Dermatologie
L’herpès orofacial Du diagnostic au traitement L’herpès orofacial est une infection commune bénigne, affectant 14,8 % de la population française. Il est plus fréquent chez la femme que chez l’homme (1). Plus de 80 virus herpétiques sont connus, mais seulement huit ont été identi-
Dr Françoise Raynaud Dermatopédiatre, Maison de Solenn, Paris
fiés comme pathogènes. Ce sont les virus herpès simplex 1 et 2 (HSV), le virus de la varicelle, le cytomégalovirus, le virus d’Epstein-Barr, les virus humains herpétiques de type 6 et 7 ainsi que de type 8, qui forment la famille Herpès viridae. L’herpès labial est dû au HSV1. Cependant, l’épidémiologie a récemment changé. En effet, les infections à HSV1 sont traditionnellement contractées dans l’enfance et l’adolescence lors de contacts non sexuels. Aujourd’hui, le virus devient la première cause d’infections herpétiques génitales.
Transmission Un contact direct est nécessaire avec les sécrétions infectées. L’infectiosité est maximale pendant les 24 premières heures d’apparition des lésions (2).
Manifestations cliniques (2) bbGénéralités Les primo-infections HSV1 sont le plus souvent asymptomatiques ou se limitent à des gingivostomatites chez le sujet immunocompétent. Le virus est responsable d’une latence dans le ganglion sensoriel et ensuite se réactive pour donner les signes cliniques d’herpes orofacial. Les causes de ces réactivations sont : • l’exposition solaire, • la fièvre, • le stress psychologique, • les menstruations, • un traumatisme, • une injection d’anesthésique local, • une extraction dentaire, • la chirurgie régionale. Les épisodes de récurrences peuvent être fréquents, douloureux et défigurant. Chez les patients immunodéprimés, les épisodes d’herpès sont plus longs en durée, plus sévère pouvant s’étendre à la cavité buccale ou sur le visage. Les vésicules sont groupées douloureuses sur une base érythéma-
teuse, associées à des lésions ulcérées et croûteuses.
bbLa primo-infection La gingivostomatite est la plus commune des manifestations orofaciales de l’infection par HSV1. Elle est caractérisée par des lésions orales et periroales vésiculo-ulcératives. Elle survient le plus souvent chez l’enfant entre 1 et 5 ans, mais affecte occasionnellement les adolescents et les adultes. La gingivostomatite est typiquement précédée par une sensation de brûlures ou de paresthésies sur le lieu d’inoculation associées à des adénopathies cervicales et sous-mandibulaires. La fièvre dépasse dépasse souvent 39° C accompagnée d’un malaise général avec céphalées, de myalgies, d’une perte de l’appétit ainsi que d’une dysphagie. Au bout de 24 à 48 h, de nombreuses vésicules apparaissent sur la muqueuse buccale qui se rompent et devenant une source de douleurs et d’ulcérations, autour et dans la cavité buccale. La présentation la plus typique est une gingivite généralisée, marginale et œdémateuse. Chez les adolescents, la pharyngite et le syndrome type mononucléose-like peut être un mode de début de l’herpès oral. Chez les individus immunocompétents, c’est-à-dire en bonne santé, cette primo-infection orale est
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de bon pronostic, la guérison est obtenue au bout d’une dizaine de jours. Le virus persiste pendant quelques semaines après la guérison clinique. Les anticorps sériques augmentent en 2 à 3 semaines, mais ne protègent pas lors de réactivation virale.
bbHerpès orofacial avec récurrence Après la première infection, le virus herpétique latent se réactive périodiquement migrant du ganglion sensoriel du territoire correspondant, responsable de récurrence. Bien que la prévalence de HSV1 soit élevée, uniquement 10 à 40 % des patients séropositifs auront des récurrences cutanéomuqueuses. Les récurrences sont rares après 35 ans. Les épisodes de récurrences sont plus courts et moins intenses avec peu de symptômes généraux. La sévérité de l’herpès facial varie du désagrément à la forme étendue atteignant les lèvres, les joues, le nez et le septum nasal. Chez les patients bien portants, la récurrence se limite au neurotome où a siégé la primoinfection avec peu de gêne. Cependant, lors de certaines circonstances, les récurrences sont nombreuses au cours d’une année, les lésions sont douloureuses, et elles peuvent durer de façon accrue. Le plus souvent, le 23
Dermatologie nombre de récurrences par an est de 2. Moins de 10 % des patients ont plus de 6 récurrences par an. Les prodromes sont à type de prurit, de brûlures et de paresthésies. Ils surviennent chez 60 % des patients.
