Rythmologie
Les nouveautés de 2012 qui changent nos pratiques en 2013
Mise au point en rythmologie
Walid Amara (Unité de Rythmologie, GHI Le Raincy-Montfermeil, walamara@gmail.com)
L’année 2012 a été riche en nouveautés en rythmologie. La première, et celle-ci a été largement commentée, est l’essor des nouveaux anticoagulants dans la prise en charge de la fibrillation atriale (FA). Deux (le dabigatran et le rivaroxaban) sont déjà utilisés en pratique. Le troisième (l’apixaban) a maintenant une AMM européenne et il est en attente d’un prix dans cette indication. Cet article va traiter des autres nouveautés en rythmologie sur un an, que ce soit les études notables sur l’année ou les recommandations.
Les nouveaux anticoagulants dans la FA
Tous ces nouveaux anticoagulants sont maintenant intégrés dans la dernière mise à jour des recommandations européennes de prise en charge de la fibrillation atriale (1), qui ont été publiées en septembre 2012. Ces recommandations accordent une place de choix aux nouveaux anticoagulants y compris en première intention. Tous les anticoagulants (antivitamines K et les trois nouveaux anticoagulants) sont indiqués en classe I chez les patients ayant un score CHA2DS2VASc de 2 ou plus et en classe IIa chez les patients ayant un score CHA2DS2VASc égal à 1. Les nouveaux anticoagulants sont indiqués en classe I chez les patients ayant des INR instables ou incapables de suivre leurs INR. Ils
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sont indiqués en première intention chez tous les patients avec une classe de recommandation IIa (Tab. 1). L’une des critiques qui est faite à ces nouveaux anticoagulants est celle de l’absence d’antidote et de monitoring en routine. Des pistes sont maintenant évoquées, notamment concernant la prise en charge en cas d’hémorragie ou de chirurgie urgente. Des recommandations du Groupe d’intérêt en hémostase périopératoire (GIHP) ont ainsi été publiées en fin d’année 2012 (2). Ces recommandations fournissent des “recettes” en cas de chirurgie ou d’hémorragie. Ainsi, en cas de chirurgie urgente, il est possible pour le dabigatran, de doser le dabigatran ou en cas de non-disponibilité d’évaluer le TCA qui donne une idée de l’anticoagulation du patient. Dans le
cas du rivaroxaban, il est possible également de doser le rivaroxaban mais également d’évaluer les tests d’hémostase standard ou de doser un temps de thrombine spécifique du rivaroxaban. Si pour ces deux traitements des antidotes spécifiques n’existent pas, il a été démontré que l’on peut normaliser l’hémostase (chez des patients en dehors d’une situation de saignement toutefois) soit par l’administration d’un complexe prothrombinique (notre bon vieux PPSB), soit par l’administration de FEIBA.
L’ablation de la FA en classe I
Dans ces mêmes recommandations de septembre 2012, la nouveauté est la place de l’ablation de la FA. Celle-ci est pour la première
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L’ablation de FA est également indiquée en classe IIa en première intention chez des patients avec une FA paroxystique symptomatique comme alternative au traitement antiarythmique (Tab. 2). Les indications d’ablation de FA en première intention sont issues d’une étude publiée en 2012 dans le New England Journal of Medicine, l’étude MANTRA PAF (3). L’étude MANTRA PAF a inclus des patients présentant une FA paroxystique qui ne recevaient pas de traitement antiarythmique et qui ont été randomisés entre ablation de la FA en première intention et traitement antiarythmique. Sur le critère primaire de charge cumulée de FA à 35 jours et à 2 ans, il n’a pas été noté de différence significative entre les deux stratégies. On note cependant moins de patients présentant une FA à 24 mois (Fig. 1) et une meilleure qualité de vie dans le groupe ablation.
