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prévention

Les vaccins de l’adolescent Le rendez-vous manqué ? De façon constante, les études consacrées à la couverture vaccinale observent une chute de celle-ci à l’adolescence. Plusieurs faits sont avancés pour

Dr Florence Moulin Hôpital Necker, Paris

expliquer ce phénomène, les uns liés à la perception de la vaccination, les autres à cette période spécifique de la vie.

bbUne période pour “se mettre à jour ” Peu malade, l’adolescent consulte peu. Les occasions de mettre à jour le calendrier vaccinal sont donc rares, ce d’autant que l’adolescent a parfois du mal à se soumettre à un acte médical de prévention. Par ailleurs, à l’exception de la vaccination anti-tétanique, les maladies à prévention vaccinale sont souvent assimilées à la petite enfance. Ainsi, si le besoin de protéger les nourrissons par la vaccination est généralement admis, la nécessité de rappels ou de rattrapages

but d’assurer la protection de l’adolescent mais aussi de contribuer à la protection collective. Cette dernière ne se manifeste que lorsqu’un taux suffisant de couverture vaccinale est atteint, taux variant selon la contagiosité de la maladie à prévenir. Ainsi, les autorités de santé ont fixé des objectifs de couverture vaccinale spécifiques pour la période de l’adolescence (2). Selon les différentes vaccinations ces objectifs sont plus ou moins approchés. © Alexander Raths - Fotolia

Spécificité de la période Adolescente

Vaccin contre la Diphtérie-Tétanospoliomyélite et coqueluche

au moment de l’adolescence ne jouit pas de la même perception. Or l’adolescence présente une étape spécifique en termes de protection vaccinale. En effet, au cours de cette

période, il va falloir prolonger l’immunité des vaccins administrés dans la petite enfance (rappels), “rattraper” les sujets non ou incomplètement vaccinés afin d’accroître l’immunité collective comme dans le cas de la rougeole (rattrapage). Il s’agit enfin de protéger l’adolescent juste avant qu’il ne soit exposé à des risques tels que les infections à papillomavirus ou l’hépatite B (vaccins spécifiques). Les tableaux 1 à 4 visent à rappeler le calendrier vaccinal spécifique à l’adolescence, et les différents cas possibles.

bbUn objectif de santé publique Comme à tout âge, la vaccination a pour Adolescence & Médecine

bbLes recommandations Un rappel par un vaccin quadrivalent DTPCa est recommandé à l’âge de 1113 ans (le rappel pour la poliomyélite étant lui obligatoire jusqu’à l’âge de 13 ans). A 16-18 ans, l’adolescent reçoit un rappel par un vaccin combiné tétanique-poliomyélique et diphtérique à concentration réduite (dTP). La justification de cette recommandation est la persistance d’une incidence élevée des cas de coqueluche chez les jeunes nourrissons contaminés par les jeunes adultes et les adolescents. Cette 5e dose de vaccin contre la coqueluche à l’âge de 11-13 ans est inscrite dans le calendrier vaccinal depuis 1998.

bbQuel taux de couverture ? L’objectif de couverture vaccinale des adolescents, permettant d’espérer une réduction significative des cas de co-

queluche chez les jeunes nourrissons, est évalué par le HCSP à 95 %. En pratique, si le taux de couverture vaccinale observé pour le DTP est de l’ordre de 80 à 85 % (3, 4), ce taux chute en ce qui concerne la coqueluche. Ainsi, en 2003-2004 (3), seuls 57,4 % des adolescents avaient reçu une vaccination complète. Plus récemment, si l’enquête menée par les laboratoires GlaxoSmithKline et l’Institut des Mamans (4) met en évidence une progression de la vaccination contre la coqueluche chez les adolescents (73 %), 42 % des sujets reçoivent encore, hors recommandation, une cinquième dose avant l’âge de 11 ans. Généralement, cette dose est administrée lors du rappel DTP de 5-6 ans. 27


prévention Tableau 1 - Vaccinations actuellement recommandées chez un enfant de moins de 11 ans. Conformément aux recommandations du Haut Conseil de Santé Publique (1), à 11 ans, au moment d’entrer dans l’adolescence, un enfant a reçu : • 5 doses de DTP (2-3-4 mois, 18 mois-6 ans) ; • 4 doses de coqueluche acellulaire (2-3-4 mois, 18 mois) ; • 3 doses de vaccin Pneumo13 (2-4 mois, 12 mois) ; • 2 doses de rougeole-oreillons-rubéole (12 mois, 18 mois) ; • 3 doses d’hépatite B (2-4 mois, 18 mois).

