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Maladie veineuse thromboembolique Quelle prise en charge chez le sujet âgé ? n La maladie veineuse thromboembolique est une pathologie fréquente chez les sujets âgés, mais son diagnostic est plus souvent méconnu que chez le sujet jeune car les signes cliniques sont souvent atypiques. Voici récapitulée la démarche diagnostique pour déceler la maladie.

INTRODUCTION La maladie veineuse thromboembolique (MVTE), chez les patients âgés, nécessite la réalisation d’examens complémentaires pour étayer le diagnostic du fait des risques et des problèmes posés par le traitement anticoagulant curatif à cet âge. Ces examens complémentaires doivent être choisis en fonction de chaque situation et de la probabilité clinique ; l’âge et les pathologies associées influencent toutefois leurs résultats et peuvent rendre difficile la confirmation du diagnostic. Le traitement anticoagulant présente des risques hémorragiques accrus en raison d’une polypathologie et d’une polymédication fréquentes, d’un risque de chute, d’atteinte cognitive et d’insuffisance rénale. De par ce contexte, ce traitement doit suivre des règles propres aux sujets âgés.

EPIDÉMIOLOGIE PHYSIOPATHOLOGIE L’incidence de la MVTE augmente de manière exponentielle avec l’âge : comme le montre une étude française réalisée dans la région brestoise où a été retrouvée une *Gériatre, CHU de Nancy

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Pr Christine Perret-Guillaume*

incidence (pour 1 000 habitants et par an) de 10,8 pour les hommes de plus de 75 ans alors qu’elle est de seulement 0,4 pour la tranche d’âge 20-39 ans ; et de 12 pour les femmes de plus de 75 ans alors qu’elle est de seulement 0,6 pour la tranche d’âge 20-39 ans (1). Ces résultats sont corroborés par plusieurs autres études anglaises et américaines. L’âge entraîne des modifications anatomophysiologiques au niveau veineux : on note, en effet, un vieillissement de l’endothélium veineux, une diminution de la vélocité au repos du flux veineux, une dilatation et une stase veineuses, une diminution de la pompe veineuse en lien avec la diminution de mobilité et la sarcopénie observées dans le grand âge, enfin la présence plus fréquente de maladies dégénératives veineuses. Un état d’hypercoagulabilité est par ailleurs constaté avec le vieillissement : augmentation du facteur VII, de la synthèse de la thrombine, augmentation des fragments 1-2 de la prothrombine, des fibrinopeptides A + B, augmentation des PAP et des D-dimères, enfin diminution de la fibrinolyse (2). Tout cela fait que l’augmentation de l’âge est un facteur de risque propre et indépendant de MVTE. Par ailleurs, les facteurs de risque de

MVTE (antécédents de thrombose veineuse, chirurgie, cancer, obésité, fractures, accident vasculaire cérébral, pathologies cardiaques, immobilisation, thérapeutique…) sont plus fréquents quand l’âge augmente et contribuent à augmenter ce risque. L’augmentation des événements thromboemboliques antérieurs et les pathologies intercurrentes entraînent, chez les sujets âgés, des difficultés d’interprétation des signes cliniques et des résultats des examens complémentaires. Le diagnostic est donc compliqué et retardé, contribuant notamment à une mortalité initiale importante chez les patients hospitalisés âgés (21 % en cas d’embolie pulmonaire, 3 % en cas de thrombose veineuse profonde) (3).

ASPECTS CLINIQUES Le diagnostic clinique de thrombose veineuse profonde (TVP) est erroné une fois sur deux soit par défaut, soit par excès, ce qui fait que l’examen clinique est toujours insuffisant pour affirmer le diagnostic et qu’il doit être toujours confirmé par des examens complémentaires. Le tableau clinique en cas d’embolie pulmonaire (EP) est rarement typique et évocateur, et souvent

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fruste : épisode fébrile, dyspnée à type de polypnée ou dyspnée asthmatiforme, angoisse passagère, toux ou douleur thoracique, malaise et chute liés à un trouble du rythme ou un bas débit, aggravation d’une insuffisance cardiaque, syndrome confusionnel. Quelques études ont comparé la clinique de patients âgés et plus jeunes et montrent des résultats convergents : douleurs et hémoptysie moins souvent fréquentes, syncope ou collapsus plus fréquents, hypoxie plus marquée (4, 5, 6). On observe souvent chez les sujets âgés ayant une EP des signes d’hypertension artérielle et une dysfonction du ventricule droit. Des intrications avec une pathologie aiguë concomitante sont, par ailleurs, fréquentes et il faut savoir penser facilement au diagnostic d’EP. Concernant les examens complémentaires de routine, la présence d’un bloc de branche droit ou d’anomalies radiologiques est notée plus fréquente chez les personnes âgées n’ayant pas d’EP en raison de pathologies cardiaques ou respiratoires sous-jacentes, et sont donc peu utiles pour étayer le diagnostic (7, 8). L’établissement d’une probabilité clinique est très utile et garde toute sa validité chez les sujets âgés pour la démarche diagnostique et permet d’orienter les examens complémentaires (8, 9). Cette probabilité clinique peut être établie de manière empirique ou avec des règles de prédiction clinique comme les scores de Wells ou de Genève (Fig. 1) (10, 11, 12). Il a été démontré que ces scores sont aussi fiables, quel que soit l’âge (13).