Brugada asymptomatique ? Le DAI n’est vraiment pas anodin
Le dernier consensus concernant les indications de défibrillateur implantable en cas de syndrome de Brugada date de 2005 (4). Ces indications étaient basées notamment sur l’induction d’un trouble du rythme ventriculaire lors de la stimulation ventriculaire pro-
Tableau 1 – Indication des nouveaux anticoagulants dans la mise à jour des recommandations ESC de prise en charge de la FA non-valvulaire. Indication
Classe de recommandation
Niveau de preuve
I
B
IIa
A
Chez les patients ayant des difficultés à maintenir l’INR dans la cible, présentant des effets secondaires des AVK ou incapables d’avoir des INR Chez les patients ayant une indication aux anticoagulants en préférence aux AVK
Tableau 2 – Indications de l’ablation de la FA. Indication
Classe de recommandation
Niveau de preuve
FA paroxystique symptomatique avec des récurrences sous traitement antiarythmique et qui préfèrent le contrôle du rythme
I
A
Traitement de première intention chez des patients sélectionnés avec une FA paroxystique symptomatique comme alternative au traitement antiarythmique
IIa
B
grammée. Aucun consensus n’a été publié depuis. En 2012, le registre PRELUDE (Programmed electrical stimulation predictive value) a été publié (5). Il a inclus près de 300 patients présentant un syndrome de Bru-
140
Nombre de patients
fois en classe I chez les patients ayant une FA paroxystique avec récurrences symptomatiques sous traitement antiarythmique et qui préfèrent le contrôle du rythme par un opérateur et dans un centre expérimenté.
120
gada. L’étude ne retrouve pas de valeur prédictive à la stimulation ventriculaire programmée. Les facteurs prédictifs d’un risque rythmique étaient les antécédents de syncope, un aspect de type I spontané et une période réfractaire ventriculaire < 200 ms.
p = 0,004 p = 0,012
100 80
FA Symptomatique
60
Toute FA
40
Pas de FA
20 0 RFA
AAD
Figure 1 – FA à 24 mois.
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Rythmologie
Faut-il explorer les préexcitations asymptomatiques ?
Il est rappelé dans le consensus publié en 2012 (6) que l’intermittence de la préexcitation est un facteur de bénignité. De même, la disparition abrupte de la préexcitation à l’épreuve d’effort témoigne d’une période réfractaire longue de la voie accessoire. En l’absence de ces critères, une exploration électrophysiologique endocavitaire ou endo-œsophagienne est indiquée. Les critères conduisant à l’ablation sont un RR court en FA inférieur à 250 ms (classe IIa), une TSV inductible (classe IIb) ou selon les caractéristiques du patient en cas de RR en FA > 250 ms (classe IIb).
Les indications de resynchronisation étendues au stade II de la NYHA
Suite aux résultats des études MADIT CRT et RAFT qui ont inclus des patients au stade I et II de la NYHA, les recommandations ESC de prise en charge de l’insuffisance cardiaque (7), ont ouvert la voie à la resynchronisation dès le stade II. Ces nouvelles recommandations vont, ainsi, prendre en compte, outre le stade NYHA, la largeur des QRS et la morphologie des QRS. La place de la resynchronisation dans ces recommandations est résumée dans le tableau 3. La resynchronisation est possible en cas de FA. Une méta-analyse a montré les résultats favorables de l’ablation de la jonction auriculoventriculaire chez ces patients (8). Cette méta-analyse de trois essais
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Tableau 3 – Indications de resynchronisation dans les recommandations ESC de 2012. Classe NYHA
Indication
Classe de recommandation
Niveau de preuve
III-IV
Rythme sinusal, QRS ≥ 120 ms, aspect de BBG, FE ≤ 35 % avec une espérance de vie > 1 an pour réduire les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité
I
A
III-IV
Rythme sinusal, QRS ≥ 150 ms, sans aspect de BBG, FE ≤ 35 % avec une espérance de vie > 1 an pour réduire les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité
IIa
A
I
A
IIa
A
II
Rythme sinusal, QRS ≥ 130 ms, aspect de BBG, FE ≤ 30 % avec une espérance de vie > 1 an pour réduire les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité
II
Rythme sinusal, QRS ≥ 150 ms, sans aspect de BBG, FE ≤ 30 % avec une espérance de vie > 1 an pour réduire les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité
a retrouvé une baisse de mortalité sous traitement.
