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Pseudo-polyarthrite rhizomélique et maladie de HORTOn

DOSSIER

3 Suivi Les nouveaux critères de classification n Les nouveaux critères de classification de la PPR tels qu’ils ont été proposés au printemps 2012 ont deux défauts principaux : ce sont des critères de classification et non pas des critères diagnostiques et même si tous les cliniciens vont se précipiter à les utiliser comme tels, ils ne sont pas destinés à être employés au lit du patient pour poser un diagnostic ! D’autre part, ils demandent encore à être validés prospectivement dans d’autres cohortes afin de mieux évaluer leur sensibilité et leur spécificité. Alors qu’apportent ces critères pour le suivi des patients au quotidien ? Ces critères sont le fruit d’un long et minutieux travail de réflexion d’un groupe international, qui a proposé dans un premier temps de standardiser la prise en charge et le suivi des patients souffrant de PPR afin d’homogénéiser les conduites. C’est par le biais de cette standardisation reconnue et validée que ces critères nous apportent une aide précieuse au quotidien.

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ans l’approche proposée par le groupe de travail (et comme le montrent les chapitres précédents de cette monographie), il convient de rappeler que la PPR n’est plus une maladie mais un syndrome (“PPR syndrome”), que l’approche diagnostique doit être considérablement élargie mais qu’une étape obligatoire de recherche des diagnostics d’exclusion est ajoutée. Le traitement est standardisé avec une corticothérapie fixée à 15 mg/jour pour tous les patients. Enfin, et c’est le plus important, il convient de rappeler que le diagnostic de “PPR maladie” ne se fera qu’au terme du suivi, une fois le patient guéri et sevré. Tout cela n’est qu’un long parcours d’obstacles que le rhumatologue et son pa*Service de Rhumatologie, CHU de Fort-de-France

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Dr Michel De Bandt*

tient vont parcourir ensemble pour éliminer toutes les affections qui pourraient se présenter comme une PPR mais qui n’en sont pas. Ce long parcours se justifie par l’absence de tests diagnostiques sensibles, reproductibles et spécifiques. Il faut espérer cependant que les nouveaux critères de la PPR permettant d’analyser et d’étudier plus finement des patients mieux définis, rendent possible des travaux de recherche afin qu’à plus ou moins long termes un test diagnostique (biologie, imagerie…) sensible et spécifique soit développé.

tif primaire clair dans la PPR et en pratique clinique tel clinicien se satisfait de tel ou tel objectif qui aura de la valeur à ses yeux, mais pas à ceux de ses confrères. En pratique, faut-il obtenir l’indolence ? Le sevrage en stéroïdes ? La simple récupération fonctionnelle ? L’absence de rechute ? La disparition du syndrome inflammatoire ? Avec ou sans corticothérapie ? Rien n’est clair, mais il est fréquent en pratique de voir des patients garder une corticothérapie non nulle (entre 5 et 10 mg/jour de prednisone) pendant des années. Peut-on se satisfaire d’une telle situation ?

Objectif thérapeutique

Ce qui est proposé actuellement est un objectif clair, on cherche à obtenir un patient qui, en moyenne au terme de 18 à 24 mois de traitement et

Dans la polyarthrite rhumatoïde, le but du traitement est la rémission… Il n’y a pas d’objec-

Rhumatos • Janvier 2014 • vol. 11 • numéro 94


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Réponse sous traitement Une fois le diagnostic présomptif de PPR posé et le traitement débuté, il convient de rester vigilant. La réponse thérapeutique est extrêmement variable au cours de la “PPR syndrome” comme le montrent les séries récentes. Le critère “effet spectaculaire en deux à trois jours” de la corticothérapie est un critère faux dans la moitié des cas. D’autre part, la réponse thérapeutique des patients le premier mois est très fluctuante avec à trois semaines de traitement Rhumatos •Janvier 2014 • vol. 11 • numéro 94

Tableau 1 - Évolution à trois semaines de traitement (moyenne de trois séries de la littérature).

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après avoir suivi le protocole thérapeutique proposé : • puisse être sevré en stéroïdes ; • n’ait plus de signe biologique ; • n’ait plus de signe clinique (parfois après une ou deux rechutes voir plus loin). Cet objectif a un double intérêt : il trace la voie à suivre pour le clinicien, mais aussi il permet de valider a posteriori le diagnostic en passant officiellement du stade de “PPR syndrome” à celui de “PPR maladie” une fois le patient sevré. À l’inverse, si après la période considérée, le patient n’est toujours pas sevré, c’est que le diagnostic n’est pas le bon et il ne sert à rien de s’entêter dans cette conduite ! Cela suppose que le diagnostic initial soit conforté au plus que possible par la réalisation d’un bilan exhaustif à la recherche de toutes les maladies pouvant se présenter “comme une PPR” c'est-à-dire une “PPR syndrome”. De la qualité de l’interrogatoire, de l’examen clinique initial ainsi que de l’exhaustivité du bilan préthérapeutique découleront la qualité et la facilité du suivi (cf. partie 2, p. 16).

