Rythmologie
Ce qu’il faut retenir en cardiologie en 2013
Du rythme en passant par les valves : vu et entendu aux JESFC Walid Amara (Unité de Rythmologie, GHI Le Raincy-Montfermeil, walamara@gmail.com)
Au cours des Journées européennnes de la Société française de Cardiologie, de nombreuses sessions ont traité les différents sujets de la cardiologie, des sujets aigus de recherche clinique, aux synthèses, en passant par les sujets d’actualité. Une session a, ainsi, porté sur l’essentiel de 2013. En voici les points clés.
Rythmologie
L’année 2013 a été riche en nouveautés.
Pacemaker endocavitaire sans sonde Déjà, soulignons que la fin d’année a été marquée en France par la première implantation d’un pacemaker sans sonde. L’intervention a été effectuée au CHU de Grenoble (Pr Pascal Defaye). Ce stimulateur, largué à l’apex du ventricule droit, a l’avantage de ne pas avoir de sonde et de ne pas nécessiter d’abord sous-clavier (Fig. 1).
NACO et FA L’autre nouveauté majeure est la présentation des résultats du 4e anticoagulant direct dans la FA : l’edoxaban. L’étude ENGAGE AF a été présentée à l’AHA et publiée de manière concomitante. L’étude a inclus 21 105 patients en FA à risque modéré ou élevé avec des scores CHADS2 > 2. Les patients ont été randomisés
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entre warfarine (INR entre 2 et 3), edoxaban à la dose de 30 mg/j x 1/j ou edoxaban à la dose de 60 mg/j x 1/j. Le même critère primaire de jugement que les trois précédents essais a été évalué : AVC ou embolies systémiques. Les deux doses d’edoxaban ont démontré une non-infériorité à la warfarine sur le critère primaire. Celui-ci a été noté chez 1,5 % avec la warfarine, de 1,2 % sous edoxaban forte dose et de 1,6 % sous edoxaban faible dose. Cette étude ouvre la voie à ce nouvel anticoagulant dans la FA non valvulaire et viendra certainement s’ajouter aux trois autres déjà commercialisés.
Ablation de FA L’étude RADAR AF (Radiofrequency Catheter Ablation of Drivers vs Circumferentiel Pul-
Figure 1 - Pacemaker sans sonde.
monary Vein Isolation in patients with AF) a évalué l’intérêt de l’ablation des rotors intervenant en comparaison de l’ablation des veines pulmonaires dans la FA paroxystique et persistante. L’étude a inclus 113 patients présentant une FA paroxystique et 117 patients présentant une FA persistante. Pour les FA paroxystiques, les patients étaient randomisés entre ablation des rotors et déconnexion des veines pulmonaires. Pour les FA persistantes, les patients étaient randomisés entre ablation des rotors + déconnexion des veines pulmonaires, et déconnexion seule des veines pulmonaires. Dans la FA paroxystique, l’analyse a été faite en non-infériorité.
Cardiologie - Cardinale • Janvier 2014 • vol. 8 • numéro 60
ce qu’il faut retenir en cardiologie en 2013
Dans la FA persistante, une analyse de supériorité a été prévue. Le critère primaire de jugement était l’absence de récidive de FA à 6 mois après une première ablation sans antiarythmiques. Les récidives d’arythmie ont aussi été évaluées à 12 mois. Les complications périprocédurales ont été aussi analysées. Dans la FA paroxystique, la noninfériorité n’était pas démontrée à 6 mois, ce qui est le critère primaire de jugement, alors qu’elle a été montrée à 12 mois en incluant les ablations supplémentaires réalisées (69 % des patients en rythme sinusal dans chaque groupe). Dans la FA persistante, il n’a pas été noté de différence entre les deux groupes. Le taux d’événements indésirables était de 24 % dans le groupe ablation des rotors versus 10 % dans le groupe isolation isolée des veines pulmonaires. Au total, cette étude montre qu’ablater les triggers en plus de l’ablation des veines pulmonaires ne fait pas mieux que l’ablation des veines pulmonaires seules pour la prévention des récidives de FA à 6 mois. Ce genre d’ablation est même associé à une augmentation significative des événements adverses sérieux. Dans la FA paroxystique, l’ablation des triggers a des résultats encourageants à 12 mois. Le message pour le clinicien reste simple : à cette phase, la référence dans l’ablation de la FA reste la déconnexion des veines pulmonaires.
