311 330 ne162 miseaupoint

Page 1

© Juliette Frénay

ASCO 2013

ASCO 2013, Chicago Les nouveautés thérapeutiques en neuro-oncologie Antiangiogéniques et glioblastomes n

Cette année à l’ASCO, la plupart des communications en neuro-oncologie ont traité des

molécules en développement, et plus particulièrement des résultats de phases III en situation précoce ou adjuvante à la chirurgie et la radiochimiothérapie, avec le bevacizumab et le cilengitide (Fig. 1). Pour mieux comprendre le développement des molécules en neuro-oncologie, il est important de le situer dans le contexte de la pharmacologie médicale. Parce qu’elles ont constitué l’actualité cette année, vous trouverez en première partie les résultats des phases III dans les tumeurs de haut grade, puis des informations sur les phases précoces, indispensables, mais qui aboutissent rarement à un développement ultérieur. Marc P. Frénay, Christine Lebrun-Frénay*

Le contexte Plusieurs antiangiogéniques sont à différents stades de dévelop­ pement dans les gliomes de haut grade. Deux types de molécules ayant des propriétés physico­ chimiques, immuno­logiques, bio­ logiques et pharmacologiques très

*Fédération de Neuro Oncologie, 
Pôle des Neurosciences, CHU Nice

Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

différentes sont étudiées dans les cancers et les gliomes de haut grade (GHG) et les glioblastomes (GBM) : • d’une part des anticorps monoclonaux (ACM) humanisés, comme le bevacizumab (BEVb), dont la taille et le poids molécu­ laire sont élevés, pouvant intera­ gir avec l’immunité systémique et cérébrale et ciblant le Vascu-

lar Endothelial Growth Factor (VEGF) ; • d’autre part, des petites molé­ cules de plus faibles encombre­ ment, taille et poids moléculaire, a priori sans interaction avec le sys­ tème immunitaire et non suscep­ tibles d’influencer celui de l’hôte. Ces dernières ont un effet pharma­ cologique et thérapeutique en interagissant avec les voies méta311


Mise au point

Neuro oncologie ASCO 2013 Phases précoces

Cilengitide

Bevacizumab Phase II Néoadjuvant BEV + CBDCA

Phase II Néoadjuvant BEV + lomustine

Phase II Adjuvant GLARIUS

Phase III Adjuvant AVAGLIO

Phase III Adjuvant RTOG

Phase III CENTRIC

Résultats Abstr 2017

Résultats Abstr 2001

Résultats Abstr 2000

Résultats Abstr 2001

Résultats Abstr 1

Résultats Abstr 2009

Gliomes de bas grades Statut 1p connu RT vs Témo dose dense Résultats Abstr. 2007

Cognition Abstr 2003 Marqueurs Abstr 2023 Qualité de vie Abstr 2005

Marqueurs Abstr 2010 Qualité de vie Abstr 2004

Figure 1 - Détail des différents abstracts présentés cette année.

boliques régulant les isoformes du VEGF et ses récepteurs. Un de leurs avantages cliniques serait de pouvoir être administrés par voie orale en ambulatoire, alors que les ACM sont administrés par voie parentérale en hospitalisa­ tion de jour ou conventionnelle. Ces caractéristiques sont à consi­ dérer pour le confort et l’autono­ mie des patients en neuro-oncolo­ gie et les coûts pour les patients et la société. La molécule qui est actuellement la plus avancée dans son dévelop­ pement en oncologie médicale et en neuro-oncologie dans le trai­ tement des gliomes de haut grade uniquement est le bevacizumab. L’évaluation clinique de l’appari­ tion d’une néoangiogenèse et le potentiel de médicaments à effet antiangiogénique dans la période précédant la transformation de gliomes de bas grade en gliomes de plus haut grade n’existe pas dans la littérature clinique actuelle. On ne sait pas si les antiangiogéniques pourraient retarder ou empêcher la transformation de bas grade et haut grade. Les antiangiogéniques ont par conséquent été utilisés dans des tumeurs très vasculari­ sées, les tumeurs gliales de haut 312

grade en récidive puis en situation précoce. La méthodologie des essais, une fois les questions de dose et tolé­ rance résolues par les phases I, passe par différents types de phases II et IIb (phase II rando­ misée versus le standard pour s’assurer de l’absence de biais de sélection non contrôlable, comme par exemple les fluctua­ tions d’échantillonnage dans la population générale atteinte de la maladie) puis de phase III com­ parative avec le standard. Cette partie du développement se fait en phase de récidive. S’il est à même de démontrer l’avantage avec le nouveau traitement en terme d’interaction avec l’histoire natu­ relle ou traitée avec le standard de la maladie, le développement est poursuivi en situation adjuvante dans des essais comparatifs rando­ misés de phase III. Les phases III en situation précoce ou adjuvante ont pour objectif de déterminer si les interactions décelées en phases II et IIb (durée et importance de la réduction tumorale) sur des tumeurs évolutives dont la masse est perceptible se répercutent sur la survie. Lorsque le traitement est administré précocement chez un

patient dont la tumeur vient d’être diagnostiquée et opérée et dont la tumeur n’est plus perceptible, on mesure l’effet du traitement sur le TTP (SSP : temps sans progres­ sion ou survie sans progression) et la survie qui reste le seul objectif principal par définition. Le BEVb a été enregistré aux Etats-Unis pour son indication dans les récidives de gliomes de haut grade sans qu’il y ait eu d’es­ sai comparatif de phase IIb et de phase II démontrant sa supério­ rité par rapport au standard sans les GHG et GBM en récidive. Cette accélération de l’enregistrement a été vraisemblablement motivée par des considérations éthiques. Depuis que le standard en phase initiale est la radio-chimiothéra­ pie utilisant le témozolomide, on est revenu à la recommandation d’utiliser les nitrosourées en réci­ dive ; c’était du moins la recom­ mandation lors d’une session plénière lors du congrès annuel de l’ASCO en 2012 (lecture de W. Wick, EORTC BTG).
 Le BEVb n’a pas à date d’AMM en France dans le GBM ni les GHG, mais il est tout de même prescrit dans certains centres en mono ou polythérapie associé à différents cytotoxiques à la dose de 5 ou 10 mg/kg toutes les 2 semaines dans les glioblas­ tomes et les GHG en récidive, en première intention ou après échec d’une chimiothérapie. Aux Etats-Unis, les agences d’ob­ servations travaillant avec les compagnies s’assurance ont mesu­ ré, à partir de cohortes de patients suivis par des oncologues médi­ caux, la distribution des prescrip­ tions du bevacizumab produit par Genetech, utilisé à partir de 2004, toutes indications confondues selon l’enregistrement ou non par Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

les autorités médicales et sani­ taires. Les auteurs de cette étude économique se fondaient notam­ ment sur le fait que, dans ces cas, le bénéfice patient et les coûts pouvaient être obérés et surpassés par ceux des effets indésirables et de la toxicité [1]. Les compagnies d’assurance publient également des études post-marketing (ou phase IV) en population vérifiant l’adhérence aux recommandations et la conformité des effets obtenus en population aux résultats des essais faits sur des échantillons de patients sélectionnés. Le tableau 1 montre les résultats de cette en­ quête pour le BEVb tous cancers confondus. Les chiffres montrent que l’ACM est largement prescrit off-label, ce qui pourrait témoigner des di­ vergences d’interprétation et de points de vue sur l’usage et l’inter­ prétation des résultats publiés confrontés à l’expérience clinique des oncologues prescripteurs, les missions institutionnelles de la FDA et celles des sociétés d’assu­ rance. La part des prescriptions en neuro-oncologie n’est pas indivi­ dualisée. Sur un plan plus médical, cela pourrait témoigner des diffi­ cultés à cerner et comprendre les effets des antiangiogéniques dans les gliomes. Compte tenu du fait que la phase angiogénique rendant la tumeur vasculaire a été jusqu’à

présent considérée comme l’étape ultime, irréversible et létale de la maladie, sa réversion par une nou­ velle classe thérapeutique a été lo­ giquement considérée comme un progrès majeur en présumant im­ pacter fortement la survie. Les ob­ servateurs constatent maintenant que la tumeur, rendue avasculaire, conserve une partie cliniquement significative de son agressivité, et l’impact attendu sur la survie reste à démontrer et pourrait ne se ma­ nifester que dans des sous-groupes de tumeurs et patients ayant des caractéristiques génotypiques parti­culières.

Évolution des connaissances cliniques sur les effets du BEVb dans les GBM en récidive Deux phases II (Pays-bas, Aus­ tralie) [2, 3] ont étudié les effets du BEVb sur des gliomes de haut grade évolutifs en récidive avec masse tumorale perceptible et mesurable. A date, en récidive de GHG et de GBM, les études pu­ bliées donnaient des index théra­ peutiques très élevés par rapport à l’antériorité avec une variabi­ lité selon la méthodologie et les associations. Peu d’équipes se sont intéressées à l’étude de la relation entre l’intensité de dose (5 ou 10 mg par kg toutes les 2 semaines, soit une intensité de dose variant

du simple au double de 2,5 à 5 mg par kg par semaine) [4].

L’étude néerlandaise Pour la première fois, une équipe néerlandaise a effectué de façon conventionnelle l’évaluation de l’index thérapeutique du BEVb dans une phase IIb randomisant les patients atteints de récidive de GBM initialement traités par le standard de radio-chimiothéra­ pie dans 3 traitements différents, BEVb en monothérapie, versus BEVb + nitrosourée (lomustine), versus lomustine seule. La nitro­ sourée était le comparateur ou standard thérapeutique de la récidive compte tenu que les pa­ tients avaient déjà reçu du témo­ zolomide dans la phase initiale. Ce plan expérimental permet à la fois la comparaison de l’ACM à un standard et la comparaison du nouveau produit en monothé­ rapie versus une thérapie mixte associant le standard, un agent anticancéreux par cytotoxicité directe à un ACM agissant de façon duale, indirectement sur la tumeur par effet sur la néo-angio­ genèse tumorale, et sur le volume total de la tumeur et de la zone péri-tumorale par une diminu­ tion de la perméabilité capillaire. L’objectif primaire était la survie globale (OS) à 9 mois exprimée par le pourcentage de survivants à 9 mois. 148/153 (96,7 %) patients

Tableau 1 - Dépenses américaines pour le bevacizumab en oncologie médicale, tous cancers confondus, selon l’enregistrement ou non par la Food and Drug Administration (on versus off label) et/ou des recommandations médicales institutionnelles. En France et à date, toutes les prescriptions pour les gliomes sont off-label. Ventes totales aux USA en M de $*

On-label

Off-label FDA

Off-label, NCCN** supported 
(accepté quand même)

Off-label Other

3 100

1 158

1 942

837**

768

* Millions de $ américains. Chiffres fournis par IMS Health National Sales Perspectives et selon le rapport annuel de 2010 par Genetech/Roche aux actionnaires.
 ** NCCN pour National Comprehensive Cancer Network Drugs & Biologics Compendium. Le NCCN est une base de données des polices d’assurance.
 *** Le NCCN accepte l’indication malgré le non-enregistrement par la FDA et les assureurs remboursent le médicament. Avec cette interprétation, le montant off-label de la FDA se réduit de 1 942 à 837 millions de dollars (M$) soit 1 105 M$. Le pourcentage des prescriptions off sur on est de 1158/1942 soit 59,6 % en % absolu et 67,8 % en % relatif selon la FDA. Selon le NCCN, 1 105/1 942 soit 57 % en % absolu et 75,7 en % relatif. Adapté selon Rena M. Conti et al. (ref Rena et al.) des universités de Chicago (Illinois), Harvard (Boston, MA), et le Memorial Cancer Center (New York, NY).

Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

313


Mise au point inclus étaient éligibles, avec un âge médian de 57 ans et un PS médian selon l’échelle de l’OMS de 1. La dose de lomustine a été ré­ duite de 110 mg/m2 à 90 mg/m2 en raison de la toxicité plaquettaire asymptomatique de la combinai­ son BEVb et lomustine. Les résul­ tats sont détaillés dans le tableau 2. Les résultats montrent que seule la combinaison de l’ACM et de la NU satisfait l’hypothèse de recherche (chiffres bleus). Les chiffres bruts montrent que la lomustine est associée à une meil­ leure survie globale que le BEVb (43 versus 38, chiffres bleus) évoquant une non-infériorité de la NU, et que les intervalles de confiance de l’OS du BEVb (25-51) et de la NU (29‑57) se recoupent, ce qui pourrait aussi corroborer une hypothèse de non-infériorité de la lomustine. Dans cet essai, le BEVb en monothérapie ne donne pas de meilleur résultat sur le pourcentage de survivants à 9 mois que la nitrosourée en mono­ thérapie. Les auteurs concluent que seule l’association combinant cytotoxi­ cité directe et immunothérapie antiangiogénique, et non le BEVb seul, satisfait les critères requis pour de futurs développements.

L’étude australienne Une autre étude, faite par des mé­ decins australiens [3, 5], s’est inté­ ressée en phase II à la comparai­ son d’une monothérapie par BEVb à une association avec le carbo­ platine (CBDCA). Les auteurs ont combiné un plan expérimental en 2 groupes parallèles, BEVb 10 mg/kg toutes les 2 semaines et le BEVb associé au CBDCA AUC5. L’AUC (area under curve, ou aire sous la courbe) est une donnée de pharmacocinétique clinique ser­ vant à adapter la dose de CBDCA pour prévenir les complications hématologiques. L’objectif pri­ maire était le TTP à 6 mois expri­ mé sous la forme du pourcentage de patients non en progression à 6 mois). A la progression, les patients étaient à nouveau rando­ misés soit pour continuer le BEVb soit pour arrêter le BEVb. La 2e pé­ riode de cet essai séquentiel, cher­ chait à définir la durée optimale du traitement antiangiogénique que certaines équipes prolongent audelà de la progression. Les objec­ tifs secondaires comprenaient les taux de réponses objectives (Objectif Response Rate, ORR), l’éva­ luation des fonctions cognitives, la qualité de vie et la survie globale. 122 patients d’âge médian 55 ans et en bon état général (71 % avaient

un PS à 0 ou 1) ont été inclus dans 18 centres australiens. Le suivi mé­ dian actuel est de 14,7 mois avec une durée médiane de traitement de 3,7 mois. Les résultats sont montrés sur le tableau 3. Il n’y avait pas de diffé­ rence cliniquement perceptible et statistiquement significative entre la monothérapie par le BEVb et la bithérapie associant le CBDCA. Le pourcentage de patients sans progression à 6 mois était de 24 % avec le BEVb et 26 % avec la com­ binaison ; on retrouve le même chiffre (24) que dans l’essai néer­ landais. L’ORR (respectivement 13 % et 15 %) et la médiane de sur­ vie (6,4 mois) avec le BEVb étaient inférieurs aux chiffres attendus selon la littérature publiée à date. Il y a eu 2 décès toxiques avec l’as­ sociation (1 perforation intestinale et une hémorragie cérébrale) alors que les complications iatrogènes liées au BEVb étaient conformes aux chiffres publiés avec 8,3 % d’accidents thromboemboliques et 4,2 % d’hémorragies tous grades confondus. Il y avait 3 épisodes d’hémato-toxicité de grades 3 et 4 sur les PNN et 9 thrombopénies avec la combinaison. Au moment de cette analyse 47 patients ont continué avec la seconde partie

Tableau 2 - Phase II randomisée néerlandaise comparant deux différentes monothérapies, BEVb et lomustine à une bithérapie BEVb + lomustine [2]. Traitement

Nombre de patients % de patients survivants à 9 mois (95 % IC)*

TTP médian en mois

% de patients en SSP à 6 mois (95 % IC)

Beva 10 mg/m2 q 15j

50

38 (25-51)*

3

18 (9-30)

Lomustine

46

43 (29-57)*

2

11 (4-22)

Beva + L 90 mg/m2 q 6 semaines

44

59 (43-72)

4

41 (26-55)

Beva + L 110g/m2 q 6 semaines**

8

88 (39-98)

11

50 (15-77)

q : quota.
 * La médiane de survie n’est pas donnée. On pourrait déduire qu’elle est inférieure à 9 mois puisqu’à ce terme moins de 50 % des patients sont encore en vie.
 ** La posologie de la lomustine a été diminuée afin de réduire le risque hématotoxique à la dose de 110 mg/m2.

314

Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

Tableau 3 - Résultats de l’essai australien de phase II randomisée BEVb en monothérapie et en association avec une monochimiotherapie par carboplatine. 122 patients en récidive de GBM. Traitement

6 TTP (%)

ORR (%)

OS médiane (mois)

Beva

24

13

6,4

Beva et CBDCA

26

15

6,9

de l’essai portant sur l’effet de la continuation ou non du BEVb ; ces résultats ne sont pas encore dispo­ nibles. Les auteurs concluent que :
 • l’association du CBDCA au BEVb n’apporte rien au résultat clinique par rapport au BEVb seul
 ; • les résultats obtenus avec le BEVb seul sont inférieurs à ce qui a été publié à date dans la littéra­ ture (comme l’essai précédent)
 ; • le suivi des patients poursuivant le BEVb après progression est en cours et l’analyse des objectifs se­ condaires se poursuit.

Les phases III du bevacizumab en adjuvant Contexte historique : essais de phase III en situation adjuvante dans le glioblastome nouvellement diagnostiqué Trois phases III ont été initialisées à la même période, lorsque des études et essais de phase II dans les récidives de gliomes de haut grade montraient un taux très élevé de réponses objectives (ORR) jusqu’à présent inégalé dans cette patholo­ gie. Comme pour les autres cancers, les critères de réponse en usage se fondaient sur la prise de contraste en imagerie associée à des critères cliniques, le tout entendu comme critères de Macdonald. Cette adap­ tation des critères de réponse aux gliomes cérébraux se justifiait d’une part par le fait de la sanctuarisation cérébrale par la barrière hématoencéphalique et d’autre part par Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

la connaissance de l’histoire natu­ relle des gliomes avec deux phases, pré-angiogénique comme obser­ vable dans les gliomes de bas grade, et angiogénique comme observable dans les gliomes de haut grade, avec une chronologie variable. Elle permettait d’individualiser trois mode évolutifs différents, celui des gliomes de bas grade, celui des gliomes de haut grade secondaires à des bas grades et celui des gliomes de haut grade d’emblée. La prise de contraste traduisant la néoangio­ genèse se positionnait donc comme la caractéristique pivot pour tra­ duire l’évolution traitée et les effets des médicaments anticancéreux, jusqu’alors agissant de façon géné­ rique par cytotoxicité. On pouvait donc penser que l’angiogenèse était un phénomène permissif pour le maintien de la malignité et que sa réduction ferait revenir a un stade pré-vasculaire à malignité atté­ nuée éventuellement incompa­ tible avec la survie tumorale. Les antiangiogéniques administrés précocement auraient alors un fort potentiel pour allonger la survie en neutralisant la néoangiogenèse. Les premières études en récidive utilisaient la combinaison de cyto­ toxique et d’antiangiogénique, en l’occurrence d’irinotecan (CPT11) et de BEVb. Cette association a en­ suite été remise en question par les résultats d’une phase II randomi­ sant la combinaison versus le BEVb seul qui a montré que l’association à l’inhibiteur de polymérase 2 n’était pas supérieure à l’antiangiogénique seul. D’autres phases II randomi­ sées ont comparé la monothéra­

Nombre de décès toxiques 2

pie par BEVb à des associations de BEVb avec de la chimiothérapie afin de rechercher une synergie ou une potentialisation sur le principe de pharmacologie générale selon lequel deux médicaments agissant par un mécanisme différent sont susceptibles d’augmenter l’effet ob­ tenu avec chacun d’entre eux utilisé individuellement. A date, les phases II publiées n’ont pas pu démontrer la supériorité d’une bithérapie ni définir et pré­ ciser par des travaux pré-cliniques et cliniques quel(s) cytotoxique(s) serait(en)t le(s) plus susceptible(s) d’avoir un effet synergique. Le développement clinique est allé ensuite directement à des phases II en phase adjuvante pour les patients atteints de GBM nouvel­ lement diagnostiqué sans passage intermédiaire de phase IIb et III en récidive qui auraient dû prouver la supériorité du nouveau traitement sur le standard pour les récidives de GBM, standard revenu aux ni­ trosourées pour des patients ayant déjà reçu du témozolomide dans la radiochimiothérapie initiale standard avec le témozolomide. L’une de ces phases III était une étude académique présidée par le RTOG (Radiation Therapy Oncology Group) américain associé à d’autres groupes nord-américains, et l’autre phase III une étude eu­ ropéenne promue par l’industrie pharmaceutique. L’objectif prin­ cipal d’une phase III en situation précoce est la preuve statistique de l’augmentation de la survie glo­ bale (exprimée en médiane) avec 315


Mise au point Tableau 4 - Différence attendue importante (haut) ou faible (bas) : calcul de l’effectif. Risque bêta (50 % et +)

Test unilatéral

Test bilatéral

80 %

8

8

95 %

14

16

Risque bêta (10 % et -)

Test unilatéral

Test bilatéral

80 %

1 230

1 560

95 %

3 140

3 560

Calcul des effectifs selon l’importance de la différence recherchée, le risque choisi de 2e espèce (risque bêta à 20 ou 5 %) et le caractère uni ou bilatéral du test avec un risque alpha de 5 %. On retient habituellement un risque bêta de 20 %. Le test est unilatéral lorsque la différence se fait que dans ce sens ; Le nouveau traitement ne peut être que supérieur et la significativité ne peut provenir que d’une différence dans ce sens : nouveau (N) > standard (S). Le test est bilatéral lorsque la différence peut exister dans les 2 sens : le nouveau traitement peut être supérieur ou inférieur au standard et la significativité pourrait provenir de la supériorité ou de l’infériorité du nouveau traitement : N > S ou N < S. En oncologie, on choisit habituellement de faire des hypothèses bilatérales qui nécessitent des effectifs plus importants. L’importance de la différence attendue est un autre élément décisif pour le calcul de l’effectif.