EXAMENS BIOLOGIQUES Les D-dimères augmentent dans un certain nombre de circonstances dont l’âge avancé, les affections coronariennes, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, les cancers, les affections hépatiques,

Figure 1 - Score de Genève révisé (d’après 12).

les infections, les inflammations, les hématomes, les actes chirurgicaux… La mesure des D-dimères avec un seuil de 500 ng/ml permet d’exclure le diagnostic d’embolie pulmonaire chez 60 % des patients âgés de moins de 40 ans et chez seulement 5 % des patients âgés de plus de 80 ans (14). Et si elle augmente la spécificité diagnostique, l’augmentation de ce seuil baisse la sensibilité diagnostique. Cela en fait un outil diagnostique peu discriminant chez les sujets âgés. Les D-dimères peuvent rester cependant utiles chez les patients âgés ambulatoires en l’absence de comorbidité associée, de traitement anticoagulant et si la probabilité clinique est faible ou modérée.

EXAMENS PARACLINIQUES ❚❚Echo-Doppler veineux des membres inférieurs C’est un examen non invasif qui nécessite un opérateur expérimenté, une relaxation optimale du patient qui est souvent difficile à obtenir chez une personne très âgée. L’examen dure en effet plus de 30 minutes si on examine l’étage sural, ce qui limite sa tolérance, et les difficultés de réalisation augmentent en cas de difficultés de compréhension du sujet (troubles des fonctions supérieures, surdité…), de difficultés de mobilisation des membres inférieurs, d’hypersensibilité cuta-

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née… L’interprétation des résultats de cet examen est gênée chez les sujets âgés par la présence de séquelles post-thrombotiques plus fréquentes à cet âge. La sensibilité et la spécificité sont satisfaisantes chez les patients symptomatiques et à l’étage proximal, au-dessus du genou (respectivement 83-100 % et 90-100 %) ; moins bonnes en sural (60-94 % et 79-100 %) ; les performances sont nettement moins bonnes chez les patients asymptomatiques notamment en postopératoire de chirurgie orthopédique (sensibilité tombant à 33 % en sural) (15). Très peu d’évaluations spécifiques de l’écho-Doppler veineux des membres inférieurs ont été réalisées chez les sujets âgés, rendant sa validation difficile. Il a toutefois été montré que c’est un examen intéressant ayant une spécificité élevée en proximal et utile en association avec un scanner spiralé en cas de suspicion d’embolie pulmonaire chez des sujets âgés comparés à des sujets jeunes (16). ❚❚Autres examens des membres inférieurs La phlébographie est l’examen de référence en recherche clinique ; elle est toutefois abandonnée en pratique clinique devant sa tolérance médiocre. Les autres techniques (phlébotomographie incrémentale des membres inférieurs, IRM avec 163


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injection de gadolinium au dos du pied) sont en cours d’évaluation. ❚❚Scintigraphie pulmonaire Chez les sujets âgés, la scintigraphie de perfusion et ventilation (si cette dernière est possible) est souvent anormale en raison d’une pathologie cardiaque ou respiratoire intriquée. Elle n’est pas vraiment indiquée en première intention si la réalisation d’un angioscanner thoracique spiralé est possible. Son avantage principal est de ne pas utiliser de produit de contraste iodé. En revanche, elle nécessite une bonne coopération de la personne pour la ventilation, pas toujours évidente chez les sujets âgés. Par ailleurs, cet examen n’est pas toujours disponible et son coût est élevé. En cas de “forte probabilité”, sa valeur prédictive positive est > 90 % et sa valeur prédictive négative est de 95-100 % en cas de “très forte probabilité”. Cependant, une scintigraphie de “probabilité faible ou intermédiaire” n’est pas contributive. On retrouve une proportion d’examens non concluants chez 58 % des personnes de plus de 70 ans contre 32 % chez les moins de 40 ans (8).

