemin au fur et à mesure que le couple s’approchait de la piste. Une fois au centre, la multitude armée de sabres les encercla en gigotant, en sautillant. Cela dura deux heures. Bien évidemment au bout de dix minutes nous nous étions déjà mis à danser. Mais attention à suivre le protocole, la démarche en effet était tout à fait originale: voilà les hommes qui s’emparaient de la piste, puis c’était le tour des femmes et ainsi de suite. Les uns ou les autres, mais surtout pas de mélanges. Il faut reconnaître tout de même que les palestiniens ont une époustouflante capacité à habiter des rythmes de bronze et de violons avec les hanches, avec les bras, avec des sabres nus sur la tête. Et pas une seule goûte d’alcool, mesdames, messieurs, ne prononcez même pas ce mot ! Il était environ sept heures lorsque arriva finalement ce que tout le monde attendait. Brusquement la musique changea, une fanfare de violons balaya la piste, chassa les derniers tourbillons pour installer les deux amoureux au centre des regards. Lui brandissait un sabre. Le cameraman et le photographe, gesticulant avec leurs appareils sophistiqués, se placèrent dans un lieu stratégique. Les
Naplouse.
protagonistes levèrent alors le sabre et, avec l’habileté de ceux qui se marient pour la première fois, ils assénèrent un, puis deux coups au gâteau. Un morceau de pâtisserie sauta sur la porcelaine et tous les deux, les yeux dans les yeux, échangèrent deux magnifiques bouchées, le sourire large et muet. Ils étaient bel et bien mariés. Pour renforcer le geste, un épais nuage de fumée blanche vint se joindre aux éclats de musique. Un chœur d’enfants, admirablement entraînés, encercla le couple et dans l’intimité de la brume, les tourtereaux dansèrent un slow. Il n’y eut pas de baisers, la religion -disent les experts- les interdit formellement. Après le gâteau, nous étions tellement fatigués qu’on n’a pas remarqué la foule qui se pressait devant les mariés en formant une file. En fait, après avoir dûment embrassé les nouveaux époux et déposé dans les poches du mari les offrandes nuptiales en espèces, la plupart des invités se retirait calmement. On fit donc la queue pour les saluer, on les serra fort entre les bras et on les abandonna au destin que Dieu leur avait choisi.
Monastère de Mar-Saba, BethÊem.
Mémoire des coins
I L’accès le plus ancien à la ville de Bethléem est la route qui vient de Jérusalem. Elle longe la pente de la colline par le côté nord et arrive directement sur la Place de la Nativité. En face se dresse l’Eglise de la Nativité, construite sur le site de la crèche où vit le jour Jésus, pourtant dit « de Nazareth ». Cette ancienne route est appelée par la communauté chrétienne « Al-Nismeh », c’est-à-dire la « Rue de l’Etoile », en référence à l’étoile du berger. Car c’est précisément ce chemin, selon les anciens, que suivirent les roi mages, ces trois illustres astronomes venus rendre visite au Christ quelques jours après sa naissance. Les habitants de Bethléem suivent leur trace avec fréquence chaque jour, les barbiers les voient passer silencieusement depuis leurs magasins et il y a même quelques boutiques qui se sont installées près du rond-point.
Café à Naplouse.
II
L’accès le plus ancien à la ville de Bethléem est la route qui vient de Jérusalem. Elle longe la pente de la colline par le côté nord et arrive directement sur la Place de la Nativité. En face se dresse l’Eglise de la Nativité, construite sur le site de la crèche où vit le jour Jésus, pourtant dit « de Nazareth ». Cette ancienne route est appelée par la communauté musulmane « Rass fteiss», c’est-à-dire « tête pourrie » ou même, « tête coupée ». De nos jours, les gens aiment associer ce nom à la sculpture, aux formes organiques et monstrueuses, située au centre du rond-point qui marque le début de la rue. Depuis ce lieu, un belvédère contemple la vallée. Là où jadis s’étendaient d’antiques champs d’oliviers, ont fini par pousser d’énormes murs aux fils de fer barbelé. Il est interdit de les franchir. Un peu plus loin, fleurissent de nouvelles colonies urbaines dont le béton est soigneusement recouvert des pierres de taille de la région. Les palestiniens ne peuvent non plus y accéder.
Grande MosquĂŠe, Naplouse.
III
L’accès le plus ancien à la ville de Bethléem est la route qui vient de Jérusalem. Elle longe la pente de la colline par le côté nord et arrive directement sur la Place de la Nativité. En face se dresse l’Eglise de la Nativité, construite sur le site de la crèche où vit le jour Jésus, pourtant dit « de Nazareth ». Quelques siècles après cette illustre naissance, on construisit sur cette rue une arcade en pierre pour servir de porte à la ville. Aujourd’hui l’arcade est appelée az-zarrara, ce qui voudrait dire littéralement « du coin », ou plutôt « là où l’on est coincé ». Une première version indique que cette appellation trouverait son origine dans le mot « Cornerer », qui n’était autre que l’officiel anglais chargé des enquêtes de police pendant l’occupation britannique. L’arcade serait le coin où aurait été tuée sa femme, mêlée à une sale histoire de cul. Cette version, connue et répétée par le peuple, bien que truculente, n’est guère fondée. Une autre interprétation semble davantage tenir au cœur des habitants.
MarchĂŠ de Ramallah.
Il y a très longtemps, la ville fut assiégée par une grande armée. Les guerriers ennemis se concentrèrent sur les portes de la ville, réussissant après quelques heures à les défoncer et à s’infiltrer dans ces lieux. La multitude se réfugia alors dans l’Eglise de la Nativité, conçue d’ailleurs comme une véritable forteresse. Mais une fois dedans, ils se trouvèrent cernés et sans aucune chance de réussite. C’est alors que le miracle se produisit. Quelques uns parlent d’un nuage d’insectes affamés qui sortirent des colonnes pour s’attaquer aux envahisseurs, d’autres disent que ce fut l’Archange Saint Michel lui-même, épée en main, qui descendit du ciel pour punir les infidèles. Les deux versions pourtant mènent au même résultat, les attaquants s’enfuirent en regagnant les portes de la ville mais, hélas, les trouvant fermées, ils furent rattrapés par les insectes et l’ange justicier. Ce fut un véritable carnage. Cadavres et têtes coupées sont restés sur place à faner dans la mémoire de la ville.
Annexe n.f. 1. Ce qui est adjoint à la chose principale ou qui en est une partie complémentaire, accessoire. Les annexes d’un dossier. L’annexe d’un groupe scolaire. 2. ANAT. Les annexes de l’œil : paupières, cils. – Les annexes de l’utérus : trompes, ovaires. – Lat. annexus, « association » ; « union », 1495 ; XVIe. // annexer v.tr. 1. Joindre, rattacher (une chose secondaire) à la chose principale. Annexer une procuration à un acte 2. Réunir à son territoire, rendre dépendant (un Etat) d’un autre. La France a annexé le compte de Nice en 1860. > v. pron. Fam. S’approprier. Il s’est annexé les bons morceaux.
Petra, Jordanie 2004.
Jerash, Jordanie 2004.
Khan al khalili. Cairo, Egypte 2004.
Karnak. Cairo, Egypte 2004.