le nouveau traitement en com­ paraison avec le standard : soit de la combinaison du BEVb avec la radiochimiotherapie avec le témo­ zolomide versus la radiochimio­ therapie avec le temozolomide. A noter qu’il ne s’agit pas de compa­ rer deux médicaments (le BEVb avec le témozolomide) mais de dé­ montrer une double synergie : celle du BEVb avec le temozolomide et la RT. Afin de pouvoir informer le public de l’avancement de l’étude, alors que le nombre d’évènements survenus n’est pas encore suffisant et que la médiane de tous les sousgroupes n’est pas encore atteinte, on peut voir l’évolution des courbes de survie par le calcul des pourcen­ tages de survivants en fonction du temps et faire des estimations se­ lon la méthode de Kaplan-Meier et le Log-rank test. On peut disposer ainsi avant la fin du suivi jusqu’au dernier évènement et le décès du dernier patient, des pourcentages de survivants selon l’un ou l’autre traitement. Lorsque la différence attendue est relativement faible, la probabilité de la détecter exige des effectifs très importants de patients [6] tableau 4. La recherche de médicaments pour améliorer la survie médiane des glioblastomes réunit toutes les difficultés : • les différences escomptées sont 316

très faibles
 ; les hypothèses de re­ cherche sont habituellement bila­ térales 
; la maladie est rare 
; les critères d’inclusion sélectionnent des échantillons qui peuvent ne pas être représentatifs de la popu­ lation générale ayant la maladie, c’est la fluctuation d’échantillon­ nage ; • il existe une hétérogénéité inhé­ rente, du fait de celle de la topo­ graphie et de l’étendue de tumeurs dans le SNC dont le premier traite­ ment est la chirurgie ; • l’espérance de vie au moment du diagnostic est très courte ; • les traitements ont fréquem­ ment des effets secondaires qui peuvent être graves avec parfois des décès prématurés imputables au traitement à l’essai. Les résultats actuellement utilisés sont sous la forme de pourcentages de survivants à 12 mois, 18 mois et plus par cumul d’intervalles de temps de 6 mois. Cela explique que les communications préliminaires donnent les pourcentages de sur­ vivants à différents intervalles de temps et non les médianes de sur­ vie. On ne peut avoir une apprécia­ tion juste et définitive des résul­ tats sans connaître ni les médianes de chaque sous-groupe, ni celle de la population générale de l’essai qui donne une idée de sa représen­

tativité par rapport à la population générale ayant la même affection, non sélectionnée par les critères d’inclusion. Trois chiffres qui per­ mettent une appréciation globale et synthétique : survie médiane du comparateur (standard), du traite­ ment expérimental et de la popu­ lation générale de l’essai.

L’essai de l’industrie pharmaceutique : Avaglio Avaglio est la contraction du nom commercial de l’ACM anti-VEGF bevacizumab, Avastin®, et de glio­ blastome. Le promoteur de l’essai est l’industrie pharmaceutique, le laboratoire suisse Roche qui com­ mercialise le BEVb découvert par la société de biotechnologie amé­ ricaine Genentech. Il s’agit d’un essai randomisé de phase III en double aveugle et deux groupes parallèles de pa­ tients (921 patients au total) ayant un glioblastome nouvellement diagnostiqué. Le tirage au sort portait sur l’administration paren­ térale de BEVb ou d’un placebo, administrés précocement pour ralentir l’évolution traitée par le standard (radio-chimiothérapie pendant 6 semaines et chimio­ thérapie adjuvante 6 mois avec du témozolomide). Il y avait simulta­ nément 2 objectifs principaux, l’ef­ fet sur la survie sans progression Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

Chirurgie maximaliste ou biopsie

Randomisation N = 921 Stratification : • RPA class • Région

Début des traitements 4-7 semaines post-chirurgie

RT 2 Gy, 5 j/sem TMZ 75 mg/m2 qd Placebo /2 sem

TMZ 150-200 mg/m2 qd J1-5 : q 28j Placebo q 2 sem

Placebo q 3 sem

RT 2 Gy, 5 j/sem. TMZ 75 mg/m2 qd BEV 10 mg/kg q 2/sem

TMZ 150-200 mg/m2 qd J1-5 : q 28j BEV 10 mg/kg q 2/sem

BEV 15 mg/kg q 3/sem

Phase comparative 6 semaines

Arrêt des traitements 6 semaines

Phase de maintenance 6 cycles

Monothérapie jusqu'à PD

Figure 2 - Design de l’étude AVAGLIO.

Tableau 5 - Nombre et pourcentage de patients en progression dans l’essai Avaglio. Répondeurs ou ORR (n et %)

Avec BEVb

Standard

144/375 38,4 % (+20,4 %)

66/366 18 %

Patients en 375 - 144 = 231 progression (n et %) 61,6 %

366 - 66 = 300 82 %

Totaux (%)

100

100

Les chiffres sont obtenus en soustrayant des totaux et de 100 % les nombres et % de patients en rémission au moment ou ces chiffres sont les plus élevés, correspondant au meilleur taux de réponses objectives donné par les auteurs (best ORR).

(SSP) et la survie globale (Overall survival, OS). Le BEVb était admi­ nistré à toutes les 2 semaines puis poursuivi au-delà de la durée de 6 mois du traitement adjuvant stan­ dard jusqu’à progression ou toxicité inacceptable à la dose de 15 mg/ kg toutes les 3 semaines, ce qui est exactement la même intensité de dose que 10 mg/kg toutes les 2 se­ maines (5 mg/kg/semaine) (Fig. 2). (Les informations cliniques sur cet essai sont référencées NCT0094382) ❚❚Résultats de l’essai AVAGLIO [7] Dans ce type d’essai, l’objectif prin­ cipal est classiquement la com­ paraison des médianes de survie. On mesure également les temps jusqu’à progression (TTP) selon les traitements tout en sachant que le TTP ne peut pas être substitué à Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

l’OS pour conclure. Ici le TTP, qui s’exprime en durée, est remplacé par le meilleur taux de réponse objectives (ORR) signifiant le pourcentage de patients restant en rémission, et de pseudo-progres­ sions (PsP). La PsP est une fausse progression, c’est-à-dire un aspect remnologique de progression qui régressera ultérieurement. Cet as­ pect est imputable à l’agressivité de la radiochimiothérapie sur la zone tumorale. Le nombre et le pour­ centage de patients en progression, échappant aux traitements, ne sont pas donnés par les auteurs, mais peuvent se déduire facilement en soustrayant du total de chacun des deux sous-groupes les nombres et pourcentage d’ORR (Tab. 5). La réponse objective était évaluée sur des critères radio-cliniques in­

troduisant des modifications aux critères coutumiers fondés sur la prise de contraste et la clinique comprenant la consommation de stéroïdes (critères de Mcdonald). Ces modifications étaient indis­ pensables car l’antagonisme du VEGF modifie en la normalisant la perméabilité capillaire anormale­ ment élevée de la vascularisation tumorale. De ce fait, il découle une réduction de la zone tumorale qui prend le contraste à laquelle la totalité de l’infiltration tumo­ rale ne peut être réduite : la partie de l’infiltration ne prenant pas le contraste doit aussi être prise en compte. Dans cet essai, l’ensemble des anomalies remnologiques a été considéré pour évaluer la réduc­ tion de la masse tumorale, incluant les anomalies de signal au-delà des zones prenant le contraste. Par ail­ leurs, il fallait aussi pouvoir faire le diagnostic différentiel entre des effets remnologiques majorant les volumes lésionnels induits par l’agression thérapeutique radiochimique transitoires et véritable progression du processus d’onco­ genèse. Les termes adoptés sont ceux de pseudo- progression (PsP) et de progression. Cette différen­ ciation est importante car elle va diriger la poursuite du traitement s’il s’agit d’une PsP ou au contraire son arrêt en cas de vraie progres­ sion. Le simple passage du temps en répétant l’IRM permet cette différenciation. L’étude prévoyait la conserva­ tion des prélèvements tumoraux et plasmatiques afin de pouvoir rechercher a posteriori des corré­ lations entre l’efficacité du traite­ ment et des marqueurs tumoraux et systémiques pertinents vis-àvis de la nature de la molécule et de ses mécanismes d’action. Au moment de la prescription, les concentrations du VEGF et de ses 317


Mise au point Tableau 6 - Résultats de l’essai Avaglio. La survie médiane était de 17 mois quel que soit le traitement. Traitement à l’essai (375)

Différence entre les deux traitements

Traitement standard (366)

Nombre

144

+78 avec le BEVb

66

ORR en % (IC 95%)

38,3 (33,5-43,5)

+ 20,4 (13,9-26,8) p < 0,05 (< 0,0001)

18 (14,2-22,4)

Commentaires

1 - ORR

2 - IPsP
921 Patients évalués

458

Nombre
 (%) à la 1re évaluation :
 PsP potentielles

12 (2,6 %)

-72/-15,5 %

84 (18,1 %)

Moins de PsP potentielles avec le BEVb

Nombre (
%) à la 2e évaluation de PsP confirmées

10 (2,2 %)

-33/-6,7 %

43 (9,3 %)

Moins de PsP confirmées avec le BEVb

Différence entre la 1re et la 2e évaluation

12-10 = -2 -2/12 = -17 %

-39 39/741= -5,26 %

84-43 = -41 -41/84 = -42,5 %

BEVb plus efficace que les stéroïdes sur les PsP par son effet sur la perméabilité capillaire

10,6

+ 4,1 mois
 p < 0,05 (< 0.001) 6,2 (+66 % en % absolu et 71 % en relatif )

TTP médian en mois

isoformes ainsi que d’autres mar­ queurs biologiques pertinents ne sont pas encore connus. Parmi ces marqueurs, on considère actuel­ lement des marqueurs génétiques spécifiques des tumeurs malignes, et systémiques, associées à des caractéristiques de la tumeur et du patient. Les résultats de ces ana­ lyses sont donnés ultérieurement et la recherche de corrélations permet de définir éventuellement une utilité clinique. Il s’agit prin­ cipalement de définir des sousgroupes de tumeurs et de patients sensibles au traitement et de façon complémentaire ceux pour les­ quels il n’y aurait pas d’indication, c’est-à-dire les valeurs prédictives positives et négatives ainsi que la précision de ces marqueurs poten­ tiels. Pour entrer dans la pratique, ces marqueurs doivent être validés en population de façon prospec­ 318

463

tive. Cela rejoint le concept mo­ derne de personnalisation du trai­ tement par la prédiction de l’index thérapeutique selon un patient et une tumeur individualisés et celui plus général en santé publique de la médecine 4P (Personalised, Predictive, Preventive, Participatory). D’autres thérapies utilisées dans le traitement des glioblastomes interagissent avec la perméabi­ lité capillaire : les stéroïdes cou­ ramment utilisés en routine, les cures de mannitol usitées dans les poussées d’hypertension intracrâ­ nienne par majoration de l’œdème tumoral et péri-tumoral, et l’irra­ diation qui peut au contraire l’aug­ menter, expliquant en partie le phénomène de PsP. La diminution des doses de stéroïdes permise par le BEVb, considérée comme un avantage certain, a été mesu­

Co-objectif principal de l’essai. Le BEVb augmente le TTP médian. Pas de répercussion démontrée sur la survie pour l’ensemble de chaque sous-groupe

rée dans les deux sous-groupes de patients. Cependant, cet avantage ne peut pas être compris comme objectif d’un traitement oncolo­ gique adjuvant, car il s’agit d’un traitement symptomatique et non pas anti-tumoral (Tab. 6). Les auteurs ont utilisé un algo­ rithme incorporant les lésions ne prenant pas le contraste pour définir la PsP comme une aug­ mentation supérieure à 25 % des lésions cibles et/ou la progression sans équivoque de lésions non cibles (au moment du bilan ini­ tial) avec l’absence de détériora­ tion clinique. Le diagnostic de PsP était confirmé si ces anomalies ne persistaient pas à la fin du second cycle de maintenance. A l’opposé le diagnostic de vraie progression était fait en cas de persistance. En cas de confirmation de la PsP, à Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