❚❚Angioscanner thoracique spiralé L’angioscanner thoracique montre une sensibilité correcte, mais limitée, et une meilleure spécificité. Ses avantages sont de garder de bonnes performances en cas de pathologie pulmonaire, de visualiser le parenchyme pulmonaire (diagnostic différentiel), la veine cave, de permettre des coupes abdominales (diagnostic étiologique) et un diagnostic de thrombose veineuse profonde (phlébotomodensitométrie incrémentale des membres inférieurs). Ses limites sont toutefois une mauvaise visualisation des régions distales et l’utilisation de produit de contraste iodé. Cet examen garde chez les sujets de plus de 75 ans des performances non significativement différentes par rapport à des sujets plus jeunes (17). C’est un examen contre-indiqué en cas d’allergie à l’iode ou en cas de clairance de la créatinine < 30 ml/min, sauf nécessité absolue. ❚❚Autres examens L’échographie cardiaque présente un intérêt mal défini chez le patient âgé en cas de suspicion d’EP. Sa réalisation dans le cadre d’une démarche

diagnostique semble non recommandée en dehors de situations de réanimation (18). L’angiographie pulmonaire doit être considérée comme un examen de référence non applicable en pratique clinique. L’angio-IRM présente une résolution spatiale limitée en périphérie ; par ailleurs, les temps d’acquisition restent longs et l’injection de gadolinium est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère, tout cela n’en faisant pas un examen de routine.

ALGORITHMES DIAGNOSTIQUES Afin de conclure cette démarche diagnostique, il est possible d’utiliser des algorithmes diagnostiques comme celui proposé pour le diagnostic de thrombose veineuse profonde établi d’après Goodacre, 2008 (Fig. 2) (19) ; ou comme celui proposé lors du Congrès d’anesthésie et de réanimation de 2007 concernant la suspicion d’embolie pulmonaire sans signe de choc, que vous trouverez en figure 3 (20). Bien sûr, ce sont seulement des propositions, la démarche clinique est en effet à adapter en fonction de ressources locales que pourra avoir chaque praticien.

Figure 2 - Algorithme diagnostique en cas de suspicion de thrombose veineuse profonde (d’après 19).

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TRAITEMENT Le propos ne sera pas ici de développer les principes du traitement de la MVTE mais seront abordées quelques particularités du traitement anticoagulant chez les sujets âgés (21).

TRAITEMENTS ANTICOAGULANTS CURATIFS DISPONIBLES Les traitements anticoagulants disponibles dans cette indication sont : • en traitement initial, l’héparine non fractionnée (en IV continue) ou l’héparine calcique (en souscutanée) ; • les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) : fraxiparine (Fraxiparine®, Fraxodi®), enoxaparine (Lovenox®), daltéparine (Fragmine®), tinzaparine (Innohep®), habituellement en traitement initial seulement ; • le fondaparinux (ou Arixtra®), une injection sous-cutanée par jour ; • les antagonistes de la vitamine K (AVK). Pour le traitement au long cours, en relais du traitement héparinique initial : acénocoumarol (Sintrom®) (demi-vie courte 10 heures, 2 prises par jour), fluindione (Previscan®) (demi-vie longue 30 heures, 1 prise par jour), warfarine (Coumadine®) (demivie longue 35-45 heures, 1 prise par jour) ; • le daparanoïde (Orgaran®) : en cas de thrombopénie induite par l’héparine ; • les nouveaux anticoagulants oraux : seul le rivaroxaban (anti-Xa oral direct, Xarelto®) a actuellement cette indication.

possible (sulfate de protamine). Les HBPM sont contre-indiquées en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine selon Cockcroft inférieure à 30 ml/min) et déconseillées en cas d’insuffisance rénale modérée (clairance 30-60 ml/min) (Afssaps, septembre 2002). Chez le sujet âgé, il existe une susceptibilité individuelle et une augmentation de l’activité anti-Xa dans le temps, dépendante de l’HBPM utilisée (l’influence de l’insuffisance rénale semble moindre avec la tinzaparine) ; leur réversion est possible, mais pas toujours évidente, avec le sulfate de protamine. Le fondaparinux est un inhibiteur synthétique et sélectif du facteur X activé qui a une élimination rénale et une demi-vie de 17 heures, pour lequel il n’y a pas de nécessité de numération plaquettaire. Il doit être utilisé avec précaution chez le sujet âgé de plus de 75 ans et chez l’insuffisant rénal modéré (clairance de la créatinine < 50 ml/min) ; sa réversion est délicate. Il est contre-indiqué, comme les HBPM, en cas d’insuffisance rénale sévère ; des accidents hémorragiques ont