Syncope vagale : une nouvelle preuve pour la stimulation cardiaque
L’étude ISSUE 3 (9) a inclus des patients présentant une syncope vasovagale. Les patients ont été implantés d’un holter implantable (Reveal DX/XT). Le holter implantable a été suivi pendant une durée maximale de 2 ans. Les patients étaient éligibles en cas de récidive de syncope associée à une asystolie d’au mois trois secondes ou en cas de diagnostic d’asystolie non-syncopale d’au moins six secondes. Tous les patients ayant ces critères étaient implantés d’un stimulateur cardiaque double chambre.
Ils étaient ensuite randomisés entre stimulation ON ou OFF. Le principal critère de jugement était les récidives de syncope en analyse en intention de traiter (Fig. 2). À 2 ans, il a été noté 25 % de récidives dans le PM ON et 57 % dans le groupe PM OFF, soit une réduction significative du risque de 57 % (p = 0,039). Au total, cette étude montre que l’implantation d’un stimulateur cardiaque chez des patients présentant des syncopes vasavogales récidivantes avec pauses identifiées est efficace pour réduire les récidives de syncope. Cette réduction était substantielle et était de 32 % en termes de réduction absolue et 57 % en termes de réduction relative. Cette étude montre par ailleurs l’intérêt de proposer un holter implantable aux patients présentant une syncope vasovagale.
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Absence de récidive de syncope
Les nouveautés de 2012 qui changent nos pratiques en 2013
1 .9 .8 .7 .6 .5 .4 .3 .2 .1 0
Pm ON
Pm OFF
p = 0.039
0 Nombre à risque PM OFF 39 PM ON 38
3 31 32
6 25 27
9 21 22
12 Mois 21 16
15 18 14
18 15 13
21 12 13
24 8 11
Figure 2 – Survie sans récidive de syncope à 2 ans.
Conclusion
Au total, l’année 2012 a été riche en nouveautés. Certaines, notamment les recommandations de prise en charge de la FA et de l’insuffisance cardiaque, sont déjà dans les pratiques. Tout ne s’arrête pas là
pour autant. Outre les études, ces derniers mois ont vu l’arrivée, par exemple, du premier défibrillateur implantable IRM compatible ou du défibrillateur à sonde sous-cutanée. Les progrès avancent et ne s’arrêtent donc pas en 2013. n
Mots-clés : Rythmologie, Nouveautés, Anticoagulants, Fibrillation atriale, Insuffisance cardiaque
Bibliographie 1. Camm AJ, Lip GY, De Caterina R et al. 2012 focused update of the ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation: an update of the 2010 ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation. Developed with the special contribution of the European Heart Rhythm Association. Eur Heart J 2012 ; 33 : 2719-47. 2. Recommandation du GIHP. Décembre 2012. 3. Nielsen JC, Johannessen A, Raatikainen P et al. Radiofrequency ablation as initial therapy in paroxysmal atrial fibrillation. New Engl J Med 2012 ; 367 : 1587-95. 4. Antzelevitch C, Brugada P, Borggrefe M et al. Brugada syndrome: report of the second consensus conference: endorsed by the Heart Rhythm Society and the European Heart Rhythm Association.Circulation 2005 ; 111 : 659-70. 5. Priori SG, Gasparini M, Napolitano C et al. Risk stratification in Brugada syndrome: results of the PRELUDE (Programmed electrical stimulation predictive value) registry. J Am Coll Cardiol 2012 ; 59 : 37-45. 6. Consensus PACES, HRS, ACCF, AHA et AAP de prise en charge du pa-
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tient jeune asymptomatique présentant un aspect ECG de Wolff Parkinson White. 7. McMurray JJ, Adamopoulos S, Anker SD et al. ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2012: The Task Force for the Diagnosis and Treatment of Acute and Chronic Heart Failure 2012 of the European Society of Cardiology. Developed in collaboration with the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur Heart J 2012 ; 33 : 1787-1847. 8. Ganesan AN, Brooks AG, Roberts-Thomson KC et al. Role of AV nodal ablation in cardiac resynchronization in patients with coexistent atrial fibrillation and heart failure a systematic review. J Am Coll Cardiol 2012 ; 59 : 719-26. 9. Brignole M, Menozzi C, Moya A et al. Pacemaker therapy in patients with neurally mediated syncope and documented asystole: Third International Study on Syncope of Uncertain Etiology (ISSUE-3): a randomized trial. Circulation 2012 ; 125 : 2566-71.
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