Tableau 7 - Effets de l’association de bevacizumab (BEVb) au traitement standard du glioblastome nouvellement diagnostiqué sur la qualité de vie pendant la survie sans progression. Phase III, en double aveugle versus placebo (PCB). Médianes (mois). Placebo

Bevacizumab

Différence

p

6,2

10,6 mois

+4,1

p < 0,0001

3,9

6,4

+2,5

NS

Physical functioning ( 2)

4,2

6,1

+1,9

NS

Social functioning (3 )

4,1

7,4

+3,3

NS

Motor dysfunction (4)

5

8,8

+3,8

NS

Communication déficit (5)

4,2

6,9

+2,7

NS

KM estimation du temps médian de détérioration Global health status (1)

la fin du second cycle de mainte­ nance, le traitement était mainte­ nu et la première IRM post radiochimiothérapie retenue comme nouveau bilan initial afin de nou­ velles comparaisons ultérieures. Les résultats montrent que l’as­ sociation du BEVb prolonge signi­ ficativement la SSP sans détériora­ tion clinique de 6,2 à 10,6 mois (+4,1, soit 66 % ; HR : 0,64 ; p < 0,0001). Parmi les patients sans stéroïdes ou recevant une dose quotidienne inférieure à 2 mg à l’initiation des traitements, le BEVb permettait un délai significativement plus long de 3,7 à 11,3 mois (médianes) avant l’usage des stéroïdes. Pour les patients traités avec une dose supérieure ou égale à 2 mg/jour, les arrêts supérieurs à 5 jours étaient plus fréquents (66 % vs 47 %) avec le BEVb. Les auteurs disent que, pendant la SSP, le BEVb améliore significativement la HRQOL et le PS et permet une réduction de la consommation en stéroïdes. Le premier co-objectif principal, l’augmentation de l’OS, n’est pas atteint : dans le sousgroupe expérimental, l’ajout de BEVb au standard n’augmente pas la survie médiane.
Le second ob­ jectif principal, l’augmentation de la SSP fondée sur l’ORR, est classi­ quement la mesure de la réponse en terme de réduction tumorale. Dans cet essai adjuvant, il n’y a Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

de masse tumorale mesurable que pour les patients ayant eu une biopsie ou une résection par­ tielle. Il faut probablement com­ prendre qu’à l’ORR est substitué le pourcentage de patients sans progression c’est-à-dire le total moins le pourcentage de patients en progression vraie et non PsP. Cet objectif, évalué par l’investi­ gateur, est atteint avec un HR de 1 pour le standard comparé à 0,64 (95%CI : 0,55-0,74) avec l’ajout de l’ACM et une significativité < 0,05 (p < 0,0001). Les auteurs concluent finalement que l’addition du BEVb amé­ liore l’ORR, sans commentaire ni conclusion définitive sur le pre­ mier objectif principal d’une phase III adjuvante, l’OS. Les auteurs réservent les conclusions après les résultats de recherches de cor­ rélations clinico-biologiques et génétiques. Ce dont ils rendent compte est l’absence d’effet cli­ nique du bevacizumab sur la sur­ vie de l’ensemble du sous-groupe recevant l’ACM, sans stratification selon des critères cliniques ou bio­ logiques et génétiques. ❚❚Bevacizumab et qualité de vie dans l’essai Avaglio [8] Un des objectifs secondaires était l’évaluation de la qualité de vie (QOL) mesurée avec les deux échelles universellement validées de l’EORTC, le questionnaire QLC

30 (30 questions, les réponses sont faites par le patient) et son module pour les affections du cerveau et du système nerveux (BN 20) per­ mettant finalement de mesurer les variations au cours du temps et se­ lon le traitement de cinq domaines (Tab. 7). Les objectifs exploratoires étaient le PS selon l’index de Kar­ nofsky et l’usage des stéroïdes. Le critère de progression était la dé­ térioration définitive mesurée par la perte de 10 points de la QOL im­ putable à l’état de santé du patient. ❚❚Délai sans ou jusqu’à détérioration Le critère de jugement est un index permettant de mesurer le délai sans ou jusqu’à détérioration imputée la maladie. La différence des temps médians jusqu’à dété­ rioration estimée par un coeffi­ cient le KM montre que le BEVb associé au standard apporte un gain de 4,5 mois, c’est-à-dire re­ tarde de 4,5 mois la détérioration due à la maladie, en comparaison au standard seul (p < 0,0001). Les différences portant sur les cinq domaines explorés par le BN20 ne sont pas statistiquement significa­ tives. ❚❚Recherche de marqueurs identifiants un sous-groupe de patients sensibles au BEVb [9] Le BEVb en association au stan­ dard (S) permet un allongement 319


Mise au point Tableau 8 - Résultats de l’essai du RTOG. Nombre de patients sélectionnés : 978. Inclus et évalués : 639. TTP (mois)

OS (mois)

Expérimental : + Beva

10,7

16,1

Comparateur standard

7,3

15,7

Différence (mois)

+3,4

+0,4

Significativité

p = 0,004

Non

du TTP (ou SSP) qui ne se traduit pas par un allongement de l’OS. Une association de deux mar­ queurs biologiques (MB) perti­ nents vis-à-vis du mécanisme d’ac­ tion de l’ACM a été utilisée dans cet essai
 afin de définir un sousgroupe de tumeurs et de patients sélectivement sensibles au BEVb. L’analyse de l’évolution et de la variation de ces MB, selon que le patient reçoit ou non l’ACM, que la tumeur y est sensible ou non sous la forme d’une stabilité du résidu, de sa réduction volumique, ou de l’absence de récidive en cas de ré­ section complète, permet définir un sous-groupe de patients plus sensibles à l’ACM en terme de SSP. Ce sous-groupe pourrait alors être réanalysé afin de savoir si, pour les patients sélectionnés selon ce cri­ tère, la survie serait aussi prolon­ gée en faisant les candidats d’un traitement adjuvant, précoce. Si l’hypothèse de recherche était ac­ ceptée, ce résultat devrait encore être définitivement validé afin d’éliminer tout biais de sélection.

de définir des sous-groupes selon que la valeur individuelle se situait dans le premier quartile (Q1), la médiane ou le 3e quartile (Q3). Les analyses de corrélation ont été faites avec le modèle de Cox. Les résultats ont montré que le mo­ dèle n’a pas été à même de déceler une inter­action entre les niveaux de base de ces marqueurs biolo­ giques et l’allongement de la SSP des patients traités par BEVb. Ces deux marqueurs ne peuvent donc pas être utilisés en prédiction de sensibilité thérapeutique et ne permettront pas de sélectionner les patients qui tireront profit du traitement en terme d’allonge­ ment du TTP de la tumeur opérée. Les auteurs concluent que la va­ leur pronostique et/ou prédictive de ces deux marqueurs trouvée dans les cancers du sein, de l’esto­ mac et du pancréas ne s’applique pas aux GBM. Il n’est pas trouvé à date de marqueur ayant une VPP ni de sous-groupe de patients et tumeurs qui tireraient un avan­ tage de survie avec le BEVb.

Les auteurs ont en priorité re­ cherché une corrélation entre les concentrations plasmatiques du VEGF-A et le VEGFR-2 du fait que des résultats encourageants avaient été trouvés dans d’autres types tumoraux. 521 échantillons plasmatiques disponibles (sur une totalité de 921 patients inclus, soit 62 %) ont été testés par la tech­ nique d’analyse ELISA multiplex. La distribution des concentra­ tions avant traitement a permis

Essai du RTOG 0825

320

jusqu’à progression des patients ayant un glioblastome (GBM) nouvellement diagnostiqué ? La méthodologie était la même que celle de l’essai de l’industrie : essai comparatif randomisé de phase III avec double aveugle.

L’essai américain du RTOG [10] (support : NCI U10 CA 21661, U10 CA37422, et Genentech. Pour informations cliniques  : NCT00884741) réunissait le re­ crutement de plusieurs groupes de travail (RTOG, NCCTG, et ECOG) afin d’atteindre l’effectif requis de patients pour pouvoir tester l’hy­ pothèse de recherche : l’adjonction de Bevb au standard peut-elle al­ longer la survie et le temps médian

❚❚Résultats des objectifs principaux : effet sur la SSP et la survie L’administration du BEVb com­ mençait à la 4e semaine de la ra­ diothérapie (RT) donc 1 fois, pen­ dant la fin (2 semaines), et 2 ou 3 fois pendant le mois suivant, pen­ dant la fin de la RT, avec le schéma suivant : administration paren­ térale de 10 mg/kg toutes les 2 semaines prolongée pendant les 6 (12 administrations de BEVb) à 12 cycles de témozolomide (24 administrations de BEVb) du traitement standard. Les patients recevant le traitement standard recevaient un placebo (Tab. 8). Du fait de données manquantes, principalement biologiques et radiologiques, 637/978 (64,5 %) des patients sélectionnés ont pu être randomisés et analysés.
 Les toxicités du BEVb étaient comme attendues­ , principalement neu­ tropénie, hypertension, throm­ boses et embolies. Le résultat brut actuel est que l’association du BEVb a un effet statistiquement significatif sur l’allongement du TTP mais n’a pas d’effet cliniquement percep­ tible et statistiquement significa­ tif sur celui de l’OS avec un seuil de significativité à 0,05.

Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

Tableau 9 - Valeur de pronostic favorable de la méthylation du promoteur de la MGMT et d’une combinaison pronostique de 9 gènes (communément appelée signature génétique). Population générale Sous-groupe recevant Sous-groupe recevant le de l’essai le Std BEVb Valeur pronostique de la combinaison des 2 paramètres

p
 seuil à 0,05 : p < 0,05 Significativité

OS si la combinaison est présente

• Dans la population totale de cet essai et indépendamment du traitement reçu, les auteurs retrouvent la valeur pronos­ tique favorable de la méthyla­ tion du promoteur de la MGMT avec un allongement du TTP (14,1 mois versus 8,2 mois) et de l’OS (23,2 mois versus 14,3 mois) et d’une signature génétique de 9 gènes sélectionnés pour leur éventuelle valeur pronostique. A l’opposé, dans chaque sousgroupe thérapeutique, ni la va­ leur pronostique favorable de la méthylation du promoteur de la MGMT, ni celle de la signature génétique ne restaient signifi­ catives. De façon inattendue, les patients dont la tumeur présente ces paramètres de meilleur pro­ nostic ont une survie plus courte lorsqu’ils reçoivent le bevaci­ zumab, à savoir : 15,7 mois avec versus 25 mois sans (p = 0,008, significatif ) (Tab. 9), ce qui incline à penser que le BEVb gommerait et inverserait la valeur pronostique favorable des deux paramètres : il y aurait un antagonisme entre les deux anticancéreux prescrits simultanément aux patients de meilleur pronostic selon ces mar­ queurs. Par conséquent, dans le cas où l’effet sur la survie aurait été posi­ tif, ce qui n’est pas le cas dans les deux essais, le BEVb ne devrait pas être utilisé chez les patients de meilleur pronostic. Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

