épidémiologie
Afrique et diabète La fin d’un paradoxe Stéphane Besançon*
Introduction Contrairement aux images encore grandement véhiculées par les grandes ONG et les médias, où l’Afrique est souvent présentée comme un bout de brousse où tous les problèmes alimentaires renvoient aux images d’adultes aux visages creusés, vieillis avant l’âge, et d’enfants décharnés aux ventres ballonnés (1), la réalité sur le terrain est tout autre.
Une véritable épidémie de diabète Le continent africain, à l’image de ce qu’il se passe à l’échelle mondiale, fait face à une véritable épidémie de diabète. La Fédération internationale du Diabète (FID) rappelle que l’on compte, aujourd’hui, 371 millions de Personnes atteintes de diabète (PAD) dans le monde soit 8,3 % de la population adulte mondiale (2). Le diabète compte 6 millions de nouveaux malades chaque année et est responsable de plus de 4 millions de morts annuellement, d’1 million d’amputations (85 % du nombre total d’amputations) et de multiples complications invalidantes (2). L’avenir
*Biologiste, nutritionniste spécialiste des pays en voie de développement, directeur général de l’ONG Santé Diabète (SD), Grenoble stephane.besancon@santediabete.org
Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
semble encore plus alarmant puisque les projections de la FID estiment que le nombre de personnes touchées par le diabète devrait dépasser les 552 millions d’ici à 2030, dont 80 % de ces patients résideront dans les pays intermédiaires et en voie de développement (2), ce qui fera de cette condition l’une des principales causes d’invalidité et de décès dans le monde (2). Le continent africain est déjà très fortement touché par l’épidémie de diabète avec plus de 14 millions de PAD, ce qui représente 4,3 % de la population adulte. L’Afrique va connaître la progression la plus importante de la maladie dans les 20 prochaines années, avec un doublement de la prévalence du diabète (de 3,5 % à 7 %) et du nombre de patients (de 14 à 28 millions) (2). Ces chiffres démontrent la transition épidémiologique qui est en cours en Afrique, du fardeau des maladies transmissibles à celui des maladies non transmissibles (3) (Fig. 1).
En cause : le développement du continent Cette explosion du diabète est reliée directement au développement du continent. En effet, l’Afrique connaît une forte croissance économique, un important développement et, par conséquent, fait face à trois grands défis :
• une augmentation de l’espérance de vie et donc de l’âge des populations : l’espérance de vie moyenne en Afrique subsaharienne est passée de 44 ans en 1970 à 52 ans aujourd’hui (4). Cette augmentation accroît d’année en année le nombre de personnes présentes dans les classes d’âge où se développe le plus le diabète ; • une urbanisation galopante : en 2009, l’Afrique dépassait le milliard d’habitants avec 395 millions de personnes vivant dans des zones urbaines (40 %). En 2050, la population totale des villes africaines passera à 1,23 milliard d’habitants, représentant ainsi 60 % de la population africaine (5). L’urbanisation galopante entraîne une modification des modes de vie avec une forte augmentation de la sédentarité. • une transition nutritionnelle qui se caractérise par une augmentation de la consommation de graisses, de sucres et de produits d’origine animale (6). Ces changements de mode de vie, associés au prestige social du surpoids et de l’obésité, expliquent l’explosion du surpoids et de l’obésité en cours sur le continent, entraînant une transition des formes de malnutrition, de la sousnutrition vers la surnutrition. Ainsi, depuis quelques années, les problèmes de surpoids dépassent les problèmes de sous-poids en Afrique (7). 281