été relevés chez les sujets âgés (Afssaps). Les AVK ont une fourchette thérapeutique étroite (en pratique 50 % seulement du temps dans la zone thérapeutique est obtenu), une variabilité importante, des interactions très fréquentes (médicaments, aliments), ils nécessitent une surveillance étroite par INR. Néanmoins, la réversibilité du traitement est possible (vitamine K, facteurs de coagulation). Il existe des polymorphismes génétiques qui peuvent expliquer une hypersensibilité et une résistance aux AVK chez certains sujets. Le risque hémorragique sous AVK est élevé chez la personne âgée, notamment le risque d’accident hémorragique grave (responsable de 4 000 à 5 000 décès par an en France). Les nouveaux anticoagulants : le rivaroxaban est un anti-Xa oral, dont la demi-vie est de 7-12 heures et qui, pour 1/3, a une élimination rénale directe. Il peut être pris en traitement précoce (pas de nécessité d’un traitement héparinique ; c’est le seul traitement anticoagulant PO qui le permet) et au long cours en prévention des récidives

ARGUMENTS POUR ET CONTRE CES TRAITEMENTS CHEZ LES SUJETS ÂGÉS Les héparines non fractionnées peuvent être utilisées en cas d’insuffisance rénale, mais leur monitorage est difficile avec des risques hémorragiques non négligeables. La réversibilité du traitement est

Figure 3 - Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’embolie pulmonaire sans signe de choc (d’après 20).

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de MVTE avec les modalités suivantes : 2 prises par jour de 15 mg de J1 à J21 puis une seule prise par jour de 20 mg. Il est contre-indiqué en cas de clairance de la créatinine à moins de 15 ml/min et sa posologie doit être réduite en cas de clairance de 15 à 30 ml/min. Toutefois il est précisé que les données cliniques sont limitées en cas d’insuffisance rénale sévère. Par ailleurs les sujets de l’étude EINSTEIN-TVP avaient moins de 60 ans de moyenne d’âge et aucun patient n’avait de clairance < 30 ml/min. Dans cette population, le rivaroxaban, comparé à la Coumadine®, réduit significativement le risque de récidive de MVTE sans augmenter le risque hémorragique (22). Le traitement par rivaroxaban ne nécessite pas de surveillance biologique, mais il n’y a pas d’antidote. Si on prend en compte ces remarques, il semble que le fondaparinux doive être utilisé avec précaution chez le sujet âgé, comme les HBPM, et pour un temps le plus court possible. A l’instar d’autres auteurs, l’utilisation du rivaroxaban chez les patients âgés, a fortiori très âgés et fragiles, est peut-être encore prématurée et exige des précautions très importantes, d’autant qu’il n’y a pas de possibilité de réversibilité et que le risque hémorragique semble identique à celui des AVK dans cette indication (23).

QUELQUES CONSIDÉRATIONS PRATIQUES Chez les sujets âgés, la surveillance des traitements anticoagulants est à renforcer : surveillance rénale (HBPM, fondaparinux, nouveaux anticoagulants, clairance selon Cockcroft), INR (AVK), plaquettes. Une crase, une NFSplaquettes et une créatininémie sont bien sûr à réaliser avant tout traitement. Les héparines non 166

fractionnées sont utilisables à la phase précoce de traitement à la posologie de 300-400 UI/kg/j (variabilité individuelle). En cas d’utilisation d’HBPM, la posologie doit être adaptée au poids précis et la durée de traitement doit être la plus courte possible. Une réduction d’emblée des posologies a été proposée par certains auteurs, mais pas dans cette indication, avec une efficacité à discuter (24). Une surveillance de l’activité anti-Xa (pour vérifier l’absence de surdosage ou accumulation) est à réaliser chez le sujet âgé de plus de 75 ans, ou en cas d’insuffisance rénale modérée (clairance inférieure à 60 ml/min), en cas de poids extrême ou en cas de saignement. L’activité anti-Xa est à mesurer 4 heures après la première injection, la deuxième ou troisième injection et au-delà de 10 jours de traitement. L’interprétation de son résultat est propre à chaque HBPM. Le contrôle de numération pla-

quettaire est non obligatoire, mais souhaitable chez les sujets âgés fragiles. La sensibilité augmentée de la personne âgée aux AVK doit faire réduire la posologie au tiers de la posologie utilisée chez l’adulte plus jeune (pour la Coumadine® : posologie à réduire de 1/4 par tranche de 20 ans). Un AVK à longue demivie doit être utilisé pour réduire les fluctuations d’INR et donc diminuer le risque hémorragique. Afin de limiter au maximum le risque de déséquilibre INR en début de traitement, il est conseillé d’utiliser un abaque adapté aux sujets âgés (abaques disponibles pour Coumadine® et fluindione [25, 26]) (Tab. 1 et 2) et de renforcer le monitorage (le risque hémorragique est plus important en début de traitement AVK). Le sujet âgé (et/ ou son entourage), comme le sujet jeune, doit bénéficier d’une éducation thérapeutique. Les situations cliniques nécessitant une surveil-