NS

NS

25 mois

15,7 mois 15,7 - 25 =
 -9,5 mois 
p = 0,008

• Les patients traités par le stan­ dard reçoivent pour la majorité du BEVb à la progression. Le plan expérimental ne prévoyait pas de cross-over et, de ce fait, l’analyse a posteriori du cross-over spontané est irréalisable. A posteriori tous les patients auront reçu du BEVb. Dans cette considération, la divi­ sion de la cohorte en deux sousgroupes examinerait la supério­ rité de la précocité du traitement par BEVb, c’est-à-dire au moment du diagnostic et non à la récidive. In fine, les résultats montre­ raient que, précocement à la pré­ sentation, le BEVb ne serait pas supérieur à son administration tardive à la récidive. Cela ne peut pas s’appliquer à la survie globale, puisqu’il n’y a pas de différence, mais éventuellement au TTP, à ceci près que l’objectif principal d’un traitement adjuvant est clas­ siquement l’augmentation de la survie. Les résultats formels se résument à un allongement du TTP sans effet sur la survie. Pour la population générale de l’essai, il n’y a pas d’effet sur l’OS. Un effet peut être recherché dans des sous-groupes définis par des caractéristiques cliniques ou bio­ logiques dans la mesure ou ces ca­ ractéristiques et les hypothèses de recherche associées ont été défi­ nies a priori au moment de l’élabo­ ration du plan expérimental et de l’analyse statistique. A noter que cette question méthodologique

est régulièrement récurrente en oncologie médicale depuis des dé­ cennies à l’exception de l’hormo­ nothérapie. Elle reste une source majeure de possible confusion sur l’efficacité absolue des traitements expérimentaux et relative selon le moment de leur administration précoce ou tardive. Un suivi à plus long terme modulera ou inversera peut être ces considérations et ce résultat négatif. Les auteurs soulignent le fait que les résultats de l’analyse par sous-groupes pronostiques sug­ gèrent fortement de ne pas utili­ ser le bevacizumab pour les pa­ tients dont la tumeur a les critères reconnus de meilleur pronostic. Ils ne commentent pas formel­ lement le résultat négatif, c’està-dire l’absence d’altération de la survie (16,1 mois avec le BEVb et 15,7 avec le standard, soit +0,4 mois ; soit 11 jours pour un mois de 28 jours) avec l’association du BEVb, dans les autres situations pronostiques. ❚❚Recherche de marqueurs génétiques ayant une valeur prédictive capable d’apprécier la sensibilité au BEVb [11] Le protocole de l’essai 0825 du RTOG comprenait l’évaluation de la valeur prédictive positive (VPP) éventuelle de la sensibilité au BEVb de marqueurs génétiques sous la forme du degré d’enrichissement génique mésenchymateux (The 321


Mise au point MESenchymal [MES] gene enrichement) réalisant une “signature mo­ léculaire” exprimée dans les cellules tumorales cherchant à savoir si cette signature moléculaire prédisait la sensibilité au BEVb. Les auteurs ont utilisé le tissu tumoral frais congelé conservé des patients trai­ tés par BEVb extraits de la banque tissulaire de l’essai (650 patients ; 650/978, soit 64,5 %). La technique de TaqMan PCR1 a été utilisée de façon prospective se ser­ vant du stratificateur moléculaire sur tous les prélèvements et a mon­ tré une amplification de 43 gènes mésenchymateux pour 234 cas. Un sous-groupe de spécimens a pu être caractérisé par son profil complet d’expression génique. Les résultats ont été analysés selon des modèles dédiés à la prédiction de la capacité du traitement expérimental asso­ ciant le BEVb au standard à allonger le TTP et l’OS en utilisant les résul­ tats des patients recevant le traite­ ment à l’essai après ajustement des paramètres pronostiques connus et validés. L’analyse a permis de mon­ trer une association entre, d’une part, les caractéristiques génétiques sus décrites et, d’autre part, une aggravation du pronostique PFS et OS pour les patients traités avec le BEVb. Ces résultats suggèrent aux auteurs qu’ils ont identifié un set de 10 gènes associés capable de prédire la résistance au BEVb, à confirmer et valider par les études encore en cours. (Pour plus d’informations cliniques : NCT00884741)

1. Le mot ”TaqMan” est dérivé des deux mots : Taq polymérase et de PacMan. La Taq polymérase possède une activité exonucléase 5’ -> 3’ permettant de dégrader tout oligonucléotide se trouvant sur son passage. Le terme TaqMan est déposé et concerne la chimie “TaqMan” ou la sonde “TaqMan”. La chimie TaqMan est une PCR quantitative qui utilise une sonde spécifique oligonucléotidique marquée par deux fluorophores dont l’un est éteinte par l’autre dit Reporter. C’est une sonde TaqMan. La dégradation de cette sonde au cours de chaque passage de la Taq sera accompagnée d’une augmentation de fluorescence du Reporter qui sera mesurée au cours de chaque cycle de PCR.

322

❚❚Effets des traitements et de l’adjonction du BEVb sur les fonctions neurocognitives [12] Les auteurs ont étudié les effets précoces (Early Change, EC) du bevacizumab et les fonctions cogni­ tives durant les 8,5 premiers mois après le début du traitement expé­ rimental avec le bevacizumab­. Cette étude se fonde sur la connaissance des effets délétères sur les fonc­ tions cognitives de la radiothéra­ pie et de la radio-chimiothérapie et vise à comprendre si le BEVb pourrait avoir un effet protecteur ou au contraire délétère. Cet effet iatrogène est un facteur limitant le bénéfice que retire les patients de la RT et de la radio-chimiothérapie en ce sens qu’ils réduisent l’index thé­ rapeutique (rapport de l’efficacité sur la toxicité) en en augmentant le dénominateur. Il était par consé­ quent important d’analyser les ef­ fets de l’adjonction d’un traitement ciblant l’angiogenèse via la vascu­ larisation parenchymateuse (vu l’ubiquité des isoformes du VEGF et de ses récepteurs). L’ACM pour­ rait au premier degré inter­agir avec la cognition comme dans les affec­ tions neurovasculaires et au second degré moduler la neurotoxicité de la radiochimiothérapie qui altère les capillaires cérébraux. Comme dans l’évaluation des autres effets, ce qui est mesuré est l’effet de la combinai­ son du BEVb aux deux autres traite­ ments : ce n’est pas un effet principal mesurable dans une monothérapie mais une à éventuelle interaction synergique ou antagoniste. Les auteurs ont comparé l’évolution des fonctions cognitives au cours du temps à l’aide d’une batterie de tests effectués avant le traitement (T0), puis à différents intervalles de temps, semaines 10, 22, et 34, à res­ pectivement 94-97, 69-73, 59-64, et 53-58 % des 507 patients évalués. Le pourcentage diminue au cours du

temps, les raisons ne sont pas pré­ cisées, non-acceptation du patient, abandon du BEVb du fait du patient (intolérance) ou du médecin (toxi­ cité, progression). Les différences selon les traite­ ments, avec ou sans BEVb, étaient analysées lors du suivi jusqu’avant la progression c’est-à-dire durant la SSP. De plus, les auteurs ont cherché à savoir si les données initiales et les changements précoces à la 10e se­ maine, pouvaient avoir une signifi­ cation pronostique sur la survie. La signification pronostique ne portait pas sur les fonctions cognitives à plus long terme, c’est-à-dire l’éven­ tualité de la détection d’altérations précoces chez certains patients qui pourrait traduire la sensibilité irréversible de leur parenchyme, prédisant un risque important de séquelles engageant à cesser le BEVb. Les résultats montrent que :
 1. il n’y avait pas de différence dans les données de base selon l’attribu­ tion des traitements. La moyenne (Mean Test Performance) de base va­ riait de -0,8 à -4,8 SDS au dessous de la norme de la population en bonne santé, avec un index composite des fonctions cognitives à -2,0 déviations standard (SDs) ; 2. il n’y avait pas de différence dans la fréquence (l’intensité n’est pas préci­ sée) de l’amélioration des fonctions cognitives de T0 à la semaine 34 (8,5 mois) ;
 3. la mesure des fluences verbales (COWA : Controlled Oral Word Association) déclinait plus fréquemment avec le standard seul (16,1 %) qu’avec l’association avec le BEVb (5,7 %) (p < 0,05) ; 4. les valeurs brutes du déclin des fonctions visuocontructives étaient plus basses avec le BEVb qu’avec le standard, mais la différence n’était pas significative ; 5. les performances initiales et leur changement précoce avaient une va­ Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

Tableau 10. Effet de l’association de Bevb au standard sur le confort clinique des patients jusqu’avant la progression [9] dans l’essai 0825 du RTOG.. Critères d’évaluation

Effet de l’association du BEVb au standard

MDASI-BT*

Détérioration (tendance)

Symptômes induits par le traitement

Détérioration, significativité aux semaines 22 et 34

Symptômes généraux & troubles affectifs liés au traitement

Significativité

* M.D. Anderson Symptom Inventory Brain Tumor Module (MDASI-BT).

leur pronostique pour la survie glo­ bale dans l’ensemble de la population de l’essai indépendamment du traite­ ment ; cette valeur pronostique était détectable dans le fonctionnement global, la mémoire, les fonctions exé­ cutives et la vitesse d’exécution ; 
6. l’évaluation globale des fonctions cognitives avait une valeur pronos­ tique pour la SSP ; 7. les changements précoces dès la 10e semaine de l’évaluation glo­ bale des fonctions cognitives, de la mémoire et des fonctions exécutives étaient pronostiques pour le TTP. En conclusion, les auteurs re­ prennent les résultats et signalent que la modélisation longitudinale se poursuit pour rechercher une diffé­ rence entre les deux traitements et un effet du BEVb. Finalement le seul résultat significa­ tif est un effet du BEVb sur le point 3 : l’altération des fluences verbales était plus fréquente avec le standard. L’effet observé du BEVb dans cette étude et à ce stade du suivi se limite à une diminution de la fréquence du déclin de la mesure verbale des fonc­ tions exécutives. (Pour plus d’informations cliniques : Inc. Clinical trial information, NCI2009-01670) ❚❚Effets des traitements et de l’adjonction du BEVb sur le devenir des patients, la qualité de vie et les symptômes [13] Les médecins et chercheurs du M.D. Anderson et de l’université du Texas (Houston, USA) ont évalué le béné­ fice clinique ressenti par les patients selon qu’ils recevaient le standard ou Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

le standard associé au BEVb. Pour ce faire, ils ont utilisé un module validé dans leur hôpital, le M.D. Anderson Symptom Inventory Brain Tumor Module (MDASI-BT), le QLC30 et le BN20 de l’EORTC, qu’ils ont ré­ alisé en mesures répétées, au début des traitements, précocement à la 10e semaine, puis aux semaines 6, 10, 22 (3 mois), 34 (8,5 mois), et enfin 46 (11 mois) au moment de la pre­ mière analyse des résultats présen­ tés. La comparaison a été faite selon les deux traitements jusqu’avant la progression afin de contrecarrer le biais éventuel de la progression tu­ morale. Par ailleurs, les mesures de base et précoces à la 10e semaine ont été testées comme facteurs pronos­ tiques pour la SSP et l’OS. Les résultats montrent qu’avec l’association du BEVb, il y avait une tendance à la dégradation du MDASI-BT, alors que l’aggravation des symptômes liés au traitement aux semaines 22 et 34, et les symp­ tômes généraux et affectifs, étaient cliniquement significatifs (Tab. 10). Le QLC30 et le BN20 de l’EORTC va­ riaient d’un point à l’autre sans pro­ filer de tendance univoque. Comme montré dans la communication sui­ vante [12], le QLC30 et le BN20 de l’EORTC, la qualité de vie globale, les troubles moteurs, la faiblesse des membres inférieurs, les troubles de communication, la forme physique, les céphalées et les convulsions, mesurés au début et précocement à la 10e semaine avaient une valeur pronostique sur la SSP et/ou l’OS. Ces résultats paraissent diverger

de ceux de l’essai de l’industrie (Tab. 11).