• L’herpès labial est la localisation la plus fréquente. Les lésions sont localisées à la jonction de la semi-muqueuse rouge vermillon et la peau de la lèvre (Fig. 1). • L’herpès buccal survient exclusivement sur la muqueuse kératinisée du palais dur, sur la gencive attachée, et occasionnellement sur le dos de la langue et ceci devra faire discuter une ulcération d’une aphtose récurrente. L’herpès est unilatéral et ne croise pas la ligne médiane. • L’herpès nasal : les vésicules narinaires et périnarinaires s’associent à une rhinite et une obstruction nasale. • L’herpès périorbitaire. • La topographie radiculaire d’un herpès peut faire discuter un zona.
bbEczéma herpeticum Une dissémination virale peut survenir dans le cadre de maladies dermatologiques inflammatoires, le plus fréquemment lors de dermatite atopique. L’eczéma herpeticum ou syndrome de Kaposi-Juliusberg est due
Figure 1 - Lésion due à l’infection par Herpes simplex au niveau de la lèvre inférieure.
survenir lors de coalescences des vésicules et pustules pour former des placards érosifs. Les croûtes et la guérison surviennent en un mois.
L’évolution L’érythème polymorphe est une maladie d’hypersensibilité retardée à immuns complexes qui vont induire des dommages dans les tissus. Il survient le plus souvent chez les adolescents. L’étiologie peut être due à une réactivation d’une infection en particulier herpétique dans 80 % des cas, ou à
« Moins de 10 % des patients ont plus de 6 récurrences par an » à la contamination profuse d’un eczéma par le virus herpétique. Environ 10 jours après la contamination par le virus herpétique, on voit se développer très rapidement des pustules et des vésicules ombiliquées parfois douloureuses, qui peuvent être précédées par des sensations de brûlures, de picotements sur le visage, la joue et la région périorbitaire dans un contexte de malaise général, de fièvre. Une surinfection bactérienne peut 24
mycoplasmes et/ou à une réaction médicamenteuse concomitante. Des fragments HSV comme superantigènes ont été retrouvés dans les cellules CD34 positives transportées dans la peau. Lors d’atteintes cutanées, les lésions cutanées sont typiques maculopapuleuses en cibles, parfois bulleuses souvent associées à une atteinte muqueuse orale, les lèvres. L’érythème polymorphe récidivant est en général d’origine herpétique.
Diagnostic différentiel Il est avant tout clinique. 1. Dans les cas atypiques et dans les formes cutanéomuqueuses, l’érythème polymorphe peut avoir une autre étiologie que l’infection herpétique. 2. L’impétigo est évoqué lors d’atteinte limitée aux lèvres et aux joues sans atteinte de la cavité buccale. 3. Le main-pied-bouche : les lésions en coup d’ongles sur le bout des doigts et des pieds permettent le diagnostic. 4. L’aphtose buccale est la première cause d’érosions buccales, qui est le premier diagnostic différentiel de l’herpès oral récurrent. Les ulcérations peuvent être mineures, 1 à 5 lésions concomitantes d’environ 5 mm de diamètre sur la muqueuse non kératinisée, guérissant en 10 à 15 jours sans séquelle. Les ulcérations majeures récurrentes peuvent survenir aussi sur la muqueuse kératinisée le palais, le dos de la langue et peuvent atteindre les 10 mm. La guérison avec cicatrices est obtenue au moins en un mois. Les aphtoses herpétiformes se présentent avec de multiples petits ulcères (2-3 mm) douloureux répartis dans la
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© CDC/ Dr. Herrmann
bbTypes d’herpès selon la localisation
L’herpès orofacial
cavité buccale qui tendent à coalescer pour former de grands ulcères. L’existence d’association gastro-intestinale, urogénitale, dermatologique à types papules, pustules, d’érythème noueux, d’ulcères, des arthralgies, arthrites et thromboses orientent vers la maladie de Behçet.