Tableau 2 - Vaccinations recommandées chez l’adolescent et l’adulte jeune. POur tous • 1 rappel de diphtérie-tétanos-poliomyélite (DTP) • 1 rappel de coqueluche (Ca) 3 doses de vaccin contre l’HPV pour les filles 1 rappel diphtérie (à dose réduite)-tétanos-poliomyélite (dTP) 1 dose de vaccin anti méningococcique C pour certains 16/18 ans • 1 rappel diphtérie-tétanos-poliomyélite (dTP) • 1 rappel de coqueluche pour les enfants qui n’auraient reçu le rappel à 11-13 ans 11/15 ans Hépatite B : vaccination à compléter ou à effectuer 11/18 ans Rougeole-oreillons-rubéole : vaccination à compléter ou à effectuer (2 doses) 12/18 ans 2 doses de vaccin contre la varicelle pour les adolescents n’ayant jamais fait la maladie 15/23 ans 3 doses de vaccin contre l’HPV pour les jeunes filles au plus tard dans l’année qui suit le début de leur vie sexuelle et non vaccinées à l’âge de 14 ans.

11/13 ans 14 ans 16/18 ans 11/24 ans

Tableau 3 - Vaccinations contre les risques particuliers. Selon le terrain : grippe, Pneumo23, BCG, hépatite A En fonction d’un voyage ou d’un séjour à l’étranger : voir les recommandations aux voyageurs (BEH)

Tableau 4 - Vaccinations obligatoires ou recommandées selon la profession. Pour les adolescents débutant un parcours professionnel dès l’âge de 16 ans, certaines vaccinations, liées au risque professionnel sont de plus obligatoires ou recommandées. Pour ces situations le médecin du travail évalue l’exposition au risque et vaccine ou non l’adolescent en conséquence. Vaccin Professions concernées Obligatoire/recommandée BCG • Professions de santé Obligatoire • Professions médico-sociales Hépatite A • Professions médico-sociales (personnel des établissements et service pour Recommandée l’enfance handicapée, des établissements de garde pour la petite enfance) • Restauration collective • Traitement des eaux usées Hépatite B • Professions de santé Obligatoire • Professions médico-sociales (en cas d’exposition) Tatoueur Recommandée Grippe • Personnel navigant des bateaux de croisière et avion Recommandée • Personnel accompagnant des voyageurs Leptospirose • Traitement des eaux usées Recommandée • Activités spécifiques en eaux douces Rage • Personnel des services vétérinaires Recommandée • Personnel en contact du matériel pouvant être contaminé (garde forestier, taxidermiste)

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Adolescence & Médecine


Les vaccins de l’adolescent

bbEn pratique Pour les enfants qui ont échappé à ce rappel à 11-13 ans, il est recommandé de leur faire un rattrapage par le vaccin quadrivalent dTPCa (diphtérie à dose réduite) à 16-18 ans. De même, pour ceux qui auraient reçu une cinquième dose à 5-6 ans, le rappel coqueluche sera différé à 11-13 ans, et vaccin le dTPca sera proposé à 16-18 ans.

Vaccination contre l’hépatite B bbLes recommandations Pour les enfants non vaccinés au cours de la première année de vie, le rattrapage de la vaccination contre l’hépatite B a été prolongé jusqu’à l’âge de 15 ans révolus. Chez les adolescents de 11-15 ans, non antérieurement vaccinés et en l’absence de risque élevé d’infection pour le virus de l’hépatite B, à la place du schéma classique en trois doses (0-1-6 mois), un

compléter la vaccination contre l’hépatite B au moment de l’adolescence.

Vaccination contre la rougeole, la rubéole et les oreillons (RRO) Pour les adolescents non vaccinés dans l’enfance, deux doses du vaccin trivalent sont recommandées en respectant un intervalle d’au moins un mois entre les deux. Les adolescents ayant reçu une seule dose dans l’enfance devraient recevoir une deuxième dose.