phase II du bevacizumab en adjuvant : l’essai glarius L’essai GLARIUS [14] est une phase II randomisée, ce qui ne permet pas d’interpréter de façon conclu­ sive un éventuel effet sur la survie. L’essai des médecins de Bonn (Al­ lemagne) comparait après rando­ misation les index thérapeutiques du standard à la combinaison de RT-Bevb et irinotecan pour les patients atteints de GBM nouvel­ lement diagnostiqués de pronos­ tic aggravé du fait de la forme non méthylée de la MGMT2. Cet essai était multicentrique et a randomisé 170 patients par ran­ domisation déséquilibrée 2/1, 116 patients recevaient le traitement expérimental et 54 le standard. Les auteurs ont considéré comme argu­ ment positif et incitatif les résultats d’études et de phase II et IIb asso­ ciant le BEVb et l’irinotecan pour as­ socier en situation précoce cette bi­ thérapie au standard thérapeutique des glioblastomes nouvellement diagnostiqués de pronostic péjora­ tif. Cet argument est étonnant car 2. La non-méthylation de la MGMT correspond à sa forme sauvage qui détoxifie les lésions de l’ADN induites par les alkylants. La forme méthylée du promoteur rend la protéine inactive, les lésions d’alkylation induite ne sont plus réparées et l’agent alkylant aurait une activité renforcée. C’est l’une des explications à la signification pronostique péjorative de l’absence de méthylation de la MGMT. Le mécanisme d’action de la MGM n’est pas univoque. Par ailleurs ce constat pourrait entrer dans un contexte plus général des tumeurs et du glioblastome, la méthylation de certaines régions de l’ADN conférant par elle-même une signification pronostique. Bien que la valeur prédictive de sensibilité thérapeutique aux alkylants comme les nitrosourées et les agents méthylants soit plus difficile à démontrer et valider, les résultats de l’essai EORTC/NCI et d’autres études ont confirmé que les patients dont la tumeur n’était pas méthylée et de ce fait la MGMT activée tiraient un moindre bénéfice en terme de survie que les patients dont la tumeur était méthylée.

323


Mise au point Tableau 11 - Evaluation de l’évolution des fonctions neuro-cognitives* selon l’association ou non de B au standard [12]. Population totale évaluée (n = 507), standard et standard + BEVb à T0

Différence à la semaine 34 (8,5 mois)

Conclusions

Différence dans le fréquence d’amélioration : NS

Le B n’améliore pas la performance globale.

% de déclins de la mesure verbale des fonctions exécutives (COWA)

16,1 % avec le S vs 5,7 % avec standard + BEVb (p < 0,05)

L’association diminue le % de déclins de la mesure verbale des fonctions exécutives*

Visuomotor measure of executive function

22,2% avec le S et 34,5% avec le S + B
 p < 0,06 : NS

L’association augmente le % de déclins de la mesure visiomotrice des fonctions exécutives**

Test de performance, moyenne

Différence à T0 entre standard et standard + BEVb

NS -0,8 à -4,8 SD avec un index composite global de fnc à -2 DS au dessous de la norme

DS : déviation standard. *Hopkins Verbal Learning Test-Revised (HVLT-R), Trail Making Test (TMT) et Controlled Oral Word Association (COWA).
** Ce qui pourrait témoigner d’un effet protecteur de l’anti-angiogénique contre la neurotoxicité dans certains domaines des fonctions cognitives.

la phase IIb en phase de récurrence montrait que l’association avec le CPT 11 n’ajoutait rien et même pé­ nalisait l’index thérapeutique. 170 patients ont été inclus par une randomisation déséquilibrée 2/1

pour recevoir soit le traitement à l’essai (standard + BEVb 10 mg/ kg toutes les 2 semaines pendant la phase initiale de radio-chimio­ thérapie puis en maintenance as­ socié à l’irinotecan 340 à 125 mg/

Avis d’experts Howard A. Fine, MD « Glioblastoma progression through bevacizumab is often associated with increased tumor cell invasiveness that appears to be VEGF - and largely angiogenesis-independent,” he said. “This may, in part, be the reason why the data do not currently support the routine use of bevacizumab as part of upfront treatment in most patients with newly diagnosed disease. » Albert Lai, MD, PhD « If bevacizumab crossover is unavoidable, then the overall survival question becomes an issue of the timing of bevacizumab use, and it will be difficult to show a benefit » he predicted.
« For progression-free survival we have some positive results, but what do they mean clinically? » (http://ascopost.com/issues/july-10,-2013/expert-point-of-view-howard-a-fine,-md-and-albert-lai,-md,-phd.aspx)

324

m2 q15 jours (selon l’association ou non d’un antiépileptique in­ ducteur). L’objectif principal était un objectif principal de phase 2, le pourcentage de patients dont le résidu tumoral était sans pro­

Roger Henriksson, MD « The prespecified primary health-related quality of life analysis demonstrated significantly longer deterioration-free survival in global health status, physical functioning, social functioning, motor dysfunction, and communication deficit for patients receiving bevacizumab plus standard of care vs placebo plus standard of care. There are differences between the Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) 0825 trial and the AVAglio study that should be acknowledged. The progression-free survival was significant in AVAglio, but not in the RTOG 0825 trial. The discrepancy between the two studies may be related to the statistical plan, the methodology, and/or the interpretation of the data. The health-related quality of life analysis for AVAglio also yielded contrasting results, despite using tools similar to those in RTOG 0825 (EORTC Quality of Life Questionnaires, QLQC30, and BN20).» (http://ascopost.com/issues/july-10,-2013/bevacizumab-in-glioblastoma-another- perspective.aspx)

Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

Tableau 12 - Résultats de l’essai GLARIUS randomisé en déséquilibre 2/1comparant au standard l’association de BEVb et d’irinotecan au standard seul pour des patients dont les cellules tumorales ont une forme sauvage de MGMT (gène promoteur non méthylé). Traitements 170 inclusions évaluées

% de tumeurs non progressives à 6 mois

95 % CI

Standard (S) n = 54

26,2

12,141,4

S + Bab-CPT11 n = 116

71,01

58,180,8

Log-rank test Significativité à 6 mois

Significatif p < 000,1

TTP médian*

HR
p
 Seuil de p : < 0,05*

OS*

HR
p
 Seuil de p : < 0,05*

5,99

1

14,8

1

9,74

0,30 p < 0,05

16,6

0,6
 p < 0,05

*En bleu les résultats présentés en late breaking abstract.

gression radiologique évaluée (révision centralisée) par IRM à 6 mois. Les patients étaient rela­ tivement jeunes en comparaison avec l’âge médian des GBM en po­ pulation, avec un âge médian de 56 ans. Les résultats sont donnés dans le tableau 12. L’objectif principal était le pour­ centage de survivants à 6 mois. Le log-rank test après 6 mois montre que le pourcentage de survivants à ce moment est significative­ ment plus élevé avec le traite­ ment expérimental (Tab. 12).
 Les auteurs concluent que l’augmentation du pourcentage de survivants sans progression à 6 mois au log-rank test suggère que l’association de BEVb et d’irino­ tecan est supérieure au standard pour les patients dont les cel­ lules tumorales présentent une forme sauvage non méthylée de la MGMT. Dans un late breaking abstract rassemblant 182 patients les auteurs indiquent que la survie médiane sans progression est de 9,74 vs 5,99 mois (+ 3,75 mois ; HR = 0,30 ; p < 0,0001 et que le second objectif principal, la survie glo­ bale, montre une différence en fa­ veur du traitement expérimental : 16,6 vs 14,8 mois, soit +1,8 mois (HR = 0,60 ; p = 0,031). Enfin, à la progression, il y avait un crossNeurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

over : 63 % des patients traités avec le standard étaient traités avec la combinaison du traite­ ment expérimental. Ces résultats semblent en contradiction avec la phase II ayant comparé la combinaison de bevacizumab et irinotecan avec le bevacizumab seul en phase de récidive. Cette contradiction de­ vient relative si on considère les contextes. En effet, dans un cas on est en situation précoce avec un résidu tumoral présumé relative­ ment faible par rapport à la situa­ tion de récidive, on recherche une inter­ action synergique entre un agent antiangiogénique en com­ binaison avec une stratégie déjà connue et cette stratégie. En situa­ tion de récurrence on ne compare pas dans le contexte d’une straté­ gie séquentielle, on compare l’effet principal de deux traitements mé­ dicaux, mono ou bithérapie. Finalement, dans le GBM, aucun des trois essais de phase III présentés (2 avec le bevacizumab et 1 avec le cilengitide, cf plus bas), avec les plans expérimentaux et d’analyse statistique utilisés, n’a pu mettre en évidence (statistiquement prouvée) un effet sur la survie globale du traitement expérimental testé versus le traitement standard.

Cilengitide en phase III adjuvante : essai Centric, aspects cliniques et radiologiques [15] Une autre molécule agissant sur des voies métaboliques et non par cytotoxicité directe a atteint le ni­ veau de développement en phase III adjuvante pour les patients ayant un GBM nouvellement dia­ gnostiqué : le cilengitide (CIL), inhibiteur d’intégrines sélectif sur les intégristes αvβ3 et αvβ5. Une phase II combinant le CIL au standard pour les patients atteints de GBM nouvellement diagnostiqués ayant une MGMT méthylée avait préalablement montré une très bonne tolérance et un allongement de la survie. L’allongement de la survie n’est pas l’objectif principal d’une phase II qui n’est pas conçue pour cela ; si les résultats montrent un effet sur l’OS, c’est une indication pour poursuivre le développe­ ment en phase III. Le CIL était associé, pendant les deux phases du traitement, radiochimiothérapie et chimiothérapie adjuvante. Les patients avaient un GBM nouvellement diagnosti­ qué, mais avec un pronostic favo­ rable conféré par la méthylation de la MGMT. La méthylation de 325


Mise au point Tableau 13 - Résultats de l’essai CENTRIC. Cilengitide. Avec CIL (272)

Standard (273)

Significativité

SSP (en mois)

13,5

10,7

NS

OS (en mois)