d’extrasystoles atriales) ont tendance à être abandonnés dans les recommandations. Ces algorithmes qui fonctionnent comme des modes AAI avec passage en mode DDD en cas de BAV ont des noms tels que Safer (Sorin®), MVP (Medtronic®) ou DDD-ADI (chez Biotronik®).
Réglage des pacemakers
L’étude a randomisé 1 166 patients.
Les algorithmes de stimulation antitachycardiques utilisés pour prévenir la fibrillation atriale (qui consistent à stimuler l’oreillette afin d’éviter la survenue
L’étude MINERVA a combiné les deux algorithmes. • L’algorithme dit MVP (Managed Ventricular Pacing) qui est un mode de programmation en mode AAI avec commutation si besoin en mode DDD. • L’algorithme DDDRP qui combine une stimulation atriale préventive et un algorithme d’ATP (Antitachycardia Pacing) au niveau de l’oreillette qui est stimulée à faible voltage lors des épisodes de tachycardie atriale organisée. Les patients étaient implantés d’un stimulateur cardiaque double chambre, le plus souvent pour une dysfonction sinusale, et avaient des antécédents d’arythmie atriale. Ils ont été randomisés en trois groupes : – Mode DDDR classique. – Mode DDDR associé aux deux algorithmes MVP et DDDRP. – Mode DDDR associé uniquement en mode MVP. Le critère primaire de jugement, évalué à 2 ans, combinait la mortalité totale, les hospitalisations pour motif cardiovasculaire et la survenue d’une FA permanente (pour laquelle la décision a été de ne plus réaliser de cardioversion).
du critère primaire de jugement (Fig. 2). Il n’a pas été noté de différence significative sur la mortalité totale, ni sur les hospitalisations cardiovasculaires. Il a été noté cependant significativement moins de FA permanentes dans le groupe DDDRP+MVP (HR 0,39 ; IC à 95 % 0,21-0,75 ; p = 0,004). À noter moins de cardioversions pour FA dans ce mode de programmation (réduction relative de 49 % ; p = 0,001). Le mode DDDRP+MVP a permis de réduire les FA de plus d’1 jour, ainsi que celles de plus de 7 jours (Fig. 3). Au total, cette étude montre l’intérêt d’un algorithme combinant la stimulation antitachycardique atriale et la préservation du rythme ventriculaire pour prévenir la survenue d’arythmies cardiaques. Si les algorithmes de préservation de la stimulation ventriculaire (MVP, Safer, DDD-ADI, etc.) sont maintenant recommandés et disponibles sur tous les pacemakers modernes, les algorithmes de stimulation antitachycardiques au niveau atrial avaient été abandonnés et l’intérêt pour ces algorithmes a été relancé. Le message pour le clinicien reste simple : évitons de stimuler le ventricule. Stimuler l’oreillette semble utile pour prévenir les arythmies.
Valvulopathies TAVI
Sur le critère primaire, le mode combinant MVP et DDDRP a été associé à une moindre survenue
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L’année reste dominée par le traitement percutané des valvulopathies.
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Il existe une corrélation avec le système de remboursement du TAVI et la part du PIB consacrée à la santé.
DDDRP + MVP vs DDDR contrôle HR = 0,74 ; IC 95 % = 0,55-0,99 ; p = 0,04*
0,45 0,40
MVP vs DDDR contrôle HR = 0,89 ; IC 95 % = 0,77-1,03 ; p = 0,13*
0,35 0,30
DDDR contrôle
0,25
MVP
0,20 DDDRP + MVP
0,15 0,10 0,05 0,00 0
6
12 18 Période d’observation (mois)
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Nombre à risque DDDR contrôle 385 335 299 275 224 DDDRP + MVP 383 338 311 288 221 MVP 398 350 318 295 228 *Après ajustement pour le sexe HR = 0,73 ; p = 0,04* et HR = 0,89 ; p = 0,12* respectivement
Figure 2 - Effet sur le critère primaire dans les trois groupes de l’étude.