Cette deuxième dose ne constitue pas un rappel, l’immunité acquise étant de longue durée mais un rattrapage pour les sujets qui n’auraient pas séroconverti lors de la première vaccination.

bbQuels sont les objectifs de couverture vaccinale ? Les objectifs de couverture vaccinale pour éliminer la rougeole sont fixés pour la tranche d’âge des 2 ans à 95 %

« La vaccination contre le papillomavirus est la seule recommandée spécifiquement pour l’adolescence »

observé chez les nourrissons de moins d’un an, qui ne peuvent être protégés par la vaccination, une des caractéristiques de la situation épidémique actuelle est l’âge médian des cas qui est de 14 ans. La très grande majorité des cas survient chez des sujets non vaccinés ou incomplètement vaccinés (5).

bbUn vaccin remboursé maintenant à 100 % jusqu’à 17 ans Dans ce contexte, pour encourager le rattrapage des adolescents réceptifs, la CNAM a annoncé le remboursement à 100 % de la vaccination (2 doses) jusqu’à l’âge de 17 ans au lieu de 13 ans auparavant.

Vaccination contre le méningocoque C En 2010, le Haut Conseil de Santé Publique a ajouté la vaccination contre le méningocoque du groupe C aux recommandations vaccinales. La vaccination est recommandée à tous les nourrissons de 12 à 24 mois avec une seule dose de vaccin conjugué. Cependant, afin d’obtenir rapidement une immunité de groupe, garante d’un impact optimal, une extension systématique jusqu’à l’âge de

schéma simplifié de vaccination à deux injections à six mois au moins d’intervalle peut être proposé. Seuls les vaccins Engerix B® 20 µg et Genhevac B® Pasteur 20 µg ayant reçu l’AMM pour cette indication peuvent être utilisés dans ce cas. Pour les adolescents présentant une vaccination incomplète, il suffit de rattraper le nombre de doses manquantes pour qu’ils soient protégés, au moment où ils

deviennent exposés au risque.

bbLe taux de couverture Les objectifs de couverture vaccinale au moment de l’adolescence, permettant d’espérer un contrôle à long terme de l’hépatite B, sont de 75 %. Dans l’enquête de 2009 (4), seuls 44 % des adolescents ont reçu une vaccination complète. Ces chiffres sont comparables à ceux de 2003-2004, démontrant qu’il est encore difficile d’initier ou même de Adolescence & Médecine

des enfants ayant reçu au moins une dose et 80 % ayant reçu deux doses. A l’âge de 6 ans, 90 % des enfants devraient avoir reçu deux doses Il est noté une progression de la couverture vaccinale pour des adolescents (95,2 % ont reçu une dose en 2009), de même qu’une légère augmentation de la couverture pour la deuxième dose (86 % en 2009 vs 65,7 % en 2004). Cependant ces chiffres sont insuffisants pour interrompre la circulation du virus et la survenue de cas. Depuis 2008, la France est confrontée à des foyers épidémiques de rougeole avec plus de 5 000 cas déclarés en deux ans, ce qui la place au second rang des pays européens en termes d’incidence élevée.

bbUn âge médian épidémique b de 14 ans Si le taux d’incidence le plus élevé est

24 ans révolus est recommandée selon le même schéma d’une dose unique.

Vaccination contre le papillomavirus Il s’agit de la seule vaccination recommandée spécifiquement au cours de l’adolescence, au moment ou juste avant l’exposition au risque. Elle est recommandée depuis 2007 à toutes les adolescentes de 14 ans. Un rattrapage est possible entre 15 et 23 ans pour les jeunes filles qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou au plus tard dans l’année suivant le début de l’activité sexuelle. Un vaccin quadrivalent et un vaccin bivalent sont commercialisés. Dans l’état actuel des connaissances, le vaccin quadrivalent est recommandé préférentiellement. Le schéma vaccinal du vaccin quadrivalent comporte trois doses à 0, 2 et 29


prévention 4 mois. Pour le vaccin bivalent, trois injections sont nécessaires à 0, 1 et 6 mois. Les objectifs de couverture vaccinale fixés par le plan de Santé Publique sont de 60 % pour la vaccination complète.

ddEN PRATIQUE Trois vaccins sont recommandés à l’adolescence • 11/13 ans : DTPCa • 14 ans : anti-HPV • 16/18 ans : dTP

Or, si actuellement la moitié des adolescentes ont initié la vaccination, à peine un peu plus du tiers bénéficient d’une vaccination complète et sont donc protégées. Cette différence entre l’initiation et la vaccination complète est observée dans d’autres pays, les taux de couverture les plus élevés sont obtenus en cas de vaccination réalisée en milieu scolaire.