26,3

26,3

NS

la MGMT, en fait de son promo­ teur, la rend inopérationnelle et, de ce fait, les lésions induites par le témozolomide, agent alkylant méthylant l’ADN, ne sont pas répa­ rées, augmentant l’efficacité du té­ mozolomide, élément favorable au pronostic. La comparaison portait sur la différence entre le standard et le standard associé au cilengitide. Conformément à la méthodologie classique il n’y avait qu’un seul ob­ jectif principal qui est l’OS dans une phase III de traitement anti-cancé­ reux adjuvant à la chirurgie et la RT. L’unique objectif principal était l’OS et la SSP était l’objectif secondaire (Tab. 13). En combinant cette 4e com­ posante (chirurgie, radiochimio­ thérapie, temozolomide adjuvant et CIL) au traitement précoce le plan expérimental permettait d’en mesurer l’effet synergique, neutre ou antagoniste avec les trois autres, exérèse chirurgicale, RT, témozolo­ mide. Cette évaluation est rendue plus complexe du fait qu’elle est tes­ tée dans deux situations différentes : radio-chimiothérapie et chimio­ thérapie adjuvante. 
Le traitement expérimental était l’addition de CIL 2 000 mg par voie parentérale 2 fois par semaine. Le CIL était adminis­ tré pendant ≥ 18 mois ou jusqu’à pro­ gression ou toxicité inacceptable. Les auteurs concluent au fait que l’essai n’a pas pu montrer de différence dans la survie pour ces patients de meilleur pronostic dont la MGMT est méthylée et à la confir­ mation de la tolérance du cilengitide chez ces patients. Le CIL est en effet remarquablement mieux toléré que les agents cytotoxiques et les agents 326

ciblés. La plupart des patients ne se plaignent pas d’effet secondaire sup­ plémentaire au standard. (Pour plus d’informations cliniques : NCT0068922 )

Phase III adjuvante et gliomes de bas grade à haut risque : témozolomide vs RT [16] Compte tenu de la rareté des gliomes de bas grade, ce type d’essai est effectué avec un recru­ tement le plus large possible, international et intergroupe (IN­ TERGROUPE : EORTC/Canadian NCI/CTG/RTOG, USA /MRC, United Kingdom/CTU). Les inclu­ sions ont commencé il y a mainte­ nant 6 ans, en 2007, et le recrute­ ment atteint 477 patients atteints de GBG dont le statut chromoso­ mique du 1 était connu (1p sauvage ou délété annoté 1p+ ou 1p-). La durée actuelle du suivi médian est de 45,5 mois, soit 3,8 ans. La ran­ domisation portait sur une mono­ thérapie : soit par irradiation (RT), soit chimiothérapie par témozo­ lomide, avec le schéma dit dosedense de 75 mg/m2/jour en semicontinu 21 sur 28 jours (mois) pendant 12 mois. Il y avait une stratification selon le statut 1p- ou 1p+ et le plan d’analyse statistique comprenait une analyse d’interac­ tion statut chromosomique-effet des traitements sur les deux objec­ tifs : principal, la survie globale, et secondaire, la SSP. Les patients inclus étaient soit progressifs, soit à haut risque, et nécessitaient un traitement non chirurgical.

A date, les résultats n’ont pas montré de différence significative ni dans la SSP, ni dans la survie glo­ bale et les tests d’interaction 1p+ ou - traitements RT-CT sont néga­ tifs (Tab. 14). Les auteurs considèrent des tendances sans préciser s’il s’agit d’une interprétation statis­ tique par des tests de tendance ou d’une appréciation subjective des chiffres bruts. D’une part la SSP médiane pourrait être inférieure avec la RT pour les patients dont les cellules tumorales ont un sta­ tut 1p intact, d’autre part, la survie serait meilleure pour les patients traités par CT en première inten­ tion lorsque les cellules tumorales ont un statut 1p délété. Compte tenu de l’absence de significativité, ces résultats ne peuvent pas être considérés en routine. Aucune comparaison n’est significative. La présence d’une délétion 1p a une valeur prédictive de meilleur pro­ nostic quel que soit le traitement (p < 0,0003) (Tab. 15). Il ne s’agit pas d’une valeur prédictive positive pour la sensibilité thérapeutique. Les tests d’interaction ne sont pas significatifs. Les auteurs concluent que le témozolomide en monothérapie n’améliore pas la SSP en com­ paraison avec la RT, a des “ten­ dances” appréciées sur les chiffres bruts, et à l’immaturité des résul­ tats compte tenu d’un suivi encore insuffisant.

Les phases précoces Il n’y a pas d’essais chez le volon­ taire sain en oncologie. Le pas­ sage des phases précliniques (la­ Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

Tableau 14 - résultats de l›essai sur les bas grades. SSP en mois 1p+
1p-

OS en mois

Différences brutes Aucune n’est significative

RT

41
 58 + 17 : NS

Non applicable

+17 m pour les patients 1p- pour la SSP avec la RT NS

CT

30 55 +25 : NS

Non applicable

+25 mois pour les patients 1p- pour la SSP avec la RT NS

Tous patients

47

Non atteinte avec la RT

Comparaison impossible avec le suivi actuel tant que l’OS médiane n’est pas atteinte avec la RT

RT versus CT

47 et 40 -7 : NS

Non applicable

-7 mois pour la SSP avec la CT par témozolomide 
NS

Tableau 15 - Le test d’interaction entre statut chromosomique du bras court du chromosome 1 et le traitement, RT ou CT peut se formuler sur un tableau à 2 entrées, statuts chromosomiques (1p intact ou délété) et traitements (RT et CT), et 4 cellules. Statut chromosomique

1p intact

1p délété

Interaction sur la SSP et l’OS

RT

RT tumeur 1p+ = c1

RT tumeur 1p= c2

(c1-c2) et (c2-c4) NS

CT

CT tumeur 1p+ = c3

CT tumeur 1p= c4

(c3-c4) et (c1-c3) NS

boratoire, animal de laboratoire, rarement grands animaux) à la clinique se fait directement sur des personnes malades. La phase I, par définition, est la transition entre le développement précli­ nique et clinique focalisé sur la tolérance et la recherche de la dose maximale tolérée (DMT ou Maximum Tolerated Dose) et doit aboutir à la définition de la dose recommandée. Par extension, on appelle aussi phases I ou phases II-II, des études de tolérance et chimiosensibilité, et en neurooncologie la transposition de phases I et II faites en oncolo­ gie générale dans des échantil­ lons de tumeurs fréquentes et/ ou chimiorésistantes d’emblée, en phase de récidive et souvent dépassée, vers les tumeurs neu­ rologiques. Historiquement et classiquement les patients at­ teints de tumeurs primitives et secondaires du système nerveux étaient systématiquement exclus des phases I. Actuellement, ces cancers peuvent être inclus dans Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

les phases I d’oncologie générale dans l’échantillon de tumeurs, soit dans une phase I spécifique­ ment dédiée aux TC en se fon­ dant sur les spécificités du SNC et de ses enveloppes et en en fai­ sant une entité pharmacologique à part. La notion de sanctuaire pharmacologique n’est toujours pas dépassée par l’évolution des connaissances. On appelle main­ tenant aussi phase I des essais où un traitement dont l’index thérapeutique est déjà connu en oncologie générale, est admi­ nistré pour la première fois à des patients atteints de tumeurs neurologiques, ou encore la première administration d’une combinaison de différentes mo­ lécules déjà individuellement étudiées, ou l’addition d’un nou­ vel élément dans une stratégie validée. Ces considérations ne font l’objet, sur le plan éthique et scientifique, d’aucun consensus généralisé. Les phases II précoces utilisent les doses recommandées en

phase 1 pour étudier la chimio­ sensibilité dans différentes tu­ meurs (les patients inclus ont tous la même tumeur) en phase de récidive et définir le spectre d’activité du traitement étudié. Ces essais sont de plus en plus nombreux (Tab. 16). En oncologie, 69,7 % des essais étaient des essais précoces de phase I, I-II et II versus 33 % dans les autres disciplines, plus souvent non comparatifs (1 seul bras) : 65 vs 23 %, avec moins de cross-over et de plans factoriels, non aveugle (88 vs 47 %), avec moins d’inclusions par étude (42 vs 60). La limite d’âge était moins fréquente : 25 vs 60 %. 70 % des essais rapportent un comité pour monitorer les résultats vs 85 %. Mais, lorsque c’est mentionné, 53 % des études d’oncologie en ont un vs 38 % en moyenne. Il y a plus de phases précoces en oncologie que dans les autres disciplines et moins de phases III. Ce constat des autorités de santé améri­ 327


Mise au point Tableau 16 - La banque de données américaine. ClinicalTrials.gov enregistre les essais activés. Elle permet des comparaisons entre les différentes disciplines. D’après : B.R. Hirsch, Duke Cancer Institute, Durham, NC, USA ; ASCO 2011 , Abstr 6095). Chiffres en %.

Phase

Oncologie

Autres spécialités

Différentiel oncologie vs autres

I

21

13

+8

I-II

10,6

3,6

+7

II

38,1

15,8

+12,3

II-III

1,4

2,9

-1,5

III

11,4

16,2

-4,8

IV

2,7

16,7

-14,7

Un seul bras

64,7

23,1

+41,6

Plusieurs bras en parallèle

32,5

61,5

-29

Avec cross-over ou plan factoriel

2,9

15,4

-12,5

Ouvert

87,5

47,1

+40,4

En aveugle

3,5

13,3

-9,8

Double aveugle

9

39,6

-30,6

Les chiffres ont été collectés de 2007 à la date de publication. 40 969 essais interventionnels ont été enregistrés dont 9 102 en oncologie, soit 22 % le taux le plus haut de toutes les spécialités. 72 % des études portaient sur des médicaments.

caines est le reflet de la difficulté à trouver des molécules efficaces. Ce contraste avec les autres dis­ ciplines fait réfléchir sur l’évo­ lution de la méthodologie en parallèle avec celles de la phar­ macodynamique (efficacité modeste, toxicité importante et régulière, faible incidence sur la survie) des molécules anticancéreuses. Les médicaments cytotoxiques faisant la place aux molécules ciblées, la méthodolo­ gie pourrait débuter par la défi­ nition de la cible en premier lieu, puis l’élaboration de la molécule ciblée adaptée en second lieu. La recherche fondée sur la cyto­ toxicité restant peu spécifique et s’adressant souvent à un épiphé­ nomène sans atteindre les méca­ nismes biologiques sous-tendant la démultiplication des signaux mitotiques et les mécanismes circonvenant la cytotoxicité, en­ traînant une résistance naturelle ou induite. L’expérience montre clairement, dans les méta-ana­ lyses, que le rendement est faible, 328

nécessitant un nombre d’essais et d’inclusions très important pour aboutir à des progrès relati­ vement modestes dans la survie. Ces phénomènes sont majorés en neuro-oncologie par la faible incidence des cancers du SN et les singularités biologiques, immunologiques et pharmaco­ logiques des parenchymes neu­ rologiques et de leurs tissus de soutien.
Dans la pratique aucune information tirée de phases I n’est utilisable. Dans la culture médicale et scientifique, cela peut amener une compréhen­ sion de la façon dont se font les progrès thérapeutiques et com­ ment les inscrire dans d’autres contextes pour contribuer à l’amélioration du confort et de l’espérance de vie des personnes malades, à la fois pour soi-même et pour pouvoir l’expliquer à di­ vers publics et interlocuteurs.
Le tableau 17 donne le nombre et l’in­ dication de la plupart des phases précoces, I, II-II et II qui ont été présentées à l’ASCO en 2013.