Réponse clinique complète

45 % (à un an : 27 % rechute)

incomplète

44 % (à un an : 34 % rechute)

nulle

11 % (à un an : 37 % rechute)

Raideur matinale > 30 min

29 %

Douleurs rhizoméliques persistantes

26 %

Syndrome inflammatoire persistant

35 % (VS > 30 et/ou CRP > 10)

une grande variabilité clinique comme le montre le tableau 1.

Signaux d’alarme avant le suivi Comme on peut le voir, plus la réponse est incomplète à la fin du premier mois, plus la probabilité de rechute à un an augmente. Ceci introduit la notion de “signaux d’alarme” dans le suivi de la PPR. En effet, les données récentes publiées par le groupe angloaméricain de la PPR montrent qu’il existe des signes cliniques et/ou biologiques qui sont présents avant traitement ou apparaissent pendant le traitement et qui sont plus souvent associés avec des rechutes multiples, une corticothérapie prolongée, une maladie mal contrôlée… En clair, des signes orientant vers

une autre affection qu’une “PPR maladie” ! Les signes d’alarme avant traitement sont récapitulés dans le tableau 2. Présents avant de débuter le traitement, ces signes ont valeur d’alerte pour le clinicien et doivent remettre en cause la probabilité d’un diagnostic de “PPR maladie” et inciter à chercher “autre chose”, même devant un tableau douloureux d’allure inflammatoire a priori banal des ceintures. Cependant parfois, en leur présence et avec un fort doute sur le diagnostic de PPR, malgré un interrogatoire bien conduit, un examen clinique minutieux et des examens complémentaires exhaustifs, il ne sera pas possible de proposer un autre diagnostic.

Tableau 2 - Signaux d’alarme avant le suivi. Âge < 60 ans Début lent progressif Absence d’atteinte des épaules absence de douleur et/ou absence de raideur Manifestations systémiques prédominantes CRP/VS nouvelles ou très fortes Présence d’arthrites périphériques 21


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Il convient alors de rester particulièrement vigilant durant le suivi à la recherche d’autres signes d’alerte, ou de signes orientant vers une autre affection. Ces signes ne sont nullement un encouragement à majorer la corticothérapie au-delà de la dose recommandée. Cela n’aurait alors probablement qu’un seul effet : masquer plus longtemps une autre affection au prix de probables effets secondaires des stéroïdes. Il convient simplement de respecter les doses de corticoïdes proposées par les recommandations internationales mais de rester particulièrement vigilant dans la surveillance du patient. Le critère “présence d’une arthrite périphérique” comme signal d’alarme avant traitement est un réel progrès de la part des Anglo-saxons qui pendant longtemps ont considéré qu’environ un tiers des PPR avaient banalement des manifestations périphériques et incluaient ces patients dans les séries de la littérature, par opposition à la définition française de la maladie qui devait rester « rhizomélique ». On note, à ce sujet, que dans le jeu de nouveaux critères proposé en 2012, la présence d’une arthrite périphérique enlève un point dans le score de classification, alors que l’absence d’arthrite ajoute un point, traduisant par là l’importance de cet aspect clinique.

Signaux d’alarme pendant le suivi Il est proposé des signaux d’alarme sous traitement, au nombre de quatre. Ces signes doivent alerter le cli22

nicien sur le fait que l’évolution de la maladie sous traitement n’est pas optimale et qu’en cas d’accumulation de ces signes, il convient de reconsidérer raisonnablement le diagnostic initial (tableau 3). On l’a déjà dit, l’absence de réponse ou une mauvaise réponse prolongée à la corticothérapie est un signal inquiétant qui fait courir un risque élevé de rechute, mais tous les patients qui répondent peu ou mal ne feront pas forcément une rechute. À l’inverse une réponse complète à un mois ne met pas totalement à l’abri d’une rechute chez environ un quart des patients. La corticodépendance est probablement le plus grand signe d’alarme pour le clinicien. Dans l’esprit des Anglo-saxons une “PPR maladie” répond complètement à une petite corticothérapie et surtout doit pouvoir être sevrée avec le programme de réduction des doses proposé. Une “PPR syndrome” qui demande un traitement corticoïde de plus de deux ans n’est pas une “PPR maladie” mais la présentation – sous le masque d’une maladie rhizomélique – d’une autre affection. La survenue de rechutes multiples – soit spontanées, soit à chaque palier de décroissance des corticoïdes – est un dernier élément qui doit attirer l’attention car très évocateur d’un rhumatisme inflammatoire sous-jacent expliquant le tableau, resté méconnu et corticodépendant. Notons cependant que, dans leurs recommandations, les auteurs anglo-saxons considèrent qu’une authentique “PPR maladie” peut faire une ou deux