Vaccination contre la varicelle A l’exception des enfants appartenant à des groupes à risques spécifiques (BEH), la vaccination contre la varicelle est réservée aux adolescents de 12 à 18 ans n’ayant pas d’antécédents cliniques de varicelle. Cette recommandation figure dans le calendrier vaccinal depuis 2007. Le contrôle sérologique avant vaccination n’est pas obligatoire dans ce cas. Le schéma vaccinal consiste en deux doses espacées au moins d’un mois. L’enquête Vaccinoscopie (4) regroupe les seules données disponibles sur l’observation de cette recommandation. Ainsi parmi les adolescents réceptifs vis-à-vis de la varicelle, 5 % ont reçu au moins une dose, et à peine 10 % de ceux-ci la deuxième dose. Soit actuellement, seul un adolescent sur 100 sans antécédent de varicelle bénéficie d’une vaccination complète.

Conclusion : une couverture vaccinale de l’adolescent insuffisante L’insuffisance de couverture vaccinale des adolescents et des jeunes adultes trouve son illustration dans l’épidémie actuelle de rougeole. Même si des progrès ont été accomplis au cours des dix dernières années, cette couverture

des pouvoirs publics concernant spécifiquement la période de l’adolescence comme le remboursement à 100 % de la vaccination RRO jusqu’à l’âge de 17 ans ou l’extension du rattrapage de l’hépatite B jusqu’à 15 ans avec un schéma simplifié de 2 doses. En l’absence d’une réflexion sur l’opportunité de vacciner en milieu scolaire, stratégie qui a montré son efficacité dans différents pays, il

« Il est nécessaire de mettre à profit toutes les occasions de consultations en médecine communautaire ou hospitalière pour mettre à jour le calendrier vaccinal. » reste médiocre notamment pour la coqueluche, l’hépatite B et le vaccin rougeole-rubéole-oreillons.

est nécessaire de mettre à profit toutes les occasions de consultations en médecine communautaire ou hospitalière, pour mettre à jour le calendrier vacci-

Plus en détail, si le taux d’initiation des vaccinations est en hausse, persiste le problème des vaccinations incomplètes comme dans le cas du vaccin contre les infections à papillomavirus. Cette particularité rend compte des difficultés de l’adolescent à consulter plusieurs fois de suite pour un acte de prévention. Afin d’améliorer cette situation, différentes mesures ont été prises au niveau

nal.

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Mots-clés : Vaccination, Diphtérie, Tétanos, Poliomyélite, Rougeole, Oreillons, Rubéole, Coqueluche, Pneumo23, Hépatite B, Varicelle, Calendrier Vaccinal, Epidémiologie, Papillomavirus

Références 1. Le calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales

milieu scolaire, 2001-2004. BEH 2007 ; 6 : 45-52

2010 selon l’avis du Haut conseil de la santé publique. BEH 2010 ; 14-15 :

4. Gaudelus J, Cohen R, Lepetit H et al. Vaccinoscopie : couverture

121-72.

vaccinale chez les adolescents en 2009. Méd Enf 2010 ; 387-91.

2. Principales recommandations et propositions en vue de la prochaine

5. Parent du Châtelet I, Antona D, Freymuth F et al. Spotlight on measles

loi pour une politique de santé publique. Décembre 2009. www.hcsp.fr

2010: Update on the ongoing measles outbreak in France, 2008-2010.

3. Antona D, Fonteneau L, Levy-Bruhl D et al. Couverture vaccinale des

Euro Surveill 2010 ; 15.

enfants et des adolescents en France : résultats des enquêtes menées en

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