EASD 2013
DOSSIER
K Recherche de
l’équilibre glycémique Le cas des hypoglycémies Introduction Cette session consacrée à l’équilibre glycémique et à la potentielle survenue d’hypoglycémies chez les diabétiques de type 1 comme de type 2, a fait la part belle à la nouvelle insuline degludec qui vient d’avoir l’aval commercial de l’Agence européenne du médicament. La fin d’après-midi fut plus particulièrement consacrée aux attitudes préventives en face des hypoglycémies induites par l’effort.
IDegAsp ou aspart 30 chez les diabétiques de type 2 ? Une métaanalyse IDegAsp1 est une nouvelle insuline associant 70 % d’insuline degludec2 (IDeg) et 30 % d’insuline aspart3 (IAsp) permettant ainsi de combiner en une injection une insuline de très longue durée à une insuline d’action rapide et courte. L’objectif de cette métaanalyse est d’évaluer la survenue des hypoglycémies sous cette nouvelle thérapie comparativement à un traitement combiné de référence, l’insuline biphasique aspart 304 (BIAsp 30). La définition de l’hypoglycémie pour l’étude a été chiffrée en deçà de 3,1 mmol/l5, la sévérité de cette dernière étant cotée par la notion d’une assistance au resucrage.
L’analyse des deux études de phase 3a randomisées, en intention de traiter, de diabétiques de type 2 sous deux injections par jour, soit de IDegAsp, soit de BIAsp, a montré des résultats similaires en termes d’HbA1c (IDegAsp : 7,06 % versus BIAsp 30 : 7,07 %). Néanmoins, la glycémie à jeun était meilleure sous IDegAsp (-1,12 mmol/l ; p < 0,0001) qui, par ailleurs, permettait une moindre prise de poids (-0,50 kg ; p = 0,012). La dose totale d’insuline injectée en fin d’étude était plus faible sous IDegAsp que sous BIAsp 30 (0,9 U/ kg versus 1,1 U/kg ; p < 0,0001) de même que le nombre total d’hypoglycémies (-19 % ; p = 0,03), notamment la nuit (-57 % ; p < 0,0001). Les formes sévères furent peu
fréquentes sur l’ensemble de l’étude et moins nombreuses sous IDegAsp (-39 % ; p = 0,27). Durant la période d’entretien (16 semaines après l’obtention de la valeur glycémique cible et de la stabilisation de la dose d’insuline), la fréquence des hypoglycémies sévères fut significativement moins importante sous IDegAsp que sous BIAsp 30 (-84 % ; p = 0,0061). Il en fut de même pour le nombre total d’hypoglycémies (-31 %) et le nombre d’hypoglycémies nocturnes (-62 %) (Tab. 1). Il n’y a pas eu de différence entre les deux insulines s’agissant des paramètres sécuritaires, notamment de la survenue d’événements cardiovasculaires (IDegAsp : 4 événements versus 7 événements pour BIAsp 30). La conclusion de cette première présentation sponsorisée par Novo Nordisk® est donc bien sûr en faveur de la combinaison degludec-aspart qui réduit significativement la glycémie à jeun avec moins d’insuline, moins de prise
Tableau 1 - Comparaison de la fréquence des hypoglycémies. 1. Insuline ayant obtenu son autorisation de mise sur le marché par l’EMA en 2014 sous le nom de Ryzodeg®. 2. Nouvelle insuline de Novo Nordisk® d’action ultralente qui, sur le plan moléculaire, possède une délétion de la thréonine en position B30 associée au rajout d’une chaîne d’acides gras à 16 carbones en position B29. Sa caractéristique principale est de former des chaînes de multihexamères d’insuline dans le tissu sous-cutané, ce qui allonge sa demi-vie qui est de 25,4 h comparativement à 12,5 h pour la glargine. Au final, sa durée d’action est de plus de 40 heures. Par ailleurs il semble qu’elle possède une très faible variabilité intra-individuelle d’une injection à l’autre. Elle a obtenu son autorisation de mise sur le marché par l’EMA en janvier 2013 sous le nom de Tresiba®. 3. Novorapid®. 4. NovoMix 30®. 5. Soit 0,55 g/l.
Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73
Rapport IDegAsp/BIAsp 30 Période d’entretien
WT NC
Hypoglycémies totales
0,81 ; p = 0,0341
0,69 ; p = 0,0015
Hypoglycémies nocturnes
0,43 ; p < 0,0001
0,38 ; p < 0,0001
Hypoglycémies sévères
0,61 ; p = 0,2661
0,16 ; p = 0,0061
317
EASD 2013
DOSSIER
de poids et moins d’hypoglycémies que sa grande sœur NovoMix 30.