Tableau 3 - Signaux d’alarme pendant le suivi. Réponse incomplète aux stéroïdes Corticodépendance Rechutes multiples Traitement > 2 ans

rechutes dans les 12 à 24 mois de suivi, justifiant une reprise temporaire d’une dose plus forte de corticoïdes. Cela est reconnu et validé, à condition que la décroissance puis le sevrage des corticoïdes puissent ensuite se faire dans les temps impartis. Le temps passant et les signaux d’alarme s’accumulant, il convient de reconsidérer le diagnostic. Mais après 12 ou 14 mois de suivi, les diagnostics différentiels possibles sont devenus peu nombreux. En effet la probabilité d’avoir méconnu une maladie infectieuse ou tumorale (endocardite, néoplasie métastatique…) est devenue faible après ce délai, et il convient alors de reconsidérer les rhumatismes inflammatoires chroniques en priorité, tels qu’un réveil tardif d’une arthrite juvénile idiopathique, une spondyloarthropathie à début ou à réveil tardif, une PR à début proximal, un rhumatisme à cristal, un lupus du sujet âgé, etc.

Définition de la poussée et de la rémission Le suivi des patients souffrant de PPR était rendu difficile par l’absence de définition consensuelle de la “poussée” et de la “rechute”. Une analyse de la littérature portant sur 6 031 articles concernant l’affection révèle que Rhumatos • Janvier 2014 • vol. 11 • numéro 94


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Tableau 4 - Formule du PPR-DAS. La formule brute du PPR-DAS est la somme des facteurs : CRP (mg/dl) + VASp (0-10) + VASph (0-10)+ (MST [min] x 0,1) + EUL (3-0) 1) VAS est l’échelle visuelle analogique de l’activité globale de la maladie selon l’avis du malade (VASp) et du clinicien (VASph) notée de zéro à dix. 2) MST (Morning Stiffness) est la durée du dérouillage matinal en minutes x 0,1 (ainsi 60 minutes x 0,1 = 6 points). 3) EUL (Elevation of Upper Limb) est la capacité à lever les bras au-dessus de la tête, notée de 0 à 3 (0 = élévation normale, 3 = incapacité à lever les bras). 4) Un score < 2 définit une maladie en rémission. 5) Une variation du score supérieure ou égale à 7 points entre deux visites définit une rechute.

seulement 18/6 031 (0,25 %) proposent ou utilisent une définition composite de la rémission (bien sûr jamais la même !) et 34/6 031 (0,5 %) proposent ou utilisent une définition composite de la rechute. Le PMR-DAS (Polymyalgia Rheumatica Disease Activity Score) est un outil de mesure de l’activité de la maladie basé sur un groupe d’items “pertinents” qui s’améliorent sous traitement (VS ou CRP, EVA douleur, appréciation globale du patient, raideur matinale, raideur musculaire et élévation globale des bras) et proposé par Leeb et Bird en 2004 (tableau 4). L’analyse de validation de l’outil a démontré que chaque item contribuait significativement au score total et que le poids de chaque item était distribué de façon égale dans la cohorte de référence. Un groupe de travail français a poursuivi les travaux de Bird en validant le PPR-DAS en français dans d’autres cohortes. Ces travaux ont abouti à la validation de l’outil en pratique rhumatologique et en médecine générale ainsi qu’à la définition d’une valeur de variation de l’indice permettant de définir la Rhumatos •Janvier 2014 • vol. 11 • numéro 94

rémission, mais aussi la rechute et donc d’ajuster au mieux la corticothérapie. Une valeur absolue du score PPR-DAS de 9,35 est fortement associée avec le diagnostic de poussée de la maladie (agrément 92 %, IC 95 % 85,8-95,7 %, κ = 0,78) avec une sensibilité de 96,6 % (IC 95 % 80, 4-99,8) et une spécificité de 90,7 % (IC 95 % 83, 2-95,2). Les travaux montrent qu’entre des “mains rhumatologiques” une variation du score de plus de 6,6 points entre deux visites, permet de définir une rechute (sensibilité 100 % ; spécificité : 97,1 %) et qu’une valeur inférieure à 2 définit la rémission. En pratique de médecine générale, une variation de 7 points du DAS entre deux visites définit aussi la rechute (sensibilité 99,4 % et spécificité de 93,3 %) et est fort utile pour ajuster la corticothérapie. Le dernier intérêt de cet outil pourrait être de faciliter toute forme de coopération entre généralistes et rhumatologues. Ainsi, pour un généraliste, la constatation d’un PPR-DAS de plus de 7 points serait une bonne

indication à adresser systématiquement son patient au rhumatologue pour discussion d’une éventuelle rechute et adaptation thérapeutique.

En conclusion Des progrès considérables ont été réalisés ces dix dernières années dans le domaine de la prise en charge de la PPR. Les nouveaux critères de classification de la PPR éclairent d’un jour nouveau notre approche de cette affection et ont le mérite de rappeler qu’il s’agit d’un syndrome. Ils guident notre approche diagnostique et thérapeutique, ainsi que le suivi des patients. Enfin, ils permettront de mieux cerner les patients souffrant de “PPR maladie” ce qui laisse espérer à moyen terme la mise au point de tests diagnostiques plus spécin fiques.

Mots-clés : Critères de classification, PPR, Suivi, Rechute, PPR-DAS

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