Le concept de phase 0 Plus de 90 % des phases I amè­ neront la décision d’arrêt du développement (no-go). Un petit nombre de ces phases précoces aboutira in fine aux phases ulté­ rieures du développement (go) et encore moins tardivement aux phases III permettant l’évo­ lution des standards. Le concept de phase 0 (Kummar et al.) a été élaboré afin de remédier à cette lenteur et est en cours de valida­ tion par la FDA (Westin et al.). Les essais de phase 0 exposent un petit nombre de patients à une micro-dose de l’agent expérimen­ tal à étudier, 1/50e de la dose qui n’entraîne pas d’effet secondaire délétère chez l’animal de l’espèce la plus sensible. Leur objectif est la validation des modèles pré­ clinique et l’aide décisionnelle pour éliminer les agents ineffi­ caces et diminuer le nombre de phases I qui seraient inutiles aux patients et qui sont coûteuses. A ce concept il peut être raison­ nablement objecté le fait que de Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162


ASCO 2013

Tableau 17 - Nombre et indications des phases I et I-II présentées en neuro-oncologie.

Expérimental

Phases précoces I & IIA et IIb : Critère principal de sélection 17 (Abstr. Asco)

Molécule

I : 9 / I/II: 2 / II: 4

GBG (1), GBM (12), GHG (2), MC (1)

Combinaison de vorinostat* et témozolomide et RT

I/II (2046)

GBM nouvellement diagnostiqué

Everolimus, RT, témozolomide

I (2047)

GBM nouvellement diagnostiqué

PX-866

II (2053)

Recurrent GBM

Combinaison de cediranib et cilengitide

I (2054)

Recurrent GBM

Oral TGF-beta receptor I kinase Inhibitor LY2157299 monohydrate

II (2061)

Recurrent GBM

Veliparib + standard + Pk

I (2065)

GBM nouvellement diagnostiqué

Axitinib inhibiteur de Tk

I (2077)

Résistance primaire au Beva, GBM

Combinaison de témozolomide et Beva

II
(2087)

Recurrent GBM

Anti-PIG mAb RO5323441 + Beva

I (2092)

Recurrent GBM

Oncolytic polio/rhinovirus recombinant Dose finding et safety

I (2094)

Recurrent GBM

Combinaison de temsirolimus* et périfosine

I (2095)

Recurrent GBM, Gbm en progression

Vorinostat* utilisé comme radiosensibilisant

I (2100)

MC

VB-111
thérapie génique anti-VEGF

I/II (2012

Recurrent GBM

Nintedanib(BIF11120) Triple inhibiteur de Tk

II (2104)

Récidive de gliome de haut grade GHG

Mibefradil et témozolomide

I (2105)

Récidive de gliome de haut grade GHG

Beva Ph2 randomisée, Dutch DELOB

Recurrent GBM

2008
radio-chimiothérapie avec témozolomide - Résultats préliminaires RTOG 0424

I (2008)

Gliome de bas grade à haut risque GBG

*Une seule de ces études était une phase I au sens propre, c’est-à-dire le passage de la phase préclinique à la clinique pour une molécule originale chez des patients exclusivement atteints de tumeurs neurologiques.

faibles doses soient non toxiques mais insuffisantes pour induire un effet observable majorant le risque de passer à côté de produits poten­ tiellement efficaces.

Conclusions Les essais de phase III adjuvante sur les gliomes comprennent trois essais sur les GBM et un sur les gliomes de bas grade. L’essai sur les GBG est encore immature du fait d’un suivi insuf­ fisant pour que les médianes de survie, objectif principal de l’es­ sai, soient atteintes. Ses résultats intermédiaires et incomplets ne Neurologies • Novembre 2013 • vol. 16 • numéro 162

permettent aucune interprétation définitive ni conclusion. Les trois essais adjuvants sur les GBM ne montrent pas de bénéfice patient dans l’objectif principal d’un traitement adjuvant, la survie globale. Il est devenu habituel de prolonger les suivis afin de réana­ lyser les résultats cliniques à plus long terme soit en tant que tels (critères cliniques seuls : survie globale de la population entière de l’essai et comparaison des survies globales selon les traitements) soit à la recherche de sous-groupes définis par des caractéristiques biologiques.

Les deux présentations des es­ sais avec le bevacizumab ne sont pas suffisamment précises sur la tolérance clinique pour faire une comparaison adéquate avec le standard. Il n’est pas non plus précisé le nombre d’abandons du bevacizumab et leur raison, ni la comparaison avec le témozolo­ mide, c’est-à-dire finalement les rapports entre intention de trai­ ter et traitement effectivement reçus. Ces écueils, avec le manque de connaissances sur la courbe dose-effets du bevacizumab em­ pêchent d’avoir une mesure défi­ nitive de son index thérapeutique 329


Mise au point en comparaison du témozolomide dans le standard. Si les abandons du BEVb pour intolérance péna­ lisent l’appréciation de son index thérapeutique, il ne peut être définitivement exclu qu’avec une dose inférieure l’index thérapeu­ tique puisse être relevé. Il est pos­ sible que certains points soient éclaircis dans les publications à venir. En ce qui concerne le témozolo­ mide, les tentatives de modula­

tion d’intensité de dose dans le GBM sont restée infructueuses, comme si la courbe dose-effet était plate. La Dose Maximale To­ lérée est néanmoins restée un cri­ tère utilisé alors que les médica­ ments modernes ont changé sur tous les plans, celui de leurs ca­ ractéristiques physicochimiques, de leur cible qui n’est plus la cyto­ toxicité directe mais indirecte en interagissant avec des voies méta­ boliques.

Correspondance Dr Christine Lebrun Service de Neurologie, Fédération de neuro-oncologie , CHRU de Nice, Hôpital Pasteur - BP 69, 30 Voie Romaine 06002 Nice Cedex E-mail : lebrun-frenay.c@chu-nice.fr

Mots-clés : Neuro-oncologie, Gliomes, Glioblastome, Antiangiogéniques, VGEF, Bevacizumab, Cilengitide, Témozolomide, Cilengitide

Bibliographie 1. Conti Rena M et al. Prevalence of off-label use and spending in 2010 among patent-protected chemotherapies in a population-based cohort of medical oncologist. J Clin Oncol 2013 ; 31: 1134-9. 2. Taal W et al. A randomized phase II study of bevacizumab versus bevacizumab plus lomustine versus lomustine single agent in recurrent glioblastoma: The Dutch J Clin Oncol 2013 ; 31 (suppl) : abstr 2001. 3. Field KM et al. A randomized phase II study of carboplatin and bevacizumab in recurrent glioblastoma multiforme (CABARET). J Clin Oncol 2013 ; 31, (suppl) : abstr 2017. 4. Lorgis V et al. Relation between bevacizumab dose intensity and highgrade glioma survival: a retrospective study in two large cohorts. J NeuroOncol 2012 ; 107 : 351-8. 5. Essai ACTRN12610000915055 : http:// meetinglibrary.asco.org/ content/115649-132 6. Gehan EA. Clinical trials in cancer research. Environemental Health Perspectives 1979 ; 32 : 31-48. 7. Wick W et al. Tumor response based on adapted Macdonald criteria and assessment of pseudoprogression (PsPD) in the phase III AVAglio trial of bevacizumab (Bv) plus temozolomide (T) plus radiotherapy (RT) in newly diagnosed glioblastoma (GBM). J Clin Oncol 2013 ; 31 (suppl) : abstr 2002. 8. Henriksson R et al. Progression-free survival (PFS) and health- related quality of life (HRQoL) in AVAglio, a phase III study of bevacizumab (Bv), temozolomide (T), and radiotherapy (RT) in newly diagnosed glioblastoma (GBM). J Clin Oncol 2013 ; 31(suppl) : abstr 2005. 9. Nishikawa R et al. Biomarker (BM) evaluations in the phase III AVAglio study of bevacizumab (Bv) plus standard radiotherapy (RT) and temozolomide (T) for newly diagnosed glioblastoma (GBM). J Clin Oncol 2013 ; 31(suppl) : abstr 2023 10. Gilbert MR et al. RTOG 0825: phase III double-blind placebo-controlled

trial evaluating bevacizumab (Bev) in patients (Pts) with newly diagnosed glioblastoma (GBM).
 Plenary Session Including FDA Commissioner Address, Public Service Award, and Science of Oncology Award and Lecture. J Clin Oncol 2013 ; 31(suppl) : abstr 1. 11. Sulman EP et al. Molecular predictors of outcome and response to bevacizumab (BEV) based on analysis of RTOG 0825, a phase III trial comparing chemoradiation (CRT) with and without BEV in patients with newly diagnosed glioblastoma (GBM). Clinical Science Symposium, Predictive Molecular Biomarkers: Enriching Clinical Trial Populations for Gliomas. J Clin Oncol 2013 ; 31 (suppl) : abstr LBA2010. 12. Wefel JS et al. Neurocognitive function (NCF) outcomes in patients with glioblastoma (GBM) enrolled in RTOG 0825.J Clin Oncol 2013 ; 31 (suppl) : abstr 2004. 13. Armstrong T. Comparative impact of treatment on patient reported outcomes (PROs) in patients with glioblastomas enrolled in RTOG 0825. J Clin Oncol 2013 ; 31 (suppl) : abstr 2003. 14. Herrlinger U et al. Bevacizumab, irinotecan, and radiotherapy versus standard temozolomide and radiotherapy in newly diagnosed, MGMTnonmethylated glioblastoma patients: First results from the randomized multicenter GLARIUS trial. J Clin Oncol 31, 2013 : LBA2000. 15. Stupp R et al. Cilengitide combined with standard treatment for patients with newly diagnosed glioblastoma and methylated O6-methylguanine-DNA methyltransferase (MGMT) gene promoter: Key results of the multicenter, randomized, open-label, controlled, phase III CENTRIC study. J Clin Oncol 2013 ; 31 (suppl) : abstr LBA2009. 16. Baumert BG et al. Temozolomide chemotherapy versus radiotherapy in molecularly characterized (1p loss) low-grade glioma: a randomized phase III intergroup study by the EORTC/NCIC-CTG/TROG/MRC-CTU (EORTC 22033-26033). J Clin Oncol 2013 ; 31 (suppl) : abstr 2007.

15e rencontres de neurologies • Paris • 16 - 18 décembre 2013 ATELIER « PATHOLOGIES NEURO-MUSCULAIRES» - Mercredi 18 décembre 2013 - de 14h00 à 17h45 Coordination : Yann Péréon (Nantes) Yann Péréon s’est creusé les méninges pour s’en­

sujet grâce à sa classification originale.

tourer d’orateurs musclés et vous concocter un ate­

• Vous avez aimé « Bienvenue à Gattaca », vous ne serez pas déçus par

lier aux petits oignons.

la présentation de Nicolas Lévy. Le film d’anticipation est de moins

• Fabien Zagnoli tentera tout d’abord de vous hypnotiser de son sa­

en moins de la science-fiction… Si vous voulez en savoir plus, il ne fau­

voir sur le ptôsis, ce qui pourrait rendre vos paupières moins lourdes

dra surtout pas rater cet exposé sur la génétique et le diagnostic des

en post-prandial.

maladies neuro-musculaires.

• En suivant, vous attend un outil très pratique pour la prise en charge

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les pathologies neu­

thérapeutique des neuropathies dysimmunitaires. Laurent Magy vous

ro-musculaires, vous le trouvez dans cet atelier des Rencontres de

fera son fameux tour pour vous permettre d’être facilement au point sur le

Neurologies 2013.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.