Insuline analogue et fréquence des hypoglycémies sévères chez le diabétique de type 1 : l’essai HypoAna L’insulinothérapie du diabétique de type 1 est parfois difficile au regard des risques d’hypoglycémies induites. Comparativement aux autres insulines, les insulines analogues ont montré un bon contrôle des paramètres glycémiques avec un risque théorique de moindre fréquence d’hypoglycémies. Pour ces molécules, toutefois, la survenue d’hypoglycémies sévères et leur récurrence n’a pas été clairement analysée, les patients à fort risque étant souvent exclus des grandes études. L’essai HypoAna s’est donc attaché à quantifier, chez les patients à haut risque d’hypoglycémies, le risque de survenue d’hypoglycémies sévères après utilisation d’une insuline analogue comparativement à une insuline humanisée.
ciant des insulines analogues a réduit de 31 % (p = 0,007) le risque d’hypoglycémies en intention de traiter et de 30 % (p = 0,012) en per-protocole, correspondant à une réduction de 0,5 épisode par patient et par an (55 % d’hypoglycémies ont été notées avec l’insuline humanisée comparativement à 39 % pour l’association aspart/ detemir). La réduction porte surtout sur les hypoglycémies nocturnes et ce, avec une moyenne glycémique identique (HbA1c : 8,0 ± 1,0 %) dans les deux bras (on note une différence non significative de 0,13 % en faveur de l’association aspart/detemir). La conclusion de cette seconde étude sponsorisée par Novo Nordisk® souligne une réduction significative des risques d’hypoglycémies sévères chez les diabétiques de type 1 traités par l’association aspart/detemir comparativement au traitement par insuline humanisée, tout en assurant un même niveau d’équilibre glycémique global.
Fréquence des hypoglycémies induites par l’exercice sous les insulines deglutec et glargine
aux fins de minorer ces risques d’hypoglycémies à l’effort. Sept études randomisées en intention de traiter ont donc comparé l’insuline IDeg à l’insuline glargine7 (IGlar) une fois par jour. Les essais, de 26 ou 52 semaines, ont été pratiqués aussi bien chez des diabétiques de type 1 (n = 1 116) que chez les diabétiques de type 2 (n = 3 598). Les hypoglycémies argumentées, en lien avec l’activité physique, étaient rapportées par les patients (hypoglycémies : en deçà de 3,1 mmol/l8 ; hypoglycémies sévères : assistance d’un tiers ; hypoglycémies nocturnes : entre minuit et 6 heures du matin). Durant la première période de suivi de 26 semaines, les hypoglycémies non liées à l’effort furent identiques pour tous les groupes (17 % d’hypoglycémies totales ; 36 % d’hypoglycémies la nuit) de même que durant la seconde période d’entretien de 52 semaines (25 % d’hypoglycémies totales ; 49 % d’hypoglycémies nocturnes). S’agissant des hypoglycémies induites par l’effort, les résultats, rapportés dans le tableau 2, objectivent un même pourcentage dans le groupe IDeg que dans le groupe IGlar et ce, pour les diabétiques de type 1 (DT1) comme pour les diabétiques de type 2 (DT2). À noter, dans les deux bras, une plus grande fréquence des hypoglycémies chez les diabétiques de type 1.
L’étude prospective, randomisée en double aveugle a donc inclus 159 diabétiques de type 1 ayant présenté plus de deux hypoglycémies sévères dans l’année précédente. Les deux groupes ont bénéficié, selon un dessin en crossing over, d’un schéma basal-bolus utilisant soit des insulines analogues (aspart/detemir), soit des insulines humanisées (rapide/NPH). Le critère primaire d’analyse fut la fréquence des hypoglycémies sévères définies par la nécessaire assistance d’un tiers pour correction.
L’insuline degludec6 (IDeg), nouvelle insuline basale d’action ultra longue et très stable au plan pharmacologique, a donc été conçue
La conclusion de cette troisième présentation sponsorisée par Novo Nordisk® notifie l’absence de risque supérieur d’hypoglycémies induites par l’effort, après utilisation d’insuline deglutec comparativement à l’insuline glargine.
Après 2 ans, le traitement asso-
6. Commercialisée par Novo Nordisk® et ayant obtenu son autorisation de mise sur le marché par l’EMA en janvier 2013 sous le nom de Tresiba®.
