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En pratique

Noyaux durs La technique de la pyramide inversée Dr Christophe Chassain*

Introduction L’abord des noyaux durs représente toujours un défi pour les chirurgiens du segment antérieur. La technique de la pyramide inversée peut être utilisée dans cette indication. C’est une variante du Divide and Conquer, reproductible et facile à acquérir. Le principe essentiel est de retirer le maximum de matériau dans la partie antérieure du cristallin tout en laissant un sillon postérieur étroit et facile d’accès permettant d’effectuer un cracking traditionnel.

Description • L’incision en cornée claire doit être la plus radiaire possible afin d’éviter brûlure et problème d’étanchéité en fin d’intervention. • Le rhexis doit être large pour permettre de retirer le maximum de volume lors du premier étage de la pyramide. Un colorant bleu est souvent utile pour mieux voir la capsule dans ces cataractes à mauvaise lueur pupillaire. • L’hydrodissection est souvent difficile à visualiser en raison de l’opacité du noyau mais elle doit être complète pour ne pas sollici-

*Clinique Beau-Soleil, Montpellier

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A

B

Figure 1 - A : 1er étage bevel up (3 sillons). B : 1er étage bevel down (cratère).

ter une zonule souvent fragile, lors de la rotation des héminoyaux. • L’appareil de phacoémulsification est réglé en mode sculpture, avec les niveaux de vide et d’aspiration préprogrammés pour les noyaux durs. • Le premier sillon (ou étage) de la pyramide peut être effectué avec la sonde en position standard vers le haut (bevel up), de la largeur de 3 sillons standard. Si le noyau est excessivement dur, il est préférable de tourner la sonde vers le bas (bevel down) en laissant agir les ultrasons d’avant en arrière tout en progressant de proche en proche, ce qui permet de ne pas solliciter la zonule. On peut également retirer le maximum de noyau possible en choisissant d’effectuer une ablation plus large, en cratère, limitée par les bords du rhexis (Fig.1). • Le deuxième étage de la pyramide doit être effectué sonde en position standard vers le haut

(bevel up), (exceptionnellement en bevel down si noyau grade 5), en creusant sur une largeur de 2 sillons standard, en suivant les 2 crêtes centrales du premier étage. Un ou plusieurs passages seront effectués selon la dureté du noyau. Il faut avancer à la vitesse que permet la dureté du noyau, sans mobiliser la zonule (Fig.2). • Le troisième étage ou sommet de la pyramide est effectué au milieu des 2 sillons précédents, en suivant la crête centrale à leur intersection, de la largeur d’un sillon standard. Il sera creusé le plus profondément possible afin d’obtenir à la fois un mur de hauteur suffisante et un plancher fragile. Lorsque la lueur pupillaire est suffisamment claire, on peut tenter la nucléofracture en posant micromanipulateur et sonde de phacoémulsification au fond du sillon, et en les éloignant l’un de l’autre. Si le noyau ne craque pas, ou bien de façon incomplète, ne pas hésiter à poser directement la sonde sur le plancher, afin de mieux apprécier

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Noyaux durs

par le toucher l’épaisseur restante à retirer mais également pour ne garder qu’une seule variable dans la délivrance des ultrasons. En effet, lorsque l’on reste éloigné du fond du sillon, ce sont à la fois la distance extrême de la sonde-plancher du sillon, ainsi que la pression sur la pédale du phacoémulsificateur qui vont varier. Il est plus sécurisant de rester au contact du plancher et d’appuyer sur la pédale d’abord à la limite inférieure entre les positions 2 et 3, puis en augmentant doucement la pression sur la pédale. On vérifie l’action de la sonde, en avançant sur de courtes distances et en revenant régulièrement en arrière jusqu’à ce qu’un effet d’ablation tissulaire soit visible. On essaie régulièrement de séparer les 2 héminoyaux jusqu’à ce que la fracture soit possible. Il faut alors s’assurer que la séparation des 2 héminoyaux est bien complète avant d’effectuer la rotation de 90° permettant d’aborder le premier héminoyau (Fig.3). • Les héminoyaux sont abordés selon le même principe que le noyau lui-même, en réduisant l’épaisseur en avant par un premier sillon double, au milieu duquel sera effectué un sillon postérieur étroit pour faciliter le cracking. Si le noyau est particulièrement induré, on peut aussi passer en mode CHOP (technique du stop-and-chop). L’appareil de phacoémulsification est alors passé en mode Quartier, et le CHOP est grandement facilité par l’espace central libre permettant de désengrainer plus facilement les fragments de noyau (Fig.4).

plan énergétique est certainement la technique du prechop d’Akahoshi (4), dont le but est de limiter au maximum l’énergie des ultrasons puisque la fracture est effectuée manuellement avant même l’utilisation du phacoémulsificateur.