Le diagnostic viral direct Il ne peut être fait que sur des lésions vésiculeuses récentes (3). La culture virale demande 2 à 3 jours. La recherche d’antigènes par ELISA demande 2 à 5 h pour avoir un résultat. Le cytodiagnostic de Tzanck permet le diagnostic de l’effet cytopathogène du virus : œdèmes cellules, inclusions nucléaires. Cette méthode est simple,
rapide mais peu sensible et peu utilisée aujourd’hui. Le diagnostic par PCR très sensible est encore peu utilisé.
Le traitement de l’herpès orofacial chez les patients immunocompétents (4, 5) 1.
La primo-infection : Aciclovir® 200 mg x 5 fois par jour. 2. L’herpes labial est traité par de l’Aciclovir® en crème à 5 % : 5 fois par jour toutes les 4 heures pendant 4 jours, en vente libre chez les pharmaciens. 3. Lors de récurrences : pour le traitement curatif, il n’y a pas de recommandation pour le traitement local ou per os. Pour le traitement préventif, si le patient a de plus de 6 récurrences
par an, on utilise l’Aciclovir® 400 mg x 2 fois/jour ou le Valaciclovir® 500 mg/j avec une évaluation à 4 mois, ou en Angleterre 500 à 1 000 mg 2 fois par jour® 3 à 5 jours. Aux USA, le Valaciclovir® est utilisé a la posologie de 2 g toutes les 12 h pendant 24 h. La crème solaire est indispensable lors d’exposition. 4. Eczéma herpeticum chez l’adolescent : Aciclovir® 400 mg, 5 fois par jour pendant 5 à 10 jours. l
Mots-clés : Herpès orofacial, Diagnostic, Traitements, Manifestations cliniques, Eczéma
Références 1. Lorette G, Crochard A, Mimaud V et al. A survey on the prevalence of orofacial
Venereol 2008 ; 135 : F18-24.
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4. Woo SB, Challacombe SJ. Management of recurrent oral herpes
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2007 ; 103 : Suppl S12 e11-18.
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3. CEDEF. Item no 84: herpes virus infection in immunocompetent
recommendations for access to antiviral therapy of herpes labialis. J Clin
children and adults: cutaneous and mucous herpes. Ann Dermatol
Virol 2012 ; 53 : 6-11.
on en parle
Par le Dr Elodie Morrison, Hôpital Cochin-Port Royal, Paris
JAMA
Faut-il traiter le RGO asymptomatique des asthmes non contrôlés ? 4 Writing Committee for the American Lung Association Asthma Clinical Research Centers, Holbrook JT, Wise RA et al. Lansoprazole for children with poorly controlled asthma. A randomized controlled trial. JAMA 2012 ; 307 : 373-81.
L
es symptômes de reflux sont fréquents chez les enfants et notamment chez les asthmatiques. Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est un facteur favorisant les exacerbations. Le traitement d’un reflux asymptomatique par lansoprazole permet-il un meilleur contrôle de l’asthme ? Cette étude prospective multicentrique comparant les effets du lansoprazole à ceux d’un placebo a été menée chez 306 enfants asthmatiques sur une période de 6 mois. Les patients sélectionnés avaient un asthme non contrôlé sous corticoïdes inhalés et aucun symptôme de reflux. Après randomisation, 157 enfants ont reçu un placebo et 149 ont reçu du lansoprazole. Les caractéristiques épidémiologiques des 2 groupes étaient comparables. Les effets du traitement ont été évalués par le score ACQ, les EFR, un questionnaire de qualité de vie et par le Adolescence & Médecine • Juillet 2012 • numéro 4
nombre d’épisodes d’asthme instable. Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes pour ces critères d’évaluation. Une pH-métrie a été réalisée chez 115 patients et 43 % d’entre eux (soit 49 patients) avaient un RGO. Parmi ces 49 patients, 20 ont reçu un placebo et 29 le lansoprazole. Comme précédemment, les résultats ne différaient pas entre les 2 sous-groupes. De plus, les patients traités par lansoprazole avaient des effets secondaires significativement plus fréquents. Il n’y a donc pas d’intérêt, selon cette étude, à prescrire un IPP dans les asthmes non contrôlés même chez les patients ayant un reflux asymptomatique authentifié à la pH-métrie !
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