7. Lantus® commercialisée par Sanofi-Aventis®. 8. Soit 0,55 g/l.
318
L’exercice physique augmente la consommation glucidique et améliore l’insulinosensibilité, sources d’hypoglycémies bien connues. Leur survenue est fonction de l’intensité de l’effort mais aussi de la dose d’insuline injectée et de ses propriétés pharmacodynamiques.
Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73
EASD 2013
DT1
DT1
DT2 basal/ bolus
DT2 basal/ bolus
DT2 basal/ oral
DT2 basal/ oral
IDeg
IGlar
IDeg
IGlar
IDeg
IGlar
Nombre de patients
801
315
753
251
1 734
860
Nombre d’hypoglycémies confirmées
769
303
609
206
779
380
Nombre d’hypoglycémies induites par l’effort (% de confirmation)
614 (80 %)
242 (80 %)
311 (51 %)
106 (51 %)
163 (21 %)
83 (22 %)
Analyse rétrospective des hypoglycémies survenues sous antidiabétiques oraux (étude SIMEU) Cette étude italienne, dont les résultats intermédiaires furent exposés par G. Marchesini représentant l’université de Bologne, s’est intéressée aux 2 889 hypoglycémies survenues chez des diabétiques de type 2, répertoriées dans 38 services d’urgence pendant 18 mois (de janvier 2011 à juin 2012). Les diabétiques concernés par cette enquête avaient en moyenne 71 ans, étaient pour 51 % des hommes et l’hypoglycémie chiffrée disponible était en moyenne de 0,44 g/l. L’analyse des médications utilisées et potentiellement en lien avec cette symptomatologie, précise les données suivantes : dans 64 % des cas, le traitement était à base d’insuline (seule pour 32 % des cas, associée à des antidiabétiques oraux pour 32 % des patients), dans 62 % des cas il s’agissait de sulfamides, dans 55 % des cas de la metformine, dans 15 % des cas de la répaglinide, dans 4 % des cas de l’acarbose, dans 2 % des cas de la pioglitazone, dans
2 % des cas des inhibiteurs des DPP4 et dans 1 % des cas des analogues du GLP-1. Dans 80 % des hypoglycémies induites par des traitements non insuliniques, on retrouvait soit des sulfamides, soit de la répaglinide. Parmi les sulfamides, les plus impliqués furent le glibenclamide (61 %), puis le glimepiride (22 %), le gliclazide (14 %) et le glipizide (1 %). Les hypoglycémies furent responsables de traumatismes 234 fois (157 sous insuline) et d’accidents de voiture 39 fois (25 sous insuline). Les hypoglycémies ont été prises en charge pour 18 % par les patients eux-mêmes et pour 51 % par le personnel hospitalier aux urgences. Dans ces services, le contrôle glycémique sanguin était en moyenne chiffré à 0,78 ± 0,53 g/l et l’hypoglycémie fut traitée par voie orale dans 19 % des cas, par voie intraveineuse pour 28 % des situations et par intramusculaire de glucagon pour 2 % des patients. Dans les suites de l’admission, 44 % des patients ont pu être adressés directement à leur médecin généraliste, 18 % sont restés en observation moins de 24 heures, 31 % ont été hospitalisés pour une
Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73
durée moyenne de 8 jours et 7 % ont refusé cette surveillance. On déplore 6 morts aux urgences et 77 décès en cours d’hospitalisation (9 % du total des admis). La conclusion rappelle le lourd tribut que payent aussi bien les diabétiques que la société (notamment le National Health System), aux hypoglycémies qui ne sont pas seulement dues à l’insuline...
Besoins supplémentaires en hydrate de carbone des diabétiques de type 1 ayant une activité physique standardisée Les patients diabétiques de type 1 bénéficiant d’une insulinothérapie intensive ont tendance à faire des hypoglycémies à l’effort, nécessitant soit une modification des doses d’insuline, soit un apport supplémentaire en hydrates de carbone. Afin de quantifier ces éventuels besoins, une équipe allemande a mené une étude prospective en crossing over de 24 diabétiques de type 1 sous insulinothérapie intensive. Les caractéristiques de ces patients étaient les suivantes : • âge : 41 ± 12 ans ; 319
DOSSIER
Tableau 2 - Hypoglycémies induites par l’effort.