Figure 2 – 2e étage = 2 largeurs de sillons.

est d’emblée attaqué par le chopper, ou bien le stop-and-chop qui commence par une nucléofracture. Le phaco-chop est plus économe en ultrasons que le stop-and-chop (1) ou pour certains seulement dans les noyaux les plus denses (2), mais il n’y a pas de différence de perte endothéliale, ni de variation d’épaisseur cornéenne entre les 2 techniques (1-3). Par contre la technique du phacochop est plus difficile à acquérir, avec en particulier un risque plus élevé de complication au niveau du rhexis (3). La méthode la plus économe sur le

A

La technique de la pyramide peut être considérée comme la première étape du stop-and-chop. Le temps de sculpture qui génère le plus d’ultrasons est encore augmenté par rapport à un stop-andchop classique, puisque les sillons sont plus larges dans la partie antérieure du noyau. Il est donc probable que l’énergie délivrée soit supérieure avec une pyramide et même une pyramide-chop, qu’avec les 2 techniques de chop classique. Cependant, avec une pyramide, la majorité de l’énergie est délivrée pendant la phase de sculpture, en arrière de l’iris, et à distance de la cornée, ce qui n’est pas le cas du phaco-chop où les fragments sont émulsifiés près de l’endothélium. L’énergie d’ultrasons délivrée n’est sans doute pas un critère qui suffit

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Figure 3 - A : 3e étage = 1 sillon standard. B : Fracture complète en 2 héminoyaux.

Discussion Pour de nombreux chirurgiens, la technique de référence pour l’abord des noyaux durs est le CHOP, que ce soit le phaco-chop où le noyau

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Figure 4 - A : Héminoyau pyramide. B : Héminoyau CHOP.

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à lui-même : il faudrait également préciser où ces ultrasons sont délivrés, en fonction du plan irien. En effet, l’onde ultrasonore, en se propageant, cède une partie de son énergie au milieu : il y a absorption de l’énergie ultrasonore selon une loi exponentielle décroissante (Fig. 5). I = I0e-a.x avec I = intensité à la distance x ; I0 = intensité initiale ; e = base des logarithmes népériens ; a = coefficient d’absorption et x = distance à la source. C’est sans doute cette décroissance exponentielle de l’intensité ultrasonore qui explique l’absence de différence en microscopie spéculaire et en pachymétrie entre phaco-chop et stop-andchop (1- 3) : le stop-and-chop (et à un degré supérieur, la pyramide) produit davantage d’ultrasons, mais à distance de la cornée, et l’énergie délivrée effectivement au niveau de l’endothélium ne semble pas plus importante qu’en phaco-chop. Ainsi, aucune des cornées opérées avec la technique de la pyramide n’a présenté d’œdème, malgré certains noyaux extrêmes. Pour l’exemple présenté en figure 6, il s’agit d’une pyramide effectuée sans CHOP avec un phacoémulsificateur Infiniti (avant l’upgrade et la technologie IP) : le cratère en bevel down du premier étage a nécessité 40 mj d‘énergie en ultrasons, 30 supplémentaires pour terminer la sculpture, et 62 pour l’émulsification des quartiers dans

manipulateur, d’autant plus que le sommet de la pyramide est étroit.

100 75 50

25

0

1

2

3

4

cm

Figure 5 - Absorption des ultrasons

À cette nucléofracture initiale plus complète, s’ajoute le grand volume central libéré par la phase de sculpture : la libération des quartiers est ainsi facilitée, que les héminoyaux soient séparés en divide classique ou en stop-and-chop.

dans la matière.

le plan irien sans chopper : soit un total de 112 mj. Malgré ce chiffre exceptionnellement élevé, la cornée n’a pas souffert cliniquement. Le but de la technique de la pyramide n’est donc pas d’avoir le meilleur rapport énergie-efficacité mais plutôt le meilleur rapport sécurité-efficacité : il s’agit d’une technique sûre et abordable pour tous, en particulier pour les chirurgiens débutants.

Conclusion La technique de la pyramide inversée permet d’effectuer en toute sécurité la phase de sculpture des noyaux, jusqu’au cracking. Elle peut s’associer au bevel down pour le premier étage, ainsi qu’au CHOP pour l’émulsification des héminoyaux, ce qui en fait une variante du stop-and-chop dont elle facilite l’apprentissage. n

Mots-clés : Noyaux durs, Pyramide En effet, la pyramide, en association avec la technique du bevel down pour les noyaux les plus durs, permet d’effectuer très facilement la première nucléofracture : l’ablation d’un grand volume de noyau avec la sculpture des 2 premiers étages laisse un accès optimal pour le dernier sillon autant pour la visualisation de la lueur pupillaire et donc l’appréciation de la profondeur, que pour les instruments : la sonde de phacoémulsification va progresser sans à-coup, même en cas de sculpture très profonde, et peut être positionnée sans difficulté sur le plancher du sillon pour un cracking efficace à l’aide du micro-

inversée

Bibliographie 1. Pereira AC, Porfírio F Jr, Freitas LL, Belfort R Jr. Ultrasound energy and endothelial cell loss with stop-and-chop and nuclear preslice phacoemulsification. J Cataract Refract Surg 2006 ; 32 : 1661-6. 2. Park JH, Lee SM, Kwon JW et al. Ultrasound energy in phacoemulsification: a comparative analysis of phaco-chop and stop-andchop techniques according to the degree of nuclear density. Ophthalmic Surg Lasers Imaging 2010 ; 41 : 236-41. 3. Vajpayee RB, Kumar A, Dada T et al. Phacochop versus stop-and-chop nucleotomy for phacoemulsification. J Cataract Refract Surg 2000 ; 26 : 1638-41. 4. Akahoshi T. Phaco prechop: manual nucleofracture prior to phacoemulsification. Operative Tech Cataract Refract Surg 1998 ; 1 : 69-91. 5. Joo CK, Yeong Hoon K. Phacoemulsification with a bevel-down phaco tip: Phacodrill. J Cataract Refract Surg 1997 ; 8 : 1149-52.

Figure 6 - A : M. P. : préopératoire. B: M. P. : 1er étage. C : M. P. : J + 8.

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