Tableau 1 - Abaque d’adaptation d’un traitement par warfarine chez les sujets âgés. « Définitions » préalables - par convention : J0 = jour de la première prise de warfarine le soir - prise de warfarine le soir - prélèvements des INR de préférence le matin Schéma d’initiation Posologie trois premières prises : de J0 à J2 inclus 1re prise : J0 2 cp de Coumadine® 2 mg (soit 4 mg) le soir 2e prise : J1 2 cp de Coumadine® 2 mg (soit 4 mg) le soir 3e prise : J2 2 cp de Coumadine® 2 mg (soit 4 mg) le soir Adaptation posologique de la warfarine à J3, fonction de l’INR du matin (pour adapter la 4e prise du soir à J3) INR < 1,3 augmenter à 5 mg/j (2 cp ½) 1,3 ≤ INR < 1,5 maintenir à 4 mg/j (2 cp) 1,5 ≤ INR < 1,7 diminuer à 3 mg/j (1 cp ½) 1,7 ≤ INR < 1,9 diminuer à 2 mg/j (1 cp) 1,9 ≤ INR < 2,5 diminuer à 1 mg/j (½ cp) INR ≥ 2,5 arrêt jusqu’à INR < 2,5 (mesure quotidienne de l’INR) puis reprendre à 1 mg/j (½ cp) Contrôles ultérieurs de l’INR toutes les 24 à 72 heures • fréquence laissée à la discrétion du praticien • adaptation par paliers de 1 mg Attention : ne plus tenir compte du schéma qui n’est valable qu’à J3 Attention : il est souhaitable d’attendre plusieurs jours entre deux modifications de posologie de warfarine. Toute modification intempestive de posologie allonge le délai d’obtention d’équilibre.

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Tableau 2 - Abaque d’adaptation d’un traitement par fluindione chez les sujets âgés (26). Dose quotidienne pour obtenir un équilibre en fonction de la valeur d’INR à J2 (où J0 correspond au jour de première prise du traitement) INR J2 (mg/j) Fluindione 1 et 1,1 15 1,2 12,5 1,3 et 1,4 10 1,5 7,5 ≥ 1,6 5

lance renforcée de l’INR sont la survenue d’une infection, d’une poussée d’insuffisance cardiaque, d’une déshydratation, des problèmes d’observance, ou un changement de traitement associé. Une contention élastique doit être associée au traitement anticoagulant. La pose d’un filtre cave doit être discutée en cas de contreindication au traitement anticoa-

gulant ou si il y a récidive avec un traitement correctement mené. La fibrinolyse est un traitement possible même chez le sujet âgé en cas de dysfonction du ventricule droit ou d’instabilité hémodynamique. Les contre-indications doivent, bien sûr, être scrupuleusement respectées.

CONCLUSION La MVTE est une pathologie fréquente chez le sujet âgé, qui peut être grave en raison d’un diagnostic souvent compliqué et retardé. La démarche clinique doit conduire à l’établissement d’une probabilité clinique (établie de manière empirique ou à l’aide de scores) qui garde toute sa validité chez les sujets âgés et permet de mieux orienter les examens complémentaires. L’échoDoppler veineux est un examen non invasif intéressant dans le dia-

gnostic de TVP notamment proximale, mais aussi pour affirmer un diagnostic d’EP. L’angioscanner thoracique spiralé est l’examen de référence pour le diagnostic d’EP en l’absence de contre-indication. La scintigraphie pulmonaire contribue rarement au diagnostic, mais garde sa place, en particulier en cas d’insuffisance rénale ou d’allergie à l’iode. Le traitement consiste en un traitement anticoagulant qui doit prendre en compte tous les risques d’hémorragie, d’interférence médicamenteuse et de surdosage, en particulier en cas d’insuffisance rénale fréquente à cet âge. Des règles d’adaptation de chaque traitement sont propres aux sujets âgés. Un monitorage et une surveillance accrus des risques sont nécessaires. n

Mots-clés : Maladie veineuse thromboembolique, Anticoagulants

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