> 1 jour
DDDRP + MVP vs DDDR contrôle HR = 0,66 ; IC 95 % = 0,52-0,85 ; p = 0,001 MVP vs DDDR contrôle HR = 0,98 ; IC 95 % = 0,87-1,10 ; p = 0,71 0,50 0,45 0,40 0,35 0,30 0,25 0,20 0,15 0,10 0,05 0,00
DDDR contrôle MVP DDDRP + MVP
0
Nombre à risque DDDR contrôle 383 DDDRP + MVP 373 MVP 389
6
12
18
24
261 285 266
224 241 226
194 206 190
152 146 134
Période d’observation (mois)
> 7 jours
DDDRP + MVP vs DDDR contrôle HR = 0,52 ; IC 95 % = 0,36-0,73 ; p < 0,001 MVP vs DDDR contrôle HR = 0,95 ; IC 95 % = 0,82-1,10 ; p = 0,49 Risque de FA supérieur à 7 jours
Les considérations économiques en Europe vont interférer dans le choix de la stratégie de prise en charge du rétrécissement aortique. On note que trois pays (France, Allemagne et Italie) totalisent 70 % des implantations en Europe.
Risque de survenue du critère primaire de jugement
Concernant le remplacement valvulaire aortique, le nombre et l’âge des patients augmentent. La proportion des sujets de plus de 85 ans devient dominante. Malgré la gravité grandissante des patients, la mortalité diminue (7,1 % à 3,8 % en 2011).
0,50
Risque de FA supérieur à 1 jour
Le registre nord-américain STS/ACC TVT a inclus 7 710 patients adressés pour TAVI. La voie transfémorale était dominante (64 %). La mortalité hospitalière était faible (5,5 %) avec un taux d’AVC de 2 %.
0,50 0,45 0,40 0,35 0,30 0,25 0,20 0,15 0,10 0,05 0,00
DDDR contrôle MVP DDDRP + MVP 0
Nombre à risque DDDR contrôle 383 DDDRP + MVP 373 MVP 389
6
12
18
Période d’observation (mois) 298 313 314
266 283 272
239 253 238
24
190 173 170
Figure 3 - Effet sur les épisodes de FA de plus de 1 jour et de plus de 7 jours.
Un des problèmes reste la fuite paraprothétique. Après TAVI, près de la moitié des patients n’ont aucune fuite (dans les études PARTNER), alors que plus d’un tiers ont une fuite modérée, ce qui impacte le pronostic. La fuite paraprothétique est le principal paramètre de la mortalité à 1 an. La tendance est la surexpansion de la prothèse mais avec un risque de rupture d’anneau avec oversizing (qui est une complication au mauvais pronostic avec une mortalité à plus de 50 %).
Mitraclip Concernant l’utilisation du clip
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mitral, une étude européenne avait inclus 567 patients avec fuites mitrales volumineuses avec un pourcentage d’amélioration important à plus de 95 % et avec une bonne survie de 81 % à 1 an (patients de 75 ans en moyenne). Il a été démontré que le remodelage VG est similaire après clip ou après chirurgie. Une étude randomisée entre plastie et remplacement valvulaire mitral chirurgical a été publiée dans le NEJM. Elle n’a pas montré de différence sur le critère primaire de jugement.
La proportion de fuites mitrales significatives était plus importante dans le groupe plastie mitrale.
Exercice, réadaptation, sport Réadaptation Une méta-analyse publiée dans le BMJ en 2013 a comparé l’effet des médicaments à l’exercice physique. Ils retrouvent, en prévention secondaire pour coronaropathie, un effet similaire de la réadaptation et des traitements médicamenteux.