EASD 2013
DOSSIER
• 11 femmes pour 13 hommes ; • BMI : 26,5 ± 4,7 kg/m2 ; • durée de diabète : 16 ± 11 ans ; • HbA1c : 9,1 ± 1,5 % ; • dose d’insuline : 0,64 ± 0,22 IE/ kg par jour ; • nombre d’hypoglycémies par semaine : 1,7 ± 1,5 ; • seuil de perception de l’hypoglycémie : 0,60 ± 0,15 g/l. Les volontaires randomisés ont participé à des sessions d’entraînement standardisées (4 km de marche pour environ 60 minutes), débutées à 14 heures et avec trois bras de comportements nutritionnels : • pas de compensation additionnelle ; • compensation par 10 g d’hydrates de carbone ; • compensation par 20 g d’hydrates de carbone. Les collations (barres de muesli) étaient proposées au début et après 30 minutes d’activité. Les contrôles glycémiques étaient proposés à 14 h, 14 h 30, 15 h, 16 h et 8 h le lendemain. Les résultats ont montré que, pendant et après l’effort, indépendamment de l’apport préventif, la glycémie chutait uniformément et approximativement de 1,75 g/l à 14 h (soit 2 heures après le repas), à environ 1,0 g/l à 14 h 30. Les patients ont donc dû être resucrés avec de grandes quantités de glucides (p = 0,0036 pour 40 g comparé à 0 g) qui furent toutefois moindres lorsqu’une administration préalable de glucides avait été proposée (20 g ; p = 0,017 et 40 g ; p = 0,015). Les hypoglycémies furent souvent asymptomatiques et, de fait, dépistées seulement par la fréquence des glycémies capillaires. Pour conclure, les auteurs constatent que la quantité de 320
glucides proposée préventivement pour éviter les hypoglycémies secondaires à un effort modéré de 1 heure, fut trop faible et trop tardive. Ils recommandent toutefois une prise précoce de 40 g d’hydrates de carbone à absorption rapide au cours de l’exercice et suggèrent la poursuite d’essais ultérieurs pour en optimiser l’approche.
Quel est le meilleur algorithme pour réduire le risque d’hypoglycémie à l’effort chez les diabétiques de type 1 sous pompe à insuline ? Puisqu’il n’existe pas encore de consensus en matière d’ajustement des doses d’insuline pour les diabétiques de type 1 sous pompe à insuline lors d’une activité physique, l’équipe de G. Charpentier a présenté ses réflexions en la matière. L’étude a réuni 20 diabétiques de type 1 pratiquant une activité physique de loisir, dont l’HbA1c était inférieure à 9 %. Ces derniers ont effectué 4 tests physiques à 48 heures d’intervalle (30 minutes de bicyclette ergométrique) 3 heures après un repas et ce, à 2 niveaux d’intensité (50 % et 75 % de la VO2 max mesurée avant tout effort). Pour ces deux paliers, deux réductions de débit basal était proposées : 50 % ou 80 % pour les efforts à 50 % de VO2 max, et 80 % ou 100 % pour les efforts à 75 % de la VO2 max. Cette réduction était assurée pendant l’effort et 2 heures après. Les hypoglycémies étaient mesurées par CGMS. Les caractéristiques des patients étaient les suivantes : • 11 hommes ; • BMI : 24 ± 5 kg/m2 ;
• âge moyen : 45 ± 12 ans ; • HbA1c : 7,9 ± 0,7 % ; • ancienneté du diabète : 17,6 ± 10 ans ; • sous pompe depuis 5 ans ; • pratique du sport de loisir : en moyenne 4,3 heures par semaine. Pour une activité modérée (50 % de la VO2 max), la réduction de 80 % des débits de base a permis d’éviter plus d’hypoglycémies que dans le cas d’une réduction de 50 %, sans pour autant voir apparaître concomitamment d’hyperglycémies. Pour une activité intensive (75 % de la VO2 max), le meilleur ajustement a été d’arrêter la pompe durant l’effort et de reprendre les débits habituels à la fin de l’exercice. Dans tous les cas, la glycémie la plus basse est apparue à la fin de l’effort (30 minutes). Pour les sujets assurant un effort à 50 % de la VO2 max, la diminution de la glycémie était en moyenne de 0,72 g/l. Pour ceux réalisant un effort à 75 % de la VO2 max, la diminution fut de 0,67 g/l pour un débit arrêté et de 0,72 g/l lorsque la réduction des débits était de 80 %. En conclusion, il semble que pour prévenir les hypoglycémies lors d’un effort modéré, une réduction de 80 % des débits de base durant l’activité et 2 heures après, soit une recommandation acceptable. Lors d’un effort plus intense, la solution passera par un arrêt temporaire des débits, qui ne doivent être repris qu’à la fin de l’exercice. Bien sûr, même après arrêt, il faut garder à l’esprit que l’action de l’insuline sous-cutanée résiduelle peut être responsable de malaises, suggérant peut-être une seconde piste passant par la réduction des doses 30 minutes avant l’effort. n
Dr Éric Marsaudon
Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73