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ce qu’il faut retenir en cardiologie en 2013
Une recommandation AHA pour l’épreuve d’effort a été publiée. En 2013, il n’est plus possible de se limiter au nombre de watts. Il faut systématiquement noter sur le compte rendu la raison de l’arrêt, la capacité d’effort par le pourcentage de FMT, et de préférence mesurée en METs, définir le profil chronotrope et bien entendu les modifications du segment ST. Une étude, publiée par Oldridge sous forme de méta-analyse en 2012, montre une diminution de la mortalité de l’ordre de 25 % après réadaptation. En France, en 2011, il n’y a que 22 % des patients qui bénéficient d’un programme de réadaptation, avec des disparités régionales importantes. Les ARS vont certainement se saisir de ces chiffres (publication prochaine dans le BEH) pour mieux orienter les patients. Concernant la réadaptation postpontage, une étude de la Mayo Clinic vient en valider l’intérêt. Une étude publiée par M.-C. Iliou concernant la réadaptation postangioplastie n’a pas montré de surrisque en aigu dans le premier mois. Une relation dose-réponse a été retrouvée entre l’intensité de la réadaptation et la mortalité à long terme. Les gains de capacité d’effort par intervalle training sont meilleurs que le traitement en continu. Par contre, l’effet sur la fonction ventriculaire gauche est similaire. Les nouveaux défis sont les patients ayant une assistance cardiaque voire un cœur artificiel, les patients ayant une fraction d’éjection préservée, les patients présentant une hypertension
pulmonaire ou une cardiopathie congénitale.
Sport Pour l’ECG de l’athlète, un certain nombre de patients présentent des variations de l’ECG telles qu’une bradycardie sinusale > 30 bpm, une arythmie sinusale, un BAV 1, un BAV2 Luciani-Wenckebach, une repolarisation précoce, une HVG électrique, un bloc incomplet droit qui sont considérées comme des variations de la normale, bien entendu à condition que le patient soit asymptomatique. Les critères d’anomalies ont été publiés par Drezner en 2013 dans le British Journal of Sports Medicine. Des algorithmes ont été proposés pour la prise en charge des troubles du rythme ventriculaire chez l’athlète par Z. Sterioti dans l’American Journal of Cardiology 2013. Enfin, une étude publiée par Eloi Marijon en 2013 dans l’European Heart Journal a montré que les cyclistes professionnels du Tour de France ont une mortalité plus faible que celle de la population générale.
Cardiologie nucléaire et IRM
Le regadénosan, un nouvel agent de stress pharmacologique, a été approuvé en Europe. Il ne donne pas de bronchoconstriction. Brinkert a publié une étude européenne validant cet agent en association à une épreuve d’effort sous-maximale. Il a été comparé aux autres agents notamment adénosine dobutamine et épreuve d’effort.
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La PA est restée stable pour tous les tests. La FC est augmentée sous cet agent. La baisse de la FC est prédictive d’un effet secondaire. Dans la majorité des cas, les effets secondaires sont minimes. À noter une asytolie, un BAV et pas d’asthme sévère ni de bronchoconstriction. L’étude européenne n’a pas retrouvé de diminution de la détection de l’ischémie (contrairement aux essais menés aux États-Unis).
Endocardite infectieuse La tomographie par émission de positons au FDG marqué au Fluor 18 a été validée dans l’endocardite infectieuse. L. Saby (Journal of the American College of Cardiology 2013) a montré l’intérêt de la tomographie par émission de positons pour le diagnostic d’endocardite bactérienne. Cet examen permet de montrer une hypercaptation du FDG en cas d’endocardite. Une hyperfixation est également retrouvée en cas d’atteinte cardiaque de sarcoïdose n cardiaque.
Mots-clés : Rythmologie, Valvulopathie, Réadaptation, Sport, Cardiologie nucléaire
Bibliographie • Piot O. JESFC 2014, Paris. • Cormier B. JESFC 2014, Paris. • Iliou MC. JESFC 2014, Paris. • Jouven X. JESFC 2014, Paris. • Djaballah W. JESFC 2014, Paris. • Angoulvant D. JESFC 2014, Paris.
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